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Soldat au 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine, Mayeul a combattu contre les talibans lors de la tristement célèbre embuscade d'Uzbin, le 18 août 2008 en Afghanistan. Dans son livre "La voie du soldat", il relate avec une authenticité inédite les combats de cette journée meurtrière au cours de laquelle dix militaires français ont perdu la vie. En plus de dévoiler la réalité du métier de militaire parachutiste dans les zones de conflits, Mayeul témoigne de la manière dont il a surmonté le syndrome post-traumatique qui l'a frappé après ces épreuves. Il raconte également sa reconversion dans la sécurité privée au Yémen, ses missions de contre-piraterie dans l'océan Indien, son expérience rocambolesque dans le commerce de l'or en Afrique ainsi que sa collaboration avec les services secrets français. À travers son récit au cœur des forces armées et du milieu de la protection rapprochée, il partage ses réflexions sur l'engagement, le courage et le sacrifice.

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Transcription
00:00Il reste un peu moins de deux semaines pour mettre TV Liberté à l'abri jusqu'à la prochaine attaque.
00:06Ces derniers jours, vous avez déjà été incroyablement nombreux à nous témoigner votre soutien.
00:11Mais la censure bancaire, ordonnée par un pouvoir politique aux abois, nous a asséné un coup dur.
00:16En nous privant de notre compte bancaire et donc d'une partie des soutiens mensuels que nous recevions,
00:21notre budget prévisionnel a été littéralement amputé.
00:25Aujourd'hui encore, l'équilibre n'est pas rétabli.
00:27Parmi vous, je le sais, certains souffrent aussi de cet extrême centre au pouvoir qui nous appauvrit.
00:34Mais d'autres attendent aussi un peu impassible, un changement qui ne viendra pas sans rien faire.
00:38Pour renverser la table, chacun doit, à sa mesure, se retrousser les manches.
00:44Et renverser la table, c'est avant tout éveiller les consciences.
00:47Mais nous ne pouvons pas continuer cette mission sans vous.
00:50Alors dès à présent, aidez TVL.
00:53Il n'y a pas de petits gestes, chacun d'entre vous peut changer notre destin.
00:57Et nous continuerons, nous, à faire beaucoup avec bien peu.
01:01Alors je compte sur vous.
01:02Bonjour à tous.
01:20Ravi de vous retrouver pour ce Zoom, aujourd'hui en compagnie de Mayeul.
01:25Bonjour Mayeul.
01:25Bonjour Pierre.
01:26Mayeul, vous êtes ancien soldat du 8e RPIMA, le régiment parachutiste d'infanterie de marine situé à Castres.
01:35Vous avez combattu les talibans en Afghanistan lors de l'embuscade d'Ouzbin.
01:40C'était le 18 août 2008.
01:42Vous avez ensuite quitté l'armée pour d'autres horizons.
01:45La sécurité privée au Yémen, la contre-piraterie dans l'océan Indien, le commerce de l'or en Afrique.
01:51Et une collaboration avec les services secrets français.
01:54Vous publiez cet ouvrage aujourd'hui.
01:57La voix du soldat chez Mareuil.
01:59Édition, évidemment, à retrouver sur la boutique de TV Liberté.
02:03Mayeul, est-ce que vous pouvez nous expliquer comment vous est venue l'idée d'écrire ce livre ?
02:09Est-ce que c'était un besoin ?
02:10C'était une envie ? C'était une demande ?
02:13Alors, j'ai écrit ce livre pour plusieurs raisons.
02:15La première, c'était pour essayer de transmettre des valeurs qui sont pour moi fondamentales.
02:20Que toute cette vie d'aventure m'a apprise.
02:25Qui sont le courage, la loyauté et la fidélité.
02:28Que je développe dans le livre.
02:30Je crois que c'est indispensable dans cette société, si on veut faire avancer un peu les choses.
02:35Qu'on se pose cette question sur ces valeurs-là.
02:38Et puis, si jamais il y avait des lecteurs qui sont un peu en quête de sens,
02:43pourquoi pas donner un coup de main ?
02:46La deuxième raison, c'est pour parler de la résilience.
02:48C'est souvent un mot qui est souvent galvaudé.
02:51Et en fait, pour montrer aux lecteurs que...
02:56Bien qu'on puisse vivre...
02:57Bien qu'on puisse vivre...
02:59Quelle que soit la souffrance, qu'on puisse se relever de tout ça.
03:03Et avoir une nouvelle vie et revivre.
03:05Et non pas survivre.
03:06Et puis la troisième, qui est aussi pour moi fondamentale, c'est le devoir de mémoire.
03:10Et transmettre aux nouvelles générations le parcours de leurs anciens maintenant.
03:15Voilà.
03:16– Je le dis à nos téléspectateurs, c'est la première fois que je le fais.
03:20Vous connaissez Maïol, on se connaît depuis l'enfance.
03:23On est tous les deux issus de la région d'Uberi.
03:27J'étais dans une salle de rédaction le 18 août 2008, au spectacle du Monde,
03:34quand Frédéric Mons m'annonce que dix soldats français viennent de tomber
03:39dans la vallée d'Ouzbine lors de cette embuscade.
03:43Vous y étiez.
03:45Vous avez été envoyé en première ligne lors de cette journée.
03:49Est-ce que vous pouvez revenir sur les événements de cette opération
03:53qui s'est terminée, comme je le dis, avec la mort de dix soldats français ?
03:58– Alors effectivement, il y a une première section qui est partie ce 18 août 2008.
04:01On était arrivés en Afghanistan depuis moins d'un mois.
04:05Et c'était notre baptême du feu.
04:07Parce qu'on avait effectué beaucoup de patrouilles auparavant,
04:10mais on n'avait pas encore accroché avec rencontrer l'ennemi.
04:15Et donc une première section est partie en patrouille le matin, assez tôt.
04:19a été prise sous le feu en milieu de matinée, sous un feu extrêmement nourri.
04:25Et donc l'alerte a été donnée.
04:27Moi j'étais de QRF à l'époque, donc ça veut dire Quick Reaction Force.
04:31C'est une alerte pour intervenir le plus rapidement possible.
04:36Et donc on est parti très vite.
04:38On mettra moins d'une heure pour les rejoindre,
04:39alors qu'il faut plus de deux heures de piste pour y aller,
04:42en prenant tous les risques possibles.
04:45– Il est quelle heure quand vous arrivez sur place ?
04:46– Il est entre midi et 13h.
04:48– D'accord.
04:49– Après il est plutôt près de 13h.
04:52Et donc là l'idée c'était de s'imbriquer au plus près des camarades
04:58pour ceux qui étaient restés au pied du village,
05:00et de monter dans le col pour aller combattre avec les talibans
05:04et permettre à la section qui était sous le feu de se désengager.
05:08Sauf que ça ne se pas passer comme prévu, c'est la guerre.
05:12Et ce n'est pas toujours une science exacte.
05:14Et donc on a été pris sous le feu avant d'arriver dans le village.
05:17Donc on a dû très vite débarquer.
05:19On devait monter sur la ligne de crête pour aller prendre les talibans à revers,
05:24les éliminer et permettre du coup à la section de Kermin 2,
05:27moi j'étais à Kermin 3, de se désengager le plus rapidement possible
05:30pour éviter, parce que là ils étaient beaucoup trop imbriqués avec les talibans
05:33et les camarades tombaient un par un.
05:37Il fallait reculer pour éventuellement se réarmer, réarticuler et revenir plus fort.
05:44Bon, ça ne s'est aussi pas passé comme prévu.
05:46On n'a pas réussi à les rejoindre.
05:47Donc on a combattu toute la journée jusqu'à à peu près 21h le soir.
05:52– Quelles étaient les forces en présence, Mayol ?
05:54Est-ce que vous avez une idée ?
05:55Du côté français, vous devez le savoir,
05:57mais du côté talibans, combien étaient-ils ?
06:01Est-ce que vous avez aujourd'hui une idée de l'effectif ?
06:05– Oui, elle est approximative, mais elle est plutôt proche de la vérité.
06:10Les talibans étaient à peu près, on pense entre 80 et 100 talibans
06:13à temps de l'embuscade, qui étaient bien préparés,
06:16parce qu'ils avaient déjà des trous de combat,
06:17ils avaient déjà préparé des cages d'armes derrière le col,
06:20de l'autre côté du col, de façon à ravitailler,
06:22faire un ravitaillement régulier en munitions
06:24pour ne jamais arrêter le tir sur nous.
06:26Et puis d'éliminer le plus de soldes à France, c'est possible.
06:32Mais dans la journée, ils ont eu aussi beaucoup de renforts,
06:35parce qu'ils ont eu beaucoup de pertes.
06:36Donc ils ont eu beaucoup de renforts.
06:38Et sur des talibans qui étaient en face de nous pendant quelques heures,
06:42ensuite en milieu de l'après-midi, les talibans nous avaient quasiment encerclés.
06:46Déjà, ils étaient sur la ligne de crête,
06:47donc qui tient les hauts, qui tient les bas.
06:49Et ils étaient étalés sur à peu près 2 km de ligne de crête.
06:53Ils étaient environ 200 talibans.
06:54– Et face à ces talibans, combien de soldats français ?
06:58– Alors au début, 30, c'était la première section.
07:02Ensuite, nous, nous sommes arrivés avec une section d'appui mortier
07:05qui est restée à l'arrière pour nous appuyer avec les mortiers.
07:10Mais nous, on est arrivés à 30 et on est arrivés avec une section de l'Afghan,
07:13où ils étaient à peu près une trentaine aussi,
07:15mais qui nous lâcheront très vite pendant les combats.
07:18Donc on va se retrouver à peu près à 80 pour se battre contre ces plus de 200 talibans.
07:29Alors après, là, on en parle de l'armée française,
07:32mais il ne faut pas oublier quand même qu'il y a l'aviation américaine
07:34qui est venue nous renforcer.
07:37Et c'est ce qui a permis aussi de pouvoir nous désengager
07:39pour nous réorganiser, pour repartir pour l'infiltration tenue.
07:43D'accord. Heureusement que l'aviation était là.
07:45– Vous arrivez sur le terrain, Mayol, vous êtes donc pris sous le feu des talibans
07:50avec des armes style kalachnikov, fusil d'assaut soviétique.
07:57Qu'est-ce que vous vous dites quand vous êtes engagé,
07:59quand vous supportez les tirs, quand vous devez riposter
08:04et que vous êtes vraiment dans le feu ?
08:09– Alors effectivement, c'était des armes type kalach,
08:12mais lui aussi il y avait des armes plus lourdes que ça.
08:14Il y avait des roquettes type RPG, il y avait des 12K avec des calibres 4,5.
08:18C'est quand même des calibres assez violents.
08:22Bon, il faut remettre les choses dans son contexte.
08:24Ce jour-là, il faisait 42 degrés.
08:26C'est un climat qui est très sec.
08:28Moi, je porte quasiment 40 kg sur le dos.
08:33Plus l'arme, plus ma radio.
08:36Parce que moi, j'étais radio de mon chef de section ce jour-là.
08:40En fait, on est très vite pris dans une machine à laver un peu infernale.
08:45Et on n'a pas vraiment le temps de réfléchir.
08:48– C'est que à l'instinct.
08:49– C'est que à l'instinct.
08:50Nous, on appelle ça dans l'armée des actes réflexes.
08:53C'est-à-dire qu'on a tellement drillés, on s'est tellement entraînés
08:56qu'on ne se pose pas de questions pour faire les choses.
08:58En fait, les moments où on commence à un peu prendre conscience
09:03de ce qu'on est en train de vivre, c'est dans les très courts moments de répit.
09:09Et les courts moments de répit, c'est les moments où les talibans en chargent.
09:12Donc, ils sont très courts.
09:14Parce que le feu reprend très vite.
09:16Et là, on commence à se rendre compte que, ok, en fait, on peut mourir.
09:19On va peut-être même probablement mourir.
09:22– Vous vous êtes clairement dit, vous l'expliquez dans votre ouvrage,
09:25que vous alliez mourir.
09:26– Ah oui, oui. Moi, je me suis dit, je l'explique peut-être un peu plus maintenant
09:31pour différentes raisons, mais il y a un gros facteur chance dans ces combats.
09:37Et en fait, si j'avais fait un pas à droite, je serais mort.
09:40Si j'avais fait un pas à gauche, je serais mort.
09:42J'ai eu de la chance.
09:44Moins d'autres, d'autres un peu moins, pardon.
09:47Mais quand les balles vous sifflent dans tous les sens, par terre ou suie,
09:50que au début, les balles vous tapent sur les rochers,
09:53derrière lesquelles vous vous protégez,
09:54mais que dans l'après-midi, les balles tapent derrière,
09:57ça veut dire que là, on comprend qu'on est encerclé.
09:59Moi, j'étais pris à partie par un sniper qui m'a longuement pris à partie,
10:04qu'on a réussi à tuer quelques temps après.
10:07Mais j'ai quand même pris une balle dans le sac à dos.
10:10J'ai eu beaucoup de chance à plein de moments de ma journée.
10:13Je sais ce que j'explique dans le livre.
10:16Ça, c'est vraiment des moments où on a peur.
10:18Mais en fait, l'esprit de camaraderie, de faire attention à ses copains,
10:23prend rapidement le dessus et on gérera nos émotions après.
10:30Combien de temps dure cette séquence, cette embuscade ?
10:34C'est toute la journée ?
10:36Oui, si on prend à partir du début, du début, début,
10:40donc la première section sous le feu,
10:41ça a duré d'à peu près 10h du matin à…
10:47Je ne parle que de la partie feu,
10:4910h du matin et ça s'est calmé vers 21h.
10:52Quand vous arrivez sur le terrain,
10:54est-ce qu'il y a déjà des soldats français à terre ?
10:57Oui, en fait, moi j'en entends le temps du trajet.
11:02Donc moi j'écoute la radio et je suis sur les mêmes ondes radio
11:04que la section qui est sous le feu.
11:07Et donc effectivement, avant qu'on arrive sur le terrain,
11:09avant qu'on débarque dans cette vallée
11:11où l'enfer se déchaîne dès qu'on sort des véhicules,
11:16effectivement, j'ai déjà entendu comment ce massage cardiaque,
11:20il y a un camarade qui est tué.
11:22Ils n'étaient pas tous morts, il y en avait peut-être deux, trois.
11:25Il y avait déjà des blessés,
11:26mais tout le monde n'était pas mort.
11:28Après, ils sont morts au fur et à mesure de la journée
11:30quand on a combattu avec les talibans.
11:33Vous avez dû relever les corps de vos camarades
11:36tués par les talibans.
11:39Une épreuve qui a laissé des traces sur votre psychisme.
11:43On va en parler dans un instant.
11:44Qu'est-ce que vous pouvez nous dire de ces moments-là ?
11:47C'est des moments terribles.
11:50Voir des morts, déjà, ce n'est pas très agréable.
11:54Mais quand ce sont des frères d'âme
11:55avec qui vous avez combattu,
11:58ça rend les choses beaucoup plus violentes.
12:01Moi, au début, j'étais tellement fatigué
12:04qu'il y a un moment donné, dans la nuit,
12:06quand on a commencé à découvrir de plus en plus
12:08nos frères d'âme décédés,
12:11j'étais tellement fatigué
12:12que je n'avais plus vraiment de lucidité.
12:13j'ai commencé à prendre conscience de tout ça
12:17quand on est arrivé à réussir à prendre le col au petit matin,
12:21à lever du soleil,
12:22parce qu'il fallait qu'on prenne absolument le petit matin
12:24pour ne pas que les talibans reviennent,
12:25puisque qui tient les hauts tient les bas.
12:26Et ça ne les a pas empêchés de revenir, d'ailleurs,
12:29mais moi, c'est vraiment au moment où je suis descendu,
12:32les chercher.
12:32C'était les porter et dire,
12:33ok, par exemple, celui-là,
12:35moi, j'étais à la messe la veille avec lui,
12:38on partageait pas mal de choses ensemble,
12:39je ne le reverrai plus.
12:41Celui-là, ce matin, j'ai tendu mon linge,
12:43sa femme venait de lui dire
12:44qu'elle allait avoir le sexe de son enfant,
12:47je ne le reverrai plus.
12:49Et ça, c'est hyper violent.
12:50Et puis, il est porté,
12:51et puis, il y a la dignité,
12:52parce que je ne vais pas rentrer en les détails,
12:53mais à cette heure du mat, il fait plus de 30 degrés,
12:57il y a l'odeur, il y a la rigidité cadavérique,
12:59puis on se dit, mon papa, il est traîné.
13:00C'est hyper violent,
13:01parce qu'on a l'impression de faire encore du mal
13:03à nos camarades.
13:05Et moi, le SPT, il a commencé à ce moment-là.
13:09– Les talibans ont aujourd'hui repris Kaboul,
13:13ils ont repris le pouvoir en Afghanistan.
13:17Vous les avez affrontés, ces combattants talibans.
13:20Qu'est-ce que vous pouvez nous dire
13:22de ces soldats, de leur capacité au combat,
13:26sur la stratégie, la technique ?
13:29– Alors, pour moi, c'est avec du recul, bien entendu,
13:33mais moi, je crois que c'est des…
13:36Alors, je ne fais pas de géopolitique.
13:39– Bien sûr.
13:40– Ce n'est pas l'idée du livre,
13:42je n'en ferai pas là,
13:43mais en tout cas, purement militairement,
13:45moi, je trouve que c'est des bons soldats.
13:47Après, avec de l'altitude d'aujourd'hui,
13:49c'est sûr que quand on retrouve,
13:50moi, quand j'ai ramassé les cordes de mes camarades,
13:51et que je les ai vus dépouillés,
13:53ils n'avaient plus de rangers,
13:55pour certains, ils étaient juste en slip,
13:56dans cette montagne,
13:59et ça, c'était hyper violent pour nous,
14:00parce qu'on se dit, en plus, ils les ont tués,
14:01mais non seulement ils les ont tués,
14:02mais en plus, ils les ont dépouillés.
14:03Enfin, c'est…
14:05Parce que du viol, en fait, c'est très violent.
14:08Mais maintenant, avec du recul, on se dit,
14:09mais en fait, nous, on n'aurait pas grand-chose,
14:11on n'aurait pas beaucoup de matériel,
14:12on ferait quoi ?
14:14Puis finalement, moi, je me suis ravitaillé
14:15sur les corps de mes camarades aussi,
14:17pour certaines affaires, pour des munitions.
14:19Et c'est des bons soldats,
14:21ils sont très, très bons dans l'art de la dissimulation,
14:24ce qui rend les combats très compliqués,
14:27en tout cas, s'il n'y a pas de mouvement de troupes,
14:29parce que, par exemple, l'appui n'est rien,
14:32en fait, les mecs se cachent,
14:33on ne les voit pas, au début, on tire,
14:34pour faire baisser les têtes,
14:36mais sans vraiment avoir quelqu'un dans sa ligne de guerre.
14:38– Et vous expliquez, Mayol, dans votre ouvrage,
14:40qu'il vous est arrivé de traverser un village
14:43sans qu'il n'y ait aucune hostilité,
14:46et qu'en revenant, vous tombiez dans des pièges,
14:49ou avec des mines, ou des gens qui vous tirent dessus ?
14:51– Bien sûr, parce que les talibans,
14:52ils marchent avec la terreur.
14:54En fait, eux, ils descendent dans les villages,
14:58et ils menacent la population.
15:00C'est soit…
15:01Donc, ils récupèrent les hommes en âge de se battre,
15:04et ce n'est pas compliqué.
15:06Soit on les menace de tuer leur famille
15:07s'ils ne rejoignent pas les rangs, les talibans,
15:10soit on y trouve le mec un peu fragile,
15:14ou qui a besoin d'argent,
15:15et dans tous les villages, ils en ont besoin,
15:16en disant, si tu tues un Français,
15:18tu auras tant de dollars,
15:20si tu abats un hélico français,
15:23tu auras tant de dollars,
15:24et c'est pareil pour tous les pays.
15:24En fait, on est tous mis à prix,
15:27tout est mis à prix,
15:27les matériels, les hommes de la coalition.
15:30Donc, il n'y a forcément que le gars,
15:32le petit paysan qui prouve
15:34qu'il n'y a rien pour faire vivre sa famille,
15:36il va y aller.
15:37Et de toute façon, s'il n'y va pas,
15:39ça va être la deuxième version,
15:41menace de mort, ils vont tuer sa femme.
15:42Et puis, ils le font.
15:43Donc, c'est des bons combattants,
15:45et qui étaient…
15:48Ce n'était pas simple.
15:51– Dans les jours qui ont suivi l'épreuve
15:53de cette journée du 18 août 2008,
15:56vous allez contracter ce qu'on appelle
15:57le syndrome post-traumatique.
15:59Est-ce que vous pouvez nous expliquer
16:01les effets de ce syndrome ?
16:04– Oui, alors les effets, oui,
16:05parce que moi, sinon,
16:06ce serait un psychologue ou un psychiatre
16:07d'en parler, mais effectivement,
16:09c'est un côté neuro, d'abord.
16:11Mais je ne suis pas assez calé pour en parler,
16:13mais les effets,
16:13les effets, ils sont dévastateurs.
16:16En fait, on se coupe totalement du monde.
16:18On s'intéresse et on ne vit que
16:20pour ce qu'on a vécu.
16:21Et on devient prisonnier totalement
16:25de nos propres blessures.
16:26On ne communique plus.
16:28– C'est une forme de dépression ?
16:29– C'est complètement une forme de dépression.
16:32Et la dépression, par définition,
16:35elle peut avoir plusieurs formes.
16:36Alors moi, il y en a qui sont…
16:37On peut très souvent tomber dans l'addiction.
16:41Il y a toute forme d'addiction.
16:43Moi, c'était pas mal l'alcool, par exemple.
16:46Les bagarres avec ceux qui ne comprenaient pas.
16:48D'autres, ils sont tombés dans la drogue.
16:49Dans les jeux, il y a plein d'addictions.
16:51Et l'addiction, par définition,
16:54c'est de toute façon néfaste pour le corps
16:57et pour nous-mêmes.
16:58Donc, on ne fait que s'enfoncer, s'enfoncer, s'enfoncer.
17:01Et malgré que, bien que des gens
17:03veuillent essayer de tout faire pour nous aider,
17:05en tout cas, moi, mon entourage,
17:08en fait, ça ne fonctionne pas.
17:08On ne coûte plus personne.
17:09Et puis voilà, avec le temps…
17:10– Alors, justement, vous avez su relever le défi
17:15de vous relever, de revenir sur vous-même.
17:20Comment… Quel a été ce parcours, justement,
17:23pour revenir à la surface ?
17:25– C'est un travail de longue haleine.
17:28En fait, pour pouvoir sortir de ça,
17:32il faut passer par la souffrance et l'indéniable.
17:35Je crois que ces réponses m'appartiennent.
17:38C'est très propre à chacun, à chacun sa manière de vivre les choses.
17:42Mais moi, je crois que quand on est dans un état pareil,
17:45il faut se faire aider.
17:45Il y a des gens pour ça, c'est un métier.
17:48Et je crois que la thérapie,
17:50que ce soit avec un psychiatre, un psychologue,
17:51en tout cas, quelqu'un qui nous aide,
17:52elle est indispensable.
17:54Ça, c'est une certitude.
17:58Ensuite, je crois que l'entourage est hyper important,
18:01familial et amical.
18:04Et moi, j'ai la chance d'avoir les deux,
18:06les deux bons.
18:06Et je pense qu'avec le temps, avec la thérapie,
18:11en prenant confiance en moi,
18:13en fait, moi, j'ai commencé à ressortir la tête hors de l'eau
18:16à partir du moment où j'ai compris
18:17que ce que je vivais, le SPT,
18:19n'était pas une faiblesse, mais elle était une blessure.
18:22Ça n'a rien à voir.
18:23Et à partir du moment où tu comprends qu'en fait,
18:26c'est normal.
18:27– C'est normal que ça vous arrive.
18:28– C'est normal et en fait, c'est neuro,
18:31mais c'est l'être humain, on n'est pas plus fort que les autres.
18:33Donc, on redescend un peu, qu'on fait un peu preuve d'humilité
18:36et qu'on se dit, ben non, mais en fait,
18:38ce n'est pas une faiblesse, c'est une blessure.
18:39Comme toute blessure, ça se traite.
18:40Et à partir du moment où ça, j'ai compris.
18:42Mais les choses se sont…
18:45J'ai pris les choses petit à petit.
18:46Ça ne sert à rien dans des états pareils
18:49de faire de très grandes choses.
18:50Ça commence par des petites choses.
18:51Voilà, et pour retrouver déjà la dignité.
18:54Parce que moi, je ne servais plus à rien pour la société.
18:55Je ne travaillais plus.
18:57Chez moi, je ne faisais plus le ménage.
18:59Alors, pourtant, c'est quand même très propre, carré, machin.
19:01Je ne me rasais plus.
19:02C'est plein de petites choses comme ça.
19:04– Vous allez quitter l'armée.
19:05– Je ne fais plus de sport.
19:06Donc, j'ai déjà été en arrêt pendant plusieurs mois.
19:08Après, j'ai voulu reprendre pour tenter de voir
19:11si ça allait m'aider et pouvoir me reconstruire.
19:14Ça a été un peu du 50-50.
19:17Mais j'ai finalement décidé de quitter l'armée.
19:19Définitivement, à la fin, après mon contrat.
19:20Et m'occuper de moi.
19:24– Qu'est-ce que vous faites en sortant après le huitième RPIMA ?
19:26– Après le huitième RPIMA, j'ai récupéré…
19:29Mon frère avait acheté un pub dans l'Allier,
19:32dont mes parents sont originaires.
19:33Je ne savais pas trop encore ce que j'allais faire.
19:35Je pensais aller m'orienter dans la sécurité privée.
19:38Mais ce n'était pas encore bien calé.
19:41Donc, j'ai bossé avec lui pendant presque un an.
19:43Tant de préparer un peu la reconversion.
19:45– Oui, exactement.
19:46Et il avait un appartement au-dessus du pub qui m'a logé.
19:49Il m'a très bien accueilli.
19:51Donc, j'ai préparé tranquillement ma reconversion.
19:53Je suis parti.
19:53Et là, j'ai pris la décision de partir à l'étranger pour travailler dans la sécurité.
19:56– Donc là, c'est la Russie, le Congo, le Kazakhstan, l'Afrique du Sud,
20:00le Yémen, la Côte d'Ivoire.
20:01Vous avez fait un tour du monde.
20:02– J'ai fait un petit tour du monde.
20:05Je n'ai pas encore fait la vie, mais je n'en étais pas loin.
20:08Effectivement, je suis parti en Irlande pour bosser l'anglais.
20:12C'était au contraste que je me suis trouvée avec des étudiants,
20:15alors que moi, je rentrais d'Afghanistan pour apprendre l'anglais.
20:17Mais c'était très intéressant.
20:19Et effectivement, je suis parti d'abord me former.
20:21Donc, je suis parti en Russie, au Kazakhstan,
20:22pour faire des formations, ce qu'on appelle de contracteur,
20:25pour faire de la sécurité privée à l'étranger,
20:27mais dans des pays hostiles, ou en tout cas à risque.
20:29Et j'ai commencé à faire mes projets en Hongrie aussi,
20:34où j'ai passé de la carte de protection au rapproché britannique,
20:37qui est reconnue internationale, contrairement à la française.
20:40Et puis, c'est un autre métier.
20:41Il y a plein de similitudes avec l'armée,
20:43mais ça reste quand même un autre métier.
20:45Donc, j'avais quand même des choses à apprendre.
20:46Et effectivement, j'ai fait ma première mission de contre-piraterie
20:49sur l'océan indien.
20:49Donc, j'ai commencé par une formation inter-radio urbaine en Afrique du Sud.
20:52Et après, j'ai fait cinq mois.
20:54J'ai fait le tour de l'océan indien en cinq mois
20:56pour protéger un bateau d'attaques de pirates.
20:58Et puis, j'enchaînais avec le Yémen pour un gros groupe français,
21:01pour protéger des ingénieurs français.
21:04Et le site, c'était sur un site gazier,
21:06sur un des endroits du Yémen les plus dangereux,
21:09à côté du golfe d'Aden.
21:12Et après, je suis parti en Afrique, en Côte d'Ivoire.
21:16Le commerce de l'or ?
21:17Exactement.
21:18Des gens qui se lançaient dans ce commerce-là,
21:21avec un Ivoirien.
21:22Donc, besoin de sécurité, là encore.
21:24Ils avaient besoin de sécurité.
21:25Donc, moi, j'organisais toute la partie logistique du voyage.
21:31Donc, les voitures, louer les maisons, etc.
21:34Et puis, toute la protection, les scores de convoi
21:36et toute la partie sécurité pendant les transactions.
21:40Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui, Mayol ?
21:42Et aujourd'hui, j'ai décidé de redescendre un peu,
21:46parce que c'est vrai que je n'étais jamais chez moi.
21:49Donc, j'ai décidé de lever le pied sur l'étranger.
21:53Mais j'ai toujours ce petit goût d'aventure.
21:55Donc, il fallait que je trouve quelque chose qui pallie un petit peu à ça.
21:59Le besoin d'adrénaline.
22:01Le besoin d'adrénaline, mais avec un confort de vie plus stable.
22:05Et donc, aujourd'hui, je travaille pour le ministère de l'Intérieur.
22:09Et je continue de défendre mon drapeau, voilà, autrement.
22:12Mais, voilà, comme je disais, comme je l'ai su il n'y a pas très longtemps,
22:17puisque j'ai besoin de ce goût d'aventure,
22:18je viens d'apprendre que, justement, je pars travailler à Mayotte,
22:21là, pendant 4 ans, très prochainement.
22:24– Un travail de sécurité, il y en a besoin sur cette île, évidemment.
22:28– Exactement.
22:29– Mayotte, vous dites très attaché au drapeau, à la France, à l'esprit patriote.
22:35Qu'est-ce que ça veut dire pour vous ?
22:37– Ce que ça veut dire, c'est l'amour de son drapeau.
22:39Et l'amour de son drapeau, c'est ce pays qui nous a tout donné.
22:43C'est ce pays dans lequel je suis né.
22:47Et puis, moi, mon grand-père, je fais un lien très personnel,
22:51mais moi, j'ai un grand-père qui s'est battu pour la Seconde Guerre mondiale.
22:55Et j'ai plein d'amis dont les autres étaient en Indochine,
22:57étaient en Algérie, pour ce même drapeau.
23:00Et c'est ce qui a façonné tout ça, toutes ces histoires,
23:03c'est ce qui a façonné déjà mon enfance.
23:06Et puis, ils nous ont transmis ce devoir de mémoire.
23:10Et moi, c'est ma pierre édifice, je crois que je dois…
23:13Enfin, c'est pas je crois, j'ai besoin de faire quelque chose pour ce pays.
23:17Et je le fais à travers un métier de service.
23:19Voilà, c'est l'amour de son drapeau.
23:23– La voix du soldat, Mayol, c'est le titre de votre ouvrage.
23:27Vous serez d'ailleurs en dédicace dans la ville de votre ancien régiment à Castres
23:34pour une signature au mois de juillet.
23:37Merci à vous d'avoir accepté notre invitation.
23:40– Merci Pierre.
23:40– Sous-titrage ST' 501
23:41– Sous-titrage ST' 501
23:43– Sous-titrage ST' 501
23:45– Sous-titrage ST' 501
23:46– Sous-titrage ST' 501
23:48– Sous-titrage ST' 501

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