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  • 5/27/2025
Mayeul a participé à la plus grande bataille de l'armée française depuis la guerre d'Algérie. Un affrontement qui a couté la vie à 10 de ses frères d'armes et qui l'a traumatisé. Pour neo, Mayeul livre un témoignage poignant sur cette tragique embuscade d'Uzbin d'aout 2008 en Afghanistan. 🇫🇷

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Transcript
00:00Moi j'ai été snipé par un sniper taliban, j'ai pris une balle dans mon sac, 20 centimètres plus à gauche et je la prenais dans la colonne vertébrale.
00:06On a dû se ravitailler en munitions sur les corps de nos camarades, on avait vraiment l'impression de les dépouiller.
00:11Ça c'était extrêmement violent, mais quand notre chef nous dit qu'il n'est pas sûr de nous ramener vivants,
00:15là on prend encore plus conscience intérieurement que peut-être qu'on ne rentrera pas.
00:19Bonjour Néo, je m'appelle Mayol, j'ai 39 ans, je suis ancien militaire au 8ème régiment de parachutistes d'infanterie de marine de Castres.
00:25J'ai été impliqué de très près dans l'embuscade d'Ouzbine le 18 août 2008 en Afghanistan
00:29et je vais vous raconter mon histoire, celle d'un soldat à la guerre et d'un soldat qui a été blessé par le syndrome de stress post-traumatique
00:36et je vais vous raconter par la suite ma reconstruction.
00:39Alors ce que j'ai ressenti quand je suis en Afghanistan, effectivement la chaleur, notamment le jour de l'embuscade il faisait 42 degrés,
00:45je m'en souviens comme si c'était hier, c'est un climat très sec, l'ambiance est extrêmement tendue,
00:50c'est pas trop à qui faire confiance, à part évidemment à nos camarades,
00:53d'autant que quand on patrouille en Afghanistan, on peut passer dans un village et voir des paysans qui nous font coucou,
00:58qui viennent nous serrer la main et quand on repasse par le même chemin retour, en fin de journée,
01:03c'est les mêmes personnes qui nous tirent dessus.
01:05La réputation des talibans, à ne pas confondre avec les afghans, même s'ils le sont parce qu'ils sont de ce pays-là,
01:09mais c'est quand même pas les mêmes.
01:10Moi je l'avais à travers les médias, pour parler très franchement, pour moi c'était un peu des sauvages,
01:14ils voulaient instaurer la charia dans le pays et ils avaient des techniques de guerre assez brutales,
01:19plutôt des techniques de guérilla que de guerre conventionnelle si je puis dire.
01:23Et j'avais bien conscience que les guerres de tranchées s'étaient terminées depuis un moment,
01:26et que maintenant la guerre, aujourd'hui, c'est ça, c'est poser des engins explosifs improvisés le long des routes,
01:31tendant des embuscades, c'est pas très loyal, mais la guerre aujourd'hui elle est comme ça.
01:34C'est ce qui a fait que, en fait, dès le début de nos patrouilles, on était dans l'hypervigilance,
01:38parce qu'en fait, à n'importe quel moment ça peut arriver,
01:40ils sont aussi experts dans l'art de la dissimulation, ils sont très bons là-dedans,
01:43ils connaissent le terrain, par cœur, on le connaît absolument pas,
01:46ça rend la mission évidemment beaucoup plus compliquée.
01:48Donc dans cette embuscade, en fait, il y a une patrouille d'une section de ma compagnie
01:52qui était prise sous le feu dans la matinée, et moi j'étais astreinte,
01:55donc je suis très vite parti pour aller en renfort, donc je suis arrivé là-bas assez vite,
02:00et on a combattu avec les talibans à peu près non-stop de 13h à 20h, 21h.
02:04Alors les talibans, en face de nous, ils étaient complètement chutés à l'opium,
02:08ce qui rendait des choses beaucoup plus compliquées, puisque eux n'ont pas peur de mourir, et nous si.
02:12Ils se battent en tongs, mais c'est quand même des bons soldats,
02:15et en fait, eux, leur tactique, qui est avec du recul et bonne, c'est de s'imbriquer au plus près des soldats français
02:19pour que les tirs de l'aviation, les bombardements s'arrêtent.
02:22À partir du moment où les talibans sont trop impliqués dans nos rangs,
02:25on arrête les tirs, parce qu'on prend le risque sinon de tuer nos soldats,
02:29donc forcément c'est plus facile sous l'opium.
02:31Donc les dégâts avaient la rage, avaient la haine, avaient envie de nous éliminer,
02:34ça s'est clairement vu nous concernant dans ma section,
02:36puisque peu avant de se replier, les combats étaient à 50-60 mètres.
02:41Moi j'ai été snipé par un sniper taliban, j'ai pris une balle dans le sac,
02:44qui me causera beaucoup de problèmes derrière le dos,
02:47et j'ai eu la chance que 20 centimètres plus à gauche, je la prenais dans la colonne vertébrale.
02:51Les difficultés arriveront après, ordre nous est donné de nous désengager,
02:55c'était impossible de pouvoir monter sur le col.
02:57On se désengage, on avait aussi quasiment presque plus de munitions,
03:00je vais chercher des munitions à découvert en courant, en posant mon casque et mon arme,
03:04et au moment où je reviens, je prends une rafale sur le véhicule militaire dans lequel on était,
03:09d'un très gros calibre taliban, d'une arme russe,
03:12et je prends la première balle au niveau de ma tête.
03:13Si la porte du véhicule avant-blindé n'était pas fermée, j'aurais eu la tête, j'aurais eu la tête d'équipeter,
03:18donc je ne me rends pas trop compte de ce qui se passe.
03:21On part vite dans le village, nous l'idée c'était d'aller aider nos frères d'armes.
03:24On n'était pas ravitaillés en eau, on n'était pas ravitaillés en nourriture,
03:27la peur commençait à s'installer, la fatigue énormément.
03:29Donc là, à ce moment-là, la nuit était vraiment tombée,
03:31donc on était vraiment dans une nuit noire,
03:34un état de stress terrible, parce qu'en fait on n'est jamais à l'abri qu'un taliban sort d'un rocher
03:37pour nous mettre un coup de couteau, nous tirer dessus.
03:39Et du coup, on a commencé à trouver nos premiers morts,
03:41sur lesquels, là encore, on a vécu des choses difficiles,
03:44parce qu'on a dû se ravitailler en munitions sur les corps de nos camarades.
03:47On avait vraiment l'impression de les dépouiller, quoi.
03:49Et ça, c'était extrêmement violent, indépendamment de les voir dans cet état-là, évidemment.
03:53Et ensuite, la mission, c'était surtout coûte que coûte de prendre le col au petit matin,
03:56de laisser les corps de nos frères d'armes par terre,
03:59pour éviter que la journée qu'on vient de vivre se réitère.
04:01Donc on a monté le col.
04:02Là, j'ai découvert le dernier mort de la compagnie, Julien Lepin.
04:06Au lieu d'être un frère d'armes qui était un ami et qui se m'entendait extrêmement bien,
04:09je suis le dernier gars qui l'a vu avant d'aller se coucher, et moi de même.
04:12Et le lendemain, on s'est juste serré la main en se disant « prends soin de toi ».
04:15Et puis je le retrouverai mort en fin d'après-midi, avec une balle dans la tête, une balle dans la jambe.
04:19Et au petit matin, il y a des forces spéciales norvégiennes qui viennent nous appuyer,
04:24nous renforcer avec une section de la compagnie pour nous soulager un petit peu.
04:26Et l'ordre est donné par l'officier de la compagnie de descendre chercher les corps de nos frères d'armes.
04:33Pendant plusieurs heures dans la matinée, j'ai fait des allers-retours pour aller récupérer les corps de mes frères d'armes.
04:38J'attachais une énorme importance à porter Julien, avec qui j'étais très proche.
04:42Du coup, effectivement, en portant Julien, le syndrome de stress post-traumatique a commencé à arriver à peu près à ce moment-là.
04:47C'est-à-dire que moi, ce n'est pas vraiment les combats.
04:50Moi, le SPT, il a commencé à arriver à partir du moment où on m'a donné l'ordre de descendre pour aller chercher les corps de mes frères d'armes.
04:55Alors le bilan de cette bataille, on perd 10 soldats ce jour-là pour la France.
05:00Et côté ennemis, côté taliban, les chiffres sont assez aléatoires.
05:03Je me souviens d'avoir discuté avec des gars de la guerre électronique quelques jours plus tard,
05:07qui nous disaient que d'après leurs écoutes, il y avait à peu près 80 morts en face.
05:10Dans les médias, on ira 50, on ira 60.
05:13Donc le chiffre n'est pas très précis, mais il y a quand même un bilan lourd pour eux.
05:16Et c'est quelques années après, je crois que c'est de mémoire, c'est en 2016, où le commanditaire de l'embuscade sera tué.
05:21J'ai vécu une longue période où je me suis senti exclu, mais parce que je me suis exclu moi-même de ce monde, de cette société,
05:28qui pour moi n'avait plus d'intérêt.
05:29Je dirais même que c'était plus ma période de déconstruction que de reconstruction.
05:32Elle viendra après, même si elle est traitée un peu en parallèle.
05:35Mais là, c'était un peu la descente aux enfers, enfin complètement la descente aux enfers.
05:38Donc je commençais à me renfermer sur moi-même.
05:40Les discussions que j'avais avec mes amis d'enfance, avec qui j'étais extrêmement proche, ne m'intéressaient plus.
05:45Je ne voulais parler que de ça.
05:46J'ai perdu ma dignité.
05:47C'est que j'étais clairement prisonnier de mes propres blessures.
05:50Je ne savais pas comment m'en sortir.
05:51La seule chose que je faisais, c'était d'aller voir mon petit tous les 15 jours, de monter à Paris, de discuter avec lui.
05:56Et c'est tout.
05:56La vie n'avait plus de sens, en fait.
05:57C'est comme si j'étais physiquement présent, mais mort intérieurement.
06:00J'étais extrêmement bien pris en charge par le psychiatre militaire de Persy.
06:05Lui est venu dès le lendemain de l'embuscade pour nous prendre en charge très vite.
06:08Et ensuite, c'est lui qui va me récupérer à l'hôpital militaire de Persy,
06:11et qui va me suivre pendant les deux années qu'ils vont suivre.
06:14À l'hôpital, je suis resté à peu près deux semaines, donc au service psy,
06:18où dans cet hôpital, je rencontrerai Thomas.
06:20Je parle dans le livre, qui est devenu l'un de mes meilleurs amis,
06:22qui a été blessé, lui, la veille de l'embuscade, dans une autre vallée,
06:25avec une autre compagnie de mon régiment,
06:27qui a été l'un des blessés les plus graves du régiment,
06:29parce qu'il prendra une balle dans la cuisse,
06:30qui va lui sectionner l'artère fémoral en deux et exploser le fémur en mille morceaux.
06:33Et en fait, la reconstruction a commencé un peu à ce moment-là, avec Thomas.
06:38Étant donné que j'avais le droit de sortir,
06:39je n'étais pas enfermé en camisole dans le service psy.
06:43On a passé énormément, énormément de temps ensemble,
06:46dehors, sur la terrasse de la cafétéria de l'hôpital.
06:48Ils étaient branchés de partout.
06:49On s'est énormément aidés, soutenus mutuellement,
06:51et quelque part, la reconstruction, de manière très légère,
06:53attention, a commencé à ce moment-là.
06:55Aider Thomas, que je n'ai jamais lâché pendant toutes ces années,
06:58et lui aussi, ça m'a beaucoup aidé,
07:00parce que, en fait, ça permet de s'abandonner un petit peu là,
07:02de mettre un peu nos soucis de côté pour s'occuper des autres.
07:05Et ça, ça fait du bien.
07:06Et c'est sans aucune prétention,
07:07mais ça fait un bien fou, parce qu'on se dit qu'en fait,
07:09si on arrive à le faire pour les autres, on peut le faire pour nous.
07:11Ça laisse un message d'espoir, en fait, indirectement.
07:13Si lui, il arrive à aller mieux, par mes mots,
07:16par le temps qu'on passe ensemble,
07:17pourquoi pas moi ?
07:18Et lui, il m'a aidé dans ce sens-là aussi.
07:20Moi, je suis extrêmement fier d'en être là aujourd'hui,
07:22dans une vraie paix intérieure avec ce que j'ai vécu.
07:25Fier, évidemment, de ne jamais avoir abandonné qui que ce soit dans ma vie.
07:28Mais ma plus grande fierté, c'est d'avoir réussi à sortir la tête de l'eau,
07:32après tout ça.
07:33Cette histoire, j'ai voulu la raconter dans un livre.
07:35J'ai voulu raconter mes récits, où je parle de l'engagement,
07:38mais donc du coup du sens de l'engagement.
07:39L'idée, c'était qu'à travers ce livre,
07:41je voulais essayer de faire passer plusieurs messages.
07:43Le premier message, c'est d'inviter les lecteurs à s'interroger
07:46sur trois valeurs qui, pour moi, me sont extrêmement chères.
07:49Je parle de la loyauté, du courage et de la fidélité.
07:51Trois valeurs qui sont extrêmement importantes,
07:53surtout dans une société où tout va vite,
07:54qui pousse à la consommation,
07:56ou parfois, en tout cas, moi, de manière très personnelle,
07:58je ne suis pas toujours très en raccord.
07:59Et je me dis que peut-être qu'il y a des lecteurs
08:01qui sont en quête de sens dans leur vie,
08:03et que ça pourrait peut-être aider.

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