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Du haut en bas de l'échelle sociale et politique, la morale s'est effondrée. Des mœurs de civilité et de convivialité d'antan, il ne reste rien. La violence a terrassé l'ordre social et les rapports fraternels. L'individualisme poursuit ses ravages. Pour que vivent la liberté, l'égalité, la solidarité, le temps d'un "réarmement moral" est venu. Michel Fize, sociologue et politologue, appelle à briser les murs des lamentations dans son ouvrage "Pour un nettoyage moral de la France".
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00:37Bonjour à tous. Ravi de vous retrouver pour ce Zoom aujourd'hui avec Michel Fils. Bonjour, monsieur.
00:58Bonjour. Michel Fils, sociologue, politologue, essayiste, l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages,
01:05le dernier pour un nettoyage moral de la France, à retrouver sur la boutique de TV Liberté.
01:12Alors, vous l'expliquez, Michel Fils, en plus des crises politiques, économiques et culturelles,
01:17s'ajoute une crise morale. En 30 ans, vous l'expliquez, le fait est là.
01:22La dégradation morale est spectaculaire. Partout s'observe la perte de la propreté morale
01:28et la disparition des normes collectives.
01:32Peggy l'expliquait déjà en 1904.
01:34La société est pourrie de mensonges.
01:37Alors, avant de continuer, est-ce que l'on peut commencer par avoir une définition,
01:43votre définition de la morale ?
01:45Oui, parce qu'il m'a été reproché quelquefois ce titre, où j'emploie deux mots qui sont jugés stigmatisants.
01:54Le premier, nettoyage, car on pense purification, et pour aller un peu plus loin, purification ethnique.
02:01Et karcher.
02:02Et karcher, éventuellement, oui. Pourquoi pas ?
02:05Et puis, morale, évidemment, ça renvoie à la tradition de l'ordre moral du XIXe siècle,
02:14réhabilité par le maréchal Pétain.
02:17Donc, ça renvoie de mauvais souvenirs.
02:20L'obscurantisme.
02:22Oui, tout à fait.
02:23Et puis, surtout, quelque part, l'autoritarisme.
02:27C'est-à-dire, ce que vous devez faire absolument,
02:30sans que vous ayez droit de regard sur les règles qu'on vous impose, finalement.
02:35Or, je suis sociologue et pas moraliste,
02:39donc je prends le terme « morale » au sens sociologique du terme,
02:43et peut-être au sens développé par un sociologue allemand, Norbert Elias,
02:47c'est-à-dire les mœurs.
02:49Lui qui a écrit un livre intitulé « La civilisation des mœurs ».
02:53Donc, quand je parle de morale, en réalité, je parle des mœurs individuelles et collectives
02:58qui sont nourries de règles, de valeurs, de références, de fondements, d'une éthique.
03:05Voilà.
03:06Donc, c'est tout ça qu'il y a dans la corbeille morale,
03:09et pas simplement une série d'interdits qui s'abattraient sur les individus.
03:16Voilà.
03:16Parce que derrière la morale, en démocratie, il y a, évidemment, mais on en parlera à la fin,
03:23la manière dont on peut s'approprier une morale aujourd'hui, en 2025.
03:30Vous êtes l'auteur, Michel Fils, excusez-moi, d'un ouvrage pour lequel, ma collègue Élise Blaise, vous avez reçu.
03:37Tout à fait.
03:37Un ouvrage s'appelle « Un président anormal ».
03:40On parlait du président Macron.
03:42Quelle est la morale du président Macron, cette morale qu'il essaye d'implémenter à la société française ?
03:49Eh bien, d'une formule peut-être un peu raccourcie, je dirais que la morale, en un seul mot, n'a pas de morale.
03:56Donc, un être amoral n'a pas de morale.
03:59Pour être immoral, il faut être dans la transgression de quelque chose qui s'appelle la morale.
04:04Or, il semblerait que M. Macron ait grandi sans repères.
04:09Sans repères familiaux, avec une distance par rapport au père, voire une inimitié, et peut-être même plus.
04:18Le terme « haine » peut-être pourrait être utilisé.
04:22Bon, une mère dont on parle peu, mais qui ne paraît pas plus proche de son fils que ne l'est donc son époux.
04:30Une éducation faite par une grand-mère.
04:36Donc, un enfant qui s'élève tout seul, alors pas au sens d'élévation chrétienne, c'est-à-dire qui se bâtit, qui se fabrique une personnalité.
04:48Un enfant sauvage.
04:49Oui, un peu ça.
04:51Et qui donc apprend qu'il n'y a pas de limite.
04:55Alors, deux exemples.
04:55Comme disait d'ailleurs Manuel Valls à l'égard du Président de la République, il n'a pas de cadre, il n'a pas de tabou.
05:01Tout à fait, tout à fait.
05:02Parce qu'encore une fois, tout ça relève d'un apprentissage qui n'a pas eu lieu.
05:07Donc, effectivement, il a commencé très tôt à fixer lui-même ses propres choix.
05:16Par exemple, en décidant de se faire baptiser, c'est lui qui le souhaite.
05:22Bon, la première communion, c'est la même chose.
05:26Et puis, il y a évidemment cette relation avec cette enseignante plus âgée que lui, donc Brigitte Tronieu.
05:35Vous voyez, 25 ans au bas mot, puisqu'on ne sait pas très très bien quels étaient les quarts d'âge, puisqu'on ne sait pas très très bien quand cette idylle a commencé.
05:45Voilà.
05:45Donc, il est dans la transgression.
05:48Il est dans la transgression.
05:49Par conséquent, il s'est, je dirais, abîmé dans un personnage de toute puissance, pour lequel le principe de gouvernance est simple.
06:04Il y a moi, et j'avais dit les autres.
06:09Même pas.
06:10Il y a moi et les autres quand ils me ressemblent, quand ils m'obéissent.
06:15Sinon, les autres n'existent pas.
06:18Il y a moi, moi tout seul.
06:19Donc, c'est plus que l'autoritarisme.
06:25C'est la toute puissance psychologique.
06:28C'est le rejet de l'autre.
06:30C'est-à-dire, l'autre n'existe pas, pour M. Macron.
06:34Donc, il n'a autour de lui qu'une cour de fidèles, qui se réduit quand même comme une peau de chagrin au fil des ans.
06:46Voilà.
06:46Donc, je pense même que le terme moral, si on lui posait la question, n'aurait aucun sens pour lui.
06:51puisqu'encore une fois, il est dans la transgression, dans le rejet des interdits, par contre, qu'il applique volontiers aux autres,
07:04puisqu'il se dessine un personnage qui incarnerait précisément le bien, avec les valeurs positives, le travail, la responsabilité.
07:15Le bien est ce qu'il décide.
07:20Le bien est ce que, oui, est ce que je pense être bon pour la France.
07:23Je sais ce qui est bon pour la France.
07:26Voilà.
07:26Et d'où le fait que les seuls mea culpa qu'il s'adresse sont des mea culpa qui n'en sont pas.
07:33C'est-à-dire de ne pas être allé assez vite ou assez loin, de ne pas avoir bien communiqué.
07:40Cette crise morale que vous observez, Michel Fils, comment elle se manifeste dans notre société ?
07:47Alors, d'abord, c'est la crise dont on ne veut pas parler.
07:49Donc, merci.
07:50Merci à vous de me permettre de le faire.
07:53Parce qu'elle renvoie chacun à un mal-être personnel.
07:58Parce que, d'une certaine manière, chacun se reconnaît un peu dans le tableau que je dresse dans ses pages.
08:07C'est-à-dire un rapport très, très éloigné par rapport aux règles.
08:15Alors, il y a d'ailleurs un paradoxe.
08:16C'est qu'il y a beaucoup d'interdits, beaucoup d'interdits administratifs.
08:20Mais parallèlement, beaucoup de libre disposition de soi.
08:25Selon un principe très simple, je fais ce que je veux, quand je veux, avec qui je veux.
08:31Je jette un papier à terre si le cœur m'en dit.
08:35Je donne une gifle aux passants qui ne me plaisent pas, voire plus.
08:40On parle beaucoup des armes blanches et des couteaux, notamment chez les jeunes.
08:44Il n'y a pas que les jeunes qui sont armés.
08:46Beaucoup d'autres le sont avec toutes sortes d'armes.
08:50Voilà. Donc, on est dans une société qui ressemble à une jungle.
08:56Pour le coup, la jungle n'est pas à Calais.
08:59Car à Calais, on a quand même des êtres qui vivent comme ils peuvent,
09:04qui sont assistés comme on le peut,
09:06qui n'ont pas choisi, comme ont choisi nos contemporains, d'être ce qu'ils sont.
09:12Parce que, quelque part, ils se sont auto-fabriqués amoral, immoral, transgressif, jouissif à l'excès,
09:25donc sans considération de l'autre.
09:27Je pense que la crise morale, c'est le rapport de soi à l'autre.
09:33Ou plus exactement, c'est l'effacement de l'autre.
09:35– Est-ce que cette crise morale est le fruit de ce que veut l'État ?
09:42– Alors, il y a beaucoup de choses qui partent d'en haut,
09:46mais là, il y a beaucoup de choses qui remontent.
09:50Parce qu'encore une fois, les grandes constructions, elles partent des racines.
09:55La cathédrale, elle n'est pas construite d'en haut.
09:57La cathédrale, elle est construite d'en bas.
09:59Voilà. Et donc, là, on a…
10:01– Inspiré par le haut.
10:02– Alors, inspiré par le haut, oui, dans le cas.
10:05Mais bon, Emmanuel Macron, que je sache, n'est pas encore le haut avec un grand H
10:10ou Dieu avec un grand D.
10:14Voilà. Donc, on a une sorte de rayonnement à partir du bas.
10:19C'est-à-dire, toute part d'un terreau social qui est très dégradé
10:24par ce mécanisme que j'ai appelé l'individualisme triomphant.
10:28donc, exacerbé, sans frein, moi, sans les autres, moi, tout seul, moi, tout puissant, moi, roi.
10:37En fait, on est un pays où chacun s'est fabriqué sa petite royauté qui est soi-même.
10:43Voilà. Et pour le coup, pour le coup, tout ceci est remonté jusqu'au politique
10:50qui, quelque part, est dans l'imitation.
10:54Voilà. Dans l'imitation du bas.
10:56Voilà. C'est pas le haut qui impose la médiocrité.
11:00C'est une médiocrité, alors qui vient de très loin.
11:02Nous en parlions tout à l'heure hors antenne de la bourgeoisie.
11:06La bourgeoisie a inventé la médiocrité.
11:09Voilà. Vous pouvez résumer sa meilleure définition.
11:11Il suffit de relire, d'ailleurs, quelques pages d'Emmanuel Mounier,
11:15l'inventeur du personnalisme,
11:16qui, dans quelques pages consacrées à Camus, Sartre et Bernanos,
11:22rappelle, encore une fois, comment la grande rupture ne se produit pas en 89, en réalité,
11:27qui est, par certains côtés, un prolongement de l'Ancien Régime,
11:31à partir du moment où la bourgeoisie se met en selle,
11:34et met en selle, ce qui est un autre facteur de dérive, l'argent.
11:37– Non, Péguy parlera beaucoup. – L'argent roi.
11:42Parce que l'argent roi, ce n'est pas le capitalisme moderne qu'il a inventé.
11:47Il faut remonter au premier temps au balbutiement de la bourgeoisie
11:53quand elle enfourche le cheval du commerce.
11:57– Vous constatez, comme beaucoup de Français, une montée des incivilités,
12:02voire des violences.
12:03Et vous dites, sans civisme, le pouvoir est fondé à devenir plus autoritaire.
12:07N'est-ce pas, au fond, la volonté de l'État de devenir plus autoritaire ?
12:12– Alors, on a un système politique qui, par définition, est autoritaire.
12:19Je n'hésite pas à l'appeler une dictature constitutionnelle.
12:23La Ve République, en donnant la toute puissance politique au président de la République,
12:27et on le voit encore aujourd'hui, malgré une dissolution ratée,
12:30malgré l'absence de majorité, malgré l'absence d'un gouvernement
12:36qui lui soit complètement inféodé,
12:40M. Macron continue de régner et d'occuper l'espace.
12:43– Ce n'est pas la volonté du général de Gaulle,
12:46qui est le fondateur de la Ve République,
12:48qui, lui, en ayant perdu le référendum en 1969,
12:51a décidé de partir de lui-même.
12:52– Oui, et puis qui savait respecter la diarchie de l'exécutif,
13:00en reconnaissant à ses premiers ministres,
13:03et notamment à Georges Pompidou,
13:05son carré d'action politique,
13:07en fait, au gouvernement, les affaires intérieures,
13:10et au chef de l'État, les affaires internationales.
13:14Voilà, donc on a effectivement ce système qui donne la toute puissance,
13:19et puis ce que j'ai donc appelé un mégalotimiaque,
13:23c'est-à-dire quelqu'un qui s'est installé dans une supériorité
13:28à laquelle, probablement, il ne croit pas lui-même.
13:31Là, il faut relire quelques pages des psychiatres,
13:35notamment Alfred Adler,
13:37qui dit finalement qu'un sentiment de puissance exacerbée
13:40dissimule probablement un complexe d'infériorité très fort.
13:44Voilà, alors, c'est sujet à contestation, ce que je dis,
13:50mais je pense que M. Macron n'est sans doute pas si bien dans sa peau
13:53qu'on le dit, et qu'il est dans des compensations permanentes,
13:57dans des mises en scène spectaculaires.
14:02Il suffirait de rappeler l'arrivée des chefs d'État
14:06pour le 80e anniversaire de la commémoration à Normandie.
14:10On se serait cru à Cannes, tapé rouge, etc.
14:12La réception de ces mêmes chefs d'État
14:16sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame
14:18pour sa réouverture sur le Nel.
14:21Voilà, donc c'est la mise en scène.
14:24Donc, on n'a pas besoin de plus.
14:28C'est-à-dire, les institutions et sa personnalité
14:32dessinent ce personnage qui règne sur les Français aujourd'hui.
14:37– Cette crise morale, vous dites que de toutes les sociétés européennes,
14:41c'est bien la société française qui en est la plus atteinte.
14:46Pourquoi la France en particulier ?
14:48– Alors, d'abord, peut-être parce que nous sommes un pays
14:53très clivé politiquement parlant.
14:55idéologiquement parlant, il n'y a que dans ce pays
14:59où la droite et la gauche, bon, même affaiblies
15:02au sens traditionnel du terme, sont quand même encore
15:06une ligne de partage, une ligne de partage des Français.
15:11Première chose, et peut-être aussi une mauvaise lecture de mai 68.
15:16Parce qu'on dit que c'est la faute à mai 68.
15:19Non, c'est la faute à la manière dont on interprète
15:22les réformes ou les révolutions.
15:24Voilà, je rappelle que 68, c'est une levée
15:29contre un système d'autorité,
15:32s'étant transformé au fil du temps en autoritarisme.
15:35Et il est arrivé le même travers à mai 68,
15:40qui, partant du principe de liberté,
15:42est arrivé au laxisme qu'on commence à observer
15:46au milieu des années 80.
15:47Voilà, et je me souviens à l'époque d'avoir interrogé
15:50notamment des parents qui me disaient,
15:53mais en même temps, comment est-ce qu'on peut faire la synthèse ?
15:55Comment est-ce qu'on peut croiser autorité et liberté ?
15:59Voilà, et je pense qu'effectivement,
16:02on a laissé filer les règles au nom de la liberté.
16:07Donc, on a fini par considérer que les seules valeurs
16:11étaient celles qu'on se donnait soi-même.
16:14L'individualisme.
16:15Voilà, alors c'est ce que j'appelle l'individualisme triomphant.
16:20L'individualisme n'est pas un principe mauvais en soi,
16:23parce que dans une société, il faut concilier
16:26les besoins de l'individu et les besoins de la société.
16:31Sauf qu'aujourd'hui, on a effacé les besoins de la société.
16:35C'est-à-dire qu'on a une société qui n'a plus de conscience collective,
16:39qui n'a plus de dessin,
16:41alors dessin, E-I-N à la fin,
16:44je ne parle même pas de grand dessin façon Charles de Gaulle.
16:47Un petit dessin suffirait peut-être, voilà,
16:49mais on n'a même pas ça.
16:51Donc, c'est ce que Valéry Giscard d'Estaing appelait le pilotage à vue.
16:54Donc, on pilote à vue, voilà,
16:56avec un pilote, finalement,
16:58qui n'a comme seul souci que son intérêt personnel.
17:01Parce que, quand on a le souci de l'intérêt personnel,
17:06à ce point, on ne peut pas avoir le sens de l'intérêt général.
17:10C'est incompatible.
17:11C'est l'un ou l'autre.
17:13Donc, l'un efface l'autre, naturellement.
17:15Et pour le coup, c'est l'intérêt général qui pâtit tout ceci.
17:20Je crois qu'il faut bien rappeler qu'une société,
17:23ce n'est pas une scène de libre arbitre.
17:26Une société suppose un socle, des piliers,
17:31des règles effondatrices et des règles de fonctionnement.
17:37Il faut à la fois des valeurs qui permettent le vivre ensemble.
17:44C'est ça qui est en question.
17:45C'est le vivre ensemble qui est devenu un non-vivre ensemble.
17:50Voilà.
17:50Et donc, on a, vous parliez, je crois, de mensonges tout à l'heure,
17:54ben oui, on a aujourd'hui, en haut de l'échelle des valeurs,
17:58toutes les valeurs négatives.
17:59Donc, il faut être méchant, il faut être menteur,
18:03il faut dissimuler, il faut jouer des coudes,
18:06il faut bousculer l'autre, voilà.
18:08Pour arriver.
18:09Pour arriver à quoi ?
18:10Ben, pour arriver à ce que fait Guinée.
18:14On sait, l'argent, finalement.
18:16Vous tentez, dans votre première partie de l'ouvrage, Michel Fils,
18:20une définition de ce qu'est le mal,
18:22puisqu'on parle de morale.
18:24Et vous citez Georges Bataille, il dit ceci,
18:27« La préférence pour l'instant présent est la commune définition du mal ».
18:32Qu'est-ce que c'est ce rapport à l'instant présent qui serait à l'origine du mauvais ?
18:37Ben, l'instant présent, ça nous ramène d'abord à une société,
18:40c'est un autre livre que j'ai écrit avant celui-ci,
18:46« Les larmes de Charlie » et compagnie,
18:49voilà, où j'essaie de pointer le fait que nous sommes dans une société émotionnelle,
18:55c'est-à-dire où tout est fondé sur le principe de l'émotion.
19:02Donc, les individus, ils sont, sous le coup de l'émotion,
19:09ramenés, je dirais, aux instincts les plus primaires.
19:17Voilà, d'où l'idée d'ensauvagement.
19:21L'idée d'ensauvagement, d'ailleurs,
19:24ce n'est pas une idée politique, l'ensauvagement.
19:28Bon, même si, évidemment, on en fait un usage politique.
19:33Comme la décivilisation,
19:35ce n'est pas les politiques qui en ont la paternité.
19:38La civilisation, la décivilisation,
19:41ce sont des mots des sciences humaines,
19:44et de la sociologie en particulier.
19:45Donc, pour le coup, une société se décivilise
19:50quand elle n'a plus un rapport normal aux valeurs positives.
19:55Donc, il s'agit, effectivement, de remettre en avant,
19:57je dirais, tout simplement, des choses très, très simples
20:01que j'ai apprises, moi, quand j'étais enfant.
20:05Le respect.
20:06Ce qui nous a précédés.
20:07Voilà, tout à fait.
20:09Et qui est déjà très, très loin dans le temps.
20:11C'est ce dont a manqué, peut-être, Emmanuel Macron,
20:13puisqu'il n'a pas eu d'éducation proprement parlée normale.
20:17Oui, il est de la génération d'après les sociétés traditionnelles
20:25qui avaient encore un sens commun,
20:28un sens de l'intérêt général.
20:31Voilà, donc, pour qu'il y ait de la bienveillance,
20:35du respect, de l'entraide, de la solidarité, de la fraternité,
20:39peu importe les termes,
20:40bon, il faut qu'il y ait de la transmission.
20:45Voilà.
20:45Or, nos sociétés, justement, sont en panne de transmission.
20:51Aujourd'hui, rien n'est transmis,
20:54et plus personne ne transmet.
20:55C'est-à-dire que chacun fait ses expériences personnelles.
20:59Ce que mes collègues sociologues appellent,
21:01oui, le temps de l'expérimentation.
21:03Donc, on se fabrique.
21:06Selon l'expression américaine, self-made man,
21:09M. Macron est l'exemple même d'un personnage qui s'est fabriqué.
21:14Voilà.
21:14Qui s'est fabriqué.
21:15Ex nihilo.
21:16Voilà.
21:16À partir de rien.
21:17Vous préconisez une réforme des mentalités
21:20pour transformer l'homme dit égoïste en homme de bien.
21:24Est-ce que ce n'est pas trop tard
21:26quand vous dites qu'il n'y a aujourd'hui
21:29même plus d'incarnation morale ni intellectuelle ?
21:34Vous savez, je pense que nos sociétés ont fond...
21:37Vous dites Mère Thérésa est mort, Coluche est mort.
21:40Oui, oui.
21:40C'était des références de solidarité, de générosité,
21:46de main tendue à l'autre.
21:48Voilà.
21:48Main tendue à l'autre.
21:49Ça pourrait être, évidemment, une réponse.
21:52Savoir tendre la main.
21:55Et puis, peut-être, le premier mot qu'il faudrait réhabiliter,
22:00c'est l'amour.
22:01Voilà.
22:02Aimer les autres.
22:03Voilà.
22:03Et s'aimer soi-même.
22:04Tu aimerais être prochain comme toi-même.
22:06Oui, bien sûr.
22:07Bien sûr.
22:07Alors, aimer l'autre autant que soi-même.
22:10Pas aimer l'autre pour effacer son moi intime.
22:16Il y a toujours l'idée des oppositions qui doivent naturellement se croiser.
22:21Le bien croise le mal.
22:24Le clair croise l'obscur, etc.
22:27La raison croise l'émotion.
22:32Donc, il y a un travail sur les mots à faire.
22:36Vous voyez, tout à l'heure, quand nous nous sommes croisés,
22:39nous nous sommes dit quelque chose que l'on ne voit plus nécessairement spontanément.
22:44« Bonjour, au revoir, merci. »
22:48Voilà.
22:48« Merci d'être venu. »
22:49« Merci de ce moment. »
22:51Voilà.
22:52C'est-à-dire, j'ai dit un jour, d'une manière un peu raccourcie,
22:56quand une société n'est plus capable de dire « merci, bonjour, au revoir »,
23:00elle est morte.
23:02Voilà.
23:02Et je pense qu'effectivement, quand on voit la manière dont les individus fonctionnent
23:09comme des zombies, et on n'a pas attendu d'ailleurs la pandémie,
23:14pour voir des somnambules dans les rues.
23:17Voilà.
23:18Les gens ne se parlent plus.
23:20Essayez de parler à quelqu'un.
23:23J'avais fait l'expérience un jour dans le métro.
23:25Si vous essayez de ne pas parler à quelqu'un dans le métro,
23:27on va vous prendre pour un fou.
23:30Quelqu'un qui n'est pas normal,
23:31ou qui a probablement une mauvaise intention.
23:35Voilà.
23:36Donc, encore une fois, remettre un ordre social,
23:40ce n'est pas tuer les libertés.
23:42Moi, je suis très attaché aux libertés.
23:45Il n'est pas question de revenir au temps de domination
23:50avec ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés.
23:53Justement, ce modèle, Michel Fils, vous le nommez dans votre ouvrage
23:57une morale ouverte.
23:59Qu'est-ce qu'on mettrait dans cette notion ?
24:02D'abord, on fabriquerait ensemble,
24:06à partir peut-être, évidemment, d'un canevas.
24:10Le rôle du politique, c'est peut-être de présenter un canevas.
24:13Voilà ce qu'on pourrait mettre.
24:15Se mettre d'accord sur une base.
24:16Oui, vous savez, on a bien inventé,
24:19je pense que vous avez ça en tête comme moi,
24:21la journée de la gentillesse.
24:23Voilà.
24:25Une manifestation de la crise morale.
24:27Être obligé d'inventer une journée de la gentillesse
24:30ou une journée des femmes pour qu'on les respecte.
24:34Bon, ça en dit long sur la dégradation,
24:36encore une fois, des relations des uns et des autres.
24:40Voilà, donc, effectivement...
24:41Le droit au blasphème permanent.
24:43Oui, le blasphème...
24:46Le blasphème, comme j'ai en tête une expression d'enfant,
24:52pour faire l'intéressant.
24:54Voilà.
24:55Pour faire le buzz.
24:56Voilà.
24:58Donc, sans conviction.
24:59Pour blesser.
25:01Bon, ça, c'est une conviction, par contre, négative.
25:04Mais...
25:04Voilà, donc, je pense que le respect, pour moi, s'impose.
25:10Donc, on doit respecter les croyants dans toutes leurs croyances.
25:16On doit respecter les individus dans ce qui les anime dans leur vie quotidienne.
25:23Voilà.
25:23Mais, encore une fois, chaque individu est à la fois,
25:28pour reprendre un mot de mounier, est une personne.
25:30C'est-à-dire, authentiquement, quelqu'un qui a le souci de l'autre,
25:35qui a le souci d'un fonctionnement social.
25:39Et c'est vrai que, par rapport à votre question de tout à l'heure,
25:42c'est probablement, en Europe, notre pays qui est le plus dégradé aujourd'hui.
25:47On terminera par cette question, Michel Fils.
25:49Qui sont, aujourd'hui, les ennemis de la morale dans notre société française ?
25:54Qui ?
25:55Tout le monde.
25:57Tout le monde.
25:57En tout cas, tous ceux qui pourraient, peut-être, porter ce discours ou cette analyse,
26:05eh bien, sont très discrets.
26:07Donc, peut-être pas…
26:07Est-ce qu'il n'y a pas une avant-garde de l'immoralité ou de l'amoralité ?
26:12Ben, je pense qu'il y a, effectivement, de gros bataillons d'immoralité ou d'amoralité,
26:18et qu'il faudrait, peut-être, en compensation, avoir l'audace, peut-être,
26:25de reconstituer des élites morales.
26:27Pas élites au sens de classe sociale supérieure, non,
26:32au sens d'une intelligence d'esprit et de cœur.
26:35Pour un nettoyage moral de la France, c'est le titre de votre ouvrage, Michel Fils.
26:41Merci à vous, et merci à vous de nous avoir suivis.
26:43Merci.
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