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Jérôme Ravenet, agrégé de philosophie et professeur de langue chinoise, publie "Souveraineté à la chinoise - Propos édifiants et curieux sur la Chine socialiste". Un essai consacré au concept de souveraineté, tel que les principaux idéologues du parti communiste chinois en ont pensé l’importance, dans une mise en œuvre qui leur semble être la condition première de toute politique proprement dite, c’est-à-dire de toute liberté collective. Dire qu’en démissionner serait renoncer à la politique elle-même ne suffit pas. Il faut redéfinir et repenser le concept de souveraineté, en s’intéressant à la façon dont les penseurs du projet socialiste chinois, de Mao Zedong à Xi Jinping, en ont eux-mêmes reformulé le sens et les problèmes essentiels. L'auteur a pour but d’aider à comprendre le rôle nouveau de la Chine dans un monde en cours de recomposition. Par sa méthode comparative, il espère aussi être utile à questionner, après De Gaulle, notre propre chemin, aujourd’hui en panne – celui d’une "troisième voie", ni américaine ni orientale, ni capitaliste, ni communiste, simplement conforme aux intérêts fondamentaux d’un peuple français.
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00:59La souveraineté à la chinoise peut-elle servir de modèle à l'Occident ?
01:04Bonjour à tous.
01:05Bienvenue dans notre Zoom aujourd'hui avec Jérôme Ravenet.
01:09Bonjour, monsieur.
01:10Bonjour, Pierre.
01:11Vous êtes agrégé de philosophie.
01:13Vous avez enseigné le chinois pendant 20 ans à l'IEP d'Aix-en-Provence.
01:18Vous avez soutenu deux thèses de philosophie en 2001 sur l'anthropologie chinoise du corps.
01:24La deuxième en 2022 sur Xi Jinping.
01:26Et donc, vous publiez cet ouvrage, Souveraineté à la chinoise, propos édifiants et curieux sur la Chine socialiste.
01:33Chez Perspective Libre, comme d'habitude à retrouver sur la boutique de TV Liberté, vous l'expliquez, Jérôme Ravenet.
01:42En moins de 30 ans, la Chine a tiré 900 millions de ses habitants de la pauvreté.
01:49Pour que nos téléspectateurs se rendent compte de ce bond en avant, un revenu net moyen qui est passé de 200 dollars dans les années 70 à 13 000 dollars.
02:00Aujourd'hui, comment la Chine a-t-elle opéré ce sursaut ?
02:05Eh bien, elle s'est mobilisée derrière ces chefs d'État, différents chefs d'État qui, de Mao à Xi Jinping, en passant par Deng Xiaoping, Jiang Zeming et Hu Jintao,
02:15se sont efforcés de reconstruire cette Chine qui avait été détruite tout au long du XIXe et de la première moitié du XXe siècle.
02:24– Ces chefs d'État chinois qui se succèdent dans un processus qui nous est assez étranger en France avec une réunion d'un bureau politique,
02:37comment cela fonctionne ? Est-ce qu'on peut les voir comme des sortes de monarques, ces chefs d'État chinois ?
02:44– C'est tout à fait le cas de Mao, cela a été un petit peu moins quand la Chine s'est libéralisée sous Deng Xiaoping,
02:53mais c'est à nouveau, effectivement, tout à fait le cas avec Xi Jinping,
02:57puisque je crois qu'on peut parler d'un Marx-Aurel, c'est ainsi que je m'amuse à le surnommer,
03:06c'est-à-dire une espèce d'empereur assis sur une doctrine marxiste,
03:12mais dans une fonction qui est fortement impérialisée, en effet.
03:17Cette impérialisation, d'ailleurs, sa fonction est aujourd'hui contestée,
03:21vous savez que ça bouge en ce moment beaucoup en Chine,
03:25mais c'est effectivement le ton et le style très particulier de la gouvernance Xi Jinping depuis 2014, depuis 2013.
03:34– On va revenir évidemment tous les deux sur l'aspect marxiste de l'État chinois,
03:41mais vous évoquiez à l'instant comment la Chine avait été détruite au XIXe siècle,
03:47dans ce qu'elle appelle le siècle d'humiliation, vous donnez ces dates, 1842-1849,
03:54c'est en tout cas une période assez courte.
03:56Qu'est-ce qui s'est passé à l'époque ? Quels étaient les freins au développement ?
04:00– La Chine était la première puissance économique mondiale au XVIIIe siècle,
04:05elle a refusé la mondialisation que les compagnies des Indes orientales ont essayé de lui imposer,
04:14elle a essayé de refuser, mais elle n'a pas pu refuser,
04:17les Anglais sont entrés à Pékin à coups de canonnières,
04:20et ça a été en 1842, lors des premières guerres de l'opium,
04:25le début d'une longue descente aux enfers pour la Chine.
04:29Longue descente aux enfers qui s'est terminée effectivement un siècle et quelques années plus tard,
04:33en 1949, avec le retour au pouvoir, l'arrivée plutôt au pouvoir de Mao,
04:39qui met tous les étrangers dehors.
04:41– Alors justement, vous évoquez dans votre ouvrage le confucianisme,
04:47le taoïsme, également évidemment le marxisme,
04:51est-ce que vous pouvez nous dire un mot de ces trois philosophies,
04:55de ces trois doctrines rassemblées en une par aujourd'hui ce modèle de Xi Jinping ?
05:02– Alors effectivement, là il y a quelque chose de tout à fait original chez Xi Jinping,
05:06puisque Mao avait, je dirais, disons tout simplement mis à la poubelle le confucianisme,
05:13abat la boutique de Confucius, c'était la devise sous Mao.
05:17Le confucianisme qui était compris comme l'une des causes de l'arriération de la Chine,
05:24ça ne faisait pas bon ménage avec le marxisme cynisé de Mao.
05:28Mais le confucianisme revient aujourd'hui avec le taoïsme et le légisme,
05:34le confucianisme revient à la mode, je dirais, dans la doctrine Xi,
05:40dans la doctrine du rêve chinois, du grand renouveau de la nation chinoise,
05:45comme un instrument de moralisation du parti,
05:49parce que pendant les années 90, 2000 et au début des années 2010,
05:54la Chine souffrait d'un problème de corruption.
05:57Aujourd'hui, le confucianisme fait son retour
06:00comme instrument de moralisation des élites politiques chinoises.
06:04– Comment cela fonctionne, le confucianisme ?
06:06On en parle beaucoup de son retour en Chine.
06:09Quels sont les fondements de cette philosophie ?
06:11– Alors, c'est une philosophie très ancienne,
06:13qui remonte au 5e siècle avant Jésus-Christ.
06:17Confucius, c'est 471 avant Jésus-Christ.
06:20Il a une longue histoire, ce confucianisme, on ne peut pas la refaire cette histoire aujourd'hui.
06:26Je renvoie les auditeurs au livre d'Étiamble sur cette longue histoire du confucianisme
06:32qui a pris des formes très variables et diverses.
06:36Et si Jinping ne prétend pas détenir la forme pure, absolument orthodoxe du confucianisme,
06:44il en fait un usage très particulier dans le cadre de cette lutte contre la corruption,
06:51un moyen de redressement moral des élites du parti.
06:56– Mais quels en seraient les principes à ce confucianisme ?
06:59Comment peut-on le résumer ?
07:00– Rester proche du peuple.
07:03Le mépris de la richesse chez les élites politiques,
07:07puisqu'il y a bien des riches aujourd'hui en Chine, le capitalisme,
07:13un certain capitalisme, en tout cas il y a des capitalismes.
07:16Peut-être pourrait-on dire que le socialisme à la chinoise,
07:20c'est un socialisme avec capitaliste, mais sans capitalisme.
07:25– D'accord.
07:26Et justement, quand vous dites que le retour de ce confucianisme
07:31servirait à moraliser la politique chinoise,
07:34la nettoyer de la corruption,
07:36cette corruption était-elle liée au marxisme ?
07:39– Elle était liée à l'enrichissement spectaculaire,
07:42à ce qu'on a appelé à la fin du XXe siècle,
07:45dans les années 90, le miracle chinois.
07:48L'argent a coulé à flot après les politiques d'ouverture
07:52et de réforme de Deng Xiaoping,
07:53et il a été difficile pour le parti,
07:56qui a failli imploser de l'intérieur,
07:58il a été difficile de tenir les rênes.
08:01Il a fallu lutter contre cette dérive,
08:03contre cette contagion de problèmes de corruption.
08:09On a même eu, souvenez-vous, en 2021,
08:13un ancien ministre qui a été exécuté,
08:18condamné à mort et exécuté pour des problèmes de corruption.
08:22La lutte contre la corruption,
08:24c'est environ 3 millions de condamnations,
08:29ces dernières années,
08:30et comme je vous le disais à l'instant,
08:33jusqu'au plus haut niveau de l'État,
08:35puisque des ministres…
08:37– Cette corruption n'a rien à voir avec le marxisme ?
08:40– Elle n'a rien à voir.
08:41– En vogue en Chine ?
08:42– Elle a à voir avec la nature humaine,
08:44avec l'avidité des êtres humains
08:47qui, marxistes ou pas,
08:49peuvent se laisser séduire par les richesses
08:51et par le pouvoir dont ils sont détenteurs.
08:55– Vous dites qu'en privé,
08:56des responsables chinois reconnaissent leur dette
08:59envers la planification française de De Gaulle.
09:03comment les a-t-elle inspirés ?
09:05– Alors, ce n'est pas en privé,
09:07c'est même tout à fait public,
09:09puisqu'on a aujourd'hui au sommet de l'État chinois,
09:12notamment un numéro 4,
09:13Wang Ho Ning,
09:15qui est francophile,
09:18a fait des études en France.
09:21– Juriste, professeur de sciences politiques.
09:24– Tout à fait.
09:25Comme Deng Xiaoping aussi,
09:26qui avait passé quelques années en France
09:29au milieu des années 20.
09:31Donc, on a au sommet de l'État
09:33des connaisseurs de la France
09:36qui connaissent,
09:37pour Deng Xiaoping,
09:39qui connaissaient Guizot.
09:40Enrichissez-vous.
09:41C'est une formule de Guizot.
09:44Wang Ho Ning connaît Jean Baudin.
09:47Il a écrit un mémoire.
09:48On peut en retrouver les traces.
09:50On ne peut pas lire ce texte de Wang Ho Ning,
09:52qui est aujourd'hui classé secret.
09:53mais on peut, au moins,
09:57à partir du titre,
09:58savoir qu'il a travaillé sur Baudin,
10:02sur Jean Baudin,
10:04donc le grand penseur français de la souveraineté
10:06du XVIe siècle.
10:08Il a travaillé sur Jacques Maritain
10:10et il a développé,
10:12à partir de cette réflexion
10:13sur le souverainisme à la française,
10:17une conception.
10:17Il a transcrit cette conception française
10:20de la souveraineté
10:21dans les circonstances
10:24de la Chine d'aujourd'hui.
10:25– Ce Wang Ho Ning,
10:26vous avez évidemment épluché
10:29et lu ses écrits,
10:32sa doctrine.
10:33Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
10:35Quelle est son orientation ?
10:38– Il s'agit d'affirmer
10:40la souveraineté de la Chine
10:42contre toutes les tentations
10:45impérialistes étrangères.
10:48Voilà.
10:48C'est spécialement intéressant
10:51et sensible au cœur de tous les Chinois
10:53après le siècle d'humiliation
10:55dont nous parlions tout à l'heure.
10:57Puisque la Chine a tellement souffert
10:59de l'impérialisme occidental,
11:02elle avait besoin d'une doctrine
11:04qui lui redonne confiance en elle
11:06et espoir en l'avenir.
11:07Et le souverainisme à la chinoise,
11:10le souverainisme que prêche,
11:12que prône Wang Ho Ning,
11:14c'est cela.
11:15– Un libre-échange sans hégémonisme.
11:18– Un libre-échange, oui.
11:21La Chine est désormais mondialisée
11:24par ses nouvelles routes de la soie.
11:26– Dans l'OMC depuis 2001 ou 2002 ?
11:28– Exactement, elle est dans l'OMC.
11:30Mais elle crée de nombreuses
11:33organisations internationales.
11:35récemment encore l'organisation internationale
11:39de la médiation, c'était le mois dernier.
11:44Et elle se mondialise,
11:46mais dans cette mondialisation,
11:49elle revendique pour chaque peuple
11:52l'indépendance nationale.
11:54Il n'y a pas de, même s'il y a des pays riches
11:56et des pays qui le sont moins,
11:58il n'y a, selon la conception qu'elle se fait du monde,
12:01pas de nation dominante légitime
12:05à imposer son ordre au reste de la planète.
12:07– C'est l'anti-États-Unis.
12:09– C'est l'anti-hégémonisme,
12:11l'anti-hyperpuissance,
12:13même si c'est une puissance qui, aujourd'hui,
12:15est en mesure de rivaliser avec les États-Unis,
12:18elle se pose comme une anti-hyperpuissance
12:20dans la mesure où elle refuse l'hégémonisme.
12:23– Mais est-ce que la Chine n'a pas
12:26des intentions impérialistes
12:29quand elle exporte ses hommes
12:32ou ses entreprises en Afrique ?
12:34N'est-ce pas là aussi une forme
12:35d'impérialisme économique ?
12:38– Alors, ce n'est pas de l'impérialisme
12:39parce qu'elle ne le fait jamais
12:41au moyen de la force militaire.
12:44La Chine ne propose partout dans le monde
12:46que des accords gagnants-gagnants.
12:49Des contrats commerciaux, oui,
12:50et dans le commerce que le meilleur gagne.
12:52Mais au moyen de la force armée, jamais.
12:55Vous ne verrez jamais la Chine
12:57employée comme le font les États-Unis
12:59avec ses 850 et quelques bases militaires
13:02dans le monde, avec ses GIs,
13:03un million et quelques militaires
13:06déployés dans le monde.
13:07Vous ne verrez jamais la Chine
13:09essayer de conquérir un marché
13:11à la force de ses armées.
13:14Il n'y a pas de champ d'opération
13:15militaire chinois
13:17en dehors des frontières chinoises.
13:20– Le président chinois,
13:22Xi Jinping, vous avez produit une doctrine
13:25sur lui et sa vie.
13:29Il refuse ce que vous appelez
13:30le socialisme pour les riches
13:32ou socialisme à caractéristiques américaines.
13:35Est-ce que vous pouvez revenir sur cette notion ?
13:37– Ce n'est pas ma théorie,
13:40c'est la sienne.
13:41Elle s'appelle la doctrine du rêve chinois,
13:44la doctrine du grand renouveau
13:45de la nation chinoise.
13:46Et ça a d'abord été effectivement
13:49une doctrine socialiste
13:52en tant qu'il s'agit de socialiser les bénéfices,
13:56c'est-à-dire de distribuer les bénéfices.
14:01– Et non pas de les privatiser.
14:02– Et non pas de les privatiser,
14:03comme le fait le socialisme à caractéristiques américaines,
14:07ou le socialisme pour les riches,
14:08pour parler comme Jean-Claude Stiglitz.
14:09– Comme on l'a vu avec la crise de 2008.
14:11– Tout à fait.
14:12Voilà.
14:13Il s'agit de redistribuer,
14:15de partager le gâteau.
14:16Et c'est la théorie du gâteau,
14:18c'est ainsi qu'on l'appelle en Chine.
14:20Et depuis 2021,
14:22la Chine a complètement éradiqué
14:24la pauvreté à l'intérieur de son territoire
14:27et elle est la principale contributrice
14:29à la réduction de la pauvreté dans le monde.
14:31Donc c'est d'abord cela,
14:33le socialisme à caractéristiques chinoises,
14:36c'est-à-dire une théorie de la redistribution des richesses,
14:41une théorie et une pratique de la lutte
14:45contre la misère et la pauvreté.
14:48– Certains observateurs observent en ce moment
14:51un ralentissement de l'activité économique chinoise
14:55avec une crise du secteur immobilier.
14:58Est-ce que vous pouvez nous dire un mot
14:59sur où en est l'économie chinoise aujourd'hui ?
15:04– Les fauteurs de troubles qui se sont enrichis,
15:07qui ont un peu trop spéculé,
15:09sont aujourd'hui en prison.
15:10La bulle a dégonflé.
15:13On peut s'enrichir en Chine,
15:15mais il y a des règles.
15:16Et quand le gâteau n'est pas bien découpé
15:20et redistribué, on passe à la caisse.
15:22Comme je le disais tout à l'heure,
15:24le gouvernement chinois n'hésite pas
15:25à sanctionner, y compris d'anciens ministres du plus haut rang.
15:32Donc, il y a malgré tout des difficultés.
15:35Il ne faut pas se le cacher.
15:37Ce n'est pas le paradis sur Terre, la Chine.
15:40Il y a des tensions liées au tassement du PIB,
15:44alors qu'une jeunesse toujours plus profuse,
15:48toujours plus abondante,
15:49arrive sur le marché du travail.
15:51Parce que c'est ça aussi, le socialisme à caractéristiques chinoises.
15:56C'est une élévation du niveau de connaissances.
16:00Garçons-filles d'ailleurs, tous sexes confondus.
16:04Absolument extraordinaire.
16:06Le taux d'alphabétisation a grimpé.
16:10Et ça pose effectivement un problème
16:13quand le PIB se tasse et que la demande tend à se réduire.
16:17Donc, la Chine doit naviguer,
16:19spécialement dans ce contexte international un peu tendu,
16:23avec les États-Unis.
16:25Elle tente de reconvertir un petit peu,
16:27de retourner son économie vers l'intérieur
16:29pour répondre à ce problème.
16:33Donc, il y a des problèmes.
16:34Oui, oui, il y en aura.
16:35Elle peut en tout cas compter sur son marché intérieur.
16:37Elle peut compter sur son marché intérieur, oui.
16:39En 1964, De Gaulle voyait les veilles de la Chine
16:44comme une occasion et un défi.
16:47Son ministre, Alain Perfit, avait signé d'ailleurs un ouvrage
16:50qui s'appelait « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera ».
16:54Est-ce que le monde est en train de trembler ?
16:57Le monde tremble manifestement en jugé par l'inquiétude des Américains
17:01qui pointent et de l'Occident, de l'Europe occidentale qui est son vassal.
17:08L'Occident semble trembler.
17:11Mais l'objectif de la Chine n'est pas de faire trembler le monde.
17:15Cette doctrine du rêve chinois, c'est une doctrine du destin commun,
17:21d'un destin commun pour l'humanité.
17:23La Chine propose de nouvelles routes de la soie.
17:25Elle n'ouvre pas de champs d'opérations militaires.
17:28Donc, il est dommage de trembler.
17:30Elle invite les nations du monde entier à échanger, à commercer,
17:35non pas à faire la guerre.
17:36Et Perfit n'avait donc pas si bien prophétisé
17:41parce que c'est une opportunité, plutôt qu'une raison de trembler.
17:47– Ce n'est pas le péril jaune comme on l'avait entendu.
17:51– Effectivement, on a tout ce discours de dénigrement,
17:57mais qui prend de moins en moins, puisque vous savez qu'aujourd'hui,
17:59derrière la Chine, dans les nouvelles routes de la soie,
18:02ou avec la Chine, dans ses partenariats gagnants-gagnants,
18:05dont je parlais tout à l'heure, il y a plus de 150 pays.
18:08Donc, le monde entier ne tremble pas.
18:12L'Occident tremble, et spécialement les États-Unis,
18:15parce qu'ils ont peur de perdre leur hégémonie.
18:17Mais la Chine ne veut pas l'hégémonie.
18:20Elle veut simplement partager la richesse.
18:22Elle nous propose de partager la richesse.
18:24Et c'est la raison pour laquelle, avec Jacques Cheminade,
18:27l'Institut Schiller, etc.,
18:28nous invitons à re-questionner notre rapport occidental à la Chine.
18:34– Des États-Unis à l'oligarchie financière, il n'y a qu'un pas, pourrait-on dire.
18:40Comment l'oligarchie financière s'organise-t-elle face au réveil chinois ?
18:46– L'oligarchie financière tente de barrer le réveil de la Chine
18:53par toutes sortes de campagnes de dénigrement
18:57et par la stratégie de ce que Jiang Zemin appelait les cinq poisons.
19:02C'est-à-dire qu'elle ouvre des dossiers pour diffamer ou attaquer la Chine.
19:09C'est la question du Tibet, la question des Ouïghours au Xinjiang,
19:13c'est la question de Falun Gong, c'est la question de Taïwan, évidemment.
19:18Toute question auxquelles on peut répondre,
19:21ça nous prendrait un petit peu trop de temps.
19:23Mais, puisque vous évoquiez De Gaulle tout à l'heure,
19:26il faut souligner qu'il y a eu tout de même, dans cet Occident global,
19:29un homme qui a fait exception à cette stratégie du dénigrement,
19:34c'est le général De Gaulle, qui a voulu souligner, je le cite,
19:39« le poids de la raison et de l'évidence ».
19:43La Chine était déjà en 1964, pour De Gaulle, une évidence.
19:49Ça ne voulait pas dire qu'il fallait, pour De Gaulle, qu'il fallait l'approuver,
19:53ça voulait dire simplement qu'il fallait prendre acte du retour de la Chine
19:57dans le rang des grandes puissances.
19:59– En préparant cette émission, juste avant notre entretien,
20:03Jérôme Ravennet, on parlait du rôle de la monnaie.
20:07Comment le yuan et le dollar s'affrontent-ils, s'apprécient-ils ?
20:12– Alors, il y a effectivement une guerre des monnaies.
20:17Dominique Strauss-Kahn en parlait déjà en son temps.
20:21C'est toute la question.
20:22Le monde va vers une dédolarisation progressive,
20:28mais le yuan n'a pas l'intention d'en prendre la place.
20:33– Oui, le yuan veut rester faible.
20:35La Chine veut un yuan qui…
20:37– Tout à fait.
20:38– Qui favorise ses exportations.
20:39– Tout à fait. Un yuan faible favorisera ses exportations.
20:42La Chine ne lutte pas contre le dollar.
20:47Elle ne lutte pas contre les Américains, contre l'Amérique.
20:50Elle lutte contre l'hégémonie, contre toute forme d'hégémonie.
20:55Mais il y a une place pour le dollar,
20:58à condition qu'il y ait aussi une place pour d'autres monnaies régionales.
21:01Et c'est cela, le monde multipolaire vers lequel nous allons.
21:05Le monde multipolaire que le général de Gaulle avait déjà perçu,
21:09intuitionné en son temps.
21:11Et c'est ça la troisième voie.
21:13Puisque pour le général de Gaulle, déjà,
21:15il n'y avait pas les États-Unis d'un côté et la Russie de l'autre.
21:19Mais il y avait aussi place pour ce qu'il appelait une troisième voie.
21:22C'est-à-dire, finalement, c'était déjà, chez le général de Gaulle,
21:26l'intuition de ce monde multipolaire.
21:29Et on pourrait dire que, finalement, la doctrine chinoise,
21:32c'est au XXIe siècle une espèce de gaullisme 2.0.
21:37– Mais cette troisième voie que décrivait de Gaulle
21:41est-elle réellement incarnée par la Chine moderne,
21:46à la fois capitaliste et marxiste ?
21:49– Elle est complexe.
21:53Cette troisième voie, ce n'est pas une doctrine figée.
21:59C'est la possibilité pour des États souverains,
22:03partout dans le monde, de parler en leur nom propre
22:07et de ne plus être obligés d'être les vassals d'un chef de file.
22:12En l'occurrence, pour nous, dans l'Occident global,
22:14les vassaux de la puissance américaine ou de l'OTAN
22:18ou de l'oligarchie financière mondialisée
22:20qui, chez nous, tirent les rênes.
22:24– Mais l'inspiration marxiste au sein de l'État chinois
22:30ne vous pose pas de problème ?
22:32– Il y a… Pourquoi ça me poserait problème ?
22:35– Le marxisme, si c'est le choix des Chinois,
22:40grand bien leur fasse, j'ai envie de dire,
22:42à partir du moment où ils n'ont pas l'intention de nous l'imposer.
22:46Et ils insistent bien sur le fait que la démocratie à la chinoise,
22:50comme ils l'appellent, ou leur modèle chinois,
22:52est un modèle pour les Chinois.
22:55– Est-ce que ce modèle, en arrivant en Chine,
22:58avec la révolution populaire, n'a-t-elle pas accouché de massacres ?
23:02– Voilà, c'est une question.
23:06Il y a eu des erreurs, notamment dans le grand bond en avant.
23:11Évidemment, il y en a eu aussi en Occident, des erreurs.
23:15Je pense que l'histoire du XXe siècle, dans l'Occident globalisé,
23:20les deux guerres mondiales que nous avons commises
23:22ne sont pas à notre honneur.
23:25Donc, il y a eu des problèmes,
23:28mais l'objectif n'est pas de juger la Chine,
23:34pour nous, elle est de la comprendre,
23:36de prendre acte, comme le disait le général de Gaulle,
23:39il ne s'agit pas d'approuver la Chine,
23:40il ne s'agit pas non plus de la dénigrer,
23:43il s'agit simplement de prendre acte de ce qu'elle est,
23:46de la comprendre pour pouvoir négocier avec elle.
23:50C'est cela, la diplomatie ou la politique du futur
23:57qu'il faut faire advenir,
23:58parce que se dénigrer mutuellement, ça ne nous grandira pas.
24:02Toute la question est de savoir ce qui, dans nos discours,
24:07dans nos attitudes, va augmenter nos chances
24:11de réussir ces partenariats gagnant-gagnant,
24:16plutôt que de faire la guerre.
24:17– Votre ouvrage, Jérôme Ravennet,
24:19s'appelle « Souveraineté à la chinoise ».
24:22Si les souverainistes de France
24:24devaient s'inspirer du modèle chinois,
24:28sur quoi devraient-ils aller ?
24:31De quels principes devraient-ils s'inspirer ?
24:35La souveraineté, c'est le fait de décider pour soi-même
24:39de ce que nous jugeons être utile à satisfaire nos intérêts.
24:45Ce principe-là, il est absolument universel.
24:49Il ne s'agit donc pas de s'affilier à une doctrine,
24:54quelle qu'elle soit, libérale, marxiste ou communiste.
24:57Il s'agit de revenir à un principe évident
25:00que chacun est pour lui-même le mieux placé
25:04pour juger des intérêts ou des besoins qu'il a à satisfaire.
25:09– Mais s'agit-il d'un souverainisme d'État
25:12ou d'une souveraineté populaire ?
25:15Est-ce que l'État chinois est à l'écoute du peuple ?
25:19– En Chine, manifestement, si vous en jugez
25:22sur les 70 ou 80 ans qui viennent de passer,
25:26par l'espérance de vie, l'espérance de vie en bonne santé,
25:31le niveau d'éducation, l'égalité entre garçons et filles
25:36au niveau de l'éducation, l'amélioration du niveau de vie,
25:42le PIB en parité de pouvoir d'achat,
25:45tous ces indicateurs sont à la hausse en Chine.
25:48Ils sont au vert.
25:50Je ne suis pas sûr qu'on puisse en dire autant de la France.
25:55Mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'en tirer la conclusion
25:59qu'il faut appliquer le modèle chinois à la France.
26:02Non, à nous de trouver dans quelle forme
26:05nous pouvons réaliser un miracle comparable,
26:09c'est-à-dire améliorer nos conditions de vie,
26:12nous donner des moyens plus efficaces de satisfaire nos intérêts.
26:16Ça ne passe certainement pas, pour nous, en France,
26:20par une relecture de Marx, sinon peut-être pour quelques intellectuels nostalgiques.
26:26Mais le principe selon lequel nous devons redevenir autonomes,
26:33indépendants, dans la réflexion et la décision des moyens susceptibles
26:37de satisfaire nos intérêts, ça, c'est un principe qui, je crois, doit nous inspirer.
26:42– L'élan français à la lumière du souverainisme chinois,
26:46c'est peut-être une idée à développer,
26:48c'est en tout cas celle que vous essayez d'insuffler dans votre ouvrage.
26:53Jérôme Ravenet, Souveraineté à la chinoise,
26:55propos édifiants et curieux sur la Chine socialiste.
26:58Merci à vous, monsieur.
27:00– Merci, à bientôt.
27:01– Sous-titrage Société Radio-Canada
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