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  • 10/06/2025
Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationales de TVL, Edouard Chanot reçoit Thibaud Gibelin, professeur invité au Mathias Corvinius Collegium de Budapest.
Orban, "cheval de Troie de Trump en Europe" après avoir été celui de Poutine, selon ses détracteurs. Budapest accueillait la Conférence d’action politique conservatrice de Budapest (CPAC) fin mai. Le dirigeant hongrois a appelé à une union des Etats souverains pour renverser l’ordre établi au sein de l’UE. Mais les souverainistes le peuvent-ils vraiment, au vu notamment de leurs mésententes sur plusieurs dossiers, notamment la crise ukrainienne ?

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00:00Depuis 12 ans, avec des moyens restreints, mais votre soutien indéfectible, l'audience de TVL a littéralement explosé.
00:08Avec près d'un million d'abonnés uniquement sur notre chaîne YouTube principale, notre force de frappe inquiète désormais le pouvoir.
00:15Nos analyses, sans concessions ni caricatures, dérangent.
00:19Lors de la crise sanitaire, nous n'avons eu de cesse de nous élever contre la coercition d'État.
00:23Depuis 2022, nous dénonçons cette escalade guerrière d'Emmanuel Macron et ses amis néocons sur le conflit en Ukraine qui pourrait nous conduire jusqu'à un affrontement direct avec la Russie.
00:33TVL propose une voie unique, une voie indépendante et sans allégeance.
00:40Ce refus des caricatures, des facilités ou des outrances nous place de fait dans la ligne de mire du pouvoir.
00:47Ils ont peur de notre montée en puissance.
00:49Alors après les opérations de censure, après les bannissements des plateformes, le pouvoir politique a maintenant décidé de fermer nos comptes bancaires.
00:59Mais alors je peux vous le dire, cette nouvelle opération de déstabilisation politique n'aura pas plus de succès que les précédentes.
01:05À TVL, on a le cuir épais, on ne se laissera pas abattre.
01:08Nous avons déjà accompli les démarches nécessaires et trouvé une solution.
01:12Et dès à présent, vous pouvez refaire un don à TVL de façon sûre et sécurisée.
01:18Mais évidemment, ces nuisances ont un coût.
01:20Celui du temps qu'elles mobilisent, des efforts qu'elles concentrent, des attentions qu'elles redirigent.
01:25Et entre nous, je pense que c'est leur but.
01:27Ils veulent nous écarter de notre mission première, celle qui les effrêtant.
01:31Vous informez librement.
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01:36Votre média indépendant qui sait piquer au vif le pouvoir.
01:41Aidez-nous et donnez-nous les moyens de poursuivre l'aventure et l'accélérer.
01:44Je compte sur vous.
01:45Sous-titrage Société Radio-Canada
02:15Bonjour à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL.
02:25Victor Orban est-il devenu le cheval de Troie de Trump en Europe après avoir été celui de Vladimir Poutine ?
02:32Je vous rassure, nous ne le pensons pas à Choc du Monde.
02:35C'est le grand continent qu'il écrivait après la conférence d'action politique conservatrice de Budapest, le CIPAC, fin mai.
02:41Pour en parler, je reçois Thibaut Giblin, professeur invité au Mathias Corvinus Collegium de Budapest et auteur de l'essai Pourquoi Victor Orban joue et gagne.
02:50Thibaut Giblin, bonjour.
02:51Bonjour.
02:52Et merci d'avoir, encore une fois, répondu présent à l'appel de Choc du Monde.
02:56Alors, le CIPAC, c'est une démonstration de force conservatrice en Europe centrale.
03:01Mais point important, point important, c'est un événement d'origine américaine créé en 1973, en 1973.
03:07Chaque année à Washington DC, les conservateurs y discutent stratégie et presse de prise de pouvoir.
03:11Et depuis quatre ans, ils font la même chose à Budapest.
03:14Et vous y étiez, Thibaut Giblin.
03:16Le thème de ce congrès était l'âge des patriotes.
03:19Alors, je veux bien croire que la Pologne vient de basculer à droite, qu'il y a Mélanie en Italie, Orban ou Fico.
03:26Mais Simeone a été défait en Roumanie.
03:28Wilders vient de quitter le gouvernement aux Pays-Bas.
03:31Et Macron est toujours au pouvoir à Paris et Ursula von der Leyen à Bruxelles.
03:34Alors, parler de l'âge des patriotes, Thibaut Giblin, n'est-ce pas trop optimiste ?
03:39C'est surtout une exigence.
03:41C'est une ambition politique.
03:43Vous avez rappelé que c'est dans les années 1970 que la CIPAC a vu le jour.
03:49En fait, précisément dans un moment de dérive libertaire de la jeunesse américaine,
03:54d'échec, de faillite complète pendant la guerre du Vietnam.
03:57Donc, c'est en fait une volonté de reprise en main.
03:59Et c'est une volonté de résister au train où vont les choses et qui entraîne un pays dans le déclin.
04:06Alors, vous avez raison, comme ça vient des États-Unis,
04:08ça ne peut pas être évidemment la même chose en Europe.
04:11Et il y a quelque chose de l'ordre de la mutualisation des forces nationales,
04:18des orientations conservatrices qui existent dans le monde occidental.
04:22Mais chacun veut tirer son épingle du jeu.
04:24On aura l'occasion d'y revenir.
04:25Simplement, face à la lame de fond, qui est une lame de fond nihiliste d'effondrement démographique,
04:34aussi de recul de la puissance des pays européens,
04:39la manière dont les nations se relèvent chacune doit être à peu près coordonnée.
04:44Il ne faut surtout pas que les divisions entre nations européennes servent ce pouvoir surplombant d'inspiration gauchiste
04:54qui joue un rôle évidemment négatif.
04:57Donc là, vous parlez de Bruxelles.
04:58De Bruxelles, mais aussi dans chaque pays, finalement,
05:02les médias dominants, les courants qui façonnent l'opinion sont d'inspiration libérale, libertaire.
05:11Et la manière dont un pays réussit à renverser la tendance, en l'occurrence, c'est le cas de la Hongrie,
05:16ça doit permettre d'inspirer les autres.
05:19Si la Hongrie a décidé d'accueillir la CIPAC à partir de 2022,
05:22et c'est un événement qui a lieu au mois de mai tous les ans depuis,
05:27c'est parce que la seule façon de conjurer la montée en puissance inexorable,
05:32finalement, de ce déclin structurel,
05:35c'est que la Hongrie ne soit pas la seule à relever ce défi.
05:39Alors, vous dites qu'en substance que Budapest,
05:43enfin en tout cas le pouvoir de Viktor Orban est à l'avant-garde de cette contre-révolution.
05:47Je ne sais pas si vous accepterez le concept.
05:49Mais alors justement, venons-en à Orban, à son discours.
05:51Je vous propose, Thibaut Jimlin, un court résumé de ce qu'il a dit lors du CIPAC.
05:55L'année 2024 a vu un véritable revirement civilisationnel,
06:00s'est félicité Viktor Orban.
06:02La victoire de Trump a apporté l'espoir au monde entier.
06:05L'Empire Soros, dans son ensemble, a été mis à nu, s'est-il exclamé,
06:09se réjouissant de la défaite du wokisme, de l'immigrationnisme et de l'État profond américain.
06:14Mais s'il croit que le rêve américain peut revenir,
06:17Orban s'inquiète de la disparition du rêve des Européens.
06:20Un rêve simple, selon lui, vivre sans guerre, en prospérité et en sécurité.
06:25Un rêve que devait réaliser l'Union Européenne avant qu'il n'ait été détourné par Bruxelles.
06:30Un rêve ainsi brisé par les technocrates qui ont, selon Orban, organisé un remplacement de population.
06:36Les Hongrois, quant à eux, veulent la paix, la souveraineté, la liberté et donc la fin de l'immigration, dit-il.
06:42Et lui, Victor Orban, veut l'union des États souverains pour renverser l'ordre établi.
06:51Alors dites-nous, Thibaut Giblin, les conservateurs ont-ils élaboré une stratégie,
06:55comme l'évoque Victor Orban, pour prendre le pouvoir en Europe ?
06:58Et surtout, que veulent-ils combattre ?
07:01Alors, celui qui a une stratégie à peu près opérationnelle, c'est Victor Orban,
07:06qui donc a repris le pouvoir en 2010 en Hongrie, et qui a été réélu en 2014, 2018, 2022.
07:14À plusieurs reprises, au SIPA, qu'il essaie de faire œuvre des pédagogies et de doctrinaires
07:20pour ces franges conservatrices qui résistent et qui, parfois, reprennent la main dans le monde occidental.
07:28Cette fois-ci, la grande leçon qu'il voulait mettre en lumière,
07:32c'est qu'il n'y aura de changements européens qu'autant qu'il y aura des changements au niveau des nations européennes.
07:37Que, finalement, Bruxelles n'est jamais qu'une émanation des défaillances nationales,
07:42et que c'est en changeant les choses chez nous qu'on coupera l'herbe sous le pied de ces tendances
07:50dont Ursula von der Leyen est, finalement, le visage et la façade.
07:54Elle en profite.
07:55Elle en profite et elle est la bénéficiaire des démissions des pays.
08:00Alors, qu'est-ce que c'est qui rassemble ces pays ?
08:04C'est de reprendre la main et de mettre un agenda d'intérêt national,
08:12là où on a des tendances idéologiques qui, elles, sont unificatrices,
08:16qui, elles, sont homogénéatrices.
08:18Et ça se passe au niveau de chaque nation.
08:23Alors, il évoque les souverainistes, d'ailleurs, davantage que les conservateurs,
08:26après on va en parler.
08:27Je pense que le terme conservateur est plus anglo-saxon.
08:29Je ne sais pas s'il est accepté en Hongrie.
08:32En tout cas, Budapest et Victor Robin utilisent davantage le terme de souverainiste.
08:36Il évoque que le rêve européen a été détourné par les Bruxellois, disons, par Bruxelles.
08:43Vous croyez réellement qu'il est possible de le réorienter à l'heure actuelle, ce rêve européen ?
08:49Alors, bien sûr que si changement il y a, ce sera de l'ordre d'une réorientation.
08:54Parce qu'il serait complètement illusoire d'imaginer qu'on peut soudainement avoir un monde parfait,
09:04un château de contes de fées qui surgit comme ça, peut-être un demi-siècle,
09:09de démission nationale à un rythme galopant.
09:14Donc, s'il y a un changement, c'est que sur un élément de reprise de souveraineté,
09:19on va avoir des décisions nationales concertées, par exemple en politique migratoire,
09:25mais ce n'est jamais qu'un pas dans la bonne direction.
09:28Il faut essayer de sortir de cette vision iréniste, selon laquelle on pourrait soit tout changer,
09:36soit c'est la fin du monde, c'est la catastrophe, c'est la décadence.
09:40On vit dans l'ordre de l'imperfection, on vit dans une lutte politique qui est toujours à couteau tiré,
09:47et où aucune victoire n'est garantie, et où aucune défaite n'est définitive.
09:53C'est amusant. Vous me faites penser à des propos de Kevin Roberts,
09:57qui est le dirigeant de la Fondation Héritage aux États-Unis,
10:00qui disait, alors qu'il était de passage à Paris il y a quelques jours,
10:02qu'il faudrait deux générations aux États-Unis pour changer les choses,
10:06pour continuer la révolution de Donald Trump, la révolution opérée par Donald Trump depuis sept ans.
10:10Je vous demande une question un peu difficile, mais combien de temps faudrait-il en fait ?
10:14Je dis ça parce que vous avez une connaissance des rouages bruxellois, vous y avez travaillé,
10:17mais combien de temps faudrait-il, à votre avis, en Europe pour réorienter justement les choses ?
10:24Alors, je pense qu'il faut penser à l'échelle du siècle.
10:27On est déjà maintenant dans ce deuxième quart du XXIe siècle.
10:32Par ailleurs, pour des gens de notre génération, on a 30-40 ans de carrière et d'action devant nous.
10:38Donc, c'est déjà en se projetant dans la deuxième moitié du siècle qu'on voit les tendances encore sous-jacentes
10:46et simplement dessinées assez fragilement aujourd'hui, qu'on peut les voir comme pérennisées, décuplées par une génération de successeurs.
10:56Voilà, je pense qu'il est très intelligent de penser en termes de génération,
11:01parce que c'est comme ça que les changements politiques s'établissent et finalement s'enracinent.
11:09L'évolution de la France depuis un demi-siècle, c'est celle de la prise de pouvoir des boomers,
11:16puis cette génération de l'après-guerre et de leur mutation, je dirais,
11:21et puis maintenant en étant un bloc de retraités qui pétrifient l'évolution du pays.
11:27Donc, c'est bien cet aspect générationnel qui est pertinent.
11:32Et dans le cas des États-Unis, ces deux générations,
11:35on peut penser aussi sur deux générations d'actions continues, concertées, organisées pour peser.
11:41Et c'est d'ailleurs dans cet état d'esprit-là que la CIPAC a un intérêt,
11:45puisque sinon c'est des prises de position assez brèves,
11:47avec des effets d'annonce et des éléments de discours assez percutants.
11:52Mais ce qui compte vraiment, c'est le réseau qui est ici derrière
11:55et c'est la vision de long terme que ça permet d'envisager.
11:59Alors, question, Orban est-il devenu le cheval de droite Trump ?
12:03C'est ce qu'écrivait Le Grand Continent il y a quelques jours.
12:06Mais bon, la question mérite imposée de poser quand même.
12:10On a l'impression qu'il organise certaines choses pour la puissance américaine en Europe.
12:13Alors, l'alliance, elle semblait très, je dirais, très, très entière.
12:21Il y a un an, avant les élections américaines,
12:24où là, Victor Orban faisait un plébiscite,
12:27enfin, plébisciter largement le candidat républicain,
12:31parce que la pire des choses, ce serait une Kamala Harris,
12:36président de la première puissance du monde occidental,
12:39et qui nous entraînerait, qui catalyserait toutes les mauvaises tendances.
12:43Maintenant que Donald Trump a été élu,
12:47Victor Orban ne s'est pas rendu à l'intronisation de Donald Trump en janvier dernier.
12:54Pourquoi ?
12:54Simplement parce que ce n'est pas son président.
12:57La politique hongroise, c'est la question de défendre l'intérêt national.
13:02Et c'est en ça que c'est intéressant pour nous.
13:04Ce n'est pas parce que c'est l'intérêt hongrois,
13:05c'est parce que c'est l'intérêt national.
13:07Et l'intérêt national, bien compris,
13:09on aurait tout intérêt à en faire, nous autres Français aussi,
13:12à en comprendre les logiques et les ressorts.
13:15Alors, est-ce qu'il y a un intérêt entre la Hongrie et les États-Unis aujourd'hui ?
13:18Il y a une divergence, évidemment,
13:20notamment en termes de puissance économique,
13:23puisque la puissance économique américaine,
13:25elle se restaurerait au détriment de l'Union européenne,
13:29face à qui les États-Unis ont un déficit commercial énorme.
13:33Donc là, vous évoquez bien sûr la querelle autour des tarifs,
13:36comme on dit aujourd'hui,
13:37des tarifs douaniers évoqués depuis quelques semaines par Donald Trump,
13:40évidemment, qui pénaliserait la Hongrie,
13:42d'autant plus que la Hongrie commerce avec la Chine
13:45et plaide pour des accords avec la Chine.
13:49Alors, c'est un autre élément.
13:49Il y a d'abord la Hongrie, en tant que pays de l'Union européenne,
13:53les États-Unis sont une puissance rivale.
13:56Et ensuite, il y a le fait que la Hongrie ne refuse de s'enfermer
13:59derrière des rideaux de fer quelconques.
14:01Et donc, elle commerce activement avec la Chine,
14:05mais aussi avec l'Asie centrale,
14:06avec tous les pays avec qui elle juge que c'est dans son intérêt.
14:09Et ça, les États-Unis, ça les fait grincer les dents.
14:11Alors, quelques éléments un petit peu clairs.
14:15L'un des principaux conseillers de Viktor Orban
14:18était sous sanction américaine.
14:20Ses sanctions ont été levées par l'administration Trump.
14:23Donc, il y a des gestes évidemment favorables.
14:26En revanche, sur une situation privilégiée de la Hongrie
14:29vis-à-vis des États-Unis,
14:31par rapport à leurs autres partenaires européens,
14:34ça, évidemment, c'est illusoire,
14:36puisque les compétences commerciales
14:37sont une compétence exclusive de l'UE, de Bruxelles.
14:41Et donc, la Hongrie ne peut pas négocier.
14:43Elle n'a pas la marge de manœuvre.
14:44En revanche, c'est sur la question géopolitique
14:47que là, il y a toujours une forte convergence,
14:51puisque la question, c'est est-ce qu'on va à la guerre ?
14:54Est-ce qu'on militarise l'Europe pour s'entretuer
14:57entre Européens russes et Européens de l'UE ?
15:01Ou est-ce qu'on arrête cette folie ?
15:03Et le fait que Donald Trump soit du côté d'arrêter,
15:07déjà, de perdre de l'argent à financer à fond perdu l'Ukraine,
15:11c'est quelque chose qui enraye la machine de guerre occidentale.
15:15C'est quelque chose qui permet d'ouvrir au moins une perspective de paix.
15:19Et vous pensez que ce point-là, ce point sur les négociations
15:23et sur le conflit ukrainien, domine tous les autres ?
15:26En tout cas, comme c'est celui qui reste,
15:29en termes de convergence réelle entre Budapest et Washington,
15:33c'est celui qui est mis en exergue par les Hongrois
15:36et celui avec lequel, évidemment, les États-Unis, du coup,
15:38conservent d'excellents atomes crochus avec Budapest.
15:44Simplement, il faut bien prendre en mesure,
15:46qu'il faut bien prendre en compte que l'intérêt de la Hongrie,
15:50c'est de se servir, finalement, de cette volonté américaine
15:55simplement de revoir leur ordre de priorité
15:58et de ne pas voir dans l'antagonisme vis-à-vis de la Russie
16:02quelque chose de structurel ou de nécessaire pour l'Amérique du Nord.
16:06Et là, ça, c'est l'intérêt de la Hongrie aussi.
16:08Et là-dessus, il y a une convergence qui se maintient.
16:11Et pensez-vous que les Hongrois, Orban,
16:13n'ont-ils pas un peu été déçus par Trump qui promettait de régler le problème en 24 heures ?
16:18Et évidemment, quelques mois plus tard, nous sommes toujours quasiment au même point.
16:22Au contraire, bien loin d'avoir une approche un petit peu consumériste.
16:29On a payé pour un spectacle, on veut que le cow-boy résolve les choses
16:34et que ça se passe vite et bien parce qu'on a payé notre entrée pour ça.
16:37Ce n'est pas du tout ça l'approche.
16:38L'approche, c'est la vie est tragique.
16:41On vit dans un monde qui est profondément hostile.
16:47C'est comme ça que les Hongrois, par ailleurs, voient le bilan du XXe siècle
16:51qui les a évidemment meurtris.
16:53Donc, il n'y a pas d'attente irénique comme ça.
16:56C'est plutôt tant qu'on retarde la catastrophe,
17:00les choses vont dans le bon sens.
17:03Et Viktor Orban, dès qu'il a pris la tête de la présidence tournante de lieu en juillet dernier,
17:12il a clairement dit « moi, je fais un travail de facilitateur
17:14pour qu'on aille vers la paix en Ukraine,
17:17parce que c'est l'intérêt de mon pays et l'intérêt de l'Europe ».
17:19Rappelons qu'il a rencontré Zelensky quelques jours après Vladimir Poutine à Moscou,
17:24ce qui lui a évidemment été beaucoup reproché.
17:26Et puis, il a continué avec Xi Jinping, etc.
17:28Exactement. Et qu'est-ce que c'est l'approche hongroise là-dedans ?
17:31Ce n'est pas qu'on va faire la paix,
17:33c'est qu'on retarde la catastrophe
17:35et peut-être qu'on va décoincer des négociations infructueuses.
17:40Et c'est la même chose qu'ils attendent de Trump.
17:42Trump n'est pas un deus ex machina qui va résoudre les tragédies de l'histoire.
17:48Mais en même temps, on reproche.
17:50On reproche souvent à Orban ses concessions.
17:53Par exemple, il refuse les sanctions et puis ensuite, il les accepte.
17:56Et là, d'ailleurs, c'est encore une nouvelle fois sur la table.
17:59En fait-il assez ?
18:01Orban en fait-il assez ?
18:03Comme il est à la tête d'un pays de 9 600 000 habitants enclavés dans l'UE,
18:09sa marge de résistance à la machine européenne est évidemment limitée.
18:15C'est toujours un rapport de force.
18:17Et il y a un rôle de lanceur d'alerte et d'être le premier à sortir de la tranchée
18:21pour essayer d'entraîner le courage des autres.
18:25Si jamais, par exemple, l'Italie, plus encore la France,
18:29se mobilisait au niveau européen à la mesure, la puissance du pays,
18:33autant que la Hongrie le fait, les choses évolueraient naturellement.
18:37Sur les paquets de sanctions, à chaque fois, c'est les sanctions par lesquelles,
18:41on le sait, les acteurs économiques européens sont très hypocrites.
18:43C'est-à-dire que les échanges avec le Kazakhstan, l'Ouzbékistan
18:46ont été démultipliés ces dernières années.
18:49Et en fait, c'est par là que transite le commerce avec la Russie.
18:52Donc tout ça est un jeu de dupe.
18:53Voilà, simplement, la Hongrie a garanti, elle, des exemptions
18:56pour le commerce du gaz, le commerce du pétrole,
18:59donc d'abord le secteur des énergies,
19:01parce que c'est quelque chose de crucial pour la Hongrie.
19:05Et là-dessus, il y a des exemptions qui sont négociées bac et ongle.
19:08Sur le reste, qui sont donc des dispositions censées brider,
19:14limiter la machine de guerre russe, la Hongrie avertit,
19:18la Hongrie dit qu'il traîne des pieds.
19:20Mais quand les sanctions sont décidées unanimement par les 26 autres pays,
19:25la Hongrie s'y joint de mauvaise grâce.
19:27Parvient-il à entraîner le courage des autres, comme vous dites, Thibaut Giblin ?
19:31Je pense par exemple à la Pologne.
19:33Les intérêts, les visions à l'égard de la Russie, à l'égard du conflit
19:36sont diamétralement opposées.
19:38Et pourtant, nous sommes dans la même zone d'Europe centrale.
19:41Comment se fait-il qu'il y ait à ce point une exception hongroise ?
19:46Alors d'abord, l'Europe centrale, il y a une région dite danubienne,
19:50dont la Hongrie est un petit peu le cœur,
19:53et une Europe plus tournée vers la Baltique.
19:56Et la Pologne, c'est aussi un pays de la Baltique,
19:59un pays riverain de la Baltique,
20:00et un pays vraiment très marqué par cet antagonisme avec la Russie.
20:03Il y a ces deux espaces géopolitiques assez distants.
20:06Ce qui est sûr, c'est que les élections de la présidence polonaise
20:11à la présidence polonaise qui ont eu lieu le week-end passé
20:14ont vu la victoire du candidat nationaliste,
20:18Karol Narodzki,
20:20et c'est un candidat qui a fait campagne sur le fait que l'Ukraine ne doit pas intégrer l'OTAN.
20:24Donc il y a eu, et ça c'est quelque chose sur lequel on peut le mettre au crédit de la Hongrie,
20:30ce que dit la Hongrie depuis 2022,
20:33c'est maintenant une idée qui a fait son chemin,
20:36et que l'Ukraine doit être vue comme un partenaire extérieur,
20:40neutre, et non pas une part intégrante du monde occidental.
20:43Et pendant les premières années,
20:46la Pologne pensait étendre son influence sous le drapeau de l'OTAN
20:52et renouer avec une espèce de mentalité coloniale vis-à-vis de l'Ukraine.
20:57C'est maintenant des choses qui évoluent radicalement,
20:59parce que les Polonais comprennent,
21:01en tout cas pour cette majorité des électeurs qui ont porté au pouvoir ce président conservateur,
21:05les Polonais comprennent qu'il n'y a pas de solution à une architecture de défense européenne
21:13et une stabilité de l'Europe,
21:15en voulant à tour de force intégrer cette Ukraine dans l'OTAN.
21:20Alors si l'on vous suit bien Thibaut Giblin,
21:22on a besoin en Europe de l'exemple d'Orban, de cette avant-garde hongroise.
21:27On nous dit en même temps qu'Orban et son parti sont au plus bas dans les sondages depuis dix ans.
21:31Alors ce n'est pas faux.
21:32Mais alors cela veut-il dire que son pouvoir est menacé,
21:35donc en fait que sa pérennité et que son exemple sera aussi ?
21:39Bien sûr que tous les quatre ans, tout est remis en jeu,
21:43puisque les élections ont lieu tous les quatre ans en Hongrie.
21:45Pour l'instant, le Fidesz qui a pris le pouvoir avec les deux tiers des voix en 2010
21:49a renouvelé cette majorité en 2014, puis 2018, puis 2022.
21:54L'an prochain, les élections reviennent à nouveau.
21:57La Hongrie est un pays démocratique.
21:58Et en effet, le parti TISA est devant dans les sondages.
22:02Simplement, il y a une forme de mécontentement populaire parce que la vie est plus compliquée
22:08depuis la crise du Covid, depuis la guerre en Ukraine.
22:11C'est des gros événements globaux qui conditionnent la vie,
22:19notamment économique, d'un pays comme ça enclavé, mais comme c'est le cas aussi pour nous.
22:22La tendance est à sortir les sortants parce que, en Hongrie comme ailleurs,
22:27parce que les choses ne vont pas bien.
22:29Simplement, il y a beaucoup encore de pérités.
22:32La faute à l'étranger, je joue un peu l'avocat du gars, mais dans ce cas c'est la faute à l'étranger.
22:35La faute à un pourrissement général de la situation, à une précarité qui augmente,
22:42à une inflation qui a beaucoup augmenté en Hongrie ces dernières années.
22:45Mais il me semble qu'il y a dans ce mécontentement populaire une volonté d'avertissement.
22:53Et parce qu'on est encore très loin du scrutin, il n'y a aucun programme,
22:56aucune perspective d'alternative dans cette opposition,
22:59qui est un petit peu un décalque du Fides sans le Fides.
23:04Le but, c'est même un dissident du Fides qui a l'initiative de ce parti et qui en est le fer de lance.
23:10Donc il me semble que quand on se rapprochera de l'élection, et ça se jouera dans les deux derniers mois,
23:16on aura une idée beaucoup plus nette des rapports de force et des intentions réelles des citoyens en roi.
23:21Pour l'instant, le mécontentement s'exprime par un goût du ras-le-bol.
23:26Mais souvenons-nous en France des sondages qui préfigurent l'élection un an avant.
23:34Et évidemment, ce n'est pas du tout les résultats qu'il y a dans les urnes le jour J.
23:36Orban a interdit la Gay Pride à Budapest, qui doit avoir lieu bientôt, le 28 juin.
23:43Est-ce une non-affaire ou un véritable scandale à Budapest même ?
23:47Ni l'un ni l'autre.
23:48Ce n'est pas une non-affaire parce que ça va être évidemment porté à bout de bras par les forces d'opposition
23:57et par, je dirais, les tenants de cette marche en avant progressiste sociétale partout à l'étranger.
24:10Et ce n'est évidemment pas un scandale du point de vue des onrois,
24:14puisque c'est une minorité de onrois qui y participe même.
24:19Mais qu'est-ce que c'est qui est en jeu ?
24:21Ce qui est en jeu, c'est de dégager, pour Viktor Orban et le Fidesz, de dégager un consensus majoritaire.
24:27L'un des éléments du consensus, c'est pas de guerre en Ukraine.
24:30Un autre élément du consensus, c'est nous sommes une société établie sur des valeurs traditionnelles
24:37et la protection de l'enfant est au cœur de notre politique familiale.
24:42Or, cette marge des fiertés a été interdite parce que la vulgarité qui s'y déploie
24:53a été jugée comme pouvant porter préjudice aux enfants qui sont dans l'espace public.
24:58C'est ça l'approche du législateur hongrois.
25:02La Cour suprême hongroise vient de retoquer cette loi hongroise.
25:08On voit que c'est même débattu en interne.
25:10Ce qui est certain, c'est que le bon élément pour Viktor Orban et son parti,
25:17c'est que la bonne conscience occidentale et les partis de gauche des pays d'Europe
25:22viennent au secours de l'idéologie du gender, etc.
25:29et viennent s'ingérer dans la politique hongroise en expliquant
25:34il faut que vous vous soumettiez à ça parce que c'est ça le progrès, etc.
25:36et en remettant en cause des lois votées par les représentants du peuple hongrois
25:41au nom d'un prétendu progrès.
25:44Et là, c'est quelque chose sur lequel les Hongrois retrouvent un fort sentiment commun
25:51et il va y avoir, donc il y a clairement une volonté politique du gouvernement hongrois
25:57de fédérer autour de, est-ce que vous êtes du côté de la famille et des valeurs traditionnelles
26:03ou est-ce que vous êtes du côté de se défiler ?
26:07C'est comme ça que la question est posée.
26:10Et c'est un peu la même chose avec la guerre en Ukraine.
26:13Est-ce que vous êtes du côté de la paix et de faire passer l'intérêt national
26:17pour la paix et la sécurité ?
26:20Ou est-ce que vous voulez risquer une aventure militaire contre une puissance nucléaire
26:26parce qu'il faut intégrer l'Ukraine dans le bloc occidental ?
26:30Vous voyez, et c'est en posant la question, évidemment, d'une manière qui est ficelée
26:34d'une certaine façon, que le FIDES entend défendre un intérêt majoritaire.
26:38Alors, nous l'avons entendu, Orban, dans son discours durant le CIPAC, a revendiqué
26:46la victoire contre l'Empire Soros en Hongrie.
26:50Les réseaux existent-ils encore, je pense évidemment pour soutenir des initiatives
26:54comme cette Marche des Fiertés, sont-ils encore influents en Hongrie ?
26:59En dépit, évidemment, du recul de Soros.
27:02Les réseaux Open Sociality sont des réseaux qui étaient le fer de lance de tendances libérales,
27:12libertaires, et qui étaient aussi secondés ou corrélés à ce que le USAID,
27:22donc le réseau d'aide internationale de l'État américain, de l'État fédéral,
27:29pouvait distribuer partout.
27:30Or, ce USAID a été quasiment démantelé par le doge d'Elon Musk,
27:37et Viktor Orban a justement sauté sur l'occasion pour aller plus loin,
27:43pour détricoter ce système d'influence qui n'est pas celui de George Soros,
27:48mais qui finalement défend les mêmes tendances dans la société
27:52et au profit de la même oligarchie occidentale.
27:55Et quand ça ne vient pas ni de Soros ni de l'État fédéral américain,
27:59mais ça vient aussi des grands groupes allemands, notamment,
28:03qui ont joué un rôle très important dans la structuration des médias polonais,
28:06et qui jouent un rôle dans le monde audiovisuel hongrois,
28:14avec des radios et des télés privées qui sont nourries par ces capitaux.
28:17Donc on voit que George Soros était un visage pratique,
28:22parce qu'il est d'origine hongroise,
28:23et que les hongrois pouvaient donc identifier quelqu'un.
28:28Mais en fait, c'est bien une question de la politique nationale
28:32face à des tendances qui sont supranationales et parfois antinationales.
28:37Et c'est cette mise en musique de l'antagonisme
28:40qui permet de cultiver un sentiment d'appartenance identitaire
28:46et une défense de la souveraineté face à un étranger perçu comme dangereux.
28:52Mais vous avez donc le sentiment que Orban a remporté une nouvelle bataille
28:57ces derniers mois face à USAID, après celle de Soros.
29:00Oui, ou du moins, il a utilisé à son profit l'espèce de conflit interne très fort
29:07qui maintenant a dégénéré entre démocrates et républicains.
29:11Ceci dit, pour tempérer un petit peu cette remarque,
29:14j'aimerais vous signaler qu'un commissaire hongrois chargé d'enquêter,
29:20donc un député européen qui a eu cette fonction d'être un commissaire
29:23à l'analyse de USAID et de ses dérives,
29:25a rencontré le responsable aux États-Unis de l'enquête sur ses opérations
29:32et il est reparti les mains vides parce qu'en fait,
29:34les États-Unis ne souhaitent pas s'aborder leur influence internationale
29:39pour simplement les beaux yeux de la probité et l'amitié de leurs partenaires européens.
29:47Donc, il faut bien quand même garder en tête que ces réseaux
29:50étaient des réseaux d'influence qui servaient les États-Unis
29:55en tant qu'empire planétaire et finalement,
29:58les querelles idéologiques qui existent à l'intérieur du monde américain
30:01doivent être traitées en interne selon évidemment les responsables américains,
30:07alors que pour Viktor Orban, l'intérêt c'est de limiter
30:11l'influence internationale d'où qu'elle vienne, même américaine,
30:14en s'appuyant sur une approche idéologique comme quoi ça venait pas des États-Unis,
30:21mais plus exactement des réseaux globalistes de la gauche américaine.
30:26Donc, un combat souverainiste qui doit continuer,
30:29eh bien, ce sera le mot de la fin.
30:31Thibaut Giblin, merci beaucoup d'avoir répondu une nouvelle fois présent
30:33à l'appel de Choc du Monde.
30:35Je rappelle que vous êtes professeur invité au Mathias Corvinus Collegium de Budapest
30:39et que vous avez publié l'essai Pourquoi Viktor Orban joue et gagne
30:43que l'on peut retrouver sur le site de TVL.
30:46Thibaut Giblin, merci encore.
30:47Merci.
30:47Merci à tous d'avoir suivi cet épisode de Choc du Monde.
30:50Surtout, évidemment, n'oubliez pas de le commenter,
30:53de le partager et d'ajouter un petit pouce bleu.
30:55Merci à tous et bonne soirée.

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