- 04/06/2025
Le 13 mai 2024, la commission des lois de l'Assemblée nationale approuve la loi sur le dégel partiel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Le regroupement informel fondé par le parti indépendantiste Union calédonienne, dresse dans la nuit des barricades, multiplie les pillages, les incendies et des destructions de bâtiments. Durant deux semaines, les émeutiers sont difficilement maintenus par les différentes forces de l'ordre qui entreprennent ensuite de ramener l'ordre républicain. La conflictualité continue alors dans le grand Nouméa. Après quatre mois d'affrontements, onze décès, l'abandon du projet de dégel, l'arrestation des principaux activistes et l'élection d'Emmanuel Tjibaou en tant que député permettent le retour aux négociations. Pour Frédéric Angleviel, professeur honoraire des universités en histoire contemporaine et auteur de "Nouvelle-Calédonie 2025 - Après la crise insurrectionnelle de mai-juillet 2024, quel avenir ?", les élus calédoniens, avec l'arbitrage de l'Etat républicain, ont désormais l'obligation de trouver un "accord global" permettant de refonder le vivre ensemble calédonien.
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00:00Après la censure, TV Liberté subit de plein fouet une nouvelle attaque qui se veut mortelle.
00:16En 12 années d'existence, TV Liberté est devenue la première chaîne alternative de France.
00:21C'est un succès inédit, construit pierre après pierre, grâce à vous tous.
00:258,5 millions de vues mensuelles sur toutes nos plateformes.
00:28Plus de 1,5 million d'abonnés sur les réseaux sociaux.
00:31Plus de 1 million d'abonnés cumulés sur YouTube, entre la chaîne principale et nos formats courts.
00:37Une ascension fulgurante dans un univers médiatique verrouillé.
00:41Notre ambition était claire, marcher sur les brisés de la presse mainstream, c'est désormais une réalité en marche.
00:48Quand David affronte Goliath et que Goliath commence à vaciller.
00:52Mais nous ne nous leurrons pas, Goliath ne se laisse pas faire.
00:55Le succès de TV Liberté dérange.
00:59Notre liberté d'expression, nos révélations, nos coups portés à la Macronie et à l'extrême centre agacent les puissants.
01:05Résultat, nous sommes attaqués.
01:07La dernière salve est d'une violence inédite.
01:10Notre banque, celle qui nous hébergeait depuis 12 ans, vient de fermer l'ensemble de nos comptes sans préavis, sans justification, sans recours.
01:19C'est une attaque politique, un sabotage déguisé.
01:23Après les censures YouTube et l'ostracisme, nous sommes donc victimes d'une nouvelle forme de censure, la censure bancaire.
01:29Aujourd'hui en France, une banque peut rayer d'un trait de plume, une structure légale, transparente, irréprochable au simple motif de lui nuire politiquement.
01:38Pas de faute, pas de procédure, pas de juge, juste le coup près.
01:42Une exécution financière, une lettre de cachet moderne sur ordre politique.
01:47Cette opération a un objectif clair, nous empêcher de lancer notre campagne de dons.
01:53C'est donc un acte de guerre contre un média indépendant.
01:57Nous avons décidé de ne pas nous laisser faire, bien sûr.
01:59Depuis des jours, nous sommes tous mobilisés, avec une énergie incroyable pour trouver des alternatives et des solutions.
02:06Depuis ce jour, vous pouvez faire à nouveau votre don à TVL en toute sécurité.
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02:27Cette opération de censure porte évidemment un coup dur à TVL, au plus mauvais moment, celui où nous devons boucler le budget 2025.
02:35Cette opération de censure sera un échec total, si vous répondez présent.
02:40Amis, envoyez tout de suite un don à TVL en réponse à cet appel.
02:45En réponse à cet appel, résistez, ripostez, défendez une chaîne libre.
02:50Ce n'est pas du chiqué.
02:51L'avenir de TVL dépend de vous.
02:53Ce n'est pas du chiqué.
02:54TVL est entre vos mains.
02:56Bonjour à tous et bienvenue dans notre Zoom, aujourd'hui en compagnie de Frédéric Angleviel.
03:23Bonjour, monsieur.
03:25Bonsoir.
03:26Frédéric Angleviel, vous êtes professeur honoraire des universités en histoire contemporaine, spécialiste de la colonisation, de l'évangélisation chrétienne et de l'Océanie francophone.
03:37Vous publiez l'ouvrage dont on va parler dans un instant.
03:40Nouvelle-Calédonie 2025, après la crise insurrectionnelle de mai-juillet 2024.
03:48Quel avenir, Frédéric Angleviel, cette insurrection d'essence communautariste de deux mois l'an dernier dans l'archipel de Nouvelle-Calédonie ?
03:59Est-ce que vous pouvez nous rappeler ce qui a mis le feu aux poudres ?
04:05Alors, comme toujours en histoire, il y a à la fois des causes conjoncturelles et des causes structurelles.
04:10Les causes structurelles, c'est effectivement la confrontation de deux visions du monde, de deux légitimités,
04:16entre la population mélanésienne, qu'on appelle souvent le peuple premier ou les premiers habitants,
04:21dont les ancêtres sont arrivés il y a 3000 ans, ce qu'on appelait les austronésiens, qui sont donnés le monde canaque,
04:28et la deuxième vague de peuplement qui s'est mise en place à partir de 1840,
04:33avec d'abord des aventuriers, des baleiniers, des missionnaires, puis la colonisation française à partir de 1853.
04:39Donc, à partir du moment où il y a deux sociétés différentes, qu'il y a une colonisation qui se met en place,
04:44et que la Calédonie était la deuxième colonie de peuplement de l'Empire français,
04:48automatiquement, il y a eu des problèmes liés aux fonciers.
04:51Ça, c'est la vision structurelle.
04:54La vision conjoncturelle, c'est beaucoup plus récent et c'est ponctuel.
05:00C'est d'une part qu'en Nouvelle-Calédonie, suite aux affrontements des années 1981-1988,
05:05ce qu'on appelle les événements en Nouvelle-Calédonie,
05:08on a eu des accords, d'abord les accords de Matignon-Oudino,
05:11qui avaient été signés par Jacques Lafleur et Jean-Marie Tchibahou.
05:14Jacques Lafleur du côté des royalistes, des autonomistes,
05:18et Jean-Marie Tchibahou du côté des indépendantistes, disons modérés, si on peut dire.
05:23Il y avait eu un premier accord sur dix ans,
05:26ensuite un choix de ne pas faire de référendum de sortie à la fin de l'accord de Matignon-Oudino,
05:31mais de faire un nouvel accord, l'accord de Nouméa, qui a duré pendant 20 ans.
05:34Et là, il n'y a pas eu le choix de, de nouveau, créer un nouvel accord,
05:40mais d'aller à un référendum, puis un deuxième référendum, puis un troisième référendum,
05:45où chaque fois, les personnes qui pensaient que la Calédonie est mieux dans l'ensemble français,
05:50dans la France ultramarine, qu'en tant qu'État indépendant, ont gagné,
05:55chaque fois avec un petit peu moins de voix d'avance,
05:57mais les deux premiers référendums sont très bien passés,
06:00et tout le monde a reconnu, je dirais ici, les choix des Calédoniens,
06:04y compris devant l'ONU, puisqu'il y avait des représentants de l'ONU
06:08qui vérifiaient que tout se passe selon les normes les plus internationales,
06:13et qui plus est, il y avait donc ici un accord de tous sur le fait que ça se passe bien.
06:20La troisième référendum ne s'est pas tenue dans les façons habituelles,
06:25dans le sens que, aussi bien les Mélanésiens, donc indépendantistes,
06:29avaient demandé au départ qu'ils se tiennent le plus tôt possible,
06:32puisqu'il y avait un choix d'attendre ou pas les élections présidentielles en métropole à l'époque.
06:38Et puis, au moment où ça s'est déroulé, on venait d'avoir le Covid,
06:42il y avait eu à peu près 300 décès en Nouvelle-Calédonie,
06:44dans la moitié de Mélanésiens, ce qui est à la fois petit, faible en quantité,
06:49et important dans un petit archipel de 270 000, 300 000 habitants.
06:53Et d'un seul coup, ils ont demandé effectivement à ne pas aller au référendum à ce moment-là.
06:58Donc, il y a eu un boycott du référendum, du troisième référendum par les indépendantistes,
07:03ce qui fait qu'évidemment, le troisième référendum a été massivement pour le maintien
07:07de la Nouvelle-Calédonie dans la République française,
07:10mais ils ont pu jouer sur le fait qu'ils avaient appelé à ne pas aller voter.
07:15Donc, il y a déjà eu le fait qu'ici, en 2021, les indépendantistes ont dit
07:20« Nous, nous ne sommes pas d'accord avec ce qui s'est passé ».
07:23Et la métropole a voulu effectivement, à l'époque, le gouvernement a dit
07:28« Voilà, vous avez deux ans maintenant pour trouver le futur accord que vous allez mettre en place,
07:34puisqu'on sortait de l'accord de Nouméa et on n'avait pas la solution pour la solution. »
07:38Donc, c'est mis en place des discussions et finalement, on s'est aperçu que les indépendantistes,
07:45en particulier l'Union calédonienne, esquivaient, ne venaient pas aux Réunions, retardaient le processus.
07:52Et c'est là que l'État français a dit « Bon, puisqu'on n'arrive pas à trouver pour l'instant
07:57un nouvel accord qu'on appelait l'accord global, en attendant, l'État français faisait le choix
08:02de changer une des conditions en Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire le fait qu'il y avait ce qu'on appelait
08:08un gel électoral qui, pendant le premier référendum, deuxième référendum, troisième référendum,
08:13faisait que 20%, puis 21%, puis 22% des personnes présentes auxquelles ils ne pouvaient pas voter
08:19parce qu'elles étaient là depuis, comment dire, par rapport à la date qui avait été mise en place.
08:26Et il y avait le même problème qui allait se profiler pour les élections locales,
08:31ce qu'on appelle les élections provinciales.
08:33Et c'est là qu'il y a eu le deuxième conflit conjoncturel, c'est-à-dire que l'État français
08:39a décidé de mettre en place ce qu'on appelle un dégel partiel du corps électoral.
08:45Alors avant d'aller plus loin, je vous coupe Frédéric Angleviel, est-ce que vous pouvez revenir
08:49sur le déroulé de cette insurrection ? Qui en étaient les auteurs et comment s'est-elle terminée ?
08:56Oui. Alors à partir du moment où effectivement il y a eu un conflit sur le dégel électoral,
09:02l'Union calédonienne a créé en novembre 2023 une cellule, donc une CCAT,
09:10une cellule de coordination des actions de terrain, qui a commencé de façon d'abord pacifique,
09:16puis de plus en plus, je dirais, conflictuelle, à faire des manifestations pour qu'il n'y ait pas
09:22le dégel partiel du corps électoral. Pour simplifier, 20 à 25% des Calédoniens ne votent pas
09:29parce qu'ils sont là depuis moins d'abord de 20 ans, puis de 22 ans, puis de 25 ans,
09:33maintenant on en a 25 ans, et ils disaient donc qu'il fallait rester sur ce gel du corps électoral,
09:39alors que la France voulait le dégelé grosso modo de moitié, c'est-à-dire sur les 40 000 personnes
09:44qui ne pouvaient plus voter, 20 000 seraient rentrées dans le dispositif, c'est-à-dire toute personne
09:51qui serait en Calédonie depuis plus de 10 ans, depuis plus de 10 ans, ce qui est quand même important,
09:55ce n'est pas les 6 mois ou les 3 ans qu'on peut trouver dans certains autres pays,
10:00auraient pu voter. Et c'est là qu'effectivement, la CCAT d'abord a fait ce qu'ils ont appelé
10:05les 10 jours de Kanaki du 3 au 13 mai 2024, avec tout un ensemble de manifestations,
10:12et lorsqu'ils se sont aperçus qu'au Sénat et à l'Assemblée nationale, le processus de vote
10:19d'une loi sur le dégelé partiel du corps électoral continué, ils se sont passés à un autre niveau,
10:25ce qu'ils ont appelé une phase 3. À l'époque, la CCAT avait dit, phase 1, on fait de la prévention
10:31par rapport à la nouvelle loi qui est en cours. La phase 2, c'était on mobilise les troupes,
10:38ici les militants contre cette loi qui se mettait en place. Et la phase 3, c'était malheureusement
10:44les actions violentes. Et donc, dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, sur le Grand Nouméa,
10:51il y a eu 300 départs de feu, 600 entreprises qui ont été pillées, saccagées et brûlées.
10:57Et d'un seul coup, lorsque les Calédoniens se sont réveillés le 14 mai au matin,
11:02la situation avait été bouleversée.
11:04Et vous évoquez la présence de forces destructrices de 6 000 à 8 000 jeunes Kanaks.
11:12Alors, ça s'est fait en deux phases. D'abord, la première nuit, à la fois,
11:18ils étaient sans doute beaucoup moins nombreux, on pense peut-être 500, 1000 personnes
11:22qui sont intervenues la première nuit, mais qui ont été motivées par tout ce qui se passait,
11:28c'est-à-dire qu'il y a eu des pillages, des saccages. Par exemple, une des deux pharmacies
11:34de grossistes a été entièrement pillée cette nuit-là. Beaucoup de magasins,
11:39dans les deux ou trois jours qui ont suivi, ont vu le pillage en particulier
11:43des stocks d'alcool. Donc, tout cela a poussé effectivement à qu'il y ait de plus en plus
11:48de jeunes qui viennent sur… Alors, on a parlé d'émeutes, on a parlé de barrages,
11:53on a parlé de barricades, mais sur les lieux où se trouvaient les conflits.
11:58Et on est très vite passé à 3 000, puis à 5 000 jeunes un petit peu,
12:02j'allais dire désorientés, des scolarisés, des socialisés, qui sont venus,
12:08sachant que la plupart de ces barricades étaient dans des quartiers soit populaires,
12:13soit près des logements sociaux.
12:15Est-ce qu'un accord global, Frédéric Angleviel, a été trouvé entre la fin
12:20de cette insurrection et aujourd'hui ?
12:24On est en plein dans le travail pour la recherche d'un accord global.
12:28L'insurrection, en gros, s'est passée en deux phases.
12:31Une première phase, disons, forte et violente entre le 13 mai et juillet 2024,
12:36où il y a eu malheureusement… Bon, après, il y a eu quelques morts qui ont suivi,
12:39mais en tout, jusqu'à la fin de l'année 2024, il y a eu 14 morts,
12:44dont deux forces de l'ordre, un calédonien, disons, loyaliste ou autonomiste,
12:50et un certain nombre de jeunes ménanésiens ou moins jeunes ménanésiens
12:53qui participaient à cette insurrection et à ces barricades.
12:58On peut dire que la rupture, ça a été en juillet lorsqu'il y a eu les élections législatives
13:04et qu'effectivement, les gens sont allés voter plutôt que, je dirais,
13:09être en conflit dans la rue.
13:12Jusqu'à la fin de l'année dernière, ça a été un retour à l'ordre, je dirais, progressif,
13:18avec vraiment une très forte volonté des forces de l'ordre
13:22de ne jamais aller à la conflictualité excessive.
13:28Alors, on observe des inégalités en cours de réduction depuis une quarantaine d'années
13:34dans l'archipel de Nouvelle-Calédonie.
13:37Cette question des inégalités, vous dites qu'elle est un peu la même en métropole
13:42avec la jeunesse des banlieues.
13:43Pourquoi l'État, alors, semble-t-il toujours incapable de résoudre ce genre de problème ?
13:51Est-ce que la division n'est pas, au fond, une stratégie ?
13:56L'impression que l'on a, c'est que c'est un problème mondial,
14:01qu'il y ait toujours une partie de la jeunesse qui se considère
14:05comme étant en dehors un petit peu de la société.
14:08On sait tous que la publicité fait penser à tous,
14:12que tout le monde peut avoir une belle maison, une belle voiture,
14:14un bel avenir, et c'est bien plus compliqué.
14:17Et il y a un chômage structurel qui s'est développé au niveau mondial.
14:20Et là, on a effectivement, je vais dire, un mélange entre une partie de la population
14:25qui a l'impression qu'elle a moins que les autres parties de la population
14:28et une partie politique où une communauté a l'impression
14:33qu'elle pourrait posséder le pouvoir à elle seule.
14:36Donc, deux choses se cumulent.
14:40Vous distinguez bien, monsieur, trois parties dans l'organisation de la vie
14:48en Nouvelle-Calédonie, à savoir d'un côté les autochtones canaques,
14:51indépendantistes, de l'autre les descendants de colons,
14:54non-indépendantistes, et entre les deux l'État français.
14:59Et vous évoquez aussi la question de l'État profond français.
15:03Que veut-il exactement à l'avenir pour régler les différends
15:08entre les deux communautés ?
15:10Alors, bien entendu, la question est toujours un petit peu plus complexe.
15:15Par exemple, il y a des mélanésiens non-indépendantistes.
15:18Il peut y avoir dans les autres communautés des personnes indépendantistes.
15:21On a aussi, à côté de la population mélanésienne,
15:2440-45% de la population européenne, 37% à peu près de la population.
15:30On a 10% de Polynésiens qui sont d'origine walisienne et foutounienne.
15:34On a aussi 5% d'Asiatiques, originaires de l'ancienne Indochine française
15:39ou de l'Indonésie.
15:41Donc, on a effectivement une population très mélangée.
15:45Et donc, ça, c'est ce qu'on a appelé le melting pot
15:47ou le vivre-ensemble calédonien.
15:50Quant à l'État structurel, l'État profond,
15:54c'est une vraie table question.
15:55C'est-à-dire jusqu'à quel point il y a en métropole,
15:59dans les structures de l'État, une vision de réflexion à 30 ans,
16:03comme l'on donne souvent l'exemple de la Chine,
16:05où il y a effectivement une réflexion forte.
16:10Et là, on peut se poser la question de ce que veut,
16:13et personne ne le sait, je dirais en tout cas facilement,
16:17ce que souhaite l'État sur le long terme
16:19par rapport à l'indépendance de la métropole et de l'ensemble français.
16:25Par exemple, au niveau des métaux,
16:27on sait très bien que c'est la Guyane et la Nouvelle-Calédonie
16:29qui apportent une diversité et une richesse supplémentaires
16:33grâce à la France ultramarine.
16:35On sait qu'Emmanuel Macron avait fait le déplacement dans l'archipel
16:38au moment de cette insurrection,
16:40n'a-t-il pas fixé une ligne claire pour démarquer son empreinte
16:48et ce qu'il veut mettre en place ?
16:52Alors, Emmanuel Macron, le président de la République,
16:53était venu le 23 mai 2024.
16:56Et ce qui est intéressant, c'est qu'il avait rencontré
16:59le principal leader de la CCAT,
17:05Christian T1,
17:06et il lui avait proposé effectivement ce qu'on appelle la paix des braves,
17:11c'est-à-dire que les émeutes s'arrêtaient
17:14et effectivement à la fois il y avait l'arrêt de la loi
17:17sur le dégel du partiel du corps électoral
17:19et une discussion tout de suite sur l'accord global.
17:22Et à l'époque, les indépendantistes les plus extrémistes
17:25avaient souhaité continuer une forte pression sur l'État.
17:29Donc ça ne s'était pas mis en place à l'État à l'époque,
17:31mais il y avait une volonté de trouver des solutions.
17:35Et comme effectivement les partis politiques locaux
17:38les plus extrémistes n'avaient pas souhaité entrer dans la voie de la discussion,
17:42après le départ du président de la République,
17:44les forces de l'ordre avaient repris en main un petit peu,
17:47je dirais, les quartiers difficiles.
17:48Alors en analysant la démographie de l'archipel,
17:54vous expliquez que la question de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie
17:58sera encore posée dans les années à venir.
18:01Est-ce que l'indépendance est inéluctable dans les 10 à 20 années prochaines ?
18:07Alors dans la vie, rien n'est inéluctable,
18:09il n'y a pas de sens de l'histoire,
18:11parce que certaines personnes des fois estiment
18:13qu'il y a un sens obligatoire de l'histoire.
18:15La Nouvelle-Calédonie est justement un bel contre-exemple
18:18où, alors que c'était une colonie de peuplement
18:20où il y avait eu effectivement des conflits non négligeables
18:24au point de vue foncier,
18:25il y avait aussi la volonté de toutes les communautés de travail ensemble,
18:28on a mis en place ce qu'on appelle vivre ensemble,
18:31avec le souhait et le préambule de l'accord de Nouméa
18:34qui donnent beaucoup de données dans le sens de communauté de destin,
18:38de destin commun,
18:39donc une volonté de toutes les communautés,
18:42un petit peu comme à La Réunion,
18:43un petit peu la même idée de vivre ensemble.
18:46Et la question démographique,
18:49elle est une question très importante
18:51qui fait que dans les 20 années à venir,
18:54la population ménanésienne,
18:55qui représente 40 à 45 % aujourd'hui de la population,
18:59représentera sans doute 50-55 % de la population.
19:03Donc ça pose la question,
19:05est-ce que dans 20 ans,
19:08la jeunesse et les adultes,
19:10dans les jeunesses d'aujourd'hui qui sera adulte dans 20 ans,
19:13ménanésienne,
19:14pensera que la meilleure solution est de continuer
19:17dans la France ultramarine
19:18ou souhaitera s'éloigner de la métropole ?
19:21Est-ce que vous comprenez, monsieur,
19:23le souhait des canaques,
19:26le peuple premier d'être au centre des négociations ?
19:30Vous avez cette expression,
19:32les canaques restent le poteau central de la case.
19:36Est-ce que les canaques doivent rester au centre du jeu ?
19:39Alors, c'est un terme qui est utilisé dans l'accord de Nouméa,
19:44qui a mis en valeur, effectivement,
19:46le terme utilisé,
19:48c'est le canaque au centre du dispositif.
19:51Et ça me semble toujours tout à fait pertinent,
19:53dans le sens qu'en Nouvelle-Calédonie,
19:56rien ne peut se faire sans un accord entre les communautés
19:59et le dépassement un petit peu de soi.
20:01Et du reste,
20:02on voit bien que les hommes et les femmes politiques
20:04essayent toujours à la fois de défendre un petit peu
20:07les intérêts de leurs convictions et de leurs communautés.
20:10Mais en même temps,
20:11tous essayent de proposer des solutions
20:14où l'ensemble des populations
20:16puissent perpétuer le vivre-ensemble.
20:19Alors, vous proposez personnellement, monsieur,
20:22des pistes de réflexion pour sortir de ces crises
20:25qui agitent la Nouvelle-Calédonie depuis les années 70 environ.
20:29Vous prenez, vous parlez d'un double fédéralisme
20:33interne et externe.
20:34Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer
20:36comment ça fonctionnerait
20:37et à quelles conditions
20:39cela peut aller de l'avant ?
20:42Tout à fait.
20:43Alors, d'une part, comme je suis historien,
20:45ce qui était important,
20:46c'était un petit peu de décortiquer
20:47la crise de l'année 2024.
20:50Et ensuite, par rapport à cet avenir
20:53qui se met en place,
20:55de faire des propositions
20:57aux hommes et femmes politiques,
20:59mais en même temps,
21:00qui ne soient évidemment pas contraignants,
21:01qui ne soient pas, je dirais,
21:02une sorte du casse en disant
21:03« il faut faire ceci, il faut faire cela ».
21:05Donc, l'idée, c'est de donner quelques éléments de base
21:08aux hommes et les femmes politiques
21:10qui les connaissent par ailleurs, déjà, bien sûr,
21:12pour qu'ils puissent travailler à leur accord global.
21:15Le reste, actuellement,
21:16vu que c'est difficile quand même de sortir de cette crise,
21:19on parle de plus en plus
21:21de plutôt mettre en place un compromis
21:23qui convienne à l'ensemble des forces politiques,
21:26plutôt que le terme d'accord global
21:27qui était presque trop positif.
21:29Donc, il y a effectivement, en tout cas,
21:32au point de vue des élus,
21:32une volonté de sortir de cette crise par le haut,
21:35une synergie par le haut,
21:37et au point de vue du fédéralisme interne et interne
21:41que j'évoque,
21:41qui ne vient pas de moi-même,
21:45mais effectivement de toutes les réflexions locales,
21:47en particulier de Pierre Brétennier,
21:49donc un ancien homme politique,
21:51ou de Jean-Yves Fabron,
21:52un professeur de droit public, honoraire,
21:54on a cette idée que d'abord,
21:57il faut conserver les trois provinces,
21:58puisque ça, c'était ce qui avait été mis en place
22:01donc par Michel Rocard,
22:03Jacques Lafleur et Jean-Marie Chibahou,
22:05en 1988,
22:06dans l'accord de Matignon-Goudino,
22:08c'est-à-dire qu'il y a la création de ces trois,
22:11on pourrait appeler ça des départements au niveau national
22:13et qu'on appelle des provinces en Nouvelle-Calédonie,
22:15où, de fait,
22:17la province des îles est gérée par les indépendantistes,
22:20la province nord
22:20peut effectivement basculer d'un côté ou de l'autre,
22:23mais globalement est électoralement favorable aux indépendantistes,
22:27et où la province sud reste du côté des autonomistes.
22:31Donc, il y avait ici une sorte de bascule et d'équilibre,
22:35sachant que le congrès de la Nouvelle-Calédonie,
22:38qui maintenant a peu à faire des lois locales,
22:42et le gouvernement local était généralement du côté autonomiste.
22:49Donc, il y avait tout un équilibre assez délicat
22:51qui avait été mis en place,
22:52qui, évidemment, avec la démographie, change, évolue,
22:56et qui permet normalement à chacun de trouver sa place.
22:59Donc, un, conserver ce fédéralisme interne lié aux trois provinces,
23:04et le fédéralisme externe,
23:06c'est voir quelle est la part de droits régaliens
23:09qui doivent rester à la métropole
23:10et ceux qui doivent être transférés en partie à la Nouvelle-Calédonie.
23:14Sachant que beaucoup de choses ont déjà été transférées
23:16avec l'accord de Nouméa,
23:18et qu'à la fois, il y a des transferts toujours possibles,
23:21mais ce qui est intéressant,
23:22c'est d'avoir des compétences partagées.
23:25Et vous parlez aussi d'un fonds patrimonial Canac, monsieur.
23:28Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que ça veut dire ?
23:31Oui.
23:31Alors, l'idée, je dirais,
23:33c'est que tout le monde en Calédonie actuellement dit
23:35pour sortir de la crise,
23:37il faut refonder la Nouvelle-Calédonie,
23:41la réformer, voire la révolutionner.
23:43Et en même temps,
23:44personne n'est d'accord sur les mêmes éléments.
23:47Par exemple, les forces économiques disent
23:49il faut faire des réductions de dépenses,
23:51il faut que, je dirais,
23:53le territoire soit en équilibre financier.
23:56Les personnes de la société civile disent
23:59il faut vraiment combattre les inégalités sociales
24:02que vous citiez tout à l'heure,
24:04et en même temps trouver de façon d'accroître
24:07la part du monde canac dans la société.
24:10Chacun a des idées.
24:11Donc, une idée parmi d'autres,
24:13ce serait de créer un fonds patrimonial canac
24:16qui pourrait être abondé d'un milliard CFP tous les ans,
24:20qui pourrait être géré par des responsables reconnus canac,
24:24en particulier en s'appuyant sur le Sénat coutumier,
24:27qui est une sorte de CESE, je dirais, communautaire local,
24:31et qui permettrait d'abonder,
24:34puisqu'il ne faut pas oublier que nous ne sommes que 270 000 l'année dernière,
24:39que suite à la crise, nous ne sommes plus que 260 000,
24:41parce que malheureusement, 10 000 Calédoniens,
24:43j'allais dire, se sont évaporés,
24:45ont eu peur, ont perdu leur emploi,
24:48et donc ont quitté la Nouvelle-Calédonie.
24:50Donc, on est dans une situation quand même de crise durable,
24:53pendant au moins 4-5 ans,
24:54le temps de se remettre à peu près,
24:56du fait que l'année dernière,
24:58il y a eu 10 à 20% quand même du PIB qui a disparu en fumée.
25:02Donc, toujours est-il qu'ici,
25:03il y a la nécessité pour les Calédoniens
25:06de trouver les moyens d'aller mieux demain.
25:11Et pour terminer,
25:12vous dites qu'il nous faut réfléchir à l'homme calédonien de demain.
25:17Comment voyez-vous les choses ?
25:18Comment l'imaginez-vous cet homme calédonien ?
25:21Alors, ce qui est très intéressant,
25:22c'est que c'est une démarche qui a été faite en Polynie française il y a 20 ans,
25:25où il y a eu de grands rassemblements et de grandes réunions
25:28pour se poser la question de l'homme polynésien.
25:31Il faudrait se poser la question, effectivement, de l'homme calédonien,
25:34sachant que la différence avec la Polynie française,
25:36où il y a grosso modo 95% de Polynésiens
25:38et 5% de Popa et de Métis sur place,
25:42ici, on a un patchwork de communautés.
25:46Donc, c'est évidemment plus difficile.
25:48Il n'y a pas un seul modèle.
25:49Et la question pourrait être intéressante,
25:51de se poser la question, finalement, de deux modèles,
25:53à la fois de l'homme canaque, pilier central,
25:57et en même temps, l'homme moderne, l'homme, je dirais, mondial,
26:02et trouver le plus de passerelles possibles.
26:05Il y en a de façon concrète, mais de façon aussi technique,
26:09entre les deux visions.
26:10Ce qui pourrait, effectivement, influencer l'éducation,
26:14puisqu'on fonctionne selon l'éducation classique.
26:16Et en même temps, on peut se poser la question,
26:19est-ce qu'il ne faudrait pas des parcours différenciés
26:22pour faciliter les choses ?
26:23Parce qu'on parle en Calédonie d'échecs scolaires,
26:26et en particulier de certaines communautés.
26:28On peut dépasser la notion d'échecs scolaires
26:30si on pense à refonder en profondeur l'éducation nationale.
26:35Mais ça veut dire qu'il faut avoir, effectivement,
26:38sur le plan politique, une vraie réflexion.
26:40Votre ouvrage, Frédéric Angleviel, s'appelle
26:43Nouvelle-Calédonie 2025, après la crise insurrectionnelle
26:47de mai-juillet 2024.
26:49Quel avenir à retrouver pour nos téléspectateurs
26:52sur la boutique de TV Liberté ?
26:54Merci à vous, monsieur.
26:56Je rappelle que vous étiez en direct de Nouvelle-Calédonie
26:59et qu'à cette heure-là, chez vous, il est plus de 11h du soir.
27:03Tout à fait, 23h.
27:05Merci, monsieur.
27:06Merci bien.
27:10Merci.
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