Laurence, présentatrice TV et mère d'Anthony, livre le récit de son histoire, dans laquelle elle fait face à l'addiction de son fils au cannabis ainsi qu'aux troubles psychiatriques qui en découlent, entrant ainsi dans un univers qu'elle ne connaissait pas. Un film réalisé par Arezki Abdelaziz, inspiré du livre de Roselyne Febvre "Les Battements de coeur du colibri".
00:09il n'y avait pas un jour qui se passait sans qu'il m'appelle
00:12pour me dire à quel point je lui manquais.
00:15Son comportement a changé au début de l'adolescence.
00:19Il est devenu distant, renfermé.
00:22Il s'enfermait dans sa chemin.
00:24Oui ?
00:25Bonjour, madame.
00:27Bon, Annie, c'est à ce soir-là qu'on arrive ?
00:28Désolée pour le retard. Les transports, vous connaissez ?
00:30Oui, oui, allez, c'est ça. Va t'asseoir en silence, s'il te plaît.
00:32C'est bon, c'est toujours en retard aussi.
00:34C'est bon, c'est bon.
00:39Hé, mais je vous reconnais, madame.
00:41Vous passez à la télé ?
00:43Oui, c'est bien ça.
00:44Ah, Flo...
00:46Laurence, chevalier.
00:48Allez, Anis, va t'asseoir, tu poseras des questions plus tard, OK ?
00:56Je suis là.
00:58Madame Chevalier, vous pouvez reprendre des oeuvres.
01:21Euh, oui, euh...
01:25Anthony n'avait plus le goût à quoi que ce soit.
01:31Éteins-moi ça, on s'entend plus !
01:33On toque avant d'entrer.
01:40Et puis c'est quoi cette odeur, là ?
01:41Ça sent le fenec.
01:43Je t'ai déjà dit d'aérer.
01:44T'as pas bougé depuis ce matin, là, tu...
01:48Tu...
01:49Tu comptes rester là ?
01:50Faut que tu te lèves, hein ?
01:52Faut que tu...
01:53Faut que tu bouges, hein ?
01:56Faut que tu te trouves une école, hein ?
01:58Ça fait un an que ça dure, hein ?
02:00C'est plus possible.
02:01Bon, tu comptes te lever ?
02:03Oh !
02:04Tu comptes te lever ?
02:06Comme d'habitude.
02:07Comment tu fais pour vivre là-dedans, là ?
02:11C'est...
02:12Bazar, là...
02:13Des caleçons, la bouffe...
02:15Vous êtes combien après, là ?
02:20C'est le carnet que je t'ai offert.
02:25Je peux ?
02:27Vas-y, sers-toi, là.
02:34Mais c'est vide.
02:35Mais c'est vide.
02:36Y a rien d'écrit.
02:43Mais c'est dommage.
02:44Moi, j'aimais bien les poèmes que t'écrivais.
02:46C'était beau.
02:47Ok, moi, j'écrivais quand j'avais 10 piges.
02:50T'imagines si là, maintenant, je me mets à écrire ?
02:52Non, c'est...
02:53C'est pas pareil.
02:54Si Anna, elle tombe dessus et tout, c'est la honte.
02:56Je crois comment c'est...
02:57Et pourquoi t'es déchiré, là ?
03:01Il avait les yeux rouges.
03:03Dès que je lui parlais, il était pas concentré.
03:08Sa bouche était...
03:10Madame, vous parlez de fumer comme si c'était quelque chose de grave.
03:14Mais euh...
03:15Vous avez déjà fumé, vous ?
03:17Non, jamais.
03:22Enfin si.
03:23Une fois.
03:32Mais qu'est-ce qui te plaît tellement, là-dedans ?
03:33Bah, je...
03:35Je sais pas, ça me fait du bien.
03:37Je sais pas, je saurais pas dire, mais c'est comme si tout est possible.
03:40Tu vois ?
03:41Je suis moins timide, ça...
03:43Ça me désinhibe.
03:46Ok, Anna, elle kiffe ça, donc euh...
03:48C'est une dingue, ça.
03:49Genre ta dame, elle est défoncée devant toi, comme ça.
03:51Hé, tiens.
03:54Hé, tiens.
04:00Hé, tiens.
04:02Hé, ça va ?
04:03Hé, tiens.
04:14C'est une dingue, ça.
04:15Genre ta dame, elle est défoncée devant toi, comme ça.
04:18Hé, hé, les garçons.
04:20Je suis madame, vous aussi.
04:22Et votre solution, elle a marché ?
04:23Pas le moins du monde.
04:25Je pensais que ça allait le faire réagir, et il s'est moqué de moi avec tous ses potes.
04:30Et madame, c'est qui Anna ?
04:31Anna, c'était sa petite copine.
04:33Ça faisait un an qu'ils étaient ensemble.
04:43Mais c'est quoi, ça ?
04:51Bonjour, Anna.
04:53Ça fait une heure que je vous attends, là.
04:55J'ai failli partir.
04:56Je suis désolée.
04:57Je me suis inquiétée, t'as dormi où cette nuit ?
04:59Non, j'ai dormi chez Anna.
05:00Enfin, sa cellule plutôt, du coup.
05:06Et toi, Anna, ça s'est passé comment, ton entretien pour le stage ?
05:10Euh...
05:11Je suis ballée.
05:12Pourquoi ?
05:15Je me suis pas réveillée.
05:18Tes parents, ils en pensent quoi ?
05:20Je suis en foyer.
05:21Ah, excuse-moi, je suis désolée, je savais pas.
05:25C'est pas drôle ?
05:26Ouais, c'est pas drôle.
05:27Non, non, enfin, je rigole pour la boulette, c'est pas du...
05:31C'est pas drôle ?
05:32Ouais, c'est pas drôle.
05:33Toi, t'as de la chance, t'as des deux parents.
05:34Moi, j'ai que ma mère, hein.
05:35C'est un peu compliqué avec son père.
05:37Mais j'imagine que c'est pas simple pour toi, je te comprends.
05:38Ouais, vous êtes bien la seule.
05:39Regardez-moi.
05:40Regardez-moi.
05:50C'est un peu compliqué avec son père.
05:53J'imagine que c'est pas simple pour toi, je te comprends.
05:57Ouais, vous êtes bien la seule.
06:00Regardez-moi.
06:01Même à stage, je suis faca mondiale.
06:02Les stages, y en aura d'autres.
06:03C'est pas grave, ça.
06:05Faut que tu penses à toi d'abord, à ta santé.
06:07T'es magnifique, t'as tout pour réussir.
06:11Vous me dites ça pour me faire plaisir ?
06:13Non, je te dis ça parce que je le pense vraiment.
06:15Et tu sais ce que t'aimerais faire plus tard ?
06:19J'ai une idée.
06:21Et c'est quoi ?
06:25Vous me moquez pas ?
06:26Je te promets.
06:27Ça a l'air d'être une fille bien, cette Anna.
06:29J'espère qu'il est resté avec elle.
06:30Non, elle l'a quittée.
06:31Voilà.
06:32Toutes les mêmes celles-là, c'est un truc de fou, frère.
06:34Elle devait avoir ses raisons, elle l'a pas quittée comme ça.
06:36Mais qu'est-ce que t'en sais, toi ?
06:37Genre du jour au lendemain, elle décide de le quitter.
06:39Y'avait bien quelque chose, y'avait bien quelqu'un qui a fait que, non ?
06:41À un moment donné, c'était pas assez mature, on le têche, en fait.
06:43Tu le connais ?
06:44Il fait que de la tirer vers le bas.
06:45Oh, calmez-vous, là, ça part dans tous les sens !
06:47Je suis sûre que c'est à cause de lui qu'elle a commencé le shit.
06:50Et il l'a pris comment qu'elle le quitte ?
06:56Très mal.
06:57Je suis ravie de te recevoir dans l'émission.
07:04Moi aussi, merci Laurence.
07:06Là, je présente brièvement l'actualité.
07:09Et puis ensuite, dès que je parle du gouvernement,
07:12t'as 3-4 minutes pour redérouler ton expertise.
07:16Parfait, c'est parfait.
07:18C'est amplement suffisant.
07:19Ton téléphone n'arrête pas de sonner, dis donc.
07:22Oui, c'est un numéro inconnu qui n'arrête pas de m'appeler.
07:25Tu vas peut-être décrocher, on sait jamais.
07:27C'est peut-être urgent.
07:28T'as raison.
07:31Oui ?
07:32Oui, c'est moi ?
07:37Là, maintenant ?
07:40Ok, ok, ok, j'arrive, j'arrive.
07:43Je suis désolée, je vais devoir te laisser.
07:46Je pourrais pas t'expliquer, non.
07:48Je cherche mon fils, on m'a dit qu'il était là.
07:57Comment s'appelle votre fils ?
07:59Anthony Chevalier.
08:00Sérieux, non ?
08:02Lâche-moi toi, je fais ton boulot de fond d'âge.
08:05T'es là toi ?
08:07Qu'est-ce que tu fais là ?
08:08Il m'a quitté, cette saphote !
08:10Je vais te buser !
08:11Non, non !
08:12Je vais te buser !
08:13Lâche-moi toi !
08:14Lâche-moi toi !
08:15T'es là !
08:16Y a pas de problème de fond, c'est juste un gamin qui a fait un bad trip en fumant du cannabis.
08:21Madame Chevalier, la bouffée délirante, c'est la partie émergée de l'iceberg.
08:25C'est juste un symptôme.
08:27Votre fils souffre de troubles bipolaires.
08:30Mais c'est pas possible !
08:31C'est juste un gamin sensible qui vient d'être quitté par sa petite copine.
08:35Troubles bipolaires, mais n'importe quoi !
08:37Un trouble bipolaire, ça n'arrive pas du jour au lendemain !
08:40Quand on s'attarde sur son dossier, je suis navré.
08:42Mais famille monoparentale, mère peu présente, il fait un an qu'il est déscolarisé.
08:47En gros, son quotidien c'est fumette tous les jours, matin, midi et soir.
08:51Et ça non plus, ça ne date pas d'hier.
08:53Ça fait quatre ans qu'il fume du cannabis.
08:55Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse ?
08:56Je vais pas l'enfermer, c'est un ado, je vais pas lui couper les vivres.
08:59Et puis son père qui en a rien à foutre !
09:02Moi je veux que je le comprends plus.
09:04Il est agressif, il m'a menacée.
09:07Je l'ai pas reconnu.
09:10Je sais plus quoi faire.
09:13Déjà, vous êtes là aujourd'hui, pour lui.
09:19Ce qui s'est passé avant, c'était avant.
09:21Maintenant, on va le soigner.
09:25Mes troubles bipolaires, c'est...
09:27à vie ou il va redevenir comme avant.
09:33Et rangez vos chaises avant de partir.
09:35Au revoir.
09:36Au revoir.
09:37Merci beaucoup.
09:38Merci beaucoup.
09:39Au revoir.
09:40Au revoir.
09:57Et Anthony, comment il va maintenant ?
10:01Il est toujours interné.
10:02Les périodes qui passent à l'extérieur sont plus courtes.
10:05Les salles à l'intérieur plus longues.
10:07Ah.
10:11Anis.
10:14Il est jamais trop tard.
10:15Ce jour sacré où tu me fais don de la vie, j'ai pu enfin admirer après ceci l'empruntant ton visage chérubin.
10:32Certains disent qu'il est peut-être malsain.
10:33Je leur dis qu'ils sont épris de jalousie vers cet être supérieur qui les domine et les surpasse de surcroît.
10:38Par ton intellect, mais aussi par ton empathie, qui n'est d'autre que le fruit esqui de ta personnalité si complexe me rendant perplexe.
10:44Ce ne sont que les sauvages, sans foi ni loi, qui n'ont pas la chance de pouvoir profiter de ton omniprésence dans leur existence, qui sans doute les sauveraient de bien des allégeances désobligeantes.
10:57Cette si belle grandeur et splendeur qui t'anime me font rendre compte avec ceci l'emprunt.
11:01Que ton cœur et le mien sont liés pour l'éternité.
11:02Je n'ose imaginer ce que je t'ai fait endurer ces derniers temps, mais contre ma volonté, car jamais, au grand jamais, je n'ai voulu te blesser.
11:14Désormais, je comprends.
11:16Alors, seulement maintenant, en lisant tes écrits dérudits, que la peine que je m'inflige dans la décadence de mon existence ne fait qu'exacerber et ricocher en toi tel impact faustien, ce fardeau qui est pourtant le mien.
11:29Alors, seulement maintenant, en lisant tes écrits dérudits, que la peine que je m'inflige dans la décadence de mon existence ne fait qu'exacerber et ricocher en toi tel impact faustien, ce fardeau qui est pourtant le mien.
11:43Je te promets que plus jamais je ne chuterai, car seule la volonté de ne plus jamais t'abîmer me motive.
11:49Pour une éternité, respecter cette promesse que je te fais aujourd'hui, dans l'espoir de ne plus jamais revoir ce regard si noir hanté par le désespoir, de me voir un jourchoir à nouveau dans ce monde, qui est pourtant si beau, mais que nous finissons souvent par oublier contre notre gré.