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L'inflation ralentie, +4,3% en juillet, contre 4,5% en juin. Les prix de l'alimentation continuent d'augmenter, 12,7% le mois dernier. La hausse des prix s'atténue. L'économiste Philippe Moati et Jean-Philippe André, le président des agro-industriels (ANIA) analysent la situation.

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00:00 L'inflation ralentit, nous dit-on, +4,3% en juillet contre 4,5% en juin.
00:06 Les prix de l'alimentation continuent d'augmenter, +12,7% le mois dernier, mais moins vite que
00:12 ces derniers mois.
00:13 La hausse des prix s'atténue sur des produits comme le pain, les huiles, le lait, les œufs,
00:18 d'accord.
00:19 Mais tout cela reste très théorique.
00:21 Qu'est-ce que cela veut dire dans le quotidien pour vous, pour nous, en cette rentrée, période
00:26 toujours synonyme évidemment de fortes dépenses ?
00:29 On va en parler et on va poser toutes les questions à nos invités.
00:32 Philippe Moatti, d'abord bonjour.
00:33 Bonjour.
00:34 Professeur d'économie à l'université Paris Cité, cofondateur de l'Observatoire Société
00:38 et Consommation.
00:39 Et Jean-Philippe André, bonjour à vous.
00:41 Bonjour.
00:42 Président du directoire de Haribo France et président de l'Ania, c'est l'association
00:49 nationale des industries alimentaires qui représente plus de 17 000 entreprises en
00:53 France, des PME mais aussi de très grands groupes, Lactalis, Danone, Coca-Cola, Nestlé
00:57 ou Kellogg's.
00:58 Philippe Moatti, d'abord on va surtout parler d'alimentation pour commencer, c'est le
01:03 gros poste de dépenses.
01:04 On comprend bien que la hausse des prix ralentit pour l'instant, c'est ça ? Est-ce qu'il
01:09 y a aussi des prix qui commencent à baisser ?
01:11 Oui, quelques prix commencent à baisser mais surtout pour l'instant, ce qu'on peut dire
01:17 c'est que, vous l'avez rappelé à l'instant, c'est le rythme de l'inflation qui ralentit.
01:22 Vous avez rappelé le chiffre, on est à peu près à 12% par rapport au même mois l'année
01:27 dernière, on a connu plus mais ça reste à un niveau très élevé.
01:31 En tout cas c'est beaucoup plus élevé que la liste des prix de l'ensemble de la consommation
01:35 des ménages, ce qui fait que c'est particulièrement sensible parce que c'est des produits du
01:38 quotidien donc on est confronté à ces produits-là, ça pèse lourd dans le budget des ménages
01:44 et notamment des ménages les plus défavorisés et puis ça fait un moment que ça dure.
01:47 En fait si on raisonne sur deux ans, les prix globalement, les prix dans la grande
01:52 surface ont augmenté de plus de 20%.
01:54 Donc c'est très sensible même si on connaît très peu de prix mentalement, quand le caddie
01:59 en gros augmente de 20%, c'est très fortement ressenti par les ménages et donc du coup
02:04 le chiffre que vous avez rappelé de 4 et quelques pourcents d'inflation en général,
02:08 c'est pas du tout ça qu'est ressenti par les français, c'est beaucoup plus proche
02:11 de ce qu'ils vivent lorsqu'ils font leurs courses au quotidien et donc ils ont vraiment
02:14 l'impression d'être confrontés à une inflation très forte et qui pèse fortement
02:17 sur leur pouvoir d'achat.
02:18 Il y a quelques produits, vous l'avez dit, sur lesquels les prix commencent à baisser,
02:23 lesquels très concrètement ?
02:24 Alors ça dépend des enseignes en réalité, mais on est plus sur des opérations promotionnelles,
02:28 un peu ponctuelles.
02:29 Les industriels, monsieur Delagnat va nous expliquer ça en détail, traînent un peu
02:34 des pieds disons pour arriver à baisser les prix.
02:37 On va y venir, on va en parler.
02:38 Il y a des bonnes raisons de ne pas baisser tout de suite les prix.
02:40 En gros pour l'instant, si on raisonne sur l'ensemble, par exemple au mois d'août
02:46 les prix ont encore augmenté de 0,3% par rapport à l'année dernière.
02:50 Globalement les prix continuent d'augmenter, mais à un rythme qui s'est ralenti.
02:53 Mais on peut espérer que dans les prochains mois ils vont commencer à baisser, globalement.
02:57 Pour l'instant on n'en est pas encore là.
03:00 Il n'y aura pas de septembre vert, dit d'ailleurs Michel-Edouard Leclerc notamment.
03:04 Jean-Philippe André, vous êtes d'accord ?
03:06 C'est-à-dire que nous on a pris l'habitude de ne pas mettre des couleurs sur les différents
03:13 mois.
03:14 On avait annoncé des mars rouges, des septembre verts.
03:16 C'est pas comme ça qu'il faut raisonner.
03:19 Je crois qu'effectivement on vit une période très compliquée parce que l'inflation que
03:24 nous vivons aujourd'hui c'est une combinaison de facteurs conjoncturels depuis près de
03:28 deux ans.
03:29 Ce que nous remarquons c'est qu'il y a quelques semaines, quelques mois, vous commentiez une
03:34 inflation aux alentours de 16%.
03:36 Je parle uniquement de l'alimentaire.
03:37 On est à 12,7% aujourd'hui.
03:39 J'ajoute, et c'est absolument pas une consolation parce que le pouvoir d'achat, chacun le vit,
03:44 mais en ce moment en Allemagne on est à 14%, en Italie on est à 11%.
03:47 Donc il faut bien avoir en tête que c'est un phénomène qui touche l'ensemble des
03:52 pays et qui maintenant est rentré dans une logique et dans une tendance baissière d'ici
03:59 la fin de l'année.
04:00 On devrait être aux alentours de 6 à 7% à la fin de l'année.
04:03 Tendance baissière, donc je citais des produits comme le pain, les huiles, le lait, les oeufs,
04:09 c'est ce que vous constatez avec les entreprises que vous représentez, Jean-Philippe André,
04:13 c'est sur ces produits-là que les prix commencent à baisser de quelques centimes ?
04:18 Il y a des marchés, vous avez parfaitement raison, le beurre, le blé, l'huile, on peut
04:27 ajouter la volaille aussi.
04:28 Voilà des marchés sur lesquels il y a un alignement entre les cours mondiaux et, parce
04:34 que tout ceci est lié à des raisonnements de gestion très basiques, c'est-à-dire
04:38 que maintenant ces entreprises se réapprovisionnent à ces nouveaux cours mondiaux qui sont en
04:43 baisse.
04:44 Ce qui est moins sympathique, il faut le dire aux gens parce qu'il ne faut pas raconter
04:46 l'histoire aux personnes, c'est qu'au même moment où il y a ces baisses, il y a des
04:51 matières premières, je pense au sucre, au café qui continuent à augmenter, il y a
04:57 le porc qui continue à augmenter.
04:59 Donc l'un dans l'autre, ça baisse, mais avec des sensibilités et des variations qui
05:04 sont encore très différentes.
05:06 Sucre, cacao, café, jus d'orange, produits à base de tomates, porc effectivement qui
05:12 partent à la hausse et qui continuent en effet d'augmenter.
05:15 Philippe Moaty, pourquoi on n'a pas une amélioration nette ?
05:19 Parce que ça met du temps de descendre de l'amont, la matière première, jusqu'à
05:25 l'aval, c'est-à-dire le consommateur.
05:26 Ça a mis du temps à monter.
05:28 On l'oublie un peu parce que c'est plus douloureux.
05:30 Mais entre le moment où les matières premières ont commencé à flamber, les matières premières
05:35 agricoles, l'énergie, tous les intrants de l'agriculture, et le moment où on a retrouvé
05:40 ça dans les grandes surfaces, il s'est écoulé des mois.
05:42 On est en train de vivre le même phénomène à l'envers.
05:45 C'est-à-dire que si on regarde l'amont, les matières premières, les choses se passent
05:48 plutôt bien.
05:49 Je vous donne un chiffre, je ne vais pas vous écraser sous les chiffres, mais l'indice
05:52 des prix de production agricole, c'est-à-dire les prix sortis des fermes, on est à -6,3.
05:58 Donc on est clairement sur une décrue des prix.
06:01 Par contre, si on regarde l'indice des prix de production de l'industrie agroalimentaire,
06:05 la transformation de ses produits bruts, on est sur une inflation de +11%.
06:10 Vous voyez l'écart entre, on est que sur les coûts de production, je ne parle pas
06:14 des bénéfices, l'écart entre la baisse qui est largement amorcée sur les matières
06:18 premières, plus globalement disons, et dans la transformation, on est encore sur de l'inflation.
06:22 Pourquoi ? Parce qu'on a des stocks, parce qu'on a négocié des contrats à terme,
06:27 parce que les salaires ont augmenté, il n'y a pas que les matières premières, etc.
06:29 Et donc au final, ça se retrouve dans les magasins avec encore un rythme à 12%.
06:34 Il faut attendre un peu, en espérant que les industriels globalement ne profitent pas
06:39 de cet écran de fumée qui objectivement pèse sur les prix pour augmenter leurs marges.
06:44 Encore une fois, on va parler dans la deuxième partie de cet entretien du comportement des
06:49 industriels, de leur relation avec les distributeurs.
06:52 Mais restons d'abord sur le quotidien des Français.
06:55 D'abord, est-ce qu'on peut dire, Philippe Moaty, que les prix ne reviendront jamais
06:59 au niveau d'avant-guerre en Ukraine ?
07:02 Très probablement.
07:03 Il y a une sorte de consensus chez les économistes pour penser qu'on va retrouver un rythme
07:08 d'inflation dit "normal", c'est-à-dire autour de 2%, aller dans le courant de 2025.
07:13 Et déjà dès 2024, ça devrait aller très sensiblement mieux.
07:16 Mais je rappelle que l'inflation, ça mesure le rythme d'augmentation des prix, excusez-moi
07:21 pour cette banalité.
07:22 Donc même une inflation à zéro, ça ne signifie pas que les prix baissent, ça veut
07:26 dire qu'ils cessent d'augmenter.
07:27 Donc ce qui est dans le collimateur, c'est un quasi-arrêt de l'augmentation des prix.
07:33 On aura quelques baisses de prix, on en a déjà, qui vont apparaître notamment sur
07:37 l'alimentaire.
07:38 Mais imaginez qu'on va revenir au prix d'avant cette poussée inflationniste, ça c'est
07:42 complètement illusoire.
07:43 Il y a les produits alimentaires, on en a parlé.
07:45 Il y a les fournitures scolaires, +11% par rapport à l'année dernière d'après les
07:50 associations de familles.
07:51 Les carburants, +17 centimes le litre de gasoil par rapport au début du mois de juillet,
07:57 en cette fin d'été.
07:58 Et évidemment, tout ça a des conséquences sur les comportements des ménages en clair.
08:01 Jean-Philippe André, vous le constatez, ça veut dire que les français se privent,
08:06 choisissent davantage ce qu'ils achètent et surtout ce qu'ils n'achètent pas ?
08:11 Alors, je pense qu'il y a deux manières de répondre à votre question.
08:15 À court terme, ça signifie sur les 12 derniers mois, effectivement, on se rend compte qu'il
08:20 y a une baisse en termes de volume au niveau des budgets de l'alimentation.
08:25 Et ça, c'est assez normal puisque de tout temps déjà, le facteur prix était le premier
08:33 facteur d'achat dans un pays comme la France.
08:35 En période d'inflation, ça allait encore plus.
08:36 Moi, ce qui m'inquiète un peu plus, et c'est l'ensemble de la profession aussi,
08:40 c'est de voir que le poids dans le budget familial au niveau des dépenses, l'alimentation
08:47 ne représente plus, grosso modo, entre 15 à 16%.
08:50 C'est-à-dire qu'il faut faire très attention par rapport aux attentes de chacun de nos
08:55 consommateurs.
08:56 Les gens qui nous écoutent en ce moment sont petits déjeuners.
08:57 Ils demandent quoi ? Ils demandent beaucoup de diversité, beaucoup d'innovation.
09:01 Ils nous demandent de mettre en marché des nouveaux produits.
09:03 Donc, ils demandent beaucoup de qualité.
09:05 Ils demandent un très haut niveau de sécurité.
09:08 Je rappelle à chaque fois que la France est sans doute avec le Japon le pays où ce niveau
09:12 de sécurité est le plus élevé.
09:14 Et depuis quelques années maintenant, on demande aussi de faire en sorte que la décarbonation
09:19 donne du sens et de la durabilité aux produits.
09:21 Et il faut faire très attention que l'alimentation, à côté du transport, des biens, des biens
09:27 et services, de la culture, des loisirs, ne deviennent pas simplement une simple variable
09:32 d'ajustement sur laquelle on travaille.
09:34 Et à ce moment-là, ça pourrait être très compliqué en termes de, à la fois pour les
09:39 particuliers, la gestion de leur budget familial et pour l'entreprise agroalimentaire.
09:44 Je rappelle qu'il y en a 17 000 en France d'arriver à boucler ces comptes.
09:48 Les changements de comportement, on en parle, ça touche aussi, Philippe Moiti, forcément
09:54 les ménages dits les plus modestes, mais aussi des ménages qui n'ont pas forcément
09:57 de difficultés financières particulières ?
10:00 Oui, ça touche tout le monde.
10:02 Évidemment, descendre une ou deux marches de l'escalier du pouvoir d'achat, quand
10:07 on est tout en haut de l'escalier, c'est désagréable mais ça passe.
10:11 Quand on est en bas de l'escalier, on risque de descendre dans la cave.
10:14 Au niveau macro-économique, le choc de pouvoir d'achat est modeste.
10:21 Je vais vous citer les chiffres de l'INSEE qui vont surprendre plus d'un auditeur.
10:24 En 2022, le pouvoir d'achat des Français n'a baissé que de 0,4%.
10:29 La différence entre eux, cette inflation, notamment sur les produits du quotidien qui
10:33 étaient très fortes, est seulement -0,4%.
10:35 Et pour 2023, l'année est quasiment terminée, on devrait être très proche du zéro.
10:41 Sur un plan macro-économique, le pouvoir d'achat des Français n'a pas été tellement
10:45 touché.
10:46 Les mesures gouvernementales n'y sont pas totalement étrangères.
10:49 Par contre, le choc a été différent selon les catégories d'individus et notamment
10:53 selon le poids que l'alimentaire et l'énergie pèsent dans le budget.
10:58 Et donc effectivement, pour certaines catégories de Français, et je pense aux plus modestes
11:02 en particulier, le choc a été violent.
11:04 Et ça vient d'être rappelé.
11:06 Ça s'est notamment traduit par une baisse des quantités de produits achetés dans les
11:09 grandes surfaces.
11:10 Et puis l'alimentaire est devenu une variable d'ajustement et c'est relativement inutile.
11:15 Et dans les enquêtes que nous menons à Le Psoco, nous relevons des indicateurs de restriction
11:19 sur l'alimentaire qui sont en forte croissance avec des Français, à peu près 14%, qui
11:24 nous disent qu'il leur arrive de ne pas manger à leur faim.
11:26 Alors il y a un autre changement de comportement, ça évidemment, ça frappe.
11:30 C'est une donnée qui est particulièrement marquante.
11:34 Des gens qui se privent, qui se serrent au sens propre la ceinture à cause de ces hausses
11:40 de prix.
11:41 Il y a un autre changement de comportement qu'on observe, c'est que les Français,
11:43 et là on va en venir au nerf de la guerre, le rôle des industriels que vous avez évoqué
11:47 plusieurs fois, Philippe Moaty, les Français achètent moins de grandes marques et plus
11:51 de marques distributeurs.
11:53 Ça c'est une conséquence directe et c'est justement l'effet du fait que les industriels
11:59 ne jouent pas assez le jeu selon vous ?
12:01 Non, pas directement.
12:02 Ça c'est un arbitrage classique, ça on connaissait assez bien.
12:05 C'est-à-dire qu'effectivement, quand les prix augmentent, les consommateurs vont arbitrer
12:09 à différents niveaux, mais dans une catégorie de produits, ils vont déporter leurs demandes
12:14 sur des produits moins coûteux.
12:15 Or les marques de distributeurs sont sensiblement moins chères que les produits qui avaient
12:19 l'ordre de marque.
12:20 Donc on a un transfert classique des marques nationales vers les marques de distributeurs
12:23 et d'ailleurs au sein des marques de distributeurs vers les premiers prix.
12:26 Donc ça c'est un phénomène qui est classique.
12:28 Par contre quand on regarde la dynamique des prix, dans le détail, effectivement les
12:32 grandes marques ont un indice de prix qui est relativement élevé et on se demande
12:36 s'ils ne sont pas en train de jouer "je compense la baisse de volume par une augmentation
12:41 de la marge".
12:42 Donc en gros, chercher la rentabilité plus que le chiffre d'affaires.
12:46 On va poser la question à celui qui les représente, ces industriels Jean-Philippe André.
12:49 C'est ce que font les entreprises pour lesquelles vous parlez aujourd'hui ? Est-ce qu'elles
12:57 profitent de ces hausses de prix pour baisser moins vite finalement et rattraper les baisses
13:02 de volume ?
13:04 Non, vous avez bien compris, on vient de le dire, l'inflation c'est non seulement un
13:08 poison lent et malheureusement très efficace pour le pouvoir d'achat des ménages, mais
13:14 c'est également un poison pour les entreprises.
13:15 Il faudrait être suicidaire ou complètement imbécile de jouer sur l'inflation pour gérer
13:22 les entreprises agroalimentaires.
13:24 C'est absolument pas ça.
13:25 Donc vous vous dites Coca-Cola, Lactalis, Kellogg's, encore une fois, jouent le jeu.
13:29 Philippe Moretti l'a souligné, il y a une hausse des coûts de production qu'il faut
13:35 simplement rendre compte.
13:37 Avant d'évoquer la valeur qu'il faut donner à l'alimentation, il faut simplement pouvoir
13:43 traduire les coûts.
13:44 On est dans cette séquence-là.
13:49 La baisse des marques, des volumes des marques, c'est quelque chose qui ne nous arrange pas
13:57 du tout.
13:58 Cela dit, il faut quand même voir qu'aujourd'hui, deux tiers des achats qui se font dans les
14:02 supermarchés et les hypermarchés se font sur les marques nationales.
14:04 Et dernière chose, quand on parle d'augmentation, même s'il y a cette différence de prix entre
14:09 les marques de distributeurs et les marques nationales, l'inflation frappe tout aussi
14:14 bien les marques de distributeurs que les grandes marques nationales.
14:17 Cela veut bien dire que si c'était aussi simple, parce que des fois on entend des discours
14:22 assez simplistes ça et là dans les médias, vous auriez tous nos grands clients, que ce
14:29 soit Carrefour, Intermarché, Leclerc, qui baisseraient massivement leurs marques de
14:33 distributeurs.
14:34 Simplement ce n'est pas possible, parce qu'il y a de vraie logique économique pour piloter
14:38 ces entreprises qui les livrent.
14:39 Justement les distributeurs, les industriels négocient avec eux une fois par an seulement
14:45 en France.
14:46 C'est le seul pays d'Europe où c'est comme ça d'ailleurs je crois.
14:47 Et de plus en plus de supermarchés, d'hypermarchés disent qu'il faut qu'on négocie beaucoup
14:53 plus régulièrement pour adapter les prix en temps réel.
14:56 Vous seriez d'accord pour faire cela Jean-Philippe André ?
14:58 La vérité est un tout petit peu plus compliquée.
15:04 Pour préciser aux gens qui nous écoutent, dans chaque contrat qu'il y a entre un industriel
15:09 et son client, parce que pour nous c'est les clients, les distributeurs, Intermarché,
15:13 Leclerc, etc.
15:14 Il y a ce qu'on appelle des clauses de renégociation dans les contrats.
15:17 C'est-à-dire qu'en fonction des variations d'indices, notamment des matières premières,
15:21 notamment parce que c'est là un peu le cœur de cible, il y a obligation de se remettre
15:26 autour de la table.
15:27 Deuxième élément, j'évoquais tout à l'heure le niveau d'inflation en Allemagne par exemple.
15:30 Inflation alimentaire de l'ordre de 14 à 15%.
15:33 En Allemagne vous pouvez négocier tout le temps, comme vous voulez.
15:35 L'inflation alimentaire est supérieure à la France.
15:38 Donc vous voyez là encore, il n'y a pas le "il n'y a qu'à" ou une solution simple.
15:43 Je pense qu'aujourd'hui on a malheureusement derrière nous un passif d'au moins d'une
15:49 dizaine d'années de relations extrêmement compliquées.
15:52 Compliquées ça veut dire notamment au niveau économique, le rapport de la valeur, le partage
15:58 de la valeur entre la distribution et les entreprises agroalimentaires qui est très
16:02 négatif en France.
16:03 Sans doute le plus négatif sur l'ensemble des pays modernes et des pays occidentaux.
16:09 Ce qui fait qu'aujourd'hui je pense qu'on n'est pas mûr à dire "on ouvre la négociation
16:12 à toute sa limite".
16:13 Il faut faire appliquer les clauses de renégociation, il faut peut-être les perfectionner.
16:17 Et on peut travailler sur ça dans le cadre des prochaines négociations.
16:22 Mais on ne négocie pas tout au long de l'année, on garde des rendez-vous fixes.
16:27 Les prochaines négociations entre distributeurs et industriels seront en décembre, janvier,
16:33 février.
16:34 Philippe Moaty, c'est vrai que en tant que Béossien et en tant que consommateur, on
16:38 se dit que les prix ne changeront pas réellement avant cette échéance-là ?
16:42 Ils vont probablement commencer à baisser à partir de la rentrée.
16:45 Pas de manière générale.
16:47 Je pense que les consommateurs vont sentir la trajectoire de baisse pendant cet automne.
16:51 Avec quand même un tout petit bémol, le jeu d'un biais cognitif bien connu.
16:55 On est très sensible aux hausses, on est moins prompt à remarquer les baisses.
16:58 Donc ça a beaucoup râlé quand ça a monté, vous allez voir qu'on va être beaucoup plus
17:01 discret quand ça va descendre.
17:02 Le gouvernement avait menacé de publier la liste des industriels de l'agroalimentaire
17:08 qui ne jouerait pas le jeu de cette baisse des prix.
17:11 Le fameux "name and shame" pour utiliser un anglicisme.
17:15 Finalement cet été, Bercy nous a expliqué que ça s'était bien passé et qu'il n'y
17:18 avait personne à afficher publiquement.
17:20 Vous avez un petit sourire en coin Philippe Moaty ?
17:22 Non mais c'est très difficile.
17:23 En réalité, il faut être sûr que les prix ne baissent pas parce qu'on a affaire à
17:29 des comportements de marge.
17:30 Alors c'est très compliqué, il faudrait connaître la structure des coûts dans le
17:32 détail, avoir les données comptables, ce qu'on n'a pas au cours d'année.
17:36 Il faut être extrêmement prudent en la matière.
17:38 Les études auxquelles j'ai fait référence tout à l'heure sont très sérieuses et
17:43 indiquent qu'il pourrait y avoir des comportements de marge par le conditionnel.
17:47 Il faut être très prudent et rappeler par ailleurs que même si certains industriels
17:50 les plus puissants, parce que les PME sont mis sous pression, si les gros industriels
17:55 sont tentés aujourd'hui de profiter de l'écran de fumée pour augmenter leurs marges, ça
17:58 fait suite à plusieurs années de déflation dans la grande distribution où les marges
18:02 de tout le monde ont été mis sous pression.
18:04 Donc c'est plus une manière de revenir à la normale que d'exploiter abusivement
18:07 le pouvoir de marché.
18:08 Je vous remercie en tout cas tous les deux.
18:10 On comprend qu'on est au tout début de l'amélioration.
18:15 Ça va être encore un long processus.
18:18 Merci beaucoup en tout cas Philippe Moaty, professeur d'économie à l'université
18:22 Paris, cité cofondateur de l'Observatoire Société Consommation.
18:24 La Nouvelle Révolution Commerciale, votre livre chez Odile Jacob.
18:28 Merci aussi Jean-Philippe André, président de Haribo France et président de l'Association
18:33 Nationale des Industries Alimentaires.

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