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Adèle Yon : "La société est prête et a besoin" de parler de la santé mentale des femmes
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Adèle Yon, autrice de "Mon vrai nom est Elisabeth" (éditions du Sous-Sol), était l'invitée de France Inter vendredi 11 juillet.
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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Prix Essai France Télévision, prix du Nouvel Obs, grand prix d'électrice du L, finaliste
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du prix Goncourt du premier roman et finaliste du prix du livre Inter, Notre Maison, mon
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vrai nom, est Elisabeth, est sortie en février depuis, c'est un vrai succès critique et
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en librairie, ce livre c'est le vôtre, bonjour Adélion.
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Bonjour.
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Est-ce que moi aussi, je suis folle ? C'est la grande question du début de votre livre,
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la question que vous vous êtes posée, vous-même, il y a quelques années, le commencement d'une
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grande enquête, cette grande enquête sur votre arrière-grand-mère Elisabeth, dites Betsy,
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dans votre famille il y a un secret autour de cette femme que l'on dit schizophrène, sans
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en dire beaucoup plus, qui a passé de longues années à l'asile, pour ceux qui n'ont pas
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lu votre livre Adélion, racontez-nous ce que vous avez découvert en enquêtant sur votre
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arrière-grand-mère.
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Écoutez, j'ai découvert un destin plus horrible que tout ce que j'avais pu même
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concevoir, puisque j'avais une méconnaissance tout autant de ce qui avait pu se faire dans
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cette famille que des pratiques psychiatriques de l'époque, c'est une femme qui est vraiment
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détruite de plusieurs manières, d'abord par son couple, ensuite par la maternité,
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le fait d'avoir 6 enfants en 7 ans par exemple, ensuite par toutes les pratiques psychiatriques
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de l'époque qui avaient cours, donc les électrochocs, les cures de saquel, qui étaient
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des comas à l'insuline et finalement la lobotomie qui advient en 1950 et qui la rend inapte
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en fait à énormément de choses, au premier degré comme on dit.
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Pourquoi a-t-elle été, Elisabeth, internée finalement ?
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C'est une histoire à laquelle il n'y a pas de réponse, c'est une question à laquelle
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il n'y a pas véritablement de réponse, en tout cas je n'affirme pas de réponse évidente,
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je pense que c'est aux lecteurs et aux lectrices de se faire leur propre chemin à travers tout
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ce que je mets à leur disposition pour le faire, parce que c'est vraiment le sens aussi,
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le sens de lecture de ce livre, c'est que chacun trouve sa place pour répondre à cette
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question-là précisément.
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Vous l'évoquiez, des milliers de femmes ont été internées dans les années 40,
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50, 60, de force, sans trop qu'on sache pourquoi, comme vous le dites, la psychiatrie a été utilisée
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contre les femmes dans ces années-là.
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Oui, absolument, et j'ai longtemps pensé que la psychiatrie avait agi contre les femmes
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qui étaient excentriques, qui démontraient des caractères qui peut-être n'étaient
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pas totalement dans la norme, et en fait plus j'y réfléchis, plus je vais à la rencontre
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des lecteurs et des lectrices et d'autres histoires de famille, plus je me rends compte
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qu'Elisabeth, comme d'autres, était peut-être simplement une femme qui disait qu'elle était
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l'égale de son mari, et que c'est simplement cette posture d'égalité, de dire
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« je suis là, j'existe et je suis ton égal », qui était inaudible en fait pour
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une certaine société et pour certains hommes de l'époque.
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C'était un moyen de les empêcher d'être libres, c'est ça que vous dites ?
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Je pense même de les empêcher d'avoir un rôle dans la société qui était le même
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que celui des hommes, de prendre une place qui était la même que la leur.
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Vrai succès, je le disais, 80 000 exemplaires vendus pour un premier livre, c'est beaucoup.
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Vous parliez à l'instant des rencontres que vous pouvez avoir depuis la sortie du livre
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avec d'autres personnes qui font un peu le même travail que vous, parce qu'en fait
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l'histoire d'Elisabeth, votre histoire, c'est l'histoire de beaucoup de familles dans ce pays.
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C'est ce que je réalise depuis quatre mois, depuis la sortie du livre, c'est effectivement
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que des Elisabeth, il y en a beaucoup, il y en a dans toutes les familles, il y en a
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sans doute encore aujourd'hui dans les pratiques psychiatriques, dans la manière dont
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certaines femmes sont mises à l'écart par la psychiatrisation pour des raisons qui
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n'ont rien à voir avec la santé mentale.
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Et je pense qu'effectivement c'est ça qui se manifeste dans le succès du livre et
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c'est ça en tout cas que moi je ressens très fortement dans ces très belles rencontres
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que je fais en librairie.
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Qu'est-ce qui vous frappe dans ces rencontres ? Qu'est-ce qu'on vous dit ? Est-ce qu'on
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vous remercie ? Est-ce qu'on vous demande comment vous avez fait ? Parce qu'il faut
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dire que c'est un travail d'archive ce livre.
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Vous avez passé des semaines, des mois à récupérer des archives, des dossiers médicaux.
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Qu'est-ce qu'on vous demande ? Est-ce qu'on vous demande des conseils en fait ?
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Non, en fait on ne me demande pas tellement de conseils.
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Je pense que justement le livre est assez clair sur son processus.
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Il n'y a peut-être pas ce besoin-là.
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En revanche, c'est moi souvent qui retourne la question parce qu'on me remercie.
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Je dis mais qu'est-ce que vous allez en faire ? Qu'est-ce qu'on fait de cette lecture ?
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Et généralement les lectrices me répondent, je décroche mon téléphone et puis j'appelle
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ma mère, j'appelle ma grand-mère et je me mets à lui poser des questions.
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Et donc la parole s'ouvre et ça c'est très important pour moi.
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Vous dites lectrice parce qu'effectivement la plupart des personnes qui font ces recherches
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aujourd'hui, ce sont les femmes, des familles justement de ces femmes qui ont été internées.
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Je fais un choix pour la majorité, il y a des lecteurs aussi mais une majorité de lectrices.
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Évidemment, mais cette peur d'être folle que vous avez vous-même ressenti,
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et d'ailleurs folle c'est un adjectif qu'on colle encore aujourd'hui, vous en avez un peu parlé,
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que certains hommes collent aux femmes, la folie, l'hystérie.
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Qu'est-ce que vous allez chercher ? Quelle réponse vous avez trouvée à cette idée de la folie,
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à la représentation de la folie qu'on a encore dans notre société et qu'il y avait encore plus avant ?
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Je ne peux pas répondre de manière complètement générale.
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Ce qui est sûr c'est que cette enquête, elle va guérir en moi, elle a guéri en moi cette crainte-là.
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Mais il ne faut pas l'oublier qu'elle était associée à un certain type de folie, entre gros guillemets,
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qui était cette schizophrénie dont on parlait dans la famille et dont je découvre qu'elle n'est pas du tout avérée
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et que ce n'est pas du tout ce dont Elisabeth souffrait, si tentée qu'elle a souffert de quelque chose.
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Donc pour moi cette enquête c'est vraiment une libération de cette peur-là,
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autant que d'une manière de critiquer ce que ce terme de folie cache, et ça encore aujourd'hui pour le coup.
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Le succès de votre livre, est-ce qu'il est lié aussi à votre avis au fait que la société est prête aujourd'hui
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à entendre ces histoires et à parler de la santé mentale des femmes et de la manière dont on a psychiatrisé les femmes ?
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Elle est prête dans le sens où elle a été préparée, oui, par plein d'autres lectures, par plein d'autres livres,
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par les sciences humaines aussi qui font un travail de fond qui est très important.
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Et au-delà d'être prête, je pense qu'elle en a besoin.
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Et c'est peut-être même au-delà de la santé mentale, c'est la question de l'exploration de nos propres histoires familiales
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et comment les histoires se répètent de génération en génération quand elles ne sont pas mises en lumière,
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comment le silence protège ces répétitions.
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Et justement, on a besoin d'aller voir ces histoires familiales pour se libérer de ce joug du destin
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qui nous serait imposé de l'extérieur et face auquel on serait incapable d'agir.
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Est-ce qu'il faut, à votre avis, est-ce que vous avez eu du mal à avoir accès, je parlais des archives,
06:23
est-ce que vous avez eu du mal à les trouver ?
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Et est-ce qu'aujourd'hui, pour qu'un certain nombre de familles aient des réponses,
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il ne faut pas ouvrir peut-être plus les archives ?
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Il faut des auxiliaires, ça c'est sûr, autant du côté de sa famille.
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Il faut des gens pour aider.
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C'est ça, il faut des gens pour aider, autant du côté de sa famille que du côté des institutions et des archivistes.
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Moi, j'ai eu la chance d'en avoir.
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Après, j'ai quand même mesuré, autant du côté de ma famille que du côté des institutions,
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qu'il y a aussi réellement des freins.
06:46
Et par exemple, le dossier médical d'Elisabeth, je ne l'ai jamais trouvé.
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Et il y a des choses que j'ai trouvées vraiment en me battant,
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avec énormément de patience, énormément de persévérance, en me rendant sur place.
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Il faut cette persévérance-là.
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Et il ne faut pas oublier que les archives sont fragiles,
07:00
que beaucoup ont disparu.
07:01
Et donc, il faut aussi savoir faire avec ces vides.
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Il y a donc aussi le silence dans les familles.
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Maman, c'était un non-sujet, dit l'une des filles de Betsy, une de vos grand-tantes dans le livre.
07:13
Le silence dans ces familles, est-ce que c'est le prolongement du calvaire de ces femmes, selon vous ?
07:19
Oui, complètement.
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C'est le prolongement du calvaire de ces femmes, comme Elisabeth,
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celles qui ont réellement vécu ces tragédies-là.
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C'est aussi le prolongement du calvaire des femmes qui suivent,
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parce que c'est le moyen de reproduire toujours les mêmes schémas.
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Nous, ce silence, il protégeait, il faisait jaillir chez nous cette peur de la maladie mentale,
07:35
parce qu'on ne savait pas ce dont avait souffert Elisabeth,
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et qu'on vivait dans la peur, à cause de ce silence.
07:43
Votre grand-mère, la fille de Betsy, vous dit « tu lui rends justice ».
07:48
D'abord, il faut dire que votre grand-mère, elle met un peu de temps à ne pas accepter votre travail,
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mais en tout cas à en parler avec vous.
07:54
Et elle lui dit « tu lui rends justice ».
07:56
Est-ce que vous pensez avoir rendu justice à Elisabeth ?
08:00
Je ne sais pas si le…
08:02
Je pense qu'elle dit aussi « ça existera, il y aura quelque chose ».
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Pour moi, c'est plutôt ça qui compte.
08:07
C'est le fait que ces femmes, qui ont été complètement effacées
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de l'histoire globale, collective, et de l'histoire familiale,
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elles existent quelque part.
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Qu'on puisse ouvrir un livre, écouter un podcast, regarder un film,
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et savoir que ces femmes ont existé,
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et se construire, nous en tant qu'individus aujourd'hui,
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en relation avec cette mémoire-là.
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C'est ça qui est important pour moi.
08:28
Est-ce que vous pensez avoir écrit un livre féministe d'Alion ?
08:31
Oui, justement dans ça.
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Dans ces imaginaires auxquels maintenant on peut faire référence.
08:35
Ces imaginaires avec lesquels nous, aujourd'hui, hommes et femmes,
08:38
on peut se construire alors qu'avant, ils étaient simplement absents.
08:41
Ces questions, cette question que je rappelais au début,
08:44
est-ce que moi aussi je suis folle ?
08:46
Est-ce que vous vous la posez d'une autre manière aujourd'hui ?
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Est-ce qu'elle revient dans votre esprit ?
08:52
Ou est-ce que c'est d'autres questions qui se sont ouvertes depuis le livre ?
08:54
Non, c'est d'autres questions.
08:56
C'est plutôt ce que je ressens quand je ressens des sentiments extrêmes.
08:59
De quoi ça parle ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
09:01
Est-ce que j'ai le droit de les écouter ?
09:03
En fait, c'est même plus des...
09:05
D'une certaine manière, ça, temporairement sans doute,
09:07
ça contourne les questions et ça me place dans une position d'affirmation
09:11
qui, je pense, m'est nécessaire en ce moment
09:13
et qui ne durera sans doute pas toujours, mais qui m'est nécessaire.
09:16
Une toute dernière question, Adélion.
09:18
Comment vous imaginez la suite de votre carrière d'autrice ?
09:22
Est-ce que vous avez encore envie d'écrire sur ce thème ?
09:26
Peut-être pas spécialement sur votre famille,
09:28
mais est-ce que ce thème, vous allez le garder avec vous
09:29
et en faire encore quelque chose ?
09:31
Je ne pense pas, parce que d'une certaine manière,
09:34
je ne pense pas avoir écrit sur la santé mentale.
09:36
Je pense avoir écrit sur l'histoire d'une femme
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dont on a dit à tort qu'elle avait une maladie mentale
09:40
et ce n'est quand même pas tout à fait la même chose.
09:43
Et donc, pour l'instant, Elisabeth et moi,
09:45
on continue à se promener de plateau en plateau
09:48
et de librairie en librairie
09:49
et j'ai du mal à envisager la suite tout de suite.
09:51
Mais j'ai cette tension et désir d'écriture très fort.
09:55
Mon nom, mon vrai nom, est Elisabeth.
09:58
C'est aux éditions du Sous-Sol.
09:59
Merci beaucoup, Adélion,
10:01
d'avoir été l'invité de France Inter ce matin.
10:03
Et bonne journée.
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