- aujourd’hui
Avec Fanny Lechevestrier, journaliste à la Direction des sports de Radio France, Emmanuel Hubert, manager de l’équipe Arkéa-B&B Hôtels et Olivier Haralambon, ancien coureur cycliste, auteur de “Un corps d’homme” et de “Mes coureurs imaginaires” (Premier Parallèle). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-14-juillet-2025-2400846
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00:00Si vous avez prévu une petite sieste cet après-midi devant le Tour de France, je vous préviens tout de suite,
00:12l'étape du jour ne s'y prête pas, elle promet du spectacle dans le massif central avec une arrivée au Mont-Dor.
00:18On parle de la grande boucle donc ce matin, de son actualité, de son évolution sportive, économique, sociétale dans ce grand entretien.
00:25Avec comme d'habitude vos questions au 0145 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:30Et avec nos trois invités, l'une de celles et ceux qui vous font vivre le Tour de France sur France Inter,
00:36Fanny Lechevestrier de la direction des sports de Radio France, un historique du Tour aussi Emmanuel Hubert,
00:41manager de l'équipe Arkea BNB Hôtel, c'est l'équipe de la nouvelle coqueluche du public français,
00:46Kevin Vauclin qui est sur le podium provisoire, troisième au classement général.
00:51Bonjour à tous les deux, vous êtes en direct d'Enza dans le puits.
00:55David Dôme nous partira cette dixième étape tout à l'heure à 13h10.
00:59Et à mes côtés en studio, un écrivain, philosophe, obsédé de vélo, vous le dites vous-même,
01:03Olivier Aralambon, bonjour.
01:05Bonjour.
01:05Vous êtes ancien coureur cycliste amateur de très bon niveau, vous avez écrit entre autres
01:11Un corps d'homme et mes coureurs imaginaires aux éditions Premiers Parallèles.
01:15Un mot d'abord de cette première semaine qui vient de s'achever, un mot ou une image les uns les autres,
01:22qu'est-ce que vous retenez Fanny ?
01:24Moi je retiens la folie en Bretagne, on en déplaise à Kevin Vauclin, à Mur de Bretagne,
01:31c'était assez fabuleux.
01:32Et justement Kevin Vauclin, au milieu, qui a régalé toute cette première semaine du Tour de France,
01:39il fait du bien, il apporte de la fraîcheur dans ce peloton.
01:42Emmanuel Hubert ?
01:43En premier je dirais Vauclin et en deuxième je dirais la magie du Tour de France.
01:49La magie toujours qui subsiste.
01:51Exactement, parce qu'en fait quand on voit le public sur le bord des routes, c'est inimaginable,
01:57je veux dire, ce sport est vraiment fantastique et magique de par cette proximité.
02:03Et vous Olivier, alors qu'est-ce que vous retenez ?
02:06Écoutez, par principe je vais m'inscrire un tout petit peu en faux.
02:09La magie du Tour, j'y suis tout à fait sensible et je sais que le public est en rendez-vous
02:13et tout ça est génial.
02:16Ce que je retiens, moi j'ai envie de mettre le mot préliminaire sur cette première semaine,
02:21dans la mesure où on a déjà, non pas vu se découvrir,
02:25mais où on nous a déjà annoncé la domination de quelques-uns.
02:30D'un notamment ?
02:32Et bien sûr, ce 10 ans, je ne vais pas, comment dire, manquer de respect à Vauclin,
02:37dont moi-même j'attends beaucoup au plan personnel.
02:40Il y a déjà la domination effectivement de Tadej Pogacar, le Slovène,
02:44triple vainqueur déjà et peut-être probable vainqueur d'une quatrième grande boucle
02:50dans deux semaines sur les Champs-Elysées.
02:52On va en parler, mais Fanny Lechevestrier, on nous prédisait une semaine folle
02:56au niveau du tracé, des étapes avec énormément de spectacles,
03:00avec aussi une ferveur puisque le Tour est passé pour cette première semaine
03:05dans des régions de vélo, le nord, l'ouest de la France.
03:08Elle a été vraiment folle cette première semaine ou pas ?
03:10Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas vu autant de monde au bord des routes,
03:13donc de ce côté-là, elle a été folle.
03:15Et puis je crois que le parcours, avec des parcours accidentés,
03:19alors il ne faut peut-être pas prendre en référence effectivement
03:22les deux étapes de transition ce week-end,
03:24mais justement le peloton, les coureurs avaient aussi besoin de souffler
03:28après cinq jours de folie où ça n'a pas débranché.
03:32Ça va extrêmement vite et je crois que les boss qui ont été placés sur le parcours
03:37font du bien, ça met du suspense, on voit des choses, on voit des attaques,
03:43on découvre de nouveaux coureurs grâce à ce genre de profil,
03:47les fameux punchers qui sont à la mode aujourd'hui dans le cyclisme.
03:50Oui, c'est vrai que ce sont les coureurs les plus spectaculaires,
03:53donc ce sont eux qu'on met en avant aussi parce que le public les aime.
03:57Vous parliez du public justement à Emmanuel Hubert,
04:00le directeur du Tour Christian Prudhomme parle dans Ouest France
04:03d'une nièce rarement vue ces derniers jours, vous êtes d'accord avec lui ?
04:07Totalement d'accord, je crois qu'on a eu encore la preuve
04:10que le cyclisme était très, très, très, très attirant
04:14et ces derniers jours, c'est vrai que la Normandie, le Nord, la Bretagne
04:19ont été traversées par des foules et le peloton qui se ruent
04:25parmi tous ces spectateurs, c'est vraiment quelque chose
04:30où on en prend plein les yeux.
04:32Olivier Rallembault parlait de la domination, effectivement,
04:36de quelques-uns et notamment du sloven Tadej Pogacar,
04:39déjà vainqueur de deux étapes avec le maillot jaune solidement accroché
04:43aux épaules et on voit mal à part une défaillance,
04:46un accident qui pourrait l'en priver dans deux semaines.
04:49Est-ce que ça ne gâche pas un peu le plaisir ?
04:52Non, je crois que ça fait partie aussi de notre sport
04:55et vu la configuration, la physionomie et la topologie de ces étapes,
05:02quand on voit Rouen, quand on voit Mur de Bretagne,
05:05il est obligatoire que ce sont les favoris qui vont s'exprimer
05:09et n'ont pas des échappés.
05:10Aujourd'hui, les équipes sont tellement bien taillées,
05:13bien mises par rapport à des équipiers qui peuvent rouler très longtemps
05:17et donc ils amènent leur leader le plus proche possible de l'arrivée
05:20justement pour jouer les victoires.
05:23Et la preuve en est, Pogacar gagne deux étapes.
05:25On va parler d'évolution du vélo, Olivier Rallembault,
05:28que vous vous déplorez, puisque vous restez attaché au romantisme du cyclisme.
05:35Oui, c'est-à-dire que je déplore oui et non.
05:38Je me suis longtemps attaché, moi j'ai fait du vélo en compétition
05:42jusqu'au milieu des années 90, ça commence à remonter,
05:46mais dont on sait aujourd'hui, qu'on présente aujourd'hui
05:49comme des années noires du sport cycliste.
05:53Et je me suis longtemps attaché à défendre au contraire ce qui,
05:57moi il me semblait qu'à cette époque-là, une injustice était faite aux coureurs,
06:00que tout le monde laissait tomber, parce qu'on ne parlait que de dopage et que de PE.
06:02Et je me suis longtemps attaché à dégager dans ce sport
06:06ce qu'il y a de, comment dire, à la fois d'incommensurable et d'inaccessible à l'artifice.
06:10Alors j'ai toujours plaisir à regarder le vélo,
06:13parce que c'est une affaire de geste et de subtilité, on le dit beaucoup ou trop peu.
06:17Et les champions sont toujours, enfin j'ai regardé pédaler Van Der Poel hier,
06:22je veux dire c'est plat, c'est tout droit, mais c'est toujours beau.
06:25Enfin il y a une espèce de qualité de geste comme ça qui me touche infiniment.
06:28Après, bon, les questions en effet financières, politiques, d'éventuelles tricheries se posent.
06:37Enfin je veux dire, plutôt on ne voit pas comment ne pas les poser.
06:41On connaît l'histoire de ce sport et de fait, la domination de quelques-uns interroge.
06:47Loin de moi l'idée et même la volonté d'affirmer quoi que ce soit et d'incriminer qui que ce soit.
06:52Mais oui, il y a des choses un peu étonnantes.
06:55Est-ce qu'il y a un paradoxe, Fanny Lechevestrier, entre, on le disait,
07:00ce spectacle qui est de plus en plus impressionnant quand on regarde les étapes
07:05qui sont de plus en plus animées, où il se passe énormément de choses
07:09et des équipes qui ont de plus en plus de moyens pour les plus grosses en tout cas
07:13et qui cadenassent de plus en plus.
07:15Donc on a à la fois de plus en plus de spectacles et de moins en moins de place au hasard.
07:20Oui, mais quand il y a beaucoup d'argent au jeu, on essaye justement de réduire la part du hasard.
07:28Et si vous pensez à l'équipe de Tadej Pogacar, UAE, Emirates,
07:33oui forcément, eux ils veulent maîtriser ce hasard et qu'il y en ait le moins possible.
07:38Donc ils se renforcent, ils ont quasiment des coureurs dans leur équipe
07:42qui pourraient être leaders dans toutes les autres équipes.
07:45Donc forcément, ça annihile le hasard.
07:49Après, on le voit, ça n'empêche pas le spectacle à côté aussi.
07:53Oui, Pogacar est annoncé grand favori de ce Tour de France, on le voit,
07:57mais il se passe quand même des choses à côté de cette bataille pour le classement général.
08:03Emmanuel Hubert, quel regard vous portez sur ce cyclisme ?
08:08Ça fait 30 ans et plus que vous êtes dans le vélo, vous avez été coureur,
08:12ça fait 20 ans que vous êtes dirigeant d'équipe.
08:15Vous avez vu les moyens technologiques évoluer vers, encore une fois,
08:21toujours plus de rationalisation et moins de romantisme peut-être.
08:25C'est vrai que moi, je pense aussi à certaines choses, comme le dit Olivier.
08:31Moi aussi, je suis un nostalgique, mais voilà, je crois qu'il faut qu'on avance aussi avec notre temps.
08:38Je crois qu'on ne peut pas tout le temps s'offusquer non plus de budget assez énormissime.
08:44Maintenant, voilà, ça fait partie.
08:45Moi, si demain matin, on me donne 50 ou 60 millions, je ne vais pas dire non, non,
08:49donnez-moi que la moitié, on fait deux équipes.
08:52Je pense qu'il faut vivre avec son temps.
08:54La seule chose, c'est que moi, aujourd'hui, je suis en bataille, justement, pour perdurer.
09:00Vous voulez chercher les millions, on va en parler aussi.
09:01Exactement, mais je veux dire, on ne peut pas tout le temps.
09:04Il faut vivre avec son temps, il faut vivre le temps.
09:08Moi aussi, j'adorais, quand j'écoutais un certain Jean-René Godard à la radio,
09:15c'était la magie aussi de ce tour.
09:17Maintenant, tout est filmé, tout est chiadé, tout est...
09:21Voilà, je crois qu'il faut vivre aussi avec son temps.
09:25Mais justement, Emmanuel Hubert, une question de Shérif qui nous appelle au Standard de France Inter.
09:30Bonjour, Shérif.
09:31Bonjour.
09:32On vous écoute.
09:34Ma question est la suivante, justement, sur un petit peu la nostalgie des anciens jours, entre guillemets.
09:40Moi, je me posais la question de la technique, justement, qui est de plus en plus prégnante et qui donne un peu moins d'instinct à la course.
09:47C'est-à-dire que si on pouvait se débarrasser, pas se débarrasser complètement, naturellement, des oreillettes et de toute cette technique qui donne lieu à moins d'approvisation pour les coureurs,
09:58par exemple, retirer les oreillettes une journée par semaine sur des étapes précises et qui permettrait peut-être ce romantisme dont vous parlez.
10:07Pas bête, cette proposition de Shérif. Emmanuel Hubert, qu'est-ce que vous en pensez ?
10:12C'est une bonne question, Shérif. C'est vrai, mais la seule chose, c'est qu'aujourd'hui, il y a des gros budgets. On parlait tout à l'heure.
10:19Donc, en fait, on serait le seul sport à ne pas pouvoir... Moi, je ne suis pas un supporter, un fervent défenseur de l'oreillette.
10:27Moi, de toute façon, je ne suis plus dans la voiture, donc je ne le pratique plus.
10:31La seule chose, c'est qu'à un moment donné, quand on, mettons, le départ est donné à midi, midi 15, on donne des consignes et après, on revoit les coureurs cinq heures après.
10:40On serait le seul sport à ne pas pouvoir donner des directives ou changer de stratégie.
10:46Donc, à un moment donné, peut-être que de tout le temps dire attention au virage, attention au dodane, attention au terre-plein,
10:51peut-être que ça, c'est peut-être inutile, je veux dire, quelque part, même si la sécurité devrait être, je veux dire, primordiale par rapport aux besoins de l'oreillette.
11:03Maintenant, sur le plan stratégique, je crois que, ouais, il y a un moment donné, il y a des coureurs qui sont payés très, très cher
11:09et à un moment donné, ça devient très rationnel. Donc, il faut donner aussi des directives.
11:15Mais justement, vous citez à nouveau le mot, rationnel, et je vous cite, Olivier Aralembon, vous le disiez à l'Obs il y a quelques années,
11:23de plus en plus rationnel, le vélo court le risque de devenir un sport comme les autres, alors que pour vous, c'est un phénomène religieux quasiment. Expliquez-nous ça.
11:32Oui, quasiment, en effet. C'est-à-dire que la question de shérif concernant les oreillettes, à mon avis, pose la question de l'incertitude qui manque dans la course cycliste.
11:43Moi, ce qui m'intéressait, c'est la question de l'intimité de l'effort, de la phénoménologie, c'est-à-dire de ce que vit le sujet qui s'efforce.
11:50Et il me semble que jusqu'à une, je ne sais pas exactement la dater, mais jusqu'à une époque qui remonte à peut-être 30 ans, il y avait une sorte de mystique de l'effort.
11:59C'est-à-dire que celui qui se projetait vers son effort se projetait vers une forme d'inconnu, vers une forme de transcendance.
12:04Et tout ce qu'on savait, c'est qu'il fallait aller le plus loin possible parce qu'on ne pouvait pas le mesurer.
12:08La rationalité s'est installée avec les progrès de la physiologie et de l'entraînement.
12:11Et aujourd'hui, performer, c'est plus percer sa forme et se dépasser au sens littéral, c'est plutôt épouser les contournes d'un pattern scientifiquement préétabli et qu'on connaît à l'avance.
12:21Donc c'est exactement l'inverse.
12:23Je crois que c'est installé au cœur même du rapport à l'effort, une sorte de gestion un peu, entre guillemets, capitaliste et un peu protestante de son effort, qui a produit un cyclisme assez ennuyeux.
12:36Il faut le dire.
12:37Je n'ai pas besoin de faire un dessin.
12:39Tout le monde se souvient de l'époque Sky.
12:40Et qu'aujourd'hui, cette évolution, comment dire, suit presque l'évolution de la société.
12:45On a l'impression d'assister à l'émergence d'une classe d'ultra-riches qui, à nouveau, peuvent se permettre toutes les dépenses et de ne plus compter et de ne plus gérer.
12:54Sky, c'était cette équipe ultra-dominante, effectivement, avec...
12:57Avec Christopher Froome.
12:58Voilà, Christopher Froome qui a été attrapé ensuite pour dopage.
13:03Voilà, et qui cadenassait la course dans des scénarios qu'on connaissait à l'avance.
13:05Voilà, et justement, puisque vous parlez de dopage, j'allais dire, Fanny Lechevestrier, on ne peut pas parler de vélo sans parler de dopage.
13:13Mais justement, je vais retourner la question.
13:14Est-ce qu'on peut aujourd'hui parler du Tour de France sans parler de dopage ?
13:18Est-ce que c'est possible ou est-ce que la suspicion est toujours là ?
13:23Le doute est toujours là, mais moi, j'ai envie de dire aussi qu'on se pose aussi la question sur d'autres sports.
13:28Bien sûr.
13:29Je jette l'opprobre à aucun autre sport, mais le doute est là par l'histoire du cyclisme, par l'histoire du Tour de France.
13:38Vous avez parlé de la génération Sky, on peut parler bien sûr des 20 ans de la découverte, de la révélation autour de Lance Armstrong.
13:45Donc oui, bien sûr, le dopage est là en fond.
13:49La lutte contre le dopage est aussi omniprésente dans le cyclisme.
13:54Sur le Tour de France, c'est près de 600 contrôles qui vont être réalisés durant les trois semaines.
13:59Des contrôles qui sont gardés durant 10 ans.
14:01Donc oui, pendant 10 ans, on peut s'interroger et on peut toujours se poser des questions.
14:06Mais il ne faut pas oublier aussi qu'il y a de la lutte et qu'il n'est pas le cas dans d'autres sports.
14:10Sans doute le sport, l'un des sports en tout cas, mais sans doute le sport qui lutte le plus contre le dopage.
14:16Mais c'est vrai, moi je lis les spécialistes en aérodynamique, par exemple, des anciens entraîneurs, des scientifiques qui doutent très sérieusement des performances des tout meilleurs.
14:29Le leader Pogacar au premier chef, Emmanuel Hubert, je vous pose la question très directement.
14:34Les performances de Pogacar, de Vingegaard, ceux qui sont en tête du classement, sont-elles humaines ?
14:40Moi je pense tout simplement qu'un garçon comme Pogacar, c'est un garçon à la Merckx et je pense que c'est un champion.
14:49Je vois sa tête, sa façon de pédaler.
14:53Maintenant, comme l'a dit Fanny, je pense qu'on se retranche aussi derrière les contrôles.
14:59Aujourd'hui, tous mes athlètes sont contrôlables de 6h du matin jusqu'à 22h.
15:04Journalement, quels sont les autres sports où on contrôle des athlètes 600 fois pendant un Tour de France ?
15:14Ou pendant un Roland-Garros, ou pendant un match de foot, ou pendant d'autres sports collectifs ?
15:20Donc aujourd'hui, bien sûr qu'il y a toujours des doutes.
15:23Bien sûr qu'il peut y avoir des choses qui paraissent peut-être parfois un peu pas normales, mais un peu bizarres.
15:31Vous l'avez connu il y a quelques années avec votre coureur, le Colombien Néro Quintana,
15:35qui a été disqualifié du Tour de France pour deux contrôles positifs au tramadol.
15:40Son médecin a été condamné par la justice française.
15:42Votre équipe s'était portée partie civile dans cette affaire.
15:47Donc ça prouve que même dans votre équipe, ça peut arriver.
15:53Nous ne sommes jamais à l'abri.
15:54On n'est pas à l'abri de quelqu'un qui puisse tricher, avoir l'intention de tricher.
15:58Maintenant, il y a des contrôles. La preuve en est, Quintana, il y a eu ce contrôle.
16:04Il a été puni et tout cela.
16:06Maintenant, voilà, je veux dire, on a des yeux pour voir, on regarde et on se dit,
16:10des fois, il peut y avoir.
16:12Mais les contrôles sont là et les contrôles fonctionnent.
16:15Donc on se doit de se dire, voilà, Pogacar, pour moi, il ressemble à un grand champion.
16:22Olivier Ralambon, vous dites, je vous cite encore, mais j'ai été passionné par les interviews
16:29et les textes de vous que j'ai lus en préparant cette interview et amusé aussi par cette citation.
16:34J'ai fait dix ans en première catégorie, donc c'est le plus haut niveau amateur, à peu près sans me doper.
16:40Quel regard vous posez sur cette question du dopage ?
16:43Ah, quel regard je pose ! C'est compliqué.
16:46Vous l'avez connu vous-même, donc ?
16:47Oui, oui, oui, alors oui et non, en fait.
16:50C'est-à-dire que moi, j'ai fait dix ans amateur, alors sans me doper, j'ai fait une ou deux expériences au corticoïde,
16:55qui n'étaient pas très heureuses, je m'étais un peu raté, comme on disait.
17:00Et puis plus tard, j'ai été en effet rattrapé par les amphétamines, mais presque, au moment même d'arrêter de courir.
17:07C'était ce qu'on appelait le fameux pot belge à l'époque ?
17:10Oui, exactement, c'était très répandu, je ne dis pas ça pour me disculper, j'ai eu une période comme ça,
17:15comme pas mal de monde, on est un peu paumé quand on arrête de faire du vélo,
17:19quand on en a fait quasiment à plein temps pendant dix ans.
17:22Mais surtout, je me suis aperçu de quelque chose qui me faisait douter de moi-même,
17:27c'est-à-dire que j'ai passé dix ans à me doper aussi, à ne pas me doper, pardon, justement,
17:34pour ne pas, je crois qu'il y avait quelque chose comme ça, ce n'est pas le tout de la vérité,
17:38mais pour ne pas aller vérifier mes limites et ne pas aller vérifier que, même dopé,
17:43je n'aurais pas été forcément le meilleur, et loin de là.
17:46Donc il y a quelque chose d'un peu pervers dans cette omniprésence du discours sur le dopage
17:50qui donne une justification aux contre-performances.
17:54Et moi, j'étais vraiment tombé là-dedans, mais c'est une histoire presque de ma psychanalyse.
17:58L'évolution du cyclisme dont on parle, c'est aussi l'évolution économique,
18:04et vous l'évoquiez tout à l'heure, Emmanuel Hubert,
18:07vous y êtes confronté très directement à cet aspect économique,
18:09puisque vos deux sponsors vont se retirer à la fin de l'année,
18:13vous cherchez activement une entreprise pour financer votre équipe,
18:18les enjeux sont énormes, c'est 150 salariés,
18:20ce n'est pas qu'une équipe cycliste, ou des équipes cyclistes,
18:23puisqu'il y a aussi les juniors, les féminines,
18:25mais ce sont 150 salariés, est-ce que vous avez trouvé ?
18:28Je n'ai toujours pas trouvé, pour tout vous dire,
18:31je ne suis toujours pas en train de choisir la couleur du futur maillot,
18:36donc on est encore un peu loin,
18:38on est, comme j'aime à dire, on est loin du closing.
18:41Maintenant, voilà...
18:42Closing, c'est-à-dire de conclure un contrat avec une entreprise.
18:48Aujourd'hui, comme on l'a dit tout à l'heure en préambule,
18:51une équipe, ça coûte beaucoup d'argent, il faut...
18:53Vous, c'est 25 millions d'euros, une équipe comme la vôtre ?
18:56Voilà, aujourd'hui, la même photographie, c'est 20 millions,
18:59et pour exister, encore un poil plus,
19:01parce qu'il y a des coureurs qui vont coûter encore beaucoup plus cher,
19:05eh bien, oui, voilà, il faut 25 millions.
19:07Donc voilà, je suis en appel,
19:10je suis tout ouï pour écouter des entrepreneurs,
19:13et qui ont besoin de visibilité, de chaleur,
19:15et aussi, j'aime à dire que le sport, en général,
19:19et le cyclisme en particulier,
19:20c'est l'école de l'humilité, de la résilience,
19:23et pour du corporate, je crois que c'est aussi
19:25un bon vecteur de communication en interne des entreprises.
19:29C'est cette image dont peut bénéficier une entreprise
19:33qui investirait dans le vélo plus que de l'argent,
19:35ça ne rapporte pas forcément aux sponsors,
19:38mais ça peut ramener en termes d'image, c'est ça,
19:40sur les valeurs véhiculées par ce culte de l'effort,
19:45ce dépassement.
19:47Exactement, le cyclisme,
19:49ça fait partie des deux seuls sports
19:52à porter le nom des entreprises.
19:55Je rappelle souvent à dire qu'un sport co,
19:58eh bien, ça sera toujours le Paris Saint-Germain,
20:00ça sera toujours le Stade Rennais,
20:01ça sera toujours l'Olympique Lyonnais,
20:03alors que nous, c'est Cofidis, c'est Arkea, BNB Hotel,
20:06c'est FDJ, Groupama, c'est...
20:08Voilà, ça, c'est un bon, bon vecteur pour les entreprises.
20:14Vous cherchez donc à convaincre des investisseurs,
20:17un ou des investisseurs pour financer votre équipe,
20:20et donc à vous faire voir sur ce tour.
20:22Et pour vous faire voir, vous avez un coureur exceptionnel,
20:25c'est le nouveau chouchou du public,
20:26Kevin Vauclin, qui est troisième au classement général.
20:29Fanny Lechevestrier, votre regard sur ce coureur de 24 ans,
20:33très spectaculaire, très populaire, très sympa,
20:36qu'est-ce qu'il a de plus, qu'est-ce qu'il a de particulier ?
20:39Il est naturel, il fait du bien,
20:41et il rappelle qu'aussi, au-delà du seul Kevin Vauclin,
20:45que la formation française, elle fonctionne,
20:47et c'est aussi ça que transmet l'équipe bretonne d'Arkea BNB Hotel.
20:52Elle l'a formé, Kevin Vauclin, il n'est pas né de nulle part,
20:55il est arrivé, il a grandi,
20:57et voilà, à 24 ans, il explose au plus haut niveau.
21:00Mais oui, c'est un champion qui fait du bien par sa façon de courir,
21:05il y va, il a du panache, et puis aussi par sa façon de parler,
21:09et c'est ça qui touche aussi au cœur le public.
21:12Quand à l'arrivée, il vous dit, vous savez,
21:14j'ai vu ma gueule sur la montgolfière, vous avez vu, j'y crois pas.
21:17Oui, il avait son portrait sur une montgolfière,
21:21il n'en revenait pas lui-même.
21:24Et c'est super, parce que voilà, on a envie de ça,
21:26il faut le rappeler, le cyclisme, c'est un sport gratuit,
21:29on va au bord des routes et on a envie de partager avec des champions,
21:33avec des coureurs, et Kevin Vauclin,
21:35il donne énormément depuis le début de ce Tour de France.
21:38Est-ce qu'il peut monter sur le podium à l'arrivée sur les Champs-Elysées ?
21:41Emmanuel Hubert, il est 3e actuellement,
21:43c'est peut-être un peu compliqué de jouer le général ?
21:46Je lui le souhaite, je lui le souhaite, je nous le souhaite,
21:48je le souhaite aussi à la France.
21:50Depuis 40 ans, je rappelle qu'on n'a pas eu de vainqueur du Tour de France,
21:53alors ça sera certainement compliqué cette année,
21:55mais si on peut avoir un garçon comme Kevin,
22:00qui a une tête bien faite,
22:01qui s'est dit bonjour, merci, au revoir,
22:03il a toute l'éducation pour lui,
22:06et en plus de ça,
22:08atlétiquement parlant,
22:09il est dans les champions,
22:12et maintenant,
22:13chaque jour suffit à sa peine,
22:16on verra déjà ce soir,
22:18on fera déjà un premier point,
22:19parce que l'arrivée au Mont-de-Or est quand même très compliquée,
22:22et on va voir s'il accompagne les champions.
22:23Et il rappelle, puisque Fanny le disait,
22:25il a été formé chez vous dans une équipe de très haut niveau,
22:28mais un peu plus modeste que les plus grosses équipes mondiales,
22:31il rappelle Olivier Aralembon que la glorieuse incertitude du sport peut subsister,
22:36on peut voir une pépite sortir d'une équipe comme celle-là.
22:40J'espère bien,
22:41et puis à la fois la formation,
22:43c'est déjà l'inverse de l'incertitude,
22:47et il faut rendre hommage aux équipes pro-françaises,
22:50qui travaillent fort bien,
22:51comme on le sait,
22:52et comme on le dit trop peu,
22:53et aussi,
22:54Vauclin,
22:54il a été comme Romain Grégoire,
22:56comme Paul Sexas,
22:57qui arrivera bientôt,
22:58dont on entendra parler probablement,
23:00il a été formé dans des clubs,
23:01et il faut rendre hommage à ces clubs,
23:03au comité,
23:04à la fédération,
23:04Kevin Vauclin a fait pas mal de pistes,
23:08avec l'équipe de France,
23:09de poursuites,
23:11bon voilà,
23:11il y a tout un système de formation qui est solide,
23:14qui fonctionne bien,
23:15et qui est bien articulé.
23:16Et on va voir s'il arrive à se montrer aujourd'hui,
23:17lui,
23:18ou un autre Français,
23:19on sait que les Français essayent toujours de montrer le maillot,
23:22comme on dit,
23:23lors de l'étape du 14 juillet aujourd'hui,
23:25qui promet d'être difficile et très spectaculaire.
23:27C'est qu'il mouille le maillot, oui.
23:28Voilà,
23:29huit cols aujourd'hui,
23:30huit difficultés sur cette étape en Auvergne,
23:33avec une arrivée au Mont d'Or,
23:34merci à tous les trois,
23:35Fanny Lechevestrier,
23:36Emmanuel Hubert et Olivia Ralambon,
23:38je rappelle vos ouvrages,
23:39Un corps d'homme et mes coureurs imaginaires,
23:41aux éditions Premier Parallèle.
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