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  • il y a 4 jours
Depuis 1958, et l'instauration de la Vème République, dix référendums ont rythmé notre histoire politique.
De Gaulle s'en est servi à cinq reprises, pour renforcer sa légitimité et imposer ses choix politiques. Puis Georges Pompidou, François Mitterrand et Jacques Chirac, l'ont utilisé à l'occasion de tournants dans la construction européenne et de la modification de nos institutions. Mais depuis maintenant 20 ans et le « non » français à la Constitution européenne, plus aucun référendum national n'a été organisé dans notre pays.
Comment expliquer une telle évolution ? Et le retour du référendum, pourrait-il, demain, répondre à un besoin de respiration démocratique ?

Pour en débattre, Jean-Pierre Gratien reçoit : Benjamin Morel, constitutionnaliste, Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF et Renaud Dély, journaliste et éditorialiste politique.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous.
00:00:17Il fait partie des outils majeurs de la Vème République
00:00:20et aujourd'hui, le chef de l'Etat, Emmanuel Macron,
00:00:23n'exclut pas d'y avoir recours.
00:00:25Mais pour l'heure, le constat est là, depuis tout juste 20 ans,
00:00:28et le nom français à la Constitution européenne,
00:00:31plus aucun référendum national n'a été organisé dans notre pays.
00:00:36Au regard de l'histoire du référendum,
00:00:38comment expliquer un tel coup d'arrêt ?
00:00:40Vous aurez la réponse grâce au documentaire qui suit
00:00:44Référendum, une arme à double tranchant,
00:00:46réalisée par Patrice Duhamel et Pauline Pallier.
00:00:49Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai juste après,
00:00:52en compagnie du politologue Bruno Cotteres,
00:00:55du constitutionnaliste Benjamin Morel
00:00:57et du journaliste Renaud Dely.
00:00:59Avec eux, nous nous interrogerons sur l'intérêt
00:01:02et le bon usage politique de cet outil de consultation populaire.
00:01:06Bon doc.
00:01:09Il faudra modifier la Constitution et je demanderai aux Français
00:01:13de se prononcer sur un tel texte.
00:01:15Ils sont d'accord avec le regroupement familial ?
00:01:17Il est temps que le président vienne à des méthodes plus démocratiques.
00:01:21J'ai créé mon élection, je ré-administrerai le référendum.
00:01:24Le référendum est une promesse de campagne présidentielle.
00:01:27Cela montre le fait que les hommes et les femmes politiques
00:01:30sont déboussolés.
00:01:31Depuis 2005, il n'y a plus de référendum.
00:01:33Le référendum semble aujourd'hui faire l'unanimité.
00:01:36Et pourtant, depuis 2005, aucun président n'y a eu recours.
00:01:40...restaurer un usage massif du référendum.
00:01:43Normalement, le référendum, c'est un moment de sincérité,
00:01:45c'est-à-dire le président et le peuple.
00:01:47Oui, non, c'est binaire, donc c'est spectaculaire.
00:01:50Constitutionnellement, elle doit d'abord passer
00:01:53à l'Assemblée nationale, puis le Sénat.
00:01:55Quel est donc l'avenir du référendum ?
00:01:57Cet outil démocratique est-il difficile à manier ?
00:02:00Et le pari politique parfois trop risqué ?
00:02:03La classe politique française reste assez traumatisée
00:02:08par l'échec du référendum de 2005.
00:02:11Ca a engendré une profonde turbulence politique.
00:02:15C'est le moment fondateur de tout ce qui se passe
00:02:18dans notre vie politique depuis cette date.
00:02:21Je préfère une consultation populaire
00:02:24à un blocage du pays.
00:02:4210 référendums ont été organisés depuis 1958.
00:02:46De Gaulle, qui veut avoir un lien direct avec les Français,
00:02:49fera de cette consultation populaire
00:02:52une arme politique majeure.
00:02:56A cinq reprises, il interrogera le peuple
00:02:58sur des décisions essentielles qui engagent l'avenir du pays.
00:03:04Moins de quatre mois après son retour au pouvoir,
00:03:07c'est par un premier référendum que le général de Gaulle
00:03:10va faire adopter la nouvelle Constitution.
00:03:15Le 4 septembre 1958,
00:03:18le général de Gaulle soumettait au peuple français
00:03:20le texte de la Constitution qui allait devenir l'acte de naissance
00:03:24et la charte de la Vème République.
00:03:27Et c'est sur la très symbolique place de la République
00:03:30qu'il présente son projet.
00:03:32C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement
00:03:36avons assumé...
00:03:40avons assumé
00:03:42le mandat exceptionnel
00:03:45d'établir un projet de Constitution nouvelle
00:03:50et de le soumettre à la décision du peuple.
00:03:55Nous l'avons fait !
00:03:57L'exécutif est renforcé.
00:04:00Le président sera désormais la véritable clé de voûte des institutions.
00:04:05Tel est l'esprit du projet proposé aux Français.
00:04:08La très grande méfiance du général de Gaulle en 1958,
00:04:11mais dès 1946, en réalité,
00:04:14c'est une méfiance à l'égard des parlementaires.
00:04:16Et à travers sa méfiance à l'égard des parlementaires,
00:04:19c'est une méfiance à l'égard des partis politiques.
00:04:21Le chef de l'État doit être au-dessus des contingences politiques,
00:04:24au-dessus des partis.
00:04:25Pour le général, il y a au fond l'État d'un côté,
00:04:28et l'État qui a un chef, lui, et le peuple.
00:04:32C'est les deux pôles essentiels.
00:04:34Et il faut donc que le chef de l'État régulièrement
00:04:37demande l'avis du peuple.
00:04:39Musique douce
00:04:41...
00:04:42Au nom de la France,
00:04:44je vous demande de répondre oui !
00:04:47...
00:04:51Pendant qu'ils parlaient, la place était très surveillée,
00:04:55mais derrière, dans les rues adjacentes,
00:04:58il y avait des opposants, mais en milliers.
00:05:00...
00:05:04Les adversaires de la Constitution, en 1958,
00:05:07ils sont principalement hostiles
00:05:10à ce qui apparaît comme une figure présidentielle
00:05:13potentiellement extrêmement forte.
00:05:15La crainte du monarque républicain.
00:05:17...
00:05:24-"Orande, à les premières heures du scrutin,
00:05:26se pressait devant les urnes.
00:05:28L'Algérie votait à 83 %.
00:05:31Fernand L. s'enfermait dans le secret à Marseille.
00:05:34...
00:05:37Et Yves Montand votait par correspondance à Lyon.
00:05:39...
00:05:45A 10 h du soir, les dernières urnes s'ouvraient.
00:05:48...
00:05:53Au ministère de l'Intérieur, un immense tableau
00:05:55comptabilisait les résultats sous les yeux de M. Soustel,
00:05:59de M. Malraux.
00:06:00...
00:06:05Le plus important de tous les référendums
00:06:07qui ont eu lieu sous la 5e République,
00:06:09c'est le premier, c'est celui-là qui permet de tout changer.
00:06:13...
00:06:15Mais je pense qu'au fond, c'est à l'usage
00:06:17qu'il s'est aperçu que c'était un instrument de gouvernement,
00:06:20et notamment à l'occasion de la guerre d'Algérie.
00:06:22...
00:06:28C'est une journée inoubliable que vient de vivre Alger.
00:06:31...
00:06:31Mettre un terme au conflit algérien,
00:06:34c'est une priorité absolue pour de Gaulle
00:06:36dès son retour au pouvoir.
00:06:38...
00:06:40Pour y parvenir, il organisera deux référendums en 15 mois,
00:06:44en janvier 1961,
00:06:46puis en avril 1962.
00:06:48...
00:06:50Les Français étaient lassés de voir leurs enfants
00:06:52aller se faire tuer en Algérie.
00:06:54De Gaulle le sentait bien.
00:06:55Ces référendums, c'était le moyen de consacrer,
00:06:58au fond, par un vote populaire, la politique qu'il menait,
00:07:02et de la consacrer contre les ultras.
00:07:04Il fallait conduire progressivement une opinion publique
00:07:07qui, sous la 4e,
00:07:09s'était, pour une bonne part, ralliée à l'idée
00:07:12du maintien de l'Algérie française,
00:07:13la conduire vers l'idée de l'autodétermination
00:07:16et, finalement, de l'indépendance.
00:07:18Et il a besoin, pour mener sa politique algérienne,
00:07:22qui marque tout de même un changement de cap
00:07:24par rapport aux positions qu'il avait adoptées en 1958,
00:07:29il avait besoin du soutien populaire.
00:07:32...
00:07:34Françaises, Français,
00:07:36nous voulons que 1961 soit l'année de la paix rétablie.
00:07:40Ce problème d'Algérie altérait terriblement
00:07:43la vie politique française.
00:07:45Il fallait s'en débarrasser vite, le plus vite possible,
00:07:47et les gens l'ont compris.
00:07:48Pourquoi pensez-vous qu'il faut voter ?
00:07:50C'est le devoir de tout le monde,
00:07:51et puis, on a certainement tous quelqu'un
00:07:54en Algérie, et moi, j'ai mon frère,
00:07:56et c'est normal qu'on essaye de faire quelque chose.
00:07:58Et comme ça fait 20 ans qu'on se sert de De Gaulle comme guide,
00:08:02et qu'on est heureux de le voir dans les bonnes circonstances
00:08:04et de l'applaudir,
00:08:05eh bien, dans les mauvaises ou dans les moins bonnes,
00:08:08on est là aussi avec lui, on vote oui avec lui.
00:08:10Je sais qu'on doit voter pour De Gaulle,
00:08:12qu'on doit voter pour la paix,
00:08:14mais exactement en quoi...
00:08:17Donc, vous allez voter en confiance ?
00:08:18Voilà.
00:08:18Ça permet d'aller plus vite,
00:08:20parce que, alors même qu'il continue à y avoir des oppositions
00:08:23au sein de la représentation parlementaire,
00:08:26l'organisation d'un référendum
00:08:28rend incontestable l'action du général De Gaulle.
00:08:31Musique d'ambiance
00:08:34...
00:08:43En vérité, ces deux moments-là ont été fondamentaux.
00:08:46Ils lui ont redonné une légitimité
00:08:49dans ce qui était une politique prodigieusement difficile à conduire,
00:08:53compte tenu de la violence des passions,
00:08:55de la dimension de l'enjeu.
00:08:57L'heure de l'apaisement arrive-t-elle enfin ?
00:09:00L'heure de l'apaisement avec l'heure de l'espérance.
00:09:03Une espérance que chaque Français va sans doute fixer
00:09:05avec le bulletin qu'il déposera dans l'urne du référendum.
00:09:08...
00:09:13Le fait que 90 % des Français approuvent le référendum
00:09:17d'indépendance de l'Algérie en avril 62,
00:09:20c'est quelque chose d'extraordinaire,
00:09:21parce que ça transforme
00:09:23ce qui pourrait paraître comme un échec formidable,
00:09:26la France doit quitter l'Algérie,
00:09:28comme une victoire. C'est la victoire de la France.
00:09:31La journée du 8 avril 1962
00:09:34a créé une situation irréversible en Algérie.
00:09:37Elle est d'une importance exceptionnelle
00:09:39dans l'histoire de la République.
00:09:41...
00:09:48De Gaulle vieillissait,
00:09:49et il sentait bien qu'après la guerre d'Algérie terminée,
00:09:53il se poserait la question de savoir ce qui se passerait après lui.
00:09:55...
00:09:57Presque un an après l'attentat au Haës
00:09:59qu'il avait visé sur la route de Chaumont,
00:10:01le général De Gaulle a une nouvelle fois servi de cible
00:10:03à ses adversaires déterminés.
00:10:05...
00:10:08Un groupe fanatique qui le haïssait
00:10:11pour avoir fait la paire d'Algérie
00:10:13s'en est pris à sa personne,
00:10:15et le hasard a fait que De Gaulle a survécu.
00:10:17Et du même coup,
00:10:18il a souhaité tirer parti de cet événement
00:10:24pour expliquer au peuple
00:10:26qu'à n'importe quel moment,
00:10:28la vacance du pouvoir, la vacance à l'Elysée,
00:10:31le président de la République pouvait intervenir
00:10:33et qu'il fallait se préparer.
00:10:34Quand sera terminé mon propre septennat ?
00:10:39Ou si la mort ou la maladie
00:10:43l'interrompaient avant le terme ?
00:10:46Le général De Gaulle a profité quand même de l'événement
00:10:49qui faisait prendre conscience aux Français
00:10:51que le général De Gaulle pouvait disparaître
00:10:53du jour au lendemain.
00:10:54Qu'est-ce qui se passerait
00:10:55dans les institutions de la République à ce moment-là ?
00:10:57Il sait qu'il n'est pas éternel, le général De Gaulle,
00:11:00et qu'après lui, aucun homme politique
00:11:03n'aura la légitimité historique qui est la sienne.
00:11:07Donc, il aura besoin de quoi, le prochain président,
00:11:10ou plus tard, la prochaine présidente, éventuellement ?
00:11:12Il aura besoin d'une légitimité démocratique
00:11:15qui est celle de l'élection d'un président
00:11:17par suffrage universel direct.
00:11:19Il avait cette idée-là depuis très longtemps en tête
00:11:21et sans doute, il avait hâte de pouvoir la mettre en œuvre,
00:11:24mais néanmoins, l'attentat du Petit Clamard
00:11:27lui offre, j'allais dire, presque une occasion inespérée.
00:11:31C'est cet attentat du Petit Clamard
00:11:32qui l'a décidé à passer à l'élection.
00:11:34Et puis, De Gaulle était aussi un stratège.
00:11:36Il a senti que c'était le moment.
00:11:38Le président de la République sera dorénavant élu
00:11:42au suffrage universel.
00:11:45Le général annonce qu'il va y avoir ce référendum.
00:11:47Et l'Assemblée nationale vote une motion de censure,
00:11:50la seule motion de censure votée de toute la Ve République,
00:11:54qui du coup, renverse le gouvernement.
00:11:57Elle est dite à l'Élysée que notre admiration pour le passé est intacte,
00:12:02mais que cette Assemblée n'est pas assez dégénérée
00:12:06pour renier la République.
00:12:09C'est ça, nous ne sommes pas dégénérés.
00:12:10La République est ici et pas ailleurs.
00:12:12Elle est au Parlement.
00:12:14C'est le Parlement qui est le fondement de la République
00:12:17et pas une aventure personnelle.
00:12:19C'est tout ce débat qui est derrière.
00:12:20Le référendum, il ne faut pas oublier que c'était aussi un instrument
00:12:23qui avait été utilisé sous l'Empire, l'Élysée.
00:12:26Donc, ça avait un parfum quand même de césarisme.
00:12:30Parce qu'au fond, depuis la Seconde République,
00:12:32il y avait vu l'élection du prince Louis-Napoléon Bonaparte,
00:12:36puis ensuite le coup d'État.
00:12:37Dans la culture, j'allais dire, démocratique française,
00:12:40on se disait, surtout pas, il faut éviter à tout prix,
00:12:43l'élection d'un président par le peuple,
00:12:45puisque c'est l'élection d'un séditieux.
00:12:47Si cette discussion nous amène à nous opposer,
00:12:51eh bien, comme il est naturel, le pays tranchera.
00:12:57De Gaulle choisit avec l'article 11 de contourner le Parlement,
00:13:01de poser la question directement aux Français,
00:13:05plutôt que d'utiliser l'article 89,
00:13:07qui impose de passer d'abord par les deux assemblées
00:13:10pour réviser la Constitution.
00:13:13Cette décision va provoquer un violent débat juridique et politique.
00:13:18Évidemment, pour les hommes politiques de la Troisième République,
00:13:22c'est une déclaration de guerre qui s'appuie,
00:13:27ils insistent tous, évidemment, sur la violation de la Constitution.
00:13:31De Gaulle n'a pas soumis ce projet référendum à l'Assemblée nationale,
00:13:36comme, en principe, il aurait dû le faire.
00:13:38Il est allé à sa manière.
00:13:40Je ne sais pas si De Gaulle s'est dit,
00:13:41je viole la Constitution, ça n'est pas grave.
00:13:43Je ne sais pas s'il en était conscient.
00:13:45Il s'est dit, finalement, je vais passer par là,
00:13:47parce que mon objectif, c'est que cette réforme aboutisse,
00:13:50et c'est le seul chemin qui est à ma disposition pour le faire.
00:13:54À la fin des années 60,
00:13:57nos professeurs de droit constitutionnel nous abreuvaient de ce débat.
00:14:02Et je me souviens d'hommes extrêmement respectables qui, en chair,
00:14:06tenaient des propos d'un antigaullisme absolument hallucinant,
00:14:11sur ce thème, ils n'avaient pas le droit d'utiliser l'article 11
00:14:15pour réformer la Constitution,
00:14:17puisqu'il y a un article dédié, l'article 89.
00:14:20Nul ne peut douter que s'il s'en était tenu à l'article 89,
00:14:24compte tenu de l'état d'esprit des deux chambres,
00:14:26il n'aurait pas abouti à cette solution.
00:14:30Disons, en tout cas, que De Gaulle a dit à plusieurs interlocuteurs,
00:14:34écoutez, on peut me critiquer,
00:14:36mais cette Constitution, je la connais bien, c'est moi qui l'ai faite.
00:14:39Chaque oui de chacune de celles,
00:14:45de chacun de ceux qui me l'aura donné,
00:14:50me sera la preuve directe de sa confiance et de son encouragement.
00:14:56Et là, voilà, en quelques phrases, en quelques mots,
00:15:00il va convaincre les Français,
00:15:02le pouvoir législatif n'aura qu'à plier les genoux.
00:15:05C'est vrai que personne ne se risquerait aujourd'hui
00:15:07à faire ce qu'a fait le général De Gaulle à l'époque.
00:15:10En même temps, c'était De Gaulle, c'était une autre époque,
00:15:12mais oui, c'est un coup de force.
00:15:14Pendant ce temps, les rotatifs débitaient les planches de oui et de non.
00:15:17Oui ou non, le président de la République sera-t-il élu par tous les citoyens ?
00:15:21Si la réponse est positive, elle transformera la vie politique de l'État.
00:15:25En réalité, ça n'est pas tant la procédure
00:15:27qu'on reproche au général De Gaulle en 1962,
00:15:30ce qu'on lui reproche, c'est l'objet de la réforme.
00:15:33Parce que chacun est bien conscient
00:15:35qu'en décidant qu'à l'avenir, le président de la République
00:15:39sera élu au suffrage universel direct,
00:15:41eh bien, le président ainsi élu aura une légitimité extraordinaire.
00:15:46Et cette légitimité extraordinaire risque de faire basculer le régime
00:15:50vers une monarchie constitutionnelle,
00:15:53un régime résolument présidentialiste.
00:15:57Voici donc le général De Gaulle confirmé au pouvoir
00:15:59à une heure où une crise ne pouvait avoir que de fatales conséquences.
00:16:06Certains juristes, même ceux qui avaient critiqué la procédure,
00:16:09ont dit qu'après coup, le fait même du oui massif à cette proposition
00:16:15avait en quelque sorte rétroactivement validé le principe.
00:16:19À partir de 1962, tout change.
00:16:24Tout change d'abord en termes de légitimité de la figure du président.
00:16:29On retourne et on dépasse un interdit dans la culture politique française.
00:16:35Cet interdit, c'était justement que le président soit élu par le peuple.
00:16:39En 1962, il décide qu'on a changé d'époque et on change de régime,
00:16:43mais après 1968, il sait que c'est encore une autre époque qui se dessine.
00:16:54Après plusieurs autres villes aussi différentes que Rome, Berlin ou Varsovie,
00:16:58l'agitation étudiante s'est manifestée à Paris.
00:17:04Mai 1968 embrase la France.
00:17:08Le pays est paralysé, le pouvoir violemment contesté.
00:17:14De Gaulle est surpris et bousculé par cette révolte.
00:17:17Françaises et Françaises, avec l'accord du président de la République,
00:17:22qui s'adressera à vous dans quelques jours,
00:17:26j'ai rendu l'université à ses maîtres et à ses étudiants.
00:17:30Le référendum de 1969, c'est d'abord pour De Gaulle
00:17:34la conséquence de mai 68 et de juin 68.
00:17:40Dix ans, ça suffit, clamaient les manifestants.
00:17:43Le typhon de l'émeute est passé sur le quartier latin
00:17:45et la France, toute entière paralysée par les grèves, en a été poulversée.
00:17:49En juin, la majorité gaulliste remporte largement
00:17:52les élections législatives anticipées.
00:17:54Mais le général veut regagner lui-même la confiance des Français.
00:17:59De Gaulle, une première !
00:18:00Alors, une nouvelle fois, il organise un référendum avec deux questions.
00:18:05L'une sur la régionalisation, l'autre sur la réforme du Sénat.
00:18:10Il se trouve que moi, j'étais à Quimper
00:18:13le jour où le général a proposé ce référendum.
00:18:17Nous devons soumettre le projet au peuple.
00:18:23Je revois encore la scène où il était sur la place de Quimper,
00:18:27sur un petit tertre.
00:18:28Il y avait des gens en fureur et des tas de manifestations.
00:18:32Et ça, on a oublié, parce qu'au fond,
00:18:34on a gardé du général de Gaulle une certaine image,
00:18:36qui est une image, quand même, d'unité nationale.
00:18:41Dans l'immense transformation...
00:18:44À partir de 68, il était détesté.
00:18:47... qu'on est en train d'accomplir.
00:18:49Il l'était déjà un peu avant par la gauche,
00:18:51mais moi, j'ai ressenti personnellement
00:18:53un désir de se débarrasser du général.
00:18:57Le général de Gaulle sentait très bien qu'il y avait une usure.
00:19:02Une usure à son égard.
00:19:04Il était suffisamment lucide.
00:19:05Et il voulait certainement vérifier si cette usure était profonde,
00:19:11était réelle,
00:19:12même vis-à-vis d'un vieux président de la République
00:19:16qui jouait le jeu de la réforme.
00:19:18Comme le général de Gaulle appuie toute sa présidence
00:19:21sur le rapport au peuple,
00:19:23il juge nécessaire de remettre en jeu
00:19:26cette légitimité.
00:19:28De la réponse que le pays fera
00:19:31à ce que je lui demande
00:19:33va dépendre, évidemment,
00:19:36soit la continuation de mon mandat,
00:19:39soit aussitôt mon départ.
00:19:42C'est un référendum très gaullien,
00:19:46au sens où, comme en 1962,
00:19:48mais d'une manière beaucoup plus éclatante,
00:19:51il met son mandat dans la balance.
00:19:53Et donc, il dit très clairement aux électeurs
00:19:55qui vont avoir à répondre par oui ou par non
00:19:58que si le non l'emporte, il partira.
00:20:00Notre parti appelle les Françaises et les Français
00:20:06à répondre non !
00:20:09Ce référendum est immoral. Comment voulez-vous répondre ?
00:20:13Par une seule réponse, un oui ou un non ?
00:20:15À plusieurs questions différentes.
00:20:17Il ne faut pas oublier que Mitterrand,
00:20:18dans un livre célèbre, le coup d'État permanent,
00:20:20le comparait à Franco et même à Hitler.
00:20:23Donc, ça allait quand même très, très loin.
00:20:25La campagne des gaullistes est difficile.
00:20:28Le général est âgé de 77 ans
00:20:30et, pour beaucoup de Français,
00:20:32Georges Pompidou apparaît comme le dauphin naturel.
00:20:37Tout cet électorat sait que, finalement,
00:20:39Pompidou, qui a montré des qualités indéniables
00:20:42pendant la crise de mai 68, peut prendre le relais.
00:20:45Donc, évidemment, l'élément de dramatisation
00:20:48que le général veut introduire
00:20:50en posant la question de confiance,
00:20:51se disparaît un peu.
00:20:54Quant à Valéry Giscard d'Estaing,
00:20:56il prend clairement ses distances avec De Gaulle
00:20:59et avec le projet soumis au référendum.
00:21:03Avec regret, mais avec certitude,
00:21:07je ne l'approuverai pas.
00:21:09C'est une manière assez élégante, à l'instant de dire...
00:21:12Il ne dit pas, je ne voterai pas, je voterai non.
00:21:14Il ne dit pas, je voterai contre.
00:21:17Il dit, je ne l'approuverai pas
00:21:19avec son style particulier.
00:21:23Giscard d'Estaing a fait cette déclaration
00:21:26en disant qu'il ne...
00:21:27En prenant ses distances nettement
00:21:29avec les intentions du général.
00:21:32Maintenant, il a toujours soutenu, jusqu'à la fin de sa vie,
00:21:36qu'il n'avait pas voté non, qu'il avait voté blanc.
00:21:41Si je suis désavoué
00:21:45par une majorité d'entre vous,
00:21:49je cesserai aussitôt d'exercer mes fonctions.
00:21:58Ca résume totalement la Ve République.
00:22:00C'est un homme qui est là
00:22:02parce que les Français ont décidé de le placer là.
00:22:05Et les Français peuvent décider de le retirer,
00:22:07de le révoquer d'une façon constitutionnelle.
00:22:11Il a poussé l'exercice référendaire,
00:22:13la cérémonie référendaire,
00:22:15vraiment jusqu'à l'ultime.
00:22:18Et puis, la réponse du peuple sera,
00:22:20ben oui, le pouvoir est usé.
00:22:23Ca faisait, en effet, plus de dix ans
00:22:25que le général de Gaulle était au pouvoir.
00:22:29Et c'est un référendum qui s'est conclu par le non.
00:22:33Mesdames, messieurs,
00:22:36le projet de loi référendaire
00:22:39n'est pas adopté.
00:22:42Pour ma part,
00:22:44si vous me permettez, ici,
00:22:46de donner une note personnelle,
00:22:49j'éprouve une grande tristesse
00:22:52en songeant, au départ,
00:22:54de celui qui demeure, plus que jamais,
00:22:57le plus illustre des Français.
00:23:00Le matin, je me demandais
00:23:02si la Terre allait tourner normalement.
00:23:05Je me rappelle, je suis sortie dans la rue
00:23:07presque en ayant peur,
00:23:09en se disant...
00:23:11Il me semblait que le grand parapluie de Gaulle
00:23:14était fini.
00:23:15Cette dimension tragique,
00:23:17cette dimension de profondeur,
00:23:19nous manque dans le débat politique français.
00:23:21C'est quelque chose de Shakespearean.
00:23:24Les grands titres de la presse new-yorkaise,
00:23:26les voici.
00:23:28De Gaulle, le dernier jour.
00:23:31De Gaulle quitte.
00:23:33Les Allemands disent que c'est un événement considérable.
00:23:36Ils ne comprennent pas pourquoi
00:23:38le général de Gaulle a mis en jeu ses fonctions présidentielles.
00:23:41S'en aller à la suite d'un référendum perdu,
00:23:43ça authentifiait tout son parcours démocratique.
00:23:47Ça montrait qu'il avait, lui aussi,
00:23:50une conception de la démocratie.
00:23:52Mais quand même, il en a beaucoup souffert.
00:23:55C'était le dernier volet, finalement, de son oeuvre.
00:24:02Gaulle, reviens-nous ! Gaulle, reviens-nous !
00:24:05Gaulle, reviens-nous ! Gaulle, reviens-nous !
00:24:09Gaulle, reviens-nous ! Gaulle, reviens-nous !
00:24:11Au nom du Conseil constitutionnel,
00:24:14j'ai eu l'honneur
00:24:16de proclamer Georges Pompidou
00:24:19président de la République française.
00:24:24J'ai eu le privilège de déjeuner à Colombay
00:24:27à la fin de décembre 1969,
00:24:29en accompagnant mon père, que De Gaulle avait souhaité inviter.
00:24:34J'en ai gardé le souvenir d'un homme d'une grande sérénité.
00:24:39On a évoqué ce qui allait être le sujet
00:24:42du référendum suivant,
00:24:44c'est-à-dire l'entrée possible du Royaume-Uni
00:24:48dans la communauté européenne.
00:24:50Il pensait que l'Angleterre n'était pas mûre
00:24:52pour entrer dans le marché commun,
00:24:53pour contribuer à la naissance d'une vraie identité européenne.
00:24:57Donc, nous lui avons demandé
00:24:59s'il pensait que Pompidou continuerait, dans cette ligne,
00:25:02à refuser l'entrée. Il nous a dit non, non.
00:25:05Il ne résistera pas.
00:25:09...
00:25:14Faut-il ouvrir les portes de l'Europe
00:25:18à quatre nouveaux pays dans l'Angleterre ?
00:25:21J'affirme que oui.
00:25:23Le général De Gaulle avait été très clair
00:25:25sur son opposition à l'entrée du Royaume-Uni dans l'Europe.
00:25:28Pour dédire le général De Gaulle,
00:25:30peut-être fallait-il en passer par le référendum ?
00:25:32Au fond, c'était sa première liberté,
00:25:35de se dire, c'est quand même impensable
00:25:38que l'Angleterre ne fasse pas partie de l'Europe.
00:25:42Il y a aussi la volonté de donner un visage plus ouvert
00:25:48que le général De Gaulle vis-à-vis de la question européenne
00:25:52et de l'entrée de nouveaux acteurs dans l'Europe.
00:25:55...
00:26:06Là, il s'agit de savoir si on élargit ou pas.
00:26:09C'est quand même une vraie transformation.
00:26:116 à 10, c'est presque le doublement des membres.
00:26:14Et c'est la première fois qu'il y a un élargissement.
00:26:16À l'époque, l'entrée de la Grande-Bretagne
00:26:18dans le marché commun était largement approuvée par l'opinion.
00:26:23C'était tentant, évidemment, de poser la question
00:26:27avec l'idée qu'on n'en risquait rien.
00:26:29Monsieur, quelle est votre opinion sur le référendum annoncé hier ?
00:26:32Moi, je trouve, de la part du président Pompidou,
00:26:34c'est sensationnel parce que ça pose une sorte de piège,
00:26:37en suivant ce qu'on dit.
00:26:38Je ne suis pas d'accord.
00:26:40C'est la division de la gauche.
00:26:42Pompidou, c'est le chef de l'État, par conséquent,
00:26:44il a qu'à faire ce qu'il lui plaît
00:26:46sans, à chaque instant, consulter les électeurs.
00:26:50C'est vrai qu'après De Gaulle, le référendum change.
00:26:52Il y a une conception assez politique du référendum
00:26:55qui est intervenue.
00:26:56Le référendum est devenu un outil politique
00:26:59quand il a été utilisé, en général, pour diviser l'opposition.
00:27:03Les socialistes et les communistes sont en pleine discussion
00:27:06pour le programme commun qui va être signé en juin 1972.
00:27:10Le référendum intervient en avril 1972.
00:27:13Le sens de nos affiches, c'est d'inviter la population française
00:27:17à refuser de jouer avec les tricheurs,
00:27:20à refuser de voter le 23 avril.
00:27:23Donc, il y a un calcul politique mitterrand
00:27:26à essayer de résoudre en appelant à l'abstention
00:27:30pour éviter un oui à Pompidou
00:27:32qui aurait consisté à casser, probablement,
00:27:34les négociations avec le Parti communiste.
00:27:36En disant non tous ensemble,
00:27:39vous avez le moyen,
00:27:41le seul moyen de porter un coup efficace
00:27:46contre le gouvernement de M. Pompidou,
00:27:48contre sa politique...
00:27:49Vous ne trouverez pas de bulletin blanc.
00:27:53Alors, il vous restera soit à le préparer chez vous,
00:27:58bulletin blanc,
00:27:59soit à vous abstenir,
00:28:02soit à faire comme cela,
00:28:05rayer l'un des bulletins.
00:28:07Il y a un appel très fort à l'abstention dans l'opposition,
00:28:11au référendum et à Georges Pompidou.
00:28:13C'est un peu le piège dans lequel Pompidou tombe malgré lui.
00:28:17...
00:28:23Marchez, Georges.
00:28:27À voter.
00:28:29C'est à ce moment que se feront tous les calculs
00:28:31qui permettront, à partir de 300 bureaux de vote,
00:28:34de savoir comment tous les Français ont voté.
00:28:36Les Français ont ratifié l'entrée de la Grande-Bretagne
00:28:38des trois autres candidats dans le marché commun.
00:28:40Les résultats du référendum ont toutefois quelque peu déçu
00:28:43les partenaires de la France, notamment du fait des abstentions.
00:28:46Oui, le oui l'emporte sans problème,
00:28:48mais la mobilisation est moindre
00:28:50et on voit au fond que la passion
00:28:53qu'il y avait autour de la question de confiance ayant disparu,
00:28:57les Français vont montrer un engouement plus modéré
00:29:01vis-à-vis de l'instrument référendaire.
00:29:02On a le sentiment que les Français
00:29:07ne s'intéressent plus vraiment à l'enjeu référendaire.
00:29:11...
00:29:15Ni Valéry Giscard d'Estaing ni François Mitterrand
00:29:17dans son premier mandat ne recourent au référendum.
00:29:19...
00:29:28Retour à Matignon pour la cérémonie de passation des pouvoirs
00:29:31entre Jacques Chirac et Michel Rocard.
00:29:33Le pouvoir ne devait durer que quelques minutes.
00:29:34Il aura duré environ une demi-heure sur le perron de l'hôtel Matignon.
00:29:38Michel Rocard accompagne maintenant Jacques Chirac.
00:29:40...
00:29:42Le référendum de 88, c'est un référendum rocard,
00:29:45on peut le dire, mais accepté, bien sûr, par Mitterrand.
00:29:48Il s'agit de rétablir la paix civile en Nouvelle-Calédonie,
00:29:51alors qu'il y a eu des drames épouvantables auparavant,
00:29:54en particulier celui de la grotte d'Ouvéa
00:29:56au moment de la campagne présidentielle de 88.
00:29:59Mesdames et messieurs les députés,
00:30:02pas un jour ne s'est achevé
00:30:04sans que mon action et mes pensées
00:30:06ne soient tournées vers la Nouvelle-Calédonie.
00:30:09François Mitterrand confie à Michel Rocard,
00:30:11quand il arrive à Matignon, ce sujet,
00:30:13que Michel Rocard connaît très, très peu.
00:30:15Et Michel Rocard va se donner corps et âme
00:30:17jusqu'à passer des nuits de négociations
00:30:19pour qu'on arrive aux accords de Matignon,
00:30:22qui donneront lieu ensuite à référendum.
00:30:24L'image que l'on croyait impossible,
00:30:25il y a quelques semaines, la poignée de main entre les deux hommes,
00:30:28juste avant que Michel Rocard n'adresse un message aux Calédoniens.
00:30:31Reprenez espoir.
00:30:34Une page nouvelle va pouvoir s'écrire.
00:30:37...
00:30:46Malheureusement, ce référendum est marqué
00:30:48par un taux d'abstention exceptionnel,
00:30:51puisqu'il y a 63 % d'abstention,
00:30:54ce qui, à l'époque, ne s'était jamais vu dans aucune consultation,
00:30:57mais 80 % de oui,
00:30:59et ce qui compte, c'est ceux qui acceptent de voter dans une élection.
00:31:02Donc, l'objectif a été atteint,
00:31:05et la paix civile a été restaurée en Nouvelle-Calédonie durablement.
00:31:09Les Français ne sont pas allés énormément voter pour ce référendum,
00:31:13mais quand on voit aujourd'hui la crise géopolitique,
00:31:15elle se fait bien dans cet endroit-là du monde.
00:31:18Donc, c'était finalement un référendum
00:31:21dont on n'a peut-être pas saisi toute la portée sur le moment.
00:31:24...
00:31:35-"Mes chers compatriotes, j'ai signé ce matin
00:31:39le décret qui soumet à vos suffrages le traité d'Union européenne,
00:31:45ou traité de Maastricht."
00:31:46– Le traité de Maastricht,
00:31:48d'abord un traité qui crée quelque chose de nouveau, l'Union européenne,
00:31:52qui va donc modifier l'architecture des traités européens.
00:31:55– Et donc là, il se dit, on va abandonner la monnaie nationale,
00:31:59c'est une grande étape de la construction européenne,
00:32:01l'Europe va monter en puissance, il faut y associer le peuple.
00:32:04– Un référendum, ce qui compte, c'est la campagne référendaire,
00:32:07et cette campagne référendaire a été très très intéressante,
00:32:10c'est-à-dire qu'on pensait au début
00:32:11que les Français n'allaient pas du tout s'intéresser à cette matière si aride,
00:32:14et finalement, c'est devenu un débat passionné,
00:32:17les Français avaient envie de s'intéresser à l'Europe.
00:32:19– Et nous avons tous ressenti ça, je pense en particulier,
00:32:22le grand débat de la Sorbonne, qui a été très spectaculaire.
00:32:25– Asseyez-vous.
00:32:33– C'était un événement médiatiquement exceptionnel.
00:32:36– Je ne vais pas vous dire que je vous présente la France.
00:32:38– On avait vraiment eu un président, d'abord devant 4 ou 5 Français,
00:32:43je ne sais pas exactement combien il s'était,
00:32:44donc il s'est exprimé longuement avec eux.
00:32:47– Bonsoir Roger, vous avez quel âge ?
00:32:48– 62 ans, je suis receveur honoraire des postes, monsieur le Président.
00:32:52Je suis gaulliste.
00:32:54– Oui, et vous allez voter quoi, Roger, alors ?
00:32:57– Un gaulliste, je voterai non.
00:32:58– J'aimerais savoir, dans l'harmonisation européenne,
00:33:01comment l'État pourra se priver de la manne, et qui va payer ?
00:33:05– Pour la France, vous ne pouvez pas nous laisser mourir.
00:33:09L'Europe de la communauté soutient l'agriculture,
00:33:11et le 20 septembre, ce ne sera pas la fin de ce combat, ce sera le début.
00:33:15– On voit que c'est un homme qui est galvanisé par la conviction
00:33:18quand même qu'il y a un enjeu important pour l'avenir,
00:33:21et puis pour lui-même aussi, parce qu'il ne faut pas oublier
00:33:25qu'à partir du tournant de 1983, l'Europe c'est quand même son principal projet,
00:33:32puisque le reste, au fond, c'est un peu fracassé.
00:33:35– Et François Mitterrand le savait dès l'époque,
00:33:38il savait que c'était la fin, et qu'il fallait certainement contribuer,
00:33:45j'allais dire, à réussir sa sortie, à sculpter son image.
00:33:50– Il est extraordinairement affaibli politiquement,
00:33:53la droite va remporter un triomphe au législatif de 1993,
00:33:57donc il veut prendre une grande initiative politique, François Mitterrand,
00:34:01pour montrer que son pouvoir n'est pas entamé.
00:34:04– Vous savez, M. le Président, que beaucoup de gens vous accusent
00:34:06d'avoir évité la voie parlementaire qui paraissait simple,
00:34:09une ratification simple, pour transformer ce référendum
00:34:13en une sorte, non seulement de plébiscite personnel,
00:34:15mais aussi peut-être un bon moyen de diviser encore une fois l'opposition,
00:34:19je vous pose cette question franchement.
00:34:20– Ecoutez-moi, plébiscite, soyons sérieux,
00:34:23c'est l'Europe qu'il faut maintenant plébisciter, si j'ose dire,
00:34:27que j'aimerais voir plébisciter.
00:34:30– Il jouait extrêmement gros, parce que s'il échouait à cet égard,
00:34:34cette volonté qu'il avait eue d'être un homme européen,
00:34:38de construire l'Europe,
00:34:41c'était une dominante de sa vie politique tout entière,
00:34:44et il concentrait ses efforts très largement à ce moment-là sur cette finalité.
00:34:48– C'est dit par l'Élysée à l'époque qu'il veut ce référendum
00:34:51pour qu'il y ait un lien presque charnel entre les Français
00:34:53et puis cette puissance technocratique mal comprise qu'est l'Europe.
00:34:56Donc ça c'est le grand dessin de François Mitterrand,
00:34:59mais il y a aussi un petit dessin, c'est souvent comme ça avec François Mitterrand,
00:35:01et ce petit dessin évidemment c'est de diviser la droite.
00:35:04– Hier soir, sans jamais le nommer, Chirac s'est adressé à Pasquoi,
00:35:07à qui il reproche de mélanger enjeux européens
00:35:10et arrière-pensée de politique intérieure.
00:35:13– J'ai décidé de voter oui en toute lucidité, sans enthousiasme, mais sans état d'âme.
00:35:19– Vous avez entendu, c'est un oui, alors il vote oui et moi je vote non.
00:35:23– On voit bien Jacques Chirac qui décide de soutenir ce référendum,
00:35:28et puis de l'autre côté, Philippe Seguin, Charles Pasquois,
00:35:30qui sont dans le courant du non et qui, quelque part,
00:35:33décident de devenir un peu les souverainistes de ce courant de pensée.
00:35:37– Il a parlé longtemps, très longtemps, Philippe Seguin.
00:35:402h30 de réquisitoire anti-Maastricht,
00:35:43devant une assemblée étonnamment nombreuse pour une deuxième partie de soirée.
00:35:47– L'Europe qu'on nous propose n'est ni libre, ni juste, ni efficace.
00:35:521992 est littéralement l'anti-1789.
00:35:58– Bonsoir Monsieur le Président de la République.
00:36:01– Voilà, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre.
00:36:05– Il voulait Seguin, c'est sûr, et pas Philippe de Villiers par exemple.
00:36:09C'était une façon pour lui de s'engager et de montrer qu'il n'avait peur de rien,
00:36:13qu'il n'avait pas peur de son opposition.
00:36:15– Il y a beaucoup de Français qui sont acquis à l'idée européenne
00:36:20et qui ne peuvent accepter ce qu'on leur dit.
00:36:24qui sont acquis à l'idée européenne
00:36:26et qui ne peuvent accepter ce traité de Maastricht.
00:36:28– Je pense que c'est votre cas.
00:36:30– C'est probablement mon cas, oui.
00:36:32– Probablement seulement.
00:36:33– Plus que probablement.
00:36:35– Oui, quelquefois je me pose la question.
00:36:37– Il faut dire qu'il y a eu un côté, soyons pas excessifs,
00:36:39mais un peu shakespearien dans ce moment-là,
00:36:42puisqu'on savait que Mitterrand était malade.
00:36:45– Pendant l'enregistrement, il était obligé de subir des soins,
00:36:47de sortir, enfin évidemment les téléspectateurs ne le voient pas,
00:36:49on a usé le subterfuge pour que ça n'apparaisse pas.
00:36:54– Une partie d'ailleurs des partisans du NON
00:36:57trouvaient que Séguin était trop poli avec le Président
00:36:59et qu'il était trop respectueux du Président.
00:37:01– Je me réserve, M. le Président de la République,
00:37:04jusqu'à la fin de notre discussion,
00:37:05il saurait être avérentieux vis-à-vis de vous de conclure trop tôt.
00:37:10– Lui dit qu'il avait été très handicapé dans l'attaque
00:37:16à l'idée justement de s'en prendre à quelqu'un d'aussi malade.
00:37:20– Je souhaite que la France ne limite pas sa diplomatie
00:37:27au passage obligé par la communauté.
00:37:30– Lors de ce débat, on comprend bien qu'il y a un vrai débat
00:37:32sur le fond intellectuel, passionnant,
00:37:35Philippe Séguin c'est tout sauf un homme médiocre,
00:37:37on peut être d'accord ou pas d'accord avec ses arguments,
00:37:40mais en tout cas il se passe quelque chose ce soir-là,
00:37:42je pense que les Français sont fiers de leur dispute.
00:37:44– Nous avons tous, j'y étais, nous avons tous ressenti
00:37:48que ce jouet-là, quelque chose d'essentiel pour Mitterrand,
00:37:52pour son image et aussi pour la France et pour l'Europe.
00:37:55– Le traité de Maastricht le permettra, je vous remercie.
00:37:59– Je n'en ai pas la même lecture M. le Président.
00:38:02– Les arguments du coup ont été de très haut niveau dans cette période
00:38:06et c'est ça qui doit rester dans une campagne,
00:38:09dans des campagnes électorales, c'est ce qu'on souhaite,
00:38:11c'est que les arguments soient au niveau des enjeux
00:38:14et je crois que le débat de septembre, de début septembre 1992
00:38:19à 17 jours du référendum, effectivement était de ce niveau-là.
00:38:23– Le Président se rétablit normalement
00:38:26du ton de l'opération qu'il a subie il y a 5 jours,
00:38:28il devrait quitter l'hôpital Cochin aujourd'hui
00:38:31et reprendre ses activités après une brève convalescence.
00:38:34Un Président applaudi et souriant.
00:38:38– Je souhaite très vivement que les Français, dans leur majorité,
00:38:44optent pour le oui, parce que pour moi, dans l'esprit, dans ma conviction,
00:38:49le sort de la France ne peut que s'en trouver grandi.
00:38:52– Les Français sont allés voter pour ce débat aride
00:38:55justement parce que des hommes d'État qui ont prouvé qu'ils avaient le niveau
00:38:59pour avoir une dispute intellectuelle de très haut niveau,
00:39:02leur ont donné envie d'aller voter et de se positionner sur un débat très aride.
00:39:06– Le oui, finalement, ne l'emporte que d'extrême justesse,
00:39:1751% de oui, 49% de non.
00:39:20– Mitterrand, qui était un combattant jusqu'au dernier moment,
00:39:24il aurait aimé certainement que ça soit plutôt à 54-55%,
00:39:28mais il se réjouit de ce dernier grand combat politique qu'il a gagné.
00:39:34– Cette réforme du quinquennat, c'est un référendum sous contrainte,
00:39:47il est à part ce référendum,
00:39:50parce que c'est un référendum dont Jacques Chirac n'avait pas envie.
00:39:54– Voilà, je reviens, je vais voter avec les Marocains et je reviens.
00:39:59– Ce quinquennat, sous une forme ou sous une autre, serait une erreur,
00:40:05et donc je ne l'approuverai pas.
00:40:07– Il a toujours pensé que le septennat faisait partie de la constitution angolienne,
00:40:13il a toujours fait partie des gens qui ont pensé qu'il fallait justement
00:40:17faire un septennat pour que le président soit dominant
00:40:21par rapport à une majorité qui pouvait changer.
00:40:24On est en cohabitation, le Premier ministre de l'époque, Lionel Jospin,
00:40:28a fait savoir qu'il était plutôt favorable à une proposition de Valéry Giscard d'Estaing.
00:40:34– Valéry Giscard d'Estaing relance spectaculairement le débat
00:40:37en posant une question.
00:40:39– Et elle porte sur la réforme du quinquennat.
00:40:43– Giscard veut absolument faire le quinquennat, c'est une obsession chez lui,
00:40:47et Jospin souhaite cette réforme.
00:40:49– J'ai indiqué au président de la République
00:40:52qu'il était souhaitable d'engager rapidement cette réforme
00:40:56afin qu'elle soit définitivement adoptée avant la fin de cette année.
00:41:01– Ce qui est sûr, c'est qu'il s'est créé un climat
00:41:04où on a fini par se persuader que 5 ans, c'était plus démocratique que 7 ans.
00:41:09– Et à partir du moment où il s'est dit, Jospin veut un quinquennat,
00:41:16Giscard veut un quinquennat, je vais pas aller m'empoisonner avec ces gens-là.
00:41:21– Jacques Chirac ne veut pas se fragiliser
00:41:24et Jacques Chirac, là-dessus, va agir avec pragmatisme.
00:41:29– J'ai décidé d'appeler les Français à se prononcer par la voie du référendum
00:41:35sur la réduction de la durée du mandat présidentiel.
00:41:38– En reprenant ce référendum à son compte, il s'empare du débat,
00:41:42l'idée c'est de ne pas subir.
00:41:44– Alors le risque, ce ne sera pas le non,
00:41:48mais ce sera le taux d'abstention record à un référendum.
00:41:52– En effet, les Français ne se sentiront absolument pas concernés
00:42:02par cette réforme du quinquennat qui est pourtant une réforme bigrement importante.
00:42:07– Il y a eu l'inversion du calendrier dans la foulée
00:42:09pour mettre les législatives juste après la présidentielle
00:42:12et du coup, des législatives juste derrière la présidentielle
00:42:15ne font que confirmer le scrutin présidentiel.
00:42:17– Je pense qu'on ne s'est pas rendu compte des conséquences
00:42:20que pouvait avoir le quinquennat sur la vie politique française,
00:42:23l'hyper-présidentialisation, la question aussi de l'inversion du calendrier
00:42:27avec une majorité parlementaire quasi-automatique
00:42:32après l'élection présidentielle, la non-possibilité d'une cohabitation.
00:42:36Alors les politiques n'aiment pas la cohabitation
00:42:38mais la cohabitation c'est un peu comme le référendum,
00:42:40c'est-à-dire que ça permet un moment de débat, de dispute canalisée.
00:42:44– Ça se conjugue avec un affaiblissement
00:42:46de la démocratie représentative du Parlement
00:42:49par le fait que le mandat parlementaire et le mandat présidentiel coïncident,
00:42:53s'il y a un éventuel conflit, il ne peut plus se résoudre que dans la rue,
00:42:57d'ailleurs c'est un peu ce qu'on a vu récemment.
00:43:00– Le quinquennat a modifié les institutions de la Vème République,
00:43:03a modifié la relation entre le président de la République et le Premier ministre,
00:43:07a modifié la façon dont les Français jugent le rôle du président de la République
00:43:11qui considère maintenant comme une sorte parfois de super Premier ministre
00:43:15qui s'occupe de tout.
00:43:17– Il y a eu presque forcément une certaine présidentialisation du système,
00:43:23non pas au sens américain du terme
00:43:24puisqu'il demeurait un Premier ministre responsable,
00:43:27mais une concentration du pouvoir, 5 ans c'est si court,
00:43:31dans la personne du chef de l'État.
00:43:33– Donc on est sur des temps qui, ajoutés à l'esprit du temps
00:43:36et à la rapidité des moyens de communication etc.,
00:43:39font que la vie politique s'est considérablement rétrécie depuis le quinquennat.
00:43:44– Les 6 pays fondateurs, l'Union est passée aujourd'hui à 25 membres.
00:43:50– Cette constitution veut donc organiser un nouveau fonctionnement
00:43:52pour répondre à de nouveaux besoins de sécurité et d'emploi.
00:43:55– Juridiquement c'est un traité entre États souverains
00:43:58qui ne remplace pas les constitutions nationales,
00:44:01mais c'est vrai qu'il ressemble à une constitution.
00:44:03– Ce référendum-là,
00:44:07il a d'abord été d'une campagne extraordinairement forte
00:44:12qui a marqué l'affaiblissement des partis politiques.
00:44:16– Souvenons-nous de cette campagne,
00:44:18à peu près tous les observateurs, tous les intellectuels,
00:44:22tous les journalistes, toute la classe politique la plus visible était en faveur du oui.
00:44:28– L'Union pour un mouvement populaire a une position,
00:44:32et elle le dit aux Français, c'est le oui.
00:44:35Je considère que c'est le oui qui fait avancer,
00:44:38je considère que c'est le oui qui porte de nouvelles espérances de traité.
00:44:43– Le Parti Socialiste est pour le oui, l'UMP est pour le oui évidemment,
00:44:48normalement c'est les deux grands partis,
00:44:50mais c'est considéré comme précisément très choquant
00:44:54ce mélange de la droite et de la gauche dans le oui.
00:44:57– UMPS, le balancier, la droite, la gauche qui se font la courte échelle,
00:45:02et finalement ça a nourri toutes les critiques anti-système.
00:45:05– Il y a 37 ans, il était évacué de force de la Sorbonne.
00:45:08Aujourd'hui, Danielle Cohn-Bendit y revenait,
00:45:11aux côtés d'un ministre de droite pour défendre la constitution européenne.
00:45:15– C'est vraiment passé dans le camp du pouvoir !
00:45:17– Mais ça fait longtemps !
00:45:18– Un jour on t'a dit, t'as bien réussi !
00:45:21Mais non, je ne veux plus t'entendre maintenant !
00:45:23– Ça donnait l'impression aux citoyens
00:45:25qu'il y avait une entente que les choses se décidaient sans eux.
00:45:27On a décidé pour vous et on pense mieux que vous.
00:45:29– La campagne référendaire du référendum de 2005
00:45:33a, au-delà même d'une déconnexion entre l'opinion et les élites,
00:45:37je crois révéler vraiment une fracture entre deux générations.
00:45:41– L'Europe face à la Chine, face au monde,
00:45:44elle a un témoignage et une question.
00:45:47– On constate que de plus en plus d'entreprises françaises
00:45:50se délocalisent à l'étranger, notamment l'industrie textile,
00:45:53et moi je me demande en quoi la constitution
00:45:55va nous aider à ne pas perdre nos emplois.
00:45:57– Je voudrais d'abord simplement rappeler qu'un principe simple,
00:46:05c'est que l'union fait la force.
00:46:09– Jacques Chirac sous-estime l'usure par rapport à Jacques Chirac lui-même.
00:46:14Et c'est un Jacques Chirac, on le voit très bien
00:46:16dans le débat avec les jeunes, qui a perdu la main.
00:46:19– C'est le débat de Jacques Chirac avec les jeunes
00:46:21qui reste, je dois dire, le modèle absolu
00:46:24de l'effondrement de la fonction présidentielle
00:46:27telle qu'on a pu le voir.
00:46:28Il faut dire aussi que Chirac avait dû subir des questions des jeunes
00:46:31qui portaient sur tous les sujets,
00:46:32sauf sur la constitution européenne et le traité,
00:46:36qui évidemment, ça l'a légèrement désarçonné.
00:46:38– Nous avons une jeunesse, nous avons un peuple
00:46:42qui a lieu d'être tout de même fier d'être français.
00:46:45Il peut avoir l'ambition d'être un conducteur
00:46:50et qui risque de se mettre à la remorque.
00:46:52– Il dit à des jeunes, à la télévision, je ne vous comprends plus.
00:46:57Je vais vous dire très franchement, je ne le comprends pas
00:47:01et ça me fait de la peine.
00:47:03– Il dit son chagrin aux jeunes, il leur dit au fond
00:47:06qu'ils pensent de travers, c'est à peu près ça,
00:47:08le message de cet échange avec les jeunes.
00:47:11Voilà, il ne fait même plus le service minimum.
00:47:14Et quelque part, il libère les forces de l'anti-chiracisme.
00:47:20– C'est spectaculaire, la campagne de 2005,
00:47:22elle va complètement dériver.
00:47:24– Il y avait une espèce de dramatisation absolument incroyable,
00:47:27il y avait des figures de l'ennemi qui réapparaissaient,
00:47:30le plombier polonais, l'électricien roumain.
00:47:33D'ailleurs, une certaine xénophobie qui n'était pas simplement
00:47:37le propre de la droite de la droite, mais aussi de la gauche de la gauche.
00:47:40– Non, non, non pour la Constitution !
00:47:44Non, non, non pour la Constitution !
00:47:47– Beaucoup des mots qui ont été identifiés en 2005
00:47:52comme des mots européens, le déficit démocratique,
00:47:55le caractère trop technocratique,
00:47:57la déconnexion avec les attentes de l'opinion,
00:47:59une législation européenne qui va beaucoup trop dans le détail
00:48:04et qui se préoccupe de la taille des chenilles des tracteurs
00:48:06plus que des vrais problèmes.
00:48:07Finalement, ce sont des critiques que, depuis 2005,
00:48:11on fait sans arrêt à l'égard des institutions nationales.
00:48:14– On sait, les Français ne sont pas du tout anti-européens,
00:48:16en revanche, ils avaient peut-être une autre idée de l'Europe.
00:48:19On se souvient, alors on est aujourd'hui ici au Conseil constitutionnel,
00:48:21mais on se souvient de la position courageuse d'ailleurs de Laurent Fabius
00:48:24à l'époque, au Parti socialiste,
00:48:26qui était pour le non à ce traité constitutionnel européen.
00:48:29– En répondant non, ça permettra de réouvrir le dialogue,
00:48:33c'est pas du tout, les murs ne vont pas s'effondrer,
00:48:36ça veut dire qu'on va se remettre autour d'une table
00:48:38pour aboutir à une meilleure Constitution
00:48:39qui permettra d'aller vers une Europe puissante et solidaire.
00:48:42– Il y avait aussi, dans ce débat pré-référendaire,
00:48:46une petite musique qui a été utilisée par les adversaires
00:48:50de la Constitution européenne en disant de toute façon,
00:48:52ne vous inquiétez pas, vous pouvez dire non sans crainte au référendum,
00:48:56puisque de toute façon, il y a un plan B qui est dans les cartons
00:48:58et qui va immédiatement être sorti.
00:49:03– Valéry Giscard d'Estaing fait campagne pour le oui, mais à sa manière.
00:49:07Il dit ne pas vouloir entrer dans l'arène politique,
00:49:09mais juste faire une explication du texte qu'il a supervisé.
00:49:13– Alors on a dit, il y a un plan B.
00:49:15– Il était quasiment le père de cette Constitution
00:49:17puisqu'il a présidé la convention qu'il a rédigée.
00:49:19– Non, ce plan B, c'est une blague, il n'existe pas.
00:49:24– Et donc, cet argument du plan B n'était pas sérieux
00:49:27pour ceux qui défendaient le modèle européen.
00:49:28C'est-à-dire, ils n'imaginaient pas que l'opinion pensait,
00:49:31après un tel travail de rédaction d'une Constitution européenne,
00:49:35que l'on avait pris soin d'avoir gardé dans les cartons
00:49:38quelques formules alternatives qui pourraient être réutilisées clé en main
00:49:42si par extraordinaire les Français disaient non.
00:49:45– M. Bayraud, en bas, s'il vous plaît, merci.
00:49:47– J'ai un mot ?
00:50:06– Nous avons le choc du non au référendum de 2005
00:50:11qui a construit un autre clivage politique que le clivage classique,
00:50:15c'est un clivage, le peuple contre les élites,
00:50:18qui fait que le référendum est un peu perçu
00:50:21comme une machine à fabriquer du non.
00:50:23– Il y a cette volonté qui est de plus en plus fréquente
00:50:25dans la vie politique française, dans la vie politique de nos démocraties,
00:50:28du vote protestataire, du bras d'honneur fait aux gens d'en haut,
00:50:33comme ça, globalement, on fait un paquet cadeau et on envoie un bras d'honneur.
00:50:37– Peut-être que le refus de ce référendum est d'abord un refus
00:50:42de l'unanimisme de la classe politique française et de la classe médiatique.
00:50:46– Plus le diplôme s'élève, plus le oui gagne,
00:50:49plus le revenu est faible, plus le non est massif,
00:50:52c'est-à-dire c'est une vraie coupure entre la France populaire
00:50:55et la France des élites intellectuelles ou aisées,
00:50:59la France aisée, Neuilly vote 80% de oui,
00:51:02mais le Pas-de-Calais vote à presque 70% de non.
00:51:06– Tous ensemble, tous ensemble, ouais !
00:51:08– La France vous doit ce soir de bonheur et de victoire,
00:51:13quant à l'autre, qu'il se soumette !
00:51:16– Le pauvreté, le pauvreté !
00:51:19– Moi, il me semblerait normal qu'il démissionne.
00:51:22– Regardez où on en est aujourd'hui, on n'a plus de bipolarisation,
00:51:25on a une quadripolarisation, certains même disent
00:51:28un espace politique divisé en cinq familles, et le désordre,
00:51:33le désordre, il est venu largement par les référendums de 92 et 2005
00:51:38sur la question européenne, ça a engendré
00:51:40une profonde turbulence politique.
00:51:43– C'est le moment fondateur de tout ce qui se passe
00:51:45dans notre vie politique depuis cette date.
00:51:48– Vous avez majoritairement rejeté la constitution européenne,
00:51:54c'est votre décision souveraine, et j'en prends acte.
00:51:58– Un autre inconvénient de l'échec du référendum de 2005,
00:52:02c'est le traité de Lisbonne, c'est-à-dire que ce qui avait été rejeté
00:52:08par le peuple, en gros, a été en gros repris
00:52:14par un traité adopté par la voie parlementaire.
00:52:17– Un point quand même doit être souligné, c'est que Nicolas Sarkozy,
00:52:20qui a été élu président de la République en 2007,
00:52:23n'avait pas caché durant sa campagne électorale que c'est ce qu'il ferait.
00:52:26– Voyage à l'abonné !
00:52:28– Mini-traité peut-être, mais grand spectacle ce matin
00:52:31dans le prestigieux monastère de Lisbonne.
00:52:36– Sarkozy a ensuite décidé de ratifier le traité de Lisbonne,
00:52:39mais sans passer par la voie référendaire,
00:52:41et ça c'est quelque chose qui est marqué dans l'esprit des Français,
00:52:44parce que quelque chose s'est cassé à ce moment-là, je pense.
00:52:48– Légitimement, une partie importante des Français peut considérer
00:52:51qu'à quoi sert notre nom si en fait vous faites rentrer par la fenêtre
00:52:54ce qu'on a fait sortir par la porte.
00:52:56– Ça n'a été pas du tout anticonstitutionnel,
00:52:58et même contraire au principe de la démocratie,
00:52:59mais ça a été politiquement ravageur.
00:53:07– La classe politique française reste assez traumatisée
00:53:11par l'échec du référendum de 2005,
00:53:15et ce traumatisme est même sans doute encore conforté
00:53:20par l'issue du référendum britannique sur le Brexit.
00:53:23– Il y a maintenant la conviction que n'importe quelle question posée,
00:53:27à n'importe quelle question posée,
00:53:29les Français répondraient par rapport au Président de la République
00:53:33et au choix qu'ils ont de le maintenir ou s'en séparer.
00:53:37– Pour, au fond, acclimater le référendum,
00:53:41il faudrait le déprésidentialiser,
00:53:44que ça n'apparaisse pas uniquement comme une arme du Président,
00:53:48et que donc les électeurs aient davantage leur mot à dire.
00:53:51– Il faut trouver les moyens,
00:53:53qu'il y ait davantage de dialogue entre les citoyens et le pouvoir politique.
00:53:57Ça peut passer, la Convention citoyenne en est un exemple,
00:54:01par des assemblées citoyennes, des tirages au sort,
00:54:04des discussions, des délibérations du Parlement,
00:54:07renouvelées pour rediscuter du texte de loi.
00:54:10C'est le référendum d'initiative partagée
00:54:12qui est prévu à l'article 11 de la Constitution
00:54:15et qui pour le moment n'a jamais été mis en œuvre.
00:54:17– Peut-être qu'un jour, un candidat ou un homme politique s'élèvera
00:54:22et viendra expliquer très clairement
00:54:25quelles sont les voies pour faire un référendum de nouvelle manière,
00:54:28justement pour réconcilier les Français avec leur politique.
00:54:31– Le référendum ne manquera pas d'être utilisé à nouveau,
00:54:35c'est vraiment une pièce centrale de la Vème République.
00:54:39Reste évidemment à ceux qui en ont la maîtrise
00:54:41à le manier avec ductilité, avec finesse, avec habileté
00:54:47et aussi finalement avec efficacité du point de vue de l'intérêt général.
00:54:50– Sous-titrage Société Radio-Canada
00:54:56– Depuis 1958 et l'instauration de la Vème République,
00:55:01dix référendums ont donc rythmé notre histoire politique,
00:55:04dont cinq initiés par le seul Charles de Gaulle.
00:55:07Mais le constat est là, depuis tout juste 20 ans,
00:55:10et le non-français à la Constitution européenne,
00:55:13plus aucun référendum national n'a été organisé dans notre pays.
00:55:18Voilà ce qu'est venu nous rappeler à l'instant
00:55:20ce documentaire réalisé par Patrice Duhamel et Pauline Pallier,
00:55:24alors à quand le retour d'un référendum,
00:55:26à l'heure où l'actuel chef de l'État, Emmanuel Macron,
00:55:29n'exclut pas d'y avoir recours.
00:55:31Nous allons en débattre avec nos invités présents maintenant
00:55:34sur ce plateau de débats d'oc, en commençant par vous,
00:55:37Benjamin Morel, bienvenue à vous. – Bonjour.
00:55:39– Vous êtes constitutionnaliste, maître de conférences en droit public
00:55:43à l'Université Paris 2, Panthéon, Assas
00:55:46et docteur en sciences politiques à l'École normale de Saclay,
00:55:49et votre dernier ouvrage s'intitule
00:55:52Le nouveau régime, il est disponible aux éditions passées composées.
00:55:57Bruno Cotteres est également avec nous, bienvenue à vous.
00:55:59– Bonjour. – Vous êtes enseignant
00:56:01et politologue, chercheur au CNRS et au Cevipof,
00:56:05le centre de recherche de Sciences Po, bien sûr.
00:56:09Vos travaux portent notamment sur l'analyse des comportements
00:56:12et des attitudes politiques.
00:56:14Votre dernier livre, lui, a pour titre
00:56:17Le vote sans issue, chronique électorale 2024,
00:56:20c'est tout chaud et c'est publié aux presses universitaires Grenoble.
00:56:25Puis enfin avec nous, Renaud Delis, bienvenue à vous.
00:56:27– Bonsoir. – Vous êtes journaliste,
00:56:28éditorialiste politique dans la matinale de France Info,
00:56:31où vous co-animez également chaque matin de la semaine les informés.
00:56:36Vous présentez par ailleurs le 28 minutes,
00:56:38c'est chaque samedi chez nos confrères de Arte,
00:56:40et vous êtes l'auteur, entre autres, de l'assiégé
00:56:43dans la tête de Dominique Wehner, le gourou caché de l'extrême droite,
00:56:46un ouvrage publié chez Jean-Claude Lattès
00:56:49dans la collection Essais et documents.
00:56:52On vient de voir ce documentaire, c'est vrai que d'une certaine manière,
00:56:55nous commummerons les 20 ans de non-référendum national en France.
00:57:00On va s'interroger pour savoir pourquoi.
00:57:02Des réponses, nous en avons déjà eu quelques-unes dans ce film.
00:57:06Je voudrais qu'on revienne, pour commencer, sur Charles de Gaulle,
00:57:09puisqu'il a initié cinq des dix référendums
00:57:13initiés jusqu'à maintenant.
00:57:15Est-ce qu'on n'est pas encore, en France,
00:57:17avec cette mémoire collective de l'utilisation du référendum,
00:57:21justement par Charles de Gaulle,
00:57:25avec cette idée d'imposer, avec ce référendum,
00:57:28réaffirmer, en tout cas, l'autorité du président et de l'Etat,
00:57:32plutôt qu'à consulter le peuple ?
00:57:34Oui, en grande partie.
00:57:36Il faut bien comprendre que pour de Gaulle,
00:57:38il y a une forme de construction du référendum.
00:57:40Au début, le référendum n'est pas forcément un plébiscite.
00:57:43Quand vous regardez la procédure référendaire,
00:57:45il faut qu'il y ait une proposition du gouvernement,
00:57:48un projet de loi, et ensuite, le chef de l'Etat,
00:57:50appréciant en blocage, peut soumettre le texte à référendum
00:57:53pour demander au souverain, au peuple, de trancher.
00:57:56C'est pas la pratique qui va émerger sous la Ve République,
00:57:59parce que de Gaulle va très rapidement comprendre
00:58:02qu'il peut y avoir un aspect plébiscitaire au référendum.
00:58:04Gaulle a très bien compris que les pouvoirs
00:58:07du président de la Ve République
00:58:09ne sont pas liés au texte constitutionnel.
00:58:11On a l'impression que le président est omnipotent.
00:58:14Il a des pouvoirs propres, mais ils sont relativement résiduels
00:58:17sur la gestion commune du régime.
00:58:19Ce qui fait la force du président de la République,
00:58:21ce qui fait son pouvoir, c'est sa légitimité.
00:58:25En étant élu à partir de 62 au suffrage universel direct,
00:58:28il s'appuie sur cette légitimité pour tenir le pouvoir.
00:58:32Mais comment est-ce que je teste cette légitimité
00:58:34et comment est-ce que je la ressource ?
00:58:36Pour De Gaulle, il y a deux instruments,
00:58:39la dissolution, 68, ou le référendum.
00:58:41Le problème, c'est que ce rapport plébiscitaire...
00:58:43Il a beaucoup insisté, pour ce qu'on en sait,
00:58:46pour que figure la possibilité d'avoir recours à ce référendum
00:58:49à travers deux articles de la Constitution,
00:58:52l'article 11 et l'article 89.
00:58:53On va pas trop rentrer dans le détail.
00:58:55Il a beaucoup insisté là-dessus ?
00:58:57Il a beaucoup insisté, parce que pour lui,
00:59:00il y a des vraies questions qui se posent,
00:59:02avec ce qu'on appelle le comité consultatif constitutionnel.
00:59:05Le référendum, en France, apparaît comme étant
00:59:08une forme d'atavisme du Second Empire.
00:59:10A partir de là, on s'en garde bien.
00:59:12Pour De Gaulle, il y a ce rapport à la responsabilité.
00:59:15En d'autres termes, si mon pouvoir ne vient pas du texte,
00:59:18s'il vient du peuple, pour ressourcer ce pouvoir,
00:59:21je consulte le peuple.
00:59:23Si le peuple me contredit, me dédie,
00:59:25à ce moment-là, comme je n'ai pas envie
00:59:27d'inaugurer les chrysanthèmes et de sucrer les fraises,
00:59:30comme je n'ai pas envie d'être René Coty ou Vincent Auriole,
00:59:33je démissionne.
00:59:34Ce rapport plébiscitaire, vous pouvez l'avoir
00:59:37quand vous vous appelez De Gaulle.
00:59:39Pour ses successeurs, ça devient, évidemment,
00:59:42beaucoup plus compliqué.
00:59:43Dès le référendum suivant, celui initié par Georges Pompidou,
00:59:48Pompidou est très clair.
00:59:50S'il y a un non, il ne démissionnera pas.
00:59:52On vit dans cette perspective.
00:59:54Tous les successeurs de Pompidou
00:59:56ont la même chose.
00:59:57Si le non l'emporte, je ne démissionnerai pas.
00:59:59Cette vision plébiscitaire, au fond,
01:00:01elle ne peut être que gaullienne.
01:00:03Derrière, elle est un héritage très dur à porter.
01:00:06-"Ca, c'était moi ou le chaos".
01:00:08Voilà ce qu'on garde de De Gaulle.
01:00:10C'est pas vrai pour tous les référendums initiés par De Gaulle,
01:00:13mais c'est vrai pour celui qui symbolisera son départ.
01:00:17On a même parlé d'un suicide politique.
01:00:19Ca, c'est l'utilisation faite par De Gaulle.
01:00:21Moi ou le chaos ?
01:00:22Dans l'imaginaire de la vie politique française,
01:00:25la figure du général De Gaulle, son usage du référendum,
01:00:29c'est consubstantiel au général De Gaulle.
01:00:31La Ve République naît d'un référendum elle-même.
01:00:34Le général De Gaulle l'a utilisé à cinq reprises.
01:00:36Dans l'imaginaire populaire,
01:00:38ça laisse une trace très importante,
01:00:40qui est cette idée à la fois de pouvoir de temps en temps
01:00:43s'adresser en démocratie directe au peuple,
01:00:46en direct, sur de grands sujets,
01:00:47d'où le référendum,
01:00:49mais aussi l'idée du départ, en 1969,
01:00:52qui pose une sorte d'acte très lourd
01:00:55qui reste dans la mémoire du pays,
01:00:57c'est-à-dire qui va nourrir progressivement
01:01:00dans la mémoire politique du pays
01:01:02presque une forme de nostalgie pour certains
01:01:04d'une époque où de grands responsables politiques
01:01:07ayant la stature du général De Gaulle
01:01:09mettaient leur démission dans la balance
01:01:12pour montrer à quel point l'engagement
01:01:14dans la procédure référendaire
01:01:16était important du président de la République.
01:01:18C'est vrai qu'on l'a beaucoup dit,
01:01:20on parlera tout à l'heure de 2005,
01:01:22qu'on l'a beaucoup dit au moment de 2005
01:01:24sur un acte aussi important
01:01:26que la ratification d'un traité européen
01:01:28si le chef de l'Etat n'est pas suivi,
01:01:30mais il reste en poste.
01:01:32Ca a nourri dans l'imaginaire populaire
01:01:34cette idée d'un temps révolu
01:01:36où de grandes personnalités,
01:01:38de grands personnages historiques
01:01:40étaient capables, au fond,
01:01:41de pousser jusque-là leur engagement,
01:01:44d'aller jusqu'à démissionner si...
01:01:46Comme le dit Benjamin Morel,
01:01:47il y en a peut-être un qui pouvait le faire.
01:01:50On a eu d'autres grands personnages historiques
01:01:53dans la suite de la Cinquième République,
01:01:55bien évidemment,
01:01:56mais c'est vrai que dans le cas du général de Gaulle,
01:01:59c'est tellement consubstantiel au message de départ,
01:02:02c'est tellement cette Cinquième République
01:02:06qui va naître, au fond,
01:02:07d'un retour du général de Gaulle
01:02:11qu'on vient chercher comme un homme providentiel
01:02:14et qui organise lui-même, avec les gaullistes de l'époque,
01:02:17son retour comme celui d'un sauveur
01:02:19qui va venir sauver le régime politique,
01:02:22la France, d'être embourbée
01:02:23dans la guerre d'Algérie,
01:02:25les difficultés de la Quatrième République,
01:02:28que ça a laissé une trace très importante.
01:02:30Vous soulignez que c'était peut-être
01:02:32une ombre lourde à porter pour les successeurs
01:02:35du général de Gaulle, je crois qu'on peut dire que tel est le cas.
01:02:39Je me demandais aussi si, quelque part, en partie,
01:02:42elle n'explique pas ce que nous sommes en train de commémorer,
01:02:46ces 20 ans sans le moindre réforme d'homme national.
01:02:49Ce qui est dit aussi dans ce documentaire, Renaud Delis,
01:02:52c'est qu'après de Gaulle,
01:02:54ni Valéry Giscard d'Estaing,
01:02:55ni François Mitterrand durant son premier septennat,
01:02:59ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande,
01:03:01ni Emmanuel Macron n'ont utilisé le référendum.
01:03:04C'est parce que, par rapport à la période
01:03:06qui était celle de la présence du général de Gaulle au pouvoir,
01:03:10on a changé de monde, de période et même de démocratie.
01:03:13Il y a plusieurs raisons qui ont été évoquées
01:03:16qui expliquent le recours régulier
01:03:18du général de Gaulle au référendum.
01:03:20L'installation du régime, d'un nouveau régime,
01:03:23contre le régime dit des partis, celui qui le dénonçait,
01:03:26celui de la 4e.
01:03:27Il y a des référendums importants qui ont trait aux institutions,
01:03:31déjà la validation de la Constitution
01:03:33ou, plus tard, l'élection du président au suffrage universel.
01:03:36Ce sont des enjeux lourds.
01:03:38Il y a la personnalité du général de Gaulle,
01:03:41son rapport à l'histoire, son mode de gouvernement.
01:03:44C'est un pouvoir personnel, avec moins de contre-pouvoirs,
01:03:47médiatique, ou du rôle du conseil constitutionnel,
01:03:50qui n'est pas celui qui existe aujourd'hui.
01:03:53Il y a la pratique liée au mode de fonctionnement
01:03:55du général de Gaulle et il y a des enjeux très lourds.
01:03:58Sur le plan institutionnel, il y a la guerre d'Algérie,
01:04:02sortir de la guerre d'Algérie, l'enjeu est extrêmement lourd.
01:04:05L'élection du président au suffrage universel
01:04:08survient après l'attentat du petit Clamard.
01:04:11Tout ça, on l'a plus aujourd'hui, on l'a plus par la suite.
01:04:14Quand on regarde le général de Gaulle
01:04:16et qu'il perd ce référendum de 1969,
01:04:18c'est sur un enjeu, si j'allais le dire, subalterne.
01:04:21Je parle de la réforme du Sénat et de la régionalisation.
01:04:25Il essaye de dramatiser l'enjeu avec son départ,
01:04:29en annonçant son départ en cas de défaite,
01:04:31sauf que ça survient après mai 68.
01:04:33Il est de...
01:04:35De Gaulle disait que 10 ans, ça suffit.
01:04:37Il est devenu impopulaire, donc ça ne fonctionne pas.
01:04:40Il y a un certain nombre de trahisons
01:04:42qu'on voit dans le documentaire.
01:04:44Il y a une partie de la droite qui souhaite commencer
01:04:47par Georges Pompidou à l'après de Gaulle.
01:04:49Mais ça ne fonctionne pas aussi parce que l'enjeu de cette question-là
01:04:53était subalterne au regard des référendums précédents.
01:04:56Par la suite, ce sera la même chose.
01:04:58Lorsqu'on a des référendums qui portent sur des questions
01:05:02qui semblent plus éloignées des préoccupations des Français
01:05:05ou plus éloignées géographiquement,
01:05:07l'adhésion du Royaume-Uni à la Cour de l'Union européenne,
01:05:11le référendum sur la Nouvelle-Calédonie,
01:05:13ou le quinquennat, ou le passage au quinquennat en 2000,
01:05:16la participation est très faible.
01:05:18En revanche, Maastricht, la création de l'Union européenne,
01:05:21ou la Constitution européenne, là, l'enjeu est plus important.
01:05:25Alors, la Constitution européenne, le fameux référendum de 2005.
01:05:29Certains de vos confrères, B.Cotteré,
01:05:32s'exprimaient dans ce documentaire.
01:05:34On va les écouter à propos de ce fameux référendum de 2005.
01:05:38Nous avons le choc du non au référendum de 2005,
01:05:43qui a construit un autre clivage politique que le clivage classique.
01:05:47C'est un clivage, le peuple contre les élites,
01:05:50qui fait que le référendum est un peu perçu
01:05:52comme une machine à fabriquer du non.
01:05:55Il y a cette volonté, plus fréquente dans la vie politique française
01:05:58et dans la vie politique de nos démocraties,
01:06:01du vote protestataire,
01:06:02du bras d'honneur fait aux gens d'en haut.
01:06:05C'était un bras d'honneur fait aux gens d'en haut,
01:06:08ce non à la Constitution européenne,
01:06:10à ce traité de Constitution européenne.
01:06:13Si vous prenez les enquêtes CSA de novembre 2004
01:06:17et d'avril 2005,
01:06:19la code de popularité de Jacques Chirac est de 36 %.
01:06:22Elle n'a pas bougé d'un iota.
01:06:24Entre-temps, je parle sous contrôle de Bruno,
01:06:27le oui est passé de 65 % à 45 %.
01:06:30Pendant six mois, il y a eu un grand débat national.
01:06:33Pendant six mois, il y a eu une discussion.
01:06:35Anecdote très personnelle, ma mère vote, en règle générale,
01:06:39pour des petits candidats, un lieu populaire.
01:06:42Elle ne s'intéresse pas à la politique.
01:06:44Elle adorait Jacques Chirac.
01:06:46Je l'ai vue, un jour, acheter
01:06:47L'Humanité, Le Monde, Le Figaro, Libération
01:06:51pour travailler sur ce qu'elle allait voter à ce traité.
01:06:54Elle n'avait pas d'a priori.
01:06:56Lorsqu'elle a voté non, elle savait pourquoi.
01:06:58Peut-être avait-elle tort.
01:07:00C'est pas la question.
01:07:01Elle votait et elle savait pourquoi.
01:07:03Quelques temps plus tard, on lui a dit,
01:07:05écoutez, voilà, madame, on s'est bien amusé.
01:07:08Maintenant, on va faire passer le traité par voix de Congrès.
01:07:12Et là, on a construit une vraie fracture démocratique.
01:07:16Tout d'un coup...
01:07:17C'est un autre bras d'honneur.
01:07:18C'est un bras d'honneur à l'envers.
01:07:21Et 2008 est très intéressant.
01:07:23On a repassé les plats.
01:07:24C'est Nicolas Sarkozy qui prendra l'initiative
01:07:27de faire passer par la voix parlementaire.
01:07:29Il aurait pu, éventuellement, repasser par la voix du référendum.
01:07:33Il aurait pu repasser par la voix du référendum.
01:07:362008 est très intéressant parce qu'on fait passer ce traité
01:07:39par le traité de Lisbonne par voix de Congrès.
01:07:42En même temps, on révise la moitié des articles de la Constitution
01:07:46et on introduit le référendum d'initiative partagée.
01:07:49Cette usine à gaz qu'on ressort,
01:07:51il faut 4,9 millions de signatures en France
01:07:53pour lancer un référendum d'initiative partagée,
01:07:56il en faut 500 000 pour lancer un RIC en Italie.
01:07:58La chose a été faite pour ne jamais être utilisée.
01:08:01Ce référendum est crucial car il nourrit une double défiance.
01:08:04Défiance des Français vis-à-vis, en effet,
01:08:07des élites politiques qui seraient réputées avoir trahi leur nom
01:08:10et défiance des élites politiques contre les Français
01:08:13qui ne veulent plus entendre parler du référendum
01:08:16et que, même quand elles introduisent
01:08:18une disposition dans la Constitution,
01:08:20mettent en place tous les mécanismes
01:08:22pour ne pas que ce référendum puisse avoir lieu.
01:08:25Résultat, aujourd'hui, on a une vraie frustration
01:08:27parce que chaque fois qu'on a une réforme des retraites
01:08:31et que ces procédures de RIC sont lancées,
01:08:33elles achoppent nécessairement
01:08:35parce que ça a été fait pour que ça achoppe,
01:08:37ce qui nourrit encore un peu plus la défiance.
01:08:40Le référendum, qui était vraiment un instrument démocratique,
01:08:43est devenu, aujourd'hui, une source de défiance.
01:08:46Là, en effet, on continue à payer structurellement la note de 2005.
01:08:51Jérôme Jaffré, dans ce documentaire,
01:08:53c'est le moment fondateur de tout ce qui se passe
01:08:56dans notre vie politique depuis cette date.
01:08:59C'était un traumatisme à ce point, ce nom français,
01:09:03pour la classe politique française.
01:09:05Je pense qu'il a assez largement raison.
01:09:07Premier point, je rejoins ce qui a été dit.
01:09:10C'est un moment clé
01:09:12dans la structuration du rapport à l'intégration européenne.
01:09:16Je partage l'idée qu'il y a eu un vrai débat sur l'Europe.
01:09:20Ce n'est pas simplement le vote contre Jacques Chirac,
01:09:23ce n'est pas simplement un vote parce que l'économie n'est pas bien
01:09:26ou que la popularité de l'exécutif était basse.
01:09:29Je me rappelle quand même que les bouquins
01:09:31qui expliquaient la Constitution européenne
01:09:34aux Françaises et aux Français ont été de vrais succès de librairie.
01:09:37On pouvait les acheter.
01:09:39M. Morel vient de rappeler quelque chose de très vrai.
01:09:41Autour des tables familiales, des déjeuners ou des dîners familiaux,
01:09:45on parlait de ce référendum.
01:09:47Certains ont été en rupture de stock,
01:09:49certains ont été réédités à de nombreuses reprises.
01:09:52On pouvait les acheter en faisant ses courses dans les supermarchés.
01:09:56Il y avait des livres qui étaient la Constitution européenne
01:09:59par exemple. Il y a eu un vrai débat.
01:10:01Ce qui s'est passé, c'est que le référendum...
01:10:04Le sentiment de trahison à la sortie de ceux qui ont voté non
01:10:07à ce référendum et qui a donc emporté ce référendum...
01:10:10De ce point de vue-là, Jérôme Jaffrey a bien raison,
01:10:13ça constitue une espèce de point de départ.
01:10:16La défiance politique existe.
01:10:18Elle existe avant.
01:10:19Au fond, quand on suit les courbes d'enquête d'opinion disponible,
01:10:23on voit qu'elle commence à s'installer à partir de la fin des années 80,
01:10:27début des années 90.
01:10:28Mais là, ça donne un coup d'accélérateur,
01:10:31le sentiment d'une déconnexion totale,
01:10:33d'une décorrélation entre ce qui se passe dans le pays
01:10:36et ce qui se passe dans l'univers de la politique.
01:10:38En 2005, une grande partie des élites économiques,
01:10:41des élites politiques sont sur le oui,
01:10:43pensent que la France ne peut pas dire non,
01:10:46et la majorité va dire non.
01:10:48Là où il y a un point très important d'interprétation
01:10:51qui concerne la question du référendum,
01:10:54le référendum a obligé, au fond, des gens qui pensaient
01:10:57différemment sur l'Europe à dire non en même temps.
01:11:00D'où l'idée qui a été proposée par certains,
01:11:02de dire que ce non était tout sauf construit,
01:11:05qu'il ne représentait rien au plan idéologique.
01:11:07Mais non, il y avait au moins deux types de non.
01:11:10Il y avait ceux qui votaient non pour des raisons,
01:11:13on va dire, de questions sociales,
01:11:15trouvant que l'Europe était trop libérale,
01:11:17ceux qui disaient non parce qu'ils trouvaient
01:11:20que l'Europe était trop ouverte du point de vue des migrations.
01:11:24Voilà, mais c'est le référendum, au fond,
01:11:26qui a obligé des gens qui pensaient différemment sur l'Europe
01:11:29à voter non ensemble, ce qui a construit
01:11:32cette narration après que le non n'avait pas de sens.
01:11:35Mais non, c'est pas vrai, il avait du sens.
01:11:37Renaud Delis, le Conseil l'a depuis 20 ans.
01:11:39Depuis ce fameux référendum de 2005,
01:11:41il n'y a plus aucun référendum national.
01:11:44Je voudrais avoir votre explication sur ce sujet.
01:11:47Il y a une filiation sur l'Etat de la France
01:11:49au travers de plusieurs scrutins.
01:11:51J'en mettrai trois qui me semblent établir une filiation en continu.
01:11:55Le non au référendum de 2005 sur la construction européenne,
01:11:58il est écrit dans le oui au traité de Maastricht de 1992.
01:12:01Cette première fracture sociale, disait en 1995,
01:12:04vous vous souvenez, Jacques Chirac, c'était son slogan de campagne.
01:12:07Elle existe déjà dans cette victoire ric-rac du oui en 1992,
01:12:10du oui au traité de Maastricht.
01:12:12Elle se traduit 13 ans plus tard,
01:12:14parce que la fracture s'est accrue sur bien des points,
01:12:17dans la victoire du non en 2005, c'est 55 % du non,
01:12:21et elle se traduit enfin par l'Assemblée nationale,
01:12:24qui a mis des urnes aux élections législatives
01:12:27de juillet dernier, de juillet 2024,
01:12:29et où on retrouve quoi ?
01:12:30On retrouve une droite et une gauche au gouvernement,
01:12:33on va dire, qui se sont succédées au pouvoir alternativement
01:12:37depuis 40 ans, qui ont peu à peu été effilochés,
01:12:41j'allais dire, givarisés,
01:12:43et qui se sont dominés du côté de la droite
01:12:46par l'extrême droite, aujourd'hui, et par l'Assemblée nationale,
01:12:49qui est le plus puissant numériquement, arithmétiquement,
01:12:53dans l'hémicycle, au regard du groupe LR,
01:12:55et qui est encore plus puissant dans les têtes.
01:12:57Il suffit de voir l'argumentaire
01:12:59d'un certain nombre de prétendants de LR,
01:13:02qui, sur les questions régaliennes, revendiquent
01:13:04le fait de porter un discours si à moins de celui du RN,
01:13:07et puis, à gauche, une gauche du gouvernement,
01:13:10qui, elle aussi, a été ratatinée et dominée,
01:13:13sur le ton, déjà, sur le plan du volume sonore,
01:13:15si j'ose dire, et même bien au-delà,
01:13:18par la gauche radicale, on va dire, par les Insoumis.
01:13:20On retrouve ces deux noms qu'évoquait, à l'instant,
01:13:23Bruno Cotteresse, en 2005, qui ont convergé
01:13:26contre la Constitution européenne lors de ce référendum.
01:13:29Cette situation politique, elle était antérieure,
01:13:32me semble-t-il, et les prémices se sont manifestées
01:13:35dès le traité de Maastricht, en 1992,
01:13:37et on est toujours dedans,
01:13:39et même, du point de vue des partis dits de gouvernement,
01:13:42cette situation s'est aggravée,
01:13:44avec ces deux courants radicaux
01:13:46qui dobinent leurs espaces politiques respectifs.
01:13:49Ca explique que le référendum,
01:13:51qui est, en quelque sorte, un thermomètre
01:13:53qui a révélé cette fracture,
01:13:56est aujourd'hui une arme,
01:13:57pas simplement à double tranchant,
01:13:59comme le titre le documentaire,
01:14:01mais quasiment une arme suicidaire
01:14:03pour un chef d'Etat au pouvoir
01:14:05qui se retrouve confronté à la situation politique qu'on connaît.
01:14:08C'est un référendum boomerang, en quelque sorte,
01:14:11qu'on peut quasiment pronostiquer,
01:14:13au regard de cette situation.
01:14:15Reste, évidemment, le sujet, le moment
01:14:17et la question posée aux Français.
01:14:19Pour l'instant, on n'est pas éclairés
01:14:21par la dernière intervention du président.
01:14:24La dernière intervention du président de la République,
01:14:27du chef de l'Etat, Emmanuel Macron,
01:14:29c'était le 13 mai dernier, chez nos confrères de TF1.
01:14:32Il souhaite qu'on puisse organiser une consultation multiple,
01:14:35plusieurs référendums en même temps, dans les mois qui viennent.
01:14:39L'information qu'on a pu tout de même obtenir
01:14:41à travers cette intervention du chef de l'Etat,
01:14:44c'est qu'il n'entend pas initier un référendum
01:14:46sur le thème de l'immigration, sur celui des retraites,
01:14:50sur celui de l'Etat des finances publiques non plus,
01:14:52comme ça a été évoqué par le Premier ministre,
01:14:55en revanche, il laisse une porte ouverte
01:14:58sur un référendum concernant la fin de vie
01:15:01en cas d'enlisement de l'examen de ce texte au Parlement.
01:15:06Voilà ce qu'on sait, aujourd'hui,
01:15:08de l'état d'esprit du chef de l'Etat.
01:15:11Pour autant, est-ce qu'il va y revenir,
01:15:13Emmanuel Macron ?
01:15:14Est-ce que le risque politique en vaut le coup ?
01:15:17Je vais jouer mon juriste sur le coup.
01:15:19Il y a deux éléments qu'il faut bien comprendre.
01:15:21On ne fait pas un référendum sur n'importe quoi.
01:15:24Tout à l'heure, on parlait du général de Gaulle.
01:15:27Il utilise le fameux article 11,
01:15:28celui sur les référendums législatifs
01:15:30plutôt que l'article 89 sur les référendums constitutionnels.
01:15:34Aujourd'hui, c'est plus possible.
01:15:36On a une évolution de la jurisprudence depuis 2005.
01:15:38On ne peut plus faire ça.
01:15:40Emmanuel Macron, quand il promet des référendums,
01:15:42encore faut-il qu'il tombe dans le champ du possible.
01:15:45Exactement. L'immigration, ce n'est pas un domaine du droit.
01:15:49On peut faire un référendum sur l'immigration,
01:15:51mais uniquement sur l'aspect économique.
01:15:54On ne peut pas toucher au domaine pénal ou civil.
01:15:56Un référendum serait probablement très limité dans sa portée.
01:16:00Les finances publiques, pas vraiment.
01:16:02Même la fin de vie, il promet là un référendum sur la fin de vie.
01:16:05Constitutionnellement,
01:16:07qu'est-ce que vous faites avec la PPL fin de vie ?
01:16:09Vous dépénalisez...
01:16:10Vous exigez une loi, bien sûr.
01:16:12Vous dépénalisez des actes qui, aujourd'hui,
01:16:15relèvent du droit pénal.
01:16:16En théorie, ce n'est pas possible non plus.
01:16:19Ces grands sujets-là, ce n'est pas tout à fait évident.
01:16:21Il reste des éléments qui pourraient être évoqués,
01:16:24les écrans, les temps scolaires, etc.
01:16:26Même quand il parle d'organisation territoriale,
01:16:29on ne peut pas supprimer un échelon.
01:16:31Forcément, ça réduit beaucoup ce qu'on peut faire.
01:16:34Ensuite, quand il parle de constitution...
01:16:37Pour résumer votre pensée, vous avez du mal à identifier
01:16:40le sujet, le thème, la question qui pourrait être posée.
01:16:43La question qui serait structurante.
01:16:45Si on en fait plusieurs en même temps,
01:16:47eh bien, la jurisprudence du Conseil constitutionnel
01:16:50nous dit un scrutin, une urne.
01:16:52En d'autres termes, en organiser plus de deux,
01:16:55voire trois en même temps est compliqué.
01:16:57Ca impliquerait qu'on fasse la queue, etc.
01:17:00Ce qu'il envisagerait, c'est plus une votation,
01:17:02un peu comme ce qu'on a fait à Paris,
01:17:04une consultation.
01:17:05En d'autres termes, vous auriez un bulletin
01:17:08qui jouait au QCM.
01:17:09Le problème de ça, c'est que ça n'a aucune portée juridique.
01:17:12Si jamais vous avez des Français qui se lèvent
01:17:15pour une consultation un dimanche sans aucune portée juridique
01:17:18et qu'à la fin, eh bien, il n'y a pas de conséquences.
01:17:21La question, c'est est-ce qu'on renforce la démocratie
01:17:24ou est-ce qu'on l'abime ?
01:17:26Entre ce référendum très corseté d'un côté,
01:17:28sur lequel on ne peut pas poser des questions
01:17:31structurantes pour la société,
01:17:33et de l'autre, une votation sans grande conséquence,
01:17:35aujourd'hui, la capacité d'avoir vraiment un référendum
01:17:38qui ait une vraie portée dans le pays
01:17:41est quand même très limitée, très corsetée,
01:17:43au-delà même de la volonté du chef de l'Etat.
01:17:46Néanmoins, est-ce qu'un référendum,
01:17:48quel que soit le sujet,
01:17:49et avec les réserves émises à l'instant par Benjamin Morel,
01:17:52ne pourrait pas, d'une certaine manière,
01:17:54rendre la main, donner la main,
01:17:56sur un plan politique, à Emmanuel Macron,
01:17:59une main qu'il a perdue, en réalité,
01:18:01depuis 2024, cette dissolution,
01:18:03et peut-être même depuis 2022,
01:18:04avec cette non-majorité absolue à l'Assemblée nationale ?
01:18:08Est-ce que c'est pas ça, l'objectif d'Emmanuel Macron ?
01:18:11Je ne crois pas que ça lui permettrait de reprendre la main.
01:18:14Pour une raison simple,
01:18:15il ne reste plus, Emmanuel Macron,
01:18:17que deux ans d'exercice du pouvoir,
01:18:19une donnée que tout le monde a intégrée,
01:18:21ses adversaires politiques,
01:18:23l'ensemble de ses potentiels successeurs,
01:18:25mais aussi l'opinion publique.
01:18:27Et donc, reprendre la main
01:18:29me semble un peu hors de portée, aujourd'hui.
01:18:31Le chef de l'Etat est installé
01:18:33dans une popularité basse structurelle.
01:18:37Il n'y a pas eu de rebond spectaculaire
01:18:39de sa popularité liée à la dimension internationale.
01:18:43Le fameux effet drapeau est de manière extrêmement réduite.
01:18:47Il a gagné 5 points de popularité
01:18:49pour arriver à 30 % de popularité.
01:18:51Donc, ce n'est pas un référendum
01:18:53qui lui permettrait de reprendre la main.
01:18:55Ce qui lui permettrait de reprendre la main,
01:18:58c'est d'aller au bout d'un certain nombre d'idées
01:19:00qu'il avait au départ.
01:19:01Les convictions de départ d'Emmanuel Macron
01:19:04étaient assez fortes en matière de réforme de notre modèle politique,
01:19:08qui était le point de départ d'Emmanuel Macron.
01:19:10À ce moment-là, la logique voudrait qu'il conclue,
01:19:13comme une belle sortie de scène,
01:19:16sur un référendum sur les questions démocratiques.
01:19:19Tout de même, je suis tombé sur un sondage,
01:19:22là, que tu es, Fab,
01:19:24d'abord, qui nous dit que 80 % des Français
01:19:27seraient favorables à être consultés par un référendum,
01:19:30mais il le souhaiterait sur les sujets
01:19:33comme l'immigration, les retraites et, éventuellement,
01:19:36les finances publiques.
01:19:37Ce sont les trois thèmes qu'a exclus Emmanuel Macron.
01:19:41Donc, il ne serait pas du tout en phase avec l'opinion.
01:19:45C'est clair que ce n'est pas ce qui domine le climat de l'opinion,
01:19:49même si tout le monde est concerné par la question
01:19:52des jeunes et des écrans, des réseaux sociaux.
01:19:55Ça concerne toutes les familles, tout le monde,
01:19:57mais on ne peut pas dire que ça soit considéré
01:20:00par le pays comme sa priorité d'action publique numéro un.
01:20:03Ce qui est considéré par le pays
01:20:05comme sa priorité d'action publique numéro un,
01:20:07c'est l'amélioration du pouvoir d'achat,
01:20:10la question de l'immigration, la question sociale,
01:20:13la question de l'éducation, la question des hôpitaux.
01:20:16Là, c'est vraiment des domaines de priorité de l'action publique
01:20:19que tout le monde considère comme prioritaire.
01:20:22Donc, c'est vrai que s'il l'organisait sur d'autres sujets,
01:20:25ça apparaîtrait comme ne pas répondre, au fond,
01:20:29aux priorités de l'opinion.
01:20:31Le problème du choix du sujet pour Emmanuel Macron,
01:20:34qui se pose parce que s'il l'avait trouvé,
01:20:36il aurait annoncé, donc tu vas mettre du mal,
01:20:38il y a plusieurs raisons.
01:20:40Il y a les raisons évoquées par Benjamin Morrel,
01:20:43les raisons constitutionnelles liées au texte,
01:20:45l'immigration, ça n'est pas possible.
01:20:47Il y a les raisons d'opportunité politique,
01:20:50c'est-à-dire lorsqu'on bat des records d'impopularité,
01:20:53même si on peut se consoler en regaillant 5 points,
01:20:56c'est un bon moment pour ne pas le perdre.
01:20:58L'idée de convoquer un référendum, c'est plutôt de le gagner.
01:21:01Ce qui explique qu'on arrive à cette hypothèse
01:21:04d'un vrai faux référendum pour du beurre, en quelque sorte,
01:21:07qui peut même prendre les atours d'une consultation
01:21:10pour de la margarine, si j'ose dire,
01:21:12comme le décrivait tout à l'heure Benjamin Morrel.
01:21:15Là, c'est le référendum sans risque,
01:21:17c'est ceinture et bretelles,
01:21:19donc forcément, le gain politique pour le chef de l'Etat
01:21:22est nul ou quasi nul.
01:21:23S'il veut reprendre la main pour reprendre votre formule,
01:21:27il prend un grand risque,
01:21:29un grand risque qu'on a vu à l'oeuvre l'année dernière.
01:21:32Vous évoquiez les sondages où, en effet,
01:21:34les Français seraient ravis de s'exprimer par référendum
01:21:37sur tel ou tel sujet.
01:21:38Sur les retraites, l'immigration, les finances publiques.
01:21:42Or, ces trois champs, il les a exclus.
01:21:44Pour des raisons soit juridiques, soit d'opportunité politique,
01:21:47soit au regard de son bilan.
01:21:49Il a dit ça clairement, il n'a pas envie de supprimer
01:21:52ce qu'il a eu tant de mal à faire passer.
01:21:54Souvenez-vous, au moment de la dissolution annoncée
01:21:57le 9 juin dernier, à l'Elysée,
01:21:59pendant quelques jours, quelques semaines,
01:22:01on montrait les sondages en disant que les Français
01:22:04sont ravis que le chef de l'Etat leur redonne la parole,
01:22:07les convoque aux urnes.
01:22:08Oui, on a vu. Pourquoi ?
01:22:09C'était pour voter contre le chef de l'Etat,
01:22:12pour lui infliger une défaite cinglante.
01:22:14Le fait, on a entendu, ces derniers temps,
01:22:17à l'Elysée, les Français seraient ravis
01:22:19qu'on organise un référendum.
01:22:20Il peut rejoindre, dans l'histoire, Jacques Chirac,
01:22:23qui est le seul, aujourd'hui, à ce stade,
01:22:25à avoir perdu une dissolution et un référendum.
01:22:28Un tout dernier point, pour faire preuve d'humilité,
01:22:31tout ça fait que j'ai du mal à imaginer
01:22:33qu'il convoque un vrai référendum,
01:22:35pour ses raisons d'opportunité ou juridiques.
01:22:38Je reconnais que le 9 juin 2024, à 18h30,
01:22:40quand on m'a demandé si Emmanuel Macron
01:22:43allait dissoudre, j'ai répondu non.
01:22:45Il n'y avait aucune logique politique
01:22:47pour qu'il le fasse.
01:22:48Juste une minute.
01:22:49Euh...
01:22:50Je pense qu'une consultation...
01:22:52Un nouveau référendum sous les deux dernières années
01:22:55du mandat d'Emmanuel Macron, ça vous paraît possible ?
01:22:58Ca paraît une hypothèse de plus en plus difficile.
01:23:01Difficile.
01:23:02Une consultation me semblerait la pire des solutions.
01:23:05Je suis assez d'accord avec ça,
01:23:07d'autant qu'il y a un facteur à concevoir.
01:23:09Il n'y a pas de majorité et on a un pays très instable.
01:23:12Vous faites un référendum très clivant dans les prochains mois,
01:23:16et si ce référendum très clivant fait exploser votre majorité
01:23:19et que vous n'avez plus de Premier ministre,
01:23:22plus de budget et un nom,
01:23:23à ce moment-là, se repose la question
01:23:25de quel point de blocage n'est-ce pas le chef de l'Etat.
01:23:28Vous remettez une pièce dans la machine
01:23:31de ceux qui disent qu'ils devraient démissionner.
01:23:33Pour Emmanuel Macron, il n'est pas certain qu'il gagne.
01:23:37Il est peut-être assez probable qu'il perde à ce jeu-là.
01:23:40C'est pourquoi, également, je suis très sceptique.
01:23:43L'avenir nous dédiera...
01:23:44J'étais très sceptique sur la dissolution.
01:23:47Peut-être est-ce qu'il nous dédiera,
01:23:49mais je suis très sceptique que ça puisse en venir.
01:23:51On a eu affaire à trois très sceptiques, finalement,
01:23:54à cette idée d'un référendum sous l'air Macron.
01:23:59Un grand merci à tous les trois d'avoir participé
01:24:02à ce débat d'octobre pour parler du référendum,
01:24:05pour être tenté de comprendre pourquoi,
01:24:07pendant 20 ans, depuis 20 ans, maintenant,
01:24:09ça tombe cette année,
01:24:11nous n'avons pas eu de référendum national en France.
01:24:14Vos réactions, c'est sur hashtag débadoc.
01:24:16Merci à Félicité Gavalda, Yasmine Benaïssa,
01:24:18qui m'ont aidé à préparer cette émission.
01:24:21Je vous donne rendez-vous pour un prochain débat d'octobre,
01:24:24avec son documentaire et son débat. A très bientôt.
01:24:27SOUS-TITRAGE ST' 501

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