- 25/05/2025
La planète est engorgée de différences où se mêlent des intérêts égoïstes, des frontières contestées, des obsessions identitaires, une diversité territoriale de masse en quelque sorte. Ces turbulences ont pour ancrage des territoires habités par des hommes et des femmes, des environnements bien ou mal-entretenus, des espaces polarisés par des asymétries économiques et des inégalités sociales, des territoires connectés aux innovations comme des territoires aliénés par des trafics en tous genres, des territoires urbanisés comme des territoires séparés de la République, des territoires urbanisés comme des territoires laissés pour compte. Le territoire de qualité est devenu le curseur d'une décentralisation inclusive et intelligente ou le récepteur des dysfonctionnements. Tout se passe comme si on programmait une généalogie des territoires en la privant de sa sève géographique et humaine avec pour conséquences -en cas de dépérissement territorial- un déracinement patrimonial, le désenchantement pénalisant économiquement des classes moyennes, un millefeuille territorial neutralisant les énergies humaines et suscitant des révoltes populaires. On a ignoré cet adage d'Élisée Reclus que « l'histoire est la géographie dans le temps » et avec ses invités, Émile Malet va chercher à apporter des perspectives pour revitaliser les territoires et montrer que « la géographie n'est autre que l'Histoire dans l'espace ».
Émile Malet reçoit :
- Frédéric Salat-Baroux, avocat, ancien Secrétaire général à la présidence de la République,
- Hélène Peskine, directrice générale adjointe du CEREMA, architecte urbaniste générale de l'État,
- Jean-Pierre Lecoq, maire de Paris VIe, conseiller régional d'Ile de France,
- Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières,
- Christian Saint-Etienne, économiste, universitaire, essayiste.
Émile Malet reçoit :
- Frédéric Salat-Baroux, avocat, ancien Secrétaire général à la présidence de la République,
- Hélène Peskine, directrice générale adjointe du CEREMA, architecte urbaniste générale de l'État,
- Jean-Pierre Lecoq, maire de Paris VIe, conseiller régional d'Ile de France,
- Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières,
- Christian Saint-Etienne, économiste, universitaire, essayiste.
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00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde,
00:26la relance des territoires.
00:29La planète est engorgée de différends
00:31sous semelle des intérêts égoïstes,
00:33des frontières contestées, des obsessions identitaires,
00:36une diversité territoriale de masse, en quelque sorte.
00:40Ces turbulnces ont pour ancrage des territoires
00:43habités par des hommes et des femmes,
00:46des environnements plus ou moins entretenus,
00:50des espaces polarisés par des asymétries économiques
00:54et des inégalités sociales,
00:56des territoires connectés aux innovations
00:59comme des territoires aliénés par des trafics en tous genres,
01:03des territoires urbanisés
01:05comme des territoires séparés de la République,
01:08des territoires finalement laissés pour compte
01:11et des territoires qui prospèrent.
01:14Le territoire de qualité est devenu le curseur
01:18d'une décentralisation inclusive et intelligente
01:22ou alors, dans le cas contraire,
01:24le récepteur de tous les dysfonctionnements.
01:27Tout se passe comme si on programmait
01:30une généalogie des territoires
01:32en la privant de sa sève géographique et humaine,
01:37avec pour conséquence,
01:38en cas de dépérissement territorial,
01:41d'avoir à la fois un déracinement patrimonial,
01:45un désenchantement pénalisant économiquement
01:48les classes moyennes,
01:50un millefeuille territorial neutralisant
01:52les énergies humaines
01:54et suscitant des révoltes populaires.
01:57Suivez mon regard.
01:59On a ignoré cet adage d'Elysée reclue
02:02que l'histoire est la géographie dans le temps.
02:05Avec mes invités que je vais vous présenter,
02:08de savoir que pour revitaliser les territoires,
02:13il faut montrer que la géographie
02:15n'est autre que l'histoire dans l'espace.
02:19Frédéric Salabarou, vous êtes avocat,
02:22ancien secrétaire général à la présidence de la République.
02:25Je rappelle que c'était à l'époque du président Jacques Chirac.
02:29Hélène Pesquine, vous êtes directrice générale adjointe du CREMA,
02:34architecte urbaniste général de l'Etat.
02:37Jean-Pierre Lecoq, vous êtes maire du Paris VIe,
02:41conseiller régional d'Ile-de-France.
02:44Christian Saint-Etienne, vous êtes économiste,
02:47universitaire et essayiste.
02:49Et Boris Ravignon, que nous avons en visioconférence,
02:53vous êtes maire de Charleville-Mézières.
02:56Je rappelle que vous avez été président de l'ADEME.
03:01Avant de commencer cette émission,
03:04un bref retour à l'Assemblée nationale.
03:07C'était le 20 novembre 2024.
03:09Nous allons écouter Stéphane Lenormand,
03:12député de Saint-Pierre-et-Miquelon,
03:15du groupe Liott, ainsi que Michel Barnier,
03:19alors Premier ministre.
03:20A l'occasion du Salon des maires, je voudrais rendre hommage
03:24au travail exceptionnel des maires et de leur équipe municipale.
03:28Mais je souhaite aussi rappeler notre opposition ferme
03:32à la réduction de 5 milliards des dotations aux collectivités.
03:35Elles sont le premier investisseur public.
03:38Réduire leur capacité d'action risque de provoquer une récession.
03:42Les maires protègent nos concitoyens
03:45face aux crises sociales, économiques et écologiques.
03:48Plusieurs l'ont rappelé ici.
03:49Heureusement qu'ils étaient mobilisés
03:51pour pallier les carences de l'Etat central lors de la crise du Covid.
03:55Pourtant, de plus en plus de maires sont démunis
03:57et envisagent d'abandonner leurs mandats.
04:00Depuis 7 ans, le pouvoir a renforcé la centralisation
04:02et a confiné la décision politique
04:04à des experts, souvent parisiens, et des technocrates, toujours.
04:08Dans les médias, on entend qu'il serait envisagé
04:11le retour du cumul des mandats pour les parlementaires.
04:14Or, ce n'est pas avec des vieilles recettes et des rustines
04:16que l'on transformera le pays.
04:18Nous devons être ambitieux pour nos territoires.
04:20Nous avons le choix entre l'audace ou l'enlisement.
04:23Alors, monsieur le Premier ministre, quel est votre choix ?
04:25Quelle est votre feuille de route pour redonner de la liberté
04:28et des moyens d'action à nos collectivités locales ?
04:30Vous avez dit tout à l'heure technocrates.
04:33On sait tous qu'il y a des technocrates, des bureaucrates et des experts.
04:38Vous ne trompez pas, monsieur le Président.
04:40Je n'oublie pas que j'ai présidé un département pendant 17 ans
04:43et je n'oublie pas ce que j'ai appris là,
04:46en Savoie, aux côtés des élus, des maires et aussi avec la région.
04:52Et je ne l'oublierai pas.
04:54Nous avons trouvé un déficit.
04:56Nous avons été engagés à réduire ce déficit
04:59dans l'intérêt national, monsieur le Président de Normand.
05:02Ce n'est pas l'intérêt national que de laisser filer une dette
05:05qui allait à vers 7-8 %,
05:08avec des intérêts d'emprunt que nous allons payer cette année,
05:11des intérêts d'emprunt de 57 milliards d'euros.
05:1557 milliards d'euros, je préfère que cet argent
05:18soit utilisé à l'avenir au profit de l'éducation,
05:21de la sécurité, de l'équipement des collectivités locales.
05:24Donc nous devons réduire cette dette.
05:26C'est l'intérêt national.
05:28Et c'est un effort collectif auquel, en responsabilité,
05:31j'ai décidé d'appeler tous les acteurs du pays
05:34en tenant compte des plus faibles et en les respectant.
05:36Frédéric Salabar, vous venez d'écouter ces échanges.
05:39Qu'est-ce que ça vous inspire ?
05:42Je pense que l'échange est intéressant parce qu'il est la marque
05:46de la crise et de l'incompréhension
05:48entre les collectivités territoriales
05:50et l'Etat, appelons-le l'Etat central.
05:54Avec derrière ça...
05:57la question qui ne peut pas se réduire
05:59à la seule question des déficits aujourd'hui.
06:02Ce qu'on voit, en réalité, si on prend un peu plus de hauteur,
06:06et le parlementaire en avait sans doute plus
06:09dans l'explication qui a été donnée,
06:11c'est qu'on a des pouvoirs publics
06:14d'abord et avant tout, avant la question des territoires,
06:17qui sont paralysés, en tout cas,
06:19qui n'ont pas l'efficacité qu'on peut attendre d'eux.
06:22Si on prend les quatre échelons,
06:24les territoires, le gouvernement, la présidence et l'Europe,
06:27on a une impression d'inadéquation.
06:30Et là, il y a une réflexion qui doit être prise beaucoup plus haut,
06:35qui est la question de savoir comment on redonne de l'efficacité.
06:39Et là, si on essaie de prendre cette typologie en deux minutes,
06:44ce qu'on voit bien, c'est qu'avec la dissolution,
06:48apparaît la dissociation entre le gouvernement et le président.
06:52Le gouvernement a des fonctions pour lesquelles on attend qu'il agisse,
06:56la sécurité, les migrations, la remise en ordre des comptes publics,
07:00et désormais, la question de la qualité de la norme.
07:02Le président, on le voit avec l'Ukraine, avec les Etats-Unis,
07:06avec l'intelligence artificielle,
07:08sa mission, telle que la consul général de Gaulle,
07:10c'est d'abord et avant tout les relations internationales
07:14et la préparation de l'avenir.
07:15Et puis, je reviendrai aux collectivités,
07:18l'Europe, elle n'est pas là pour produire des normes,
07:21elle est là d'abord et avant tout pour régir les rapports de puissance,
07:25puissance économique, puissance militaire.
07:28Et on ne peut pas tout faire,
07:29même la France qui a beaucoup maintenu sa souveraineté.
07:32Et donc, dans tout ça,
07:35si on veut que les choses puissent se rééquilibrer,
07:37ça pose la question de savoir qui est le plus à même
07:40de gérer les services publics.
07:42Et moi, je pense, comme le parlementaire dans vos images,
07:46que les territoires sont, eux, aujourd'hui, les plus à même.
07:51Et donc, si on veut redonner de l'efficacité à l'action publique,
07:54il faut sortir de ce que vous disiez,
07:56le millefeuille territorial,
07:58les batailles sur les questions budgétaires,
08:00et faire un choix radical
08:03en considérant que c'est au territoire, aujourd'hui,
08:06de gérer les services du quotidien,
08:08de l'éducation jusqu'au logement,
08:10à l'économie et à la santé, également.
08:13Alors, puisqu'on a la chance d'avoir deux maires ici,
08:17je vais leur demander leur avis.
08:18Qu'est-ce que vous pensez de cette distorsion
08:21entre l'Etat central et les maires,
08:24Jean-Pierre Lecoq et après, Boris Ravignon ?
08:26Oui, alors, moi, je suis un maire d'arrondissement,
08:28je n'ai pas les compétences d'un véritable maire
08:31comme Boris Ravignon,
08:32mais j'ai quand même un peu mon avis sur le sujet.
08:34Alors, je prolonge, effectivement, ce qu'a dit Salabarou,
08:38que je partage, sur les... Je ferai deux remarques.
08:42Sur l'organisation territoriale,
08:44je pense que beaucoup d'entre nous considèrent, effectivement,
08:47qu'il y a trop d'échelons. On a trop d'échelons.
08:50Alors, moi, à titre personnel, vu de Paris,
08:53vu de Paris, donc, je ménage mes confrères.
08:57Vu de Paris, je suis pour la fusion
08:59des départements et des régions,
09:01qui avaient d'ailleurs été proposées
09:03avec une notion de conseiller territorial.
09:05Je suis pour la suppression des métropoles,
09:08pour l'essentiel.
09:09Il y a le cas spécifique de la métropole de Lyon,
09:11qui, elle, a une véritable existence,
09:14mais il faudra en reparler.
09:16Et puis, je fais un distinguo
09:18dans les 36 000 communes de France.
09:21Pas mélangées... On ne peut pas toutes les mélanger.
09:23Il y en a peut-être 32 000, 33 000,
09:25qui sont des toutes petites communes ou des communes moyennes,
09:28qui ont peu de moyens financiers,
09:30dont la taxe, dont une partie des ressources fiscales
09:33ont été supprimées, voire suppression.
09:35On va rentrer dans le détail.
09:37Et puis, on a les grandes villes, qui ont beaucoup d'argent.
09:40Et moi, je considère, en tant qu'élu parisien,
09:43que la ville de Paris peut faire énormément d'économies.
09:46On y reviendra.
09:47Oui. Alors, Boris Ravignon,
09:49oui, sur cette distorsion entre l'Etat central
09:53et les élus dont vous êtes
09:56des collectivités territoriales.
09:59Je suis très heureux d'avoir entendu, à l'instant,
10:01Frédéric Salabaro, parce que ce qu'il décrit,
10:04c'est-à-dire, finalement, une organisation
10:07qui ne répond plus aux grands enjeux
10:09qui sont ceux de notre pays, nos concitoyens,
10:11c'est aussi ce que, je crois, nous vivons comme élus locaux.
10:15Si on prend les sujets de sécurité,
10:18les sujets de développement économique local,
10:20les sujets de logement,
10:23qui sont plus ou moins graves selon les territoires,
10:25et qui sont aujourd'hui très forts pour des millions de Français,
10:30ou même encore, bien sûr, les sujets de transition écologique,
10:33on est aujourd'hui dans une organisation
10:36qui ne peut pas fonctionner,
10:37qui, je crois, ne peut plus fonctionner,
10:39et qui, dans un certain nombre de cas,
10:41confine même à une forme d'impuissance publique.
10:43Et cette impuissance publique,
10:45cette incapacité à répondre,
10:46à apporter, à répondre aux attentes de nos concitoyens,
10:49je crois qu'elle fait planer un grand danger.
10:52Et on le voit monter, ce danger,
10:54ce danger des extrémismes dans notre pays.
10:57Donc je pense, moi aussi,
10:58qu'il faut reprendre complètement
11:00notre organisation des politiques publiques.
11:03La décentralisation telle qu'on l'a conçue aujourd'hui,
11:05c'était l'objet d'un rapport qui m'a été commandé l'an dernier.
11:09Elle a enchevêtré, non pas les responsabilités,
11:12parce qu'en réalité, l'État a toujours eu
11:15une très grande crainte de décentraliser vraiment,
11:17de donner vraiment des responsabilités
11:20aux collectivités locales.
11:21Il a donc donné des compétences,
11:23des bouts de capacité juridique à agir,
11:25très mal articulés les unes avec les autres.
11:27On a chiffré les coûts de coordination
11:29que tout ça implique.
11:30Il y a des économistes présents sur le plateau,
11:31ils voient bien ce que représentent ces coûts de coordination.
11:34Nous, l'enquête qu'on a pu faire,
11:37on est arrivé à un total de 7,5 milliards.
11:41Et je crois que c'est probablement un minorant du phénomène.
11:45Donc on a une décentralisation qui ne fonctionne pas,
11:47qui est coûteuse et qui, au bout du compte,
11:49finit par désespérer ceux qui la font vivre,
11:52les élus locaux et les citoyens.
11:54Donc je crois vraiment qu'on a besoin, si on veut,
11:57comme c'est le titre de l'émission, relancer les territoires.
12:00Il faut commencer par un vrai acte de confiance,
12:02consistant à leur faire confiance et à leur donner
12:05pas simplement des bouts de compétences pour agir,
12:08ni même des moyens financiers,
12:09mais en repartant de responsabilité.
12:11Je crois qu'on a besoin
12:13qu'il y ait des vraies responsabilités politiques
12:15qui soient confiées aux collectivités.
12:18Et ça n'est pas, comme je l'ai parfois entendu,
12:21faire renaître des féodalités locales,
12:23parce qu'il s'agit tout simplement que les collectivités
12:26ont la caractéristique d'être sous le contrôle des citoyens.
12:30C'est-à-dire que nous, nous avons, au niveau local,
12:32des niveaux de participation qui sont extrêmement significatifs,
12:36plus de 50 % très régulièrement, 60, 70, parfois encore davantage.
12:40Donc les gens se déplacent pour voter.
12:42Et ça, ce n'est pas rien en termes de contrôle démocratique.
12:44Les responsabilités qui peuvent être confiées aux collectivités,
12:46elles seront placées d'abord sous la surveillance,
12:49sous le contrôle des citoyens.
12:51Alors, on va aborder un peu plus loin,
12:54si je puis dire, dans la discussion, ces échelons territoriaux.
12:57Mais je voudrais commencer le débat
13:00en posant cette question, à mon avis, importante.
13:04La question des territoires, aujourd'hui,
13:07on l'aborde, vous voyez, à partir des échelons territoriaux.
13:11Mais sur le plan environnemental, économique, politique,
13:17il y a une globalisation,
13:18il y a une mondialisation.
13:20A votre avis, Hélène Pesquine,
13:22quelles conséquences socioculturelles, environnementales,
13:25la mondialisation a eues sur les territoires ?
13:29Elle a eu d'abord des conséquences économiques,
13:33j'allais dire péjoratives,
13:35c'est-à-dire qu'elle a déplacé des emplois
13:38contre le gré et même totalement en dehors de toute décision locale.
13:42Et donc, elle a rendu, finalement,
13:45un certain nombre de collectivités locales et d'élus
13:47incapables de gérer le développement de leur territoire,
13:49puisque, finalement, passifs face à des mouvements
13:52de population économique sur lesquels ils avaient peu de prise.
13:56Depuis une dizaine d'années,
13:58je pense que la situation a quand même évolué,
14:00d'abord parce que le regard des élus
14:02sur les questions économiques a évolué,
14:04avec notamment une ambition de participer,
14:08par exemple, à la réindustrialisation de la France
14:10et le programme Territoires d'Industrie,
14:11dans une logique d'articulation
14:13avec les filières stratégiques au niveau national,
14:16dans une logique aussi d'apporter les aménités
14:18permettant à des emplois de se réimplanter,
14:21notamment du logement, des transports, etc., des infrastructures.
14:26Et donc, cette logique de reprise en main
14:28de l'avenir économique de leur territoire
14:30a commencé à réémerger, mais avec une difficulté très forte
14:33qui est liée, évidemment, à ces enjeux d'économie mondialisée.
14:36Puis, je voudrais revenir sur la question environnementale.
14:39Et là encore, il est pour moi évident
14:42que la transition écologique est un élément très différenciant
14:45des territoires et que, sans le pouvoir d'agir local,
14:48on ne peut pas réaliser la transition écologique.
14:50Non seulement les compétences sur le logement, l'aménagement,
14:53les transports sont entre les mains des élus locaux,
14:55mais les effets du changement climatique
14:58et des changements globaux ou même du vieillissement de la population
15:00sont mesurables à une échelle assez locale,
15:03en réalité, en fonction de la géographie,
15:05de l'histoire d'un territoire, de son histoire industrielle,
15:07de sa sociologie.
15:08Et donc, les moyens d'intervenir
15:11pour ralentir les effets du changement climatique
15:14ou adapter les territoires à ces nouvelles mutations,
15:17ils sont entre les mains des élus locaux.
15:19Et donc, peut-être pour revenir sur le début de la discussion,
15:21pour moi, il y a des enjeux.
15:22Il est effectivement de sortir d'une forme d'hypocrisie
15:25entre décentralisation et recentralisation,
15:27dans laquelle on est depuis une dizaine d'années.
15:29C'est-à-dire qu'on parle de lois de décentralisation,
15:32qui sont en fait des réformes de l'État
15:33et une très forte recentralisation
15:35avec la suppression du pouvoir fiscal local,
15:38la taxe d'habitation, la contribution sur la valeur ajoutée
15:41des entreprises, qui empêchent les territoires d'agir
15:43parce qu'ils n'ont pas de visibilité
15:45sur leurs moyens d'intervention.
15:46Ils sont finalement biberonnés à des outils d'hypéréquation
15:50sur lesquels ils ont très peu de prise.
15:51Ils sont captifs de la raison pour laquelle
15:53on les autorise à dépenser cet argent.
15:55Alors, Christiane Saint-Etienne,
15:57il y a un point économique
15:59sur lequel je souhaiterais vous interroger.
16:03J'ai écouté, j'ai lu beaucoup de commentaires
16:08dans la presse nationale,
16:10la presse internationale,
16:12disant que la mondialisation avait eu pour conséquence
16:17le martyr des classes moyennes,
16:19c'est-à-dire que, en gros,
16:23l'essentiel de la population a été pénalisé.
16:26Est-ce que vous reprenez ce diagnostic économique ?
16:30Alors, ça a été vrai pour les Etats-Unis et pour l'Europe.
16:35Dans le cadre de la globalisation et de...
16:39Alors, je suis pour le système libéral d'économie de marché,
16:43si ce n'est qu'il doit être encadré.
16:45Et dans le cadre de l'optimisation des profits
16:49des grandes entreprises internationales,
16:51on a pensé, il y a 30 ans, 40 ans,
16:54que c'était un bon moyen d'enrichir les entreprises,
17:00de déplacer, délocaliser les usines
17:03vers les territoires où la main-d'oeuvre était moins chère,
17:08et, in fine, tout le monde s'est retrouvé en Chine.
17:10Avec le résultat que la Chine, aujourd'hui,
17:13c'est 31 % de la production manufacturière mondiale.
17:18L'Europe s'étant désindustrialisée en partie,
17:21même si l'Allemagne et l'Italie ont résisté.
17:24La France, elle, n'a pas résisté.
17:25Depuis 25 ans, c'est 25 années de désindustrialisation,
17:29même s'il y a eu un tout petit rebond en 2022-23,
17:32c'est retombé déjà en 2024.
17:35Donc, on a une Chine, en plus,
17:38qui se donne des objectifs extrêmement durs.
17:41Xi Jinping vient de déclarer
17:43qu'ils sont à 31 % de la production manufacturière mondiale.
17:47Il veut être à 35 % en 2030,
17:49c'est-à-dire que ce mouvement de transformation continue.
17:53Pour ce qui est de l'Europe, qu'est-ce qui s'est passé ?
17:55L'Europe n'a pas défendu les industries européennes.
17:59Je vais être court, mais...
18:01C'est pas que la Chine qui est responsable
18:03de la paupérisation des classes moyennes.
18:04Non, mais le basculement de l'industrie
18:09vers l'Asie, et notamment la Chine,
18:12dans un contexte où on n'a pas défendu nos usines,
18:15a fait qu'on a fermé les usines,
18:17qui ne sont pas à place de la Concorde ou à place Belcourt.
18:20Les usines, elles sont dans les territoires.
18:22Et quand on ferme les usines,
18:24on a perdu un million d'emplois dans les territoires.
18:27Ça a été une perte massive de recettes fiscales.
18:31Ça a été aussi une perte de possibilités
18:36d'essor personnel, parce que les gens qui étaient
18:39dans des usines depuis 20 ans qui ferment,
18:41ils vont pas passer de la mécanique
18:44à l'ingénierie électronique comme ça.
18:47Donc, on a eu...
18:49Les Gilets jaunes sont les enfants
18:50de la désindustrialisation des territoires.
18:53Donc, la question de la réindustrialisation,
18:55d'aujourd'hui et demain, elle est absolument essentielle.
18:58On a vraiment eu une désindustrialisation
19:01qui a entraîné...
19:02Alors, il y a un autre phénomène.
19:04Vous m'interrogez sur un phénomène complexe.
19:08Donc, je suis obligé de donner,
19:10un, l'élément de la désindustrialisation,
19:12l'autre, le fait que, sous l'injonction de l'Allemagne,
19:15qui a mené une politique
19:18très fortement axée sur son excédent extérieur,
19:22une politique dite mercantiliste,
19:25on s'est retrouvé en Europe avec une progression
19:28de la demande intérieure européenne très faible.
19:30Et avec une volonté, depuis 25 ans,
19:35de limiter au maximum les augmentations de salaires réelles.
19:39Alors, là, le rapport Draghi et d'autres
19:41montrent que le niveau de vie des Européens
19:43par rapport aux Etats-Unis a baissé de 20 %
19:46sur les 20 dernières années par rapport aux Américains.
19:48Donc, on a eu cette double trame.
19:51C'est la désindustrialisation et basculement vers la Chine.
19:54Et, par ailleurs, une politique spécifique à l'Europe,
19:57qui n'a pas été menée aux Etats-Unis,
19:59mais une politique spécifique
20:01où on a asséché les sources de revenus des classes moyennes.
20:06Donc, les classes moyennes, pour finir, en résumant,
20:09elles avaient une contrainte globale européenne
20:13sur l'augmentation générale des salaires.
20:15Et, par ailleurs, dans les territoires,
20:17les usines fermées et les boulots partaient.
20:20Oui, Boris Ravignon, vous vouliez dire un mot à ce sujet ?
20:24Oui, parce que je crois que Charlie Villemezière
20:26dans les Ardennes fait vraiment partie des territoires
20:30qui ont été perdants dans la mondialisation.
20:32Et on l'a d'abord été
20:34à raison de notre spécialisation sectorielle.
20:36En réalité, dans la mondialisation, il y a eu des secteurs qui ont gagné.
20:41Et si on pense à toutes les activités aérospatiales
20:46ou la production d'avions, l'aviation civile,
20:50bien, la région de Toulouse et la métropole toulousaine
20:54ont énormément profité de la mondialisation.
20:56Tous ces avions qu'on exporte à travers le monde
20:58profitent à ce territoire-là.
21:00Et on a là-bas, même vu sur les dernières années,
21:04une croissance de l'emploi ouvrier.
21:05Et donc, finalement, même les classes moyennes dites inférieures,
21:08se sont développées.
21:10Donc, il y a vraiment une question de quels sont les secteurs touchés.
21:14Et du coup, ensuite, un clivage très fort entre des territoires.
21:17Et je pense vraiment que cette mondialisation,
21:22elle doit nous amener à repenser complètement
21:25aussi notre politique d'aménagement du territoire.
21:28Alors, comme souvent en France, on en a fait une partie du chemin.
21:32Et on se dit que c'est un atout pour la France
21:36d'avoir notamment, par exemple, l'Île-de-France, qui est très dynamique,
21:39et une sorte de grande métropole pour s'imposer
21:43et attirer des emplois dans cette mondialisation.
21:46Et donc, on investit de manière considérable en Île-de-France.
21:51Rien que le Grand Paris Express, c'est 42 milliards.
21:54Voilà. Donc, ce sont des actes très forts.
21:57Il ne faudrait pas qu'on oublie tous les territoires
22:00qui, eux, ont été des perdants
22:02et sont des territoires qualifiés d'interstitiels.
22:04Ils ne sont pas dans les métropoles.
22:06Néanmoins, je crois qu'ils aspirent à trouver
22:08et à connaître un vrai rebond économique aujourd'hui.
22:11Merci. Alors, Frédéric Salabat,
22:12on a l'habitude en France de parler de centralisation excessive.
22:17Mais on va essayer, au cours de cette émission,
22:20de voir ce que serait
22:22une décentralisation intelligente et inclusive.
22:26A votre avis, qu'est-ce qu'il faudrait décentraliser
22:29en priorité ?
22:31L'éducation, la santé, l'agriculture, les transports ?
22:36Vous m'autorisez juste un mot pour compléter ce qui a été dit ?
22:40Bien sûr, sur l'entrée en martyr des classes moyennes,
22:44sur la désindustrialisation, sur la globalisation,
22:47avec une différenciation
22:48entre l'Europe et les Etats-Unis.
22:50Les Etats-Unis ont le même problème que nous,
22:53et le trumpisme se nourrit de la désindustrialisation américaine.
22:56Le livre du vice-président américain est remarquable
22:59dans l'histoire de sa famille, qui plonge
23:01après la désindustrialisation et les pertes d'emplois.
23:05Mais il y a une différence, c'est qu'eux prennent,
23:07au début des années 2000, le virage de la tech.
23:10Et nous, on le prend pas.
23:11Et donc, là, il y a un premier décrochage.
23:14Et on peut commettre des erreurs,
23:16et on en a commis collectivement,
23:18mais il y en a eu une autre qui se profile.
23:21On a perdu, avec la première globalisation,
23:23les emplois industriels.
23:25Aujourd'hui, avec l'intelligence artificielle,
23:27vous parliez des classes moyennes,
23:29il y a un risque majeur sur un autre versant des classes moyennes,
23:32c'est-à-dire les emplois de service.
23:34Et donc, il faut réfléchir aussi d'une manière globale
23:37qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui
23:39pour à la fois prendre le relais de la croissance
23:42de l'intelligence artificielle,
23:44on refait la même erreur qu'au début des années 2000,
23:47et comment on fait pour que ne reste pas sur le bord du chemin
23:50les emplois de service touchés par l'intelligence artificielle
23:54et, voire encore, ça n'a pas été dit,
23:56mais parce que le temps vous a sans doute manqué,
23:59s'aggraver encore la flambée des inégalités.
24:02Donc, tout ça, c'est des facteurs d'instabilité.
24:04Le populisme n'est pas de nulle part,
24:06le trumpisme, intéressant à analyser après les réponses,
24:09ne n'est pas de nulle part.
24:11Frédéric, sur ce sujet-là,
24:13permettez-moi de dire
24:16qu'il y a une myopie politique, économique, sociale, totale.
24:21C'est-à-dire qu'on n'a pas vu que les classes moyennes
24:24étaient en train d'être paupérisées.
24:27Aujourd'hui, le diagnostic se fait partout.
24:29Mais là, il y a une deuxième vague.
24:31Il y a les réponses par rapport à ce qui a été fait,
24:34mais il y a une deuxième vague.
24:36Les questions de la formation à l'intelligence artificielle,
24:39la formation des emplois, la montée en compétences,
24:42on peut avoir été myope.
24:43Je dis toujours à mes enfants, faire des erreurs,
24:46c'est pas très grave, refaire la même, c'est un crime.
24:49Et donc, là, il y a une vraie question.
24:52Et il faut y répondre.
24:54Après, là, j'ai déjà été trop long dans cette parenthèse,
24:58ce qui a été dit par M. le maire de Charleville-Mézières
25:01est juste, il ne faut pas être dans une logique
25:04de transfert des compétences,
25:06il faut être dans une logique de confiance
25:08et de transfert de responsabilité.
25:10Moi, je crois, aujourd'hui,
25:12quand on voit les maires, les élus, les départements travailler,
25:16les régions aussi,
25:18qu'il y a une maturité et une capacité
25:21pour assumer les services publics du quotidien.
25:24Donc, l'éducation, oui, la santé aussi,
25:27le logement aussi, un certain nombre d'autres,
25:30mais dans une logique qui a géométrie variable.
25:33C'est pas la même histoire en Ile-de-France
25:35ou dans des zones fortement urbanisées
25:37de répartition des compétences ou dans des zones rurales.
25:41Par exemple, le département est indispensable
25:44dans les zones rurales, notamment dans le massif central.
25:47La région est trop loin par rapport aux questions qu'elle traite.
25:52Donc, il y a à la fois des choix qui doivent être des choix clairs,
25:55c'est-à-dire des transferts de responsabilité,
25:58et puis de l'adaptation,
26:00parce que nos territoires sont pas les mêmes.
26:02Des zones fortement urbanisées
26:04ne sont pas des zones rurales ou des zones semi-rurales.
26:08Alors, Jean-Pierre Lecoq,
26:09concernant Paris et l'Ile-de-France,
26:13ça concentre à la fois l'excellence culturelle,
26:18l'excellence économique,
26:19mais également les problèmes de sécurité, etc.
26:22Qu'est-ce qu'il faudrait faire
26:24pour une décentralisation intelligente
26:27à Paris et dans l'Ile-de-France ?
26:31Oui, alors, je vais répondre de deux façons.
26:34Tout d'abord, je m'inscris totalement en accord
26:37avec tout ce qui a été dit.
26:39Fondamentalement, il faut décentraliser
26:41au niveau du territoire.
26:42Sur Paris, le coeur, cité capitale,
26:46et le coeur de l'Ile-de-France, c'est-à-dire la zone dense,
26:49qui est la métropole aujourd'hui,
26:51là, on ne peut pas faire n'importe quoi.
26:53On ne peut pas laisser toutes les collectivités
26:57intervenir sur tout.
26:58Il y aura une clause de compétence générale
27:01sur laquelle il faudra s'interroger.
27:03Là, on a besoin de structurer.
27:05Et le rôle de l'Etat reste fort.
27:07Ça a été d'ailleurs dit par Boris Ravignon.
27:09Si la société du Grand Paris Express a pu être faite,
27:13c'est qu'il y a eu une véritable volonté politique
27:16exprimée il y a plusieurs années
27:18et qui maintenant montre, avec retard,
27:20mais c'est un projet colossal, effectivement, des résultats.
27:23On a besoin d'un Etat qui reste fort,
27:25ça a été dit tout à l'heure,
27:27et structurant en matière d'aménagement du territoire
27:30dans les zones denses.
27:31Après, les communes peuvent faire des pistes cyclables.
27:35À Paris, plus précisément,
27:37moi, je milite pour que, on en a beaucoup parlé,
27:40pour que le périphérique soit une voirie nationale.
27:44C'est-à-dire ?
27:45Les communales, aujourd'hui,
27:47la faire demander, comme c'était demandé
27:49par certains élus de la région,
27:51qu'elle soit régionale, ça n'a aucun sens.
27:54Ça relie les aéroports.
27:56Il faut que l'Etat reste puissant dans ce domaine.
27:59Deuxièmement, le cadeau de sortie de François Hollande
28:02à Mme Hidalgo, qui était le dernier statut de Paris,
28:05a renié les ailes du préfet de police,
28:07qui n'a quasiment plus de pouvoir de circulation à Paris.
28:10Ce n'est pas normal.
28:11L'Etat, à travers un certain nombre de personnages forts,
28:14doit conserver des compétences.
28:16En revanche, l'Etat n'a pas à surtranscrire, par exemple,
28:20les normes européennes,
28:21ce qui s'est fait au cours des 20 dernières années en France,
28:24et ce qui bride considérablement nos entreprises,
28:27nos élus dans tous ces domaines.
28:29Je plaide pour que, bien évidemment,
28:31on ait des grandes ambitions nationales,
28:33ça a été dit, en matière d'industrie.
28:35Avant d'être maire, j'étais un homme du Crédit national.
28:38J'ai financé l'industrie française.
28:41A l'époque, elle existait.
28:42Ce qui l'a tué, c'est la mondialisation
28:44et la financiarisation qui vont de pair.
28:47Il ne faut pas oublier le coût du travail,
28:49c'est très important.
28:50Si on ne veut pas que les Français soient tous des employés d'Amazon,
28:54importants et distribuants des produits chinois,
28:57il y a un peu de boulot à faire.
28:59Il faut tous se retracer les manches.
29:01Alors, Hélène Peskin,
29:03on a parlé d'un problème particulier des transports.
29:07A votre avis, les technologies, la financiarisation,
29:13est-ce que tout ça, ça ne contribue pas
29:15à un assèchement des territoires ?
29:18Et dans un récent essai de M. Dampoli,
29:22il signale que les technologies
29:25peuvent entraîner des problèmes
29:29au quotidien pour les citoyens.
29:32Est-ce qu'il y a une manière d'humaniser, si vous voulez,
29:36ce progrès apporté par les technologies ?
29:39J'allais dire à l'inverse que les sociétés locales,
29:42élus locaux, entreprises et citoyens,
29:45dans une échelle territoriale,
29:47c'est sans doute le meilleur levier
29:49pour éviter d'être pris au piège de ces nouvelles technologies,
29:53de ces réseaux communautaires.
29:54C'est la vraie proximité, c'est le vrai vivre ensemble,
29:57c'est des questions de matériel, de logement, de mobilité,
30:00de famille, d'assistance sociale, etc.
30:02C'est justement en développant et en faisant confiance
30:05à cette sphère locale qu'on arrivera à éviter
30:08les effets sur la démocratie,
30:10sur l'économie ou les territoires,
30:12de ces dispositifs sans doute beaucoup manipulés,
30:16qui sont ceux mis en place par les nouvelles technologies.
30:19Je voudrais revenir sur la place des territoires
30:21et sur la confiance que ne fait pas aujourd'hui l'Etat
30:24aux collectivités locales pour les représenter,
30:27pour contribuer au projet national.
30:29Je pense que là, peut-être qu'il s'est distendu
30:31quelque chose avec la fin du cumul des mandats,
30:34je ne sais pas, mais clairement, on a un problème
30:37de reconnaissance de ce qu'est la contribution
30:39des territoires au projet national.
30:41On ne sait pas le mesurer,
30:43on ne sait pas le présenter comme tel.
30:45Or, et je reviens aux enjeux écologiques,
30:48on voit bien que pour Décarbone et la France,
30:50il nous faudra un certain nombre de mesures
30:53qui sont prises localement et adaptées aux territoires,
30:56on l'a vu sur l'industrie, sur la mobilité, etc.,
30:59ou sur le bâtiment, pour adapter le territoire,
31:01là encore, à ce qui nous attend en termes
31:04d'événements extrêmes, que ce soit sur le trait de côte
31:07ou les intempéries, les inondations, les crues,
31:10comme on la voit se multiplier, les sécheresses.
31:12On ne sait pas le faire sans la contribution
31:15des collectivités locales.
31:16Ce qui manque aujourd'hui, dans l'accord d'assit
31:19entre l'Etat et les collectivités locales,
31:22c'est cette confiance qu'on doit faire
31:24aux écosystèmes territoriaux pour remplir des objectifs
31:27d'intérêt national.
31:28Je trouve qu'on a perdu cette logique de confiance
31:31et qu'elle serait utile, sans parler de décentraliser
31:34des compétences, on en a décentralisé beaucoup,
31:37sauf qu'on ne reconnaît pas qu'une fois décentralisé,
31:40on peut prendre les décisions.
31:42Alors, Christian Saint-Etienne,
31:44je voudrais aborder une question qui fâche.
31:46Vous savez que la France, depuis quelques années,
31:51a beaucoup de mal sur le plan économique.
31:54Nous accumulons les déficits,
31:57une balance commerciale déficitaire,
32:00une dette considérable,
32:02et que pour constituer des budgets,
32:04on essaie de faire des économies dans tous les domaines.
32:08A votre avis, si on prend ce millefeuille territorial
32:12avec les collectivités, les métropoles,
32:15les départements, les régions, etc.,
32:18il y a des économies à faire dans ce domaine ?
32:21Il y a deux domaines principaux
32:24où on peut faire des économies.
32:26Le premier, c'est la protection sociale,
32:29et effectivement, sur le bloc communal.
32:31Alors...
32:33C'est beaucoup plus complexe sur le bloc communal
32:36que, finalement, sur la protection sociale.
32:38La protection sociale, c'est un sujet politique.
32:41Mais sur...
32:42Et sur les collectivités locales,
32:45c'est, de mon point de vue,
32:47une question de structure et d'organisation
32:51de façon majeure.
32:53Boris Raminian a évoqué,
32:55et Hélène Pesquine aussi,
32:58cette question de la confiance.
33:02J'ai fait, en 2009,
33:03sur la demande du président de la République de l'époque,
33:06un rapport sur les collectivités territoriales.
33:09J'avais eu pas mal de moyens
33:12et j'avais reçu beaucoup de maires,
33:14de présidents de métropoles...
33:17Je rappelle que c'était le président Sarkozy.
33:20Et quand j'ai reçu
33:23ces maires de grandes villes ou de villes moyennes,
33:27et ça rebondit peut-être sur ce que dit M. Raminian,
33:31il disait...
33:34L'Etat ne nous apporte pas
33:37les conseils dont nous avons besoin.
33:41Il contrôle, de manière...
33:44En doublant ce que nous faisons,
33:46mais il n'est pas capable de nous donner des conseils.
33:49Par exemple, le maire de la métropole de Nancy disait...
33:54Moi, j'ai des problèmes de structuration de ma métropole
33:58en lien avec le Luxembourg, l'Allemagne.
34:01Si je me tourne vers l'Etat,
34:03on a quasiment cassé toutes les compétences au niveau de l'Etat
34:08sur les projections qu'on peut se faire
34:12et la façon dont on peut structurer les territoires.
34:16Et donc, moi, j'avais proposé de faire, au niveau de l'Etat,
34:20tout en évitant les doublons,
34:23c'est-à-dire en laissant les compétences...
34:26Parce que très souvent, les doublons viennent de ce que
34:28on n'a pas supprimé les fonctionnaires d'Etat
34:31au moment où on transférait des responsabilités aux collectivités,
34:35de telle sorte qu'il y a toujours des doublons
34:38qui contribuent, d'ailleurs, à la multiplication des emplois publics.
34:42Et l'idée, c'était d'avoir l'équivalent
34:46d'un conseil d'Etat
34:50sur les stratégies territoriales,
34:53avec l'idée que ça ne fasse pas plus de 200 personnes,
34:56mais qu'on fasse appel à des compétences d'architectes,
34:59d'ingénieurs de toute l'Europe, d'ailleurs, sur appel d'offres.
35:02Et l'idée, c'était que les problèmes,
35:06ils sont communs à toutes les collectivités.
35:09Certaines collectivités arrivent à les résoudre.
35:11Donc, l'idée, c'était que cette structure
35:15fasse de l'accumulation de compétences et d'expériences,
35:19de telle sorte que quand une collectivité appelle
35:23en disant, j'ai tel problème,
35:25on bénéficie de l'expérience accumulée dans d'autres territoires.
35:29Or, cette fonction qui existait avant la décentralisation,
35:34elle a été cassée.
35:35On l'a supprimée.
35:37Et on a gardé, en revanche,
35:39le doublonnement des actions des collectivités locales.
35:43Donc, il faut faire l'inverse, il faut dédoublonner
35:45l'action des collectivités
35:47et recréer une sorte de commissariat,
35:51mais à la transformation des territoires,
35:53mais qui aurait la fonction, au fond,
35:56de mettre en commun toutes les initiatives
35:59qui ont réussi sur l'ensemble des territoires,
36:02de telle sorte qu'il y ait
36:05une bonification de l'action locale.
36:09Et dernier point,
36:11la question des structures reste complexe.
36:15Bon, néanmoins, un mot.
36:20Il y a eu plusieurs phases dans la réflexion
36:21sur la transformation des territoires
36:23et les réformes territoriales.
36:25Il y avait ceux qui, à un moment donné,
36:26ont dit qu'on supprime les départements,
36:28après, d'autres, on supprime les régions, enfin, bon.
36:31La question, c'est plutôt l'adéquation
36:35entre les structures, les missions et les besoins des territoires.
36:38Donc, là où, il y a une quinzaine d'années,
36:41on disait qu'il fallait supprimer les territoires,
36:42de plus en plus, notamment compte tenu
36:44de l'augmentation de la taille des régions sous Hollande,
36:47la question qui se pose maintenant,
36:49c'est celle de l'identité des territoires.
36:52Et pour garder l'identité des territoires
36:55tout en ayant des territoires ayant des moyens d'action,
36:57par exemple, de plus en plus de chercheurs
37:00s'orientent vers la division par deux du nombre de départements,
37:03d'avoir une cinquantaine de départements,
37:04mais plus puissants,
37:06qui puissent, effectivement, travailler les territoires
37:09et les régions se spécialisant
37:11sur la stratégie économique de moyens long terme,
37:14mais en reprenant l'idée de Sarkozy,
37:17c'est monstrueux, d'ailleurs,
37:18et c'est une des rares bonnes idées sur ces questions depuis 30 ans,
37:21c'est le conseil territorial unique,
37:23où on aurait le conseil départemental,
37:27en divisant par deux, au passage, le nombre de conseillers,
37:29mais les conseillers départementaux
37:31qui s'assemblent en conseil régional,
37:33ça serait extrêmement puissant,
37:34parce que si vous avez 50...
37:36Je prends l'exemple, vous avez Charente-Maritime-Charente,
37:39c'est le même territoire,
37:40vous pouvez avoir le département des Charentes,
37:42qui serait puissant,
37:44qui permettrait de jouer des transferts
37:46entre la côte atlantique, qui marche bien,
37:50et l'intérieur, qui a des problèmes.
37:52Donc, si on avait une cinquantaine de départements puissants
37:55avec des conseillers départementaux
37:57qui s'assemblent en territoires régionaux,
38:01je pense que ça serait déjà un moyen
38:03de revivifier les territoires.
38:05Merci. Vous voulez dire un mot, Hélène Peskin ?
38:08Merci. Sur deux points.
38:09Le premier, rappeler que l'investissement
38:11des collectivités locales,
38:12tout niveau confondu à région, département,
38:15intercommunalité commune,
38:16c'est plus de 50 milliards d'euros par an,
38:18c'est aussi de l'activité et de la croissance.
38:19C'est des chantiers, c'est du travail,
38:21c'est des leviers de développement,
38:25de l'activité et de croissance.
38:26Donc, attention, avant de dire
38:28qu'il faut supprimer un certain nombre
38:30de niveaux de collectivités locales,
38:32à bien avoir en tête que c'est 60 %
38:34de l'investissement public en France,
38:35donc c'est pas négligeable,
38:36et je pense que c'est un sujet aussi
38:38pour ce qu'on disait tout à l'heure,
38:39l'attractivité, la relance économique.
38:41Et le deuxième point, pour revendiquer
38:43ce que disait à l'instant Christian Saint-Etienne,
38:44c'est faire un peu une page de publicité
38:46pour le CRMA, que je représente aujourd'hui,
38:48qui est un centre d'expertise mutualisé
38:50entre l'Etat et les collectivités.
38:51C'est le seul établissement public français
38:53qui appartient à la fois à l'Etat
38:54et aux collectivités locales.
38:56On a la double gouvernance,
38:57et donc on est un organisme optimisé,
38:59on va dire, justement,
39:01de rassemblement des compétences techniques,
39:03mais justement des compétences techniques
39:04d'expertise en ingénierie.
39:06Mais vous n'êtes pas sur la partie stratégique.
39:07On n'a pas, finalement,
39:08on n'a pas de mandant stratégique.
39:11On aurait pu l'avoir dans l'Agence nationale
39:13de la cohésion des territoires,
39:14qui avait un peu cette vocation.
39:16On ne l'a plus, depuis qu'il n'y a plus
39:17de délégation à l'aménagement du territoire,
39:19et en fait, l'aménagement écologique
39:20du territoire national, aujourd'hui,
39:22demanderait à avoir une stratégie
39:23du territoire France,
39:24qui s'appuie sur ces opérateurs.
39:26Vous êtes entendu, Jean-Pierre Lecoq.
39:28Oui, une idée, une piste de réforme assez facile.
39:32Les départements, c'est les collèges.
39:33Les régions, c'est les lycées.
39:35L'Etat, c'est la formation professionnelle.
39:37Faire en sorte que les cités scolaires,
39:39par exemple, le lycée Montaigne, qui n'est pas loin d'ici,
39:42ait un collège et un lycée sous le même toit,
39:45gérés par deux collectivités
39:46territoriales différentes.
39:48Il faut les réunir, sous une vraisemblance à la région,
39:51et que la région récupère, par exemple,
39:54les formations qui, depuis des années,
39:56sont sous la responsabilité de l'Etat,
39:58mais qui ne les a plus définies.
40:00Or, les formations, c'est justement vital
40:03pour un renouveau de l'industrie.
40:04Merci. Alors, si vous voulez bien,
40:06avant de poursuivre ce débat,
40:08on va se rendre à l'Assemblée nationale.
40:10C'était le 20 novembre 2024.
40:12On va écouter Emmanuel Mandon,
40:14député de la Loire, Les Démocrates.
40:17Nos élus locaux, et en particulier les maires,
40:21sont en première ligne pour répondre chaque jour,
40:24au quotidien, aux préoccupations de nos concitoyens,
40:27que ce soit sur le logement, le transport, la santé,
40:31mais aussi, ne l'oublions jamais,
40:33pour oeuvrer à la transition écologique.
40:36Je veux, au nom de mon groupe, saluer l'ensemble des élus locaux
40:39pour cette action.
40:41Sans leur engagement, l'Etat ne pourrait seul
40:44répondre aux défis du quotidien.
40:47Plus encore, nous sommes face à des défis
40:50qui imposent d'agir main dans la main avec eux,
40:53car ce n'est qu'ainsi que nous pourrons avancer
40:57sur des enjeux aussi cruciaux que l'artificialisation nette,
41:01le ZAN,
41:04zéro artificialisation nette, par exemple,
41:07le changement climatique,
41:09ou encore la situation budgétaire d'une gravité inédite.
41:12Les efforts sont donc nécessaires pour redresser les finances publiques.
41:17Cela concerne l'Etat comme les collectivités territoriales.
41:20Chacun doit contribuer à la hauteur de ses capacités
41:23en luttant contre les dépenses inutiles,
41:25notamment sans que cela ne pèse sur la qualité de nos services publics
41:29ou les investissements des élus locaux.
41:31Je pense, bien sûr, au bloc communal.
41:33Dans ce contexte, il est important, essentiel,
41:36de retisser un lien de confiance avec les élus
41:41autour d'une trajectoire qui soit assumée par l'Etat
41:44comme les collectivités locales.
41:45Plutôt que d'élaborer un nouvel acte de décentralisation,
41:48il y a urgence à établir une méthode de dialogue
41:51qui permette d'élaborer des politiques publiques
41:54adaptées aux réalités du terrain,
41:56financées et par conséquent véritablement appliquées.
42:00Pour cela, les élus sont considérés comme de vrais partenaires
42:03et c'est en confiance que nous avons besoin.
42:07Le gouvernement a justement annoncé vouloir bâtir
42:10un nouveau contrat de confiance avec les élus locaux.
42:12Comment va-t-il se décliner concrètement
42:15et permettre de renouer le lien avec eux ?
42:19Alors, écoutez, les territoires, c'est aussi une actualité politique.
42:24Frédéric Salabar, on parle beaucoup de rétablir
42:29ou d'instaurer la proportionnelle.
42:33Est-ce que vous pensez que la proportionnelle
42:36revivifierait le débat politique
42:42et en même temps aiderait les territoires
42:44à avoir une meilleure respiration ?
42:46Et en même temps, qu'est-ce que vous pensez
42:49du cumul des mandats qu'il faudrait rétablir
42:52selon de nombreux personnalités politiques
42:55de gauche et de droite ?
42:57D'abord, la proportionnelle, vous la voyez à l'oeuvre.
43:00Il y a une représentation à l'Assemblée nationale
43:03qui est quasi proportionnelle.
43:04Elle débouche sur quoi ?
43:06Elle débouche sur l'immobilisme le plus absolu
43:09des manoeuvres d'appareil
43:11et puis le budget 2025 qu'on voit.
43:14Le budget 2025, c'est quoi ?
43:15C'est 2,6 % de hausse des dépenses.
43:19Donc, on est très, très loin de budget de rigueur
43:22avec une inflation qui est à moins de 1
43:25et un ajustement du déficit
43:28qui est lié à 25 milliards d'impôts supplémentaires.
43:31Donc, moi, je dirais en bongoliste,
43:33mais d'une manière générale,
43:35je suis radicalement opposé au scrutin proportionnel.
43:39Il n'y a rien derrière ça qui soit une source d'efficacité.
43:43C'est l'institutionnalisation de l'immobilisme.
43:46Qu'est-ce que vous voulez faire sortir
43:49d'une forme de coalition relativement large
43:52qui irait de M. Retailleau
43:54jusqu'aux socialistes, aux sociodémocrates ?
43:57Ils ne sont d'accord strictement sur rien
43:59en matière de retraite, en matière économique.
44:02Et donc, ça ne peut être que ça.
44:04Donc, c'est pas la peine de se projeter.
44:06On peut vouloir, pour protéger un certain nombre d'élus
44:10et une classe politique actuelle,
44:12faire le choix de la proportionnelle,
44:14mais qu'on ne vienne pas expliquer...
44:17On vous a entendu là-dessus.
44:18Et sur le cumul des mandats ?
44:20Le cumul des mandats, bien sûr, je suis pour.
44:22On voit bien la difficulté à être coupé de...
44:26Et c'est notre culture, par ailleurs,
44:28donc, évidemment, pour.
44:29Et la dernière chose, par rapport aux collectivités territoriales,
44:33le conseiller territorial est quelque chose de très important,
44:37puisque ça veut dire qu'il y a unicité d'élus
44:39entre le département et la région,
44:41et à partir de ce moment-là,
44:43on peut mettre en place des politiques communes.
44:46Par exemple, sur l'artificialisation des sols,
44:48vous en avez parlé,
44:50il y a... C'est pas la même situation.
44:53Prenons la Nouvelle-Aquitaine.
44:55C'est pas la même situation à Bordeaux ou en Corrèze.
44:58Et là, il y a la possibilité,
45:00si on est capable de conduire des politiques communes
45:03grâce aux élus communs, le conseiller territorial,
45:05de faire venir de l'industrie là où il y a des possibilités
45:09en termes d'implantation et de ne pas être en surdensité
45:12dans les grandes villes.
45:14Et là encore, pas dans des règles normées,
45:16il faut pas supprimer les départements,
45:18multiviser telle ou telle chose,
45:20mais prendre concrètement la réalité du terrain.
45:23Merci. Sur ces deux points,
45:25on a peu de temps, Jean-Pierre Lecoq,
45:27mais proportionnel et cumul des mandats...
45:29Pas favorable à la proportionnelle,
45:31la description qui a été faite de l'Assemblée est véridique.
45:34J'ajoute que l'émiettement des partis politiques
45:37et notamment du Bloc central renforce encore le phénomène.
45:40Et pour le reste, oui, le cumul des mandats,
45:43moi, je suis pour, et d'ailleurs, on avait,
45:45permets-toi de le dire,
45:47une représentation parlementaire
45:49beaucoup plus forte, d'un meilleur niveau,
45:51quand ce cumul des mandats existait.
45:53Boris Ravignon, sur ces deux points-là,
45:56proportionnel, cumul des mandats ?
45:59Oui, moi, sur la proportionnelle,
46:01pas favorable, pour les mêmes raisons
46:03que celle exposée par Frédéric Salabarou,
46:06je crois que ça ne conduirait que à l'instabilité.
46:08Et au niveau local, on a des dispositifs,
46:11des scrutins qui font que les listes arrivées en tête
46:14aux municipales, aux régionales,
46:17en bénéficient d'une petite prime majoritaire
46:19qui leur permet de fonctionner.
46:21Ça nous a donné jusqu'à présent des institutions stables
46:24et des majorités pour gouverner, pour diriger.
46:26Ce n'est pas vraiment matière à changer.
46:28Je suis, moi aussi, un grand déçu du non-cumul.
46:32J'ai vraiment espéré que ça permette
46:34une revalorisation du Parlement.
46:36Je crois qu'il faut parfois reconnaître
46:38qu'on s'est trompé, et en l'occurrence, c'est le cas.
46:41On a abouti à, très largement, un Parlement hors sol,
46:44coupé de la connaissance du fonctionnement des collectivités.
46:47C'est une catastrophe où il serait assez urgent
46:50de revenir dessus.
46:51Moi, il y a un point sur lequel je voulais revenir,
46:54parce qu'il est fondamental.
46:56On a beaucoup dit, je crois, de manière très partagée,
47:01qu'il fallait faire davantage confiance aux territoires,
47:03leur confier des responsabilités, des compétences.
47:06Il y a un sujet que les collectivités
47:08ne peuvent pas régler seules,
47:10et que seul l'État peut arbitrer, c'est celui des ressources.
47:14La question de la répartition
47:16est d'une juste répartition des ressources,
47:18d'une répartition équitable des ressources.
47:20On disait tout à l'heure qu'il y avait des métropoles
47:23et des territoires qui étaient des gagnants,
47:25et qui le sont dans la mondialisation,
47:26mais aussi dans le fonctionnement de l'économie au quotidien.
47:29Il y a 20 départements qui représentent 80 %
47:32des créations d'emplois sur les trois dernières années.
47:34Ces 20 départements, c'est d'abord des départements urbains,
47:36des départements franciliens,
47:38et des départements qui ont des métropoles.
47:39Je crois que si l'État n'opère pas,
47:42ne décide pas d'opérer une redistribution,
47:44un peu comme il le fait avec l'impôt sur le revenu
47:46entre les citoyens,
47:47s'il n'opère pas une redistribution entre les territoires,
47:50eh bien, on va vraiment avoir...
47:52Alors là, à ce moment-là,
47:53des responsabilités qui auront été transférées
47:56à des collectivités qui voudront s'en saisir,
47:59mais qui seront dans l'incapacité de le faire,
48:01compte tenu de la faiblesse de leurs moyens financiers.
48:04Alors, E. Peski, je sais que vous êtes fonctionnaire,
48:07mais s'occuper des territoires,
48:09c'est quand même s'occuper de politique.
48:11Or, la France, on adore parler de politique de la ville.
48:16Elles ont coûté très cher, elles ont produit très peu.
48:19Comment vous expliquez ce qui constitue
48:22un relatif échec de ces politiques de la ville ?
48:26Je vais rebondir sur la question de la démarche du territoire
48:29qui vient d'être posée,
48:30et je vais arriver à votre question sur la politique de la ville.
48:33Ce que dit à l'instant le maire de Charleville-Mézières
48:35et qui rebondit sur notre débat,
48:37c'est l'indispensable, comment dire,
48:40rendu visible de la complémentarité
48:43entre les territoires en France.
48:44Effectivement, certains sont plus attractifs que d'autres,
48:47mais d'autres ont d'autres ressources
48:48qui peuvent être du foncier, justement,
48:50urbanisables ou mobilisables pour leur réindustrialisation,
48:52qui peuvent être des espaces permettant
48:54d'accueillir des énergies renouvelables,
48:56qui sont des ressources en eau,
48:57qui sont des espaces naturels protégés,
48:59ou du stockage de carbone dans les forêts, etc.
49:01Et donc, cette logique d'aménagement du territoire,
49:03que j'appelle de mes voeux,
49:04elle devrait reconnaître ces complémentarités
49:06et donc, peut-être, opérer des redistributions
49:09de fiscalité ou, en tout cas, d'argent public
49:13vers les territoires qui deviennent servant des enjeux nationaux
49:16et notamment ceux de la transition écologique.
49:18Et là, ça rejoint votre question sur la politique de la ville.
49:20Moi, je ne suis pas sûre qu'on puisse dire
49:22que la politique de la ville, au sens des quartiers populaires,
49:25soit un échec, puisqu'en fait,
49:26ce qui est une réussite dans la politique de la ville,
49:28c'est d'arriver à faire sortir les jeunes...
49:30Regardez la politique de l'école,
49:31regardez les problèmes de sécurité.
49:34En fait, plus ces quartiers sont stigmatisés
49:38comme étant ceux qui accueillent les personnes les plus fragiles,
49:40plus ils auront des problèmes de quartiers
49:41accueillant les personnes les plus fragiles.
49:43Ce qui est intéressant dans cette aventure
49:45de la politique de la ville,
49:46c'est que l'État avait établi
49:48une géographie prioritaire d'intervention,
49:50et c'est là que je voulais en venir en disant
49:51qu'il y a des quartiers qui sont particulièrement fragiles
49:53et vulnérables, comme demain, on aura des territoires
49:56particulièrement vulnérables à l'érosion du trait de côte,
49:59au mouvement de terrain en montagne,
50:00au retrait gonflement des argiles.
50:02Et l'État se positionne en subsidiarité
50:05des compétences territoriales lorsque l'ampleur des catastrophes
50:08est plus importante que leurs moyens d'intervention.
50:11Et donc, cette logique de géographie prioritaire,
50:13qui a été celle de la politique de la ville,
50:15moi, je trouve qu'elle a finalement du sens,
50:17c'est-à-dire que c'est vraiment la courroie de transmission
50:18entre l'État stratège et les compétences,
50:21le rôle des collectivités territoriales.
50:23Et je ne dirais pas que ça a nécessairement
50:25des impacts négatifs, c'est-à-dire que si on arrive
50:27à obtenir que des populations fragiles s'émancipent,
50:29sortent de quartiers difficiles,
50:31quitte à ce que ces mêmes quartiers accueillent de nouveau
50:33d'autres populations fragiles pour qu'elles s'émancipent
50:35à leur tour, c'est normal que ça continue
50:37du côté de l'argent, c'est normal que, statistiquement,
50:39ces quartiers étant les plus difficiles de France,
50:41il faille venir à leur cheville.
50:43Alors, Christian Saint-Etienne,
50:44dans les réunions politiques,
50:46ou en tant que journaliste, j'ai souvent assisté.
50:50J'entends souvent dire, en conclusion,
50:52mais vous parlez de beaucoup de choses,
50:54sur la décentralisation, etc.,
50:57mais sans une responsabilité fiscale, c'est du pipeau.
51:01Est-ce qu'il faudrait accorder cette responsabilité fiscale
51:05au territoire ?
51:06Est-ce que ce n'est pas là le fil d'Ariane
51:09d'une vraie décentralisation ?
51:11C'est un sujet clé.
51:13La suppression de la taxe d'habitation
51:15a été une erreur politique et stratégique
51:19absolument monumentale.
51:20Elle a des effets délétères
51:23parce que les collectivités locales,
51:25en manque de moyens, ont rebasculé sur les taxes foncières,
51:28ce qui n'est pas souhaitable dans la mesure
51:30où ça a participé au blocage de la construction.
51:33Donc, on va horrifier tout le monde,
51:36mais, effectivement, je pense qu'on va y revenir.
51:38On aura à nouveau une taxe d'habitation.
51:41Elle aura un nom différent,
51:42elle s'appellera contribution citoyenne,
51:44mais on va revenir à une taxe d'habitation.
51:46Alors, c'est normal, en plus.
51:48La taxe d'habitation, ça a été un des premiers impôts
51:51dans l'histoire fiscale.
51:52Vous êtes chez vous,
51:53vous avez votre petite maison dans un village,
51:56vous sortez, vous voulez que la route soit goudronnée,
51:58vous voulez qu'il y ait des égouts, que l'école soit chauffée.
52:00C'était la taxe d'habitation, puisque vous habitez,
52:03vous payez une taxe d'habitation.
52:05Donc, la suppression de la taxe d'habitation,
52:07c'est une folie politique absolue.
52:09Elle va devoir revenir pour alléger les taxes foncières
52:12et pour redonner des marges de manœuvre.
52:14Il y a une autre raison, qui est que vous êtes un maire,
52:18vous voulez développer le logement d'un côté
52:23et l'industrie de l'autre.
52:25Si vous développez le logement, vous ne serez pas récompensé,
52:28il n'y a pas de taxe d'habitation.
52:30Et si vous voulez développer l'industrie,
52:34vous n'aurez pas un retour sur votre investissement.
52:39Donc, la taxe d'habitation
52:42comme moyen du développement des collectivités locales...
52:47Je terminerai en disant que l'intérêt...
52:50Il y a quand même un consensus, ici, qui est intéressant,
52:52sur le conseil territorial unique,
52:56au passage, en divisant par deux le nombre d'élus,
52:58mais en leur donnant des moyens.
53:00Je vais horrifier tout le monde, déjà.
53:02J'ai dit qu'il fallait un retour d'une contribution directe,
53:06mais je pense qu'il faut augmenter les rémunérations des élus.
53:11Si on divise par deux le nombre, il faut augmenter leur rémunération,
53:14parce qu'on a besoin d'élus de qualité.
53:16Et ce qui est très effrayant, actuellement,
53:18c'est que les gens de qualité ne vont plus en politique.
53:20Alors, écoutez, j'aurais beaucoup de questions
53:23à vous poser sur tous ces sujets,
53:25mais on arrive en fin d'émission.
53:27Je vais vous présenter une brève bibliographie,
53:30peut-être que, dans la bibliographie,
53:32Frédéric Salabarou pourrait dire un mot
53:34de cette délégation fiscale.
53:37Vous avez publié
53:39Révolution par les territoires,
53:41coécrit par vous-même et avec Éric Hazan.
53:45Vous y croyez vraiment, en cette révolution ?
53:47Quel serait le marqueur qui serait révolutionnaire ?
53:51Un seul.
53:52J'y crois, effectivement, véritablement,
53:56parce qu'on en a besoin pour rééquilibrer,
53:59rendre à nouveau efficaces les pouvoirs publics.
54:01Ce qui est vrai, c'est que le changement
54:04dont on a parlé aujourd'hui est techniquement
54:06extraordinairement compliqué,
54:08puisqu'il faut travailler sur la fiscalité.
54:10On part pas d'une page blanche sur la répartition des pouvoirs
54:13sur le pouvoir réglementaire.
54:15Le pouvoir réglementaire...
54:16Pour ou contre le rétablissement de la taxe d'habitation ?
54:19Moi, je suis pour que les élus
54:23aient des impôts pour lesquels ils soient responsables
54:26devant leurs électeurs et qu'ils puissent avoir
54:28la maîtrise des taux.
54:29Taxe d'habitation ou autre chose qui est la maîtrise.
54:32Mais tout ça, c'est extraordinairement complexe.
54:35Là, on est à 18 mois de l'élection présidentielle.
54:37Il y a plein de choses qu'on ne peut pas faire,
54:40mais il y a des choses qu'on peut faire.
54:42C'est faire une convention nationale,
54:45si on le plaît long, la République des Territoires,
54:48où ces questions techniques sont abordées
54:51pour préparer éventuellement un changement radical,
54:54dans le sens qui a été dit par le maire de Charleville-Médières,
54:58confiance, responsabilité et nouvel équilibre.
55:01Ca, ça ne tient qu'à nous.
55:02Merci.
55:03Jean-Pierre Lecoq, vous êtes pour, oui ou non,
55:06pour le rétablissement de la taxe d'habitation ?
55:08Oui, mais tout en disant
55:11que la pression fiscale dans notre pays est excessive.
55:13Donc, si on refait une taxe d'habitation,
55:16il faudra s'engager à diminuer la taxe foncière
55:18et peut-être d'autres impôts.
55:20Merci. Boris Ravignon, juste,
55:22oui ou non pour le rétablissement de la taxe d'habitation ?
55:27Il y a toujours trop d'impôts,
55:29et donc, effectivement, si on réussit à avoir une contribution
55:32des citoyens, notamment de ceux qui ne sont pas propriétaires,
55:35parce qu'on a des gens qui sont locataires
55:37et qui, aujourd'hui, ne participent pas du tout
55:40à alimenter le budget local,
55:41c'est effectivement un problème important.
55:44Merci. Christian Zetetienne,
55:46vous avez publié un livre
55:47qui n'est pas en lien avec les territoires,
55:50mais qui est d'actualité,
55:51« Trump et nous, comment sauver la France et l'Europe ? »
55:55Vous pouvez nous dire, en un mot,
55:57comment on peut relier un certain côté désastreux
56:00de la politique économique trumpiste
56:02avec nos territoires ?
56:04Je crois que Frédéric Salabaro a donné une clé.
56:08Les Américains ont le même problème que nous,
56:10c'est-à-dire la désartification de territoires désindustrialisés.
56:14Alors, Trump s'y attaque,
56:16mais de manière brutale et inefficace,
56:20parce que le paradoxe, on ne va pas le développer ici,
56:23je pense qu'il y aura, avant dix ans,
56:27un retour sur la politique de Biden,
56:31qui était, du point de vue des Etats-Unis,
56:33la bonne politique, celle qui attirait les entreprises,
56:36sans antagoniser ses alliés,
56:38alors que Trump cogne sur ses alliés.
56:40Tout le monde a été à noter
56:42qu'il mettait des droits de douane sur ses alliés
56:44et pas sur Poutine,
56:46ce qui est quand même assez fulgurant
56:48en termes de conséquences.
56:50Donc, sur le lien
56:53entre les territoires et la politique globale,
56:57je pense qu'il y a un niveau européen
56:59qui, aujourd'hui, pose problème,
57:01c'est la politique commerciale européenne,
57:03qui, depuis 60 ans, n'a pas protégé l'Europe,
57:07en partie depuis 15 ans, sur ordre de l'Allemagne,
57:10qui ne voulait pas qu'on taxe les importations chinoises
57:13parce qu'ils rêvaient d'exporter là-bas.
57:15Donc, il y a vraiment besoin d'un agéremento massif
57:19de la stratégie économique et politique au niveau européen.
57:23Merci, Christian Saint-Etienne.
57:25Hélène Pesquine, est-ce que vous publiez des cahiers au CEREMA ?
57:28Les publications du CEREMA sont essentiellement des doctrines
57:31et des guides techniques autour des questions
57:33d'aménagement durable, végétalisation des villes,
57:35entretien des ouvrages d'art, des chaussées, des routes, etc.
57:39Et puis, toute la question de la vulnérabilité,
57:42autour notamment des risques liés au changement climatique,
57:44l'érosion du trait de côte et les résidences concernées,
57:47les mouvements de terrain liés aux sécheresses, etc.
57:50Et puis, la gestion des inondations.
57:52J'ai un ouvrage à faire valoir,
57:54mais qui n'est pas un ouvrage du CEREMA
57:56que je propose de mettre en valeur.
57:57C'est l'ouvrage qui s'appelle
57:59Cohabitons, du géographe Michel Lusso,
58:01et qui parle justement de redonner du pouvoir d'agir au territoire
58:04face aux limites planétaires.
58:06Merci beaucoup.
58:07Alors, il me reste à vous remercier.
58:09Merci, madame, merci, messieurs,
58:11d'avoir apporté quelque éclairage sur cette relance des territoires.
58:15Certains parlent de revanche des territoires.
58:18En tout cas, merci à vous.
58:20Merci à l'équipe de LCP qui a permis cette réalisation.
58:23Et je vous dis à bientôt.
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