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  • 21/06/2025
Au moment où la réindustrialisation redevient une priorité nationale dans le débat public, alors que la crise COVID a pointé des problèmes de souveraineté, et quand les licenciements chez Arcelor posent la question de l'avenir industriel de la France, Vencorex sonne comme un symbole : celui de l'abandon de la production en France de substances stratégiques dans le nucléaire civil et militaire. Une entreprise ignorée par l'Etat, que les salariés et une poignée d'hommes et de femmes politiques vont s'évertuer à essayer de sauver. Une entreprise chimique abandonnée, au moment où 20 000 emplois seraient menacés dans le secteur.

Le 10 avril le tribunal de commerce de Lyon a attribué la reprise de l'usine chimique Grenobloise à son principal concurrent, le géant chinois Wanhua. Une reprise qui prévoit de ne garder que 46 salariés. La fermeture partielle de l'usine Vencorex, fleuron de l'industrie chimique en France, n'est pas seulement un drame social qui laisse 400 personnes sur le carreau. C'est aussi une fermeture qui provoque un effet domino : des licenciements chez son client Arkema, qu'elle ne peut plus fournir en matière première, mais aussi chez des sous-traitants dans la région de Grenoble, où depuis plus de cent ans Vencorex était une fierté française.

Un reportage de Céline Crespy et Pierre Yves Deheunynck.

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Transcription
00:00L'histoire de Vancorex, c'est celle d'une usine de la région grenobloise.
00:05L'histoire de la faillite d'un fleuron industriel, un drame social.
00:12J'ai fait toute ma carrière dans la chimie et pétrochimie, et ben on tombe de haut quoi.
00:16C'est aussi l'histoire d'une perte de souveraineté nationale,
00:20d'une usine française qui passe aux mains des chinois.
00:23Si on coupe ce circuit, on ne pourra plus refroidir le cœur de son train nucléaire.
00:27Il en va aussi de notre souveraineté de façon globale, notre pays en matière industrielle.
00:33C'est l'histoire d'un combat, de salariés et d'élus qui vont tout faire pour sauver leur entreprise.
00:38On ne peut pas se résoudre à avoir ce dossier clos tout simplement.
00:43Le problème c'est qu'on a un état qui est plutôt là pour accompagner les fermetures d'usines
00:47que pour se battre et prendre des risques avec nous, donc c'est dommage.
00:52Retour sur une tragédie qui s'est jouée en cinq actes.
00:57A 300 mètres de la plateforme chimique où se situe Vancorex, vit Anne-Marie Delafosse.
01:17Depuis quelques jours, elle est stressée par ce qui pourrait arriver dans sa boîte aux lettres.
01:21Alors ?
01:31Pas de nouvelles.
01:34Pas de nouvelles ?
01:34Non.
01:37Bon.
01:39On ne sait pas quand maintenant.
01:42On attend.
01:42Anne-Marie redoute de recevoir sa lettre de licenciement.
01:49Cela fait six mois que son entreprise est en redressement judiciaire et elle craint de faire partie des 400 salariés mis à la porte.
01:56Elle a 55 ans.
01:58Depuis plus de 30 ans, elle travaille chez Vancorex.
02:01Cette entreprise, c'est une institution dans la région.
02:04Un haut lieu de la chimie made in Grenoble,
02:06ouverte en 1916 pour fabriquer le gaz moutarde durant la Première Guerre mondiale.
02:11Je suis fier de mon usine, moi.
02:13J'ai contente de travailler dans cette usine.
02:16Une deuxième maison.
02:17C'est toute une vie.
02:21J'ai mes oncles qui ont travaillé dans cette usine.
02:24Mon papa, mon grand-père.
02:26J'ai un oncle qui est décédé en 1969 dans cette usine.
02:30Ça ne peut pas finir comme ça.
02:35Parce que tous les collègues, s'il y en a certains, ça me fait peur.
02:42Je dis comment ils vont faire.
02:44Ils ont des enfants.
02:46S'il est seul à travailler, ça va être compliqué.
02:49Ça va mettre des familles entières dans la misère.
02:53Ce n'est pas possible.
02:54Le gouvernement ne va pas laisser faire ça.
02:56Il ne peut pas.
02:56Depuis la mise en redressement judiciaire de l'entreprise,
03:01une seule offre, celle d'un repreneur chinois.
03:04Le problème, c'est qu'elle prévoit la suppression de près de 90% des emplois.
03:11En ce 4 février, dans ses bureaux se tient un rendez-vous important.
03:15Un CSE durant lequel les représentants du personnel tentent de limiter la casse.
03:20Mais en sortant, Séverine Dejoux, la déléguée du personnel,
03:23et son collègue, Denis Carré, sont totalement sonnés.
03:28Car l'offre du potentiel acquéreur chinois
03:30prend des allures de catastrophes sociales.
03:34Bonjour.
03:35Alors, c'est instructif.
03:38Instructif.
03:39C'est un grand mot, ça.
03:40Disons qu'on a pu avoir des échanges avec eux.
03:42Maintenant, il y a encore beaucoup de zones d'ombre,
03:44beaucoup de choses sur lesquelles on n'a pas de réponse.
03:46Et puis des inquiétudes encore.
03:48Il a fait une offre à 54 postes.
03:50Elle n'a pas été améliorée depuis la dernière fois qu'on s'est vus au mois de décembre.
03:53Donc ça veut dire qu'il y aurait pas loin de 400 licenciements.
03:58Ce repreneur s'appelle Wanwa.
04:00C'est un concurrent chinois de Vancorex.
04:03Un concurrent qui lui a mené une guerre commerciale sans pitié en cassant les prix.
04:12Wanwa est bien aujourd'hui un des responsables de la situation qu'on a eue à Vancorex.
04:16La quantité de produits qu'il a mis sur le marché européen,
04:21alors que ça n'existait pas avant, en tout cas pas de sa part,
04:24sur le secteur européen,
04:26a fait énormément de mal à Vancorex.
04:27Et pas qu'à Vancorex, d'ailleurs.
04:29Une concurrence féroce,
04:30ajoutée à un coût du gaz qui a explosé.
04:33Résultat, 80 millions d'euros de pertes l'année dernière.
04:37Mais pas seulement.
04:39Dans sa chute, Vancorex provoque une réaction en chaîne.
04:46A quelques kilomètres de là, une autre société,
04:52Arkema, un client de Vancorex.
04:55Depuis un mois, une partie des salariés fait grève,
04:58car la direction a décidé de supprimer 150 emplois,
05:02en prévision de la fermeture de Vancorex.
05:05Eric Jamillon travaille chez Arkema depuis 10 ans.
05:11Et comme beaucoup,
05:12il ne comprend pas la précipitation de son entreprise à licencier.
05:16Alors, ce qui m'a surpris, on va dire,
05:22c'est un petit peu l'opportunisme.
05:23Vancorex, ils sont encore en période d'observation.
05:25Donc, il y a encore des chances que Vancorex soit sauvé.
05:27Nous, on est déjà condamnés.
05:29Donc, il y a déjà ça qu'on ne comprend pas.
05:31Ça, c'est allé trop vite.
05:33On n'a laissé aucune chance à Vancorex
05:34ou même Arkema ne se laisse aucune chance de se retourner.
05:38Donc, du coup, ça, c'est très, très, très frustrant.
05:40Aujourd'hui, des ateliers comme le Chlorsoud,
05:42c'est des ateliers qui, en 2020, ont tourné en partie pour l'État,
05:46qui étaient très contents pour le Covid,
05:48qui ont fourni du chlors, de la soude, de la javelte pour la désinfection.
05:52Et tout le monde nous a remerciés.
05:53Aujourd'hui, moins de 4 après, on nous remercie en nous mettant dehors
05:56alors qu'il n'y a qu'une filière sel à sauver.
05:59Le sel, c'est bien cela le nœud du problème.
06:02En arrêtant sa filière sel,
06:04Vancorex ne pourra plus approvisionner Arkema.
06:07Une justification imparable pour le directeur du site.
06:12Vous avez ici la matière principale du site,
06:17qui est en fait du sel, du sel purifié.
06:20Et il s'agit vraiment de la matière première
06:21sur nos deux ateliers d'électrolyse.
06:25Avec ce sel, Arkema fabrique du chlore,
06:28de la soude et du chlorate de sodium.
06:31Mais sans le sel de Vancorex,
06:33tout est remis en question.
06:35Ce sel qui vient de Pont-de-Clay historiquement en quantité et en qualité
06:42ne peut pas être remplacé.
06:44Et aujourd'hui, l'alternative que nous avons pu trouver,
06:46c'est un sel purifié allemand
06:48qui nous permet uniquement d'alimenter l'atelier chlorate de sodium,
06:53qui est moins exigeant en termes de qualité de sel
06:57et surtout qui consomme moins de sel.
06:59Exit donc la production de chlore et de soude.
07:03Pour des raisons de qualité de sel,
07:05mais aussi pour des raisons de coût.
07:07Le sel allemand est trois fois plus cher que le sel de Vancorex.
07:11Mais les salariés, eux, ont du mal à avaler la pilule.
07:15D'autant que le site fait 30 millions de bénéfices chaque année.
07:18Ce jour-là, Séverine Dejoux devant Corex
07:27rejoint les salariés d'une dizaine d'autres entreprises chimiques,
07:31toutes implantées dans la vallée du Rhône.
07:35Ils viennent protester devant l'usine Arkema.
07:38C'est important pour nous, mais c'est important pour nous tous,
07:41je dirais, collectivement, puisqu'on est tous impactés.
07:44La chimie, c'est un grand écosystème.
07:46Et donc, quand il y en a un qui tombe,
07:48c'est l'ensemble des salariés derrière de toute l'industrie
07:51qui vont être impactés.
07:53Donc, voilà, on sait qu'il faut se mobiliser collectivement.
07:57Bon, camarades, on se retrouve à 14h30 pour le départ.
08:02Donc, je vous souhaite à tous une bonne manif.
08:06Voilà, à tout à l'heure.
08:09Les manifestants pensent que l'activité, celle d'Arkema,
08:12a été sacrifiée, non pas parce qu'elle n'était pas rentable,
08:16mais parce qu'elle ne rapportait pas suffisamment à l'entreprise.
08:20De l'avis général, Arkema regarderait un peu trop son cours de bourse.
08:27Tous ces actionnaires qu'il y a, qui s'en mettent pas les poches, là.
08:30On est bien d'accord, on ne lâchera rien.
08:32Il ne faut rien lâcher, quand même.
08:34Les salariés ne sont pas les seuls à penser qu'Arkema aurait pu éviter les licenciements.
08:42Christophe Ferrari est le maire de Pont-de-Clay.
08:44Il est aussi le président de la métropole de Grenoble.
08:48Et depuis des semaines, il soutient les grévistes.
08:51Arkema et de Vancorex.
08:53Merci et bonjour à toutes et à tous.
08:56Arkema n'est pas dans la même situation que Pont-de-Clay et que Vancorex.
09:00À Vancorex, nous avons une cessation de paiement.
09:03Ici, il n'y a pas de cessation de paiement.
09:06Nous avons une entreprise qui a délibérément utilisé la situation de Vancorex
09:13pour dégraisser et pour, tout simplement, licencier.
09:20Nous ne pouvons pas l'accepter.
09:23Christophe Ferrari a fait ses calculs.
09:25Si Vancorex et Arkema licencient,
09:27des sous-traitants vont fermer des commerçants avec.
09:31Un effet domino.
09:32Au total, plus de 6 000 emplois seraient menacés.
09:37L'effet domino, il est ravageur, il est fatal, il est létal.
09:42Il est létal, ça va nous replonger au pire période, je dirais, en termes de récession.
09:51Parce que c'est des emplois, mais c'est du chiffre d'affaires.
09:53Donc c'est aussi de l'argent qui vient sur ce territoire en termes de développement
09:58et qui fait vivre des familles, qui fait vivre des commerçants,
10:01qui fait vivre d'autres choses.
10:03Donc c'est létal.
10:06Élus et syndicalistes veulent sauver Vancorex.
10:09Mais il ne leur reste qu'un mois avant que le tribunal de commerce
10:13ne se réunisse pour décider du sort de l'entreprise.
10:16Bonjour les camarades, ça faisait longtemps !
10:19Pour eux, une solution existe,
10:21la nationalisation temporaire de Vancorex.
10:25On a fait un courrier pour demander à être reçus également.
10:28J'espère qu'on aura une réponse.
10:30Ce serait bien qu'on puisse aussi aller s'exprimer auprès du ministre.
10:34Pour y parvenir, ils vont devoir donner une portée nationale à leur combat.
10:41On va partir en manifestation.
10:42Allez les camarades, on rejoint les rires.
10:48En ce mois de février, c'est à Paris qu'ils se retrouvent.
10:53Pour eux, il ne s'agit pas seulement de se battre pour Vancorex,
10:59mais pour l'avenir de leur secteur.
11:0220 000 emplois dans la chimie seraient menacés.
11:04Aujourd'hui, on a l'impression que le gouvernement laisse faire.
11:07Et il faut absolument qu'il y ait une prise de position pour l'industrie en France.
11:13Direction Bercy, pour faire le pied de grue sous les fenêtres du ministre de l'Industrie,
11:19Marc Ferracci, dans l'espoir qu'il les reçoive.
11:23Le président de l'agglomération grenobloise est aussi au rendez-vous.
11:31Ça va, oui, bien sûr.
11:33Pour eux, l'État doit intervenir, non seulement pour les emplois,
11:37mais aussi parce qu'abandonner la chimie a bien d'autres conséquences.
11:41Vancorex est un site classé Céveso.
11:44Si l'entreprise ferme, l'usine deviendra une gigantesque friche industrielle
11:48et les risques de pollution sont immenses.
11:55Il y a un outil qui permet de gagner du temps, la nationalisation temporaire.
12:00Il n'est pas un outil coûteux comparativement à ce qui devrait être fait
12:03si on doit dépolluer un site comme ça demain.
12:06C'est du bon sens. On demande du bon sens, en fait.
12:09La nationalisation coûterait 300 millions d'euros.
12:13La dépollution, trois fois plus selon l'élu.
12:16Le directeur de cabinet du ministre accepte finalement de les recevoir.
12:21Mais après deux heures d'entretien, c'est la douche froide.
12:24Pas question d'envisager une nationalisation, même temporaire devant Vancorex.
12:29C'est triste d'avoir des cabinets ministériels qui ont cet état d'esprit d'un,
12:36qui ne sont pas combatifs, qui ne sont pas à l'action pour sauver ce qu'est le patrimoine français.
12:43C'est effarant.
12:46La nationalisation d'une entreprise, un outil déjà utilisé par l'État en 2017
12:52pour le chantier naval de Saint-Nazaire,
12:55au nom de la défense des intérêts stratégiques de la France.
12:59Et dans le dossier Vancorex, on peut parler d'intérêts stratégiques.
13:04Le fameux sel est en effet essentiel dans des secteurs fondamentaux, et pas des moindres.
13:11La fabrication du carburant, des missiles de la dissuasion nucléaire.
13:16L'entretien dans les centrales EDF.
13:20Ou l'utilisation des boosters de la fusée Ariane.
13:24Sans celle, l'autonomie stratégique de la France dans tous ses domaines est menacée.
13:30Le cave Vancorex s'invite à l'Assemblée nationale.
13:43La députée Marie Pochon interpelle le ministre de l'Industrie lors des questions au gouvernement.
13:48Oui, on parle bien là de notre souveraineté, monsieur le ministre.
13:53C'est autant de composants, chlore, soude, tolonate, que nous devrons demain importer d'ailleurs.
13:57C'est du sel que nous cesserons de forer dans la mine dromoise d'Haute-Rive.
14:01Sur tout autant de composants, nous deviendrons indépendants d'autres puissances.
14:05Que ferez-vous pour sauver cette entreprise ?
14:07Je vous remercie, madame la députée. La parole est à monsieur le ministre.
14:10Merci, madame la présidente.
14:12Madame la députée, sur ce sujet qui nous occupe mes équipes et moi-même depuis des mois,
14:16nous avons eu un échange constant avec Framatome, avec Ariane Group.
14:19Et nous nous sommes assurés, avec la DGA, avec l'ensemble des services de l'État,
14:23et surtout avec les entreprises elles-mêmes, madame la députée,
14:25que celles-ci avaient la capacité, à terme, de se fournir en France
14:29sur les composants essentiels qui venaient de la chaîne de valeur dont Vancorex fait partie.
14:33Pourtant, souvenez-vous, le directeur du site d'Arkema nous expliquait
14:39qu'en remplacement du sel de Vancorex, il serait obligé d'importer du sel allemand,
14:44de moindre qualité, pour fournir Ariane Group.
14:50Alors, une poignée de parlementaires menées par la présidente de la Commission des affaires économiques
14:56prend le sujet au sérieux.
14:58Ce jour-là, elle a convié des experts pour mesurer les conséquences
15:02de la fermeture de Vancorex sur notre souveraineté.
15:09Mais si on n'a plus de sel, si on coupe ce circuit,
15:13on ne pourra plus refroidir le cœur de notre entraînement nucléaire.
15:16Je ne sais pas si on a conscience de l'importance de ce sujet.
15:20Alors aujourd'hui, on a un ministre, monsieur Marc Ferracci,
15:22qui nous dit qu'il n'y a pas de problème, il n'y a pas de souci,
15:26des solutions, on l'en a, même si on ferme Vancorex,
15:30même si on ferme Arkemax, on peut livrer en chlore Framatome,
15:34et on peut livrer Ariane Group.
15:37En fait, c'est n'importe quoi.
15:38On est devant une solution qui est quand même incompréhensible,
15:42on est devant du grand n'importe quoi.
15:45Sans compter que la disparition du sel français pourrait coûter cher à l'État.
15:49Car utiliser le nouveau sel allemand nécessite de requalifier les produits,
15:54de faire des tests pour savoir si cela fonctionne,
15:57notamment avec les missiles nucléaires.
16:00Si je prends un M51, une requalification, c'est 4 tirs, 4 tirs consécutifs.
16:07Un tir de missile, ce n'est pas simplement le coût du missile,
16:10c'est toute la préparation qui va autour.
16:12C'est près de 500 millions d'euros un tir de missile.
16:16Donc vous en faites 4, le calcul est vite fait, on est déjà à 2 milliards.
16:19Et là, je vous donne juste un exemple pour un produit.
16:22Je voudrais juste faire une remarque, c'est qu'on ne parle pas de t-shirts ou de bigoudis.
16:25On parle de dissuasion nucléaire.
16:27Donc en l'occurrence, la souveraineté nationale, elle est absolument essentielle.
16:34Dans leur combat pour sauver Vancorex, les élus vont avoir une lueur d'espoir.
16:41Cette fois, c'est le Premier ministre en personne qui s'intéresse au dossier.
16:45Ce jour-là, François Bayrou reçoit une délégation d'élus à Matignon pour parler de Vancorex.
16:51Après une heure d'entretien, ils sortent avec le sentiment que le scénario de la nationalisation n'est pas définitivement écarté.
16:59L'engagement du Premier ministre a été de considérer que, effectivement,
17:04sauver un outil industriel comme celui-ci était effectivement un enjeu très fort pour localement, mais aussi pour le pays.
17:12Et que tout devait être fait pour s'assurer que cet outil industriel puisse continuer à vivre.
17:19Mais après 15 jours de réflexion, c'est par une lettre adressée aux élus locaux que François Bayrou explique.
17:28Cette expertise a démontré que l'activité de Vancorex n'est pas viable selon tous les scénarios étudiés.
17:35Dans ces conditions, une nationalisation même temporaire de Vancorex ne saurait être la réponse en l'absence de solutions de pérennité identifiées.
17:43Tout espoir semble donc perdu jusqu'à un coup de théâtre.
17:49Nous sommes le 6 mars à Lyon.
18:00Le tribunal de commerce doit statuer sur le sort de Vancorex.
18:04Au pire, la fermeture définitive de l'usine.
18:07Au mieux, la reprise par l'industriel chinois.
18:10Pourtant, Séverine Dejoux a l'air détendue.
18:12La nationalisation a certes été écartée.
18:16Mais avec d'autres, elle a élaboré un plan B pour sauver Vancorex.
18:20On ne peut pas se résoudre à avoir ce dossier clos tout simplement.
18:25La veille, elle a déposé un dossier au tribunal qui pourrait bien changer l'ordre des choses.
18:31Et elle veut être sûre que l'administrateur judiciaire a bien pu le consulter.
18:35C'est un coup de théâtre.
18:5222 salariés aidés par la métropole de Grenoble ont préparé dans le plus grand secret
18:58un plan pour reprendre Vancorex en société coopérative.
19:02Ils doivent encore rechercher des entreprises partenaires.
19:06Mais le tribunal va-t-il leur laisser le temps de concrétiser leur projet ?
19:11A la sortie de l'audience, tous les espoirs sont permis.
19:17La période d'observation est prolongée pour 6 mois avec un rendu,
19:21avec une audience intermédiaire au 3 avril.
19:24Donc on n'aura probablement pas au 6 mois.
19:26Mais en tout cas, il y a un délai au moins jusqu'au 3 avril
19:29pour étudier les offres qui auront été concrétisées dans le temps.
19:34Donc c'est plutôt positif ?
19:35C'est plutôt positif. On aurait aimé un peu plus longtemps.
19:37Mais on va mettre à profit ce temps pour concrétiser notre offre.
19:41C'est donc une course contre la montre qui commence.
19:45Séverine Dejoux et tous les participants au projet de coopérative
19:48disposent de moins de 4 semaines pour réunir les fonds
19:52et proposer au tribunal un projet de reprise viable.
19:55Un mois plus tard, nous retrouvons une Séverine Dejoux tout sourire
20:04pour ce 2e passage devant les juges.
20:07En un mois, vous avez bien travaillé.
20:10On a eu tout un tas de rencontres, tout un tas de réunions
20:13avec à la fois des collectivités, des entreprises,
20:19des investisseurs, etc., des banques.
20:22On a travaillé aussi beaucoup en interne
20:23parce qu'il faut aussi...
20:25Notre offre, elle porte sur des choses concrètes.
20:28Une organisation, comment est-ce qu'on remonte les ateliers,
20:32organise les services, etc.
20:33Voilà, donc on bosse en non-stop depuis un mois.
20:37Mais voilà, on est très, très contentes
20:40de ce qu'on a réussi à réaliser.
20:42Le défi est immense.
20:43Il faut réunir 60 millions d'euros
20:46pour faire fonctionner l'entreprise la première année.
20:49120 millions en tout.
20:51Séverine et les porteurs de projets
20:53ont obtenu des promesses de différentes banques
20:55qui se disent intéressées.
20:57Il y avait BNP Paribas, Société Générale, Banque Populaire.
21:00Et un appui de taille.
21:02Olivier Sixte, un entrepreneur grenoblois,
21:05membre du MEDEF
21:06et ancien référent macroniste de l'ISER
21:09qui se lance avec eux.
21:11Il sera alors dégé si la coopérative est montée.
21:15Tous ici pensent réussir à convaincre le tribunal
21:18que leur projet est viable.
21:20Pour preuve, un cabinet de conseil prestigieux
21:23leur a donné son feu vert.
21:25Il y aura le cabinet BDO qui sera présent,
21:27qui va dire que ça va être tendu,
21:29mais qu'on va y arriver.
21:32Et très clairement, aujourd'hui,
21:32je pense qu'on a les engagements de tout le monde
21:35pour construire un plan qui marche.
21:38Et pour cause,
21:39en plus des 40 millions d'euros de promesses de prêts,
21:42ils ont un atout de poids.
21:44Un industriel indien prêt à damer le pion aux Chinois
21:47en investissant dans Vancorex.
21:50On a 10 ou 20 millions de capitaux,
21:5510 millions qui sont quasiment assurés de capitaux privés
21:57et on est en discussion avec des investisseurs
22:02qui sont malheureusement des investisseurs étrangers
22:04pour 10 millions supplémentaires.
22:05Donc, aujourd'hui,
22:07si tout le monde tire ses engagements,
22:09il est le premier,
22:10on va y arriver et dans 4 semaines,
22:12on aura les financements.
22:134 semaines supplémentaires,
22:17c'est le temps nécessaire
22:18qu'ils vont demander au tribunal de commerce
22:20pour réunir ces fonds.
22:22Car à ce stade,
22:24tous ces engagements ne sont que des promesses.
22:27L'offre de reprise chinoise
22:29via sa filiale hongroise de Borkosem,
22:32elle, est bien ferme.
22:33Mais en conservant qu'une petite partie de l'activité,
22:37elle ne garde que 50 salariés.
22:39L'audience va durer près de 2 heures.
22:49Séverine Dejoux et Olivier Sixte,
22:51entendus comme porteurs de projet,
22:53n'assisteront pas aux conclusions.
22:55Seuls les délégués du personnel
22:57sont autorisés à entendre
22:59les premières impressions de l'administrateur
23:01et des juges commissaires.
23:06On va débriefer au fond ?
23:08Oui.
23:08Et ces conclusions provisoires
23:11rapportées par l'un de leurs collègues
23:13sont très inquiétantes.
23:15C'est violent.
23:21Tout le monde est pour l'offre de Borkosem.
23:23Qui ?
23:24Tout le monde.
23:25Tout le monde.
23:26Et pourtant,
23:26ils sont tous en train de dire
23:27que l'offre de Borkosem,
23:29c'est catastrophique,
23:31c'est insuffisant.
23:32Néanmoins,
23:33ils ont des sous
23:33et ils ont la technologie.
23:35Nous, ils disent que c'est l'offre,
23:36elle est socialement magnifique,
23:38qu'il y a beaucoup d'ambition,
23:39qu'on applaudit vraiment
23:40le travail qui est effectué.
23:42Néanmoins,
23:42il n'y a pas de finances,
23:43il n'y a pas d'assurance.
23:43C'est que des promesses,
23:45mais ils ne peuvent pas prendre le risque
23:47parce qu'il y a quatre semaines,
23:49au vu des finances qui restent,
23:51ça va être un peu.
23:53Le tribunal se donne tout de même
23:55encore une semaine pour réfléchir.
23:58Les juges peuvent-ils encore changer d'avis ?
24:13Une semaine plus tard,
24:17la décision tombe.
24:19L'industriel chinois Wanwa est choisi.
24:22Sur le parking devant Corex,
24:24il y a comme un air de cérémonie funèbre.
24:28La fin d'un site industriel
24:29plus que centenaire.
24:32Où beaucoup ici ont eu un père,
24:35un oncle,
24:36qui y a travaillé.
24:37Aujourd'hui,
24:41c'est 120 ans
24:42qui vont donc s'écrouler.
24:46J'ai une pensée
24:47pour mon père aujourd'hui.
24:50Excusez-moi.
24:53Alors oui,
24:54le temps nous a manqué.
24:55Comment cela est-il possible
24:58en 2025,
25:00dans ce pays
25:02que l'on soit réduit
25:04à ce que ce soit
25:05les territoires
25:06qui se mobilisent
25:08pour tout simplement
25:09sauver l'industrie de ce pays ?
25:12Alors que nous sommes soumis
25:13à des situations géopolitiques
25:16insupportables,
25:18des attaques de la Chine
25:20sur tous nos produits,
25:21sur tout notre tissu industriel,
25:23il n'y aura plus
25:24aucun discours crédible
25:26en matière de réindustrialisation
25:27de la France aujourd'hui.
25:29En tout cas,
25:29je n'en croirai aucun.
25:32Une colère,
25:34le sentiment qu'on brade
25:35cent ans de recherche
25:36et de brevets
25:37et de procédés
25:38à un concurrent chinois,
25:41une partie de l'héritage
25:42de Ron Poulenc
25:43et de Rodia
25:43et l'impression
25:45que les représentants
25:47de l'État
25:48ne les ont pas écoutés.
25:51Eux, ils se sont toujours basés
25:53sur les études de Vancorex,
25:55celles qui ont mené
25:56à la faillite.
25:57Ils se sont basés
25:58sur les études
25:58de Vancorex
25:59et sur les dires
26:00de notre PDG
26:01qui a été mis là
26:02au mois de mars dernier
26:02juste pour fermer la boîte.
26:04Et ça, franchement,
26:05c'est inadmissible.
26:06Là, ils n'ont pas fait
26:06leur travail.
26:06Séverine et Denis
26:09sont comme 400 salariés licenciés,
26:12mais ils ne baissent pas
26:13pour autant les bras.
26:15Avec les partenaires
26:16rencontrés
26:17lors de leur reprise avortée,
26:19ils préparent un plan
26:20pour racheter
26:21les activités abandonnées
26:22par les Chinois,
26:24convaincus
26:25que la chimie française
26:26a encore un avenir.
26:27Musique

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