- hier
« Au nom de la Science, la recherche sur l'homme » questionne la recherche en médecine moderne et analyse le long processus vers un encadrement légal en France et aux États-Unis : l'émergence d'une conscience éthique de toute une profession racontée de l'intérieur par le médecin-chercheur François Lemaire.
Pourquoi fallait-il attendre 1988 pour qu'une loi sur la recherche sur l'homme soit promulguée en France ? Pourtant, dès 1947, un premier grand texte international posait les principes de base pour une recherche éthique : le Code de Nuremberg fut prononcé par les juges du procès contre les médecins nazis. En partant de cet évènement majeur dans l'histoire de l'éthique médical, ce documentaire raconte la prise de conscience de toute une profession de l'intérieur.
Pourquoi fallait-il attendre 1988 pour qu'une loi sur la recherche sur l'homme soit promulguée en France ? Pourtant, dès 1947, un premier grand texte international posait les principes de base pour une recherche éthique : le Code de Nuremberg fut prononcé par les juges du procès contre les médecins nazis. En partant de cet évènement majeur dans l'histoire de l'éthique médical, ce documentaire raconte la prise de conscience de toute une profession de l'intérieur.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
01:29Comment faire progresser la médecine pour mieux soigner, pour mieux combattre les maladies, tout en protégeant les personnes qui se prêtent à des expérimentations ?
01:39Doucement, doucement...
01:41Je me suis alors intéressé à la législation de la recherche médicale sur l'homme en me penchant sur son histoire.
01:51Une histoire marquée de découvertes majeures, mais aussi de scandales très nombreux.
01:59Je retrace ici le long chemin vers la première loi sur la recherche médicale aux Etats-Unis et en France.
02:05Au centre de tous les débats, le consentement.
02:16Mais si on revient au problème du consentement, aujourd'hui on n'imagine pas faire une recherche sur un patient sans consentement.
02:21À l'époque, tu t'es posé la question, est-ce qu'on va en parler aux malades, on va lui raconter ce qu'on va lui faire ou absolument rien ?
02:27Honnêtement, avant 88, on informait peu les malades pour dire presque pas du tout, parce qu'on pensait qu'on travaillait pour leur bien.
02:36Quand on proposait des recherches cliniques, elles avaient une finalité thérapeutique, mais on n'informait pas les malades.
02:44Mes interrogations m'ont amené à étudier le procès des médecins à Nuremberg, procès qui avait révélé la période la plus noire de l'éthique médicale.
03:00Pour la première fois de l'histoire, de façon publique et médiatisée, c'est toute la recherche médicale sur l'homme qui est sur le banc des accusés.
03:07En dénonçant les pires abus commis par les médecins nazis, le procès interroge sur la légitimité de la recherche, sa nécessité et les risques qu'elle comporte.
03:27Tout commence à Nuremberg.
03:37En décembre 1946, un an après le procès international contre les dignitaires nazis, un tribunal militaire américain s'apprête à juger 23 médecins et administrateurs haut gradés pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
03:55Ils ont fait assassiner des patients psychiatriques et handicapés.
03:59Dans les camps de concentration, ils ont mené des expérimentations cruelles et souvent mortelles.
04:04Les déportés, leurs servets de cobayes humains, sans qu'elles soient prises en compte, leurs souffrances ou leur survie.
04:16La liste des expériences est longue.
04:19Inoculation du typhus, de la jaunisse épidémique ou du paludisme.
04:23Traitement de plaies volontairement infligées et infectées par la suite.
04:30Transplantation de muscles et greffes osseuses.
04:34Survie en mer et en eau froide.
04:45Stérilisation de masse par radiation.
04:48Réaction au gaz moutarde.
04:50Expérience avec du poison.
04:52Survie en haute altitude avec simulation de chutes vertigineuses sans oxygénation.
04:57Le procureur Telford Taylor décrit en détail l'atrocité des expériences en haute altitude.
05:06Dans une chambre de dépressurisation,
05:09on simule la chute d'un déporté sans oxygène,
05:12à grande altitude,
05:13pour en comprendre les effets sur les pilotes de la Luftwaffe.
05:16Certains des expériences sont mortes lors d'un expériment continué à haute altitude.
05:25Par exemple,
05:27après une demi-heure,
05:28à une haute de 12 kilomètres,
05:32les victimes qui n'ont mort
05:34à cause de ces expériences,
05:38ont sûrement pensé qu'ils avaient.
05:39Les 23 accusés,
06:04sans exception,
06:05plaident tous non-coupables.
06:07Comment des gens éduqués,
06:09des professeurs éminents,
06:11avaient-ils pu traiter des êtres humains
06:13comme des animaux de laboratoire ?
06:15Mon premier interlocuteur,
06:22Heiner von Graau,
06:23est médecin et historien,
06:25spécialiste d'éthique médicale.
06:30Après la guerre,
06:32de nombreuses personnes se sont posées exactement cette question.
06:35Comment des médecins ont-ils pu participer à de tels crimes ?
06:39Et une possible explication à laquelle beaucoup ont adhéré après la guerre,
06:45c'était de dire,
06:46ce sont des individus particulièrement mauvais,
06:49des criminels,
06:49des hommes méchants,
06:50en nombre limité.
06:52Cependant,
06:55plus on examine en profondeur
06:57les expérimentations qui ont eu lieu dans les camps de concentration,
07:00plus il s'avère que derrière tout cela
07:02se cache une véritable idéologie de la science,
07:05de la médecine scientifique.
07:09Heiner von Graau fait référence ici
07:11à un certain concept de la médecine moderne
07:13qui met le progrès scientifique au-dessus de toute valeur.
07:16Aujourd'hui,
07:22le procès des médecins
07:23est considéré comme une date majeure
07:25de l'histoire de l'éthique médicale.
07:33Paul Weidling,
07:34de l'Université d'Oxford,
07:36est un grand spécialiste de cette période.
07:38Tout au long du procès,
07:42un discours éthique
07:43interroge la justification
07:45et la légitimité
07:47des expérimentations médicales
07:50sur des sujets humains.
07:55Pour comprendre les enjeux du procès,
07:57le médecin-chercheur Andrew Ivey,
07:59expert de l'accusation,
08:01est un des personnages clés.
08:02On le voit ici,
08:11plus jeune,
08:12lors d'un congrès médical à Harvard.
08:15Au sujet du procès des médecins,
08:17il écrit
08:17« Un médecin devrait être
08:20plus proche de l'humanité
08:21que n'importe qui d'autre.
08:23Les sujets d'expérimentation
08:24devraient être volontaires.
08:27Un vrai scientifique
08:28devrait être un homme honnête,
08:30d'une grande moralité,
08:31au sens le plus noble du mot. »
08:36Ivey était absolument convaincu
08:40que pour l'avenir
08:41de la recherche médicale,
08:44un tel procès était nécessaire.
08:50Il fallait une évaluation précise
08:52de ces abus extrêmes.
08:55D'un autre côté,
08:58Ivey souhaitait obtenir un code
08:59pour les expériences médicales,
09:02une sorte de réglementation.
09:03Il avait mené des recherches
09:07pendant la guerre,
09:08par exemple sur le dessalement
09:10de l'eau pour la survie en mer.
09:14Il était donc bien placé
09:17pour comparer
09:17les expérimentations allemandes
09:19et les recherches américaines.
09:25Mais cela ne s'est pas passé ainsi.
09:28Contre toute attente,
09:29la défense allemande
09:30contre-attaque vigoureusement.
09:31entre Andrew Ivey
09:34et le professeur Gerhard Roseux,
09:36spécialiste de médecine tropicale,
09:38se joue un duel verbal tendu.
09:43Ivey connaît mal
09:43les inoculations
09:44de maladies infectieuses.
09:47Roseux cite de nombreux exemples
09:49pour démontrer
09:49que les expérimentations nazies
09:51étaient en fait
09:52une pratique courante
09:53de la médecine moderne.
09:54Il affirme que les Français
09:59Yersin, Sergent et Blancs,
10:01des pastoriens illustres,
10:03avaient fait exactement comme eux.
10:04Devant cette affirmation,
10:16je reste incrédule.
10:18Ce que Roseux pointe du doigt,
10:20ce sont des inoculations du typhus
10:22à des personnes en bonne santé
10:23faites par les disciples de pasteurs
10:26dans les colonies françaises.
10:28Il me fallait vérifier.
10:30Les expérimentations des pastoriens
10:31n'avaient certainement rien à voir
10:33avec celles des nazis.
10:38Le typhus est un des grands fléaux
10:40des armées,
10:41décimant les soldats
10:42par dizaines de milliers.
10:46En temps de guerre,
10:47savoir contrôler cette maladie
10:48est un atout majeur.
10:51Les nazis cherchaient
10:52à développer un vaccin
10:53qu'ils testaient
10:54sur des déportés internés
10:55à Buchenwald
10:56et Natsvay-Lostrotov.
10:59A l'époque,
11:00les scientifiques français
11:02avaient déjà trouvé
11:02un vaccin contre le typhus
11:04grâce aux travaux successifs
11:06de quatre grands médecins-chercheurs.
11:14Tout d'abord,
11:15Alexandre Yersin
11:16élève brillante pasteur.
11:19En 1906,
11:20il est le premier
11:20à démontrer
11:21que le typhus
11:22se propage d'homme à homme.
11:25Edmond Sergent
11:26identifie ensuite
11:27le vecteur du typhus,
11:28le pouls de corps.
11:30Pour lutter contre la maladie,
11:33il faut aller encore plus loin
11:34dans la connaissance
11:35et déterminer
11:36le mécanisme précis
11:37de sa transmission.
11:41Ce sera Charles Nicole
11:42qui recevra
11:43le prix Nobel de médecine
11:44pour ses travaux
11:45sur le typhus.
11:45Afin de mieux cerner
11:55leurs expérimentations
11:56sur la population autochtone,
11:59j'interroge Claire Fredge,
12:00spécialiste
12:01de médecine coloniale.
12:05Elle me fait remarquer
12:06la différence de taille
12:07qui existe
12:08entre les recherches
12:09des pasteuriens
12:09et celles menées
12:11par les médecins nazis.
12:12Dans les colonies,
12:15quand on regarde
12:16les expériences
12:17faites sur les humains,
12:20on ne trouve pas tant
12:22d'expériences,
12:23par exemple,
12:24d'inoculation
12:24d'une maladie
12:25sur d'homme à homme.
12:28C'est-à-dire que
12:29ces expériences existent.
12:34Charles Nicole
12:34en a parlé,
12:36il explique pourquoi.
12:37parce qu'il ne peut pas
12:38reproduire la maladie
12:39sur des animaux.
12:41Donc, il a besoin,
12:42finalement,
12:42pour ses travaux,
12:43de tenter de reproduire
12:45une maladie sur l'homme
12:46pour mieux comprendre
12:47le mécanisme.
12:50Mais quand on regarde,
12:51c'est quand même
12:52sur des nombres
12:52relativement limités
12:54d'individus.
12:55Et par ailleurs,
12:57Nicole le dit bien,
12:58c'est qu'il n'est pas question
12:59d'inoculer quelque chose
13:02qu'on ne peut pas contrôler.
13:03Georges Blanc,
13:10un élève de Nicole,
13:11a conclu ce cycle
13:12de recherche
13:13en développant un vaccin
13:14dans les années 30.
13:18Il organise des vaccinations
13:19de masse au Maghreb
13:20mettant un terme
13:22à la propagation
13:22de la maladie.
13:25Et il n'est pas le seul,
13:27c'est-à-dire que
13:27que ce soit en Pologne,
13:30en Allemagne,
13:30vous avez des travaux
13:32quand même sur
13:33la mise au point
13:34d'un vaccin
13:36contre le typhus.
13:38Alors Georges Blanc
13:39en met un au point
13:41et il le teste
13:42dans un pénitencier marocain.
13:46Je vois bien
13:47les points faibles
13:47de ces recherches
13:48faites dans les colonies.
13:50Des découvertes
13:51ont été obtenues
13:51grâce à des expérimentations
13:53sur l'homme,
13:54mais exclusivement
13:55sur des indigènes,
13:56comme on disait alors.
13:58Aujourd'hui,
13:59on utiliserait le terme
14:00de population vulnérable
14:01exposée à une certaine
14:03coercition.
14:05La justification scientifique
14:07était qu'ils développaient
14:08des formes de typhus
14:09beaucoup moins graves
14:10que la population
14:11des colons.
14:18Lors des expériences
14:19des pasteuriens,
14:21tous les sujets
14:21étaient surveillés
14:22attentivement
14:23par des médecins
14:23et soignés à l'hôpital.
14:25Et surtout,
14:28aucun mort
14:28n'a été à déplorer.
14:33Dans les camps
14:33de Buchenwald
14:34et de Natsweiler-Strothof,
14:36le taux de mortalité
14:37des expériences
14:38sur le typhus
14:39allait de 50
14:40à 100%.
14:42Je me replonge
14:55dans les archives
14:55du procès,
14:56bien conscient
14:57de la réalité
14:58des pratiques
14:58des chercheurs français
14:59à l'époque.
15:04À Nuremberg,
15:05les médecins nazis
15:06continuent de se défendre
15:07avec vigueur.
15:08Leurs arguments
15:11fragilisent
15:12l'expert de l'accusation,
15:14Andrew Hevy.
15:18On l'attaque maintenant
15:19sur des recherches
15:20faites tout récemment
15:21sur des prisonniers
15:22chez lui,
15:23aux Etats-Unis.
15:28La défense allemande
15:29répète son argument.
15:31Nous, médecins allemands,
15:32avons agi
15:33de la même manière
15:34que vous,
15:34médecins américains.
15:36Mais cette fois-ci,
15:37ils visent
15:38des pratiques contemporaines
15:39en insistant
15:40sur des recherches
15:40faites sur une population
15:41carcérale.
15:44L'historienne américaine
15:45Suzanne Lederer
15:46mesure l'enjeu
15:47pour Hevy.
15:49Aux Etats-Unis,
15:50de nombreuses
15:50expérimentations
15:51sont faites
15:52dans les présents.
15:53Toute comparaison
15:55entre les expériences
15:56médicales nazies
15:57et celles
15:59des Américains
15:59ne pouvait que nuire
16:02à un progrès rapide
16:04des chercheurs américains.
16:05Dilemme pour Hevy,
16:13la parole
16:13d'un autre expert
16:14de l'accusation.
16:16Le psychiatre
16:16Werner Leibrand
16:17était catégorique.
16:19Toute recherche
16:19sur des prisonniers
16:20est contraire
16:21à l'éthique médicale.
16:24D'après lui,
16:25en captivité,
16:26le consentement
16:27ne peut pas être considéré
16:28comme étant volontaire.
16:29Mais au sujet des prisonniers,
16:34Hevy ne cède pas.
16:37Les justifications
16:40pour de telles expérimentations,
16:42comme par exemple
16:42avec des prisonniers
16:43dans d'autres pays,
16:45se réfèrent toujours
16:46à un bien commun
16:46au nom duquel
16:47l'individu devrait faire
16:48des sacrifices.
16:49Leibrand
16:54s'est précisément élevé
16:56contre cette position
16:57en disant
16:57« Non,
16:59au premier chef,
17:01c'est le lien
17:01entre le médecin
17:02et le patient
17:03qui doit prévaloir. »
17:06Il a également déclaré
17:07« Les médecins-chercheurs
17:08sont aussi médecins
17:10et non seulement
17:11des scientifiques. »
17:13Pour cette raison,
17:14le bien individuel
17:15reste le seul repère valide.
17:16Les arguments
17:21de l'allemand Leibrand
17:22quant au lien
17:22entre médecin et malade
17:23sont essentiels.
17:31À ma grande surprise,
17:33j'apprends que c'est justement
17:34l'Allemagne
17:34de la République de Weimar
17:35qui avait produit
17:37le premier texte
17:38encadrant la recherche médicale
17:39dès 1931.
17:43Les nazis
17:43l'ont tout simplement
17:44ignoré.
17:46Depuis 1931,
17:55il existait une directive
17:56pour la recherche médicale
17:58sur l'homme.
17:59Cette directive
18:00fut émise
18:01par le ministère
18:01de l'Intérieur allemand
18:02et envoyée
18:04à tous les préfets
18:04du pays
18:05avec l'instruction
18:05de la faire appliquer
18:06dans les cliniques.
18:09Ce qui veut dire
18:10qu'il y avait
18:11bel et bien
18:11une réglementation
18:12de la recherche
18:13à laquelle
18:13les médecins
18:14devaient se conformer.
18:15D'un point de vue
18:17médico-éthique,
18:18cette directive
18:19existait.
18:21Elle avait été discutée.
18:24Elle devait donc
18:25être connue
18:25par les médecins
18:26et elle constituait
18:27le fondement juridique
18:28qui interdisait
18:29de telles expériences.
18:29une grande base
18:30qui a été créée
18:31de ces décisions.
18:33Les décisions
18:33sont présentes
18:34dans la courbe.
18:36Vous pouvez vous présenter
18:36vos honneurs.
18:37Tous les décisions
18:38sont présents
18:38dans le courbe.
18:42Dans le cas
18:43de l'Université d'Amérique
18:45contre Karl Brandt
18:47et d'autres
18:47qui sont présents
18:49avant ce tribunal.
18:51Dans sa conclusion finale, avant le verdict,
18:59le juge Sebring énumérera dix principes éthiques
19:02que l'histoire va retenir sous le nom de Code de Nuremberg.
19:06C'est le premier texte international encadrant la recherche médicale sur l'homme.
19:11Son article 1 dit
19:12« Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. »
19:21Et donc, ce procès devient un procès tout à fait unique.
19:29En fin de compte, c'est le seul procès à terminer
19:32avec une déclaration des trois juges et d'un juge adjoint
19:36encadrant les expérimentations médicales légitimes.
19:44C'était important pour les juges
19:47parce qu'ils avaient besoin de critères
19:50pour prononcer leur jugement
19:51qui allait de la peine de mort à l'acquittement.
19:55à l'acquittement.
19:56Président, cei de la question de la lutte mondiale,
19:59il y a dit « Ignace de l'apprendiriot et d'un juge
19:59«fauté de l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve contre l'épreuve. »
20:10Military Tribunal One has found and has judged you guilty of war crimes, crimes against humanity,
20:19and membership in an organization declared criminal by the judgment of the International Military Tribunal
20:25as charged under the indictment, heretofore filed against you.
20:31For your said crimes, on which you have been and now stand convicted,
20:37Military Tribunal One sentences you, Karl Brandt, to death by hanging,
20:45and may God have mercy upon your soul.
20:50The officer of the Guard will remove the defendant Brandt.
20:54Désormais, on aurait pu croire la cause entendue.
21:09Les médecins-chercheurs allaient respecter le code de Nuremberg,
21:13surtout aux États-Unis, le pays qui avait organisé le procès des médecins nazis.
21:17J'ai donc poursuivi ma quête, cap sur les États-Unis.
21:30L'Association médicale américaine a rapidement compris que la science serait la clé
21:37pour accroître le prestige de la profession médicale.
21:41Et elle était prête à défendre la recherche.
21:44Contre toute attente, le code de Nuremberg n'a pas été transformé en loi.
21:50Il n'a eu aucun effet.
21:53En tout cas, l'essor foudroyant de la recherche sur l'homme aux États-Unis
21:56n'en fut pas affecté.
21:57Nuremberg était plutôt vécu comme le procès de monstres.
22:13Il faut bien reconnaître que la barbarie nazie a eu peu d'équivalents.
22:18Donc, le procès de monstres et que ça s'appliquait à des monstres et non pas à la pratique quotidienne de la recherche.
22:25Et c'est ce qu'ont fait un petit peu les Américains après le procès de Nuremberg et le code qu'ils ne se sont pas appropriés.
22:31Si on dit voilà, ce qui a été fait avant, c'est des monstres, c'est des barbares.
22:35Plus jamais ça.
22:35Ça veut dire que nous-mêmes, qui ne ferons jamais ça, sommes des gens très bien.
22:42Didier soulève un point essentiel.
22:45En regardant exclusivement le côté monstrueux des expériences nazies,
22:48les médecins-chercheurs ne remettent pas en question l'éthique de leur propre recherche.
22:56Les expériences faites dans les prisons américaines,
22:59une question si âprement discutée à Nuremberg,
23:02continuent sans entrave.
23:03Il y a même un discours utilitaire qui vise à les justifier.
23:10Les injections de pathogènes n'ont pas été faites chez monsieur ou madame Tout-le-Monde.
23:17Elles ont été faites chez des gens colonisés, chez des prisonniers,
23:21donc des gens dont le corps était considéré comme vil et l'existence comme finalement peu digne de respect.
23:28Et ils pouvaient à travers ça, et même ça avait été dit dans les expériences des prisons américaines sur le paludisme,
23:33que ces gens-là se rachetaient en servant la société.
23:40Toute entreprise pharmaceutique américaine possédait un département de recherche dans des prisons fédérales,
23:48où des essais cliniques de phase 1 étaient réalisés sur des prisonniers.
23:51À l'époque, le développement des médicaments a littéralement explosé.
23:56En 1964, les médecins se dotent d'un guide de bonne pratique pour la recherche sur l'homme.
24:17Il sera connu sous le nom de Déclaration d'Helsinki.
24:23De nouveau, il s'agit d'un texte d'intention sans la force contraignante d'une loi.
24:29Helsinki introduit une distinction entre recherche thérapeutique,
24:33c'est-à-dire pour le bénéfice du malade,
24:35et recherche non thérapeutique pour le seul progrès des connaissances.
24:39Tu pourrais commenter un peu la distinction soin-recherche ?
24:43Tu as déjà abordé ce sujet.
24:45Oui, c'est un point fondamental parce qu'il a vraiment été obscur pendant très très très longtemps.
24:51Dans le soin, l'intérêt du patient et l'intérêt du médecin convergent totalement.
24:58Le patient souhaite être amélioré, voire guéri,
25:01et le médecin souhaite l'améliorer, voire le guérir.
25:04Dans la recherche, la question n'est plus là.
25:06Le chercheur cherche à valider sa théorie, à en faire une généralité,
25:12et donc la préoccupation, c'est de ne pas mettre en danger le malade.
25:17Paradoxalement, la recherche thérapeutique laisse plus de liberté au médecin.
25:22Il peut plus facilement s'affranchir du consentement de son malade.
25:26Dès lors que recherche et soins sont imbriqués, le contrôle en est plus difficile.
25:31Aux Etats-Unis, un médecin a le courage de tenter une réforme de la recherche
25:43qui serait portée par les chercheurs eux-mêmes.
25:47Face à l'inflation des expérimentations sur l'homme,
25:50l'anesthésiste renommé Henry Beecher, de l'université à Harvard, alerte la profession.
25:55En 1966, il relate dans un article de nombreux cas de recherche non-éthique
26:01et pourtant publié dans les meilleures revues scientifiques.
26:04Beecher a été très inquiet par ce qu'il a considéré comme une indifférence
26:13des jeunes médecins-chercheurs à l'égard de leurs patients
26:16et aussi par leur empressement de les exposer à des risques inutiles
26:21dans le but de faire avancer la recherche médicale.
26:23La version d'origine contenait 50 expérimentations non-éthiques.
26:31Avec le rédacteur en chef du New England Journal of Medicine,
26:36Beecher les a réduits à 22.
26:38Et le 16 juin 1966, le journal publiait l'article
26:43« Éthique et recherche clinique ».
26:46Il n'utilise pas le mot « cobaye humain ».
26:49Cela a été soigneusement supprimé.
26:52Il le considérait comme une bombe.
26:55Ce fut le cas.
26:56Un signal d'alarme pour la profession médicale américaine dans son ensemble.
27:07Mais Beecher ne changera pas la pratique de ses confrères.
27:10Bien au contraire,
27:12sa publication ne lui vaudra que des critiques sévères.
27:14Aux Etats-Unis,
27:19le grand scandale qui provoque enfin une législation sur la recherche sur l'homme
27:23éclate en 1972.
27:32Pour comprendre ce scandale,
27:34il faut retourner à ses débuts,
27:36en 1932, dans le sud des Etats-Unis,
27:38où sévit la syphilis.
27:39Pendant 40 ans,
27:49à Tosquilly,
27:50les médecins du service de santé publique
27:52suivent 400 hommes noirs
27:53atteints de syphilis,
27:55une maladie sexuellement transmissible très grave.
28:05Le but de l'étude,
28:06connaître l'évolution naturelle de la syphilis,
28:09c'est-à-dire sans aucun traitement,
28:11jusqu'à la mort des participants.
28:17En tant que médecin,
28:19cette décision m'étonne,
28:20car à l'époque,
28:21on connaissait déjà tout de la syphilis.
28:28Ruben Warren pointe le caractère problématique de l'étude.
28:31La syphilis était bien connue à l'époque,
28:35mais les traitements étaient inefficaces.
28:37On présumait qu'il y avait une différence biologique basée sur l'ethnicité,
28:41et l'idée était de savoir si cela était vrai.
28:45Nous le savions déjà à l'époque,
28:46et nous le savons aujourd'hui.
28:47Cette hypothèse est évidemment fausse,
28:49et c'est ce qui a rendu la soi-disant étude
28:52contraire à l'éthique et inappropriée dès le départ.
28:54Supposer qu'un corps noir
28:58réagirait différemment à la syphilis
28:59qu'un corps blanc
29:00est tout simplement raciste.
29:03L'étude n'apporte aucun savoir scientifique supplémentaire.
29:08J'interroge aussi la journaliste d'investigation,
29:11Jean Heller.
29:12Il n'y avait aucun blanc,
29:15et quand je leur ai demandé
29:17pourquoi cette étude n'incluait pas de personnes blanches,
29:20ils m'ont répondu que l'étude sur les blancs
29:22avait déjà été réalisée en Scandinavie.
29:28Quelle est la différence ?
29:32Les participants ignorent
29:34qu'ils font l'objet d'une recherche.
29:37Beaucoup ignorent même
29:38qu'ils sont atteints de syphilis.
29:41Les médecins les attirent
29:42par la gratuité annoncée des soins
29:44procurés par l'agence de santé locale
29:46et les médecins de l'État.
29:50Pourtant, on leur ment.
29:52Ils ne recevront aucun traitement.
29:54Pire, on les empêche de se faire traiter.
30:01On leur a dit qu'ils avaient du mauvais sang.
30:04Un ou deux des hommes
30:05ont découvert de quoi ils souffraient
30:07et se sont rendus dans une clinique voisine
30:09pour se faire soigner.
30:14On a envoyé leur infirmière sur place
30:16pour vérifier,
30:17et elle a confirmé la présence
30:19d'un des hommes à la clinique.
30:20Ils ont alors envoyé du monde
30:24pour le ramener chez lui.
30:26Et ils ont averti
30:27les directeurs de la clinique.
30:29Si jamais vous traitez à nouveau
30:31un syphilitique de Tuskegee,
30:33nous vous retirerons votre licence.
30:35Les médecins du service de santé publique
30:40continuent de tromper sciemment
30:42les sujets de la recherche.
30:44Ils procèdent à des ponctions lombaires,
30:47un acte médical douloureux
30:48aux fins d'analyse,
30:49qu'ils présentent comme un traitement.
30:51Les médecins veulent pratiquer des autopsies
31:02pour étudier les effets au long terme
31:04de la syphilis.
31:06Pour avoir accès au corps,
31:08ils proposent la prise en charge
31:09gratuite de l'enterrement.
31:10Dans le milieu médical,
31:24cette recherche n'est pas tenue secrète.
31:27Des articles scientifiques
31:28portant sur son avancée
31:29sont régulièrement publiés.
31:35L'étude aurait dû se terminer
31:36avec la découverte de la pénicilline
31:38dans les années 40.
31:40Un traitement antibiotique très efficace
31:41à tous les stades de la syphilis.
31:44Les médecins du service de santé publique
31:46décident de ne pas traiter
31:48les hommes de Tuskegee.
31:49Ils se contenteront d'observer
31:51l'évolution de la maladie.
32:06Ce même docteur John Heller,
32:08qui vant ici l'efficacité
32:09de la pénicilline,
32:10est responsable de l'étude
32:12de Tuskegee depuis 1943.
32:16Pourtant, sous sa direction,
32:17la décision est prise
32:19de ne pas traiter
32:20les hommes de Tuskegee
32:21sous prétexte
32:22qu'ils avaient atteint
32:23le stade tardif
32:24de la syphilis latente,
32:25non contagieuse,
32:27et que par conséquent,
32:28le traitement n'aurait pas d'effet.
32:29Cet archive datant de 1947
32:35le contredit.
32:36En 1966,
32:49Peter Buxton,
32:51du service de santé publique,
32:52apprend l'existence
32:53de l'étude.
32:56Il alerte sa hiérarchie
32:57qui refuse de réagir.
32:58Ces lettres arrivent
33:02dans les mains
33:02de John Heller,
33:03la journaliste
33:04avec qui je converse
33:05aujourd'hui.
33:07En juillet 1972,
33:09l'article de John Heller
33:10fait l'effet d'une bombe.
33:11Le New York Times
33:12en fait sa une,
33:13d'autres médias suivent.
33:15L'État est menacé
33:17de poursuite
33:17pour génocide.
33:19L'étude est enfin
33:19abandonnée.
33:21Elle aura duré
33:2240 ans.
33:23Après les révélations
33:25de l'étude
33:27de la syphilis
33:28de Tuskegee
33:29et les auditions
33:30présidées
33:31par le sénateur
33:31Ted Kennedy
33:32et la couverture médiatique,
33:35le Congrès
33:36a adopté
33:37la loi nationale
33:38sur la recherche
33:39en 1974.
33:41Ce fut la première
33:43législation fédérale
33:44sur l'expérimentation
33:45humaine.
33:47Elle a été modifiée,
33:48mais elle reste
33:49applicable aujourd'hui
33:50et continue
33:51de régir
33:52les pratiques
33:52des chercheurs
33:53médicaux.
33:58Le scandale
33:59de Tuskegee
34:00a profondément
34:01ébranlé
34:02les États-Unis.
34:03Pour autant,
34:05il a fallu
34:05attendre encore
34:0625 ans
34:06avant qu'un président
34:08prononce
34:08des excuses
34:09officielles.
34:11Ce qui a été fait
34:12ne peut pas être
34:13non-fait.
34:16Mais nous pouvons
34:17finir la silence.
34:19Nous pouvons
34:19arrêter
34:20de dérouler
34:20nos heads
34:21et nous pouvons
34:23regarder
34:23vous
34:24dans l'œil
34:25et enfin
34:26dire
34:27sur l'appel
34:28des gens américains
34:29ce que
34:30le gouvernement
34:31des États-Unis
34:31a fait
34:32croyant.
34:34Et je
34:35suis
34:36désolé.
34:37aujourd'hui,
34:45nous avons
34:45des cobayes
34:46professionnelles
34:47aux États-Unis.
34:48Pour gagner
34:49leur vie,
34:49ces gens
34:50acceptent de
34:50participer
34:51à une foule
34:51d'expérimentations.
34:54Les études
34:54ethnographiques
34:55montrent que
34:56ces personnes
34:57sont des immigrés,
34:58principalement des hommes
34:59de couleurs
35:00âgées de 20
35:01à 40 ans.
35:04Une ambulance
35:05fonce dans la nuit.
35:08Va-t-elle
35:08permettre de sauver
35:09une vie humaine
35:10à la limite
35:10de la résistance ?
35:12Tel est le drame
35:13quotidien
35:13qu'il fallait
35:14tenter de résoudre.
35:16Et en France,
35:17quel était
35:17l'effet du code
35:18de Nuremberg ?
35:20La recherche française
35:21redémarre
35:21doucement après-guerre.
35:23Les découvertes
35:24majeures viennent
35:25des États-Unis,
35:26inspirant toute une génération
35:27de jeunes médecins français.
35:30Tout au long
35:30des années 60,
35:31j'étais médecin
35:32en formation
35:33à l'assistance publique
35:34hôpitaux de Paris,
35:35ébloui par les fantastiques
35:36progrès de la médecine.
35:39La clé de ce combat victorieux
35:40contre la maladie
35:41et la mort,
35:42c'était bien entendu
35:43la recherche.
35:47Pendant mes années
35:48d'internat,
35:49le professeur
35:50Philippe Even
35:50était mon mentor.
35:54Tout ce qui était
35:55vivant en médecine,
35:56tout ce qui avançait,
35:57tout ce qui progressait
35:58venait des États-Unis
35:59et d'Angleterre,
36:01il fallait être nourri
36:03de la littérature
36:04de ces pays-là
36:05pour pouvoir raconter
36:07ce qu'étaient réellement
36:08la médecine
36:09et les maladies.
36:11Ça, c'est moi
36:11un congrès sans doute,
36:13il y a assez longtemps.
36:17Jeune médecin
36:17en réanimation,
36:19j'ai vécu
36:19cette période
36:20d'exaltation
36:20que la recherche
36:21procurait.
36:23Devant nous
36:23s'ouvrait le monde
36:24fermé des experts,
36:25les portes
36:26des congrès internationaux
36:27qui nous assuraient
36:28notoriété
36:29et carrière académique.
36:31Bruxelles,
36:32je pense.
36:37Ça, c'était
36:38un groupe
36:39international
36:40de recherche clinique
36:42avec un représentant
36:43par pays.
36:44Il y a tous les pays
36:45de l'Europe,
36:46je crois,
36:46probablement.
36:47Et moi,
36:47j'étais le français
36:49aussi,
36:49avec la moustache.
36:50En France aussi,
36:54la recherche médicale
36:56se fait en l'absence
36:56de loi
36:57encadrant
36:58les expérimentations
36:59sur l'homme.
37:00Le code de Nuremberg
37:01n'a pas été transposé
37:02dans la loi.
37:04Médecins-chercheurs,
37:05nous acceptions
37:06sans véritable questionnement
37:07la zone grise
37:08dans laquelle
37:08se déroulaient
37:09nos recherches.
37:10On ne ressentait pas
37:12la recherche clinique
37:13avant 1988
37:14comme clandestine.
37:16On pensait
37:17que c'était
37:18quasiment
37:18un devoir
37:20d'essayer
37:21de faire progresser
37:22la science,
37:23de participer
37:24au développement
37:25d'une spécialité,
37:26de pouvoir
37:27faire des publications
37:28et surtout,
37:30il filait
37:30d'essayer
37:31d'aider les malades.
37:32Parce qu'il faut
37:33se souvenir quand même
37:34qu'en 1975,
37:34il y avait très peu
37:35de médicaments.
37:36Il y avait très peu
37:37de techniques thérapeutiques
37:39qui marchaient.
37:39et on a vu
37:40tous les jours
37:41arriver des nouveaux
37:42médicaments
37:42avec des nouveaux
37:44progrès de la science.
37:44Et nous,
37:45on voulait s'inscrire
37:46dans ces progrès
37:47de la science.
37:53On était
37:54passionnés par là.
37:56Et c'était,
37:57moi je l'ai vu
37:58comme chef de service,
37:59un atout considérable
38:01pour faire une belle
38:02équipe médicale.
38:03Parce que les bons
38:04médecins,
38:04il faut les attirer
38:05pour avoir des bonnes
38:06équipes.
38:06Et leur proposer
38:07de la recherche,
38:08c'était imparable
38:09dans le cadre
38:10de l'attractivité
38:11d'un service.
38:12Moi,
38:12de mon souvenir,
38:13cette recherche
38:14que nous faisions
38:14était quand même
38:15relativement clandestine.
38:17Est-ce que tu as
38:17ce sentiment-là aussi ?
38:19Ou pas ?
38:19Moi, je ne dirais pas
38:21clandestine dans le sens,
38:23il y a deux sens pour ça.
38:24Il y a,
38:25elle ne l'était pas
38:26dans notre pratique.
38:27Tout le monde faisait
38:28de la recherche,
38:29à un certain niveau
38:30académique.
38:31Tout le monde savait
38:31que son voisin
38:32en faisait.
38:33non, la clandestinité,
38:35ce n'était pas
38:35vraiment le vrai terme.
38:37C'était au moment
38:38où il fallait
38:38adresser l'article
38:40pour publication
38:40quand on souhaitait
38:42publier dans une revue
38:43de langue anglaise
38:44puisqu'ils ont
38:45bien plus tôt que nous
38:46prêté attention
38:47à ce problème
38:48du consentement.
38:49Cette clandestinité,
38:51en ce sens-là,
38:51peut-être,
38:52mais pas dans la pratique courante.
38:54Moi, je n'avais pas eu
38:54ce sentiment.
38:55Un grand événement
38:58pour les malades,
38:59la visite du patron.
39:01Je dis clandestinité,
39:03je pourrais plutôt
39:03évoquer un non-dit,
39:05induit par le paternalisme
39:06qui dictait les rapports
39:07entre médecin et malade.
39:09Comme un père
39:10prenant des décisions
39:11pour ses enfants,
39:12le médecin pensait
39:13protéger ses patients
39:14en les laissant
39:15dans l'ignorance
39:16des choix thérapeutiques.
39:21Dans un tel climat,
39:24demander le consentement
39:25pour une recherche
39:26était difficilement concevable.
39:28À partir du moment
39:29où on apportait
39:30quelque chose
39:31de supplémentaire,
39:33on minimisait peut-être
39:34le risque,
39:35mais on n'informait
39:36pas les malades.
39:38Et on ne faisait pas
39:39signer un consentement
39:39comme on fait maintenant.
39:40On ne faisait pas
39:40signer un consentement,
39:41mais on avait même peur,
39:43pardon,
39:43on avait même peur
39:44dans l'information
39:45des malades
39:46de les affoler.
39:47Parce qu'il y a des malades
39:48qui étaient affolés.
39:50Nous, on pensait,
39:53on va leur proposer
39:53une thérapeutique
39:54qu'on pense adapter
39:55à la problématique
39:57qu'ils vont poser
39:57pour telle ou telle opération.
39:59Aller lui expliquer,
40:00ça va peut-être
40:01le mettre dans une angoisse
40:02absolument formidable.
40:04Donc, non,
40:05on n'informait pas
40:06parce qu'on voulait
40:07épargner au malade
40:08l'angoisse
40:08de cette information.
40:10Alors peut-être
40:10que c'était sûrement
40:11pas bien.
40:12En l'absence
40:14d'une loi spécifique,
40:16seules nos recherches
40:16faites avec l'intention
40:17de soigner le malade
40:18étaient tolérées.
40:21Avec cet effet paradoxal
40:23que nous pouvions
40:23dans ce cas
40:24nous affranchir
40:25de son consentement.
40:30Est-ce que j'avais
40:31le droit
40:32de soumettre
40:32des malades
40:33pendant 2 heures,
40:353 heures,
40:364 heures quelquefois
40:37sur une table
40:38de cathétérisme
40:39à des manipulations
40:41de sondes,
40:41des prélèvements
40:42de sang, etc.?
40:43Je pense que non.
40:45Je ne me suis même
40:46pas posé la question
40:46à l'époque
40:47et personne ne me l'a
40:48posé non plus.
40:49Mais je pense que c'était...
40:52J'ai aujourd'hui
40:54à me le reprocher.
41:09La motivation
41:15c'était une stimulation
41:18intellectuelle
41:19parce qu'on trouvait
41:21des idées
41:22par rapport
41:23à des processus
41:24pathologiques
41:25et des thérapeutiques
41:26qu'on pouvait appliquer.
41:28C'était également
41:28un bénéfice
41:29qu'on voulait apporter
41:30aux malades
41:31pour diminuer
41:32le risque
41:33qu'on leur faisait courir
41:34dans telle ou telle
41:35anesthésie
41:36ou lorsqu'ils avaient
41:37telle pathologie
41:38pour les améliorer.
41:40Donc il y avait vraiment
41:40un sentiment altruiste.
41:42Et puis il y avait également
41:43un bénéfice
41:45pour nous
41:46en termes académiques
41:47et de promotion
41:48parce qu'on était tous
41:50très très polarisés
41:51vers une carrière universitaire
41:52et la carrière universitaire
41:54se comptait uniquement
41:56au nombre de travaux
41:57de recherche
41:57qu'on avait pu mener à bien.
42:03Pour l'industrie pharmaceutique,
42:05le manque d'encadrement légal
42:07de la recherche
42:07est devenu un frein.
42:10Il y a un phénomène
42:12qui a été mis en place
42:13et qui a été identifié
42:14par la direction
42:15de la pharmacie.
42:16C'est l'étonnante médiocrité
42:18des dossiers déposés
42:20pour l'enregistrement
42:20des médicaments
42:21en France.
42:23Le premier problème
42:24qui se posait,
42:25c'est qu'on ne pouvait pas
42:26déposer une étude clinique
42:28française
42:29à l'international
42:31parce que les doutes
42:33sur le consentement
42:34étaient majeurs.
42:35Le dilemme des pharmacologues.
42:38Ils ne peuvent pas faire
42:39d'essais de phase 1,
42:40c'est-à-dire tester
42:41les nouveaux médicaments
42:42sur des personnes
42:43en bonne santé,
42:44une étape indispensable
42:45pour l'autorisation
42:46de leur mise
42:46sur le marché.
42:47Mais la loi de l'époque
42:50l'interdit.
42:58Pourquoi est-ce qu'on ne pouvait
42:59pas faire des essais
43:00sur le volontaire saint ?
43:01Pour une raison très précise,
43:03c'est que l'accès au corps
43:06d'autrui est pénalement
43:08sanctionné.
43:09Mais les médecins disposent
43:13d'un fait justificatif
43:15qui est l'état de santé
43:16du malade.
43:17S'ils ont accès
43:18au corps d'autrui
43:19dans l'intérêt
43:20de la santé du malade,
43:22tout va bien.
43:24Ils bénéficient,
43:25ils ne sont pas
43:25pénalement sanctionnés.
43:26L'industrie pharmaceutique
43:29a besoin d'un cadre légal
43:30adapté.
43:33Tout au long
43:33des années 80,
43:34les pharmacologues
43:35multiplient les démarches
43:37pour obtenir enfin
43:38une loi dédiée
43:38à la recherche sur l'homme.
43:49Plusieurs rapports
43:50recommandent aux législateurs
43:51d'encadrer la recherche
43:52sur l'homme.
43:55Mais les gouvernements
43:56successifs,
43:57même s'ils sont convaincus
43:58de la légitimité
43:59de sa demande,
44:00répugnent à légiférer
44:01sur un sujet
44:02aussi sensible.
44:05En effet,
44:06les atrocités nazies
44:07sont immédiatement brandies
44:09dès que l'expérimentation
44:10humaine sans finalité
44:12thérapeutique
44:12est évoquée.
44:13Pendant que le gouvernement
44:26tergiverse,
44:27plusieurs scandales
44:28vont rappeler
44:28l'urgence
44:29à légiférer.
44:33En 1985,
44:35en pleine angoisse
44:36du sida,
44:37mon ancien mentor
44:38Philippe Evan
44:38fait partie
44:39du trio de chercheurs
44:41qui annoncent un traitement
44:41par la cyclosporine.
44:44Une annonce
44:45faite très prématurément.
44:46La solution médicale
44:48de la tragédie du sida
44:49sera-t-elle française ?
44:50On a eu rendez-vous
44:53avec Mme la ministre
44:54Georgina Dufoy
44:55qui nous a écoutés
44:57avec intérêt.
44:59Elle a été séduite aussitôt.
45:00Elle a dit
45:00« Vous aurez la cyclosporine. »
45:04Mais elle ajoute
45:04« J'ai convoqué
45:05une conférence de presse
45:06pour que vous fassiez
45:08connaître votre hypothèse. »
45:10Ce qu'elle avait fait,
45:12c'est de prévenir
45:13l'agence internationale
45:16de presse
45:17de la découverte
45:18du mécanisme
45:21de cette maladie.
45:23Et que c'était
45:24une découverte française.
45:27Alors qu'on n'en était
45:28à rien.
45:28On n'avait encore
45:29traité que trois malades
45:31et encore pendant
45:31quelques jours.
45:33On n'avait donc absolument
45:34aucune réponse.
45:35C'est apparu
45:36comme un scandale
45:38scientifique
45:39et d'une certaine façon
45:40ça l'était.
45:42Mais j'en dénie
45:43la responsabilité
45:44je m'attendais
45:45à tout
45:45sauf
45:46à cette conférence
45:48de presse
45:48organisée par
45:49Mme Georgina Dufoy.
45:50Compte tenu
45:51si vous voulez
45:51de la force
45:52de notre hypothèse
45:53on a pensé
45:54que éthiquement
45:55et c'est un truc
45:56très pensant
45:57si vous voulez
45:57éthiquement
45:58on ne pouvait pas
45:59continuer
46:00si vous voulez
46:00à garder un secret
46:01pour
46:02marcher
46:06selon les lois
46:07de la déontologie
46:08scientifique
46:10habituelle
46:10qui consiste
46:11à faire
46:11expérimentation
46:12reproductivité
46:13sur un grand nombre
46:14de patients
46:15puis publication.
46:21La communauté
46:22scientifique internationale
46:23juge sévèrement
46:24l'affaire
46:25comme étant contraire
46:26à la déontologie
46:27scientifique.
46:28Trop peu de cas
46:29observés
46:30sur une durée
46:31trop courte
46:32et dévoilés
46:33au grand public
46:33sans l'avoir soumise
46:34à la vie des pères.
46:38Les scientifiques
46:39malades du sida
46:40avec le dossier
46:43scientifique
46:43présenté hier
46:44à l'Ainec
46:44a frisé
46:45le ridicule.
46:48C'est dur
46:49de s'en remettre
46:50un truc pareil.
46:54La même année
46:55un autre
46:56scandale médical
46:57révolte
46:57l'opinion publique.
47:00Le professeur
47:01Alain Millot
47:01anesthésiste
47:02au CHU
47:03Damien
47:03a expérimenté
47:05une transfusion
47:05sanguine
47:06intraosseuse
47:07sur un jeune homme
47:08plongé
47:08dans un coma
47:09chronique
47:09sans en informer
47:11les parents.
47:14Cette expérimentation
47:16avait valu
47:16au professeur
47:17Alain Millot
47:17un double blâme
47:18du Comité national
47:20d'éthique
47:20et de l'Ordre
47:21régional des médecins.
47:23Ce double blâme
47:24n'empêche pas
47:24Alain Millot
47:25de réaliser
47:25une deuxième expérimentation
47:27encore sur un comateux
47:28cette fois-ci
47:29en état de mort cérébrale.
47:32Vous avez fait
47:32une expérience
47:32sur quelqu'un
47:33qui est en coma
47:34dépassé
47:35mais sans son accord
47:35évidemment
47:36sans l'accord
47:36de sa famille
47:37et d'autre part
47:39ça ne pouvait
47:41servir en rien
47:41évidemment
47:42à l'amélioration
47:42de sa santé.
47:43C'est pour ça
47:44les deux standards.
47:45Mais je m'élève
47:46contre le mot
47:47personne
47:48M. Pivot
47:48il ne s'agissait pas
47:49d'une personne
47:50un mort
47:50n'est plus une personne
47:51et ça c'est fondamental.
47:53Nous avons le droit
47:55en France
47:55et ça se fait
47:56dans tous les hôpitaux
47:56français
47:57nous réalisons
47:58des autopsies
47:58des vérifications
48:00anatomiques
48:00sans demander
48:01l'accord
48:02des familles
48:02ni des comités
48:03d'éthique.
48:03Anesthésiste
48:05lui aussi
48:05le professeur
48:06André Liénard
48:07a suivi
48:07l'affaire de près.
48:10Voilà la machine
48:10et où sont
48:14les tuyaux ?
48:15Derrière.
48:18Le sujet
48:19était en état
48:19de mort cérébrale
48:20donc il était mort.
48:22En revanche
48:23un cadavre
48:28n'est pas
48:31n'est pas la propriété
48:32des médecins
48:33qui peuvent en faire
48:34ce qu'ils veulent.
48:36On peut
48:36et même
48:37on doit
48:37faire de la recherche
48:40et pourquoi pas
48:43chez les sujets
48:44en état
48:44de mort cérébrale
48:47mais
48:47aux conditions
48:49indiquées
48:50le diagnostic
48:51la rigueur
48:52est validée
48:54de manière
48:55collégiale
48:56et enfin
48:58avec
48:58l'accord
49:01de la famille.
49:04Devant la réprobation
49:06générale
49:06le conseil
49:07d'état
49:08recommande
49:08de légiférer
49:09sur la recherche.
49:11Une proposition
49:12de loi
49:12est initiée
49:13par les pharmacologues
49:14elle sera portée
49:15par le sénateur
49:16Claude Urieux.
49:19En 1988
49:2040 ans
49:21après le code
49:22de Nuremberg
49:23les élus français
49:24votent à l'unanimité
49:25la première loi française
49:26sur la recherche
49:28sur l'homme.
49:29Le projet de loi
49:30s'est fixé
49:31trois objectifs.
49:33D'abord
49:33assurer
49:34un fondement
49:35légal
49:35aux essais
49:36nécessaires
49:37au progrès
49:38des sciences médicales
49:39dans l'intérêt
49:41même
49:41des patients.
49:43Le deuxième
49:43objectif
49:44consiste
49:45à garantir
49:46les personnes
49:47qui acceptent
49:48volontairement
49:49de se prêter
49:50à de tels essais
49:51et le troisième
49:52objectif
49:53vise à reconnaître
49:54l'existence
49:55de par la loi
49:56des comités
49:57d'éthique.
50:00La loi Urie
50:01entre en vigueur
50:02en 1990.
50:04Parallèlement
50:05un mouvement
50:05venu de la société
50:06civile
50:07transforme profondément
50:08la pratique
50:09de la recherche
50:09médicale.
50:11Il n'y a toujours
50:12pas de remède
50:12contre le sida.
50:13nos amieurs
50:14nous sommes
50:15déterrées.
50:16Devant l'urgence
50:17de la mort,
50:18les malades
50:18s'organisent.
50:20Le sujet médical
50:21a été un de nos
50:22sujets de prédilection
50:23dès le départ
50:24dans la mesure
50:25où ce qui nous
50:28importait
50:28c'était de savoir
50:29est-ce qu'il y a
50:29une réponse ?
50:31De quoi est-on
50:32en train de parler ?
50:33C'est quoi
50:33cette maladie ?
50:34On voulait
50:35des réponses
50:36scientifiques,
50:39des réponses
50:39médicales.
50:40On était à peu près
50:45tous sur la même
50:46ligne
50:47de dire
50:48non mais attendez
50:49là on est en train
50:49de mourir
50:50donc nous
50:51on veut bien
50:52tester tout ce
50:52que vous voudrez
50:53c'est pas le problème
50:55c'est tester
50:55ou mourir.
50:56Je pense que
51:04ce que la lutte
51:07contre le sida
51:07a inventé
51:08c'est un truc
51:10qui existe aujourd'hui
51:11que tout le monde
51:12considère comme
51:13quelque chose
51:14dont on ne pourrait
51:15plus se passer
51:15qui s'appelle
51:16l'activisme thérapeutique
51:17c'est-à-dire
51:19le fait que
51:20les malades
51:20ont une interaction
51:21sur le travail
51:23des gens
51:23qui font de la recherche
51:25et qui les soignent.
51:26Grâce au travail
51:30des associations
51:31de malades
51:31les patients
51:32ont désormais
51:33une voie
51:33une place
51:34face aux médecins
51:35chercheurs.
51:37Depuis
51:37j'ai participé
51:39à la révision
51:39de la loi
51:40Hurrier
51:40en 2012
51:42la loi dite
51:43Jardet
51:44est promulguée.
51:46En 2014
51:47une réglementation
51:48européenne
51:49a encore précisé
51:49le dispositif
51:50d'encadrement
51:51de la recherche
51:51C'est-à-dire
51:53ça a été
51:53beaucoup aussi
51:54réglementé
51:56de fait
51:57Aujourd'hui
51:58la recherche médicale
51:59n'a plus rien à voir
52:00avec celle
52:01de mon époque
52:01Le consentement
52:05du patient
52:05est au centre
52:06La recherche
52:07conduite de façon
52:08collégiale
52:08est encadrée
52:09par la loi
52:09Les protocoles
52:14sont soumis
52:15et autorisés
52:15à la fois
52:16par un comité
52:17d'éthique
52:17et par l'agence
52:18du médicament
52:19sous le contrôle
52:20de tiers indépendants
52:21Des technologies
52:23nouvelles
52:24permettent
52:24de s'affranchir
52:25de plus en plus
52:25de l'expérimentation
52:27sur l'homme
52:27Sous-titres
52:57Sous-titres
Recommandations
54:23
|
À suivre
52:27
2:46