Les députés de la commission d'enquête auditionnent Ségolène Royal, ministre déléguée à l'Enseignement scolaire de juin 1997 à mars 2000, auprès de Claude Allègre, successeur de François Bayrou. Pour rappel, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête, après les révélations de violences au sein de Notre-Dame de Bétharram, pour faire la lumière sur les violences dans les établissements scolaires et le contrôle effectué par l'État.
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00:00:07Bonjour et bienvenue sur LCP.
00:00:09On va rejoindre la commission d'enquête
00:00:12sur les violences scolaires qui est née de l'affaire Betaram.
00:00:15De nombreuses personnalités ont été entendues par cette commission,
00:00:20à commencer par l'actuel Premier ministre François Bayrou.
00:00:23Une audition marathon de 5h30
00:00:26que vous avez pu suivre en direct sur LCP.
00:00:29Aujourd'hui, c'est une ancienne ministre de l'Education nationale
00:00:32qui est entendue, ancienne ministre socialiste.
00:00:35Il s'agit de Ségolène Royal.
00:00:37Les deux co-rapporteurs ont beaucoup de questions à lui poser
00:00:40et ils attendent des réponses. A tout à l'heure.
00:00:43Il nous a semblé indispensable de vous entendre
00:00:46pour au moins deux raisons.
00:00:47D'une part, lorsque vous étiez ministre délégué
00:00:50chargé de l'enseignement scolaire entre 1997 et 2000,
00:00:54vous étiez saisi de la question
00:00:56des violences sexuelles en milieu scolaire.
00:00:59En témoigne une circulaire,
00:01:02la circulaire n° 97.175 du 26 août 1997,
00:01:07publiée sous votre autorité
00:01:09et portant instructions concernant ce type spécifique de violences.
00:01:14D'autre part, le 18 février dernier,
00:01:17en réponse à une question de notre collègue Colette Capdevielle
00:01:22relative à ce qui est convenu d'appeler l'affaire Betaram,
00:01:25le Premier ministre, François Bayrou,
00:01:27a déclaré qu'il ne savait rien de cette affaire,
00:01:32mais que d'autres savaient.
00:01:34Dans la suite de son propos,
00:01:35le Premier ministre a ainsi évoqué
00:01:38certains ministres du gouvernement alors dirigés par Lionel Jospin,
00:01:41dont vous-même,
00:01:42jugeant inimaginable que ceux-ci
00:01:45aient pu ne pas tenir compte des signalements
00:01:47effectués par le procureur général de Pau en 1998.
00:01:51Votre témoignage nous sera donc précieux
00:01:55afin, entre autres, d'analyser la manière
00:01:57dont a pu évoluer la prise en charge des violences sexuelles
00:02:00en milieu scolaire au cours du temps
00:02:02et d'apporter votre éclairage sur ce cas particulier évoqué.
00:02:07Je précise que cette réunion est diffusée en direct
00:02:11sur le site de l'Assemblée nationale,
00:02:13puis qu'elle y sera consultable en vidéo.
00:02:15Elle fera aussi l'objet d'un compte-rendu écrit
00:02:18qui sera publié.
00:02:19Notre dialogue prendra la forme de questions et de réponses.
00:02:24Je commencerai par vous poser une 1re question,
00:02:26puis les rapporteurs, Violette Spilbou et Paul Vannier,
00:02:29prendront la suite des questions.
00:02:31Auparavant, madame la ministre,
00:02:33l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958
00:02:36relative au fonctionnement des assemblées parlementaires
00:02:39impose aux personnes auditionnées,
00:02:41dans le cadre de travaux d'enquête, de prêter serment,
00:02:43de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
00:02:46Je vous invite donc à lever la main droite
00:02:50et à dire, je le jure, en mettant le micro, s'il vous plaît.
00:02:54Je le jure.
00:02:55Je vous remercie.
00:02:56Donc je vous poserai 2 questions.
00:02:59Dans quel contexte et pour quelle raison
00:03:02avez-vous décidé d'élaborer la circulaire du 26 août 1997
00:03:06portant instruction concernant les violences sexuelles ?
00:03:09Et la 2e question, pouvez-vous en rappeler les grandes lignes
00:03:12et nous préciser quelles pratiques elle visait à clarifier
00:03:15ou à modifier ?
00:03:17Merci, madame la présidente. Madame, monsieur le rapporteur,
00:03:20je vous remercie de m'auditionner
00:03:22à l'occasion de ces importants travaux
00:03:25que vous conduisez sur la lutte contre les violences
00:03:29faites aux enfants, notamment les violences sexuelles.
00:03:31Et c'est vrai que votre question m'a conduit à me rappeler
00:03:35que je suis nommée ministre le 4 juin 1997
00:03:38et la circulaire sort le 26 août 1997.
00:03:42Donc c'est effectivement extrêmement rapide.
00:03:45Si j'ai fait cette circulaire, c'est par devoir moral,
00:03:48par conscience,
00:03:50parce que j'avais été confrontée en tant que députée des Deux-Sèvres
00:03:53dans ma circonscription à un cas terrible
00:03:55de violences sexuelles sur les enfants
00:03:57dans la commune de Saus-et-Vaucé.
00:04:00Et un jour, dans cette permanence d'une commune très rurale
00:04:02de ma circonscription, une maman vient me voir et me dit,
00:04:07voilà, mon petit garçon ne veut plus aller à l'école,
00:04:10il saute régulièrement par la fenêtre,
00:04:12il se met en danger, il va finir par se tuer.
00:04:15Et je viens vous voir, je ne sais pas comment faire.
00:04:19Et au lieu de transmettre à un assistant parlementaire
00:04:23ou me dire, oh là là, c'est compliqué,
00:04:26courage Fillon, etc.,
00:04:28j'ai pris...
00:04:29Je lui ai dit, madame, je vous crois.
00:04:32Et à ce moment-là, cette maman m'a regardée de façon estomaquée
00:04:37en me disant, mais c'est la première fois que l'on me croit.
00:04:41Donc j'ai suivi cette affaire qui me mène mieux encore aujourd'hui.
00:04:44Et donc c'était un instituteur,
00:04:48bien sous tous rapports, un notable local,
00:04:51associé au conseil municipal,
00:04:53ayant des responsabilités dans le monde syndical,
00:04:55intégré dans les associations locales,
00:04:59et qui procédait à des abus sexuels sur les enfants,
00:05:05les enfants fragiles,
00:05:07c'est ceux qui n'étaient pas les moins brillants de la classe,
00:05:11et il les emmenait au fond de la classe
00:05:14et il leur faisait des attouchements sexuels,
00:05:16à ce moment-là, la main dans le pantalon au fond de la classe,
00:05:19en disant aux autres, vous travaillez,
00:05:20je prends les élèves qui sont les moins bien travaillés
00:05:23pour leur donner un appui scolaire au fond de la classe.
00:05:27Et ce qui avait frappé la collègue,
00:05:30parce qu'il y avait deux classes contiguës,
00:05:32donc une institutrice dans l'autre classe,
00:05:35que je connaissais, et un jour,
00:05:37donc je lui dis, mais on me dit ça sur la carte,
00:05:39je les connaissais tous les deux, ces instituteurs,
00:05:41donc c'est pour ça que j'étais estomaquée, quand même.
00:05:45Et cette institutrice me dit,
00:05:47je n'ai pas osé parler jusqu'à présent,
00:05:50mais maintenant que vous m'en parlez,
00:05:51je vais vous dire quelque chose,
00:05:53c'est que les enfants qui étaient régulièrement abusés sexuellement
00:05:57allaient à l'école en se serrant la ceinture,
00:06:01en mettant des ceintures serrées autour de leur ventre,
00:06:05et les mamans ne comprenaient pas, les instituteurs ne comprenaient pas.
00:06:08En fait, ils essayaient de s'autoprotéger,
00:06:11et quand même, l'instituteur leur enlevait la ceinture,
00:06:13leur mettait la main dans le pantalon,
00:06:16et donc ensuite, le procès a eu lieu,
00:06:18et j'ai suivi ce procès, je ne les ai pas lâchés,
00:06:21et j'ai vu, justement, tous les mécanismes d'autoprotection,
00:06:26d'autodéfense, de transformation du coupable en victime,
00:06:31d'influence même sur l'état de sidération
00:06:35même de la juge d'instruction,
00:06:38qui, bien sûr, l'auteur des faits se présentait devant elle,
00:06:42se mettait à pleurnicher, je suis victime,
00:06:44et tous les mécanismes que l'on connaît dans toutes les affaires,
00:06:49je les ai décryptés à ce moment-là,
00:06:50et j'ai vu comment ça fonctionnait.
00:06:53Et je suis même allée au procès dans la salle d'audience,
00:06:56aux côtés des familles, parce que j'avais vu
00:06:58que l'Education nationale avait tellement peur,
00:07:01ne savait tellement pas comment procéder,
00:07:05qu'en plus, la protection juridique était accordée
00:07:08aux pédocriminels et pas aux familles,
00:07:12et pas aux enfants qui étaient seuls, isolés,
00:07:15dans la salle d'audience.
00:07:17Il n'y avait même pas une association
00:07:18pour qu'ils puissent se parler les uns entre les autres,
00:07:19donc je suis allée au tribunal à leur côté,
00:07:24et donc il y a eu la condamnation,
00:07:25mais ça a duré plusieurs années, quand même, à ces abus sexuels,
00:07:29et donc... et il s'est suicidé.
00:07:32Toujours le même mécanisme.
00:07:34Il s'est suicidé, et derrière, il y a un enfant qui s'est suicidé.
00:07:38Et je le connaissais, cet enfant.
00:07:40Donc cette histoire m'a tellement marquée
00:07:43que je me suis dit, si un jour,
00:07:45j'ai le pouvoir de faire quelque chose, je le ferai.
00:07:48Et il y a une autre affaire, aussi, toujours dans ma circonscription,
00:07:53c'est dans l'option sport-études de Poitiers,
00:07:59il y a un enfant qui se faisait violer tous les soirs
00:08:03dans l'internat,
00:08:05et un jour, je le rencontre, il me dit,
00:08:08j'ai vu que vous aviez agi pour les enfants de Sose-Vossé,
00:08:12moi aussi, ça m'est arrivé.
00:08:14Donc je l'ai accompagné également, il était devenu adulte,
00:08:17il m'a dit, j'ai eu beaucoup de mal avec mes enfants,
00:08:20donc je l'ai accompagné,
00:08:21enfin, je lui ai donné des conseils de psychologie, etc.
00:08:24Et ça m'avait même conduit à recruter une psychologue
00:08:28dans mon bureau de député à Mel, de ma circonscription,
00:08:32parce que je ne pouvais pas gérer,
00:08:33et j'avais dit, les personnes qui ont des problèmes de ce type,
00:08:38je les sentais tellement isolées
00:08:42que j'avais fait une permanence une fois par semaine
00:08:44d'une psychologue spécialisée sur l'écoute des enfants,
00:08:47et j'avais dit aux parents, aux adultes,
00:08:48si vous avez besoin de conseils,
00:08:51venez de telle heure à telle heure,
00:08:53il y a une psychologue gratuite qui est à votre disposition,
00:08:56que je rémunérais, donc, pour vous écouter.
00:09:00Et un jour, j'arrive, je vois une centaine de personnes,
00:09:04donc les gens étaient venus même des départements voisins,
00:09:07parce qu'il y avait juste ce lieu d'accueil et ce lieu d'écoute.
00:09:11Et je me suis dit, si jamais un jour,
00:09:13je suis en responsabilité de pouvoir faire quelque chose,
00:09:16je le ferai.
00:09:18Et c'est ce que j'ai fait en arrivant au ministère.
00:09:20Et j'ai eu cette chance, je vais dire,
00:09:21nous, au cours de cette audition,
00:09:23parce que sans la personne que j'ai recrutée à ce moment-là
00:09:26à mon cabinet, qui est un juge, Jean-Michel Ayat,
00:09:29qui était un juge extraordinaire, rigoureux, engagé,
00:09:34ne lâchant rien, vraiment tout le temps à mes côtés,
00:09:38parce que je n'avais pas que ce dossier
00:09:39en tant que ministre de l'Enseignement scolaire,
00:09:40j'avais la réforme des collèges,
00:09:41j'avais les zones d'éducation prioritaires,
00:09:43les écoles rurales,
00:09:44l'intégration des enfants handicapés à l'école,
00:09:46enfin, j'avais à coeur beaucoup d'autres dossiers.
00:09:50Et ce Jean-Michel Ayat,
00:09:51qui ensuite a fait d'ailleurs une carrière brillante
00:09:54dans la justice,
00:09:56parce qu'il est devenu 1er président de la Cour d'appel de Paris.
00:09:59Il a été là tout le temps, tout le temps, tout le temps,
00:10:02parce que ça n'a pas été facile.
00:10:04On a eu des levées de boucliers,
00:10:06on a eu des menaces de plaintes, etc.
00:10:09Et donc, cette circulait pour la 1re fois,
00:10:12et je l'ai annoncée à la réunion de recteurs.
00:10:17Je lui ai dit, voilà ce qu'on va faire,
00:10:19je vous demande de me faire remonter ce qui serait utile
00:10:23par rapport aux difficultés que vous avez eues
00:10:25pour gérer ce type de dossier.
00:10:27Et donc, je savais qu'en sortant la série...
00:10:29Ils ont travaillé rapidement, les recteurs,
00:10:30ils étaient soulagés,
00:10:32parce que personne ne leur avait jamais demandé ça, en fait.
00:10:34Et quand ils avaient des affaires,
00:10:35ils ne savaient pas comment les gérer.
00:10:37Et surtout, il y a tout le temps la menace
00:10:38des auteurs de crimes et délits
00:10:40de porter plainte en diffamation.
00:10:42C'est toujours le même rapport de force.
00:10:44Et il faut que vous sachiez, en plus,
00:10:45que dans l'éducation nationale,
00:10:47il y a encore cette vieille rengaine
00:10:49du film de Jacques Brel,
00:10:51les risques du métier,
00:10:53avec une adolescente qui accuse un enseignant
00:10:56et qui l'accuse, effectivement,
00:10:58où les faits sont inexacts.
00:11:00Et chaque fois que je regardais dans les procédures,
00:11:03c'était systématique la même ligne de défense.
00:11:07C'est faux, souvenez-vous des risques du métier,
00:11:10les coupables...
00:11:12Mais c'est vrai dans les abus sexuels sur les femmes,
00:11:14dans tous les abus.
00:11:15Ils se mettent à pleurer, je suis victime, etc.
00:11:18Et maintenant, systématiquement,
00:11:21si vous observez les procédures
00:11:24et les gens qui sont pris
00:11:26et qui sont jugés au pénal,
00:11:30au bout du compte, quand ils ont épuisé
00:11:32tous les arguments que l'on connaît par coeur maintenant,
00:11:35c'est... Ah oui, mais moi aussi,
00:11:37j'ai été victime d'abus sexuels dans mon enfance.
00:11:41Et ça, ça a de l'influence sur les jurés en cour d'assise.
00:11:44Et ça, ça a de l'influence sur les magistrats.
00:11:47Et ça, ça ne devrait plus pouvoir être utilisé
00:11:50sans apporter des preuves.
00:11:51Et quand on regarde les procès, qu'est-ce qu'on voit ?
00:11:54Que ceux qui accusent de leur avoir fait subir aussi
00:11:58des abus sexuels et dont c'est pas totalement anormal
00:12:01qu'à leur tour, ils en fassent subir aux autres enfants,
00:12:03pour que ça soit pas vérifiable,
00:12:05c'est toujours quelqu'un qui est mort.
00:12:06C'est l'arrière-grand-père, c'est le grand-oncle,
00:12:09c'est ceux-ci, c'est ceux-là.
00:12:11Toujours invérifiables.
00:12:12Et donc, ça, je vous le signale
00:12:14parce que c'est vraiment souvent un élément clé
00:12:16qui fait que les auteurs arrivent
00:12:19à avoir atténué leurs responsabilités.
00:12:21Donc, pour en revenir à ma circulaire,
00:12:24à notre circulaire,
00:12:25parce que je vais intégrer le juge Aïa dans mes travaux,
00:12:29d'abord, c'était la 1re fois que l'on disait
00:12:31ce que c'était qu'un viol,
00:12:33ce que c'était qu'une atteinte sexuelle,
00:12:35ce que c'était qu'une agression sexuelle,
00:12:37en rappelant le contenu du code pénal.
00:12:40Parce que c'est vrai que les ministères
00:12:41sont assez cloisonnés
00:12:43et que dans la formation des enseignants
00:12:45ou des cadres administratifs,
00:12:47il n'y a pas forcément une formation au droit pénal.
00:12:51Et donc, c'était important de le redire.
00:12:53Donc, le viol, les atteintes sexuelles,
00:12:55la corruption de mineurs,
00:12:57l'exploitation des images à caractère pornographique.
00:13:00Donc, déjà, à l'époque, on s'essouciait de l'utilisation.
00:13:04Ça existait déjà,
00:13:05les images de caractère pédopornographique.
00:13:09Et ensuite, arrive, en 2e, un peu contre mon gré,
00:13:13mais ça fait partie de la négociation,
00:13:17puisqu'il y avait comme une levée de bouclier sur mes noms,
00:13:20tout le monde va parler dans tous les sens, etc.
00:13:22Il ne faut pas faire ça,
00:13:24il faut juste donner des instructions orales, etc.
00:13:26Et j'avais même eu la volonté de dire non,
00:13:29et j'avais fait une déclaration à la télévision
00:13:32en disant un enfant ne ment pas.
00:13:33Un enfant qui parle d'un abus sexuel,
00:13:37ne ment pas.
00:13:38C'est déjà tellement dur de parler que quand il parle,
00:13:41il y a 5 éléments, on y reviendra peut-être,
00:13:44qu'il faut dire à un enfant qui commence à parler.
00:13:47Et pour contre-carrer...
00:13:49Et donc, j'avais été attaquée,
00:13:51y compris par mon ministre de tutelle, Claude Allègre.
00:13:53Ça n'avait pas été facile.
00:13:55Il m'a dit, mais qu'est-ce que c'est ?
00:13:56Elle dit n'importe quoi, un enfant ne ment pas,
00:13:57mais si, les risques du métier.
00:14:00Paf !
00:14:01Donc, on avait tenu bon avec Jean-Michel Ayad,
00:14:04mais pour rassurer les organisations professionnelles d'enseignants,
00:14:09le chapitre 2, c'est pas qu'est-ce que vous faites
00:14:12si vous avez un signalement,
00:14:14c'est les accusations sans fondement.
00:14:17Alors, les accusations sans fondement,
00:14:19avec la plainte en diffamation,
00:14:20avec l'action judiciaire,
00:14:23avec l'action référée pour atteinte à la présomption d'innocence,
00:14:27et pour montrer qu'on avait été soucieux d'un équilibre
00:14:29entre la présomption d'innocence et,
00:14:32même si c'était disproportionné, vous l'aurez compris,
00:14:34et la prise en compte de la parole de l'enfant,
00:14:38après la définition des infractions du code pénal,
00:14:42nous avions mis la présomption d'innocence,
00:14:45et que peut faire quelqu'un qui est injustement accusé,
00:14:49bien évidemment, et enfin, en 3e partie,
00:14:52les obligations de parler et d'agir prévues par la loi,
00:14:56parce que c'était un désert.
00:15:00Les gens ne savaient pas ce qu'ils pouvaient dire,
00:15:04ce qu'ils pouvaient faire,
00:15:05est-ce qu'il fallait aller au commissariat,
00:15:06est-ce qu'il fallait prévenir les parents,
00:15:09est-ce qu'il fallait écroire l'enfant,
00:15:11est-ce qu'il fallait demander à un médecin scolaire,
00:15:13ils ne savaient pas, c'était très compliqué.
00:15:17Comme j'avais directement vu la difficulté de gestion,
00:15:21même des proches, des collègues de cet instituteur pédophile
00:15:25qui ne savait pas comment faire,
00:15:27les élus aussi qui disaient, c'est pas possible,
00:15:30on le connaît, non, non, non, c'est absolument impossible.
00:15:33Mais j'ai dit, si, il y a plusieurs enfants
00:15:35et plusieurs parents qui ont témoigné.
00:15:38Et donc, il y avait ce protocole très précis
00:15:42de l'obligation légale qui s'impose à tous,
00:15:44les obligations de parler et d'agir,
00:15:46celles qui étaient prévues par la loi,
00:15:48celles qui sont spécifiquement prévues pour les fonctionnaires
00:15:51avec l'article 40,
00:15:52comment est-ce qu'on signale les faits,
00:15:55la connaissance directe des faits,
00:15:57la connaissance par oui-dire ou par rumeur,
00:16:00comment est-ce que vous gérez une rumeur,
00:16:03le soupçon aussi fondé sur les signes de souffrance,
00:16:07la rumeur, les témoignages indirects,
00:16:09ça, c'est toujours ce qu'il y a de plus difficile,
00:16:10c'est pas à vous de faire l'enquête,
00:16:12vous devez juste signaler qu'il y a vraiment un problème
00:16:15et approfondir la question,
00:16:17mais surtout que ce n'était pas à vous de faire l'enquête.
00:16:20Parce qu'il y avait aussi le souci
00:16:23des enfants qui étaient 10 fois, 15 fois interrogés.
00:16:27Ah bon ? Alors, par les parents, par les instituteurs,
00:16:30par les copains à l'école, par...
00:16:32Et à la fin, ils se rétractent.
00:16:34Donc la question de la prise en compte de la 1re parole
00:16:38et la façon dont elle va être gérée
00:16:40est absolument cruciale pour que l'enfant continue à parler.
00:16:45Y compris, donc toujours dans ce chapitre
00:16:48sur les soupçons fondés sur les signes de souffrance,
00:16:50la rumeur, les témoignages indirects,
00:16:53comment est-ce qu'on gère une rumeur
00:16:55et les témoignages indirects ?
00:16:56Quelle est la procédure ?
00:16:58Voilà, alerter l'inspection académique,
00:17:01protéger l'enfant,
00:17:03protéger la communauté scolaire, etc.
00:17:06Donc comment l'inspecteur d'académie fonctionne ?
00:17:09Il peut désigner dans l'urgence
00:17:10un inspecteur d'éducation nationale,
00:17:12juste faire un rapport objectif, etc.,
00:17:15et alerter les autorités judiciaires,
00:17:16médicales ou administratives.
00:17:19Ensuite, qu'est-ce qu'on fait du fonctionnaire mis en cause ?
00:17:22Donc là, il y a la suspension.
00:17:24Donc je...
00:17:25Et la circulaire est très claire,
00:17:27c'est la suspension,
00:17:29et c'est ça qui avait créé un malentendu,
00:17:32parce qu'on dit oui, mais s'il est suspendu,
00:17:33ça veut dire qu'on considère qu'il est coupable
00:17:36avant d'être jugé.
00:17:37Et donc c'est pour ça que l'éducation nationale
00:17:39ou que les institutions dans lesquelles ça se passe,
00:17:42parce que c'est pareil dans le sport,
00:17:43dans les activités périphériques de l'école, etc.,
00:17:46à tous les lieux qui accueillent de l'enfance,
00:17:49ah ben non, on bouge pas, parce qu'on va attendre
00:17:51la condamnation pénale.
00:17:52Mais non, la condamnation pénale, c'est très long.
00:17:55Donc c'est la suspension, c'est tout.
00:17:58Surtout quand il y a des faits qui sont avérés,
00:18:01c'est la suspension immédiate,
00:18:03avec la délicate explication du fait de dire
00:18:07qu'il y a une suspension aussi pour le protéger.
00:18:11Et ensuite, si au bout de l'instruction pénale
00:18:14et de l'instruction pénale,
00:18:18il n'y a pas de condamnation,
00:18:19eh bien à ce moment-là, il y a la suite qui est donnée,
00:18:22ou bien il y a une condamnation,
00:18:23et à ce moment-là, il y a la procédure disciplinaire.
00:18:26Donc il faut bien distinguer la suspension
00:18:29à titre provisoire et à titre de protection,
00:18:32finalement, du mis en cause,
00:18:35de la procédure disciplinaire,
00:18:37qui, en effet, intervient après la condamnation pénale.
00:18:42Les sanctions disciplinaires,
00:18:43donc que je rappelais dans cette circulaire,
00:18:46et enfin, l'assistance morale,
00:18:50ça, j'y avais tenu, je me souviens,
00:18:52l'assistance morale et matérielle de l'enfant et de la famille.
00:18:55J'avais tellement vu le désespoir, le désarroi,
00:18:58mais l'abandon des familles,
00:19:01qu'il fallait mettre ça,
00:19:03et je pense que c'est toujours pas appliqué, ça.
00:19:05C'est-à-dire, mais non, je rappelais quand même
00:19:08qu'il y avait l'accès à l'aide juridictionnelle,
00:19:11les services sociaux du Conseil général
00:19:16qui peuvent être mobilisés.
00:19:21Je rappelais d'ailleurs que la mission essentielle
00:19:24de protection morale et physique des mineurs
00:19:26est assurée par le service de l'aide sociale à l'enfance
00:19:30en liaison avec le service départemental
00:19:32de la protection maternelle et infantile.
00:19:35Et j'ajoutais, il est important de noter
00:19:38que le président du Conseil général
00:19:39doit aviser sans délai l'autorité judiciaire
00:19:42lorsqu'un mineur semble victime de mauvais traitements
00:19:45et qu'il est impossible d'évaluer la situation
00:19:48et que la famille refuse manifestement
00:19:50d'accepter l'intervention de l'aide sociale à l'enfance
00:19:53parce qu'elle ne sait pas encore de quoi il retourne.
00:19:56Donc, si vous voulez, on avait eu le souci aussi
00:19:59d'associer, justement, les services de protection
00:20:02de l'enfance dans l'assistance morale et matérielle
00:20:06de l'enfance et de la famille.
00:20:07C'est-à-dire que quand l'Education nationale
00:20:09prend une initiative, il faut derrière, bien évidemment,
00:20:13que les services du Conseil général
00:20:16apportent cette assistance.
00:20:18L'assistance psychologique à la communauté scolaire, enfin.
00:20:21Chapitre 9, la coordination
00:20:24entre l'Education nationale et la justice,
00:20:26parce que c'était ça qui était difficile aujourd'hui.
00:20:28La justice disait, non, vous ne mêlez pas de ça.
00:20:30L'Education nationale dit, c'est pour nous, c'est la justice.
00:20:33Donc, c'était compliqué.
00:20:34Donc, il avait fallu aussi rappeler
00:20:36les conditions d'une bonne coordination
00:20:38entre l'Education nationale et la justice.
00:20:41Et enfin, l'application de l'instruction
00:20:44à l'enseignement privé.
00:20:46Et ça, ça avait effectivement donné lieu à un débat.
00:20:48Et l'application aux enseignements privés sous contrat.
00:20:54Alors, pourquoi est-ce qu'il y a ça à la fin de la circulaire ?
00:20:57Parce que c'était pas indispensable de le mettre,
00:21:00dans la mesure où la circulaire s'adresse
00:21:03à tous les établissements scolaires.
00:21:05Mais je me souviens de Jean-Michel Hayat, justement,
00:21:09qui avait dit, moi qui regardais tous les dossiers,
00:21:12il faut absolument...
00:21:14Et les recteurs avaient posé la question.
00:21:16En disant, mais est-ce que ça s'applique aussi
00:21:17aux établissements privés ?
00:21:20Et donc, on s'était dit, on va faire un chapitre pour...
00:21:23Alors que c'est exactement la même procédure.
00:21:26Donc, c'était compliqué.
00:21:28Enfin, en tout cas, il y avait une question.
00:21:29Est-ce qu'il faut refaire un chapitre spécifique ?
00:21:31Alors que c'était exactement les mêmes obligations,
00:21:33la même procédure, etc.
00:21:35Et la réponse avait été oui.
00:21:36Et c'est pour ça qu'il y a deux paragraphes assez courts,
00:21:39puisque c'est la même procédure.
00:21:40Mais pour qu'apparaissent vraiment le nom
00:21:43établissement d'enseignement privé
00:21:45et établissement d'enseignement privé sous contrat.
00:21:48Car les recteurs demandaient,
00:21:49mais c'est tous les établissements d'enseignement privé
00:21:53ou que ceux sous contrat ?
00:21:54Et donc, c'était aussi à la demande des recteurs
00:21:57qu'on avait clarifié ce dispositif.
00:22:01Voilà, brièvement, parce que c'est une circulaire assez...
00:22:04Merci beaucoup.
00:22:05Je vais résumer ce document qui, je l'espère,
00:22:10a permis de lever la loi du silence dans beaucoup d'endroits.
00:22:15Merci.
00:22:16Je donne la parole maintenant à la rapporteure Spilbou
00:22:19pour vous poser une question.
00:22:27Merci, madame la ministre.
00:22:28Effectivement, on va continuer de s'attarder
00:22:30sur cette circulaire qui date d'il y a 25 ans.
00:22:34Et quand on la relie dans le détail
00:22:36et dans toutes les précisions que vous avez mentionnées
00:22:38de façon non synthétique,
00:22:40on constate à quel point elle est encore d'actualité.
00:22:43C'est assez glaçant, d'ailleurs,
00:22:44par rapport à tout ce qui s'est passé depuis.
00:22:47Et en revenant sur certains paragraphes,
00:22:49on va pouvoir, justement, voir quelles sont les raisons
00:22:53pour lesquelles une partie de ce qui a été mis
00:22:55dans cette circulaire n'ont pas poursuivi
00:22:58dans leur efficacité dans le temps.
00:23:00Alors, dans cette circulaire,
00:23:01vous revenez sur la parole de l'enfant.
00:23:02Vous avez insisté, là, dans votre intervention,
00:23:05et notamment dans le cas d'un soupçon
00:23:08des signes de souffrance, de rumeurs
00:23:09ou de témoignages indirects,
00:23:12où la situation est délicate.
00:23:14Et dans cette circulaire, vous expliquez
00:23:16que pour éclairer le triple souci
00:23:19de protéger l'enfant, la communauté scolaire,
00:23:21mais aussi l'honneur et la considération
00:23:23de la personne indirectement mise en cause,
00:23:26les autorités peuvent confier une mission à un inspecteur,
00:23:30mais il n'appartient à personne
00:23:32au sein de la communauté scolaire
00:23:34de valider d'une quelconque manière
00:23:37la parole de l'enfant.
00:23:39Et dans l'article du Monde, qui, en juillet,
00:23:41parle de la préparation de cette circulaire,
00:23:44en 1997, il est précisé que la circulaire Bayrou,
00:23:48qui était parue au bulletin officiel du 22 mai 97,
00:23:52précisait qu'en cas de présomption de maltraitance,
00:23:54le président du Conseil général devait être saisi,
00:23:57l'inspecteur d'académie était informé de cette saisine.
00:24:00Donc est-ce que vous arrivez à vous souvenir,
00:24:03alors je sais que ça date d'il y a 25 ans,
00:24:05en fait, le pas qui a été franchi dans cette circulaire
00:24:09que vous avez citée en août,
00:24:10par rapport à la circulaire Bayrou de mai 97,
00:24:13sur le sujet de la prise en compte de la parole de l'enfant,
00:24:16de la non-répétition éventuelle,
00:24:17la différence que faisaient ces deux instructions ?
00:24:23Merci pour votre question.
00:24:24Je pense que l'instruction était plus claire
00:24:26que celle de 97,
00:24:29parce qu'elle s'intégrait dans un dispositif global
00:24:32de respect de la parole de l'enfant.
00:24:36Car cette circulaire n'a pas été juste une circulaire,
00:24:39elle a été accompagnée d'un travail opérationnel
00:24:42dans les écoles sur la question de la prise en considération
00:24:46de la parole de l'enfant.
00:24:48Et en particulier, je connaissais ce qui avait été fait au Canada,
00:24:52qui était le pays le plus en avance à ce moment-là,
00:24:55et avec toute une équipe qu'on avait structurée
00:24:58et distribuée dans toutes les écoles,
00:25:00un petit document qui avait été longuement élaboré,
00:25:03qui s'appelait Mon corps, c'est mon corps,
00:25:04j'ai le droit de dire non.
00:25:07Et avec l'élément clé qui concerne les enfants,
00:25:10c'est ce qu'on leur dit quand ils parlent,
00:25:13on leur dit cinq choses, on leur dit je te crois,
00:25:17ce n'est pas de ta faute,
00:25:19tu as bien fait de parler parce que tu vas protéger d'autres enfants,
00:25:22maintenant, on va te protéger et ça ne t'arrivera plus.
00:25:26Et donc, à partir de ces éléments qu'on aurait encore besoin
00:25:30de répéter aujourd'hui, c'est ça qui est aberrant,
00:25:32au bout de 25 ans, on a encore besoin de répéter ça,
00:25:35parce que souvent, on parle aux enfants de travers
00:25:39et on leur dit cette fameuse phrase,
00:25:41tu crois que c'est vrai ?
00:25:44Ça vous rappelle quelque chose, cette fameuse phrase ?
00:25:46Tu crois que c'est vrai ?
00:25:49Et les mots qui empêchent à l'enfant de parler,
00:25:53c'est ceux-là, c'est tu es sûr ?
00:25:55Mais tu crois ? Non, c'est comme quelqu'un de très bien,
00:25:58mais comment ça se fait ?
00:25:59Non, non, c'est tu es sûr ? Tu es vraiment sûr ?
00:26:01Tu crois que c'est vrai ?
00:26:03Et donc, si vous dites à un enfant tu crois que c'est vrai,
00:26:07au lieu de lui dire je te crois,
00:26:10l'enfant se dit non seulement j'ai du mal à parler,
00:26:13mais en plus, ma parole est mise en doute,
00:26:16donc il va falloir non seulement que j'arrive à convaincre
00:26:19la personne qui est censée me protéger,
00:26:22et en plus, si elle ne me croit pas,
00:26:23et comme il a eu les mécanismes aussi d'autoprotection
00:26:28du violeur ou de l'abuseur sexuel,
00:26:30qui lui a dit quoi ?
00:26:32Comment est-ce qu'on écrase un enfant ?
00:26:34On lui dit, c'est assez simple,
00:26:36on lui dit si tu parles, personne ne te croira,
00:26:41si tu parles et que personne ne t'a cru,
00:26:44je vais t'en faire encore pire,
00:26:46si tu parles et que personne ne te croit,
00:26:49tu vas vraiment faire de la peine à tes parents,
00:26:51si tu crois que personne ne te croit.
00:26:53Donc, tu vas...
00:26:54Et si tu...
00:26:56Et tu sais que de toute façon, c'est toi qui as commencé,
00:26:59réfléchis bien, c'est toi qui as commencé.
00:27:03Et donc, à ce moment-là, l'enfant va s'enfermer,
00:27:05et donc, si l'adulte qui est censé le protéger,
00:27:09à qui l'enfant va souvent donner par bribes,
00:27:11il va dire un petit truc, pas grand-chose,
00:27:13il va dire tiens...
00:27:15Donc, il faut savoir aussi entendre un enfant
00:27:17qui commence à parler,
00:27:20et si l'enfant ne lui dit pas ses éléments clés,
00:27:23si l'adulte ne lui dit pas ses éléments clés,
00:27:25en particulier, je te crois et tu as bien fait de parler,
00:27:27et ce n'est pas de ta faute,
00:27:29à ce moment-là, l'enfant va s'enfermer.
00:27:31Et donc, la circulaire, elle était accompagnée
00:27:34de cet outil pédagogique qui avait été distribué
00:27:37dans les écoles et qui n'aurait jamais dû s'arrêter.
00:27:39Honnêtement...
00:27:41Honnêtement...
00:27:43Si ces documents avaient été maintenus,
00:27:45la distribution avait été maintenue dans les écoles
00:27:48au bout de 25 ans,
00:27:50vous ne croyez pas qu'on aurait éradiqué le problème ?
00:27:53Et donc, au-delà, je vous parle avant en tant que parlementaire,
00:27:56ça pose la question de savoir, mais quand les ministres changent
00:27:59et qu'ils ne font pas attention au travail
00:28:01qui a été fait avant eux, pas mon travail,
00:28:04le travail des recteurs, des gens de terrain,
00:28:06des magistrats, etc.,
00:28:08et qu'ils chamboulent les choses parce qu'ils n'ont pas...
00:28:10Souvent même pas par mauvaise intention,
00:28:12mais par désinvolture
00:28:13ou parce qu'ils n'ont pas forcément compris l'intérêt.
00:28:17Vous voyez, donc, je pense qu'il devrait y avoir un suivi,
00:28:19mais avant de détruire quelque chose,
00:28:22il faudrait une évaluation, même parlementaire,
00:28:25de dire, vous détruisez ça, mais pourquoi, comment ?
00:28:27Avantages, inconvénients, risques, etc.
00:28:30Et c'est ça qui...
00:28:32Quand on se dit qu'il y a 25 ans,
00:28:34c'est ça qui est désolant, finalement,
00:28:36de se dire qu'aujourd'hui encore,
00:28:37on est obligés de répéter les mêmes choses
00:28:41par rapport à des générations d'enfants
00:28:43qui ont subi ces sévices.
00:28:50Merci, madame la ministre.
00:28:51Toujours dans cette initiative de l'été 97,
00:28:54juste après votre prise de fonction,
00:28:56le ministère proposait la création dans chaque académie
00:29:00d'un centre de ressources
00:29:02composé de représentants de l'administration,
00:29:05de personnels médicaux et sociaux
00:29:08qui devaient avoir pour tâche,
00:29:10sous la responsabilité du recteur,
00:29:12de gérer les situations de crise
00:29:14avant que la justice ne soit saisie.
00:29:17Est-ce qu'à votre connaissance,
00:29:19après la circulaire, ces centres de ressources
00:29:21ont été mis en place ?
00:29:23Comment vous en avez effectué le suivi
00:29:25dans votre ministère à vous ?
00:29:27Et est-ce que vous avez connaissance du suivi ultérieur ?
00:29:33Le suivi me concernant, oui,
00:29:35je pense que Jean-Michel Ayad était là,
00:29:38et c'était vraiment le pilier de cette action,
00:29:41et j'ai pu en évaluer l'efficacité et le suivi
00:29:45parce qu'on nous réunissait, on est recteur,
00:29:47vous savez, toutes les semaines.
00:29:49Et ce point-là, je l'avais mis systématiquement
00:29:51à l'ordre du jour, la lutte contre les violences
00:29:53faites aux enfants, parce qu'il y a eu d'autres sujets.
00:29:55J'ai voté une loi contre le bizutage,
00:29:57contre la raquette, etc.
00:29:59Donc j'ai mis en place les conseils de locaux de sécurité,
00:30:02donc il y avait d'autres sujets
00:30:03sur la question des violences faites aux enfants,
00:30:06et c'était un point qui était mis systématiquement
00:30:08à l'ordre du jour.
00:30:10Et ce qui était réconfortant,
00:30:12c'est de voir que les recteurs étaient soulagés
00:30:16d'avoir des instructions.
00:30:17Vous voyez, rien n'est pire que de ne pas savoir
00:30:21et de sentir que l'autorité qui vous donne des instructions
00:30:24flotte ou vous dit un truc, mais sans désintérêt, etc.
00:30:28Là, ils avaient compris, d'abord, qu'ils avaient un interlocuteur
00:30:30à mon cabinet qui était le juge Ayad, d'une part,
00:30:33donc ça, c'était quelque chose de très solide
00:30:36et de très sécurisant
00:30:37par rapport à l'administration de l'éducation nationale,
00:30:40d'une part, et d'autre part,
00:30:41ils savaient qu'il y avait un suivi.
00:30:47Juste une précision sur ce que vous venez de répondre,
00:30:50qui m'a un peu étonnée.
00:30:51Vous avez, avec une grande émotion,
00:30:54évoqué ces souvenirs très précis des signalements
00:30:57et des faits de violences sexuelles sur des enfants
00:30:59qui vous ont conduits,
00:31:00au moment où vous avez pris les responsabilités,
00:31:02à organiser cette circulaire et son suivi,
00:31:05avec, y compris, des ressources spécifiques,
00:31:08et vous avez dit, après, je ne sais pas.
00:31:11C'est-à-dire que, après votre départ du ministère,
00:31:15et donc, est-ce que vous pouvez revenir là-dessus ?
00:31:18Ça peut surprendre dans l'engagement politique,
00:31:20parce que j'imagine que vous ne vous êtes pas désintéressés
00:31:23de ces questions,
00:31:25mais est-ce que c'est-à-dire que, lorsqu'il y a un successeur,
00:31:27alors, c'est peut-être une question faussement naïve,
00:31:30mais c'est aussi pour éclairer ceux qui nous écoutent
00:31:32sur la façon dont l'action publique perdure
00:31:35et est efficace dans le temps.
00:31:37Lorsqu'un nouveau ministre arrive,
00:31:38est-ce que vous avez eu un entretien
00:31:40ou est-ce que vous avez échangé ou souhaité
00:31:43transmettre un certain nombre de sujets
00:31:45qui vous semblaient prioritaires à votre successeur ?
00:31:48Est-ce que vous avez continué ou pas à poser des questions
00:31:51sur ce sujet des violences sexuelles
00:31:52si elles vous ont entheurté ?
00:31:54Voilà, on pourrait se dire que ce n'est pas
00:31:55parce que vous n'êtes plus ministre
00:31:57que vous ne vous sentez pas...
00:31:59Alors, comptable, ce n'est peut-être pas le mot,
00:32:00mais en tout cas concerné par les questions.
00:32:04Tout à fait. Ma réponse portait sur le fonctionnement administratif,
00:32:07du suivi des centres de ressources dans les rectorats.
00:32:12Mais bien sûr, j'ai non seulement continué à suivre,
00:32:15que je suis devenue ministre de l'Enfance ensuite.
00:32:19Donc, je passe du ministère de l'Enseignement scolaire
00:32:22au ministère de l'Enfance,
00:32:23où je continue d'ailleurs à être vigilante
00:32:25et où, là aussi, je fais voter un certain nombre de textes,
00:32:29et notamment la question de la prostitution des mineurs,
00:32:33que j'interdis, et puis la loi sur l'autorité parentale,
00:32:37qui a encore un grand espace
00:32:40sur la lutte contre les violences faites aux enfants
00:32:42dans cette loi sur l'autorité parentale.
00:32:44Et en particulier, comme j'avais créé,
00:32:46étant justement au ministère de l'Education,
00:32:49l'association des parents à l'école
00:32:50avec la création d'une semaine des parents à l'école
00:32:52pour bien articuler la responsabilité éducative des parents
00:32:57et la responsabilité éducative des enseignants,
00:32:59j'avais veillé, en rebasculant
00:33:01du côté du ministère de la Famille et de l'Enfance,
00:33:04à la continuité de ces actions.
00:33:05Tout à fait.
00:33:10Est-ce à dire que lorsque vous étiez ministre de l'Enfance,
00:33:12vous étiez assuré que ce guide,
00:33:14mon corps, j'ai le droit de dire,
00:33:15n'ont continué d'être distribués
00:33:18au niveau du ministère de l'Education nationale
00:33:20dans l'ensemble des établissements publics et privés ?
00:33:24En tout cas, j'ai transmis à mon successeur,
00:33:26et je pense que ça a été fait,
00:33:28et je ne sais pas qu'à un moment, ça s'est arrêté, ça s'est étoilé.
00:33:31Je ne sais pas pourquoi.
00:33:32Ce serait intéressant, d'ailleurs,
00:33:33que votre commission d'enquête puisse savoir
00:33:35à quel moment ça s'est interrompu.
00:33:40Oui, on va regarder ça, effectivement,
00:33:41parce que c'est un exemple, on pourrait en choisir d'autres,
00:33:44mais de la façon dont l'Etat contrôle,
00:33:47mais aussi accompagne ce sujet de prévention des violences
00:33:50et qui peut nous intéresser,
00:33:51parce qu'on parle quand même de 25 ans,
00:33:54ce qui est effectivement choquant
00:33:56au regard de toutes les victimes d'aujourd'hui.
00:33:58Dans ce texte, il y a tout un sujet,
00:33:59et vous y êtes revenu à l'oral
00:34:00sur les mesures conservatoires
00:34:01applicables aux fonctionnaires mis en cause.
00:34:04Vous avez évoqué les temps différents,
00:34:07la période différente entre la suspension administrative
00:34:11de la personne mise en cause
00:34:12et le temps judiciaire extrêmement long,
00:34:14qui peut prendre plusieurs mois, plusieurs années.
00:34:16En effet, dans l'ensemble des auditions
00:34:18que nous avons effectuées,
00:34:20est intervenue même une vraie difficulté
00:34:23qui n'a pas aujourd'hui sa solution,
00:34:24qui est que la suspension est, je crois,
00:34:25de quatre mois maximum au sein de l'Education nationale.
00:34:29Trois mois, quatre mois, bon.
00:34:31Trois mois, quatre mois, à peu près trois, quatre mois.
00:34:34Et encore aujourd'hui, les affaires judiciaires
00:34:36et la façon dont c'est instruit
00:34:38sont très rarement dans ces délais-là.
00:34:42Donc, est-ce que c'est un sujet
00:34:44sur lequel vous avez réfléchi depuis ou à l'époque
00:34:46sur des solutions, sur la coordination,
00:34:50suspension administrative, protection de l'enfance
00:34:53et mesures judiciaires ?
00:34:57Redire une nouvelle fois,
00:34:59parce que c'est vrai pour ce sujet et pour d'autres,
00:35:01quand on dit que...
00:35:02C'est pas du tout ce que vous avez fait,
00:35:03mais effectivement, moi-même, je l'ai fait tout à l'heure
00:35:06en disant que c'est long, le temps judiciaire,
00:35:08c'est parce que la justice n'a pas assez de moyens.
00:35:10Je répète ça systématiquement,
00:35:12parce que dans l'opinion publique,
00:35:13parfois, on dit que c'est long, la justice,
00:35:14alors oui, les juges sont longs.
00:35:15Non, c'est parce que la justice n'a pas assez de moyens.
00:35:18Ca, je pense qu'il faut le redire,
00:35:19car il y aurait davantage de magistrats,
00:35:21la justice serait plus rapide.
00:35:24Ca, c'est la première chose.
00:35:25La seconde, c'est que...
00:35:26Ca, ça a levé du ministère de la Justice, justement.
00:35:29Mais c'est vrai que c'est une question
00:35:31que je m'étais posée à ce moment-là,
00:35:32en disant qu'une fois que la suspension s'arrête,
00:35:34qu'est-ce qui se passe ?
00:35:36C'est vrai, c'est une question qu'il faut résoudre.
00:35:40Alors souvent, parfois, il y a des congés de maladie.
00:35:44Quand on ne veut pas que les personnes reviennent,
00:35:47parce qu'on sait pertinemment
00:35:49qu'elles ont commis des faits délictueux ou criminels,
00:35:52il y a des congés de maladie, etc.
00:35:54Il y a des solutions, je pense,
00:35:55que l'administration trouve de cette façon-là.
00:36:02Oui, on est au coeur de la question de contrôle
00:36:04et de la commission d'enquête.
00:36:05Et donc, je vais terminer par une question
00:36:08aussi relative à votre circulaire,
00:36:10qui est l'une des méthodes qui sont les mutations.
00:36:13Dans votre circulaire, vous évoquez
00:36:15l'interdiction des mutations destinées à étouffer les affaires
00:36:19ou à faire taire les familles.
00:36:20C'est extrêmement direct et précis.
00:36:24C'est surprenant pour une circulaire administrative.
00:36:26Donc, est-ce que cette pratique était, à votre connaissance,
00:36:28répandue auparavant ?
00:36:30Est-ce que vous disposiez de données chiffrées
00:36:32ou concrètes à ce sujet ?
00:36:35Et à qui revenaient ces décisions de mutation ?
00:36:38Ou est-ce que c'était une pratique, finalement,
00:36:41que vous ressentiez sans qu'elle soit factualisée,
00:36:43mais pour aller jusqu'à le mettre de façon écrite
00:36:45dans la circulaire ?
00:36:46Et surtout, est-ce que ça a été efficace ?
00:36:50Des remontées des recteurs, une nouvelle fois.
00:36:52Ils avaient eu l'honnêteté de le dire.
00:36:54J'ai dit, mais jusqu'à présent,
00:36:56parce qu'on avait fait des réunions de travail,
00:36:57comment vous régliez ces problèmes-là ?
00:36:59Et les recteurs qui ne savaient pas comment régler,
00:37:01on l'a vu, d'ailleurs, les mêmes mécanismes
00:37:02de mutation dans l'Église.
00:37:05Mais ils étaient mutés.
00:37:08Et donc l'idée, c'était de dire,
00:37:09et je me souviens que Jean-Michel Ayade s'était dit,
00:37:11mais on avait demandé au recteur,
00:37:13est-ce qu'il y a des mutations qui sont arrivées,
00:37:15des personnes qui sont arrivées dans vos académies,
00:37:18et vous ne savez pas pourquoi elles ont été mutées ?
00:37:22Et à ce moment-là, c'était poser le problème, justement,
00:37:24de l'inscription aussi aux casiers judiciaires.
00:37:26Mais là, en l'occurrence, puisqu'on les mutait
00:37:28avant qu'ils soient condamnés,
00:37:29c'était pas inscrit aux casiers judiciaires.
00:37:33Mais il y avait eu, à ce moment-là,
00:37:35dans le débat, l'obligation de dire,
00:37:39quand vous mutez un agent,
00:37:41vous devez mettre la raison pour laquelle cet agent est muté.
00:37:45Déjà, ça, ça clarifierait
00:37:47et ça empêcherait un certain nombre de choses.
00:37:48Ce serait préventif.
00:37:50Parce que, du coup, on leur dirait,
00:37:52mais quelle est la raison de la mutation ?
00:37:54C'est pas vu, pas pris.
00:37:56Donc on mutait, et comme ça, on n'avait pas à régler le problème.
00:37:59Vous voyez, pour se débarrasser d'un problème,
00:38:01on mutait l'auteur des faits délictueux ou criminels.
00:38:05Et ça, c'était remonté, je dois dire,
00:38:06avec beaucoup de franchises des directeurs.
00:38:10Et donc, le juge Agathe avait pensé utile de le mettre
00:38:14et il avait eu raison.
00:38:15Et vraiment, je l'ai suivi sur ce point-là.
00:38:20Merci. Monsieur le rapporteur Van Yes, c'est à vous.
00:38:24Merci, madame la présidente.
00:38:26Madame la ministre, je voudrais revenir
00:38:28sur le périmètre d'application de cette circulaire.
00:38:32Vous nous avez dit, je crois que pour vous,
00:38:33il était naturel qu'elle s'étende
00:38:34aux établissements privés sous contrat,
00:38:36qui relèvent tous du ministère de l'Education nationale.
00:38:39Mais vous avez évoqué des débats à l'époque.
00:38:42Est-ce que vous pourriez revenir sur ces débats ?
00:38:44Et ces débats mobilisaient-ils les représentants
00:38:47de l'enseignement catholique directement ?
00:38:50Nous avons découvert que les relations
00:38:51entre le SGEC et le ministère de l'Education nationale,
00:38:54elles sont régulières depuis longtemps.
00:38:57Elles se sont approfondies.
00:38:58Avez-vous eu des échanges à ce moment-là
00:39:01avec le SGEC à propos de cette circulaire
00:39:04et de son périmètre d'application ?
00:39:07Je n'ai pas eu de relation avec eux.
00:39:10Ce n'étaient pas des interlocuteurs du ministère.
00:39:13Sans doute, ils avaient leurs correspondants,
00:39:14j'imagine, dans les services,
00:39:16et peut-être même à mon cabinet, c'est possible.
00:39:18En tout cas, moi, je ne me souviens pas du tout
00:39:20d'avoir négocié le fait de les mettre ou pas
00:39:23dans le champ d'application de la circulaire.
00:39:28Vous avez évoqué le juge Hayat
00:39:32qui insiste pour que ces établissements privés
00:39:36sous contrat soient bien concernés
00:39:37par le champ de la circulaire.
00:39:39Il l'exprimait.
00:39:41Moi, qui ai regardé tous les dossiers,
00:39:43avez-vous dit, est-ce que ce rappel,
00:39:46ce souvenir doit nous faire comprendre
00:39:49que parmi ces dossiers qui remontaient,
00:39:51beaucoup concernaient des établissements privés
00:39:53sous contrat ? Avez-vous une idée,
00:39:55le cas échéant, de l'ordre de grandeur
00:39:57de ces faits de violences, de violences sexuelles
00:39:59décrits, remontés, concernant des établissements publics
00:40:02privés sous contrat, privés hors contrat, peut-être aussi ?
00:40:06Non, je ne peux pas vous donner les éléments chiffrés clés
00:40:10parce que je faisais confiance,
00:40:12mais vous pouvez très bien l'auditionner
00:40:13si vous le souhaitez.
00:40:15En tout cas, il était extrêmement vigilant.
00:40:17Il avait regardé très attentivement
00:40:18l'ensemble des dossiers.
00:40:19C'était quelqu'un qui travaillait énormément,
00:40:21qui regardait les choses avec lui.
00:40:22D'ailleurs aussi, j'ai fait la loi contre le bizutage,
00:40:26qui a été aussi une épreuve assez terrible,
00:40:30parce que c'est vrai que ça a bousculé aussi
00:40:31beaucoup de pouvoirs en place et d'habitudes acquises.
00:40:36Et donc, je pourrais lui poser la question
00:40:40et peut-être vous répondre par écrit, si vous voulez.
00:40:46Oui, volontiers.
00:40:48Votre circulaire, elle vise à répondre, au fond,
00:40:51une culture de l'écoute et du recueil
00:40:53de la parole des enfants.
00:40:55Est-ce que vous avez, à ce moment-là,
00:40:56une préoccupation aussi sur certains adultes,
00:40:59ce qu'on appelle aujourd'hui les lanceurs d'alerte,
00:41:00qui peuvent, à certaines occasions,
00:41:02dénoncer des faits de violence dont ils sont témoins ?
00:41:06Et nous avons, à plusieurs occasions,
00:41:08pu comprendre comment cette position était difficile,
00:41:10parce qu'elle peut laisser imaginer des conséquences
00:41:13pour la carrière de celles et ceux,
00:41:15souvent, d'ailleurs, des femmes, qui osent porter cette alerte.
00:41:21D'ailleurs, dans l'exemple que j'ai vécu personnellement,
00:41:25regardez, même les collègues de cet instituteur
00:41:28n'osaient pas parler,
00:41:30parce que c'était une dénonciation,
00:41:34c'était considéré comme une délation.
00:41:36Voilà. Donc, j'expliquais bien.
00:41:37Mais non, le signalement et la délation,
00:41:39et ça, c'est très important,
00:41:41le signalement et la délation, ce n'est pas la même chose.
00:41:44La délation, c'est dénoncer quelqu'un sans avoir de preuves.
00:41:47Le signalement, c'est juste le constat
00:41:50qu'un enfant est victime de violence
00:41:51et que vous devez signaler ce fait.
00:41:54Et comme il y a eu la confusion
00:41:56entre le signalement et la délation,
00:41:57en effet, ça permettait aussi aux auteurs d'abus sexuels
00:42:01et de violences sexuelles de se protéger,
00:42:03en disant que c'est de la délation.
00:42:05Et donc, c'était très difficile,
00:42:06parce que, du coup, l'institution aussi se protège,
00:42:10d'une certaine façon.
00:42:11C'est tellement compliqué à gérer,
00:42:13toutes ces affaires d'abus sexuels,
00:42:15même dans les familles, c'est la même chose.
00:42:17Pourquoi c'est si difficile à gérer ?
00:42:18Parce que vous avez la parole d'un enfant,
00:42:21une parole fragile,
00:42:23et puis la parole d'un adulte.
00:42:25La parole de l'adulte, c'est soit un électeur,
00:42:27soit un responsable administratif,
00:42:31soit un grand-père, soit un grand-mère.
00:42:34Donc, avec qui vous allez continuer à avoir du relationnel ?
00:42:38Un enfant.
00:42:41Vous le faites taire, le problème est réglé.
00:42:44C'est ça, le rapport de force.
00:42:46Et donc, si vous n'êtes pas aux côtés de l'enfant
00:42:48pour rééquilibrer, pour renverser ce rapport de force,
00:42:53même en prenant des risques,
00:42:55il fallait expliquer, j'expliquais,
00:42:57c'est pas grave, il vaut mieux signaler et prendre un risque,
00:43:01et vous serez protégé si vous avez pris ce risque de signalement.
00:43:05Mais ça, ça suppose que tout le monde soit au carré
00:43:07sur cette façon de faire.
00:43:08Parce que si, dans certaines académies
00:43:09ou dans certaines institutions,
00:43:12la prise de risque est à charge, finalement,
00:43:16à ce moment-là,
00:43:18donc il faut que les règles soient extrêmement claires.
00:43:20Mais même moi, combien de fois j'ai entendu dire,
00:43:22combien de fois j'ai entendu dire,
00:43:24pour ça ou pour l'action contre le bizutage,
00:43:28mais de quoi tu t'occupes ?
00:43:30Mais qu'est-ce que ça va te rapporter ?
00:43:32Mais ces enfants, on les connaît pas,
00:43:34ils vont pas te dire merci.
00:43:36Les étudiants qui appelaient de façon anonyme
00:43:39pour signaler des viols ou des atteintes sexuelles
00:43:42dans les bizutages,
00:43:43et on intervenait, j'envoyais tout de suite quelqu'un,
00:43:45je disais, mais de quoi tu t'occupes ?
00:43:47Mais à quoi ça sert ?
00:43:49On va se mettre à dos toute l'administration
00:43:50ou je ne sais qui,
00:43:52et puis qui va te dire merci ?
00:43:53Et puis si c'est pas vrai ?
00:43:54Donc si vous tenez pas bon et si vous dites pas,
00:43:56bah si, je prends quand même le risque,
00:44:00parce que sinon, où est ma conscience, quoi ?
00:44:03Où est la morale, sinon ?
00:44:07On prend le risque, mais on prend le risque...
00:44:10Parfois, c'est difficile.
00:44:11J'ai été menacée, quand même, de plaintes en diffamation,
00:44:14que je soutenais, que je ne sais pas quoi,
00:44:16que je voyais des pédophiles partout,
00:44:17que j'étais dingue,
00:44:19qu'il faut voir, quand même.
00:44:21Et sur le bizutage, c'était pareil,
00:44:23et que je remettais en cause l'institution, etc.
00:44:26Et quand je vois encore qu'il y a des morts,
00:44:27encore aujourd'hui, à l'école de Saint-Circouet-Guidon,
00:44:29il y a eu un mort en 2014,
00:44:32ça a été jugé qu'en 2021.
00:44:35Donc je vois toute l'administration,
00:44:37toute la structure a dû se protéger.
00:44:40Un mort en 2014,
00:44:42alors que j'ai fait voter une loi contre le bizutage en 1998,
00:44:48c'est inadmissible.
00:44:51C'est insupportable.
00:44:57Il y a cette parole fragile de l'enfant,
00:44:59il y a ces enseignants qui peuvent hésiter à dénoncer,
00:45:05et puis il y a la question du contrôle,
00:45:06parce que le contrôle,
00:45:08qui est prévu par le Code de l'éducation,
00:45:09aussi dans les établissements privés sous contrat,
00:45:11peut permettre d'identifier des situations dans l'internat,
00:45:13par exemple, des fonctionnements dans l'établissement
00:45:15qui peuvent être le terreau de violences physiques,
00:45:18psychologiques, sexuelles sur des enfants.
00:45:20Quel est l'état du contrôle des établissements privés
00:45:22sous contrat au moment où vous êtes en responsabilité ?
00:45:26Avez-vous une préoccupation particulière
00:45:28pour garantir que, le cas échéant,
00:45:30ils soient conduits dans les mêmes conditions
00:45:32aussi fréquemment dans ces établissements
00:45:33qui relèvent également de votre champ de compétences ?
00:45:37Dans la circulaire, justement,
00:45:39comme les recteurs eux-mêmes avaient demandé des instructions
00:45:41par rapport à ce contrôle,
00:45:42je veux dire, vous traitez tous les établissements
00:45:45de la même façon, en fait.
00:45:47Mais ce qu'il faut bien voir,
00:45:49c'est que quand vous avez une visite de contrôle,
00:45:51tout se passe bien.
00:45:52Vous savez, c'est comme quand on nettoie un trottoir
00:45:55quand il y a une visite officielle.
00:45:57C'est pas un contrôle qui va mettre à jour.
00:46:00C'est la rencontre entre le contrôle
00:46:03et la libération de la parole des enfants.
00:46:06Et c'est pour ça que la question de la diffusion dans les écoles
00:46:09mon corps, c'est mon corps, j'ai le droit de dire non
00:46:11et qui explique aux enfants comment vous dites non,
00:46:15et pourquoi vous dites non, à qui vous dites non,
00:46:18est absolument cruciale.
00:46:22Parce que dès qu'un enfant va parler,
00:46:23là, le contrôle, il est utile.
00:46:26Il est utile de quelle façon le contrôle
00:46:27quand un enfant parle tout de suite ?
00:46:29C'est l'audition des autres enfants.
00:46:32Et c'est rarement fait.
00:46:34Rarement fait, c'est l'audition des autres enfants.
00:46:37Et sur Bétarame, parce qu'il faut dire les choses,
00:46:41quand le directeur est pris,
00:46:44quand c'est le directeur,
00:46:46est-ce que moi, j'étais au grand Bétarame ?
00:46:47Puisque tout à l'heure, vous avez évoqué le fait que...
00:46:50Moi, j'attends la question, mais je peux en parler tout de suite.
00:46:53Oui, d'accord.
00:46:57Je vais vous interroger très bientôt sur Bétarame.
00:47:00C'est lié.
00:47:02C'est lié.
00:47:03S'il n'y a pas de parole d'enfant,
00:47:04l'instruction de la médecine, c'est si...
00:47:06Il faut ouvrir votre micro.
00:47:08Une cellule d'audition de tous les enfants
00:47:10pour savoir ce qui s'est passé, c'est très simple,
00:47:12c'est très efficace.
00:47:13Mais si ça n'est pas mis en place,
00:47:15les enfants ne vont pas parler, ils vont avoir peur.
00:47:19J'entends, mais du coup, ça repose tout de même
00:47:21la question du contrôle.
00:47:23Le contrôle, il a bien sûr ses limites.
00:47:25Mais par exemple, il peut permettre de vérifier
00:47:27la diffusion de cette brochure
00:47:29Mon corps, c'est mon corps.
00:47:30Donc avez-vous, lorsque vous êtes en charge,
00:47:33une attention particulière pour le contrôle
00:47:36des établissements privés sous contrat ?
00:47:38Tout indique que ces contrôles étaient inexistants,
00:47:40y compris dans les années où vous étiez en responsabilité.
00:47:43Est-ce que c'est une donnée que vous avez,
00:47:45qui vous est communiquée quand vous prenez vos fonctions ?
00:47:48Et est-ce que vous essayez d'engager
00:47:51une politique particulière
00:47:53vis-à-vis de ces établissements-là, en particulier ?
00:47:56C'est peut-être une réponse très pragmatique
00:47:59que je vais vous faire,
00:48:01mais j'ai osé dire à la réunion directeure,
00:48:04avec Jean-Michel Ayatte, on a osé leur dire ceci,
00:48:07vous allez repérer les écoles ou les classes
00:48:10où le guide Mon corps, c'est mon corps n'est pas distribué.
00:48:15Et vous allez faire remonter les classes ou les écoles
00:48:18où le guide n'est pas distribué.
00:48:20Parce que ça sera déjà un indice de quelqu'un
00:48:23qui n'a pas envie que les enfants parlent.
00:48:26Et donc ensuite, j'imagine que les choses sont remontées,
00:48:30qu'on a dû regarder, effectivement, ce qui s'était passé
00:48:34dans ces cas-là.
00:48:35Mais on avait l'intuition, déjà,
00:48:38que c'était un critère intéressant
00:48:41pour savoir où régnait la loi du silence
00:48:45et où elle ne régnait pas.
00:48:48D'accord.
00:48:49Donc nous pourrions retrouver ces remontées
00:48:52qui doivent dater de 1987-1998,
00:48:54qui nous permettraient quantitativement
00:48:57de mesurer la distribution et, à l'inverse aussi,
00:49:00le type d'établissement dans lequel ce guide n'était pas distribué.
00:49:04Je voudrais aussi préciser quelque chose,
00:49:06c'est que le guide Mon corps, c'est mon corps,
00:49:08c'était aussi avisé
00:49:09de détection des maltraitants sexuels dans la famille.
00:49:13Parce que vous savez que 9 cas sur 10,
00:49:15c'est quand même dans la famille.
00:49:16Et donc, c'était aussi un accompagnement très important
00:49:19sur la libération de la parole de l'enfant.
00:49:21Parce que je ne voulais pas laisser croire
00:49:22que partout, on pensait, justement,
00:49:24puisque c'est ce qui avait été fait pour m'empêcher d'agir,
00:49:27dire, mais vous allez voir des pédophiles partout.
00:49:28Non, au contraire, c'était aussi, non seulement,
00:49:31le signalement de faits délictueux ou criminels
00:49:34à l'intérieur de l'école, à l'intérieur des centres aérés,
00:49:37à l'intérieur des lieux de sport
00:49:38et surtout à l'intérieur des familles.
00:49:43Très bien. J'en viens maintenant plus directement
00:49:45à cette affaire Bétharame.
00:49:48En 1998, l'ancien directeur de l'établissement,
00:49:50M. Karikar, émis en examen pour viol et agression sexuelle
00:49:55sur mineurs de 15 ans,
00:49:57aviez-vous été informé de ces faits
00:50:00qui ont eu à l'époque déjà un très fort retentissement médiatique ?
00:50:04Ou avez-vous été informé en tant que ministre délégué
00:50:06à l'enseignement scolaire ?
00:50:09Informé, puisque Bétharame, je pense que c'est un nom
00:50:11dont on se souviendrait.
00:50:13Je me souviendrai.
00:50:14Et surtout, je vais vous dire, si j'avais été informé,
00:50:17j'aurais fermé Bétharame, au moins pour huit jours,
00:50:20pour faire l'enquête auprès des élèves.
00:50:21Pourquoi ? Parce que c'est le directeur
00:50:24qui est mis en examen pour viol.
00:50:27Donc le poisson pourrit par la tête, vous voyez ?
00:50:29Un directeur qui fait ça, c'est forcément qu'il y a un système.
00:50:32C'est forcément qu'il y a une équipe.
00:50:35Et en plus, c'était un internat.
00:50:37Et par conséquent, si j'avais su ça,
00:50:39j'aurais fermé Bétharame et j'aurais dit,
00:50:41on va faire une audition,
00:50:42vous allez faire une audition de tous les enfants.
00:50:45Et d'ailleurs, c'est ce qu'aurait dû faire
00:50:46le Conseil général chargé de la protection de l'enfance,
00:50:48puisque même dans la circulaire...
00:50:50D'ailleurs, j'observe que la mise en examen intervient à 98.
00:50:53Ma circulaire date de 97.
00:50:55Peut-être, je l'espère, que ça a accéléré les choses
00:50:58et que ça a conforté le système judiciaire
00:51:01par rapport à ce qu'il fallait faire.
00:51:03Mais surtout, dans cette circulaire,
00:51:04c'était prémonitoire,
00:51:06puisque j'ai lu le passage tout à l'heure où on dit,
00:51:08mais c'était justement le Conseil général,
00:51:10le président du Conseil général qui doit accompagner les familles
00:51:13et s'interroger sur le fait de savoir,
00:51:15puisqu'il y a eu viol d'un directeur d'établissement,
00:51:19est-ce qu'il y a eu d'autres enfants qui ont été victimes ?
00:51:22La moindre des choses aurait été d'auditionner tous les enfants
00:51:25pour savoir s'il y avait d'autres auteurs de crimes
00:51:28et quels étaient les...
00:51:29Et non seulement dans l'année dans laquelle il y a eu la mise en examen,
00:51:32mais même pour les années précédentes.
00:51:35Donc, il aurait dû y avoir un appel à témoin, au fond.
00:51:37C'est ça qui aurait été une bonne gestion de ce dossier.
00:51:44J'entends, mais vous êtes tout de même en responsabilité
00:51:47à cette époque.
00:51:48Vous nous dites que vous n'êtes pas informé.
00:51:49Comment expliquer que la ministre de l'Enseignement scolaire
00:51:52ne reçoive pas une alerte sur une situation aussi grave ?
00:51:54Vous avez d'ailleurs parfaitement décrit les mesures
00:51:58que vous auriez pu prendre et qui, peut-être,
00:52:00si elles avaient été mises en oeuvre,
00:52:01auraient protégé la vie de dizaines d'enfants
00:52:03dans les années qui ont suivi 98.
00:52:06Est-ce que moi, j'étais au courant de Bétharame ?
00:52:09La réponse est non, je m'en souviendrai.
00:52:11En revanche, ce qui est clair, c'est qu'il y avait plusieurs faits,
00:52:14puisque dans le début de ma circulaire,
00:52:15vous voyez, l'actualité récente a mis en lumière
00:52:17de nombreux faits de pédophilie
00:52:18commis au sein de l'institution scolaire
00:52:20ou à l'occasion d'activités extérieures
00:52:22organisées par les établissements.
00:52:24Donc, c'est sans doute une remontée aussi de faits
00:52:26à travers toute la France
00:52:28et de faits relatés par la presse
00:52:31qui a conduit précisément à cette circulaire.
00:52:34Peut-être que Bétharame en faisait partie,
00:52:36sans doute, dans les revues de presse.
00:52:37A mon avis, c'était quand même remonté.
00:52:38Tous ceux qui disent qu'il ne lisait pas la presse,
00:52:41je ne dirais pas ça en ce qui concerne le ministère.
00:52:43Il y avait des revues de presse comme dans les conseils généraux,
00:52:45si je puis me permettre.
00:52:46Donc, ça peut avoir fait partie, en effet, de toutes les remontées.
00:52:51Mais le cas spécifique de Bétharame, non,
00:52:54je m'en souviendrai, parce que ce nom, quand même,
00:52:57on s'en souvient.
00:52:59Vous n'êtes alertée ni par les représentants,
00:53:04l'inspecteur de l'Académie, le rectorat de Bordeaux,
00:53:09ni le cas échéant par la chancellerie
00:53:11de cette affaire, de cette mise en examen
00:53:16pour viol et agression sexuelle en 1998
00:53:18en votre qualité de ministre.
00:53:20Du tout, non, je ne suis absolument pas saisie
00:53:24de cette affaire.
00:53:25Comment est-ce que vous expliquez aujourd'hui
00:53:27cette absence d'alerte ?
00:53:28Parce qu'elle interroge, au vu de la gravité des faits,
00:53:31et plus encore, quand on sait que, dès 1995, dès 1996,
00:53:35des faits de violences physiques sont déjà documentés,
00:53:38il y a déjà eu des plaintes, il y a déjà eu des condamnations.
00:53:41Comment expliquez-vous que cette alerte ne vous parvienne pas ?
00:53:47Elle ne parvient pas parce qu'elle ne remonte pas.
00:53:50Et pourquoi est-ce qu'elle ne remonte pas ?
00:53:53Et pourquoi est-ce qu'elle ne remonte pas ?
00:53:55Je ne le sais pas.
00:53:59Voilà.
00:54:01Alors, en 1996, il y a, on le sait maintenant,
00:54:04un rapport d'inspection, c'est l'inspection académique
00:54:08qui envoie un inspecteur qui passera une journée.
00:54:11On a déjà beaucoup discuté des conditions
00:54:12dans lesquelles ce rapport est élaboré.
00:54:15Mais ce rapport, il contient une série de recommandations.
00:54:19Et nous ne disposons pas d'un document de suivi
00:54:21de la mise en oeuvre de ces recommandations.
00:54:23Nous disposons d'une lettre du directeur de l'établissement
00:54:27qui, auprès des autorités académiques,
00:54:30prend un certain nombre d'engagements
00:54:32en affirmant avoir mis en oeuvre certaines de ces recommandations,
00:54:34mais nous ne disposons d'aucun document
00:54:37venant des services de l'éducation nationale
00:54:39permettant de vérifier, avec un regard extérieur,
00:54:42cette mise en oeuvre.
00:54:43Comment sont suivies, à l'époque où vous êtes en charge,
00:54:46ces rapports d'inspection et le traitement des recommandations
00:54:50qui sont émises à l'occasion des contrôles ?
00:54:55Deux niveaux de suivi des rapports d'inspection.
00:54:57Il y a un niveau au niveau des rectorats,
00:55:00qui sont quand même les mieux à même,
00:55:02dans la proximité de l'action et dans la connaissance
00:55:04des différents interlocuteurs locaux,
00:55:07de suivre et de remonter, effectivement,
00:55:09à ce moment-là, dans les réunions hebdomadaires,
00:55:13les difficultés qu'ils peuvent avoir
00:55:15ou les oppositions qu'ils peuvent ressentir
00:55:17ou les menaces qu'ils peuvent comprendre.
00:55:20Pour ne pas donner suite à telle ou telle recommandation,
00:55:23il y a ça.
00:55:24Et puis, il y a l'Inspection générale
00:55:26de l'éducation nationale,
00:55:27qui, au niveau du ministère, en effet,
00:55:29est à la charge, quand même, non seulement de faire les rapports,
00:55:32mais aussi d'assurer le suivi.
00:55:34Et normalement, un ministre reçoit toutes les semaines
00:55:36le secrétaire général de l'inspection,
00:55:39du corps de l'inspection,
00:55:41pour évaluer, effectivement, les difficultés
00:55:43qui peuvent être rencontrées.
00:55:48Dois-je donc comprendre que, puisque ce rapport d'inspection
00:55:50avait été mené à l'échelle rectorale,
00:55:52vous n'avez pas communication
00:55:54d'un éventuel suivi des recommandations
00:55:57qu'il avait émises ?
00:56:00Pas de suivi des recommandations,
00:56:01mais ce que j'ai découvert,
00:56:03justement, en suivant attentivement vos travaux,
00:56:05c'est que, dans ce rapport,
00:56:07il y avait une recommandation pour faire une circulaire,
00:56:09justement, une instruction.
00:56:11Non, c'était l'autre rapport.
00:56:13Enfin, dans un des rapports, il y avait cette recommandation,
00:56:16et j'imagine que c'était aussi une démotivation
00:56:19de la circulaire que nous avions faite
00:56:21avec Jean-Michel Hayat,
00:56:23en constatant, sans doute, à partir de plusieurs cas,
00:56:26et suite aux remontées que faisaient les recteurs
00:56:28sur leur difficulté à gérer ce type d'action,
00:56:30de vraiment de la nécessité,
00:56:32pour la première fois dans l'éducation nationale,
00:56:34de mettre du vocabulaire sur les faits.
00:56:37Vous voyez, de parler de viol, d'agression sexuelle,
00:56:38ça ne s'était jamais fait.
00:56:40De mettre des mots comme ça, du code pénal,
00:56:42dans le circuit de l'éducation nationale
00:56:45pour que tout le monde soit bien au clair
00:56:46sur ce qu'on venait de faire,
00:56:48et ça, je crois que ça répondait vraiment à une nécessité
00:56:51et une attente des interlocuteurs locaux
00:56:53pour savoir comment faire et comment se protéger
00:56:57et ne pas faire d'erreur par rapport aux différentes procédures
00:56:59qu'ils pouvaient mettre en place.
00:57:01Alors, il me semble que ce rapport-là,
00:57:03c'est pour le coup un rapport de l'inspection générale
00:57:05qui est commandé après l'affaire de Bergerac,
00:57:07qui est rendu en janvier 94, je dis ça de mémoire
00:57:10au ministre de l'époque François Bayrou,
00:57:12et qui l'invite, en effet, à produire une circulaire
00:57:15sur la question de ce traitement
00:57:17par l'Education nationale
00:57:18des faits de violences sexuelles sur enfants.
00:57:21C'était là un enseignant qui avait violé deux élèves.
00:57:24Et peut-être, en effet, que votre circulaire répond
00:57:27à cette demande qui, manifestement,
00:57:30n'a pas été satisfaite par le ministre
00:57:33qui vous a précédé, Ruth Grenell.
00:57:35Je laisse ma collègue, madame Spilboud,
00:57:37vous poser une question.
00:57:40Oui, dans le fil des discussions,
00:57:42avant de terminer cette audition,
00:57:43vous avez tout à l'heure évoqué
00:57:46un poisson pourri par la tête.
00:57:49Quand il y a un directeur qui est mis en cause,
00:57:52comme le père Caricart, pour un viol,
00:57:54il faut fermer l'établissement
00:57:56et auditionner tous les élèves.
00:57:58Donc, en fait, vous faites allusion
00:58:00à un cas extrêmement grave
00:58:03et à une réaction de ministre
00:58:05en tant que...
00:58:07de son devoir de protéger les enfants.
00:58:10Vous avez été ministre de l'Education 5 ans.
00:58:13Enfin, éducation, puis enfance, donc, sur 5 ans.
00:58:16Est-ce qu'il vous est arrivé,
00:58:18soit au titre de la fonction éducation nationale,
00:58:20soit celle d'enfance et famille,
00:58:22de fermer un établissement quelques jours
00:58:24et d'auditionner tous les enfants ?
00:58:25Je dis ça parce qu'indirectement,
00:58:28ça pourrait être un reproche à M. Bayrou.
00:58:30Et donc, dans l'autre sens,
00:58:33est-ce que vous avez le souvenir d'une affaire grave
00:58:34qui aurait justifié, peut-être un directeur ou un autre,
00:58:37qui, sur ces 5 années, aurait justifié
00:58:39la fermeture d'un établissement
00:58:40et d'auditionner de façon systémique des enfants,
00:58:42ce qui paraît être une idée intéressante,
00:58:44mais moi, j'ai pas le souvenir, dans les cas qu'on nous a décrits,
00:58:47d'avoir vu ce genre d'action par un ministre.
00:58:50Je pense que ce genre d'action...
00:58:52Je pense qu'on pourrait retrouver des cas d'audition systémique
00:58:55de tous les enfants d'une classe.
00:58:57Ça, je peux en retrouver.
00:58:59Mais là, ce qui est spécifique, c'est que,
00:59:01dans le système scolaire, c'est très rare
00:59:04quand c'est le directeur de l'école,
00:59:06puisque le directeur, normalement,
00:59:08il n'est pas en contact avec les élèves,
00:59:09il a une fonction administrative.
00:59:11J'ai jamais vu de cas où c'est le directeur
00:59:14ou le proviseur ou le directeur d'une école primaire
00:59:17ou le directeur d'un collège,
00:59:21ou le principal d'un collège
00:59:22qui se livre à des abus sexuels.
00:59:25S'il le fait, c'est vraiment qu'il y ait une complicité
00:59:27des enseignants, c'est-à-dire des gens
00:59:29qui sont en contact avec les élèves.
00:59:32Et d'ailleurs, vous avez vu, vous devez le savoir,
00:59:34parce que forcément, hier, les victimes
00:59:37ont quand même mis à jour le fait que, non seulement,
00:59:40le surveillant n'avait pas été licencié,
00:59:42mais en plus, qu'il avait été promu.
00:59:44Donc c'est bien le signe que la direction est solidaire.
00:59:48Si un directeur fait ça, c'est que forcément,
00:59:50il a des complicités avec les gens
00:59:52qui sont en contact régulier avec les élèves.
00:59:54C'est ça qui est terrible.
01:00:02Une dernière question pour moi, madame la ministre.
01:00:04Le 11 février 2025, à l'Assemblée nationale,
01:00:07François Bayrou, Premier ministre, a nié avoir
01:00:10quelconque connaissance des faits de violences physiques
01:00:13ou sexuelles commis à Bétarame.
01:00:15Il est depuis revenu partiellement sur cette affirmation
01:00:18le 14 mai dernier en étant entendu
01:00:21devant notre commission d'enquête.
01:00:24Il a, en revanche, le Premier ministre indiqué,
01:00:26à l'occasion d'une réponse à l'une de nos collègues
01:00:28lors des questions au gouvernement,
01:00:30que d'autres savaient au sujet de ces violences,
01:00:34en vous visant vous expressément, ainsi que madame Guigou.
01:00:38Vous avez déjà indiqué publiquement que, selon vous,
01:00:42le Premier ministre mentait en affirmant
01:00:44n'avoir jamais été au courant.
01:00:45Est-ce que vous pouvez étayer cette affirmation ?
01:00:50Cette affirmation ?
01:00:51Parce que c'est une chose toute simple, vous savez.
01:00:54D'ailleurs, on observe que c'est le même mécanisme.
01:00:57C'est-à-dire que c'est quelqu'un
01:00:58qui a quelque chose à se reprocher,
01:01:00mais qui va accuser d'autres,
01:01:01c'est-à-dire qui va se positionner en victime.
01:01:03Donc François Bayrou utilise ce même mécanisme.
01:01:06Et c'est ça qui est insupportable.
01:01:08Deuxièmement, il dit qu'il ne lisait pas la presse locale.
01:01:13Il faut être sérieux.
01:01:15On parle quand même de viols dans la presse régionale.
01:01:17À présent, le Conseil général,
01:01:18il a la revue de presse tous les jours.
01:01:20Et en plus, c'est passé à la télévision,
01:01:21donc forcément, il était au courant.
01:01:24Ensuite, il dit...
01:01:25Il est revenu sur son mensonge
01:01:27concernant le fait qu'il n'avait pas vu le juge.
01:01:30Et après, il admet qu'il l'avait vu
01:01:32pendant deux heures à son domicile.
01:01:34Donc...
01:01:35Et enfin, il dit que c'est une opération politique.
01:01:38Mais laissez-moi vous dire ce que c'est que la politique.
01:01:41La politique, c'est le fait que quand on monte en responsabilité,
01:01:46on est plus exigeant.
01:01:48Quelqu'un qui devient Premier ministre,
01:01:50il s'étonne qu'on lui demande des comptes
01:01:52sur la vérité de la parole.
01:01:54Mais c'est pas parce qu'on fait de la politique contre lui,
01:01:58c'est parce qu'il est Premier ministre
01:02:00et que les citoyens sont exigeants
01:02:03à l'égard de ceux qui ont la chance d'exercer des responsabilités.
01:02:06Donc si ceux qui exercent leurs responsabilités
01:02:08ne savent plus distinguer le bien du mal,
01:02:12le vrai du faux,
01:02:15leur responsabilité de leur irresponsabilité,
01:02:20la parole des victimes et la parole des criminels,
01:02:23s'ils ne savent plus faire ces distinctions-là,
01:02:27alors quelle confiance les citoyens auront
01:02:30dans leurs représentants
01:02:31et dans ceux qui sont censés les représenter
01:02:34et dans ceux qui sont censés les défendre aussi un jour ou l'autre.
01:02:37Mais aucune.
01:02:38C'est pour ça qu'un Premier ministre,
01:02:39il a une responsabilité majeure et une responsabilité cruciale.
01:02:43Et je vais terminer sur une chose, sur l'histoire de la claque.
01:02:47Moi, j'étais très choquée de ce qu'a dit François Romero
01:02:49sur la claque.
01:02:50Je n'ai jamais frappé mes enfants.
01:02:52C'est pas un geste de père de famille
01:02:54de frapper un enfant dans le visage.
01:02:56D'abord parce que vous pouvez lui éclater le tympan,
01:02:59vous pouvez lui mettre le doigt dans l'oeil
01:03:00et vous pouvez lui déhausser ses vertèbres cervicales.
01:03:04Donc on ne frappe pas un enfant sur la tête.
01:03:06Et c'est pas une claque qu'il donne.
01:03:08Il le frappe.
01:03:10Il le frappe dans une banlieue.
01:03:13Il aurait frappé un enfant au centre-ville
01:03:16au sortir d'une réunion de notables ?
01:03:19Deuxièmement. Troisièmement,
01:03:21il dit que je le frappe parce qu'il m'a fait les poches.
01:03:24On ne sait pas.
01:03:25Quand vous voyez la caméra, moi, j'ai revisionné tout,
01:03:28on ne sait pas si l'enfant lui fait les poches,
01:03:30si c'est une bousculade, etc.
01:03:34Et après, comme ça lui donne une notoriété,
01:03:36le pire, le pire,
01:03:39c'est qu'il utilise cet incident
01:03:41pour se faire de la publicité politique.
01:03:45C'est-à-dire, il va à un meeting et il dit,
01:03:48si tout le monde avait fait comme moi,
01:03:50c'est-à-dire sanctionné un voleur...
01:03:52Il traite l'enfant de voleur.
01:03:55L'enfant, il a jamais volé.
01:03:57Donc, il continue à stigmatiser l'enfant
01:04:00sans à aucun moment ne se préoccuper
01:04:02de ce qui est devenu cet enfant.
01:04:05N'importe lequel d'entre vous,
01:04:08au-delà des clivages politiques,
01:04:10frappe un enfant, à la limite,
01:04:12mettons qu'il fasse une erreur, dit qu'il fait une erreur,
01:04:14il demande, suivez l'enfant,
01:04:16appelez les parents, regardez ce qui devient,
01:04:19c'est quand même ennuyeux,
01:04:20il y a son nom dans toute la presse, etc.
01:04:22Car qu'est-ce qu'on apprend après ?
01:04:24L'enfant, il a été harcelé pendant toute sa scolarité.
01:04:27Je sais pas si vous avez vu,
01:04:28il y a un journaliste qui a fait une enquête.
01:04:31L'enfant, il a été en échec scolaire.
01:04:33L'enfant, il est devenu délinquant.
01:04:35L'enfant, il a fait de la prison.
01:04:37Il y a aucun moment...
01:04:38Il a été traité de voleur publiquement par François Béroux.
01:04:41Et à aucun moment, il ne s'est préoccupé
01:04:43de savoir ce que cet enfant allait devenir.
01:04:45Mais il aurait dû l'appeler en lui disant,
01:04:47je vais te donner une claque, excuse-moi.
01:04:50Il s'excuse auprès des parents, il dit,
01:04:51viens, je vais te faire visiter le ministère.
01:04:53On va te remettre debout, on va compenser
01:04:56et tu vas réussir à l'école, tu vas travailler,
01:04:58tu vas devenir quelqu'un de bien
01:05:00et je vais t'accompagner et je vais t'aider.
01:05:02Ca, ça aurait été...
01:05:04Ca, ça aurait été, vous voyez, la juste compensation
01:05:07et la marque de l'attention que l'on porte à un enfant
01:05:10que l'on a si cruellement stigmatisé.
01:05:14Voilà, la cruauté n'a pas sa place
01:05:16ni dans l'éducation nationale, ni dans la politique
01:05:19et surtout les parents des enfants.
01:05:21Voilà pour cette audition de Ségolène Royal
01:05:24devant la commission d'enquête sur les violences scolaires
01:05:27née de l'affaire Bétharame.
01:05:28L'ancienne ministre socialiste estime
01:05:31que son prédécesseur, François Bayrou,
01:05:34était forcément au courant des violences,
01:05:37notamment sexuelles, au sein de l'établissement catholique Bétharame.
01:05:41Fin de cet épisode, on se retrouve très vite
01:05:43pour voir ou revoir un autre moment parlementaire.