00:00Moi, je me souviens, j'avais un prof de radio qui me disait toujours qu'il fallait, oui, prendre le temps de choisir le mot juste,
00:09lui et pas son cousin, pas sa cousine, celui-là et pas un autre.
00:20C'est toujours pareil, c'est une question de dosage, trop les lire et en tenir trop compte, ça peut être très inhibant
00:27parce qu'à ce moment-là, on est dans une espèce de posture où on fait les choses pour plaire et pour séduire
00:33et quand ça n'est que votre seule raison d'agir, alors ça devient problématique parce que vous perdez en honnêteté et en sincérité
00:41et en même temps, les ignorer totalement, ça n'est pas juste non plus parce que là, on se parle d'une radio de service public,
00:48donc une radio qui est faite pour le grand public, donc il faut quand même les avoir à l'esprit.
00:52Il faut essayer de pondérer sans arrêt pour éviter ces deux écueils-là.
00:57Après, comme tout le monde, il suffit que dans une centaine de messages hyper agréables à lire, il suffit qu'il y ait une critique.
01:05Évidemment, je ne retiendrai que la critique et pendant 48 heures, je me dirai, mais mon Dieu, mon Dieu, je ne suis qu'une merde et je travaille mal
01:12et c'est terrible, il faut que j'arrête ce métier.
01:14Les critiques constructives, oui, surtout quand elles se répètent, ça veut dire qu'a priori, il y a quelque chose à modifier
01:19ou sur lequel il faut réfléchir. On a aussi des critiques qui sont parfaitement gratuites et subjectives
01:24et celles-là, c'est compliqué, surtout quand on commence, de mettre la bonne distance entre ces mots-là et nous.
01:31Et ça, ça s'apprend.
01:32Évidemment, je veux dire, on a la chance de faire un métier de parole qui ne tient que par la parole
01:42et qui doit être capable de susciter à la fois le plus d'images possibles à celles et ceux qui nous écoutent,
01:48parce que sinon, ils décrochent, et en même temps, les images les plus justes qui soient,
01:53parce que notre travail consiste avant tout à être le plus honnête et le plus rigoureux possible.
01:57Évidemment que c'est une importance capitale.
02:00Moi, je me souviens, j'avais un prof de radio qui me disait toujours qu'il fallait, oui,
02:05prendre le temps de choisir le mot juste, lui et pas son cousin, pas sa cousine.
02:11Celui-là et pas un autre.
02:15Je recherche un espace de discussion à peu près libre dans un cadre qui est celui d'une émission de radio de service public,
02:21donc ça veut dire qu'on respecte un certain nombre de choses.
02:23Mais à l'intérieur de ce cadre-là, je veux pouvoir glousser, si tout à coup c'est très drôle,
02:27je veux pouvoir pleurer, si tout à coup c'est très émouvant.
02:29Et donc, je n'ai pas envie de me censurer ni de compter mes mots quand je parle.
02:35Je dois en avoir plein.
02:38Comme tout le monde, j'en ai plein.
02:40Et donc, en ce sens, les retours des auditeurs et des auditrices sont toujours précieux,
02:44parce que le tic de langage, en fait, ça apparaît surtout quand on est fatigué,
02:47c'est une espèce de béquille dont on se sert quand le cerveau mouline de façon un peu plus laborieuse.
02:53Donc, on s'appuie sur ces béquilles-là, on ne s'en rend même plus compte, en fait.
02:55Donc, le fait de nous les mettre en lumière nous permet, en fait, quand on les prononce,
03:00de se dire « Ah, je viens de le faire ! »
03:01Et à force, le tic peut disparaître.
03:05J'hésite entre l'utopie et le rêve.
03:07On avance aussi avec des utopies.
03:09C'est l'idée d'un monde qu'on aimerait voir bouger,
03:15un monde qui serait, en tout cas pour moi, tel que je l'imagine, plus ouvert, plus égalitaire, plus doux.
03:22Ça, c'est une utopie, en même temps, c'est une utopie très concrète, parce qu'on se bagarre.
03:28On est quelques-unes et quelques-uns à se bagarrer pour que ça arrive.
03:31Mais c'est bien l'utopie, c'est aussi comme ça qu'on avance et on en a besoin.
03:34Je trouve qu'on est dans une période où on manque un peu d'utopie, justement.
03:37J'aime bien le rêve aussi.
03:39Les rêves, ça construit.
03:40Les rêves, ça raconte beaucoup de choses.
03:41Et les rêves, ça sauve.
03:42La langue, elle est vivante si elle s'adapte aux usages.
03:48Et dans nos usages, oui, on a plein de mots anglais.
03:51Il faut faire attention à ne pas en abuser.
03:53Mais quand ils viennent, ils racontent quelque chose.
03:55Oui, je vais plus dire smartphone que téléphone intelligent,
03:57parce qu'il y a beaucoup plus de chances qu'on me comprenne quand je dis smartphone.
03:59Si on a une vision idéologique du langage,
04:02alors on va s'arc-bouter sur des principes absolus et définitifs.
04:06Et à force de faire ça, on va la scléroser, la langue.
04:08J'ai envie qu'elle vive et j'ai envie qu'elle se nourrisse,
04:09comme elle l'a toujours fait,
04:11de plein de mots qui viennent à la fois de tous les milieux et de tous les pays.
04:14Et c'est comme ça qu'elle évolue,
04:15et c'est comme ça qu'elle s'adapte,
04:16et c'est comme ça qu'elle ne meurt pas.
04:20Alors, moi, reprendre un invité, l'interrompre,
04:23et faire la maîtresse d'école et qui tape sur les doigts,
04:25non, ça, c'est pas possible, c'est pas moi.
04:26Encore une fois, j'essaye dans le cadre qui m'est offert,
04:30et donc une émission de service public qui implique une forme d'exigence,
04:34dans ce cadre-là, j'essaye d'avoir la discussion la plus libre
04:36et la plus spontanée possible.
04:37Je ne vais pas brider un invité,
04:39parce que tout à coup, il a des tics de langage,
04:41surtout que j'en ai moi aussi,
04:42et que l'essentiel, c'est que ça ne pollue pas le discours
04:45et que la pensée, elle, soit vivante et riche et dynamique.
04:50Donc, en fait, le tic de langage, c'est une espèce de scorie,
04:52et je continue l'intelligence des auditrices et des auditeurs pour faire le tri.
04:58La joie, ah, vraiment, vraiment.
05:00Moi, la radio, ça me met en joie depuis que j'ai commencé à en faire.
05:02Un jour, je suis rentrée dans un studio de radio,
05:04j'étais à l'école de journalisme,
05:05et je me suis dit, waouh, mais je vais pouvoir être payée
05:08pour faire le truc que j'aime le plus au monde,
05:09c'est bavarder.
05:11Et en fait, ben ouais.
05:12Alors, je fais un peu plus que bavarder quand même.
05:13J'essaie de travailler un peu les interviews, tout ça,
05:16de savoir écouter, de savoir écrire un petit peu.
05:18Donc, ça s'est un peu professionnalisé,
05:20mais la joie n'a pas disparu, jamais.
05:23France Inter, évidemment.
05:27Alors, moi, j'ai adoré la voix de Pascal Clark, vraiment.
05:30J'ai adoré la voix de Chris, vraiment.
05:33Et là, je vous parle de gens qu'on entend moins.
05:36Elles sont des voix qui manquent,
05:38mais la magie de la radio, c'est qu'elles existent pour toujours.