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"INSTAGRAM, LA FOIRE AUX VANITÉS" / Instagram revendique plus d'un milliard d'utilisateurs sur la planète, et plus de 100 millions de photos postées chaque jour. Les plus grandes stars y côtoient leurs fans : 403 millions d'abonnés pour le footballeur Cristiano Ronaldo, 260 millions pour Kim Kardashian. Impossible de monter un business, de partir en vacances ou même d'aller au resto sans l'application en poche. qu'il s'agisse de la photo d'un burger, d'une robe, d'une plage ou d'un corps, une obsédante question se pose désormais : est-ce instagrammable ? Mais que révèle cet usage à propos de nous-mêmes et de notre société ? Instagram formate nos vies, standardise nos goûts, bouleverse notre économie, redessine notre rapport au réel. Elle abreuve nos cerveaux d'images sensées nous apporter du plaisir, jusqu'au trop plein, parfois même la dépression. À ses débuts en 2010, la petite application de partage de photos, augmentées de filtres astucieux, ne séduisait pourtant qu'une poignée de jeunes branchés californiens. Rachetée deux ans plus tard par Mark Zuckerberg, Instagram va devenir le support d'un nouveau mode de communication : le marketing d'influence. Grandes marques ou simples artisans, particuliers ou célébrités planétaires, tout le monde veut séduire sa « communauté » et ses « followers ». Instagram est devenu la vitrine des annonceurs, le lieu stratégique où se jouent désormais gloire et fortune, grâce à un nouveau métier, influenceur. La mode, le tourisme, la restauration ne jurent que par ces nouveaux prescripteurs de tendance. A chacun d'entre eux de prouver qu'il mérite de devenir riche et célèbre à la seule force de son talent, de son culot, de sa popularité. Nombreux sont les candidats, rares sont les élus. Cette autopromotion effrénée, basée sur une illusion de bonheur dans un océan de consumérisme a des effets insidieux sur nos vies. La multiplication de ces images vire à la saturation, une sorte de pornographie perpétuelle de fringues, d'objets, de bouffe, de corps musclés, bronzés et huilés. Mais pour rester dans le coup, il nous faut nous soumettre à ces nouveaux codes esthétiques et culturels véhiculés sur l'appli. Certains passent sur le billard, pour obtenir le visage ou la silhouette la plus conforme aux exigences du réseau, au risque de tomber sur des chirurgiens peu scrupuleux. De jeunes adolescents en recherche de reconnaissance peuvent se perdre dans cette quête éperdue de notoriété. Jusqu'à y perdre leur santé mentale. Parfois la vie.
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PersonnesTranscription
00:00Chaque mois, nous sommes 2 milliards à nous connecter sur le même réseau social, Instagram.
00:16Nous y partageons 100 millions de photos et de vidéos quotidiennement.
00:22C'est une application qui a transformé notre économie, notre relation à la célébrité,
00:28nos médias, le monde de la mode, de la beauté, ce que nous faisons en ligne et dans la vie.
00:40Le jeu sur Instagram est d'apparaître plus célèbre, plus glamour que vous ne l'êtes dans la vraie vie.
00:47Peu importe à quel point vous êtes connu en réalité, il faut que la vie soit parfaite, plus colorée, plus excitante.
00:53Partout, tout le temps, chez soi, en vacances, à table.
01:05Et pour y parvenir, tous les moyens sont bons.
01:08Désormais, les patientes viennent avec des photos de célébrités d'Instagram.
01:17Nicki Minaj, Kim Kardashian.
01:20Les gens veulent être comme elle.
01:22Tu fixes bien tes sourcils et ça dure toute la journée.
01:30Je ne sais pas si les gens vont toujours m'aimer en réalité.
01:33Peut-être qu'un jour, les gens vont se réveiller et vont se dire, j'en peux plus d'elle.
01:36Et puis c'est fini, quoi.
01:38L'application, présente dans le téléphone de 8 adolescents sur 10, peut se révéler particulièrement toxique.
01:44Ma fille était obsédée par Instagram.
01:59Elle ne faisait que parler des filles qui étaient très belles sur Instagram.
02:03Les dirigeants de l'entreprise savent comment rendre Facebook et Instagram plus sûrs.
02:16Mais ils ne feront rien parce qu'ils placent leurs profits astronomiques au-dessus des utilisateurs.
02:23Instagram, l'application la plus téléchargée au monde, révolutionne la communication,
02:29standardise nos goûts et reformate nos vies.
02:33Pour son plus grand profit.
02:50L'histoire d'Instagram commence en Californie, au cœur de la Silicon Valley,
02:56sur le campus de la prestigieuse université de Stanford.
03:00Nous sommes à la fin des années 2000.
03:02Facebook n'est alors qu'une start-up et Twitter n'est pas né.
03:07À San Francisco, dans l'industrie numérique, tout est encore possible.
03:12Deux étudiants, Kevin Systrom et Mike Krieger, rêvent de s'y faire une place.
03:17J'ai rencontré Mike Krieger et Kevin Systrom, les fondateurs d'Instagram, à l'université.
03:25Mike est cet ingénieur très performant.
03:28Et Kevin, ce décideur flamboyant, quelqu'un qui peut diriger de grandes équipes
03:32et organiser de très beaux événements culturels.
03:35Il était connu à Stanford pour ses fêtes incroyables.
03:45Kevin sort du lot.
03:48En même temps, il ne prétend pas être plus intelligent que qui que ce soit.
03:58Il a étudié à Florence, en Italie, où il a appris à développer des photos en utilisant la chimie.
04:04C'était génial de voir quelqu'un qui maîtrisait vraiment le langage de la photographie
04:13construire une appli de photos au lieu d'essayer seulement de faire de l'argent.
04:20En 2010, lors d'une des mythiques conventions d'Apple attendues dans le monde entier,
04:25Steve Jobs annonce le lancement d'un nouvel iPhone révolutionnaire.
04:28« Ce téléphone est sans doute la chose la plus élaborée et aussi la plus belle que nous ayons fabriquée. »
04:38« Instagram n'a été possible que grâce à une évolution technologique rapide et soudaine.
04:42La sortie de l'iPhone, l'amélioration des appareils photos intégrés. »
04:46Avec ces applications accessibles en un clic, le monde est désormais à portée de doigts.
04:52Kevin Systrom décide de créer sa propre appli.
04:55Un réseau social dédié au partage de photographies.
04:58Il lève 500 000 dollars auprès d'investisseurs et lance avec Mike Krieger Instagram.
05:06« J'ai entendu parler d'Instagram le 8 octobre 2010, deux jours après le lancement de l'application.
05:12Je ne suis inscrit immédiatement et j'ai commencé à tout regarder différemment. »
05:16« Instagram était la première application qui profitait du fait que nous avions désormais ces appareils photos dans nos poches.
05:23Nous pouvions aligner notre vie connectée avec notre vie réelle. »
05:28« L'équilibre parfait entre l'image et le réseau social en a fait une application profondément addictive. »
05:36« Au tout début, les gens prenaient simplement des photos de leur quartier, de paysages urbains, de leurs repas. »
05:46« Instagram au début était vraiment une application pour hipster. »
05:51« Ils prenaient des photos de street art dans des petits cafés. »
05:55« Quand les gens ont rejoint Instagram, ils ont découvert un produit vraiment très cool. »
06:07« Ils ont vu ce que les autres postaient et ont voulu faire partie de cette tribu branchée. »
06:25« J'ai rencontré Mike et Kevin dans un bar près de leur bureau. »
06:30« Grâce à leur première levée de fond, Sistrom et Krieger s'installent dans des bureaux mal chauffés sur les quais de San Francisco. »
06:38« C'est le berceau d'Instagram et le début de sa légende. »
06:42« Cette nuit-là, après quelques verres, Kevin m'a demandé si je pouvais les aider à concevoir les filtres. »
06:49« Je leur ai dit, génial, bien sûr. »
06:52« La recette, le secret de fabrique d'Instagram, ce sont les filtres, intégrés à l'application,
07:03qui subliment le moindre cliché et donnent aux photos carrées ces couleurs délavées, reconnaissables au premier coup d'œil. »
07:13« Au début, les filtres étaient censés améliorer nos photos prises avec l'iPhone. »
07:19« Mais finalement, ces filtres nous ont appris que tout ce que l'on postait sur Instagram devait être plus beau, plus brillant. »
07:31« Qu'on pouvait transformer la réalité, quitte à mentir un peu, pour poster du contenu parfaitement instagrammable. »
07:40« Le succès immédiat de la plateforme dépasse les espérances de ses créateurs. »
07:48« Trois mois après son lancement, Instagram compte déjà un million d'abonnés. »
07:54« Rapidement, les célébrités investissent le réseau qui détrône les pages people des magazines. »
08:00« Les sœurs Kardashian abandonnent la télé-réalité dont elles étaient les reines et deviennent les premières icônes d'Instagram. »
08:08« Sous la houlette de leur mère, Kris Jenner, elles deviendront milliardaires. »
08:14« J'ai parlé avec Kris Jenner, qui est la mère et la manager des Kardashians. »
08:20« Elle m'a dit qu'au début, beaucoup de célébrités de premier rang n'étaient pas intéressées par l'application. »
08:28« Elles pensaient que si elles postaient des choses privées sur Instagram, cela nuirait à leurs célébrités, parce que cela dévoilerait tout mystère. »
08:38« Mais ce que Kris Jenner a compris, c'est que plus vous partagez votre vie privée, plus votre communauté se sent proche de vous. »
08:53« Quand Justin Bieber a rejoint l'appli, les gens ont commencé à publier des photos et à attendre impatiemment des likes et des followers. »
09:01« Et puis, ça s'est popularisé très rapidement. Tous ses jeunes fans ont rejoint l'application et ont commencé à en faire un lieu de pop culture. »
09:13À 17 ans, Justin Bieber est alors une star planétaire.
09:16Sa première photo, prise sur une autoroute californienne en 2011, rencontre un tel succès qu'elle paralyse la plateforme.
09:24« L'application se développait trop rapidement pour que son équipe d'ingénieurs puisse la gérer. Mike Krieger, le PDG, se faisait des cheveux blancs en essayant simplement de maintenir les serveurs en fonctionnement. »
09:38« L'alerte sur son téléphone le réveillait dès qu'il y avait un problème. Il interrompait ses week-ends de camping, ses sorties au cinéma, ses fêtes d'anniversaire, uniquement pour remettre l'application en ligne. »
09:54Gratuite, l'application connaît une croissance fulgurante.
10:01Moins d'un an après son lancement, Instagram compte 10 millions d'utilisateurs pour seulement 8 salariés.
10:08Bien qu'elle ne dégage aucun bénéfice, la start-up, dernière pépite en date de la Silicon Valley, est convoitée par les nouveaux géants du numérique.
10:17« Ils venaient juste d'emménager dans un nouveau local, peut-être un mois ou deux auparavant.
10:23Les bureaux de South Park.
10:26Pendant toute notre conversation, son téléphone vibrait parce qu'il recevait tellement de notifications.
10:33C'était le chaos permanent. »
10:36« Et cette petite entreprise, âgée de seulement 18 mois, a finalement reçu un appel de Mark Zuckerberg,
10:44qu'un des investisseurs d'Instagram décrivait comme le roi de l'Internet à l'époque. »
10:57Facebook, riche d'un milliard d'utilisateurs, 100 fois plus qu'Instagram, pèse alors 100 milliards de dollars.
11:04Insatiable, son fondateur, Mark Zuckerberg, entend régner sans partage sur les réseaux sociaux.
11:11« On était une sorte d'ennemi pour Facebook à l'époque.
11:16On grandissait rapidement, on leur faisait peur.
11:20Alors il valait mieux que Facebook se rapproche de son ennemi et rachète Instagram. »
11:24« Facebook a été conçu pour les ordinateurs du bureau avec beaucoup trop de fonctionnalités.
11:30C'était compliqué à utiliser et il n'y avait pas d'application mobile satisfaisante.
11:34Mais sur Instagram, c'était simple et élégant.
11:36Ça a été imaginé spécifiquement pour les smartphones. »
11:40Kevin Seastrom ne voulait pas vraiment vendre Instagram, mais Mark Zuckerberg lui avait fait une promesse particulière.
11:49À savoir que si Instagram rejoignait Facebook, Kevin et Mike resteraient les fondateurs et les visionnaires.
11:59Lorsqu'il veut acheter une société, Mark Zuckerberg a l'habitude d'emmener ses fondateurs dans de longues promenades
12:05pour leur décrire sa vision d'un avenir commun.
12:07Et s'ils décident de rester concurrents, Zuckerberg leur explique comment, avec ces moyens considérables, il peut les écraser.
12:23Le dimanche, Kevin Seastrom a signé la vente de son application pour 1 milliard de dollars.
12:31Pour tous les médias, il s'agissait d'une dépense totalement insensée.
12:37« Instagram est devenu l'outil le plus populaire pour partager nos photos.
12:48L'application qui compte des millions d'utilisateurs a été absorbée hier par Facebook pour 1 milliard de dollars.
12:55L'idée que cette application, avec seulement 25 millions d'utilisateurs, aucun chiffre d'affaires à proprement parler et 13 employés,
13:04puisse valoir 1 milliard de dollars, était tout simplement inimaginable pour les acteurs du marché et de la tech.
13:11Mark Zuckerberg voyait à quel point les gens tombaient amoureux d'Instagram.
13:15Il savait qu'on allait basculer du texte à l'image et qu'Instagram serait le moteur de ce changement.
13:21Lorsque Kevin Seastrom et Mike Krieger ont annoncé à leurs employés qu'ils étaient rachetés par Facebook,
13:32les gens étaient horrifiés.
13:35Le produit Facebook n'avait rien à voir avec le produit Instagram.
13:39Il y avait trop de monde, c'était plein de notifications,
13:43et dans certains cas, un danger pour les données personnelles.
13:46Quand j'ai appris que Facebook avait acquis Instagram, j'emmenais mon linge à la laverie.
13:55Heureusement, j'avais mon ordinateur avec moi.
13:57J'ai couru jusqu'au café le plus proche et j'ai commencé à écrire le plus vite possible.
14:03Quatre minutes plus tard, mon article sur l'acquisition était publié.
14:06On a commencé à rencontrer des gens au siège de Facebook.
14:23C'était surréaliste.
14:26Mark Zuckerberg passait au garage de notre bureau, un peu maladroitement.
14:31Il essayait de nous saluer et de nous souhaiter la bienvenue.
14:33« Mais vous savez, c'est Mark. Ce n'est pas la personne la plus chaleureuse. »
14:41Le reste de l'équipe de Facebook ne savait pas trop quoi penser de nous.
14:44Car c'était la première entreprise dont ils faisaient l'acquisition,
14:47mais dont ils n'allaient pas tuer le produit.
14:53Instagram ne gagnait pas encore d'argent.
14:56On savait qu'en revanche, ils en brûlaient des tonnes.
14:59Et donc, lorsque Facebook a annoncé leur achat d'Instagram, cela avait du sens.
15:02Facebook allait pouvoir appliquer son modèle de ciblage publicitaire à Instagram.
15:1318 mois après son acquisition par Facebook,
15:16le jour où le réseau franchit les 150 millions d'utilisateurs,
15:20Mark Zuckerberg impose la publicité sur Instagram pour rentabiliser son achat.
15:25Dans un premier temps, un annonceur et une publicité par jour seulement.
15:31Une montre de luxe du styliste Michael Kors ouvre le bal.
15:34« Ils étaient très prudents sur l'utilisation de la publicité.
15:38Ils savaient que ça pouvait agacer les utilisateurs d'origine.
15:42Et donc, Kevin Sistram lui-même devait valider chaque pub ajouté à l'application.
15:47La façon dont les pubs étaient vendus aux employés était la suivante.
15:54Ça va être comme un magazine de luxe.
15:59Comme Vogue.
16:00Et nous avons assisté à la naissance d'une esthétique Instagram.
16:07Des photos parfaitement produites, comme dans une campagne publicitaire professionnelle.
16:12Et je pense que plus les comptes Instagram se remplissaient d'images parfaites,
16:15très léchées, plus on perdait en authenticité.
16:18Très vite, les marques ont compris qu'en plus des publicités classiques,
16:36elles pouvaient désormais aller voir telle personne qui a beaucoup d'abonnés
16:39et lui demander de parler de leurs produits.
16:45C'est comme ça qu'est né le marketing d'influence.
16:48À partir de ce moment-là, il y a eu de plus en plus de propositions de partenariats.
16:53Les gens se battaient pour y arriver.
16:58Le marketing d'influence et les annonceurs sont arrivés sur Instagram.
17:02Les gens étaient payés pour placer des produits,
17:05pour parler de telle ou telle marque,
17:06d'un hôtel où ils avaient séjourné, ou d'un restaurant.
17:15Instagram invente un nouveau modèle.
17:18L'utilisateur devient l'ambassadeur des marques.
17:23Il leur vend son influence sur sa communauté d'abonnés.
17:27Une roue de la fortune numérique, avec beaucoup d'appelés,
17:31mais très peu d'élus.
17:33Seule une poignée d'influenceurs dans le monde atteint le million d'abonnés.
17:364 sur 100 000.
17:50Pour le marché des influenceurs, il est découpé en énormément de niveaux,
17:54selon leur degré d'influence.
17:56Typiquement, on va avoir les énormes influenceurs,
18:00qui sont pour la plupart du temps des célébrités,
18:03qui, eux, font avoir jusqu'à plusieurs dizaines de millions d'abonnés à leur compte.
18:08« Allez, c'est parti ! »
18:09« Allez, c'est parti ! »
18:11« Allez, c'est parti ! »
18:13Ensuite, vous avez des niveaux d'influenceurs qui sont moindres,
18:29qu'on va appeler des macro-influenceurs,
18:32qui vont être à un million ou plusieurs millions d'abonnés.
18:37Ensuite, vous allez avoir les micro-influenceurs,
18:39entre 10 000 et 100 000 abonnés,
18:41ça va être autour de 1 000, 2 000, parfois 5 000 euros.
18:47Et après, vous allez avoir les nano-influenceurs
18:49qui peuvent même descendre jusqu'à moins de 1 000 abonnés,
18:52et qui, eux, vont être payés en nature,
18:54avec des produits, des services, des goodies,
18:57parfois même juste des codes promos.
19:00Tous ces gens-là, mais même un influenceur
19:01qui va faire quelques contrats,
19:03ne peut pas vivre la plupart ou un métier à côté.
19:05Avec le marketing d'influence,
19:11Instagram est devenu complètement narcissique.
19:13« Bon, la story, elle a un peu bugué,
19:15mais du coup, ça veut dire que ma petite robe-chemise
19:18vient de Asos,
19:19j'ai mis mon petit sac de Saint-Laurent,
19:22mes petites bottes de Koupels,
19:24et puis voilà, les bijoux.
19:26Là, tout ça, c'est Asos, les trois.
19:29Instagram s'est mis à ressembler
19:31à un gigantesque centre commercial.
19:33On a commencé à nous vendre des produits en permanence
19:37sans que l'on sache quels étaient les intérêts réels
19:40des personnes qui les recommandaient.
19:46Très vite, Instagram augmente le volume de publicité
19:49sur l'application.
19:51De plus en plus de contenus trash et de mauvaise qualité
19:53apparaissent.
19:54Beaucoup de gens prétendaient promouvoir une marque
20:01et lorsque vous appelez la marque en question,
20:04personne n'avait entendu parler d'eux.
20:08C'était le Far West.
20:09Il n'y avait aucun contrôle.
20:11Dans Instagram, il y a quand même une obligation
20:20de mise en scène de soi
20:22qui est au départ normale,
20:24c'est-à-dire comme tout le monde,
20:25on prend des selfies, etc.
20:27Ça, c'est la phase de l'usage ordinaire d'Instagram.
20:30Mais petit à petit, vous vous rendez compte
20:32que si vous voulez gagner de l'audience,
20:34attirer du public,
20:35faire réagir vos correspondants,
20:37et bien il faut absolument se mettre en scène
20:40et travailler cette mise en scène.
20:42On raconte une histoire, d'une certaine façon.
20:44On fait croire qu'on vit une vie extraordinaire
20:46qui évidemment a tendance plutôt à se passer
20:48à Dubaï, au Seychelles ou ailleurs
20:50que dans les cités ouvrières françaises.
20:53Mais il n'empêche que c'est ce style-là
20:55qui va mobiliser l'attention
20:57et qui va se reproduire.
20:58Moi, j'ai les bébés chauds, c'est tes petits bébés.
21:00Âgés d'à peine 20 ans,
21:08certains influenceurs se voient propulsés
21:09à la tête de collections de prêt-à-porter éphémères.
21:14Une mode bon marché et jetable pour adolescente,
21:18la fast fashion,
21:20conçue pour séduire l'audience d'Instagram.
21:24On va regarder.
21:27C'est bien, un peu en mouvement, non ?
21:28Ouais, ouais, c'est bien.
21:30L'influenceur a pris le pouvoir.
21:33Il ne se contente plus de faire la promotion d'un produit.
21:36Ouais, on en fait une, peut-être plus dynamique au début.
21:38Ok.
21:39Quand tu veux, vas-y.
21:40Il le conçoit, y appose son nom
21:43et le diffuse auprès de ses centaines de milliers d'abonnés.
21:47Ça, j'aime bien, celle-là.
21:49D'accord.
21:50Et après, du coup, il en faut une plus close-up.
21:52Ouais.
21:53Est-ce que c'est le site tiré
21:54ou tu veux qu'on travaille un peu plus ?
21:57Peut-être tirer un peu plus la chemise
21:59pour pas qu'il y ait trop de...
22:00De plis, là ?
22:01Ouais.
22:02Ça.
22:02Ok.
22:03Alors là, on va estimer le haut
22:05pour y revenir et pour...
22:08La vidéo, là, je vais revenir.
22:09Ouais, tu peux faire la vidéo avant, oui.
22:11Une des premières marques avec qui j'ai travaillé,
22:13c'est Don't Call Me Jennifer.
22:14Donc, c'est une marque de prêt-à-porter.
22:16Et on a créé ensemble une collection de vêtements.
22:18Donc, c'était la collection Maille Adorable.
22:19Et en fait, je suis entièrement libre de faire ce que je veux.
22:22Donc, si j'ai envie de faire un sac,
22:24trois t-shirts et dix pantalons,
22:26je suis libre.
22:32Le développement de produits spécifiques,
22:34c'est un moyen pour les influenceuses
22:36de générer des royalties,
22:38de générer des revenus.
22:39Elles auraient tort de se priver
22:41si les marques payent.
22:45Maintenant, encore une fois,
22:47on est à la quintessence du produit jetable,
22:50du produit qui va faire un buzz à un moment donné
22:54et qui va être remplacé par une autre collaboration
22:56d'une autre influenceuse ou d'un autre influenceur
22:59avec une autre marque.
23:01Exposés, partagés, likés,
23:05les corps des influenceurs inondent le réseau
23:07jusqu'à saturation
23:08et imposent un nouveau modèle copié
23:11à des millions d'exemplaires.
23:14La quête de validation numérique
23:15nourrit un concours de beauté
23:17et de popularité permanent
23:19arbitré par deux milliards de jurés.
23:27Partout dans le monde,
23:29les utilisateurs ont voulu gagner
23:30leur part de célébrité Instagram.
23:34Pour y parvenir,
23:36ils ont commencé à scruter
23:37les indicateurs de l'application.
23:39Les commentaires des abonnés,
23:42le nombre de likes,
23:43les retours qui les informaient
23:45qu'un décolleté est toujours plus payant
23:46qu'une poitrine recouverte.
23:48est-ce que c'est mieux qu'à couvrir ?
23:49On s'aperçoit qu'Instagram, aujourd'hui,
24:00propose majoritairement des images
24:03qui sont du porno soft,
24:05de cette standardisation des corps
24:06extrêmement normée.
24:10Nicolas Kaiser-Brill,
24:12journaliste et membre de l'ONG
24:13Algorithme Watch,
24:15a enquêté sur l'algorithme d'Instagram.
24:19Nous, on a fait une enquête
24:21sur l'algorithme d'Instagram.
24:24On a pu constater
24:25que les photos d'hommes et de femmes
24:28en maillot de bain
24:28étaient montrées
24:29beaucoup plus fréquemment
24:30que les photos de paysages
24:33ou de nourriture.
24:33Il y a clairement
24:36ce corps Instagram,
24:39qui est un corps
24:40entre 20 et 30 ans,
24:42souvent dénudé,
24:43mais dans le respect
24:44des conditions d'utilisation
24:45de Facebook et Instagram.
24:46Pour les femmes,
24:48de ne pas montrer les tétons.
24:50Par contre, tout le reste
24:50est autorisé
24:52et, d'après nos recherches,
24:53encouragé.
24:57Il y a très clairement
24:58un gros problème de misogynie
25:00chez Zuckerberg.
25:02Et par ailleurs,
25:03dans tout l'univers
25:04des ingénieurs
25:05qui créent et entretiennent
25:08les algorithmes
25:09d'Instagram et Facebook,
25:11il y a là encore
25:12une misogynie
25:12qui est très bien étudiée
25:15par les chercheurs.
25:24Sophie Vigier dirige
25:25une des écoles de pointe
25:27de la tech française.
25:29Son rôle,
25:30défendre la place des femmes
25:31dans le secteur numérique.
25:33Ce milieu probablement
25:34constitué de jeunes,
25:36d'adolescents,
25:37qui sont des adolescents
25:38qui ont bien évidemment
25:39des difficultés
25:40avec l'autre,
25:41particulièrement
25:42avec l'autre sexe.
25:44On le voit
25:45dans la fantasmagorie geek.
25:48On voit que c'est en fait
25:49les femmes
25:50qui sont hyper sexualisées,
25:52avec des énormes poitrines,
25:53et qu'il y a même
25:54une certaine forme
25:54de violence.
25:55L'un des premiers projets
25:56de Mark Zuckerberg,
25:57donc le patron
25:58de Facebook,
25:58Instagram,
25:59c'était un site
26:01pour classer
26:02les étudiantes
26:04de son université.
26:06Le fait qu'il n'y ait
26:18qu'une partie de l'humanité,
26:23là en l'occurrence
26:23des hommes blancs,
26:25cisgenres,
26:25CSP++,
26:27qui pensent les outils,
26:28ça amène évidemment
26:29des biais.
26:30Si ce ne sont que des hommes
26:31qui travaillent,
26:32ou en tout cas
26:32une grande majorité d'hommes
26:34qui travaillent chez Instagram
26:35sur les algorithmes
26:37qui permettent d'accéder,
26:38de sélectionner
26:39les profils plus valorisés,
26:41évidemment,
26:42on va avoir
26:42leur regard
26:43et leur biais.
26:47Les obsessions
26:48des ingénieurs
26:49pour ces corps
26:49hyper sexualisés
26:51ne sont pas sans effet
26:52sur les utilisateurs,
26:54soumis à cet impératif
26:55constant de standardisation.
26:59Tout cela a créé
27:02beaucoup de problèmes
27:03de santé mentale.
27:04Les utilisateurs
27:05sont devenus jaloux
27:06et envieux.
27:07La dysmorphie
27:08s'est généralisée,
27:10avec des gens
27:10mal dans leur peau,
27:11pas assez riches
27:12ni assez célèbres
27:13pour avoir
27:14une vie excitante.
27:16Si vous n'avez pas
27:17un corps
27:18à la Kim Kardashian,
27:19il est possible
27:20d'en acquérir un.
27:21On a donc observé
27:23une augmentation radicale
27:25des opérations
27:25de chirurgie esthétique
27:27telles que
27:27le Brazilian Butt Lift.
27:29C'est une opération
27:31extrêmement dangereuse,
27:32qui prélève la graisse
27:34au niveau de la taille
27:35et la réinjecte
27:36dans les fesses
27:37pour obtenir
27:38cette forme de poire.
27:39Miami semble avoir été conçue
27:59pour Instagram,
28:01une ville dédiée
28:01au culte du corps,
28:03capitale mondiale
28:04de la chirurgie esthétique.
28:0520 000 femmes
28:09viennent s'y offrir
28:10un Brazilian Butt Lift
28:12chaque année.
28:14Un pactole
28:14de 100 millions de dollars
28:15pour les cliniques
28:16de la ville.
28:19Qu'est-ce qu'on a
28:20aujourd'hui, Val ?
28:21Aujourd'hui,
28:23on a un lifting des seins
28:24suivi d'un
28:26Brazilian Butt Lift,
28:28une liposuction du ventre,
28:30des implants mammaires,
28:31une liposuction
28:32de la partie arrière
28:33des cuisses
28:34et enfin,
28:35une augmentation mammaire.
28:37Ça va être une journée
28:38magnifique.
28:39Peut-être la plus belle
28:40journée au monde.
28:41Je ne sais pas.
28:45avant les réseaux sociaux,
28:53avant Instagram,
28:55je n'étais qu'un simple
28:56père de famille
28:57qui travaillait dur
28:58dans la chirurgie.
29:00J'étais un peu connu
29:01à Miami
29:02et dans les environs
29:03en Floride du Sud.
29:09Instagram a propulsé
29:10mon cabinet,
29:11ma marque,
29:12ma notoriété
29:13jusqu'à atteindre
29:14un public mondial.
29:17Aujourd'hui,
29:18partout dans le monde,
29:19je dis bien partout
29:20dans le monde,
29:20les gens m'arrêtent
29:21en me disant
29:22« Vous êtes le docteur Miami ? »
29:24Génial.
29:26T'es le meilleur,
29:26merci.
29:27De rien.
29:28L'opération la plus demandée
29:29est le Brazilian Butt Lift.
29:31On prend la graisse
29:32dont vous ne voulez pas
29:33à l'arrière
29:34et on la réinjecte
29:35pour redessiner les fesses.
29:36Bienvenue à nouveau
29:39dans le bloc opératoire.
29:40Mardi, magnifique,
29:42nous allons faire
29:42une lipo,
29:44des Brazilian Butt Lift.
29:45Venez voir comment
29:46je vais transformer
29:47ces magnifiques
29:47corps de femmes.
29:50Désormais,
29:51les patientes
29:51viennent avec des photos
29:52de célébrités
29:53d'Instagram.
29:56Nicki Minaj,
29:57Kim Kardashian.
29:59Elles sont très célèbres
30:00sur Instagram
30:01car elles ont sculpté
30:02leur corps
30:03à la salle de sport
30:04et les gens veulent
30:05le ressembler.
30:09S'offrir le postérieur
30:11de Kim Kardashian
30:12sous le scalpel
30:13du docteur Miami
30:14est facturé 13 000 dollars.
30:19Deux journalistes
30:20ont enquêté
30:21sur une série
30:22de morts suspectes
30:23dans les cliniques
30:23de la région.
30:26Sur Instagram,
30:27de nombreux chirurgiens
30:28peu scrupuleux
30:29proposent des opérations
30:30à prix cassé.
30:34En Floride,
30:36n'importe qui
30:37peut ouvrir
30:38avec 10 000
30:39ou 20 000 dollars
30:40une clinique
30:41de chirurgie esthétique.
30:43Personne n'a besoin
30:44d'un permis spécial.
30:45Personne n'a non plus besoin
30:47d'être chirurgien
30:48ni même d'une licence
30:49d'entrepreneur.
30:51Ces gens achètent
30:52des espaces publicitaires
30:53sur Instagram
30:54ou Facebook.
30:55Ils publient des photos
30:55ou des vidéos
30:56de chacune des opérations.
30:58Certaines cliniques
30:59fonctionnent même
31:00H24.
31:00H24.
31:00H24.
31:00H24.
31:00H24.
31:00H24.
31:04L'Association
31:08des chirurgiens
31:09esthétiques
31:10des États-Unis
31:10a déterminé
31:11que le lifting
31:12des fesses
31:12est 20 fois
31:13plus mortel
31:14que n'importe quelle
31:15autre intervention
31:16de chirurgie plastique.
31:17H24.
31:17H24.
31:18H24.
31:18H24.
31:18H24.
31:19H24.
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31:20H24.
31:20H24.
31:21H24.
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31:22H24.
31:22H24.
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31:23H24.
31:23H24.
31:23H24.
31:24H24.
31:24H24.
31:24H24.
31:25H24.
31:25H24.
31:26Ma fille était obsédée par Instagram.
31:46Elle ne faisait que parler des filles
31:49qui étaient si belles sur Instagram.
31:53Ces femmes qui avaient fait un Brazilian buttlift.
31:56Elles l'appelaient le BBL.
31:58Elle l'appelait le BBL.
31:59Je suis moi-même médecin.
32:16J'ai appris qu'elle allait se faire opérer
32:1824 heures avant.
32:22J'ai tenté de l'en dissuader.
32:25Je sais que ça a commencé avec les Kardashians.
32:36Elle admirait les sœurs Kardashians.
32:38La forme de leur corps, comme une bouteille de Coca-Cola.
32:45Ma fille a reçu un appel disant qu'elle pouvait venir chercher ma petite-fille.
32:51Mais 5 minutes plus tard, nous avons reçu un autre appel
32:56annonçant qu'elle avait été victime d'un arrêt respiratoire.
33:02Ce qu'on a découvert, c'est que ces types
33:05qui étaient censés effectuer un suivi échographique de l'opération
33:09ne l'ont pas fait.
33:13Il y a des médecins qui pratiquent ce type d'opération si dangereuse
33:23et si délicate
33:24alors qu'ils ont uniquement suivi des cours le week-end.
33:29Un week-end
33:31pour une procédure qui nécessite 6 à 8 ans d'études.
33:35Ce chirurgien devait prendre 3 heures et demie pour opérer ma petite-fille.
33:47Il a considéré qu'une heure suffisait
33:49parce que plein d'autres filles attendaient leur tour
33:53pour 10 000 dollars chacune.
33:55Je ne peux pas cautionner cette façon qu'ont ces femmes de s'exhiber.
34:06Elles pensent que c'est bien, mais non, ce n'est pas bien, ce n'est pas naturel.
34:12Je pense que sans les réseaux sociaux, ma fille serait en vie.
34:19C'est ce que je crois.
34:24Sans cela, elle serait toujours là.
34:32Alors oui, je tiens les réseaux sociaux pour responsable.
34:42En 2018, Instagram franchit la barre du milliard d'utilisateurs
34:56et génère 8 milliards de dollars de revenus publicitaires,
35:00un tiers des recettes de Facebook.
35:038 ans après sa création,
35:06l'application hedoniste et artie conçue par Krieger et Systrom
35:09n'est qu'un lointain souvenir.
35:12Marc Zuckerberg a ouvert les vannes
35:16à la publicité de masse sur le réseau.
35:18Instagram est devenu la cache-machine de Facebook.
35:24Au siège du groupe,
35:26la guerre est déclarée entre Zuckerberg
35:28et les fondateurs qui s'estiment trahis.
35:31Mark Zuckerberg avait une vraie raison
35:34de prendre le contrôle d'Instagram.
35:37Il voulait créer le plus grand réseau social du monde.
35:42« Mark Zuckerberg n'a pas tenu la promesse d'autonomie
35:46qu'il leur avait faite.
35:48Cela a créé des tensions. »
35:49« Soyons honnêtes, c'était tout le temps tendu.
35:54C'est une des marques les plus singulières
35:55et les plus importantes jamais créées.
35:58Ils crachaient sur leur travail.
35:59Ils ne respectaient pas ce qu'ils avaient construit. »
36:05En 2018, Krieger et Sistrom quittent le navire.
36:09Mark Zuckerberg a désormais les mains libres.
36:11Il en profite pour réfléchir secrètement
36:13au lancement d'une version d'Instagram
36:15dédiée aux moins de 13 ans,
36:17jusqu'alors interdit sur la plateforme.
36:20Instakids.
36:21En octobre 2021, une lanceuse d'alerte,
36:31ancienne ingénieure de Facebook,
36:33relayée par le Wall Street Journal,
36:36révèle que le groupe a réalisé une étude
36:38sur la relation des adolescents à l'application,
36:41dont les résultats alarmants
36:42ont été sciemment dissimulés au public.
36:45Les adolescents reprochent à Instagram
36:51d'accroître leur niveau d'anxiété et de mal-être.
36:59Pour un adolescent sur cinq,
37:01Instagram nuit à son estime de soi.
37:07Un scandale mondial qui entache le réseau social,
37:11dont la représentante est interrogée
37:12par le Sénat américain.
37:15« Cette étude est une véritable bombe.
37:19Une preuve incontestable et alarmante
37:24que Facebook est tout à fait conscient
37:28de son impact négatif sur les jeunes
37:31et que l'entreprise a dissimulé ses résultats.
37:38Donc je vous demande de rendre public
37:41les milliers de pages de ce document.
37:45Merci, Sénateur.
37:47Nous avons déjà publié une partie des rapports
37:50et nous cherchons la meilleure façon
37:52d'en révéler davantage.
37:55Et je veux être très claire,
37:57ces recherches ne contiennent rien d'explosif.
38:00Pour les adolescents,
38:04Instagram est pire qu'un concours de popularité
38:08dans une cafétéria de collège.
38:10Parce que tout le monde peut voir immédiatement
38:13qui est le plus populaire
38:14et qui est le moins populaire.
38:18Pour les jeunes,
38:19Instagram est comme la première cigarette.
38:22Facebook opère tout simplement
38:24comme l'industrie du tabac.
38:25Ils poussent à la consommation
38:28alors qu'ils savent que c'est dangereux
38:29pour la santé des jeunes.
38:31Et ils le font dès le plus jeune âge
38:33pour faire de l'argent.
38:38Pur produit de la Silicon Valley,
38:41Frances Haugen,
38:42ancienne ingénieure modèle de Facebook,
38:45vient témoigner contre son ex-employeur.
38:47Les dirigeants de l'entreprise
38:52savent comment rendre Facebook et Instagram plus sûrs.
38:55Mais ils ne feront rien
38:56parce qu'ils placent leurs profits astronomiques
38:58au-dessus des utilisateurs.
39:05Je pense qu'InstaKid est vraiment
39:08le degré ultime, si vous voulez,
39:10de l'immoralité.
39:12C'est-à-dire qu'on ne peut pas
39:13prétendre
39:14capter l'attention
39:17des plus petits
39:18de cette façon-là.
39:20On sait déjà
39:20qu'ils ont tendance à le faire.
39:22Le problème est plutôt
39:23justement de ralentir
39:24et d'éviter
39:25qu'ils soient soumis
39:27immédiatement
39:28à cette...
39:28D'une part,
39:29à ce rythme attentionnel
39:30et d'autre part,
39:31à cette dictature
39:32des styles
39:33qui sont mis en scène
39:35dans Instagram
39:36et qui, du coup,
39:37font qu'on va avoir
39:38des petites filles,
39:39notamment des petites filles,
39:40évidemment,
39:40qui vont devenir déjà
39:41des bimbos
39:42pour correspondre
39:43à des modèles.
39:47Face à la polémique,
39:49Mark Zuckerberg
39:50finit par mettre en pause
39:51le projet InstaKids.
39:53Mais un événement planétaire,
39:55aussi soudain
39:56qu'imprévisible,
39:57va permettre
39:58de booster
39:58l'audience du réseau.
40:01En mars 2020,
40:03la pandémie de Covid
40:04contraint la moitié
40:05de l'humanité
40:05à s'enfermer
40:06chez elle
40:06et à se réfugier
40:08derrière ses écrans.
40:09Pour le plus grand profit
40:11d'Instagram.
40:11La pandémie du Covid
40:16a été un vrai choc
40:17pour Instagram.
40:18La plupart des événements
40:19pendant lesquels
40:20nous prenions des photos
40:21n'avaient plus lieu.
40:23Nous sommes alors devenus
40:26tellement plus dépendants
40:27des réseaux sociaux
40:28pour rester en contact
40:29avec nos proches
40:30qu'Instagram a été
40:32l'un des grands bénéficiaires
40:33du Covid.
40:35Instagram a fait
40:36une croissance énorme
40:38ces dernières années.
40:39son chiffre d'affaires
40:40publicitaire
40:41est passé
40:42de 9 milliards
40:43en 2019
40:45à quasiment
40:46près de 18 milliards
40:48estimés
40:49pour 2021.
40:50L'industrie du spectacle
40:52a dû trouver un autre endroit
40:54pour toucher le public
40:55et ils sont nombreux
40:57à avoir choisi Instagram.
40:59Des DJs,
41:00des comédiens,
41:01John Legend
41:02avec Chrissy Teigen
41:03assis sur son piano.
41:04C'était un endroit
41:10où les gens
41:11pouvaient retrouver
41:12un peu des spectacles
41:13et des divertissements
41:14dont ils étaient privés
41:16à cause du Covid.
41:21Bonjour à tous.
41:23Tu as quelque chose
41:24à dire, Chrissy ?
41:25Eh oui,
41:28c'est le public
41:29qui a choisi
41:29ta tenue aujourd'hui.
41:31Une serviette de bain !
41:33C'est un bon choix.
41:35Et elle a mis un turban.
41:36Oui, j'ai un turban.
41:45On a vu l'esthétique
41:48d'Instagram
41:49se transformer
41:50avec l'apparition
41:50de photos plus naturelles
41:52ou travailler
41:53pour avoir l'air spontané.
41:54Bon dimanche à tous.
42:00Il est très tôt pour moi.
42:02J'ai pas mal tourné
42:03ces derniers jours.
42:04Je devrais encore
42:05être au lit.
42:06Mais bon.
42:08Après le Covid,
42:12nous nous sommes mises
42:13à partager davantage
42:14nos sentiments,
42:15nos émotions,
42:16nos épreuves personnelles
42:17sur l'application.
42:18Il ne faut pas perdre de vue
42:19que les réseaux sociaux
42:20en général,
42:21Instagram et tous les autres,
42:23ont été
42:23un formidable
42:24vecteur d'émancipation
42:26pour de très nombreuses personnes
42:28qui n'avaient pas
42:31de visibilité
42:32dans le monde
42:33d'avant Internet.
42:34Des minorités raciales,
42:36des minorités sexuelles.
42:36La gravité de la pandémie
42:42a mis en relief
42:43la vacuité d'Instagram
42:45devenue trop futile,
42:46trop mercantile,
42:48parfois obscène.
42:49Une mise à jour
42:50s'opère alors.
42:52Des activistes
42:52qui soutiennent
42:53la cause noire,
42:54le féminisme,
42:55les luttes LGBT
42:56et d'autres combats
42:58s'emparent du réseau.
43:03C'est devenu très facile
43:04de partager un message
43:06que les gens ont trouvé ailleurs.
43:07Ils n'ont même plus besoin
43:08de l'écrire,
43:09ni même de comprendre
43:10vraiment le concept.
43:11Ils ont juste à faire
43:12une capture d'écran
43:13qu'ils intègrent
43:13à leur propre publication.
43:23Chaque semaine à Manhattan,
43:25au cœur de Greenwich Village,
43:26à Stonewall,
43:28lieu historique
43:28de la lutte LGBT,
43:30des manifestants
43:31rendent hommage
43:32aux victimes noires,
43:33gays ou trans
43:34de violences policières.
43:36Nous,
43:37les personnes transgenres,
43:39nous devions rester cachés
43:40là où la société
43:41n'aurait pas à supporter
43:42notre immoralité.
43:43Nous risquions notre vie.
43:45J'ai émigré du Caire en Égypte.
43:59Je suis arrivé ici
44:00en 2008.
44:02J'ai fui les persécutions
44:03et les tortures
44:04que j'ai subi en Égypte.
44:07Pour moi,
44:11la liberté,
44:12c'était de ne plus me cacher
44:13et je me suis plongé
44:14dans le monde
44:15de la nuit,
44:15de la fête.
44:17Je faisais des performances.
44:22Et tout ça me détournait
44:24de ce qui avait
44:24une réelle importance.
44:25Et quand le Covid a frappé,
44:31le monde entier
44:32s'est retrouvé
44:33sur Instagram.
44:34Et moi,
44:35tous les jours,
44:36j'entendais parler
44:36de meurtre
44:37de personnes trans.
44:39Puis,
44:40il y a eu le meurtre
44:40de George Floyd.
44:41Ces images m'ont bouleversé.
44:43George Floyd !
44:44George Floyd !
44:46George Floyd !
44:48George Floyd !
44:49Je suis sorti
44:51dans la rue
44:52et j'ai rejoint
44:53le mouvement.
44:54Il fallait
44:55que je m'engage
44:56moi aussi.
44:57Je dois faire
44:57quelque chose
44:58de ça.
45:24au Moyen-Orient,
45:31il est impossible
45:32d'être transgenre,
45:34de sortir dans la rue
45:35et d'être soi-même.
45:36Le seul réseau social
45:38qu'ils ont,
45:39c'est Instagram.
45:40Et le seul moyen
45:41de communiquer
45:41avec moi,
45:42c'est Instagram.
45:43« Salut ! »
45:56« Salut ! »
45:57« Bonjour ! »
45:58« Salut mon bébé,
45:59tu vas bien ? »
46:00« Ça va bien. »
46:02« Je t'appelle
46:03pour te dire quelque chose
46:04à propos de ta sœur,
46:05Etage. »
46:07« Elle a obtenu
46:08un visa humanitaire. »
46:10« Oui, c'est confirmé
46:12par le ministère
46:13de l'Intérieur. »
46:16« Donc elle va pouvoir
46:17venir à Paris ? »
46:19« Oui. »
46:20« Avec toutes les tortures
46:23qu'elle a endurées
46:24au Yémen,
46:25elle va avoir
46:26un traumatisme profond.
46:27On va s'assurer
46:33qu'elle soit bien
46:34à Paris,
46:34près de toi.
46:36Tu pourras
46:37prendre soin d'elle.
46:38Rétage a besoin
46:39d'être entourée. »
46:43Quelqu'un m'a contacté
46:45d'Arabie Saoudite
46:46pour me parler
46:47d'une fille
46:48qui s'appelle Rétage.
46:49Rétage.
46:49« J'étais menacée
46:56par les forces
46:56de l'ordre
46:57et aussi par ma famille
46:58qui m'a dénoncée
46:59à la police.
47:03Ce jour-là,
47:05j'avais sauvegardé
47:06sur mon téléphone portable
47:07des photos
47:07de moi maquillée
47:08et bien habillée.
47:15Ils m'ont emmenée
47:16au commissariat
47:16et dès que je suis arrivée,
47:18ils m'ont frappée
47:19avec des menottes
47:19et ils m'ont cassé
47:20une dent.
47:22Ils me torturaient
47:23toujours avec des menottes
47:24et me grillaient
47:25comme un morceau de viande.
47:35C'est grâce à Instagram
47:36que j'ai trouvé Iman.
47:38C'était notre seul moyen
47:40de communiquer.
47:42À travers Instagram,
47:43ma vie a commencé
47:44à s'intégrer
47:45à celle d'Iman.
47:46ils vont te poser
47:50la question suivante
47:51« Quelle est la dernière ville
47:53où tu as habité
47:54avant de quitter le Yémen ? »
47:57Tu peux répondre
47:58« J'ai quitté la ville
47:59de Sanaa
48:00et je me suis dirigée
48:01vers la ville d'Aden
48:02pour prendre l'avion. »
48:06À partir du moment
48:06où nous sommes entrés
48:07en contact,
48:09j'ai pu la faire sortir
48:10du Yémen
48:10et la faire venir
48:11dans un pays sûr.
48:12« Bienvenue ! »
48:42Ma chère,
48:46regarde-toi.
48:49Tu vois,
48:49ça fait combien de temps
48:50qu'on parlait sur Instagram ?
48:52Peut-être un an ?
48:53On n'avait jamais imaginé
48:57se rencontrer
48:58en face à face un jour.
49:00Non, jamais.
49:03À notre époque,
49:04tout est possible.
49:05Rien n'est figé.
49:0612 ans après sa création
49:20sur les rives du Pacifique,
49:2210 ans après son absorption
49:23par Facebook,
49:25l'application rêvée
49:26par Sistrom et Krieger
49:27reste étonnamment perméable
49:29au soubresaut du monde.
49:30Un rêve encore défendu
49:34jusqu'à la tribune du Congrès
49:36par une ancienne employée
49:37qui continue à croire
49:39aux promesses
49:39des fondateurs d'Instagram.
49:41Je crois dans le potentiel
49:46de Facebook.
49:48Nous pouvons avoir
49:49un réseau social
49:50que nous aimons,
49:51qui nous connecte tous,
49:52sans mettre en péril
49:53nos démocraties,
49:55sans mettre en danger
49:55nos enfants,
49:57sans attiser
49:57les violences ethniques
49:58dans le monde.
49:59Nous pouvons faire mieux.
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