- 19/06/2025
On oublie trop souvent que la capitale irakienne fut, du VIIIe au XIIIe siècle, le cœur palpitant d’une civilisation brillante et cosmopolite.
Sous les Abbassides, Bagdad était Madinat al-Salam — la Cité de la Paix. C’était un centre d’influence qui s’étendait de Cordoue jusqu’aux portes de la Chine. Dans ses bibliothèques, on traduisait Platon et Aristote. À sa tête, des penseurs comme Avicenne faisaient rayonner le savoir antique.
Carrefour de cultures, Bagdad était aussi une capitale économique, unie par une langue, l’arabe, et animée par un commerce audacieux : un chèque émis sur les rives du Tigre pouvait être encaissé à 4 000 kilomètres, dans l’Espagne andalouse.
Ville des Mille et Une Nuits, Bagdad incarnait une modernité unique pour son temps : foisonnante, raffinée, ouverte au monde. Jusqu’au jour où, en 1258, la cité s’effondra sous l’assaut des Mongols. En quelques jours, cinq siècles de grandeur furent engloutis.
Sous les Abbassides, Bagdad était Madinat al-Salam — la Cité de la Paix. C’était un centre d’influence qui s’étendait de Cordoue jusqu’aux portes de la Chine. Dans ses bibliothèques, on traduisait Platon et Aristote. À sa tête, des penseurs comme Avicenne faisaient rayonner le savoir antique.
Carrefour de cultures, Bagdad était aussi une capitale économique, unie par une langue, l’arabe, et animée par un commerce audacieux : un chèque émis sur les rives du Tigre pouvait être encaissé à 4 000 kilomètres, dans l’Espagne andalouse.
Ville des Mille et Une Nuits, Bagdad incarnait une modernité unique pour son temps : foisonnante, raffinée, ouverte au monde. Jusqu’au jour où, en 1258, la cité s’effondra sous l’assaut des Mongols. En quelques jours, cinq siècles de grandeur furent engloutis.
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00:00Bagdad aujourd'hui, une ville blessée.
00:11Qui se souvient devant ces ruines que du 8e au 13e siècle,
00:15elle fut la capitale d'une civilisation raffinée ?
00:19...
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00:21De Bagdad, le califat abbasside étendait son influence
00:32de l'Espagne aux confins de la Chine.
00:36Ville des mille et une nuits, gardienne du savoir antique,
00:39elle traduisait Aristote, Platon, Euclide.
00:47...
00:48Et puis, elle a été effacée de l'histoire
00:56par un de ces retournements tragiques
00:58que les chercheurs s'emploient aujourd'hui à comprendre.
01:02...
01:02En avril 2003, Bagdad est tombé aux mains
01:11d'une coalition de 300 000 soldats menée par les Etats-Unis.
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01:15Dans la mosquée de Kadimayn, au centre de la ville,
01:235 000 croyants sont rassemblés pour prier pour la paix.
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02:08Bagdad s'étend sur le long des rives du Tigre, sur l'emplacement de deux anciennes capitales, la ville perse Ctesiphon et la ville hélénistique Célecy.
02:24Il y a plus de mille ans, Bagdad était baptisé Madinat al-Salam, la cité de la paix.
02:30Ce palais a été construit en 762, quand les califes transfèrent leur capitale de Damas à Bagdad, au centre du califat.
02:45La dynastie au pouvoir était celle des abbassides, du nom du calife Abu al-Abbas, qu'il avait fondé en 749.
02:53L'architecture élégante et complexe du palais abbasside porte les traces de toutes les cultures que les conquérants arabes ont adoptées, comme ce dôme d'origine persane.
03:05Les califes abbassides se sont employés avec bonheur à développer les arts et les sciences, faisant de Bagdad une cité florissante.
03:12L'islam naît en Arabie au début du 7e siècle de notre ère, d'une révélation divine de l'ange Gabriel à Mahomet, un marchand arabe.
03:31Cette révélation est inscrite dans le Coran, qui signifie « récitation ».
03:42De son vivant, le prophète Mahomet impose l'islam, le mot veut dire « soumission à Dieu », au Bédouin, pasteur nomade d'Arabie.
03:49Au nom de la guerre sainte, ses successeurs se lancent à la conquête de la Syrie, puis de l'Égypte, à leur province chrétienne de l'Empire byzantin.
04:05Par deux fois, Constantinople, sa capitale, résiste aux armées de l'islam.
04:09Elles occupent toutefois la Perse et la Bactriane en 651, et créent un empire musulman entre l'Empire byzantin et l'Empire chinois des Tang.
04:24Les conquérants musulmans imposent la nouvelle foi en Afrique du Nord, et en 712 franchissent le détroit de Gibraltar et passent en Europe.
04:33Ils sont arrêtés par Charles Martel, à Poitiers, en 732.
04:40Les guerriers qui tombaient au combat contre les infidèles croyaient qu'ils gagnaient le paradis.
04:48Code religieux et social, le Coran règle chaque instant de l'existence du croyant.
04:54L'une des caractéristiques de l'islam est d'encourager les échanges commerciaux.
04:59Ils contribueront à asseoir l'influence de l'Empire musulman.
05:02Il est écrit dans le Coran qu'Allah autorise le commerce, mais avec loyauté et sans tromper son partenaire.
05:15Ce qui finalement rend le commerce non seulement licite, mais honorable.
05:18Les modalités des transactions commerciales de l'époque sont identiques à celles appliquées de nos jours au Yémen, au sud de la péninsule arabique.
05:41Par exemple, sur les marchés, un personnage est traditionnellement à la fois témoin et médiateur de chaque transaction entre vendeur et acheteur.
05:55Il lui revient de s'assurer de sa parfaite exécution et d'éviter qu'elle soit source d'un litige.
06:01Tu me respectes ? Je te respecte. On se respecte mutuellement. Donc, le bénéfice est partagé. Ils en bénéficient à part égale. C'est la loi. C'est la loi. C'est la loi.
06:31Ça a toujours été la loi de ce marché.
06:38Cette culture du commerce est à l'origine d'une forme de confiance entre des peuples d'origine bien différente.
06:45Les échanges allaient bien au-delà des simples transactions sur les marchés.
06:49Il existait également des mouvements financiers très sophistiqués, couramment pratiqués à travers le monde musulman.
07:01Un document, retrouvé en 1998, a étonné les chercheurs.
07:11Ce n'était rien moins que le plus vieux chèque sur papier jamais trouvé.
07:23Certes, on connaissait déjà des billets à ordre, voire des actions, gravées sur des tablettes d'argile par des marchands de Mésopotamie et des armateurs de Phénicie.
07:32On savait aussi que des chèques sur papier avaient été émis à Bagdad, mais on n'en avait jamais retrouvé.
07:47Celui-ci émanait d'un marchand égyptien et tout indique qu'il était encaissable dans toutes les maisons de change du califat.
07:55Ce moyen de paiement, comme d'autres, porte en entête l'invocation à Dieu.
08:06Au nom de Dieu, bienfaiteur, miséricordieux, payable à l'ordre de Karim, à qui on attribue 15 dirhams.
08:14Nous savons que des marchandises étaient achetées avec des billets à ordre depuis au moins le 9e siècle, ce qui assurait la sécurité des transactions.
08:26Ce système de paiement était utilisé dans tout le monde musulman et des chèques voyageaient de ville en ville.
08:33Des chèques émis à Bagdad étaient encaissés à Cordoue, en Espagne, à 4000 kilomètres.
08:45L'adoption par les Arabes des usages financiers des peuples conquis du Moyen-Orient a permis à Bagdad de bénéficier d'un considérable essor économique.
09:04La ville des mille et une nuits, la plus importante du monde musulman, est un bouillonnant creuset culturel où se croisent artisans, poètes, marchands, qui ont pour langue commune l'arabe.
09:31Au 9e siècle, elle supplante progressivement les autres langues locales comme le syriac, le copte et le berbère, sans toutefois remplacer le persan qui lui a emprunté l'alphabet.
09:42La plupart des aventures racontées dans les contes des mille et une nuits se déroulent dans Bagdad.
10:02Les héros des contes étaient empruntés aux différents peuples d'Eurasie.
10:18Aladin était supposé être chinois.
10:26Sinbad le marin était vraisemblablement indien.
10:29Des peuples d'origine diverses se côtoyaient dans Bagdad, la nouvelle ville des califes.
10:39Les bazars débordaient de denrées provenant du bout du monde.
10:42Langues, cultures, races qui se côtoyaient et se mélangeaient concouraient à faire de Bagdad une ville cosmopolite,
10:49une métropole dynamique et colorée, sans pareil à son époque.
10:52Les historiens se sont longtemps demandés quelle était la place de Bagdad dans l'administration de l'Empire.
11:11Ils ont finalement trouvé des réponses à leurs interrogations dans un ouvrage intitulé « Géographie » d'Al-Yakoubi.
11:17Ils révèlent, par exemple, que le siège de l'administration de l'Empire était situé sur la rive droite du Tigre,
11:32à l'endroit où se trouvait une gigantesque construction circulaire que les Bagdadis avaient baptisée « la cité ronde ».
11:42Le professeur Jacob Lassner l'a reconstitué d'après les documents d'époque.
11:4830 ans de recherche lui ont permis de conclure qu'elle était bien l'épicentre du pouvoir politique et religieux,
11:55le lieu d'où le calife gouvernait l'Empire.
11:57Al-Mansour a choisi la forme circulaire pour la raison suivante.
12:04Si l'on se trouvait au centre du cercle, on était à une distance égale de tous points du cercle,
12:10alors que si l'on était au centre d'un carré ou d'un rectangle, les distances seraient inégales par rapport au centre.
12:16Ce que cela signifie, c'est l'idée de centralisation du pouvoir qui se construit sur le concept de la cité circulaire.
12:24Et s'il y a quelque chose que les abbassides ont accompli durant leur califat, sûrement au début,
12:31c'était de mettre en place une administration hautement centralisée.
12:35Centralisée pas seulement dans sa manière de gouverner, mais aussi en termes de symboles visuels,
12:40de façon à ce que la cité circulaire autour d'Al-Mansour soit le symbole visuel de la centralisation de la puissance abbasside.
12:51Il semble qu'une structure bureaucratique très complexe existait sous le califat.
12:56Selon Al-Yakoubi, dix ministères étaient situés au sein de la cité ronde,
13:00dont ceux de l'information, de l'armée, des impôts et des lois.
13:04Le but étant, bien entendu, que le calife bénéficie d'un ensemble résidentiel
13:12d'où il pouvait commander à son administration, à ses fonctionnaires et à son gouvernement,
13:17sans jamais avoir à sortir d'une enceinte à l'intérieur de laquelle il était parfaitement en sécurité.
13:23L'emplacement exact de la cité ronde n'avait jamais été vraiment localisé par les archéologues.
13:34Deux chercheurs japonais ont tenté de le faire en se fondant sur les études du professeur Lassner.
13:41Naoko Fukami, historienne de l'architecture islamique, et le géographe Hideo Soma ont exploré de multiples sites eurasiens à partir de données satellites.
14:00Sur cette image, on aperçoit le tigre qui traverse la ville.
14:07C'est sur sa rive occidentale que, d'après les documents anciens, se situait la cité ronde.
14:15Ces textes la décrivent entourée de canaux. Les archéologues ont recherché leurs traces.
14:20Cette ligne blanche s'étire jusque-là.
14:31Je pense qu'il s'agissait probablement d'un quai.
14:36La ligne noire sur la droite est plutôt étroite et en contrebas.
14:42Je suis sûr qu'il s'agissait d'une voie d'eau, sans doute un canal.
14:51La ligne du canal se prolonge de ce côté-là.
14:56Voilà le schéma que cette image nous permet de déduire.
15:03L'examen des images satellites a permis de mettre en évidence un réseau de quatre canaux qui partent du tigre.
15:12Leur tracé délimite une zone sur la rive droite du fleuve.
15:20La cité ronde serait située dans ce périmètre, entourée par les deux canaux centraux.
15:25On sait par les chroniques anciennes qu'il existait un lieu sain proche de la cité ronde appelée Mintaka.
15:30Mintaka est le nom d'un quartier du Bagdad d'aujourd'hui où se trouve la mosquée Barras.
15:45Plusieurs fois reconstruite au cours des siècles, cette mosquée est bâtie autour d'une source que les habitants estimaient sacrée.
15:54Les croyants se réunissent autour de la pierre noire pour s'asperger.
16:02Les chroniques anciennes mentionnent ce quartier comme lieu de pèlerinage.
16:08Tous ces éléments laissent supposer que la cité ronde se situait au voisinage de cette mosquée.
16:22D'après les chercheurs, le diamètre de la cité ronde ne mesurait pas moins de deux kilomètres.
16:33Elle se trouvait donc bien là, proche de la mosquée et entourée des canaux.
16:38C'était le seul emplacement susceptible d'accueillir une construction de son importance.
16:44Bagdad était le point de départ de quatre routes terrestres.
16:47Si on partait vers le nord-est, on arrivait en Iran.
16:51Vers le nord-ouest, on arrivait en Syrie.
16:54Vers le sud-ouest, on allait à la Mecque.
16:56Et si on partait vers le sud-est, le long du Tigre, on arrivait au Golfe Persique.
17:00Vous savez, pour que la ville jouisse d'une longue prospérité, on l'a surnommée la cité de la paix.
17:06Le calife s'est projeté dans l'avenir.
17:09Lorsqu'il a fondé cette ville, il a choisi un emplacement propice à une longue prospérité.
17:13Seule une reconstitution en images virtuelles peut donner une idée exacte de ce à quoi ressemblait la cité des califes.
17:23Entourée d'une enceinte de 18 mètres de haut et longue de 7 kilomètres,
17:34les bâtiments abritaient l'administration du califat qui entretenait environ 30 000 fonctionnaires et soldats.
17:39Au centre de la cité se dressait le dôme du palais du calife, chef spirituel, temporel et commandeur des croyants.
18:01Quoique gardien de la loi, il s'en affranchissait allègrement.
18:07Des poèmes enchantaient l'atmosphère érotique et bachique qui régnait dans le palais.
18:12On disait que ce cavalier placé au sommet du dôme indiquait la direction où des troubles se produisaient.
18:18La légende voulait aussi que le calife ait possédé un miroir magique capable de lui renvoyer l'image des lieux les plus éloignés du califat.
18:31Il était naturellement l'homme le mieux renseigné du royaume.
18:37Car nuit et jour convergeaient vers lui des noriats de cavaliers chargés de lui rapporter des informations depuis les régions les plus reculées.
18:49Le manuscrit d'Al-Yakoubi qualifie Bagdad de carrefour du monde.
18:53Des quatre portes de la ville partaient quatre routes vers les provinces les plus lointaines du califat.
19:09Elles étaient les principales voies d'un commerce indispensable à la prospérité de l'empire.
19:13Les caravanes qui allaient vers la Méditerranée passaient par les ruines de la cité légendaire de Palmyre au milieu du désert de Syrie.
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20:32Dans cette île de Birka, les arabes venaient chercher l'ambre.
20:40Alors qu'à cette époque, la région appartenait aux vikings.
20:50Fin navigateurs,
20:53pirates et pilleurs.
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21:10A Birka, les archéologues ont exhumé, entre autres vestiges,
21:28des pièces de monnaie en argent, frappées à Bagdad.
21:34L'ampleur de la découverte des milliers de pièces
21:37rappelle l'importance des échanges commerciaux et des relations entre arabes et vikings.
21:45L'utilisation de la monnaie était généralisée dans le monde musulman.
21:49Elle avait un nom, le dirham.
21:53En ce qui concerne la monnaie, les musulmans étaient en avance par rapport aux vikings,
21:58qui accordaient plus de valeur au métal d'argent qu'aux pièces de monnaie elles-mêmes.
22:02Mais pour pouvoir commercer avec les marchands musulmans,
22:08ils durent s'adapter à leur règle.
22:14Venant de Bagdad, ces pièces de monnaie portaient naturellement l'inscription
22:19« Madinat al-Salam », « Cité de la paix ».
22:22La comptabilité du califat était tenue dans de grands registres.
22:45Ses revenus comprenaient l'impôt foncier
22:47et les taxes sur les marchandises auxquelles étaient astreints tous les sujets.
22:50Les non-musulmans, qui n'avaient pas accès au poste administratif,
22:55étaient soumis à des impôts supplémentaires, tels que la capitation.
23:06Alors que le pouvoir abbasside conforte le statut du califat,
23:09un conflit se profile à l'est.
23:12Tandis que les Arabes poussent leur conquête en Asie centrale vers la Chine,
23:16l'armée chinoise des Tang se mobilise pour défendre ses frontières.
23:20En 751, les deux armées s'affrontent sur les rives du Thalas, au nord de la Kyrgyzie.
23:31Un poème épique kyrgyz évoque la terrible bataille.
23:34À plus de la Chine, le
23:42à plus d'un d'un d'un d'un Aïc,
23:44un poème épique et un épique,
23:45ça fait qu'il y a un des rives du Thalas.
23:48Malgré leur succès, les armées arabes ne pousseront pas leur conquête vers l'est,
24:09tandis que jamais plus les armées chinoises ne s'aventureront aussi loin vers l'ouest.
24:13La paix revenue coïncide avec la découverte en Perse par les Arabes des secrets de fabrication du papier.
24:43Inventé par les Chinois, le papier est arrivé en Perse avec les caravanes des Sogdiens, habitant de Bukhara et de Samarkand.
24:58C'est à Chang'an, alors capitale de la Chine, qu'a été inventée l'impression sur papier.
25:08La technique chinoise gagnera le Japon, qui imprimera le premier livre de l'histoire, le Sutra du Lotus, en 759.
25:14Samarkand, en Ouzbékistan.
25:37Dans cette fabrique, on a reconstitué le procédé utilisé au temps des Abbasides pour fabriquer le papier.
25:46On partait des fibres végétales telles que le chanvre ou le coton, ou à défaut de fibres brutes, de chiffon.
25:58Ils étaient décolorés à la chaux et bouillis jusqu'à ce qu'ils se transforment en pâtes.
26:07On décomposait les fibres au mortier.
26:14Une colle à base de peau d'abricot était mélangée à cette pâte.
26:19Etalée et séchée en fines couches, elle donnait des feuilles de papier.
26:25Le papier fait à base de chanvre est très solide, un peu entre la soie et le coton.
26:31Le papier de Samarkand s'est répandu en Iran, Irak et de fait à Bagdad.
26:41Jonathan Bloom, expert en papier arabe, estime que la découverte de sa fabrication a bouleversé les relations commerciales et l'administration politique du califat abbasside.
27:00Jusqu'alors, les Arabes écrivaient à l'encre sur du parchemin fabriqué à partir de peaux de moutons ou de chèvres.
27:15L'encre était fabriquée à base de suie diluée à l'eau, ce qui signifie que les écrits pouvaient être effacés.
27:21Il suffisait de frotter le parchemin avec un tissu humide.
27:33L'effacement accidentel ou la falsification des écrits administratifs et commerciaux était un problème récurrent.
27:41L'utilisation du papier a supprimé ces inconvénients.
27:44L'encre pénètre dans les pores entre les fibres et s'infiltre dans le papier.
27:54C'est un avantage si l'on veut éviter la falsification de documents.
28:03Lorsque les scribes désiraient une surface plus lisse et ne voulaient pas que l'encre sèche,
28:09ils apprêtaient le papier de manière à ce que l'encre reste en surface.
28:14L'administration de l'Empire exigeait de conserver les documents.
28:27La découverte du papier a effectivement permis leur archivage.
28:31La fabrication du papier a renforcé le système bureaucratique et conforté le pouvoir centralisé du califat.
28:47Il a permis au savoir de se répandre et surtout, il a joué un rôle déterminant dans la propagation de l'islam.
29:02Le Highbré exigeait de l'Empire exigeait de l'Empire exigeait le public du service intérieur.
29:20On a découvert en 1972 des fragments d'un exceptionnel volume d'un ancien Coran
29:37caché dans le plafond de la grande mosquée de Sanaa au Yémen.
29:40Les fragments du texte sacré remontent à l'an 700.
29:53Ils n'ont pas pu brûler le parchemin sacré du Coran, même s'ils ne l'utilisaient plus.
30:08Ce qui explique pourquoi il a été conservé à l'abri dans le plafond de la grande mosquée.
30:23Si aujourd'hui nous voulions écrire le Coran sur du parchemin, nous aurions besoin d'environ 300 pots de moutons.
30:32Ce serait une tâche impossible.
30:34Le papier a pris le pas sur le parchemin et le parchemin a été considéré comme appartenant au passé.
30:44L'utilisation du papier a entraîné une rapide augmentation des exemplaires du Coran en circulation.
30:50Amplifiés par une diffusion importante, ces préceptes ont contribué à la fois à l'évolution religieuse du califat et à cimenter son unité.
30:57Dans le califat, on entreprend de recopier sur du papier, outre les textes théologiques, ceux des auteurs anciens jusqu'alors reproduits sur papyrus.
31:10Tous les livres de l'Antiquité sont systématiquement recopiés dans leur langue d'origine.
31:14Le calife Mamoun lance dès 813 la traduction du grec vers l'arabe d'Hippocrate et Galien, de Ptolémée et Euclide, de Platon et des Stoïques, inconnus en Europe occidentale.
31:29On traduit aussi les auteurs indiens et perses, inventeurs de l'algèbre, et on introduit les chiffres hindous que nous appelons arabes.
31:53On invente la géométrie analytique moderne.
31:55La culture arabo-persane enrichit l'héritage ancien en médecine.
32:01En astronomie, on détermine la longueur de l'année solaire.
32:05Bagdad devient la gardienne du savoir antique qu'elle transmettra à un Occident qui lui doit la Renaissance.
32:13Ce document était un catalogue recensant ouvrages religieux, philosophiques, mathématiques, d'astronomie et de médecine.
32:21Il répertoriait également de nombreux classiques grecs traduits en arabe, comme la physique et l'éthique d'Aristote.
32:28L'effervescence intellectuelle du moment donne naissance à de grandes bibliothèques dans l'ensemble du monde arabe.
32:38Dans le monde musulman médiéval, il existait d'importantes bibliothèques.
32:49Les souverains en possédaient d'immenses.
32:51Par exemple, à Cordoue, en Espagne, nous savons que la bibliothèque était conçue sur le modèle de celle de Bagdad et qu'elle contenait 400 000 ouvrages.
33:00A Bagdad, les bibliothèques recelaient des centaines et des centaines de milliers de livres et au Caire, on dit que la bibliothèque en contenait des centaines de milliers.
33:20Cette situation était totalement différente de ce qui se passait en Europe au même moment, car là-bas, on conservait les livres dans les monastères.
33:31Et un monastère comptait au mieux cinq ou dix livres, et peut-être une centaine pour quelques autres.
33:38La meilleure bibliothèque d'Europe au Moyen-Âge était à l'Université de Paris, dont le catalogue comptait 3000 livres.
33:46Mais il en manquait la moitié.
34:05La médecine avait atteint un niveau incomparable.
34:09Le chef de l'école de médecine était Ali Abu ibn Sina, ou Avicenne, un persan originaire de Bukhara.
34:16L'Europe bénéficiera de ses observations cliniques et de leur systématisation.
34:22Il était également un commentateur d'Aristote.
34:26Son ouvrage, Le canon de la médecine, était le traité de médecine le plus avancé de l'époque.
34:34Cette représentation de l'anatomie humaine était basée sur des dissections alors interdites en Occident.
34:39Cette médecine d'avant-garde est à l'origine de la généralisation de la construction d'hôpitaux dans le califat, une invention iranienne.
34:50L'hôpital Al-Nouri, en Syrie, construit il y a 7 siècles, est aujourd'hui un musée de la médecine.
35:01Il permet de comprendre comment était organisé autrefois un hôpital général.
35:05Comme dans les hôpitaux modernes, il regroupait de nombreux services.
35:15Chirurgie interne, obstétrique, psychiatrie.
35:19Les installations permettaient l'hospitalisation de malades dont le traitement nécessitait des séjours de longue durée.
35:24Les chirurgiens utilisaient ce type d'instrument.
35:36Au fur et à mesure de l'évolution des connaissances anatomiques, ils pratiquaient des interventions de plus en plus complexes.
35:45Une éponge imbibée d'une solution à base de pavots était utilisée pour l'anesthésie.
35:54Cette tunique de chirurgien était ornée de versets du Coran pour rappeler que temporelles et spirituelles vont de pair.
36:17Cette clinique de quartier, où les consultations sont gratuites, a été créée après la guerre d'Irak à l'initiative de riches donateurs.
36:24Ces structures médicales jouent un rôle important, car très souvent les hôpitaux publics sont dans la capacité d'assurer leur mission.
36:41Le financement de cliniques par des fonds privés existe depuis plus de mille ans, grâce à un système inspiré des préceptes de charité du Coran.
36:48Il s'agit d'institutions appelées « waqf », ce qui signifie « dédier ses biens ».
37:01Elles gèrent ces biens, dont l'usufruit est affecté à des fondations pieuses telles que monastères, écoles coraniques et hôpitaux.
37:09Ce système est à l'origine d'un considérable patrimoine collectif.
37:23Akram Hassan Oulabi, chercheur syrien, est un spécialiste des waqf.
37:27Il a porté en particulier ses recherches sur l'hôpital général de Damas.
37:40Il s'est intéressé à des inscriptions situées dans sa cour intérieure.
37:44C'est un verset du Saint-Coran qui encourage les donations aux hôpitaux et aux œuvres de charité.
37:58Il y est dit que l'hôpital dépend des dons faits par les marchands locaux.
38:02Il y a près de 700 ans, les riches marchands de la région faisaient effectivement des dons à l'hôpital,
38:13dont l'activité était assurée par les profits réalisés avec le waqf.
38:17Les marchands qui occupaient les échoppes sur le marché donnaient de l'argent pour le waqf
38:31qui servait à l'entretien de l'hôpital, de l'école coranique et du couvent voisin.
38:36Ils supportaient les dépenses de nourriture, de vêtements,
38:39bref, tout le nécessaire au fonctionnement de l'hôpital.
38:47Ce bâtiment, appelé Maison de la Charité, appartient aujourd'hui à une institution caritative,
38:59héritière d'un très ancien passé.
39:03Cet homme fait don de 500 livres syriennes à l'administrateur,
39:07ce qui représente plus ou moins 10% de ses revenus.
39:17C'est bien de faire des dons, même s'ils ne sont pas importants.
39:23Dieu nous les rendra au double dans l'autre monde.
39:34Le waqf fonctionnait dans tout le monde musulman comme un système d'aide mutuelle
39:38qui participait à l'économie des villes.
39:40Il ne servait pas uniquement à entretenir l'hôpital et les institutions caritatives.
39:49Les dons bénéficiaient aussi aux mosquées autour desquelles les villes se développaient.
39:54En fait, le califat lui était redevable d'une forme de consensus social.
39:58L'hôpital central de Bagdad se trouvait à 3 km au sud de la cité ronde.
40:17On y construisit un caravancé rail bordé d'un marché en plein air.
40:23Nombreux dans la ville, les marchés étaient riches des produits en provenance des quatre coins du monde.
40:28Les échoppes des artisans, rassemblées par corporations, étaient regroupées autour des mosquées.
40:46Les marchands auraient financé la construction et l'entretien de quelques 300 mosquées autour de la cité ronde.
40:52Proche de ces mosquées, s'élevaient des centres commerciaux qui réunissaient plus d'une centaine des shops.
41:07Plus les commerces prospéraient et plus les services destinés aux pauvres et aux faibles étaient efficaces.
41:12Avec le marché, la mosquée est un des deux éléments essentiels de la structure de la ville musulmane.
41:32Elle est non seulement lieu de prière, mais aussi le siège de l'enseignement, de la justice et centre politique.
41:38Bagdad était heureuse et ne semblait pas voir venir le malheur.
41:56Après cinq siècles de grandeur, endormie dans son confort, affaiblie par des luttes internes,
42:02elle allait brusquement s'effondrer.
42:04Au XIIIe siècle, 12 000 cavaliers mongols, conduits par Hulagu, petit-fils de Gengis Khan,
42:16déferlent sur la ville, assiègent son million d'habitants pendant 17 jours.
42:21La ville tombe, les mongols mettent à sac la prestigieuse cité ronde.
42:25La chronique rapporte que les eaux du tigre furent souillées deux fois,
42:35une première par le sang des victimes et une seconde par l'encre des documents vandalisés.
42:41C'est la fin de Bagdad comme capitale du califat.
42:43Plus jamais, elle ne retrouvera son éclat intellectuel, ni sa magnificence.
42:58Son héritage n'a toutefois pas totalement disparu.
43:23Une partie du savoir recueilli par les califes s'est transmis à l'Occident.
43:36De nombreux ouvrages classiques grecs seront retraduits de l'arabe vers le latin.
43:40C'est donc grâce aux intellectuels arabes que les auteurs de l'Antiquité ont été révélés à l'Europe occidentale.
43:56Par exemple, le canon de la médecine d'Avicenne, rédigé en arabe, a été traduit en latin.
44:23Il sera enseigné pendant quatre siècles dans toutes les universités européennes.
44:28De même, l'œuvre complète d'Aristote sera traduite et abondamment enseignée et commentée dans l'Occident tout entier.
44:56C'est la fin du Moyen-Âge.
45:08Bagdad aujourd'hui.
45:10On ignore comment ces habitants vont retrouver la paix, reconstruire leur ville, et s'ils n'y parviendront jamais.
45:26Le cœur se sert en évoquant ce que fut, il y a un millénaire, par la grâce d'un islam ouvert sur le monde,
45:32l'une des plus brillantes métropoles de l'histoire de l'humanité.
45:36Cette civilisation, cette ville, qui avait atteint un si haut degré d'intelligence, de beauté et de richesse,
45:54peuvent-elles aujourd'hui retrouver cette inspiration à laquelle l'Occident doit tant ?
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