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  • 16/05/2025
Le Teknival était la toute première rave party autorisée en France. L'occasion pour des milliers de fans de célébrer la musique techno, à Carnoêt, un petit village breton. Mais la fête a tourné court, quant au matin du 23 juin 2005, a été retrouvé le corps de Mathilde Croguennec. Une fille de 18 ans, pour laquelle la gendarmerie va déployer des moyens gigantesques, à la mesure de cette scène de crime surdimensionnée et de ses 40 000 suspects...

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Transcription
00:00:31Alain Carnot a 23 ans, 1,60 m, un gros complexe.
00:00:37Son histoire, c'est celle d'un enfant aimé, intelligent, bon élève,
00:00:41qui aurait pu faire une belle carrière dans la marine, comme son père.
00:00:45Au lieu de ça, il a construit sa vie dans le mensonge.
00:00:48Il s'est inventé toutes sortes d'aventures incroyables
00:00:51pour frimer, pour faire oublier sa petite taille.
00:00:54Petit à petit, il s'est enfermé dans le monde des jeux vidéo,
00:00:58un monde virtuel où tout est possible, même de tuer.
00:01:02Il s'y croyait encore dans un jeu vidéo quand il a agressé Mathilde,
00:01:05une gamine de 18 ans.
00:01:07C'est en tout cas ce qu'il a dit à la cour d'assise pour justifier son geste.
00:01:11Le problème, c'est que Mathilde Kroganec est bien morte, elle,
00:01:15de 28 coups de couteau.
00:01:19Carnouette, le 23 juin 2005.
00:01:23C'est dans ce village breton d'à peine 700 habitants
00:01:26que doit avoir lieu la toute première rêve partie autorisée en France.
00:01:30Le Technival.
00:01:32Dès la nuit tombée, des milliers de fans de musique techno débarquent
00:01:36pour la plus grande rêve de l'année.
00:01:38Cinq jours et cinq nuits de musique et de fêtes.
00:01:43Au milieu des champs, l'alcool coule à flot, la drogue circule sans complexe.
00:01:48Les gendarmes aussi sont de la fête.
00:01:50Déguisés en teufeurs, ils sont là pour faire des flags
00:01:53et ils ne sont pas déçus.
00:01:55C'était le marché du dimanche matin, comme vous avez le marchand de légumes
00:01:59qui vous dit à 5 euros, met 3 melons.
00:02:02Là, c'était le marché du dimanche matin.
00:02:05C'était le marché du dimanche matin.
00:02:09Ça se passe super bien, c'est génial.
00:02:11L'ambiance est bien.
00:02:13Le temps n'est pas super beau.
00:02:17Il ne fait pas trop chaud, pas trop froid.
00:02:19C'est nickel. Impeccable.
00:02:25C'est la fin de l'année.
00:02:27C'est la fin de l'année.
00:02:29C'est la fin de l'année.
00:02:31C'est la fin de l'année.
00:02:33C'est la fin de l'année.
00:02:35C'est la fin de l'année.
00:02:37C'est la fin de l'année.
00:02:41Le samedi soir, c'est le moment le plus attendu.
00:02:4440 000 personnes se pressent au Técnival.
00:02:47La fête dure toute la nuit et se poursuit au petit matin.
00:02:52Vers 10h30, Aurélie et Laurianne, deux copines,
00:02:56cherchent un petit coin discret.
00:03:01Fallait sortir du son car en tant que fille,
00:03:04Tu vas pas forcément dans les toilettes qu'ils te mettent à disposition, tu préfères aller dans la nature.
00:03:11Les deux filles choisissent un bois à 150 mètres derrière les sonneaux.
00:03:16On a traversé un champ pour aller jusqu'à la forêt.
00:03:23Et là...
00:03:25J'ai vu des pieds nus, plein de terre.
00:03:28Donc je me suis dit, il y a quelqu'un qui a dû s'endormir.
00:03:34J'ai pas trop saisi.
00:03:38Donc je me suis avancée.
00:03:48Le corps d'une fille gît au pied d'un sapin.
00:03:52Il y avait un lit de feuilles mortes et elle était allongée là, au milieu des arbres.
00:03:56Elle était pleine de sang.
00:03:59Elle n'avait plus qu'un tee-shirt, donc on s'imagine ce qu'il a pu se passer.
00:04:04Si elle n'a plus qu'un tee-shirt, qu'elle est couverte de sang...
00:04:12Y a pas vraiment de doute.
00:04:15C'est une vision d'horreur. J'ai pas de mots pour le dire, en fait.
00:04:21La fille est morte.
00:04:24Aurélie et Lauriane appellent tout de suite les gendarmes.
00:04:30On remarque immédiatement une certaine violence.
00:04:33Une violence très importante. Un acharnement sur la victime.
00:04:38La trachée est sectionnée. Elle a différentes plaies au niveau de l'abdomen également.
00:04:42Elle n'a plus son soutien-gorge.
00:04:45Elle a le buste qui est complètement dévêtu. Elle n'a plus son pantalon.
00:04:53Pendant que les gendarmes font les premières constatations et gèlent la scène de crime,
00:04:58dans le champ voisin, la fête continue.
00:05:14On entend ce bruit, donc on voit qu'il y a de la vie à côté.
00:05:17Et d'un autre côté, on a la mort.
00:05:20A côté d'elle, sont roulés en boules son pantalon et son string.
00:05:25Et le positionnement de ses jambes semble propice à un acte de pénétration,
00:05:29ou d'une tentative de pénétration.
00:05:32Donc le premier sentiment quand on arrive sur les lieux,
00:05:35c'est que le mobile à privilégier est d'ordre sexuel.
00:05:39Les gendarmes ne savent pas qui est la victime.
00:05:42Dans ses poches, ils ne trouvent ni papier d'identité, ni téléphone portable.
00:05:46Juste une clé de voiture, avec un porte-clé en forme de poisson.
00:05:52Pendant ce temps-là, à l'autre bout du Technival,
00:05:55Sophie et Marie-Aude cherchent leur cousine, Mathilde.
00:05:59Elles voudraient rentrer, mais depuis quelques heures,
00:06:02elles ont perdu sa trace.
00:06:04J'ai demandé où était Mathilde.
00:06:06Personne n'avait l'air de trop s'inquiéter.
00:06:10Elle parlait facilement avec les gens,
00:06:13donc je me suis dit qu'elle avait peut-être trouvé un groupe
00:06:16quelqu'un pour discuter.
00:06:19Au Technival, la rumeur se répand à toute vitesse.
00:06:23Une fille aurait été retrouvée morte dans le bois.
00:06:27Quand elles l'apprennent, Sophie et Marie-Aude s'inquiètent pour de bon.
00:06:31On est partis voir la police pour leur signaler.
00:06:36Je leur ai dit que ma cousine avait disparu.
00:06:38Ils m'ont demandé un peu de la décrire.
00:06:40Ils nous ont demandé qu'est-ce qu'elle portait comme vêtement
00:06:43et qu'est-ce qu'elle avait sur elle.
00:06:44Moi, j'ai dit qu'elle avait un portable
00:06:46et qu'elle avait les clés de voiture d'Adrien.
00:06:49Des clés de voiture.
00:06:51Les gendarmes en ont récupéré une, justement.
00:06:54Ils ont pris un air un peu sérieux.
00:06:56J'ai senti un truc un peu bizarre.
00:06:58Là, on est partis à la voiture.
00:07:00Effectivement, la clé ouvrait la porte de la voiture.
00:07:07J'ai compris que c'était Mathilde.
00:07:10Mathilde Krogenek.
00:07:12Elle avait 18 ans.
00:07:14...
00:07:20Patrick Bolloré, vous êtes le beau-père de Mathilde Krogenek.
00:07:24Comment vous l'avez appris, sa mort ?
00:07:26On l'a su à 2h du matin.
00:07:28Le maire de notre commune est arrivé,
00:07:30accompagné de 2 gendarmes.
00:07:32Ma femme a compris tout de suite, elle.
00:07:34Elle a eu le flèche tout de suite.
00:07:36C'était vraiment épouvantable.
00:07:38Est-ce qu'elle avait l'habitude, Mathilde,
00:07:40de se rendre à ce genre de rassemblement ?
00:07:42Non, pas du tout.
00:07:44C'était la première fois qu'elle s'y rendait
00:07:46pour aller comme ses cousines et ses copains qui s'y rendaient.
00:07:49Donc, ce n'était pas du tout dans ses habitudes
00:07:51de sortir comme ça, non.
00:07:53Pourquoi, cette fois-ci, vous l'aviez autorisé
00:07:55à se rendre à ce Technival ?
00:07:57Il y a eu un très gros battage médiatique
00:07:59sur le Technival.
00:08:01Le Technos, comme il s'appelait à l'époque, en Bretagne.
00:08:04On en avait parlé depuis un petit bout de temps.
00:08:06Il nous avait demandé d'y aller.
00:08:08Comme elle venait d'être majeure depuis 2 mois,
00:08:12on ne voulait pas lui interdire d'y aller.
00:08:14Mais comme elle s'y rendait avec ses cousines,
00:08:16son petit ami Adrien et toute une bande de copains,
00:08:19ils étaient à deux voitures complètes.
00:08:21On s'est dit qu'ils seraient ensemble,
00:08:23il ne va pas y avoir de soucis.
00:08:25Vous aviez totalement confiance ?
00:08:27On avait totalement confiance, d'autant plus que
00:08:29l'État avait, pour la première fois,
00:08:31encadré le Festival.
00:08:34On avait bien communiqué là-dessus
00:08:37pour prévenir qu'il y aurait beaucoup de forces de l'ordre,
00:08:39que tout serait encadré.
00:08:40On pensait que c'était un peu comme un concert
00:08:44avec fouilles au corps, services de sécurité.
00:08:47On ne pensait pas du tout que c'était un système
00:08:50aussi anarchique que ce qu'on a pu constater.
00:08:52Nous, on tire en dents une année après
00:08:54pour voir de nos yeux ce que c'était réellement.
00:09:03Du côté des pouvoirs publics,
00:09:05on comprend tout de suite que ce meurtre va faire du bruit.
00:09:08Mathilde a été tuée lors d'une fête
00:09:10et encadrée par la préfecture,
00:09:12au nez et à la barbe de centaines et de centaines de gendarmes.
00:09:16C'est un camouflet.
00:09:18Tout s'était bien passé jusqu'à ce que la rumeur enfle.
00:09:21Un meurtre aurait été commis à Carnouët pendant le week-end.
00:09:23Sur place, les représentants de la préfecture gardent le silence
00:09:26et renvoient vers le parquet de Guingamp.
00:09:31Première urgence pour les gendarmes,
00:09:33relever l'identité des fêtards
00:09:35avant que l'annonce du meurtre ne les fasse fuir.
00:09:37On est plutôt en terrain hostile.
00:09:39On a des gens qui, dès qu'ils voient les forces de police,
00:09:41de toute façon de gendarmerie surtout,
00:09:43en l'occurrence, ils prennent peur.
00:09:47On sait très bien qu'on aura des difficultés
00:09:49de recueillir n'importe quel témoignage
00:09:51qui pourrait nous permettre d'avancer.
00:09:54Des hélicoptères arrivent en renfort
00:09:56pour photographier le site.
00:09:59Tous les accès du festival sont fermés.
00:10:03En douze heures,
00:10:04les gendarmes relèvent 20 000 identités.
00:10:10On se rend compte déjà à ce moment-là
00:10:12de l'ampleur de la tâche qui nous attend.
00:10:14Il est estimé qu'entre 40 et 50 000 personnes
00:10:16aient participé au Technival sur ces 3-4 jours.
00:10:19Donc on en avait qu'une partie.
00:10:21Et je dirais que même avec ces 20 000 noms,
00:10:23Rayane nous disait qu'entre le moment
00:10:25où les faits avaient été commis
00:10:28et le moment de mise en place des contrôles,
00:10:30l'auteur avait une idée.
00:10:32L'auteur aurait pu prendre la fuite
00:10:34et être parti bien avant.
00:10:38Ce qui inquiète aussi les gendarmes,
00:10:40c'est la configuration des lieux.
00:10:42Le festival occupe plus de 60 hectares
00:10:44de champs et de forêts.
00:10:49Une scène de crime gigantesque
00:10:51piétinée par 40 000 personnes
00:10:53où les gendarmes récoltent 100 tonnes de déchets
00:10:55qu'il faut passer au crime.
00:10:59Nous retrouvons des seringues,
00:11:00nous retrouvons des vêtements,
00:11:02nous retrouvons des chaussettes
00:11:04avec des taches de sang,
00:11:06nous retrouvons des cartes vitales,
00:11:08des cartes d'identité.
00:11:10Et ces éléments nous permettent
00:11:12également d'identifier
00:11:14130 personnes supplémentaires.
00:11:1720 000 plus 130,
00:11:19les gendarmes sont encore très loin du compte.
00:11:23Devant l'ampleur de la tache,
00:11:25ils créent la cellule Homicide 22.
00:11:27Une cellule basée à Saint-Brieuc
00:11:28qui regroupe 12 enquêteurs
00:11:30à temps plein sur l'affaire.
00:11:40Dominique, que nous apprend
00:11:42l'autopsie du corps de Mathilde ?
00:11:44Elle nous apprend, Frédéric,
00:11:46qu'elle était tuée à coups de couteau.
00:11:48L'agression s'est déroulée en deux temps.
00:11:50Premier temps, une phase d'approche
00:11:52et d'intimidation.
00:11:54Son agresseur la saisit par les bras.
00:11:56Elle porte à l'autopsie
00:11:58des hématomes.
00:12:00Elle est coupée sur les bras.
00:12:02Il l'a peut-être piqué avec son couteau.
00:12:04Deuxième phase, l'attaque.
00:12:06Là, les experts parlent
00:12:08d'un déferlement de violence
00:12:10qui a entraîné la mort.
00:12:12Elle a reçu 28 coups de couteau,
00:12:14donc 15 coups mortels.
00:12:16Des coups de couteau au cœur, au poumon, au foie.
00:12:18Elle a eu la carotide sectionnée.
00:12:20C'est-à-dire qu'elle a perdu
00:12:22presque tout son sang,
00:12:24plus de 4 litres de sang.
00:12:26La cause du décès maintenant,
00:12:28c'est l'inversement du sang
00:12:30dans les voies respiratoires,
00:12:32dans les poumons,
00:12:34puisque la carotide était coupée,
00:12:36et qui ont pu provoquer aussi une asphyxie.
00:12:38Le décès n'a pas été instantané.
00:12:40L'analyse toxicologique,
00:12:42elle a consommé de la drogue,
00:12:44elle a consommé de l'alcool,
00:12:46elle a 0,85 g d'alcool dans le sang,
00:12:48présence d'ecstasie, d'amphétamines,
00:12:50de cannabis et de dérivés de la cocaïne.
00:12:52Alors, la conclusion,
00:12:54c'est que même si elle avait
00:12:56l'esprit embrumé au moment
00:12:58du décès,
00:13:00elle était quand même bien consciente.
00:13:02Voilà, Frédéric,
00:13:04voilà comment est morte Mathilde.
00:13:06Est-ce qu'on sait si elle a été violée ?
00:13:08Alors ça, c'est la question
00:13:10à laquelle ne répondent pas les experts.
00:13:12Il y a une hypothèse
00:13:14qui laisse penser qu'il s'est passé quelque chose.
00:13:16Elle est dénudée dans la partie basse de son corps.
00:13:18Elle a sa jambe droite
00:13:20qui est légèrement poussée sur le côté.
00:13:22Vraisemblablement, ça, c'est une hypothèse,
00:13:24mais son meurtrier l'a touchée
00:13:26avec sa main après sa mort.
00:13:28Encore dimensionnée,
00:13:30les gendarmes ont beaucoup de mal à travailler.
00:13:35Le lieu de découverte du corps
00:13:37était en fait utilisé par la plupart des teufeurs
00:13:40pour satisfaire leurs besoins naturels.
00:13:43Puisque le cheminement, je dirais,
00:13:45dans la sapinière pour aller jusqu'au corps,
00:13:47c'est jonché de papiers hygiéniques,
00:13:49de serviettes hygiéniques,
00:13:51d'autres tampons, de préservatifs.
00:13:55Donc c'est vraiment très, très particulier.
00:13:58Les techniciens en identification criminelle
00:14:01prélèvent donc les éléments matériels
00:14:03qui se trouvent au plus près du corps de Mathilde.
00:14:05A 5 m de ses jambes,
00:14:07un emballage de préservatifs
00:14:09avec des traces brunâtres, comme du sang.
00:14:13Du sang, ils en trouvent aussi dans l'herbe.
00:14:17Les gendarmes suivent les gouttes
00:14:19jusqu'à une plantation de sapins
00:14:21et une clairière
00:14:23où ils découvrent une bouteille d'eau
00:14:25et encore d'autres traces de sang.
00:14:26Et puis, plus rien.
00:14:28Ce qui veut dire que la scène de crime
00:14:30commence ici.
00:14:32Les collègues, à 4 pattes,
00:14:34ont ratissé toute cette sapinière,
00:14:37ce qui a permis la découverte d'un couteau
00:14:39posé en bordure de la sapinière
00:14:41au pied d'un arbre.
00:14:44Sur le couteau, des traces rouges.
00:14:48Sans doute l'arme du crime.
00:14:51Tous les scellés sont envoyés à l'IGNA,
00:14:53le laboratoire d'expertise génétique de Nantes.
00:14:56A la recherche de l'ADN
00:14:58du ou des agresseurs de Mathilde.
00:15:02Pendant que les gendarmes ratissent la scène de crime,
00:15:05relèvent des milliers d'identités,
00:15:07à la cellule Homicide 22,
00:15:09on se penche aussi sur la vie de Mathilde.
00:15:12Tous ses proches sont entendus,
00:15:14ils décrivent tous la même jeune fille.
00:15:20Mathilde était une très jolie jeune fille,
00:15:23de 18 ans, grande, mince, sportive,
00:15:26passionnée d'équitation.
00:15:28Elle adorait les animaux, elle adorait les chevaux.
00:15:31Mathilde vivait à Langoade dans une grande ferme,
00:15:35avec sa mère, son beau-père et sa petite sœur.
00:15:38Malgré le divorce de ses parents,
00:15:40elle était restée très proche de son père Thierry.
00:15:44Comme toutes les filles de son âge,
00:15:46elle aimait sortir avec ses copains.
00:15:48Depuis 6 mois, elle avait un petit ami, Adrien.
00:15:51Une fille de 18 ans, sans problème, pleine de projets.
00:15:54Le lundi, elle devait passer son permis de conduire.
00:15:57En juillet, elle devait faire une saison sur la côte.
00:16:02Et puis, à la rentrée, en septembre,
00:16:04elle devait aller à Bruxelles, à l'école,
00:16:07pour finir sa formation, pour devenir monitrice et castre.
00:16:13Ses parents la décrivent comme une fille
00:16:15qui a déjà une forte personnalité pour son âge.
00:16:19Elle était très méfiante,
00:16:20et elle était toujours sur la défensive.
00:16:23Car fort, elle avait beaucoup de répondants,
00:16:26et elle ne se laissait pas faire.
00:16:29Le papa de Mathilde nous parlait d'elle
00:16:32comme d'une sauvage qui aimait la nature, les animaux,
00:16:36et qui se serait défendu bec et ongle
00:16:38si on avait essayé de l'attaquer.
00:16:40Si Mathilde n'a pas suivi un inconnu,
00:16:43a-t-elle été agressée par quelqu'un qu'elle connaissait ?
00:16:46Les cellules d'enquête
00:16:47reconstituent son emploi du temps.
00:16:50Mathilde a quitté Péroze-Guirec
00:16:52le samedi 25 juin dans l'après-midi,
00:16:55avec son petit copain Adrien,
00:16:57deux cousines et trois amis.
00:17:04Il y avait Mathilde, moi et ma sœur,
00:17:07dans une des voitures.
00:17:09On conduisait devant, on chantait dans la voiture.
00:17:12C'était le début de l'été, on était contentes
00:17:14de partir au festival.
00:17:15Et puis il y avait les garçons derrière.
00:17:18Il y avait une bonne ambiance, raconte Marie-Aude,
00:17:21au Technival aussi, comme dans une kermesse.
00:17:25Mathilde et ses amis ont dansé
00:17:27toute la nuit d'une scène à l'autre.
00:17:29Ils parlaient avec tout le monde.
00:17:31Au milieu de la foule,
00:17:33ils se sont perdus de vue plusieurs fois.
00:17:35Mais Marie-Aude est catégorique.
00:17:38Chaque fois qu'elle a vu Mathilde,
00:17:40elle était avec Adrien.
00:17:42On avait un point de ralliement,
00:17:43c'était devant le son FBI.
00:17:45Il y avait un grand ballon Smiley
00:17:47à cet endroit-là,
00:17:49qu'on pouvait voir de très loin.
00:17:51Et du coup,
00:17:53on savait qu'on pouvait aller là
00:17:55et qu'il y aurait quelqu'un du coup.
00:17:57Et c'est là tout le temps qu'on se rejoignait.
00:17:59À 8h30 le dimanche matin,
00:18:01c'est là que toute la petite bande se retrouve.
00:18:03Marie-Aude explique
00:18:05qu'avant de reprendre la route,
00:18:07Mathilde et Adrien ont décidé
00:18:09d'aller dormir un moment.
00:18:14Trois heures plus tard,
00:18:16à 11h,
00:18:18elle a croisé Adrien.
00:18:20Il était seul
00:18:22et portait les chaussures
00:18:24et le sac à dos de Mathilde.
00:18:26Il était un peu perdu
00:18:28et puis après,
00:18:30il a dit qu'en fait,
00:18:32elle était dans le parking
00:18:34en train de dormir.
00:18:36Mais sur le parking,
00:18:38aucune trace de Mathilde.
00:18:40On lui a redemandé où était Mathilde.
00:18:41On lui a dit
00:18:43on va aller voir la police,
00:18:45viens avec nous,
00:18:47on va aller dire que Mathilde a disparu.
00:18:49Il a pris un air vraiment agacé.
00:18:51Il a dit non, j'en ai marre,
00:18:53je suis fatigué.
00:18:55Et là,
00:18:57Adrien a quitté le Technival,
00:18:59à pied.
00:19:01Il est rentré en stop à Pérozeguirec.
00:19:03Marie-Aude et ses copains
00:19:05expliquent au gendarme
00:19:07que son comportement
00:19:09a surpris tout le monde.
00:19:11Il est suspect.
00:19:13Donc bien évidemment,
00:19:15il le devient également pour nous.
00:19:17Le 27 juin,
00:19:19le lendemain du meurtre,
00:19:21Adrien est convoqué à la gendarmerie de Saint-Brieuc.
00:19:23Il arrive à 11 heures
00:19:25avec ses parents.
00:19:27On le place en garde à vue.
00:19:29Les interrogatoires commencent.
00:19:31Mais le garçon a perdu la mémoire.
00:19:34Il se souvient de quasiment rien.
00:19:37Il n'a aucune explication
00:19:39sur le fait d'avoir les chaussures,
00:19:41le sac à dos de sa petite copine.
00:19:43Lui, ce qu'ils nous disent,
00:19:45il se souvient simplement
00:19:47d'avoir quitté le groupe
00:19:49pour aller un peu plus loin,
00:19:51au calme, dit-il.
00:19:53Là, ils se seraient endormis tous les deux.
00:19:55Et à son réveil,
00:19:57il ne la voit plus.
00:19:59Les réponses d'Adrien
00:20:01sont toujours les mêmes.
00:20:03Je ne sais pas,
00:20:05je ne me souviens plus,
00:20:07je ne sais plus pourquoi.
00:20:09C'est vrai qu'il n'avait pas du tout
00:20:11l'esprit normal.
00:20:13Alors, est-ce que c'était lié à son état ?
00:20:15C'est possible, parce qu'il faut savoir
00:20:17que c'est le marché de la drogue, malgré tout.
00:20:19Est-ce qu'il était lucide ?
00:20:21Est-ce qu'il arrivait à établir
00:20:23une chronologie des faits ?
00:20:25Je ne suis même pas sûre.
00:20:27Au fil des interrogatoires,
00:20:29les gendarmes finissent par trouver
00:20:31son amnésie crédible.
00:20:33Adrien est complètement perdu.
00:20:35Ils commencent même à douter de lui.
00:20:37À certains moments, dans solution,
00:20:39il va dire,
00:20:41mais vu ce que vous me dites,
00:20:43c'est peut-être moi.
00:20:45À demi-mot,
00:20:47le copain de Mathilde
00:20:49admet qu'il l'a peut-être tué.
00:20:51Mais les gendarmes sont dubitatifs.
00:20:53On lui demande de nous apporter des éléments,
00:20:55ce qui s'est passé.
00:20:57Il est incapable.
00:20:59Il est incapable de nous donner des éléments
00:21:01que seul l'auteur peut connaître.
00:21:03Après avoir prélevé son ADN,
00:21:05les gendarmes décident de le libérer
00:21:07pour garder des heures de garde à vue
00:21:09et le réinterroger plus tard.
00:21:11Les gendarmes ont aussi
00:21:13d'autres pistes à explorer.
00:21:15À l'annonce du meurtre,
00:21:17les langues se délient au technival.
00:21:19Des participants décrivent aux enquêteurs
00:21:21des individus dont le comportement
00:21:23les a surpris.
00:21:25Une dizaine de personnes
00:21:27qu'il faut retrouver.
00:21:30Parmi les pistes les plus sérieuses,
00:21:32celle d'un touriste polonais
00:21:34retrouvé l'après-midi du meurtre
00:21:36couvert de sang dans un champ.
00:21:38C'est là qu'il se trouve
00:21:40L'homme est immédiatement placé
00:21:42en garde à vue.
00:21:45Il nous dit qu'il venait de se faire
00:21:47un fixe, en clair,
00:21:49une injection des ruines dans le bras.
00:21:51Et lorsqu'il a vu les gendarmes
00:21:53qui n'étaient pas trop loin de lui,
00:21:55il a sorti précipitamment cette seringue
00:21:57et donc du sang a été projeté
00:21:59sur ses vêtements.
00:22:01L'explication tient la route.
00:22:03Après un prélèvement ADN,
00:22:05le suspect est relâché.
00:22:07Pendant ce temps,
00:22:09les gendarmes interrogent un autre homme
00:22:11qui aurait agressé plusieurs filles
00:22:13dans la nuit de samedi à dimanche.
00:22:15On a découvert sur lui un string.
00:22:18Il a avoué avoir commis un viol.
00:22:21On a d'ailleurs un ou deux témoins
00:22:23qui confirment ce viol.
00:22:25Par contre, on n'a jamais eu de victime.
00:22:27Là encore, après un prélèvement ADN,
00:22:29le suspect est relâché.
00:22:31Au même moment,
00:22:33une autre équipe piste le téléphone de Mathilde,
00:22:35le portable qu'on n'a toujours pas retrouvé.
00:22:38Après le meurtre,
00:22:40il a déclenché un relais téléphonique
00:22:42à Châteauneuf-d'Ile-et-Vilaine
00:22:44à des kilomètres de Carnouët.
00:22:46Et puis, plus rien.
00:22:49Si l'agresseur l'a volé et s'en est débarrassé,
00:22:51il y a peut-être laissé des empreintes.
00:22:54Les gendarmes ratissent toute la zone
00:22:56à l'aide d'un détecteur de métaux
00:22:58sans succès.
00:23:00Après une semaine d'enquête de flagrance,
00:23:02une information est ouverte contre X
00:23:04pour meurtre.
00:23:08Pierre Ménard, vous êtes le juge
00:23:10qui a instruit cette affaire.
00:23:12Au début de l'enquête,
00:23:14on fait des relevés sur la zone,
00:23:16on ratisse le maximum
00:23:18et qu'est-ce qu'on peut faire d'autre ?
00:23:20Il faut récupérer toutes les traces
00:23:22de communication téléphonique.
00:23:24Mais j'imagine que c'est colossal.
00:23:26Parce que s'il y avait 40 000 personnes,
00:23:28il y avait combien
00:23:30de communication téléphonique ?
00:23:32Je crois qu'on en a relevé
00:23:34à peu près 500 000.
00:23:36Et sur les 40 000 personnes,
00:23:38très vite dans l'enquête,
00:23:40on a essayé d'identifier
00:23:42toutes les personnes présentes
00:23:44et de vérifier concrètement
00:23:46par un travail d'enquête
00:23:48leur présence sur place
00:23:50en croisant tout ce qu'on pouvait avoir
00:23:52comme données,
00:23:54donc les contrôles d'identité
00:23:56qui ont été effectués au départ
00:23:58juste après la découverte du corps,
00:24:00en croisant avec justement
00:24:02ces conversations téléphoniques
00:24:03et enfin en croisant
00:24:05avec tous les témoignages,
00:24:07c'est-à-dire que quelle que soit
00:24:09la personne entendue,
00:24:11on demandait systématiquement
00:24:13avec qui elle se trouvait
00:24:15pour croiser tout ça
00:24:17et établir une liste
00:24:19la plus fiable possible
00:24:21des personnes présentes.
00:24:23J'imagine que vous avez essayé
00:24:25de vérifier qui était déjà fiché
00:24:27par les services de police
00:24:29et de gendarmerie.
00:24:31Bien sûr.
00:24:33Il y avait un passé judiciaire
00:24:35évidemment de mœurs
00:24:37ou de violences
00:24:39ou de violences avec armes
00:24:41mais aussi pour les stupéfiants
00:24:43et la liste était assez différente.
00:24:49À Nantes,
00:24:51les experts s'activent.
00:24:53Ils cherchent une empreinte génétique
00:24:55sur les éléments recueillis près du corps.
00:24:57Le couteau,
00:24:59il est couvert du sang de Mathilde,
00:25:01impossible d'y repérer
00:25:03même sang et humide de rosée,
00:25:05on n'y trouve rien non plus.
00:25:07Reste le préservatif,
00:25:09il porte des traces de sang
00:25:11et cette fois ce n'est pas celui de Mathilde,
00:25:13c'est celui d'un homme
00:25:15mais son ADN est inconnu au fichier national.
00:25:17L'enquête stagne
00:25:19alors après plusieurs semaines de travail,
00:25:21les experts se penchent
00:25:23de nouveau sur le couteau.
00:25:30Soazic Le Guinier Lebeau,
00:25:31ce couteau, vous décidez d'y revenir,
00:25:33de le reprendre.
00:25:35Pourquoi ?
00:25:37Alors le fait que le manche soit ajouré
00:25:39et que la lame puisse s'y glisser
00:25:41nous laisse penser que l'utilisateur habituel
00:25:43d'un couteau de ce type
00:25:45va pouvoir laisser les cellules épithéliales
00:25:47à l'intérieur du manche.
00:25:49Les cellules épithéliales,
00:25:51ce sont les cellules de contact ?
00:25:53Alors les cellules épithéliales,
00:25:55c'est les cellules qu'on a à la surface de notre peau.
00:25:57Donc du propriétaire du couteau.
00:25:59Tout à fait.
00:26:01Donc on va prendre deux parties du manche
00:26:03et faire un prélèvement à l'intérieur du manche.
00:26:05Pour faire ce prélèvement,
00:26:07on a utilisé un coton-tige
00:26:09qu'on a humidifié
00:26:13et ensuite on a réalisé
00:26:15un essuyage de l'intérieur du manche
00:26:17donc en frottant la surface du coton
00:26:20sur l'intérieur de la surface.
00:26:23Est-ce que vous trouvez dans ce couteau
00:26:25ce que vous cherchez ?
00:26:27Oui, à partir du prélèvement fait
00:26:29à l'intérieur du manche du couteau,
00:26:31on a trouvé qu'on avait bien
00:26:33présence de cellules épithéliales
00:26:35et cet ADN, il est masculin.
00:26:37L'ADN masculin que vous retrouvez sur ce couteau,
00:26:40vous allez le trouver ailleurs,
00:26:42sur la scène de crime, c'est ça ?
00:26:44Oui, cet ADN masculin,
00:26:46il correspond à un ADN qu'on a déjà caractérisé
00:26:48dans ce dossier à partir d'une tache de sang
00:26:50sur un emballage de préservatif
00:26:52qui a été trouvé sur la scène de crime
00:26:54tout près du corps de Mathilde.
00:26:56Donc choisie qu'après avoir démonté ce couteau
00:26:58et découvert à l'intérieur un ADN masculin,
00:26:59même ADN masculin
00:27:01que celui qu'on retrouve sur l'étui du préservatif
00:27:03à deux mètres de là,
00:27:05vous savez que vous avez l'ADN du meurtrier ?
00:27:07Oui, on a découvert l'ADN du meurtrier de Mathilde.
00:27:12Dans les heures qui suivent,
00:27:14cet ADN est comparé à celui d'Adrien
00:27:16et des autres suspects.
00:27:18Mais pas un ne correspond,
00:27:20tous ces hommes sont définitivement
00:27:22mis hors de cause.
00:27:24La cellule d'enquête
00:27:26poursuit donc son travail sur le couteau.
00:27:28Mais le poignard
00:27:30ne porte aucune marque de fabrication.
00:27:35Le gendarme chargé de remonter sa piste
00:27:38se penche sur les sites de vente en ligne.
00:27:42Il compare un à un
00:27:44les couteaux vendus sur Internet
00:27:46avec l'arme du crime.
00:27:49Une arme peu courante.
00:27:52C'est un manche qui est ajoué
00:27:54en plusieurs endroits en fait
00:27:55et elle a une forme de banane
00:27:57qui est très particulière
00:27:59et on n'en a pas vu beaucoup sur les autres sites
00:28:01qui pouvaient ressembler quoi.
00:28:03Après quelques jours de recherche,
00:28:05il repère un modèle
00:28:07Ranger's Knife
00:28:09avec le même style de manche ajourée.
00:28:11Un couteau fabriqué à Taïwan.
00:28:13Il appelle le fabricant
00:28:15et apprend que ce couteau a été vendu
00:28:17à 221 exemplaires en France
00:28:19dans 110 points de vente.
00:28:22Si c'est là que le tueur de Mathilde
00:28:23a acheté son arme
00:28:25et qu'il a réglé par carte bancaire
00:28:27ou par chèque,
00:28:29son nom a été forcément enregistré.
00:28:31Les gendarmes
00:28:33commencent par l'ouest de la France
00:28:35et notamment une boutique
00:28:37le Grand Bazar au Mont-Saint-Michel.
00:28:40Car c'est le magasin le plus proche
00:28:42de Châteauneuf d'Ille-et-Vilaine
00:28:44sur la route de Saint-Malo
00:28:46là où s'est arrêtée
00:28:48la piste du téléphone portable.
00:28:50Les gendarmes
00:28:51plongent dans la comptabilité du magasin.
00:28:54Donc là, c'est des sacs plastiques
00:28:56de rouleaux de caisse.
00:28:58Plusieurs sacs par année
00:29:00de commercialisation.
00:29:02On a vu une masse de travail
00:29:04assez impressionnante.
00:29:06Ça représentait des cartons entiers
00:29:08qu'on a ramenés avec nous à Saint-Brieuc
00:29:10et qu'on a exploités un par un,
00:29:12donc toute la cellule s'y est mise.
00:29:14Et dès qu'on avait le prix correspondant
00:29:16indiqué par la commerçante,
00:29:18le rouleau était mis de côté
00:29:19dès que c'était payé en espèces
00:29:21donc inexploitables
00:29:23et par contre mis de côté
00:29:25dès que c'était payé en cartes bancaires
00:29:27ou en chèques.
00:29:29Chaque fois que les gendarmes repèrent
00:29:31un prix équivalent à celui du couteau,
00:29:33ils adressent une réquisition à la banque
00:29:35pour remonter au titulaire du compte.
00:29:37Mais ça ne donne rien.
00:29:39Ni là, ni dans toutes les autres boutiques.
00:29:41La piste du couteau n'avance pas.
00:29:43À Saint-Brieuc,
00:29:45on commence à désespérer.
00:29:47Plus les semaines, plus les mois passent.
00:29:50Même si on est convaincu
00:29:52de faire tout ce qu'il faut pour,
00:29:54on a peur de ne pas y arriver.
00:29:57Alors les gendarmes poursuivent
00:29:59leur travail de fourmi
00:30:01sur les photos qu'ils ont recueillies
00:30:03auprès des festivaliers.
00:30:05Des centaines de clichés.
00:30:07C'est finalement dans l'appareil numérique d'Adrien
00:30:09qu'ils font une découverte intéressante.
00:30:11Au cours de la soirée,
00:30:13le copain de Mathilde a pris une quarantaine de photos.
00:30:14Sur deux d'entre elles,
00:30:16on la voit s'amuser avec des garçons
00:30:18que ni Adrien, ni ses cousines ne connaissent.
00:30:21Il ressort deux individus
00:30:23qui sont inconnus de tout groupe.
00:30:26Un qui est auprès des cracheurs de feu
00:30:28puisqu'à un moment, elle a évolué
00:30:30auprès de cracheurs de feu qui étaient là.
00:30:32Un individu qu'on voit torse nu
00:30:34avec une inscription sur le torse,
00:30:36Georgette Forever.
00:30:38Georgette Forever.
00:30:40L'homme fait partie de la troupe des cracheurs de feu.
00:30:42On l'interroge, on prélève son ADN.
00:30:44Mais une fois encore,
00:30:46ce n'est pas celui qu'on recherche.
00:30:48Le deuxième inconnu, lui,
00:30:50est pris en photo brad-dessus-brad-dessous
00:30:52avec Mathilde.
00:30:54Je ne le connaissais pas.
00:30:56Je ne l'avais jamais vu.
00:30:58Je leur ai dit écoutez, elle faisait la fête.
00:31:01C'est quelqu'un qu'elle a rencontré
00:31:03et puis voilà, elle a pris une photo avec lui.
00:31:07Adrien non plus ne se souvient pas
00:31:09de ce garçon au pull rouge.
00:31:11Pourtant, il a passé du temps avec le groupe.
00:31:12La photo date de 23h45
00:31:15et à 6h23 du matin,
00:31:17Adrien a photographié le même homme
00:31:19avec une copine de Mathilde,
00:31:21trois heures avant le meurtre.
00:31:30Les gendarmes veulent entendre cet homme au pull rouge.
00:31:33Ils diffusent une circulaire de recherche
00:31:35auprès de tous les commissariats
00:31:37et de toutes les gendarmeries de France.
00:31:40On en est là
00:31:42dans le 10 septembre 2005.
00:31:44Une bonne nouvelle arrive enfin.
00:31:46Après deux mois et demi de silence,
00:31:48le téléphone de Mathilde émet à nouveau des signaux.
00:31:51Au même endroit,
00:31:53à Châteauneuf-d'Ile-et-Vilaine.
00:31:55Une nouvelle puce vient d'y être insérée.
00:31:57Cette fois, la piste est vite remontée.
00:32:01Donc à partir du moment où on a l'identité de l'individu,
00:32:04on retrouve son nom
00:32:06sur les contrôles faits
00:32:08à la sortie du technival.
00:32:10Donc on est sûr que l'utilisateur
00:32:12du téléphone
00:32:14était bien présent au technival de Carnouët
00:32:17en même temps que Mathilde.
00:32:19L'homme qui utilise le téléphone de Mathilde
00:32:21s'est rendu au technival avec 4 copains.
00:32:24Et l'un d'entre eux
00:32:26intéresse particulièrement les gendarmes.
00:32:28Il a déjà fait 2 ans de prison pour viol.
00:32:30Donc pour nous,
00:32:32c'est l'hypothèse intéressante
00:32:34et on commence même à s'enflammer.
00:32:39Le 15 novembre,
00:32:40à 6h30 du matin,
00:32:42les gendarmes interpellent la petite bande.
00:32:44Leur ADN
00:32:46part à Nantes pour analyse.
00:32:48En garde à vue,
00:32:50l'utilisateur du portable
00:32:52explique qu'il a trouvé le téléphone
00:32:54dans un champ du technival.
00:32:57Et quelques heures plus tard,
00:32:59le labo rappelle
00:33:01l'ADN prélevé sur ces nouveaux suspects
00:33:03n'est toujours pas celui qu'on recherche.
00:33:07Là, c'est la grosse, grosse déception
00:33:08de toute l'équipe d'enquêteurs.
00:33:10Vu les faits,
00:33:12on pense logiquement qu'il peut être amené
00:33:14à le refaire une semaine, 15 jours,
00:33:163 mois ou 6 mois après.
00:33:18Et plus de temps passe,
00:33:20et plus il y a un risque
00:33:22à ce que les faits se réitèrent.
00:33:24Quand on est dedans, ça paraît long.
00:33:26Peu à peu,
00:33:28le désespoir gagne aussi
00:33:30la famille de Mathilde.
00:33:32Fin janvier,
00:33:34son père meurt de chagrin.
00:33:36Thierry Krogenek,
00:33:38à partir du moment où il a appris
00:33:40le décès de sa fille,
00:33:42n'a plus vécu
00:33:44que dans l'espoir qu'on découvre
00:33:46qui était son assassin.
00:33:48Je crois que ses forces vitales
00:33:50l'ont quitté.
00:33:52Il s'est laissé mourir de chagrin
00:33:54à la suite de la perte brutale
00:33:56de sa fille unique.
00:34:00Pierre Ménard,
00:34:02à ce stade, le dernier atout
00:34:03qu'il vous reste,
00:34:05c'est la photo de Mathilde
00:34:07en compagnie d'un homme
00:34:09avec un pulvaire rouge.
00:34:11Qu'est-ce que vous faites
00:34:13à ce moment-là
00:34:15pour essayer de le retrouver ?
00:34:17On a décidé en février 2006
00:34:19de diffuser au grand public
00:34:21ces deux photographies.
00:34:23On a convoqué
00:34:25tous les médias régionaux
00:34:27et nationaux,
00:34:29et on a fait une conférence de presse
00:34:31où on a diffusé
00:34:33ces deux photos.
00:34:35Est-ce que vous avez encore
00:34:37quelque chose à faire
00:34:39à ce moment-là ?
00:34:41On a décidé très vite
00:34:43de lancer des comparaisons ADN.
00:34:45D'abord sur les quelques personnes
00:34:47très intéressantes
00:34:49avec un passé judiciaire
00:34:51très lourd.
00:34:53Puis on a élargi
00:34:55et on a comparé cet ADN
00:34:57à l'ADN de tous les adultes
00:34:59hommes du village de Carnouët
00:35:01pour éliminer la piste locale.
00:35:03Avec un passé judiciaire
00:35:05peut-être moins lourd,
00:35:07mais dans le domaine
00:35:09des mœurs
00:35:11ou des violences, etc.
00:35:13Vous étiez donc prêt
00:35:15à faire des prélèvements ADN
00:35:17sur 24 000 personnes.
00:35:19Financièrement, ça a un coût, ça.
00:35:21Financièrement, ça aurait coûté
00:35:23moins d'un million d'euros.
00:35:25J'ai bien évidemment prévenu
00:35:27ma hiérarchie sur ce que j'envisageais
00:35:29de faire au niveau financier.
00:35:31Et j'ai fait en sorte aussi
00:35:33que l'utilisation scientifique
00:35:35soit diminuée au maximum.
00:35:44Les auditions, les tests ADN,
00:35:46les investigations s'accumulent,
00:35:48mais l'espoir faiblit.
00:35:50Quand le 23 mai 2006,
00:35:52après dix mois de recherche,
00:35:54l'enquête sur la mort de Mathilde
00:35:56fait tout à coup un bond en avant.
00:36:00C'est une banale affaire
00:36:01de vol de ticket restaurant
00:36:03qui, d'un seul coup, relance l'enquête.
00:36:07Nous sommes allés interpeller
00:36:09un jeune homme à Rennes,
00:36:11au petit matin,
00:36:13un jeune homme d'une vingtaine d'années,
00:36:15dans le cas d'une affaire de vol
00:36:17et d'utilisation frauduleuse de moyens de paiement.
00:36:19Le suspect est conduit dans une salle
00:36:21pour le relever d'empreintes
00:36:23et les photos anthropométriques.
00:36:25Dans la pièce,
00:36:27un policier vient juste de punaiser
00:36:29une circulaire de recherche.
00:36:32Le jeune homme marque un temps d'arrêt
00:36:35en fixant ces deux photographies, couleurs.
00:36:38Mon collègue est attiré par son regard.
00:36:41Il lui pose la question,
00:36:43vous connaissez cette personne
00:36:45ou vous semblez reconnaître quelqu'un ?
00:36:47Il finit par dire
00:36:49je ne me souviens plus vraiment
00:36:51de son nom et de son prénom.
00:36:53Si je réfléchis, ça va me revenir.
00:36:55Il me semble avoir fait
00:36:57mon service national avec lui,
00:36:59mais je n'en suis pas sûr.
00:37:01Finalement, la mémoire lui revient,
00:37:03donc il me donne le prénom d'Alain.
00:37:05Ensuite,
00:37:07en réfléchissant davantage,
00:37:09il finit par se souvenir de son nom,
00:37:12donc Alain Carnoy.
00:37:16Il me donne aussi l'information
00:37:18qu'il s'agit d'un marin d'État,
00:37:20donc un marin qui est engagé.
00:37:22Les policiers appellent immédiatement
00:37:25la cellule homicide 22.
00:37:27Là, c'est grisant.
00:37:29C'est grisant dans le sens où on dit
00:37:31qu'il y a quelque chose.
00:37:33C'est grisant dans le sens où on a une piste
00:37:35pour l'identification de cet individu.
00:37:38Les gendarmes se précipitent à Rennes.
00:37:41L'homme explique
00:37:43qu'Alain Carnoy est marin à Brest.
00:37:45Ils se sont connus sur le porte-hélicoptère Jeanne d'Arc
00:37:48et il a des photos de lui.
00:37:52Il nous remet peu de temps après
00:37:54un livre
00:37:56Groupe École d'Application des Officiers de Marine
00:37:58campagne 2004-2005
00:37:59où il nous identifie, donc,
00:38:02M. Carnoy à la page 114 sur deux clichés.
00:38:10Franchement, entre
00:38:13l'homme au sweat rouge
00:38:15et les photos qu'il nous donne,
00:38:17la ressemblance est loin d'être frappante.
00:38:19Certains disent oui, c'est lui,
00:38:21d'autres disent non, c'est pas lui,
00:38:23d'autres sans opinion,
00:38:25et on avait tellement été déçus
00:38:27par l'histoire du téléphone remis en fonction
00:38:29pour rien,
00:38:31quitte à être nouvelle fois déçus.
00:38:35Dès le lendemain matin,
00:38:37les gendarmes sont à l'arsenal de Brest.
00:38:39On leur remet une nouvelle photo d'Alain Carnoy,
00:38:41ils la comparent à celle du technival.
00:38:44Et cette fois,
00:38:46neuf points correspondent.
00:38:48Les gendarmes qu'illent enfin
00:38:50l'homme au pull rouge
00:38:52qu'ils recherchent depuis des mois.
00:38:54À Brest, au commandement militaire,
00:38:56les gendarmes apprennent que Carnoy
00:38:57a passé deux ans dans la Marine nationale
00:38:59avant de quitter l'armée.
00:39:01Personne aujourd'hui ne sait où il se trouve.
00:39:04En consultant les fichiers de la police,
00:39:06les gendarmes font une autre découverte.
00:39:08Alain Carnoy a déjà été arrêté,
00:39:11à Brest,
00:39:13pour exhibition sexuelle.
00:39:15Les faits remontent au 7 février 2006,
00:39:17huit mois après le meurtre.
00:39:21Une jeune fille marche sur le trottoir,
00:39:23elle constate qu'un homme se masturbe dans sa voiture,
00:39:25elle poursuit son chemin,
00:39:27l'homme la dépasse en voiture, en descend,
00:39:29elle profite d'un moment d'inattention de l'auteur
00:39:31pour rentrer dans son immeuble.
00:39:35Elle a le bon réflexe,
00:39:37elle note l'immatriculation de la voiture,
00:39:39c'est celle de Carnoy.
00:39:41Il est arrêté le lendemain
00:39:43et il ne montre aucune gêne devant les policiers
00:39:45qui l'interrogent.
00:39:48On remarque que
00:39:50M. Carnoy
00:39:52banalise la pratique de la masturbation
00:39:53en milieu extérieur devant une jeune fille.
00:39:55Il reconnaît sa présence
00:39:57et il dit qu'il se masturbe régulièrement dans sa voiture.
00:40:05En analysant ses comptes bancaires,
00:40:07les gendarmes découvrent aussi
00:40:09que trois jours avant le meurtre de Mathilde,
00:40:11Alain Carnoy a dépensé 82,50 euros
00:40:14au Grand Bazar,
00:40:16la boutique de souvenirs du Mont-Saint-Michel.
00:40:19On voit le Grand Bazar,
00:40:21tout de suite, on se dit
00:40:23qu'il y a eu onze couteaux de vendus là-bas.
00:40:25On se dit,
00:40:27on tient peut-être le bon bout.
00:40:31Cette fois,
00:40:33toutes les pièces du puzzle s'assemblent.
00:40:36Les gendarmes localisent
00:40:38Quernoy, à Marseille,
00:40:40où il vit chez sa mère
00:40:42depuis qu'il a quitté l'armée.
00:40:44Mais au moment d'aller l'interpeller,
00:40:46ils apprennent qu'il vient de quitter la France
00:40:48pour la Pologne,
00:40:50le pays de sa petite amie.
00:40:52Donc là, on est dans l'attente,
00:40:54c'est vrai que là aussi, dans une attente
00:40:56de se dire, est-ce qu'il va rester en Pologne
00:40:58ou bien est-ce qu'à un moment ou à un autre,
00:41:00il va rentrer en France ?
00:41:02Tous les matins, je recevais les relevés de compte,
00:41:04donc ça me permettait de voir
00:41:06à quel moment il allait rentrer ou pas.
00:41:09L'attente dure deux semaines.
00:41:14Le 22 juin, à 6h du matin,
00:41:16les hommes de la cellule débarquent à Marseille.
00:41:22Je ne l'ai pas reconnu.
00:41:24Je ne l'ai pas reconnu par rapport
00:41:26à l'individu au sweat rouge
00:41:28qu'on cherche depuis un an.
00:41:31Il n'a rien à voir avec cette photo qu'on avait.
00:41:34Il fait petit.
00:41:36C'est vrai que sur la photo,
00:41:38on ne peut pas trop savoir, mais il fait petit.
00:41:40Il est blême,
00:41:42alors que sur la photo, on le voit plutôt bronzé.
00:41:48On l'a immédiatement notifié
00:41:51par la garde à vue.
00:41:53Il est pris à son encontre pour meurtre.
00:41:57Il était très passif, très serein,
00:41:59comme s'il n'était pas concerné par l'affaire.
00:42:02Il se contentait de demander
00:42:04où il fallait signer,
00:42:06comme si on venait lui remettre
00:42:08un courrier en recommandé
00:42:10après avoir traversé la France.
00:42:13Je me souviens que les collègues
00:42:15ont regardé mutuellement,
00:42:17en se disant qu'on faisait fausse route.
00:42:19Ce n'est pas lui.
00:42:22Alain Quernoy accepte
00:42:24le prélèvement ADN sans broncher.
00:42:26L'échantillon part immédiatement
00:42:28au laboratoire de Nantes.
00:42:31C'est le 514e prélèvement qui nous arrive,
00:42:34qui arrive par avion en urgence,
00:42:36qui arrive à 11h du matin au laboratoire.
00:42:41On est dans un contexte particulier
00:42:43parce que l'individu est en garde à vue.
00:42:45La difficulté, c'est qu'il faut rendre
00:42:47le résultat le plus possible
00:42:49parce que les enquêteurs sont en train
00:42:51de faire des enquêtes.
00:42:53Là, on a 5-6h de délai d'analyse.
00:42:56Pendant ce temps-là,
00:42:58les gendarmes perquisitionnent
00:43:00la chambre d'Alain Quernoy.
00:43:02Il est toujours serein.
00:43:04Il leur propose même son aide.
00:43:06Il tombe sur des couteaux,
00:43:08des étoiles ninja
00:43:10et toute une documentation
00:43:12sur la composition du GHB,
00:43:14la drogue du violeur.
00:43:16Pour nous, le fait de retrouver
00:43:18une telle recette,
00:43:19sur cette drogue,
00:43:21c'était un élément comme un indicateur
00:43:23au moins d'une certaine personnalité.
00:43:26Un certain complexe d'approche
00:43:28de l'agente féminine.
00:43:32En garde à vue à la gendarmerie d'Aubagne,
00:43:35Alain Quernoy continue
00:43:37de dérouter les enquêteurs.
00:43:40On n'a pas l'impression
00:43:42qu'il est en garde à vue.
00:43:44Il a des préoccupations
00:43:46qui sont, à mon sens, futiles.
00:43:47Il pense à sa soeur
00:43:49qui va avoir lieu le samedi
00:43:51suivant sa garde à vue.
00:43:53Ça va être un leitmotiv
00:43:55pendant toute sa garde à vue.
00:43:57Il pense à son véhicule
00:43:59qui est en panne,
00:44:01qui doit faire des panées.
00:44:03Il pense aux démarches administratives
00:44:05qu'il doit faire pour sa copine
00:44:07qui est une ressortissante polonaise.
00:44:10Et Quernoy n'a pas fini
00:44:12de surprendre les gendarmes.
00:44:15Je lui demande
00:44:17si j'ai passé pour aller au Mont-Saint-Michel.
00:44:23Il confirme y être allé
00:44:25le 21 juin 2005.
00:44:30Il s'est promené.
00:44:32Est-ce que vous avez fait des achats là-bas ?
00:44:34Oui. Vous avez acheté quoi ?
00:44:36Des posters, ci, ça
00:44:38et des couteaux.
00:44:41Les gendarmes lui présentent
00:44:43des photos de couteaux.
00:44:45Quernoy en désigne un,
00:44:47bleu,
00:44:49aux manches ajourées.
00:44:51L'actu normal
00:44:53de l'auteur d'un crime,
00:44:55c'est sûrement pas de dire
00:44:57qu'il a acheté un couteau
00:44:59qui se trouve être la même
00:45:01que l'arme du crime.
00:45:03Et là, on se pose des questions
00:45:05sur sa réelle implication dans les faits.
00:45:07Soit c'est pas lui,
00:45:10soit il a fait
00:45:12un zapping complet
00:45:14de ce qui s'est passé là-bas.
00:45:18Lors de sa deuxième audition,
00:45:21Quernoy reconnaît qu'il est allé au Technival.
00:45:23Mais par hasard,
00:45:25avec des gens qu'il avait rencontrés
00:45:27sur une plage de Brest.
00:45:32Il raconte même volontiers sa soirée.
00:45:34Toute la nuit, il a bu
00:45:36et dragué des filles.
00:45:38A l'entendre, il a eu
00:45:40plusieurs relations sexuelles
00:45:42avec des jeunes filles.
00:45:44Alors ça se passait sous une tente,
00:45:45dans un camion,
00:45:47parce qu'il y a beaucoup de camions là-bas,
00:45:49au pied d'un arbre.
00:45:52La garde à vue se poursuit dans le calme.
00:45:54Quernoy est bavard.
00:45:56Il mange avec appétit
00:45:58et il ne montre pas
00:46:00la moindre inquiétude.
00:46:02À 17h,
00:46:04les résultats des analyses génétiques
00:46:06reviennent de Nantes.
00:46:08Un des collègues qui m'accompagnait à Marseille
00:46:10frappe à la porte
00:46:12et me demande de sortir.
00:46:13Je sors bien évidemment
00:46:15et là, il m'annonce
00:46:17qu'on a les résultats de l'IGNA.
00:46:19L'ADN de Quernoy,
00:46:21c'est l'ADN masculin non identifié
00:46:23qui est sur le couteau
00:46:25et sur l'emballage de préservatif.
00:46:27Donc là,
00:46:29c'est franchement la satisfaction.
00:46:31Pour nous, c'est la satisfaction
00:46:33et un grand ouf de soulagement.
00:46:35On a le bon, c'est lui.
00:46:37Enfin,
00:46:39les gendarmes tiennent l'homme
00:46:41qui a laissé son ADN
00:46:43pour comprendre
00:46:45ce qui s'est passé ce soir-là
00:46:47au Technival et dans la sapinière.
00:46:49Quernoy doit s'expliquer.
00:46:55C'est le moment de sortir
00:46:57les photos prises sur la scène de crime.
00:46:59En les voyant,
00:47:01Quernoy réagira.
00:47:03Peut-être.
00:47:05Il se reconnaît bien à côté de Mathilde
00:47:07mais il ne se souvient pas du tout d'elle.
00:47:09Il n'a jamais vu cette fille.
00:47:11En fin de journée,
00:47:13elle s'amuse un peu.
00:47:15Il se souvient maintenant qu'il a sympathisé
00:47:17avec la bande de Mathilde pendant la nuit
00:47:19et qu'au petit matin,
00:47:21elle a voulu coucher avec lui.
00:47:23Alors, ils sont allés dans la sapinière
00:47:25et là, ils ont fait l'amour.
00:47:29Et à l'issue de ce rapport sexuel,
00:47:31trois individus arrivent.
00:47:33Trois individus qu'il dit être des punks
00:47:35qui, de là,
00:47:37viennent les malmener l'un et l'autre
00:47:39qui, au final, sortent un couteau,
00:47:41le mettent dans sa main
00:47:43tout en tenant son bras.
00:47:45Ils plantent une première fois
00:47:47le couteau dans le ventre de Mathilde.
00:47:53C'est un début de reconnaissance des faits.
00:47:56J'étais là mais ce n'est pas moi qui l'ai fait.
00:48:00Alain Quernoy raconte ensuite
00:48:02que les punks l'ont frappé
00:48:04et qu'il s'est sauvé.
00:48:07À 4h du matin,
00:48:09les gendarmes interrompent l'interrogatoire.
00:48:11Ils le laissent dormir quelques heures.
00:48:13À son réveil,
00:48:15Quernoy n'est plus le même.
00:48:21Il nous dit avoir fait un cauchemar
00:48:24pendant son temps de repos.
00:48:26Il voit une femme blanche
00:48:28qui lui apparaît.
00:48:30Puis sur cette femme blanche,
00:48:32un impact rouge.
00:48:34Un, deux, trois, quatre, cinq.
00:48:36Plusieurs, plusieurs, plusieurs.
00:48:38Et tout d'un coup, tout lui est revenu.
00:48:40À midi et demi,
00:48:41Alain Quernoy passe aux aveux.
00:48:44Il parle, il parle.
00:48:46Les gendarmes n'ont même plus besoin
00:48:48de lui poser de questions.
00:48:50Il dit qu'il a menti.
00:48:52Il n'y avait personne d'autre que lui
00:48:54au moment de la mort de Mathilde.
00:48:56Et c'est lui qui l'a frappé.
00:48:58Il confirme que Mathilde serait venue
00:49:00de son propre gré jusqu'à Nancy Sapinière,
00:49:02que pour lui, elle souhaitait avoir
00:49:04une relation sexuelle avec lui,
00:49:06que sans l'utile,
00:49:08ils n'ont pas eu de relation sexuelle,
00:49:09et que toujours,
00:49:11pour un élément déclencheur
00:49:13qu'il n'arrive pas à s'expliquer,
00:49:15il s'est mis à frapper Mathilde.
00:49:17Il dit simplement qu'il a une boule au ventre.
00:49:20Et là, alors qu'ils sont à coller,
00:49:22il prend son couteau
00:49:24et il porte un premier coup au ventre de Mathilde,
00:49:26suivi d'un deuxième, assez rapproché.
00:49:29Quernoy raconte que Mathilde est restée figée
00:49:32et qu'elle a hurlé,
00:49:34arrête, arrête.
00:49:36Puis elle l'a giflé
00:49:37dans la direction du chemin.
00:49:39C'est ici qu'il l'a rattrapée,
00:49:41par le bras.
00:49:43C'est ici qu'il lui a tranché la gorge.
00:49:47Un coup de couteau très violent
00:49:49au niveau de la gorge.
00:49:51Et donc là, elle s'effondre.
00:49:53Quernoy décrit la plaie.
00:49:55Une plaie comme mon doigt.
00:49:57Elle était profonde.
00:49:59Je voyais comme du plastique.
00:50:03Effectivement,
00:50:05lors des constatations
00:50:07on voit la trachée
00:50:09qui est du cartilage.
00:50:11La confusion entre du plastique et le...
00:50:13C'est le détail
00:50:15que seul
00:50:17quelqu'un ayant vu la scène de crime peut donner.
00:50:21Quernoy précise qu'à cet instant,
00:50:23il s'est blessé au petit doigt.
00:50:25Quand il a réalisé que tout le monde
00:50:27pouvait les voir au milieu du chemin,
00:50:29il a traîné Mathilde
00:50:31de l'autre côté du ruisseau,
00:50:33derrière les roseaux.
00:50:35Il la met sous différents sapins
00:50:37et là, elle est mise sur le dos.
00:50:39Il lui assène encore
00:50:41une multitude de coups de couteau
00:50:43au niveau de l'abdomen.
00:50:48Et c'est là qu'il décide de la dévêtir.
00:50:50Il lui enlève le pantalon,
00:50:52le string, son T-shirt.
00:50:54Il lui enlève également le soutien-gorge.
00:50:58Quand il parle de la victime,
00:51:00il a des commentaires
00:51:02qui sont hallucinants.
00:51:05Il se souvient de ces détails.
00:51:07Il dit spontanément
00:51:09« J'ai vu ses seins, très mignons.
00:51:11J'ai vu ses jambes, très jolies. »
00:51:16On voit bien qu'il n'y a pas d'affect.
00:51:18Il y a comme une jouissance.
00:51:21On a quelqu'un qui nous explique
00:51:23qu'elle est à terre, qu'elle est jolie,
00:51:25qu'elle lui plaît.
00:51:27Et là, il a envie d'avoir
00:51:29un rapport sexuel avec cette femme.
00:51:31Quernoy raconte qu'il a violé Mathilde
00:51:33avec sa main.
00:51:35C'est à ce moment-là, dit-il,
00:51:37qu'il s'est comme réveillé.
00:51:39Et il s'est sauvé à travers le bois.
00:51:42Il a jeté son couteau au pied d'un sapin
00:51:44et il a rejoint ses copains.
00:51:47En fin de journée,
00:51:49il a été contrôlé, comme tout le monde,
00:51:51à la sortie du Technival
00:51:53et il est rentré à Brest.
00:52:00Le lendemain, il a repris sa vie d'avant.
00:52:02Dans la rue, il a croisé une jolie fille,
00:52:04Katarzyna, une étudiante polonaise.
00:52:07Depuis, c'est sa petite amie.
00:52:11Il tue Mathilde le dimanche
00:52:13et le lundi, il rencontre Ganne Katarzyna
00:52:16comme si de rien.
00:52:21Le 23 juin 2006,
00:52:23près d'un an, jour pour jour,
00:52:25après la mort de Mathilde,
00:52:27les gendarmes viennent d'obtenir
00:52:29les aveux complets de son assassin.
00:52:32Les premières personnes que j'ai appelées
00:52:34sont les parents de Mathilde.
00:52:37Pour leur dire qu'au bout d'un an,
00:52:39enfin, on avait le meurtrier de leur fille.
00:52:43C'est professionnellement et humainement
00:52:46un moment fort.
00:52:56Patrick Bolloré, qu'est-ce que vous avez ressenti
00:52:58au moment du coup de fil du gendarme
00:53:00vous annonçant l'arrestation
00:53:02du meurtrier de Mathilde ?
00:53:04Je me suis littéralement effondré.
00:53:06Un an de...
00:53:08On était vraiment tenus en allers.
00:53:10On était portés par l'enquête.
00:53:12Et le fait de savoir que
00:53:14c'était bien celui qu'on avait
00:53:16sous les yeux depuis le départ,
00:53:18qu'on recherchait au titre de témoin simplement
00:53:21dès le début,
00:53:23qu'on avait identifié
00:53:25qui était la clé de voûte de l'enquête,
00:53:27c'était déstabilisant d'une part
00:53:29et soulager de savoir qu'enfin
00:53:31il était à l'abri de nuire.
00:53:33Parce que Maréjeanne vivait très mal
00:53:35et le meurtrier était
00:53:37encore en liberté.
00:53:39Ça tourna la névrose à la maison,
00:53:41on avait du mal à vivre ça.
00:53:43Un soulagement d'une part
00:53:45et puis vraiment
00:53:47une sorte de...
00:53:50De la colère ?
00:53:52Pas de la colère,
00:53:54c'était vraiment un renfort de tristesse
00:53:56de dire voilà,
00:53:58on mettait un visage sur celui
00:54:00qui avait fait tant de mal à Mathilde.
00:54:06Maître Béatrice Dupuis,
00:54:08vous êtes l'avocate d'Alain Carnot.
00:54:10Votre client est mis en examen
00:54:12pour assassinat et alors
00:54:14quand vous le voyez la première fois,
00:54:16quelles sont vos premières impressions ?
00:54:18Dès que je le rencontre,
00:54:20à ce moment-là,
00:54:22alors qu'il a passé des aveux,
00:54:24immédiatement il me dit
00:54:26qu'il ne se souvient plus
00:54:28des détails, des éléments,
00:54:30il est dans une espèce de nymphe,
00:54:32il ne se souvient plus.
00:54:33Ce qui est frappant aussi,
00:54:35c'est que d'emblée,
00:54:37on n'a pas le sentiment
00:54:39qu'il mesure véritablement
00:54:41ce qui s'est passé.
00:54:43À côté de ça,
00:54:45c'est un garçon,
00:54:47j'allais dire entre guillemets normal,
00:54:49qui n'a rien d'un prédateur,
00:54:51qui n'a rien d'un pervers,
00:54:53qui n'a rien d'un monstre.
00:54:55C'est quelqu'un qui,
00:54:57physiquement, se présente
00:54:59tout à fait correctement,
00:55:01qui a une élocution
00:55:03correcte,
00:55:05et ce qui est frappant,
00:55:07c'est un peu le décalage
00:55:09entre lui et les faits.
00:55:11Est-ce qu'il vous donne l'impression
00:55:13d'être particulièrement fragile ?
00:55:15Psychologiquement,
00:55:17le conflit entre ce qu'il s'est passé
00:55:19et la manière dont il se présente
00:55:21me permet de dire
00:55:23qu'il y a un problème psychologique,
00:55:25évident à mon avis,
00:55:27mais sinon, d'abord,
00:55:29de prime abord, vous le voyez dans la rue,
00:55:31absolument pas,
00:55:33parce que le fait et sa personne
00:55:35peuvent permettre de considérer
00:55:37qu'il est psychologiquement fragile.
00:55:43Pour compléter le dossier
00:55:45et tenter de comprendre
00:55:47pourquoi ce garçon de 23 ans
00:55:49a pu assassiner Mathilde,
00:55:51les gendarmes doivent maintenant
00:55:53se pencher sur la vie d'Alain Quernoy.
00:55:55Il est né à Marseille
00:55:57où il a grandi dans une famille unie
00:55:59avec trois frères et soeurs.
00:56:01Sa mère était cadre à la Poste,
00:56:03son père, un ancien de la marine,
00:56:05moniteur d'auto-école.
00:56:08Rien de tragique dans cette enfance,
00:56:11c'est un petit garçon intelligent
00:56:13qui a des parents également intelligents,
00:56:15qui a des frères et soeurs
00:56:17avec lesquels il s'entend bien.
00:56:19Il y a tellement d'amour, je dirais,
00:56:21pour Alain Quernoy,
00:56:23et ce qui est normal,
00:56:25qu'ils ont du mal, je pense,
00:56:27à imaginer qu'il puisse faire ce genre de choses.
00:56:29Il est dépeint comme quelqu'un
00:56:31qui a une personnalité
00:56:33tout à fait classique,
00:56:35de quelqu'un de très gentil,
00:56:37instruit, intelligent.
00:56:39Intelligent et plutôt bon élève.
00:56:41Alain Quernoy passe un bac professionnel
00:56:43avec mention très bien
00:56:45et sort deuxième de sa promotion
00:56:47au Centre d'instruction navale de Saint-Mandrier.
00:56:51Le seul drame de sa vie,
00:56:53c'est sa petite taille.
00:56:55Pendant son enfance,
00:56:57il a dû suivre un traitement
00:56:59par hormone de croissance.
00:57:01Ça va l'aider à grandir,
00:57:03il a une petite taille relativement,
00:57:05mais il a un souci avec ça.
00:57:08Au cours de son enfance,
00:57:10il a ce sentiment d'infériorité.
00:57:17Grâce à ce traitement,
00:57:19Alain Quernoy atteint la taille d'un mètre soixante.
00:57:22Mais il reste complexé
00:57:24et il s'isole.
00:57:27A l'adolescence,
00:57:29il se réfugie dans les jeux vidéo
00:57:31et leur monde virtuel.
00:57:33Et quand il en sort,
00:57:35c'est pour se faire des films.
00:57:40Lorsqu'il a participé à l'opération Berrics
00:57:44suite au tsunami,
00:57:46il déclarait qu'il avait
00:57:48déblayé des cadavres, etc.
00:57:51Lorsqu'on a entendu ses responsables,
00:57:54en aucun cas ils n'ont été confrontés à la mort
00:57:56dans le cadre de leur mission,
00:57:59alors qu'ils s'en vantaient auprès de ses proches.
00:58:01Il se vantait d'être de la mafia,
00:58:03il avait besoin de se valoriser
00:58:05pour impressionner.
00:58:08Il racontait des trucs,
00:58:10c'est n'importe quoi.
00:58:12Pour quelqu'un de normal,
00:58:14ce serait trop gros.
00:58:16Par exemple, il disait qu'il faisait
00:58:18dans des hangars à Marseille
00:58:20des tournantes.
00:58:22Je ne pouvais pas le vérifier,
00:58:24donc j'ai mis ça de côté.
00:58:27Quernoy ment.
00:58:29Quernoy ment.
00:58:31S'invente une vie pour faire l'intéressant.
00:58:34Et quand il parle des femmes avec ses copains,
00:58:37là encore, il en rajoute.
00:58:39Lors du visionnage d'un film X,
00:58:42il y a eu un comportement
00:58:45et des mots tellement durs
00:58:47envers les femmes.
00:58:49Je me suis dit,
00:58:51ce n'est pas le Quernoy
00:58:53que j'étais habitué au départ.
00:58:55Je me suis dit,
00:58:56il y a un truc qui cloche.
00:59:01À ses copains de Chambray,
00:59:03Quernoy parle de ses conquêtes
00:59:05comme des morceaux de viande,
00:59:07des salopes.
00:59:09Il donne une image
00:59:11d'obsédé sexuel.
00:59:13Beaucoup d'entre eux
00:59:15le surnommaient le pédophile.
00:59:17Lors des escales de la Jeanne d'Arc,
00:59:19il affichait ouvertement
00:59:21son goût pour les prostituées mineures.
00:59:23Et il se vantait même
00:59:24de les maltraiter.
00:59:26Certains militaires qui l'ont côtoyé
00:59:29nous font part d'anecdotes
00:59:31assez préoccupantes.
00:59:33À Kuala Lumpur, en Malaisie,
00:59:35il avait laissé une fille
00:59:37qu'il avait complètement déchirée,
00:59:39une autre qu'il aurait laissée pour morte.
00:59:45Dominique, Alain Quernoy
00:59:47est examiné par plusieurs experts,
00:59:49psychiatres et psychologues.
00:59:51Que disent-ils de lui ?
00:59:53Ils sont assez déconcertants
00:59:55parce qu'il y a un décalage
00:59:57entre l'homme et l'acte.
00:59:59On commence par le début.
01:00:01L'homme, pas de déficience intellectuelle,
01:00:03une intelligence normale,
01:00:05un discours cohérent, pas de pathologie.
01:00:07Qu'est-ce qui l'a fait basculer ?
01:00:09C'est peut-être, pensent les experts,
01:00:11sa personnalité, trois points.
01:00:13Complexe, protéiforme, perverse.
01:00:16La perversité apparaît
01:00:18quand Quernoy raconte
01:00:20ses conquêtes sexuelles.
01:00:22La femme, vrai, pas vrai,
01:00:24c'est ce que lui raconte.
01:00:26Il explique qu'il n'a jamais eu pour habitude
01:00:29de perdre du temps
01:00:31dans la phase de séduction,
01:00:33ça ne l'intéresse pas.
01:00:35Les experts écrivent,
01:00:37il semble ne considérer l'autre,
01:00:39il ne semble considérer la femme
01:00:41que comme un corps lui permettant
01:00:43d'accéder à la jouissance.
01:00:45Déstabilisant aussi la façon
01:00:47dont Quernoy se met en scène
01:00:49quand il raconte ce qui s'est passé,
01:00:50il est en train de regarder la scène.
01:00:52Il dit, je me sentais comme ça,
01:00:54moi-même, en position d'observateur,
01:00:56un peu au-dessus de la scène,
01:00:58comme dans un jeu vidéo.
01:01:00Que pensent les experts de sa dangerosité
01:01:02et de son risque de récidive ?
01:01:04Sa dangerosité, Frédéric,
01:01:06elle est difficile à apprécier,
01:01:08selon les experts.
01:01:10Le risque de récidive,
01:01:12il ne doit pas être négligé
01:01:14parce que Quernoy est quelqu'un
01:01:16qui est manipulateur,
01:01:18les experts le disent,
01:01:20il faut faire attention,
01:01:22et il a l'amnésie factice,
01:01:24c'est-à-dire qu'il ne se souvient pas
01:01:26vraiment de ce qu'il a fait,
01:01:28il est sans doute en train
01:01:30de duper les experts,
01:01:32d'essayer de tromper les experts.
01:01:34Il est, ça c'est important de le dire,
01:01:36accessible à une sanction pénale,
01:01:38ça veut dire qu'il est responsable
01:01:40de ses actes devant la justice.
01:01:45Le 6 octobre 2006,
01:01:4716 mois après les faits,
01:01:48le juge organise une reconstitution
01:01:50à Carnouët sur les lieux du crime.
01:01:54Lors de la reconstitution,
01:01:56Alain Quernoy surprend tout le monde,
01:01:58il se prête à l'exercice
01:02:00docilement,
01:02:02comme s'il ne réalisait pas.
01:02:04Je vois Alain Quernoy à côté de moi,
01:02:06petit,
01:02:08enfant,
01:02:10j'avais envie de lui dire
01:02:12mais c'est pas grave mon petit,
01:02:14j'ai envie de le prendre dans mes bras,
01:02:16c'est un mauvais moment,
01:02:18ne t'inquiète pas.
01:02:20Il est poli,
01:02:22il entend me serrer la main
01:02:24lorsqu'il me rencontre,
01:02:26ce qui évidemment est difficile
01:02:28puisque moi je suis présente sur place
01:02:31en ma qualité d'avocat
01:02:33du père de Mathilde
01:02:35et de sa famille
01:02:37et il est dans un autre monde,
01:02:39on comprend tout de suite
01:02:41qu'il ne mesure pas
01:02:43la gravité de son geste.
01:02:45Mais au moment de mimer les coups
01:02:46qu'il a portés à Mathilde,
01:02:48Quernoy se trouble,
01:02:50il ne se souvient plus.
01:02:52Il explique qu'il se voit
01:02:54dans un jeu vidéo
01:02:56en train de la poursuivre
01:02:58et de la frapper.
01:03:00Il parle de visions en 3D,
01:03:02de caméras qu'il peut orienter
01:03:04comme il le souhaite.
01:03:06Pierre Ménard,
01:03:08au cours de l'instruction
01:03:10et lors de la réconstitution,
01:03:12Alain Quernoy parle de jeux vidéo.
01:03:14Il explique qu'au moment des faits
01:03:16il n'est plus crédible.
01:03:18Je ne sais pas si cette explication
01:03:20est la réalité.
01:03:22Je ne sais pas du tout.
01:03:24Dans le sens où j'ai eu
01:03:26et je garde maintenant
01:03:28toujours beaucoup de doutes
01:03:30et de questionnements
01:03:32sur les raisons
01:03:34qui ont poussé Alain Quernoy
01:03:36à commettre ce crime.
01:03:38Donc au moment où vous terminez
01:03:40votre instruction,
01:03:42quelle zone d'ombre
01:03:44il reste pour vous dans ce dossier ?
01:03:46Quelle est la personnalité complexe
01:03:48d'Alain Quernoy ?
01:03:51Qu'est-ce qui a déclenché
01:03:53les coups de couteau ?
01:03:55Je ne sais pas.
01:03:57Quelle est la part
01:03:59de dangerosité
01:04:01et de mythomanie
01:04:03de monsieur Alain Quernoy ?
01:04:05Je ne sais pas non plus.
01:04:07Et finalement,
01:04:09quelle est la qualification
01:04:11que vous retenez à la fin ?
01:04:13A la fin de l'enquête,
01:04:14c'est un homicide volontaire
01:04:16avec préméditation
01:04:18et pour défait d'atteinte
01:04:20à l'intégrité du cadavre.
01:04:22Et comment vous l'expliquez
01:04:24cette préméditation ?
01:04:26Parce qu'au bout du compte
01:04:28il n'est pas venu pour tuer Mathilde ?
01:04:30Il y avait des charges en ce sens
01:04:32qui devaient être tranchées
01:04:34par la cour d'assises.
01:04:36Les charges c'était par exemple
01:04:38l'achat du couteau
01:04:405 jours avant l'effet.
01:04:42C'était le déroulement
01:04:44du couteau.
01:04:46Le mode opératoire en lui-même
01:04:48était un peu particulier.
01:04:50On arrive quand même à établir
01:04:52que monsieur Quernoy a fait preuve
01:04:54d'un certain sang-froid
01:04:56et qu'il a gardé le contrôle
01:04:58de ce qu'il faisait.
01:05:00Ces éléments méritaient
01:05:02d'être discutés en cour d'assises.
01:05:04Et pour l'atteinte
01:05:06à l'intégrité d'un cadavre ?
01:05:08Moi j'ai considéré que
01:05:10compte tenu du fait
01:05:12qu'elle ne respirait plus
01:05:14donc je lui ai mis en examen
01:05:16et renvoyé pour atteinte
01:05:18à l'intégrité du cadavre.
01:05:24Le procès d'Alain Quernoy
01:05:26s'ouvre le 22 septembre 2008
01:05:28devant la cour d'assises
01:05:30des Côtes d'Armor à Saint-Brieuc.
01:05:32C'est une salle comble
01:05:34qui l'attend.
01:05:38Ça m'a fait un choc de le voir.
01:05:40Il était tout petit, tout...
01:05:41Puis il ressemblait à rien.
01:05:43Je me disais c'est pas possible
01:05:45que ce soit lui qui ait tué ma sœur.
01:05:47C'est ces mains-là
01:05:49qui ont arraché la vie de ma sœur.
01:05:51J'avais beaucoup d'impréhension.
01:05:57Contente de voir son visage.
01:06:04Et en même temps
01:06:06me dire que j'avais affaire à un monstre.
01:06:11Il est lâche.
01:06:13Il baisse la tête.
01:06:15Il n'ose pas nous regarder.
01:06:18À 27 ans,
01:06:20Alain Quernoy encourt
01:06:22la réclusion criminelle à perpétuité.
01:06:24Il a reconnu les faits
01:06:26et ses avocats savent
01:06:28que leur marge de manœuvre
01:06:30est très limitée.
01:06:32Tout va se jouer
01:06:34sur l'impression
01:06:36qu'il laissera aux jurés
01:06:38et à la cour.
01:06:39Il va se présenter
01:06:41d'une manière,
01:06:43de la seule manière dont il est capable,
01:06:45mais totalement renfermé sur lui
01:06:47avec beaucoup de difficulté à parler.
01:06:50Il va provoquer
01:06:52de manière quasi immédiate
01:06:54une sorte de rejet
01:06:56de la juridiction.
01:06:58Je me dis en particulier
01:07:00que les choses vont être
01:07:02tout à fait difficiles.
01:07:04Déconnecté de la réalité,
01:07:06reclus dans son univers,
01:07:07c'est l'impression
01:07:09que l'accusé donne à tout le monde.
01:07:11Lorsque la cour aborde sa vie,
01:07:13Quernoy prend enfin la parole.
01:07:16Là, on se rend compte,
01:07:18on se rend vraiment compte en pratique
01:07:21qu'il pense que
01:07:23dans 3, 4, 5 ans,
01:07:25il va pouvoir sortir de prison
01:07:27et puis se marier,
01:07:29avoir des enfants avec sa petite amie
01:07:31qui est présente dans la salle
01:07:33et donc une absence totale de conscience
01:07:35de la gravité de son geste
01:07:38Le deuxième jour,
01:07:40c'est l'évocation des faits.
01:07:42Dans son box,
01:07:44Quernoy est embarrassé,
01:07:46il n'y arrive pas.
01:07:48Ses seuls souvenirs,
01:07:50un coup de couteau,
01:07:52une brève poursuite,
01:07:54comme dans un jeu vidéo.
01:07:56Il ne veut pas reraconter
01:07:58dans le détail, etc.
01:08:00Oui, il se peut,
01:08:02oui, le couteau a fait ça,
01:08:04oui, il y a eu 28 coups de couteau,
01:08:05oui, il y a eu.
01:08:07C'est quelque chose
01:08:09qui est très difficile à entendre
01:08:11pour la cour,
01:08:13qui provoque des réactions
01:08:15de rejet total de la part
01:08:17de la partie civile,
01:08:19qui voit qu'il rejette
01:08:21finalement sa responsabilité
01:08:23sur une addiction aux jeux vidéo
01:08:25et ça, ça passe mal.
01:08:27Je ne peux pas s'y rendre compte
01:08:29de l'atrocité de la chose.
01:08:31C'était un jeu vidéo.
01:08:33Pour lui, il avait juste
01:08:36un exceptionnel.
01:08:39Maître Béatrice Dupuy,
01:08:41le procès, les souvenirs d'Alain Carnois
01:08:43sont encore toujours flous.
01:08:45Si je lis bien,
01:08:47il se souvient de couteau,
01:08:49d'une brève poursuite comme
01:08:51dans un jeu vidéo.
01:08:53Cette allusion aux jeux vidéo,
01:08:55est-ce qu'elle tient la route ?
01:08:57Oui, complètement,
01:08:59elle tient la route plus, plus, plus,
01:09:01parce que c'est quelqu'un
01:09:03qui, pendant deux ans,
01:09:05il parle du jeu en permanence.
01:09:06C'est quelqu'un qui a vécu en immersion dans les jeux vidéo
01:09:10pendant un moment de sa vie, pendant, je sais pas, six mois, un an.
01:09:14Il était à fond là-dedans.
01:09:15– Est-ce que vous avez le sentiment que pendant justement le technival,
01:09:18il aurait pu absorber des psychotropes ou des drogues ou de l'alcool
01:09:22qui aurait encore plus…
01:09:23– De l'alcool, incontestablement de l'alcool.
01:09:27Oui, oui, il n'est pas lui-même au technival.
01:09:30Il y a une conjonction d'éléments qui fait qu'il est passé à l'acte.
01:09:34Mais sans ces éléments-là, il ne serait pas passé à l'acte.
01:09:36Ces éléments, c'est l'alcool, c'est la bruit, c'est la foule,
01:09:41c'est sa fragilité psychologique aussi,
01:09:44c'est tout ce qui fait qu'à un moment donné, il déclenche.
01:09:47– Donc quels sont vos axes de défense à ce premier procès ?
01:09:49– C'est très compliqué parce qu'il y a un double niveau.
01:09:51D'abord, le niveau humain, c'est de resituer Alain Carnoy
01:09:54et de dire justement, c'est pas un monstre, c'est pas un prédateur sexuel.
01:09:57C'est un jeune garçon qui a eu la vie qu'il a eue,
01:10:00qui a été entouré par une famille, etc.
01:10:03Et qui a un moment T, a basculé.
01:10:05Ça, c'est le côté humain.
01:10:06Et puis le deuxième degré, là c'est beaucoup plus difficile
01:10:09pour un avocat face à des jurés populaires, c'est le technique.
01:10:13– La préméditation. – La préméditation.
01:10:15– Comment vous l'expliquez donc, l'absence de préméditation ?
01:10:18– L'absence de préméditation, pour moi, c'est tellement évident.
01:10:20On ne peut pas dire qu'Alain Carnoy soit arrivé sur le Technival
01:10:23avec un couteau dans la poche, certes il avait un couteau dans la poche,
01:10:25mais on ne peut pas dire qu'il s'est dit, je vais me faire une petite…
01:10:29C'est pas possible.
01:10:29– Oui mais il est revenu l'achever.
01:10:31– Mais c'est dans un trait de temps, entre le premier coup et le dernier coup,
01:10:35il y en a peut-être 29, il y a peut-être une distance géographique,
01:10:40mais c'est pas possible qu'Alain Carnoy, à ce moment-là,
01:10:44il se soit dit, ah, finalement, je vais décider de la tuer.
01:10:47On est dans un même trait de temps.
01:10:48Et ça, je suis intimement convaincue que là-dessus,
01:10:51il n'y a pas de préméditation.
01:10:54À la barre, les experts psychiatres
01:10:57n'ont pas d'explications à apporter sur le crime commis.
01:11:02Mais ils sont unanimes,
01:11:04Alain Carnoy est sans doute un homme dangereux.
01:11:10– Il considérait que c'était une personnalité trouble,
01:11:13dissimulatrice et certainement perverse.
01:11:16Je crois que presque tous ont souligné
01:11:20qu'il était impossible d'exclure une récidive.
01:11:24– Et au fil de l'audience, Carnoy semble leur donner raison.
01:11:28Depuis son boxe, perdu dans ses pensées,
01:11:32il regarde intensément Ibi, la petite sœur de Mathilde,
01:11:36âgée de 13 ans.
01:11:38Dans la salle, tout le monde s'en rend compte.
01:11:41– Il me fixait tout le temps, il m'était mal à l'aise.
01:11:46– N'en pouvons plus, la petite sœur de Mathilde, Ibi,
01:11:51s'est levée d'un coup d'un seul à quitter la salle d'audience
01:11:55pour hurler au dehors.
01:11:57– On était en été, une fenêtre était ouverte,
01:12:00la chaleur était étouffante et on l'entendait crier sa douleur
01:12:03sur le parvis du palais de justice.
01:12:08– Quant à Quernoy, le président Abo le prêt cette question,
01:12:12il reste incapable d'expliquer son crime.
01:12:17– L'essentiel de ce procès, c'est tenter de comprendre pourquoi
01:12:22on n'y arrive pas, tenter de comprendre qui est Alain Quernoy,
01:12:27et c'est très, très difficile.
01:12:30Et on n'arrive pas à faire passer à la cour
01:12:34les éléments positifs qui peuvent exister dans le dossier,
01:12:37mais que M. Quernoy ne présente pas à l'audience.
01:12:42Il demeure un mystère.
01:12:46– Après cinq jours de débat,
01:12:48l'avocat général requiert la réclusion criminelle à perpétuité
01:12:52pour le viol et l'assassinat de Mathilde Krogenek.
01:12:55Une peine sur laquelle les jurés et la cour n'hésitent pas longtemps.
01:13:00Deux heures et demie plus tard,
01:13:01ils suivent les réquisitions, perpétuité.
01:13:04À l'énoncé du verdict,
01:13:06Quernoy reste prostré, vingt minutes, dans son boxe.
01:13:11– Je pense que pour la première fois,
01:13:13il manifestait vraiment, de manière complètement sincère, un trouble.
01:13:16– Alain Quernoy s'effondre dans son boxe,
01:13:20et là, on se dit, il a compris.
01:13:26– Patrick Bolloré, comment la famille de Mathilde
01:13:29va-t-elle vivre ce premier procès ?
01:13:31– C'était une épreuve.
01:13:34On s'y était un peu préparés parce qu'on savait que ça serait dur,
01:13:36mais on était en dessous de la vérité encore.
01:13:40Ce qu'on attendait, c'était d'avoir enfin la vérité
01:13:43sur le déroulement des faits.
01:13:45C'était sans compter sur le caractère mégalomane
01:13:48et manipulateur pervers de Quernoy.
01:13:50Il a passé son temps, pendant tout le procès,
01:13:52à vouloir se faire passer pour une victime du système.
01:13:55C'était plus Mathilde la victime, c'était quasiment lui.
01:13:58– Est-ce que vous êtes soulagé à l'annonce du verdict ?
01:14:02– Quand même, oui.
01:14:03Et en même temps, on savait pertinemment que la perpétuité,
01:14:05ce n'est qu'un mot.
01:14:06On savait qu'il n'offrait que 18 ans de sûreté,
01:14:09qu'après ça, il pouvait demander sa libération.
01:14:11Et s'il se tenait tranquille, il risquait de l'avoir.
01:14:19– Alain Quernoy a fait appel.
01:14:20En février 2010, il est rejugé par la Cour d'assises de Rennes.
01:14:24Cette fois, il échappe à la perpétuité,
01:14:27mais sa peine n'est pas moins lourde.
01:14:28Il prend 30 ans, avec 20 ans de sûreté.
01:14:32Une fois encore,
01:14:34les jurés lui ont rappelé que la vie n'est pas un jeu.
01:15:24– Sous-titrage ST' 501

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