En Italie, la mafia a fait sa cure de jouvence. Après des centaines d'arrestations au début des années 2000, de jeunes hommes, la «baby mafia», ont pris les places laissées vacantes par leurs aînés. Mais à la différence des aînés, ces jeunes loups ne respectent plus aucune règle. Aujourd'hui, un simple regard, une entrave de territoire entre simples exécutants peut finir dans un bain de sang.
Catégorie
✨
PersonnesTranscription
00:006 heures du matin, au pied du Vésuve.
00:10Depuis deux siècles, à la veille de Pâques, des milliers de Napolitains viennent s'incliner
00:30devant la Madonna dell'Arco.
00:31Cette Madonna est la mère protectrice de la Camorra, la puissante mafia napolitaine.
00:42C'est la première fois qu'une caméra pénètre dans ce sanctuaire, réputé pour être le lieu
00:48de pèlerinage de l'une des plus grosses organisations criminelles au monde.
00:53Parmi ces pèlerins, certains pleurent leurs frères tombés sous les balles, des mères,
00:58des sœurs ou des épouses implorent des remises de peine pour les membres de leur famille.
01:10Des femmes entrent en transe.
01:13Les prières deviennent hystériques.
01:16Une cérémonie sous haute surveillance.
01:27Aux alentours du sanctuaire, plusieurs brigades de police quadrillent le terrain.
01:34Dans ces cortèges étouffants, il n'est pas rare que des clans s'expliquent à coup de couteau.
01:43Allez, on y va, on y va !
01:44La faute a de nouvelles figures qui paradent aux côtés des familles historiques de la ville.
01:55Des visages jeunes, toujours plus jeunes et toujours plus nombreux.
02:01En Italie, la mafia est en pleine cure de jouvence.
02:05Dans la foule, Pietro Yoya, une ancienne figure liée à la Camorra.
02:16C'est vraiment une culture de merde.
02:21La religion, ça n'a rien à faire avec le crime organisé et la Camorra.
02:24Après 20 ans de prison, cet ancien trafiquant de cocaïne a été libéré en 2012.
02:30Il découvre alors que les règles ont changé.
02:36Malheureusement, dans plusieurs quartiers de Naples, il y a une Camorra toujours plus jeune.
02:40Elle s'est rénovée, elle est beaucoup plus violente.
02:43Ouais, des jeunes violents, des assassins.
02:47Ça se passe comme ça dans les quartiers où il n'y a plus de vieux boss.
02:50Ces cortèges ont pour habitude de s'arrêter sous les fenêtres des chefs mafieux les plus respectés.
03:07Mais désormais, de plus en plus d'adolescents reçoivent ce type d'hommage.
03:13Comme ici, sous ce balcon.
03:15T'as vu ? On est passé sous le balcon d'une famille de Camoristes.
03:20Il n'y a plus d'hommes, ils sont tous en prison.
03:25Avant, cette célébration se faisait en hommage aux vieux Camoristes.
03:29L'âge a changé, mais la mentalité, c'est toujours la même.
03:35Pietro se tend.
03:37Aux abords des cortèges, il n'y a pas que de jeunes mafieux.
03:41Des chefs de clan sont aussi présents.
03:45Il y a ces gars là, des baby boss.
03:49Quoi, il y a des baby boss ici ?
03:51Tu ne les vois peut-être pas, mais ils sont là.
03:54Crois-moi, ils sont là, et pas seulement dans ce quartier.
03:59Les baby boss.
04:01Des parrains d'un genre nouveau.
04:04Derrière ces visages enfantins et ces looks d'adolescents,
04:08certains seraient en réalité de jeunes chefs de clan
04:11qui ambitionnent de prendre les reines de la Camorra.
04:13Maintenant, moi, je suis rangé des voitures.
04:19Ce que je faisais avant, c'était de la folie.
04:20Mais aujourd'hui, ce qu'ils font, eux, c'est encore plus dingue.
04:26A Naples, ces nouveaux parrains pullulent aux quatre coins de la ville.
04:30Et ils ne respectent aucune règle.
04:32Avec des arrestations par centaines au début des années 2000,
04:40le pays pensait en avoir fini avec la mafia.
04:43Erreur, un nouveau monstre est né.
04:45De nouvelles pousses.
04:51Parcours.
04:53Recule, recule.
04:54Pour ta sécurité, recule.
04:56Moi, je les appelle des chacals.
04:58Ce sont des barbares.
04:59Pendant six mois, nous sommes allés au plus près de cette nouvelle mafia
05:03qui terrorise l'Italie.
05:05Une mafia dans laquelle les plus vieux...
05:07Le premier truc qu'on achète, nous, c'est un téléphone et un flingue.
05:10À la moindre embrouille, on sort le pétard.
05:14La brigade d'élite qui les traque.
05:17Ceux qui vont en prison sont remplacés tout de suite.
05:20C'est du non-stop.
05:21Rencontrer ceux qui les défendent
05:23et qui leur sont devenus indispensables.
05:25La règle numéro un,
05:27ne jamais leur faire totalement confiance.
05:30Et pénétrer dans la prison pour mineurs de Naples,
05:34confronter à une violence méconnue jusque-là.
05:35Si un vieux s'amène alors que tu fais mes affaires
05:39et qu'il me parle,
05:40je ne le calcule même pas.
05:42S'il m'en empêche, je le bute.
05:45Du nord au sud de l'Italie,
05:48nous avons enquêté sur le nouveau visage du crime organisé,
05:52la baby mafia.
06:02Naples est l'un des joyaux de l'Italie.
06:05Sa lumière,
06:08ses petites ruelles typiques
06:10et ses églises par centaines.
06:13La ville est devenue l'une des destinations préférées
06:16des touristes européens.
06:21Mais derrière ces images dignes de la Dolce Vita,
06:24se cache une autre réalité.
06:26Car la ville est aussi la capitale de la baby mafia.
06:29Au commissariat central de Naples,
06:35cette nouvelle camorra est prise très au sérieux.
06:39Ici, une brigade entière fait la chasse à la mafia.
06:44Les Falchi,
06:45les faucons en italien.
06:47Le policier qui nous accueille s'appelle Mario.
06:51Ça fait combien de temps que vous êtes chez les Falchi ?
06:55Deux ans ?
06:56Non, vingt ans.
06:58Vingt ans ?
06:59Ça calme.
06:59Désormais, pour eux,
07:03c'est la baby mafia qui est la plus grande menace.
07:07Pas trop compliqué, ce travail à Naples ?
07:10Disons que Naples,
07:12il vaut mieux s'en tenir éloigné.
07:14Un peu d'attention, s'il vous plaît.
07:16Allez, c'est l'heure du briefing.
07:18Comme tous ses collègues,
07:20Mario vient des quartiers malfamés de la ville.
07:23C'était d'ailleurs le premier critère de sélection
07:25pour leur chef,
07:26le commandant Serpico.
07:29Ok, fermez la porte.
07:34Bon, les gars,
07:36ce soir,
07:39vu que la fin de la semaine arrive
07:40et avec la chaleur qu'il fait,
07:44il y aura du monde dans la rue.
07:47Je vous demande d'ouvrir l'œil,
07:50pas seulement sur les braqueurs
07:51ou les voleurs à l'arraché,
07:52mais surtout, focalisez-vous sur les mineurs.
07:56Si on voit un groupe qui laisse penser
07:58qu'ils vont passer à l'acte,
08:00on les arrête.
08:01On vérifie leur identité,
08:03on vérifie s'ils ont des couteaux ou non
08:04et surtout,
08:06on voit s'ils sont connus de nos services.
08:08Il faut reprendre le terrain coûte que coûte.
08:11Des questions ?
08:12Allez, on y va.
08:14Zino avec moi, les autres,
08:16vous connaissez la chanson.
08:22En début de soirée,
08:36les Falquis s'engouffrent
08:37dans ces petites ruelles
08:38du centre-ville de Naples,
08:40le terrain de jeu préféré
08:42de la Baby Mafia.
08:43Il est un peu plus de 19 heures,
08:53l'heure des premiers contrôles.
09:06Un véhicule attire l'attention des Falquis.
09:08Il va où, ce con ?
09:14Une berline allemande
09:15à plus de 60 000 euros.
09:18Pour les policiers,
09:19ces jeunes sont probablement
09:20des baby-boss.
09:22Le style, la voiture,
09:25ici, tout ce qui leur paraît suspect
09:27est contrôlé.
09:28T'es connu chez nous ?
09:30Non, moi, je suis clean.
09:31C'est quoi, cet argent ?
09:32Quoi ?
09:33C'est quoi, tout ce cash ?
09:34Je tiens un bar tabac.
09:36Ça doit être un joli bar tabac, alors.
09:37Pas mal.
09:38Le tatoué, là.
09:41Il a eu des démêlés
09:42avec la justice.
09:43Maintenant, il dit
09:44qu'il a un tabac.
09:45Ce connard,
09:46t'as vu comment il est bien ?
09:47T'as vu dans quoi il roule ?
09:48C'est vrai que c'est
09:49une belle voiture.
09:50Même si je travaille
09:50trois ans sans m'arrêter,
09:52je pourrais pas me la payer.
09:53Et lui, il dit
09:53avoir un bar tabac.
09:55Ouais, ouais, un tabac.
09:56C'est ce que je disais
09:57à mon chef.
09:57On s'est gouré de métier.
10:00Ça va, j'ai rien fait de grave.
10:05Dans le tour.
10:07Recule, recule.
10:08Pour ta sécurité, recule.
10:12Pour combattre la baby mafia,
10:15ces contrôles sont essentiels.
10:18Les informations que les phalliques
10:19y récupèrent nourrissent
10:21leur base de données.
10:21Nous, on doit savoir
10:26qui est sur le territoire,
10:27comprendre pourquoi
10:28ils sont sur le territoire
10:29et surtout
10:29qui traîne avec qui.
10:31Mais ce groupe-là,
10:32il pourrait devenir une menace ?
10:33On imagine souvent
10:38les baby boss
10:38comme des gros durs.
10:40Avec des gueules.
10:42Oui, c'est vrai,
10:42on imagine ce genre de cliché.
10:44Non, non, non,
10:44c'est pas tout le temps
10:45comme ça, non,
10:46pas tout le temps comme ça.
10:48Quel âge avait
10:48le plus jeune baby boss
10:49que vous ayez arrêté ?
10:52Ah, le plus jeune
10:53avait moins de 14 ans.
10:55Il avait 13 ans
10:55pour tout te dire.
11:0022 heures.
11:02Les phalliques
11:03sont plus que jamais
11:03sur leur garde.
11:05C'est à cette heure-ci
11:06que la plupart des affrontements
11:07entre jeunes clans
11:08ont lieu.
11:09Des règlements de compte
11:10boostés par une explosion
11:12du marché noir des armes.
11:14En témoigne,
11:16ces écoutes téléphoniques
11:17fournies par la police.
11:18On y entend
11:19des baby boss
11:20sur le point
11:20de passer à l'acte.
11:22Je veux dire
11:23les fiers de russes,
11:24sinon je vais donner
11:25la bombe.
11:26La chine est chingale,
11:27tu vas carrer,
11:28bom, bom, bom, bom.
11:31M'oblée, bombe
11:32et la chine est créature.
11:34Elle m'a terminé
11:35toute la famille.
11:38Anton,
11:39je suis avec lui,
11:40je suis avec lui,
11:41je suis avec lui,
11:42je suis avec lui,
11:42je suis avec lui,
11:43je suis avec lui,
11:43les policiers se dirigent
11:54vers Forcella,
11:55le fief de la baby mafia,
11:58un quartier en plein centre
11:59de Naples.
12:05C'est ici que les Falquis
12:06ont le plus de mal
12:07à s'imposer.
12:09Les contrôles sont plus
12:10tendus,
12:11les jeunes
12:12sont souvent armés.
12:13là,
12:17on est à Forcella.
12:19C'est un quartier
12:20où la criminalité
12:21est en plein boom
12:21et on est en plein centre
12:23de Naples.
12:25Le problème ici,
12:26c'est qu'il y a plein
12:27de groupes de jeunes
12:28qui se tirent la bourre
12:29et parfois,
12:29ça dégénère
12:30en conflit armé.
12:30c'est pour ça que vous faites
12:33tous ces contrôles
12:34pour vérifier s'ils n'ont
12:35pas d'armes ?
12:36Exact,
12:36exact.
12:38Les identités,
12:39vérifiez les identités là.
12:41Tu fais quoi dans la vie toi ?
12:42Je suis pizzaïolo
12:43à San Mateo.
12:44T'es pizzaïolo toi ?
12:45Ouais.
12:48Pizzaïolo donc ?
12:49Ouais,
12:49je m'occupe de la préparation.
12:50Je t'ai jamais vu là-bas.
12:53T'es sûr que tu fais ça ?
12:56Les falquis vont enchaîner
13:01les contrôles d'identité.
13:03Toute la nuit,
13:05aucun temps mort.
13:09Après minuit,
13:11tous les groupes de jeunes
13:11deviennent suspects
13:12et il y en a
13:13tous les coins de rue.
13:17À cette heure-ci,
13:17t'es dehors toi.
13:18Mais qu'est-ce que tu fous là ?
13:21Là,
13:22ce sont de jeunes ados
13:23qui suscitent le doute
13:24en cette heure tardive.
13:28T'as pas de papier,
13:28pas de permis,
13:29rien.
13:30Si je veux,
13:31je peux te mettre
13:32jusqu'à 6200 euros d'amende.
13:38Les falquis
13:39n'hésitent pas
13:40à mettre la pression
13:41aux plus jeunes
13:42afin de les éloigner
13:43de la rue.
13:44Un peu plus loin,
13:49les policiers tombent
13:50sur une figure montante
13:51de la baby mafia.
13:53L'homme
13:53a moins de 30 ans.
13:55Il est entouré
13:56de nouveaux membres,
13:58inconnus des services.
14:00Bon,
14:00pour ce groupe,
14:01tu vas rester là.
14:02Avec eux,
14:03il faut faire une autre approche.
14:04Il faut faire plus attention.
14:06Le balèze là,
14:07c'est un boss.
14:08Les identités
14:11sont contrôlées,
14:12mais les falquis
14:13ne se font pas d'illusions.
14:15Ils sont conscients
14:15que le combat
14:16est presque perdu d'avance.
14:19Il y a toujours
14:20de nouveaux membres.
14:22Ceux qui vont en prison
14:22sont tout de suite remplacés.
14:25Donc,
14:25c'est un travail sans fin.
14:28Ah bah ouais,
14:28c'est du non-stop.
14:29Il y a toujours
14:29de nouveaux élus.
14:35Aujourd'hui,
14:36il existe plus de 100 clans
14:38qui opèrent sur la ville.
14:41C'est trois fois plus
14:42qu'au début des années 2000.
14:47À Naples,
14:49ces jeunes boss pullulent.
14:58Mais c'est à 800 kilomètres d'ici
15:00que ces nouveaux profils sont nés.
15:04À Milan,
15:04capitale économique du pays.
15:10Les fêtes,
15:11la jeunesse dorée,
15:14les banques d'affaires,
15:17la ville
15:17est devenue
15:18le terrain de jeu préféré
15:20d'une autre mafia,
15:21la drangueta,
15:23la tentaculaire mafia calabraise.
15:26Cette organisation
15:27de la cocaïne
15:28consommée en Europe.
15:28saisie de 215 kilos
15:31de cocaïne pur.
15:32Cette mafia
15:33a posé ses valises
15:34à Milan
15:34dans les années 80.
15:38À l'époque,
15:39le parrain s'appelle
15:40Rocco Papalia.
15:42Il est alors
15:43le chef le plus redouté
15:44de la drangueta.
15:46Connu pour sa violence
15:47et ses coups de sang
15:48en soirée,
15:49il n'hésite pas
15:50à tuer
15:50ou séquestrer
15:51ceux qui tentent
15:52de lui faire de l'ombre.
15:53En 1991,
15:57il est condamné
15:57à 26 ans de prison
15:58pour homicide,
16:00trafic de cocaïne
16:01et association
16:02de malfaiteurs
16:03en liaison
16:03avec la mafia.
16:07Libéré en janvier 2017,
16:09le boss
16:09pensait retrouver
16:10son empire.
16:13Prends-moi en photo.
16:14Allez, vas-y.
16:14Je suis photogénique.
16:15Mais regarde-moi ça.
16:16Quelle honte.
16:18Mais ça ne s'est pas passé
16:19comme prévu.
16:21Entre-temps,
16:21il s'est fait
16:22prendre sa place.
16:23Mais vous n'avez
16:25rien à foutre ?
16:26Ça suffit.
16:27Moi, mon casse-pas
16:27les couilles.
16:27Non, c'est vergogne.
16:31Rocco Papalia
16:32ne trafiquera plus jamais
16:33ne serait-ce qu'un gramme
16:34de cocaïne.
16:36Cesare Giuzzi
16:37est un journaliste milanais.
16:39Sa spécialité,
16:41la drangueta.
16:44Le lendemain
16:44de la libération
16:45de Rocco Papalia,
16:47il a planqué
16:47devant sa maison.
16:49Tiens, celui-là,
16:50il est en jogging.
16:51Il s'attendait
16:51à photographier
16:52de vieilles connaissances.
16:54Il a été surpris.
16:58Ce sont tous des jeunes,
16:59des gars assez jeunes.
17:01Ils venaient,
17:01disons,
17:02lui rendre hommage.
17:04Un hommage
17:05qui était plutôt
17:06une mise au placard.
17:08Cet après-midi-là,
17:10ces jeunes
17:10sont venus passer
17:12un message
17:12au vieux boss.
17:14Ce sont des jeunes
17:15qui sont venus lui dire
17:16« Maintenant,
17:17on est autonome ».
17:18Ils font ce qu'ils veulent.
17:19Pourquoi ?
17:20Parce qu'on est face
17:22à une génération
17:22de jeunes
17:23qui pensent être destinés
17:24à devenir boss.
17:26Ce sont des gars
17:27qui se sont imposés.
17:30Mise en retraite forcée,
17:32c'est dans cette vie-là
17:33que le parrain déchu
17:34finit ses jours.
17:35Celle qui nous y mène
17:41s'appelle Rosa Pallone.
17:44Elle est conseillère municipale
17:45en charge des opérations
17:47anti-mafia.
17:50La maison que nous allons voir
17:51est très particulière.
17:54C'est là que Viroco Papalia
17:56est un parrain
17:56de la Drangheta.
17:58Malheureusement,
17:59dans notre ville,
17:59il y a beaucoup
18:00de familles du milieu
18:01et elles sont toutes
18:02originaires de Calabre.
18:05Ce matin,
18:07elle a accepté
18:07de nous montrer
18:08la petite maison
18:09du vieux parrain,
18:10là où il finit ses jours.
18:13À une condition
18:13ne pas trop traîner.
18:17Mais surprise,
18:19le parrain rentre des courses.
18:22Ah, il arrive.
18:24Bon, qu'est-ce qu'on fait ?
18:27Je vous propose
18:27d'aller à la mairie
18:28pour la suite de l'interview.
18:29Ça peut devenir dangereux.
18:31Je t'expliquerai après.
18:33On peut le rencontrer ?
18:34Sûrement pas.
18:36En plus,
18:36on est sans les policiers,
18:38on aurait dû prévenir.
18:39Tu comprends, j'espère.
18:41Il a déjà eu
18:41des réactions violentes
18:42par le passé, donc...
18:44Nous décidons
18:46tout de même
18:47de l'aborder.
18:49Nous savons
18:49que plusieurs jeunes
18:50sont venus vous voir
18:51à votre libération.
18:52Il me dégoûte.
18:55Ce que j'ai retrouvé
18:56à ma sortie,
18:56c'est dégueulasse.
18:57Il n'y a plus de respect
18:59pour personne.
19:00Ces jeunes,
19:00ils pensent qu'à acheter
19:01des chaussures Gucci
19:02et ils sont là,
19:03avec leurs t-shirts.
19:05Il n'y a plus rien
19:06de sérieux.
19:08Quand je suis sorti,
19:10tout avait changé.
19:10Tout.
19:11Je n'ai rien retrouvé
19:12de ce que j'avais laissé.
19:14Écoute,
19:14j'ai fauté,
19:15j'ai payé.
19:16Maintenant,
19:17je veux vivre tranquille
19:17avec ma famille.
19:18Si le vieux parrain
19:29est aussi amer,
19:31c'est que sa place
19:31au sommet,
19:33il se la serait fait
19:34prendre par un proche.
19:38Son neveu.
19:38Domenico Agresta.
19:44Selon la police
19:45et le parquet
19:45anti-mafia de Turin,
19:47il serait le nouveau parrain
19:48de la drangheta.
19:53Discothèque,
19:54salle de musculation
19:55et machine à sous,
19:56c'est lui l'héritier du clan.
19:59Un parrain.
20:03Un présumé parrain
20:05à mille lieues
20:06des clichés.
20:07A la différence
20:08des anciens mafieux,
20:09il la joue normale,
20:11présentable.
20:14Il ne se cache pas.
20:16Sur son profil Facebook,
20:18consultable par tous,
20:20il s'affiche
20:20comme un jeune homme
20:21sympa et souriant.
20:24Des dizaines de photos
20:25et de vidéos
20:25où l'on voit
20:26un genre idéal,
20:28un ami
20:28sur lequel on peut compter.
20:37Ces dernières années,
20:38ils sont devenus,
20:38mine de rien,
20:39plus malins.
20:41Ils essaient
20:41de se fondre
20:42dans la population.
20:43Ils se camouflent.
20:46Certains ont même
20:46des boulots
20:47comme ouvriers
20:48ou employés
20:48de petites entreprises
20:49de construction.
20:51Ils la jouent tous
20:52profil bas
20:52parce que la majorité
20:54d'entre eux
20:54sont dans le trafic
20:55de cocaïne.
20:55Dominico Agresta,
20:59lui,
21:00est officiellement
21:01gérant d'une salle
21:02de fitness.
21:03En planque devant
21:04sa salle de gym,
21:06nous tombons
21:06nez à nez avec lui.
21:10Bonjour,
21:11vous êtes Dominico ?
21:12Bonjour,
21:13je m'appelle Raphaël,
21:13je suis un journaliste français.
21:15Ça va ?
21:15On peut parler un peu ?
21:17Bien sûr.
21:19À ce qui paraît,
21:19vous êtes le nouveau boss.
21:21Ah, carrément.
21:23Allez, venez,
21:23on va en parler
21:24à l'intérieur.
21:25Nous le suivons
21:26au moyennement rassuré.
21:28Au moment de cette rencontre,
21:30Dominico Agresta,
21:31à 26 ans,
21:32est en liberté conditionnelle.
21:34Il vient d'être condamné
21:35une deuxième fois
21:36pour des faits
21:37qui le relieraient
21:37à la mafia.
21:40Bon, bah maintenant,
21:41tu vas m'expliquer
21:42pourquoi t'es là, toi.
21:43Lui, là-bas,
21:44c'est mon ami.
21:45Tout au long
21:45de cet entretien,
21:47il va contester son rôle
21:48à la tête de la drangueta.
21:51Je te le dis,
21:52je viens d'une famille
21:53qui est ce qu'elle est
21:54et je cracherai jamais dessus.
21:55C'est vrai que ce nom
21:56est chargé d'histoire,
21:57mais ce n'est pas la mienne.
21:59Excuse-moi,
22:00je ne veux pas te mettre
22:00dans une position inconfortable,
22:02mais tu as déjà été condamné,
22:03non ?
22:04Oui, j'avais 19 ans.
22:06D'accord, ok.
22:07Mais que je comprenne bien,
22:09pourquoi tu as été condamné ?
22:10Mais pour la drangueta.
22:13Tu sais, ce truc-là,
22:14disons la mafia.
22:17Et combien de temps
22:18de prison tu as fait ?
22:20Heureusement,
22:20j'ai pris que deux ans.
22:21En théorie,
22:22j'aurais dû en faire 15 ans.
22:26Tu sais,
22:27j'ai ma vie maintenant.
22:29Je fais du sport,
22:31je mets des jogging,
22:32j'aime transpirer.
22:34Bon, j'ai une dernière question.
22:35Est-ce que tu as encore
22:36des liens avec la drangueta ?
22:38Non, je ne suis pas un délinquant.
22:40Tu sais quoi ?
22:41On me charge
22:42parce que j'ai été un détenu.
22:46Celui qui serait
22:47le nouveau parrain
22:48l'ajout profil bas.
22:49Il aurait compris
22:50les erreurs des anciens.
22:52Aujourd'hui,
22:53c'est le business avant tout.
22:59Maintenant,
22:59ils font très attention.
23:03Dans les années 90,
23:04à Milan,
23:05ils se tiraient dessus
23:05pour l'équivalent
23:06de 100 euros de cocaïne.
23:08Aujourd'hui,
23:09certaines enquêtes
23:09ont dévoilé des cas
23:10où ce sont 200 000 euros
23:12de cocaïne
23:12qui n'ont pas été payés.
23:14Eh bien,
23:15les fautifs ont été pardonnés
23:16car l'idée,
23:17c'est d'éviter les meurtres.
23:19La phrase clé
23:19de ces familles mafieuses
23:20installées à Milan,
23:21c'est « mettez-vous d'accord ».
23:23Quand on trouve un accord,
23:24personne n'est blessé.
23:25Il n'y a pas de tir,
23:27pas de règlement de compte.
23:28Et par-dessus tout,
23:29il y a à manger
23:30pour tout le monde
23:31et ça,
23:31c'est fondamental
23:32vu la taille incroyable
23:33du marché de la cocaïne.
23:39La nouvelle drangheta,
23:42une organisation criminelle
23:43qui évite
23:44de faire couler le sang
23:45afin de prospérer
23:46dans l'ombre.
23:47A Naples,
23:50c'est tout le contraire.
23:54Pas tout.
23:56Un nouveau phénomène.
23:57On appelle cela
23:58les stésés
23:59pour « descente »
24:00en italien.
24:03Innocente.
24:08Ils sont arrivés d'en bas,
24:11ils remontaient la rue.
24:13Et là,
24:13ils ont commencé à tirer.
24:14Malheureusement,
24:17mon fils,
24:18Jenny,
24:18il n'y a pas échappé.
24:21C'était le 6 septembre 2015.
24:24Jenny,
24:2415 ans,
24:24rentre du sport.
24:26Il s'arrête
24:26pour saluer des amis.
24:28Il reçoit
24:29une balle
24:29en pleine tête.
24:34Ils étaient 8.
24:368 sur 4 motos.
24:37Ils ont tiré
24:3836 ou 37 coups de feu.
24:40Tous ces coups de feu
24:41sur la place ?
24:42Toutes sur cette place
24:43et avec des tirs
24:44à hauteur d'homme.
24:47Jenny est devenu
24:48un symbole.
24:53Sur cette place
24:54où il a perdu la vie,
24:55une statue à son effigie
24:56lui rend désormais hommage.
24:58Moi,
25:03je les appelle
25:04des chacals.
25:06Ce sont des barbares
25:06assoiffés de violence.
25:10Le juge
25:10qui a essayé
25:11de comprendre
25:11l'origine de cet acte
25:12les a qualifiés
25:13d'anges de la mort.
25:15cette violence aveugle
25:23est dans l'ADN
25:25de la baby mafia.
25:35Après plusieurs semaines
25:36de négociations,
25:38nous avons pu obtenir
25:39un rendez-vous
25:39avec l'un de ses jeunes parrains.
25:45On pourrait se voir
25:46pour en parler, non ?
25:48Recherché par la police
25:49et traqué par un clan rival,
25:52le baby boss
25:53que nous devons rencontrer
25:54vit caché.
25:57Plusieurs conditions
25:58pour être reçus par lui,
26:00pas de micro
26:01ni de caméra.
26:02Nous nous équipons
26:03tout de même
26:04d'une caméra discrète.
26:05La rencontre a lieu
26:07à Forchella,
26:08le fief de la baby mafia.
26:15Il nous reçoit
26:16dans ce qu'il appelle
26:18le bunker.
26:21Entrez.
26:22Ici, c'est un appart
26:23où on fait nos trucs à nous.
26:26Un appartement
26:27sans mobilier,
26:28juste cet énorme écran.
26:31Bon alors,
26:31qu'est-ce que tu veux savoir ?
26:32Je peux tout te dire.
26:35À 30 ans,
26:39ce jeune boss
26:39a déjà passé
26:40la moitié de sa vie
26:41en prison pour extorsion,
26:42mais aussi pour son implication
26:44dans la caméra.
26:46Est-ce que tu peux nous expliquer
26:47le principe des stésés ?
26:50Les stésés,
26:51tu veux que je t'explique ?
26:53Bah, pas plus tard
26:54que ce matin,
26:55enfin cette nuit
26:56à 3 heures,
26:57j'ai envoyé une équipe
26:58dans deux quartiers
26:59pour faire deux stésés.
27:01Il y en a une,
27:02c'était sous la maison
27:02d'un vieux parrain.
27:03C'est un boss
27:04qui est contre nous.
27:05Lui, maintenant,
27:06il descendra plus jamais
27:07tout seul.
27:09Un baby boss
27:10qui ordonne des descentes
27:11et qui aime toujours
27:12aller sur le terrain.
27:15Moi, tu sais pourquoi
27:16je suis ici ?
27:17J'ai tiré sur un flic.
27:20Pourquoi ?
27:21Parce qu'ils sont descendus
27:22en opération chez nous
27:23et ils ont essayé
27:24de nous arrêter.
27:25Et donc...
27:26Moi, je suis un amoureux
27:31des armes.
27:32Amoureux.
27:33Depuis que je suis gamin,
27:34je m'entraîne
27:35depuis tout petit.
27:36On montait sur les toits
27:37et on tirait sur les paraboles.
27:40Mais gars,
27:40à moi,
27:41pour s'entraîner,
27:41ils tiraient sur des noirs.
27:43Mais pourquoi ?
27:44Bah, il fallait bien
27:45essayer les flingues.
27:47Des propos racistes
27:48et révoltants,
27:49mais très fréquents
27:50au sein de la baby mafia.
27:51Ferme la fenêtre,
27:53ferme la fenêtre.
27:56L'homme est tendu.
27:58Une nouvelle guerre de clan
27:59vient d'éclater.
28:03Tu sais,
28:03entre nous,
28:04on est des ordures.
28:06Des gars sont déjà venus
28:07ici en bas pour tirer.
28:09Il y a un mois.
28:10Ils ont tiré
28:10plus de 40 balles.
28:12C'était deux flingues.
28:13C'était ici, là,
28:14sous l'immeuble.
28:16C'est comme ça.
28:18Moi, je suis sur
28:18le sentier de la guerre.
28:20Et ici,
28:20c'est la guerre.
28:21Un jour tu vis,
28:22un jour tu meurs.
28:23Mais comment ça va finir
28:24tout ça ?
28:25Impossible de savoir.
28:28Pour le moment,
28:29nous, on est là,
28:30dans notre quartier.
28:31Et eux,
28:31ils ont leur quartier.
28:33Nous, on tient nos ruelles.
28:35Et eux,
28:35ils tiennent leur ruelle.
28:37Et si on se rencontre ?
28:39Ici, c'est Bagdad.
28:41Ici, c'est la loi du plus fort.
28:48Les gars,
28:49ouvrez bien l'œil.
28:50C'est une ville dangereuse,
28:51c'est une ville dangereuse,
28:51ici.
28:57Des règlements de comptes
28:58à profusion,
28:59des alliances qui volent en éclats
29:01pour finir en guerre de clans.
29:03Cette flambée de violence
29:04au sein de la mafia
29:05a une explication.
29:08La drogue.
29:08Il y a un problème ?
29:16Non, il ne veut pas que tu filmes, là.
29:19Il ne veut pas qu'on filme
29:20l'entrée de sa maison.
29:22Ah, OK.
29:26Ces journalistes d'investigation napolitains
29:28sont les plus pointus
29:29sur le phénomène de la baby mafia.
29:31Ce jour-là,
29:32ils rencontrent l'un des tout premiers
29:34baby boss de la Camorra,
29:35Luigi Giuliano.
29:38Dans sa jeunesse,
29:39il était craint comme la peste
29:41dans les rues de Naples.
29:43Comme les baby boss actuels,
29:45des tatouages le recouvrent
29:46de la tête aux pieds.
29:47Tous ont une symbolique,
29:49sur son avant-bras,
29:50son frère aîné
29:50mort d'une overdose.
29:51Luigi Giuliano
29:54aurait pu devenir
29:56il capo dei capi,
29:58c'est-à-dire
29:58le chef des chefs,
30:00mais seulement voilà,
30:02il était accro à la cocaïne.
30:04Je menaçais tout le monde.
30:09La première fois
30:10où je me suis fait arrêter,
30:12j'étais sur l'île d'Ischia.
30:16Le propriétaire d'une discothèque
30:18m'avait refusé l'entrée.
30:19Et moi,
30:21j'étais arrogant
30:22parce que j'étais perché.
30:26Eh bien,
30:27j'ai mis le feu
30:27à son établissement.
30:29Puis par la suite,
30:31je suis allé en prison
30:31pour extorsion.
30:33Pour lui,
30:34si cette baby mafia
30:35est si violente,
30:36c'est évidemment dû
30:37à une consommation
30:38excessive de drogue.
30:41Je le sais bien,
30:43parce que j'étais
30:44un toxico de cocaïne.
30:45Je me défonçais.
30:46La semaine,
30:47j'allais à l'école
30:48et puis le week-end,
30:49je me défonçais.
30:50Tu sais,
30:51quand tu te drogues
30:51tous les soirs
30:52pendant 10 ans,
30:53tu perds complètement la tête
30:54et puis tu vis
30:56dans une illusion.
30:57Mais ce qu'il ne faut pas oublier,
30:59c'est que quand tu tues quelqu'un,
31:01tu creuses deux tombes.
31:02Une pour celui que t'as tué
31:03et une autre pour toi-même.
31:06Au final,
31:06t'as creusé deux tombes.
31:07A son époque,
31:10la prise de cocaïne
31:11chez les mafieux
31:11était une exception.
31:14Aujourd'hui,
31:15c'est une généralité.
31:19Ce sont des gamins
31:20qui ont complètement vrillé.
31:22Ils sont plus normaux
31:23dans leur tête.
31:25C'est des gamins
31:26qui n'arrivent même pas
31:26à savoir pourquoi
31:27ils font ce qu'ils font.
31:31Ils sont devenus
31:32si extrêmes,
31:34si cruels.
31:38En fait,
31:39ils veulent tout,
31:39tout de suite.
31:46A plus de 40 ans,
31:48Luigi Giuliano
31:49est un miraculé.
31:51Très peu de babyboss
31:52passent à travers
31:53les mailles du filet.
31:56Aujourd'hui,
31:57les chefs de clan
31:57ont une espérance de vie
31:58bien plus courte.
32:02Ces jeunes,
32:03ils grandissent
32:04avec le mythe
32:05des vieux clans,
32:05mais en fait,
32:06ils ne sont pas
32:06aussi structurés qu'avant.
32:08La conséquence,
32:09c'est que ces gars
32:09ont juste deux ans
32:10de vie devant eux.
32:12Soit ils sont arrêtés,
32:13soit ils se font tuer.
32:16Un cancer
32:17dont les métastases
32:19s'éparpillent
32:20un peu partout
32:20dans la ville.
32:25Rue par rue,
32:27quartier par quartier,
32:29tous les jours,
32:30de nouveaux membres
32:30viennent grossir
32:31les rangs de la Camorra.
32:35C'est Mariano ?
32:37Ah non, c'est Marco.
32:44Celui-là doit sortir.
32:45Pour savoir
32:49qui est qui
32:49et qui fait quoi,
32:51ces journalistes
32:52de la Voce d'Ina Apoli
32:53ont mis en place
32:54un dispositif inédit.
32:56Une carte interactive
32:57qui répertorie
32:59les méfaits
32:59de la baby mafia
33:00géographiquement
33:01et au jour le jour.
33:03« Bon, pour récapituler,
33:06vous avez bien mis à jour
33:09la cartographie
33:09de la Camorra,
33:10c'est bien ça ? »
33:11« Oui. »
33:13Des informations
33:14de proximité
33:15bien utiles
33:16pour les habitants
33:16de la ville.
33:20« Nous, dès le départ,
33:22on a voulu montrer
33:22aux gens
33:23quels sont les clans
33:23qui opèrent
33:24là où ils habitent.
33:25Et l'idée,
33:27c'est aussi
33:27d'inciter les citoyens
33:28à collaborer,
33:29à donner un coup de main. »
33:32Et ça fonctionne.
33:33Les Napolitains
33:34renseignent
33:35et se renseignent.
33:37Dans cette ville,
33:38presque tous les habitants
33:39ont déjà consulté
33:40cette carte.
33:43« Cette carte,
33:44elle fonctionne bien.
33:46On a déjà
33:46900 000 vues.
33:48Elle est bien utile,
33:48cette carte. »
33:51Ces journalistes
33:52ont constaté
33:53une autre nouveauté.
33:55avec la Baby Mafia,
33:58fini la discrétion,
34:00place à l'exhibition.
34:09Facebook et Instagram
34:11ont un rôle fondamental.
34:14C'est sur ces réseaux sociaux
34:15qu'ils exhibent
34:16leur ascension criminelle,
34:17leur toute puissance.
34:19Par exemple,
34:20quand ils vont en discothèque,
34:21ils prennent une table
34:23et commandent
34:24plein de bouteilles.
34:25« Eh bien,
34:27ils le filment
34:27et le publient.
34:29Mais ça,
34:30les membres du clan rival,
34:31ils le voient
34:32et ils veulent en faire plus. »
34:36« 45, oui !
34:3745 bouteilles de Dom Pérignon !
34:40Ils vont faire péter tout ça ! »
34:42Dans plusieurs enquêtes de police,
34:44il a été démontré
34:45que ces échanges de vidéos
34:46peuvent aller jusqu'à provoquer
34:47des fusillades.
34:48sans parler du fait
34:54que cette « baby criminalité »
34:55comme on l'appelle,
34:57est exaltée,
34:58complètement exaltée
34:59par les films
35:00qu'elle regarde.
35:02En tête,
35:04une série sur la mafia napolitaine
35:06qui cartonne en Italie
35:07depuis trois saisons.
35:10Son titre,
35:11Gomorra,
35:12qui crée aussi la polémique
35:14car elle susciterait
35:15de nombreuses vocations.
35:16Comme dans cette vidéo amateur
35:18où un jeune gamin
35:19à peine âgé de 8 ans
35:20reprend une réplique culte
35:21de Gomorra.
35:22« Anap, comme on dit,
35:24si tu me regardes mal,
35:25je te tire dans la bouche ! »
35:27Pour le producteur de la série,
35:30c'est la réalité
35:30qui dépasse la fiction,
35:32pas le contraire.
35:36Gaetano Di Vahio
35:37nous reçoit
35:38dans les bureaux
35:38de sa société.
35:40« Gomorra »
35:41est une série primée,
35:43mais que répondez-vous
35:44quand on dit
35:45que Gomorra
35:46suscite des vocations ?
35:49« Je pense que ça peut arriver,
35:52mais tu sais,
35:53Gomorra s'inspire
35:54de la réalité.
35:55La réalité
35:56est bien supérieure
35:57à Gomorra.
35:59Les jeunes de Naples
35:59n'ont pas besoin
36:00de Gomorra
36:01pour s'inspirer,
36:02c'est le contraire.
36:03Ce sont eux,
36:04ces jeunes,
36:04qui apprennent à Gomorra
36:06comment on fait Gomorra. »
36:08Pour lui,
36:09cette série a surtout
36:10un objectif politique,
36:12susciter le débat.
36:14« À Naples,
36:15ils ne voulaient pas
36:16de la série Gomorra.
36:17Ils étaient tous contre.
36:19Les associations,
36:20l'église,
36:21la commune,
36:21tout le monde
36:22en avait peur.
36:23Pour eux,
36:24c'était le mal absolu.
36:26Moi, personnellement,
36:27je me suis battu
36:28pour que Gomorra
36:28se fasse à Naples.
36:30Et pourquoi j'ai pensé
36:31que c'était juste
36:31de le faire ?
36:32Et d'une certaine manière,
36:33j'ai envie
36:34que mon pays
36:34ait un peu honte.
36:35un phénomène
36:42qui fait
36:43les belles heures
36:44du cinéma italien
36:45et d'une profession
36:46qui a su elle
36:48aussi en tirer parti.
36:53Naples et sa région
36:55comptent près
36:56de 35 000 avocats.
36:59Ici,
37:00c'est le territoire
37:01numéro un
37:01pour les pénalistes.
37:02Celui qui est
37:06le plus plébiscité
37:07par la Camorra,
37:09maître Dario Vanetiello.
37:11Je crois que
37:12si j'y arrive,
37:13je serai
37:14à l'audience
37:14autour de 10 heures.
37:17Un avocat star
37:18qui vit
37:19dans une belle villa
37:20loin des quartiers
37:22chauds
37:22où habitent ses clients.
37:25Voilà,
37:25c'est ici
37:26que je joue au billard
37:27pendant mes moments
37:27de détente.
37:30La défense
37:31des baby-boss
37:31est un marché
37:33en plein essor.
37:35Vous savez,
37:35ce sont des clients
37:36très particuliers.
37:38Il faut toujours
37:39essayer de gérer
37:40la situation
37:40du mieux qu'on peut.
37:41C'est pas simple.
37:43Et pour durer
37:44quand on est l'avocat
37:44du milieu,
37:46il y a quelques règles
37:46à suivre.
37:47La première règle
37:50est de leur montrer
37:54qu'on n'a pas peur.
37:56La deuxième règle
37:59est de ne jamais
38:02leur faire
38:02totalement confiance.
38:05Et la troisième règle,
38:09qui pourrait aussi
38:11être la première,
38:11c'est de bien
38:14faire son travail.
38:17Ce matin,
38:18il se prépare
38:19pour une audience
38:20très importante.
38:25Voilà,
38:26je suis bien,
38:27j'ai tout.
38:29Ce ténor du barreau
38:30va nous ouvrir
38:31toutes les portes
38:32jusqu'à celles
38:33des prétoires
38:34du tribunal de Naples.
38:35Je vais passer
38:42en mode sport.
38:49La défense
38:50des jeunes parrains
38:50occupe désormais
38:51la majorité
38:52de son temps.
38:57Je dois courir
38:58tout le temps.
39:00Je vais
39:01d'un procès
39:01à l'autre.
39:02de temps en temps,
39:06je reçois
39:06des amendes
39:07pour excès
39:07de vitesse.
39:09C'est pas grave,
39:10je mets ça
39:10sur le compte
39:11du client.
39:17Et le client
39:18du jour
39:18serait un baby boss
39:20de premier plan.
39:25Après,
39:25je vais t'expliquer
39:26comment je vais
39:27organiser ta défense.
39:29Ok maître,
39:30moi je vous fais
39:31confiance,
39:31c'est bon.
39:32Déjà condamné
39:33à 16 ans
39:34pour homicide,
39:35il risque le double
39:36si le parquet
39:37arrive à prouver
39:37son implication
39:38dans la Camorra.
39:41C'est une audience
39:41cruciale
39:42pour les deux hommes.
39:45Face à eux,
39:46la procureure
39:47et elle compte
39:48bien le faire tomber.
39:51Pour le confondre,
39:52elle a fait venir
39:53à la barre
39:53l'un des policiers
39:54qui a participé
39:55à l'enquête.
39:58On a une première
39:59vente de drogue
40:00à 21h35.
40:01C'est une place
40:03de deal
40:04où il se vendait
40:05une substance
40:05de type cocaïne.
40:08Dans le PV
40:09lu par ce policier,
40:11la retranscription
40:12de plusieurs vidéos
40:13filmées par les caméras
40:14de la police.
40:15Le jeune homme
40:16y apparaîtrait.
40:17Et dis-moi,
40:21ces caméras,
40:23dis-moi si je dois
40:23m'en inquiéter, là.
40:26Lesquelles ?
40:26Celles qui m'ont filmé
40:27quand j'étais mineur ?
40:28C'était quand ?
40:30En 2014.
40:32En 2014 ?
40:34Ouais, c'est possible.
40:35Donc,
40:36ils ont quelques vidéos.
40:37À ce moment-là,
40:37j'étais souvent dans la rue.
40:38Bon,
40:39on va devoir trouver
40:40une manière
40:40de faire objection.
40:43La procureure,
40:44elle veut utiliser
40:45toutes les infos
40:46récoltées par les carabiniers.
40:48Eh bien,
40:49moi,
40:49je dis non.
40:50OK, maître,
40:51je vous suis.
40:52On va s'opposer.
40:53On est bien, OK ?
40:54Tout semble accabler
40:56l'accusé.
40:57Mais comme souvent,
40:59l'avocat va utiliser
41:00l'une de ses techniques préférées.
41:02Soulever un vice de procédure.
41:05Et coup de chance,
41:06il en a un,
41:07juste sous les yeux.
41:11Non, non, non,
41:11il ne faut pas se gêner.
41:13Avant de répondre,
41:14il n'a pas le droit
41:15de consulter le PV.
41:16Il doit dire
41:17je ne me rappelle pas
41:18et après,
41:18il peut consulter.
41:20Selon le code
41:21de procédure italien,
41:22le policier doit répondre
41:23spontanément.
41:25Il n'a pas le droit
41:26de lire le procès verbal.
41:29Président,
41:30excusez-moi,
41:31mais je suis contraint
41:31d'intervenir.
41:34Cette personne
41:35qui est témoin
41:35n'a pas le droit
41:36de lire la déposition
41:37qui est devant lui.
41:41Président,
41:42la défense est dans
41:42l'obligation
41:43de déposer une objection
41:44en bonne et due forme.
41:47Le président
41:48va accepter
41:49la requête
41:49de maître Vanetiello.
41:52La procureure,
41:53elle,
41:53est battue.
41:56Maître,
41:56je ne vous autorise pas
41:58à remettre en cause
41:58les témoins choisis
41:59par le parquet.
42:00C'est un procédé
42:01qui fait consensus.
42:02On le fait tout le temps.
42:04C'est une insulte
42:04que vous portez au parquet
42:05mais aussi au tribunal.
42:10La déposition du policier
42:11est invalidée.
42:12L'audience est renvoyée.
42:15Très bien.
42:16Merci.
42:17Merci,
42:17monsieur le président.
42:19L'avocat a gagné
42:19une belle manche.
42:21Son client
42:21salue les siens.
42:23Plein de bonnes choses.
42:27Je vous embrasse tous.
42:30En sortie d'audience,
42:33maître Vanetiello
42:34a le sourire.
42:35Alors maître,
42:39quel bilan ?
42:40Je suis satisfait.
42:43C'était une audience intéressante.
42:45Disons que si je devais faire
42:47un parallèle avec la boxe,
42:49ce round a été gagné
42:52par la défense des accusés.
42:55C'est un coup porté
42:57à l'argumentation
42:57de la procureure.
42:58pour ceux qui ne peuvent pas
43:07se payer
43:08les services
43:08de cet avocat,
43:11le voyage
43:11s'arrête
43:12ici,
43:14sur cette île,
43:16dans la baie de Naples.
43:17Nisida,
43:20l'un des plus vieux
43:21centres pénitentiaires
43:22d'Italie.
43:23Transformé en prison
43:24pour les mineurs
43:25les plus difficiles.
43:28Homicide,
43:29braquage,
43:30trafic de drogue,
43:32extorsion,
43:33la prison de Nisida
43:34est un concentré
43:35du pire
43:36de la baby mafia.
43:38Une soixantaine
43:39de détenus,
43:40âgés de 15 à 25 ans
43:41et sont accueillis.
43:48Ornella
43:48est une éducatrice
43:50qui croit dur
43:50comme fer
43:51à la seconde chance,
43:53à la rédemption.
43:57Donc là,
43:58nous sommes à l'intérieur
43:59du centre.
44:01Ici,
44:02c'est un bâtiment
44:03pour les plus jeunes.
44:05L'objectif
44:06de cet établissement,
44:07réintégrer
44:08ces jeunes criminels
44:09dans la société
44:09avec une méthode
44:11plutôt permettant
44:11commissive.
44:13Dans cette prison,
44:14les détenus
44:15sont toute la journée
44:15hors de leur cellule.
44:17Ils peuvent déambuler
44:18comme ils le souhaitent.
44:21Tout à quoi ?
44:22Tout va bien ?
44:23Allez, allez,
44:24on y va !
44:25On y va, je te dis !
44:27Non, surtout,
44:28ne filmez pas.
44:29Bon, ok.
44:31Allez, on y va.
44:32C'est une télévision française.
44:34Eh madame,
44:34il est trop beau
44:35votre parapluie.
44:36Allez les gars,
44:37on y va là.
44:38Madame,
44:38je peux leur faire un bisou ?
44:40Non, non, non, non.
44:41Nono, filme-nous.
44:42Nono, on est des frères.
44:43Filme.
44:45Les filmez pas.
44:46Chut, tais-toi, tais-toi, tais-toi.
44:47On y va là.
44:50Ces détenus surexcités,
44:52ce n'était pas prévu
44:53dans la visite.
44:55Maintenant,
44:55je vais vous montrer
44:56notre pâtisserie.
44:58Malgré cela,
44:59Ronella va tenter
45:00coûte que coûte
45:01de nous démontrer
45:01les bienfaits
45:02de la réinsertion
45:03à l'italienne.
45:04Bonjour tout le monde.
45:07Tout va bien ?
45:08Tout va bien.
45:09Chiro, ça va toi ?
45:10Très bien madame.
45:11Comment il se comporte ?
45:14Toujours très bien.
45:15Super.
45:16C'est un formidable élément.
45:18Après la pâtisserie,
45:20la réinsertion
45:20par le sport.
45:21Allez, Luciano.
45:30On ne le tient pas aujourd'hui.
45:33Ne me regarde pas
45:34comme ça, toi.
45:36Qu'avez-vous à répondre
45:37à une opinion publique
45:38qui dirait
45:39« Et si,
45:40vous êtes trop permissif ? »
45:43Disons qu'en Italie,
45:45et particulièrement
45:46avec la prison pour mineurs,
45:48les programmes
45:49doivent être rééducatifs.
45:50Moi, je ne crois pas
45:52qu'on soit trop permissif.
45:54Nous, on essaie
45:55de rééduquer
45:55et dans certains cas
45:57seulement de les éduquer.
45:59Là, ce que je vois,
46:00c'est des gamins.
46:05Des enfants
46:06qui, pour la plupart,
46:08ont commis des crimes de sang.
46:16La violence,
46:18ils l'ont dans la peau.
46:20Ça, c'est le bien.
46:27Ça, c'est le mal.
46:28Vas-y, filme ça.
46:29Allez, gros, montre.
46:33C'est une calache.
46:35Le AK-47.
46:38Il a une calache
46:40et même une grenade.
46:41Une grenade ?
46:43Oui, regarde,
46:44une grenade sur le bide.
46:45Mais pourquoi ces tatouages ?
46:47Parce que j'aime bien.
46:49Lui, c'est Daesh.
46:50Un combattant de Daesh.
46:54Une admiration
46:55pour la barbarie
46:56et un discours
46:57qui glace le sang.
46:58La plupart de ces baby-boss
47:03sont illettrés
47:05ou analphabètes.
47:07Ici,
47:09des professeurs
47:09tentent péniblement
47:10de leur inculquer les bases.
47:11Quelle est la capitale
47:14de la France ?
47:16Bruxelles ?
47:18Non, regarde bien la carte.
47:21Où est la France ?
47:22Ah, la France.
47:24Non, ça, c'est l'Afrique.
47:26Et là, c'est l'Amérique.
47:28Non, tu dois regarder
47:29sur l'Europe.
47:29Tu la vois, toi ?
47:33Ah oui, c'est là.
47:36C'est vraiment...
47:37Je ne sais pas.
47:38C'est trop difficile.
47:42Au niveau de l'instruction,
47:43comment vous pourriez
47:44qualifier le niveau ici ?
47:47Très bas.
47:47Très bas.
47:49Quasi inexistant.
47:51Quand je dis
47:52un niveau bas,
47:53cela signifie
47:53qu'ils ne comprennent
47:54qu'à peine notre langue.
47:56Ils ne savent pas
47:57ce qu'est le nord,
47:58le sud, l'est, l'ouest.
47:59Ils n'ont même pas
48:02la faculté
48:03de s'orienter dans l'espace.
48:07L'école, moi,
48:08je n'y suis jamais allé.
48:09Je me suis arrêté
48:10en CM2.
48:11Et puis, plus rien.
48:12Comment tu vois ta vie
48:14quand tu sortirais d'ici ?
48:17Je reviendrai toujours ici.
48:20Je reviendrai toujours ici.
48:22Je serai pire,
48:23j'en suis sûr.
48:24Madame,
48:25qu'est-ce que vous croyez ?
48:26J'ai deux fils.
48:27Un, je le connais à peine.
48:33L'autre, il était dans le ventre
48:34quand ils m'ont arrêté.
48:38À votre avis,
48:39qu'est-ce que je vais faire ?
48:41Je recommencerai.
48:42Alors moi,
48:43je vous pose la question,
48:44qu'est-ce que je peux faire ?
48:46Tu ne peux pas dire ça.
48:47À Naples,
48:52la réassertion des membres
48:54de la Baby Mafia,
48:55c'est loin d'être gagné.
49:03Ces deux détenus
49:04travaillent à l'écart.
49:07Ils sont à l'isolement
49:08pour mauvais comportement.
49:10L'un à 16 ans,
49:11l'autre à peine plus.
49:12Toi,
49:14quels sont tes plans
49:15quand tu vas sortir ?
49:17Quand je vais sortir ?
49:21Ce qui est sûr,
49:22c'est que je n'irai pas bosser.
49:25Quand tu prends ce chemin,
49:27tu t'habitues vite
49:27à l'argent facile.
49:30Tu prenais combien par jour ?
49:32700 euros.
49:33Combien ?
49:33700.
49:34Et les vieux mafieux,
49:36ils ont leur mot à dire ?
49:37Non, non, mais non.
49:40Pourquoi ?
49:41Parce qu'on les shoot.
49:42Boum, on les shoot.
49:46On n'a plus de cerveau.
49:49C'est comme ça.
49:55Comme je te disais,
49:57si un vieux s'amène
49:57alors que tu fais mes affaires
49:58et qu'il me parle,
50:00je ne le calcule même pas.
50:02S'il m'en empêche,
50:04je le bute.
50:07Voilà, ça marche comme ça à Naples.
50:12Ici, les chiffres sont sans appel.
50:19Le taux de récidive
50:20des détenus mineurs
50:21est de plus de 80%.
50:23L'Italie est pour le moment
50:27à court de solution
50:28face à ce phénomène
50:29de la baby mafia.
50:30Sous-titrage Société Radio-Canada
51:00et la même chose
51:01qui est de plus de 10 minutes.
51:01Sous-titrage Société Radio-Canada
51:02et la même chose
51:03qui est de plus de 10 minutes.
51:03Sous-titrage Société Radio-Canada
51:04et la même chose