Entre 1962 et 2007, Francis Evrard, a été condamné à huit reprises, pratiquement à chaque fois pour agressions sexuelles ou attouchement sur mineur de moins de 15 ans. Après chacune de ses sorties de prison, il ne s’est jamais écoulé plus de quatre mois avant qu’il n’agresse à nouveau un jeune garçon. Le 15 août 2007, il enlève le petit Enis, à Roubaix. Cette affaire a montré l'efficacité du dispositif «alerte-enlèvement», mais surtout déclenché une polémique nationale et finalement inspiré la loi de 2008 instituant la rétention de sûreté pour les criminels à risque élevé de récidive.
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00:00:002. Dévissez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille à choc pour roue N°21.
00:00:10Utilisez une clé à cliquet.
00:00:123. Dévissez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille à choc pour roue N°21.
00:00:20Utilisez une clé à cliquet.
00:00:224. Retirez la roue.
00:00:245. Dévissez les boulons de la roue. Servez-vous d'une douille à choc pour roue N°21.
00:00:31Francis Évrard, l'erreur du système, a dit de lui l'avocat général.
00:00:38À 60 ans, il avait déjà passé plus de 40 ans derrière les barreaux et toujours pour les mêmes motifs.
00:00:44Ses multiples condamnations n'y ont rien changé.
00:00:47Francis Évrard aime les petits garçons.
00:00:50Dès qu'il est dehors, il récidive, viole et attentat à la pudeur sur des mineurs de moins de 15 ans.
00:00:57En 2007, il n'a pas attendu deux mois pour replonger.
00:01:02Il sortait de 20 ans de prison quand il a croisé la route d'Enis, un petit garçon de 5 ans,
00:01:08qu'il va demander de l'aider à lasser ses nouvelles baskets.
00:01:1415 août 2007, jour de braderie à Roubaix.
00:01:18Jour de fête pour les petits et les grands qui se pressent autour des stands installés dans le quartier de l'Omelet.
00:01:25Moustapha rentre chez lui en début d'après-midi.
00:01:28Il a hâte de retrouver son petit garçon, Enis, pour l'emmener faire un tour à la braderie.
00:01:37J'arrive à la maison et je ne vois pas Enis.
00:01:41Donc je vais voir mon père qui était encore à l'étage en train de faire des travaux.
00:01:46Donc je lui pose la question à savoir si Enis était avec lui.
00:01:49Donc mon père me répond qu'il n'était pas avec moi.
00:01:54Mon petit-fils est venu, il est monté sur la terrasse.
00:01:59Il ne peut plus descendre pour laisser mes baskets.
00:02:06Mais j'ai dit attendez un peu dans 5 minutes en bas.
00:02:10J'ai descendu, il n'est pas là.
00:02:13Moustapha se précipite dehors.
00:02:15Il y a quelques minutes encore, son fils était sur le pas de la porte.
00:02:18Il n'a pas pu aller bien loin.
00:02:22Peut-être a-t-il voulu rejoindre sa grand-mère à la braderie à quelques mètres de là.
00:02:27C'est ce que pense Moustapha.
00:02:29Mais sa mère revient toute seule.
00:02:33Je lui ai dit maman, Enis n'est pas avec toi.
00:02:35Elle m'a dit bah si, tout à l'heure il était avec moi, on est parti à la braderie.
00:02:38Je lui ai acheté une paire de chaussures.
00:02:40Mais comme il est impatient, il a voulu les essayer tout de suite.
00:02:43Donc je l'ai ramené à la maison et je l'essaie avec ton père.
00:02:47Moustapha commence à s'inquiéter.
00:02:49Enis n'a que 5 ans, il ne s'éloigne jamais de la maison.
00:02:55Et s'il était dans le parc juste derrière, il est peut-être allé jouer au foot avec les petits voisins.
00:03:02Mais là non plus, il n'y a personne.
00:03:06Maintenant, Moustapha prend peur.
00:03:11Je vais chercher dans la braderie, mon père pareil, ma mère pareil.
00:03:15On avait un ouvrier qui aidait mon père à la maison pour les travaux.
00:03:18Donc lui aussi, il est parti tourner dans la braderie.
00:03:22J'étais faire toutes les routes, tous les stands.
00:03:25On charge 20 minutes, une demi-heure, on n'a pas trouvé.
00:03:31Enis a disparu.
00:03:33La nouvelle fait très vite le tour du quartier.
00:03:35Et sans perdre une minute, les voisins se mobilisent.
00:03:39Les voisins, pendant que moi je cherchais avec des amis à moi,
00:03:43ont eu l'idée de faire des affiches avec la photo d'Enis.
00:03:47Ils sont partis faire des photocopies.
00:03:52Il est près de 4 heures.
00:03:54Personne n'a vu Enis depuis 2 heures environ.
00:03:59Tout le quartier est distribué,
00:04:01la boulangerie, la boucherie, le café, tout comme ça.
00:04:05Mais en même temps, on charge avec la voiture, avec le moteur,
00:04:10tout le quartier.
00:04:12Mais l'enfant reste introuvable.
00:04:15Vers 5 heures, Moustapha croise un voisin
00:04:18qui vient juste d'apprendre qu'Enis a disparu.
00:04:21Il a une information importante à lui donner.
00:04:24Il a vu le petit garçon sur la braderie.
00:04:27Il y a 3 heures peut-être.
00:04:29L'enfant n'était pas seul.
00:04:33C'est lui qui m'a dit, écoute, j'ai vu ton oncle
00:04:36tenir donc la main d'Enis et partir avec.
00:04:39J'ai dit, mais j'ai pas d'oncle.
00:04:41Cette fois, Moustapha s'affole.
00:04:43L'enfant n'a aucune raison de tenir un inconnu par la main.
00:04:47Il en est sûr, son fils a été enlevé.
00:04:50Il fonce au commissariat de Roubaix.
00:04:54Quand vous arrivez là-bas, à l'entrée, à la gauche,
00:04:58vous voyez des grandes affiches avec plein d'enfants mineurs
00:05:02de 3 ans, de 10 ans, 11 ans,
00:05:05qui ont été perdus depuis 1986-1987,
00:05:08qui n'ont pas été retrouvés.
00:05:10J'ai dit, le mien, il va rien faire.
00:05:12J'ai pensé directement à ça.
00:05:15J'ai très peur parce que j'ai un seul fils,
00:05:20un seul petit-fils.
00:05:35Hervé Vlaminck, vous êtes commissaire principal au SRPJ de Lille.
00:05:39À ce moment-là, comment apprenez-vous la disparition d'un petit garçon ?
00:05:43En fait, j'ai le souvenir d'une journée extrêmement calme.
00:05:48En appelant le service pour demander au permanent
00:05:52ce qu'il y avait d'anormal ou d'inhabituel,
00:05:54la seule chose que le collègue me donne,
00:05:57c'est un enfant a disparu sur la région de Roubaix,
00:06:00sur le secteur de Roubaix.
00:06:02Et là, je prends contact avec les policiers roubaisiens
00:06:04et on va prendre au départ un certain nombre d'initiatives
00:06:08pour les aider, à savoir l'inscription du petit garçon
00:06:11au fichier des personnes recherchées,
00:06:13une diffusion de son signalement et de son identité
00:06:16sur l'ensemble du territoire national et en Belgique.
00:06:18À ce moment-là, quelles hypothèses privilégiez-vous ?
00:06:22Plusieurs hypothèses s'offrent à nous.
00:06:24Il y a l'hypothèse accidentelle qui est rapidement vérifiée,
00:06:27qui ne donne rien.
00:06:28L'enfant évolue dans un milieu où il y avait beaucoup de monde.
00:06:31On sait qu'Enis est un petit garçon débrouillard,
00:06:33qu'il est autonome.
00:06:35Donc au départ, les policiers vont se rendre
00:06:37sur les lieux de la disparition pour vérifier qu'il ne s'est pas perdu.
00:06:40Et une enquête est ouverte ou pas ?
00:06:42Au départ, nous n'avons aucun élément qui nous permette de penser
00:06:45qu'Enis a été enlevé.
00:06:47Le cadre juridique qui est retenu par le parquet de Lille
00:06:50est celui de la disparition inquiétante.
00:06:55À Roubaix, toutes les patrouilles de police sont maintenant sur le coup.
00:07:00Au commissariat, les policiers entendent Mustapha.
00:07:03Ils veulent en savoir un peu plus sur cet homme mystérieux
00:07:06que le voisin a pris pour l'oncle d'Enis.
00:07:11Est-ce que c'est un enlèvement ?
00:07:12Est-ce que c'est simplement un quidam qu'il prend en compte
00:07:15pour le ramener chez lui ou vers un service de secours ?
00:07:18On peut pas le savoir à ce moment-là.
00:07:21Les policiers apprennent que Mustapha élève seul son petit garçon.
00:07:27Moi, j'étais séparé de la mère d'Enis.
00:07:30Je le cache pas, il y a eu un jugement,
00:07:32il y a eu une enquête qui a été faite, j'ai eu la garde d'Enis,
00:07:35parce que sa mère était, on va dire, dépressive.
00:07:38Il y a des années de cela,
00:07:40Enis n'avait que 8 mois.
00:07:43Le couple était en instance de divorce
00:07:45et un jour, Mustapha a trouvé la maison vide en rentrant chez lui.
00:07:50Sa femme était partie avec le bébé.
00:07:54Elle a pris Enis et j'ai plus de nouvelles,
00:07:57elle a changé de numéro, elle a coupé sa ligne,
00:07:59j'ai aucun comptage, elle a pas d'argent sur elle.
00:08:02Elle a rien pris, ni les carnets de santé à Enis, rien du tout.
00:08:05Pas d'affaires, rien du tout.
00:08:07Et ça a duré comme ça pendant 15 jours.
00:08:11Mustapha a fini par retrouver son fils
00:08:13et il a tout fait pour obtenir sa garde.
00:08:16Depuis, la mère d'Enis n'a jamais vraiment donné de nouvelles.
00:08:22Pendant 5 ans, le père nous dit qu'il n'a pas vu la mère du petit Enis.
00:08:26Évidemment, c'est un élément important qu'on doit prendre en compte
00:08:31pour expliquer un éventuel enlèvement familial.
00:08:36Mais Mustapha n'y croit pas.
00:08:40J'étais sûr qu'au fond de moi, c'était pas elle.
00:08:42Et encore, j'aurais préféré mille fois que ça soit elle,
00:08:44parce qu'au moins, c'est son fils, je sais qu'elle lui aurait pas fait de mal,
00:08:47il aurait été bien protégé.
00:08:51Enis a maintenant disparu depuis près de 4 heures.
00:08:55S'il s'était perdu et si quelqu'un avait voulu l'aider,
00:08:58on l'aurait déjà retrouvé.
00:09:00Tous ces policiers dans la rue, toutes ces affiches un peu partout,
00:09:03personne ne peut ignorer que l'enfant est recherché.
00:09:08Alors, qui est cet homme ?
00:09:11Les policiers entendent le voisin de Mustapha.
00:09:14Ils répètent qu'il se promenait à la braderie avec ses 2 filles
00:09:17quand il a vu Enis avec un inconnu.
00:09:20Tous les 2 partaient en direction du centre-ville.
00:09:26Le problème, c'est qu'on a 3 témoignages.
00:09:28L'adulte a un témoignage très flou.
00:09:31L'adolescente de 17 ans a un témoignage imprécis.
00:09:35C'est la plus jeune qui va nous donner un témoignage assez détaillé
00:09:39d'un individu européen entre 40 et 50 ans
00:09:44avec un plâtre au bras.
00:09:50Enfin, un élément concret.
00:09:53Avec un peu de chance, cet homme est peut-être fiché.
00:09:56Les enquêteurs présentent à la petite fille
00:09:59quelques photos de délinquants connus de leur service.
00:10:03Là, elle nous désigne un individu dans la mosaïque de portrait,
00:10:08un individu qu'elle reconnaît formellement comme étant la personne
00:10:11avec laquelle est parti l'enfant.
00:10:16Et l'individu en question, qu'elle signale, est connu pour des affaires de mœurs,
00:10:19plus précisément la détention d'images pédopornographiques.
00:10:25Il y a une possibilité qu'il s'agisse d'un enlèvement à caractère pédophile.
00:10:37Les policiers foncent chez lui, mais l'homme suspect a changé d'adresse.
00:10:42Le commissaire Dan Roll est de plus en plus inquiet.
00:10:46Si l'enfant a vraiment été enlevé, il est possible qu'il soit déjà loin de Roubaix.
00:10:51Il décide de faire appel à la presse.
00:10:55Vive inquiétude ce soir à Roubaix où un enfant de 5 ans a disparu.
00:11:00Il a été vu pour la dernière fois à la braderie du quartier de l'Homme-Lait,
00:11:04aux côtés d'un homme, 40-50 ans, type européen, brun, le bras dans un plâtre.
00:11:09Si vous disposez d'informations susceptibles,
00:11:12d'aider la police à le retrouver, appelez le 03 24...
00:11:16Il est près de 20h et Nice a disparu depuis 6h déjà.
00:11:26J'imaginais pas un instant le retrouver vivant,
00:11:30mais je voulais quand même le corps de mon gamin, je voulais savoir.
00:11:37Monsieur Vlaminck, les heures passent, toujours pas de trace d'Enis.
00:11:41Que pouvez-vous faire de plus ?
00:11:43Eh bien l'hypothèse qui s'impose à nous, c'est le déclenchement du plan alerte enlèvement.
00:11:48Ce sera la première fois que la police va le déclencher.
00:11:51Auparavant, les gendarmes auront eu recours à cette procédure à trois reprises.
00:11:55Et le plan alerte enlèvement suppose un certain nombre de critères.
00:11:58Il faut un enlèvement avéré.
00:12:01Il faut une menace sur l'intégrité physique ou la vie de la personne enlevée.
00:12:05Nous devons avoir des informations fiables à communiquer.
00:12:08Et enfin, la victime doit être mineure.
00:12:11Et dans ce cas précis, tous les critères sont réunis ?
00:12:14Alors, dans ce cas précis, tous les critères sont réunis.
00:12:17Il nous a fallu un certain temps pour avoir des informations fiables.
00:12:20D'une part, il y avait une incertitude sur la tenue vestimentaire d'Enis.
00:12:24Puis, sur l'autre, il y avait une inquiétude sur la qualité de la tenue.
00:12:28Il y avait une inquiétude sur la tenue vestimentaire d'Enis.
00:12:31Puisqu'elle était différente selon l'information donnée par Moustapha
00:12:36et par le témoin, l'adolescente voisine d'Enis.
00:12:40D'autre part, on avait un certain nombre d'interrogations
00:12:44sur la localisation du plâtre porté par le ravisseur et sa couleur.
00:12:49Ce qui explique, le temps nécessaire, avant de diffuser au niveau national,
00:12:53une information qui aurait été incomplète ou erronée.
00:12:56– Il faut aussi des moyens exceptionnels quand même,
00:12:58quand on lance ce plan alerte enlèvement.
00:13:00– Alors, le plan alerte enlèvement implique la réunion
00:13:05d'un certain nombre de professionnels policiers
00:13:07de la direction centrale de la police judiciaire à Paris.
00:13:11Or, nous sommes le 15 août, nous sommes en fin d'après-midi.
00:13:16Il faut laisser le temps aux collègues parisiens de regagner le service.
00:13:21– Et donc, il est lancé à quelle heure ?
00:13:23– Il est lancé aux environs de 19h40.
00:13:26Le message d'information est rédigé et transmis.
00:13:29Les personnels ont regagné la direction centrale de la police judiciaire.
00:13:33Les journalistes, les médias ont été avisés, tout le monde est prêt.
00:13:40Un enfant a été enlevé.
00:13:42Ceci est une alerte enlèvement du ministère de la Justice.
00:13:47– La disparition d'Enis devient une affaire nationale.
00:13:52– Le spot alerte enlèvement est diffusé en surimpression
00:13:55sur tous les programmes de l'ensemble des chaînes de télé.
00:13:59Et tous les quarts d'heure, il passe à la radio.
00:14:02Très vite, les policiers de Roubaix reçoivent un premier témoignage intéressant.
00:14:08– C'est un patron de bar de Roubaix qui signale qu'un de ses clients habituels,
00:14:15un physique qui semble correspondre, un homme d'une cinquantaine d'années,
00:14:19porte un plâtre et pourrait correspondre au signalement.
00:14:24Il connaît même son nom.
00:14:27– Un nouveau suspect.
00:14:30Celui-là s'appelle Francis Évrard.
00:14:33Depuis deux semaines environ, il fréquente régulièrement ce bar.
00:14:38Peut-être est-il fiché lui aussi.
00:14:41Les policiers interrogent leur base de données en commençant par le stick,
00:14:45le fichier qui recense tous les auteurs d'infractions.
00:14:49– Dans nos recherches, on va se rendre compte que ce monsieur Évrard possède un scooter,
00:14:54qu'il a eu d'ailleurs un accident avec ce scooter,
00:14:56ce qui est inscrit dans la main courante.
00:14:58Donc cet individu est sur Roubaix depuis quelques semaines.
00:15:00On a une ancienne adresse au niveau du stick.
00:15:02On a une adresse également donnée au service des urgences
00:15:06lorsqu'il a été hospitalisé quand il a eu un accident qui justifie son plâtre.
00:15:10Et effectivement, en plus, il a donné une autre adresse,
00:15:12un point de chute un peu improbable, un box.
00:15:14Il serait domicilé dans un box.
00:15:16En fait, cet individu-là, il est sans domicile fixe.
00:15:18Donc on envoie des équipages tous azimuts pour essayer de vérifier
00:15:23où peut être domicilé ce Francis Évrard.
00:15:29– Au commissariat, la tension monte encore d'un cran.
00:15:32Un deuxième fichier vient de sortir le nom de Francis Évrard,
00:15:36celui des délinquants sexuels.
00:15:39– Là, on a un profil très différent qui ressort.
00:15:43Un individu condamné à de très très longues peines de prison
00:15:46pour des faits de viol sur mineurs.
00:15:51– Francis Évrard, un homme d'une soixantaine d'années,
00:15:56condamné plusieurs fois pour pédophilie.
00:16:02Un enfant de 5 ans qui a disparu depuis plusieurs heures.
00:16:05Un suspect déjà condamné pour des actes pédophiles.
00:16:09Le procureur requalifie immédiatement les faits
00:16:12en crime flagrant d'enlèvement et séquestration.
00:16:17– Enis a disparu depuis 8 heures maintenant.
00:16:23Le commissaire Danerolle pense qu'il sera plus utile sur le terrain.
00:16:27Mais au moment où il quitte le commissariat, un homme arrive paniqué.
00:16:31C'est un chauffeur de taxi de Roubaix.
00:16:35– Il a vu un individu ce matin,
00:16:37qu'il a pris en compte sur le secteur de l'avenue Motte.
00:16:40Cet individu est porteur d'un plâtre
00:16:42et correspond au signalement de Francis Évrard.
00:16:47– L'homme s'est fait déposer au centre-ville.
00:16:51Il a dit au chauffeur qu'il voulait faire un tour à la braderie.
00:16:56Et ce même client l'a rappelé quelques heures plus tard.
00:17:00– Quand il l'a repris à 14h30 au niveau de la braderie,
00:17:03il était accompagné d'un petit garçon.
00:17:05Un petit garçon dont on montre la photo d'Enis et il dit, voilà, c'est lui.
00:17:13Il nous dit, je l'ai conduit à l'endroit où il m'a dit qu'il habitait.
00:17:16Pendant la course, l'enfant était calme, l'homme était calme aussi.
00:17:20Et il a dit qu'il habitait dans un box.
00:17:25– Le chauffeur a déposé l'homme et l'enfant devant une grande grille.
00:17:28Et il est reparti.
00:17:33Les policiers entraînent avec eux ce témoin capital et foncent sur place.
00:17:40– Il y a une batterie de box.
00:17:42Une batterie de box fermée par une grande grille, cadenassée, verrouillée.
00:17:48– L'endroit est désert.
00:17:50Les policiers escaladent la grille.
00:17:53Derrière, une vingtaine de garages, tous fermés à clé.
00:17:59– On fait une enquête de voisinage pour voir si des voisins auraient vu un clochard dans le secteur,
00:18:05un SDF, quelqu'un qui habiterait dans un box.
00:18:08Là, il n'y a personne qui est en mesure de nous confirmer cette hypothèse-là.
00:18:12– L'enfant est peut-être là, derrière l'une de ces portes de garage.
00:18:16Mais les policiers n'ont pas le droit de les fracturer.
00:18:19Et ils ont peur qu'Evrard panique et fasse n'importe quoi.
00:18:23Alors, ils appellent des renforts et demandent l'aide d'un chien pisteur.
00:18:28Au bout d'une heure, l'équipe cynophile débarque.
00:18:31– Le chien, lui, il n'hésite pas.
00:18:33Tout de suite, il prend l'empreinte odorologique du petit
00:18:37et file sur deux box voisins, à bois, gratte, à proximité.
00:18:42Donc là, on se dit qu'il y a quelque chose dans l'un de ces deux box.
00:18:46– Cette fois, les policiers enfoncent la porte.
00:18:50Le petit est là, vivant.
00:18:53L'image est assez saisissante.
00:18:55On a un gamin nu sur un matelas miteux,
00:18:59un individu qui semble coucher à côté de lui,
00:19:02comme s'il lui disait de se taire.
00:19:05On se rend compte qu'en fait, ce pauvre enfant
00:19:08est avec ce type-là depuis une bonne heure qu'on est autour du box
00:19:12et qu'il n'a pas pu crier au secours.
00:19:15– L'homme, c'est Francis Evrard.
00:19:18Les policiers se jettent sur lui.
00:19:21– Il fait un saut direct sur le sol.
00:19:24Il est menotté, il ne dit pas grand-chose.
00:19:27En fait, quelque part, il semble un peu résigné.
00:19:31Le petit, lui, nous saute dans les bras.
00:19:35Il a un soulagement très fort.
00:19:38– Les policiers préviennent immédiatement son père.
00:19:42– La première chose, moi, je leur demande s'il va bien.
00:19:44Tant qu'il était vivant, qu'il respirait, qu'il n'était pas blessé,
00:19:47c'était le plus important pour moi à ce moment-là.
00:19:49– Mais quand le policier l'a dit, on l'a trouvé.
00:20:06– Monsieur Vlaminck, le petit Enis a été retrouvé au bout de 10 heures.
00:20:09C'est un grand succès pour le plan Alerte enèvement.
00:20:12Et j'imagine que c'est aussi un immense soulagement pour les policiers, non ?
00:20:16– Alors, effectivement, c'est un immense succès pour ce plan.
00:20:19C'est un immense soulagement pour l'ensemble des policiers
00:20:22et des magistrats qui ont travaillé sur ce dossier.
00:20:25Et le soulagement est à la mesure de l'anxiété
00:20:28qui fut la nôtre pendant ces 10 heures de recherche.
00:20:30– L'enfant va être entendu, il est tout petit, il a 5 ans.
00:20:34Alors, comment vous préparez une audition semblable ?
00:20:37– Alors, dans un premier temps, Enis va être hospitalisé.
00:20:41Enis va être hospitalisé au centre hospitalier régional universitaire de Lille
00:20:45sous une fausse identité pour éviter qu'on ne le retrouve.
00:20:49En fait, ça va créer un certain climat de quiétude et d'isolement.
00:20:54Le second point, c'est que nous l'auditionnerons
00:20:57que lorsque les médecins nous en donneront le feu vert.
00:20:59Priorité est donnée à sa santé.
00:21:02Troisièmement, l'audition de l'enfant est confiée
00:21:04à des policiers spécialisés de la brigade des mineurs
00:21:07de la Sûreté urbaine de Roubaix.
00:21:09Ce sont des policiers qui sont aguerris, qui sont formés,
00:21:12qui ont l'habitude d'auditionner un enfant aussi jeune.
00:21:15Ils vont le mettre en confiance, ils vont le faire parler
00:21:19et vont relater dans un procès verbal d'entretien
00:21:22le contenu des déclarations de l'enfant.
00:21:24– Cet interrogatoire se fait en présence d'un membre de la famille ou pas ?
00:21:27– Jamais.
00:21:28Il est absolument important que les parents n'assistent pas
00:21:31à cet interrogatoire pour laisser la parole de l'enfant libre.
00:21:35Le père ne peut pas rester insensible à l'audition d'Enis
00:21:38s'il est là et donc il nous faut éviter justement
00:21:43cet obstacle potentiel à l'audition de l'enfant.
00:21:51– Enis arrive au CHU de Lille au beau milieu de la nuit.
00:21:57– Il est plus que titubant, il est vraiment dans un état,
00:22:00je vais dire, semi-comateux.
00:22:02On voit que l'enfant n'est pas dans son état normal
00:22:05mais il y a l'heure avancée de la nuit,
00:22:07il a été découvert autour de minuit,
00:22:09là il est autour de 2h du matin lorsque l'examen est pratiqué.
00:22:13Donc c'est aussi un enfant en bas âge, il a 5 ans, il est tard,
00:22:17donc on peut imaginer qu'il est aussi fatigué
00:22:19d'autant qu'il vient de passer une journée quand même très perturbante.
00:22:25– Un premier examen montre que l'enfant a probablement été drogué,
00:22:29peut-être avec un tranquillisant.
00:22:33Vers 4h du matin, Enis est suffisamment réveillé
00:22:36pour que les policiers puissent lui parler.
00:22:38L'entretien est filmé.
00:22:40– On le laisse parler en promis, c'est-à-dire qu'on n'est pas trop directif
00:22:43dans les questions afin de ne pas lui suggérer les réponses.
00:22:48– Les policiers y vont en douceur,
00:22:50ils demandent à Enis où il est allé aujourd'hui.
00:22:53– Le monsieur dans la cave, dit-il tout de suite.
00:22:57– Quel monsieur ?
00:22:58– Le méchant, répond l'enfant.
00:23:02– Il a suivi ce monsieur parce que ce monsieur lui avait proposé
00:23:06de lui offrir des jouets.
00:23:08Donc il faut remettre dans le contexte, à la braderie,
00:23:11c'est une après-midi festive, c'est un petit garçon qui est assez dégourdi
00:23:16et bon, un monsieur l'aborde en lui disant de le suivre
00:23:20pour lui donner des jouets, ça paraît incroyable
00:23:23mais un enfant de 5 ans, il peut avoir la faiblesse de le suivre.
00:23:28– Enis raconte qu'il a pris une voiture avec le méchant.
00:23:32– Pour aller où ? lui demandent les policiers.
00:23:35– À la cave, répond le petit.
00:23:38– Il faisait tout noir, il n'y avait pas de jouets, j'ai eu peur.
00:23:43– Très rapidement, il parle d'un couteau.
00:23:45Le méchant, il avait un couteau, un grand couteau qui était à côté.
00:23:52La manière dont il en parle, il est quasiment certain
00:23:55que Francis Évrard a voulu l'impressionner avec ce couteau
00:24:00pour lui faire peur, entre guillemets, c'est quasiment certain.
00:24:06– Ensuite, le méchant lui a fait boire de l'eau.
00:24:09C'était pas bon, ça avait un drôle de goût.
00:24:14Et l'enfant continue son récit.
00:24:17– Alors il raconte dans le détail que le monsieur lui a enlevé ses habits,
00:24:22il raconte que le monsieur s'est déshabillé lui-même.
00:24:27Et ensuite, il lui raconte que le monsieur voulait lui,
00:24:32avec ses mots à lui, lui toucher les fesses, lui toucher le zizi.
00:24:38Il parle du zizi du méchant qui était très gros.
00:24:44Et lorsqu'on lui demande « gros comment ? »,
00:24:46il nous le décrit de manière un peu exagérée,
00:24:48mais c'est comme ça qu'il l'a vu.
00:24:50Et donc, ça nous permet, nous, de savoir qu'il était,
00:24:53par exemple, que Francis Evrard était en érection.
00:24:55Ça nous donne des indications.
00:25:00Il sait que c'était pas normal.
00:25:05Voilà, il nous dit qu'il a pleuré, il nous dit qu'il a eu mal,
00:25:11qu'il voulait retourner chez lui, que le monsieur était méchant, voilà.
00:25:17Au bout de 20 minutes, le petit garçon n'est plus du tout attentif
00:25:21aux questions des policiers.
00:25:23Ils arrêtent l'entretien et il laisse Moustapha serrer son fils dans ses bras.
00:25:28Il a vachement eu peur quand même.
00:25:30Je voyais qu'il était content de me retrouver,
00:25:33parce que quand il m'a serré, mon fils m'avait jamais serré comme ça dans ses bras.
00:25:36Et quand il m'a dit « tu m'as manqué papa, je t'aime »,
00:25:39il a vraiment eu peur.
00:25:47Tandis qu'Enis est pris en charge par des spécialistes,
00:25:50la police continue son travail.
00:25:52Perquisition, garde à vue.
00:25:54Et avec Francis Evrard, les policiers ne sont pas au bout de leur surprise.
00:26:00Dans le box d'Evrard, les policiers font leur première constatation
00:26:04à la lueur des phares de voiture.
00:26:08C'était comme une déchetterie sur laquelle on aurait posé un matelas.
00:26:11C'était ça, sa chambre.
00:26:14C'est une image très sinistre.
00:26:18On a un prédateur au fond de sa tanière.
00:26:22Sur une caisse, posé à côté du matelas, un couteau.
00:26:27Sûrement celui qui a tant impressionné le petit Enis.
00:26:31Sur le sol, un jean d'homme en boule.
00:26:35Dans une des poches, un rouleau de pansement adhésif.
00:26:38Et un peu plus loin, une boîte de Viagra.
00:26:42Il manque deux comprimés.
00:26:46Francis Evrard a-t-il tout prémédité ?
00:26:49C'est ce que veulent vérifier les policiers.
00:26:51Dans les locaux de la brigade criminelle, ils commencent leur interrogatoire.
00:26:55Evrard raconte qu'il se promenait tranquillement à la braderie
00:26:59et qu'il a vu Enis assis sur le pas d'une porte.
00:27:02Cet enfant lui demande de renouer ses lacets.
00:27:06Parce qu'il y a des nouvelles baskets, il parle de ses baskets.
00:27:09Et il lui demande de l'aider à renouer ses lacets.
00:27:12Evrard lui dit qu'il ne peut pas, qu'il a un bras dans le plâtre, qu'il ne peut pas l'aider.
00:27:17En fait, il va prendre Enis par la main et l'emmener avec lui
00:27:22en lui disant aussi qu'il va s'arrêter dans un magasin de jouets pour lui acheter un jouet.
00:27:28Mais ce n'est pas ce que vous avez fait, lui rétorque le policier.
00:27:31Vous êtes parti loin avec un enfant que vous ne connaissiez pas.
00:27:36Vous aviez bien une autre idée derrière la tête, non ?
00:27:40Evrard venait dire qu'il n'avait pas d'intention, qu'il n'y avait pas de pulsion à ce moment-là.
00:27:46C'est particulier parce qu'on se demande pourquoi dans ce cas on met un enfant dans un box sordide
00:27:50où il n'y a pas d'électricité, rempli de vieux meubles.
00:27:55Et pourquoi faire ?
00:27:57Et puis, il y a ce couteau tout près du matelas.
00:28:01Le policier lui demande s'il a menacé Enis avec cette arme.
00:28:05Absolument pas, répond Evrard.
00:28:08C'est contraire à mes principes.
00:28:10D'ailleurs, ajoute-t-il, il n'a pas été violent avec l'enfant.
00:28:13C'est vrai qu'il lui a demandé de se déshabiller,
00:28:16mais c'est parce qu'il aime voir des petits garçons nus.
00:28:19L'enfant s'est exécuté et c'est là, raconte Evrard,
00:28:23qu'il a eu une pulsion, une pulsion insurmontable.
00:28:28Il va abuser de l'enfant mais d'une manière particulière.
00:28:33Ca consistera à mettre un doigt dans l'anus de l'enfant
00:28:36et à prendre, à essayer de trouver son plaisir lui-même
00:28:39en faisant cet acte.
00:28:43Pour lui, ce qu'il fait, c'est pas un viol.
00:28:45Il essaye de minimiser l'effet en jouant sur les mots.
00:28:50A partir du moment où il ne commet pas de pénétration sexuelle
00:28:53avec son sexe, pour lui, c'est pas un viol.
00:28:57Evrard continue son récit et il n'est pas avare de détails.
00:29:02Quand il raconte, avec ses ongles longs, sales,
00:29:05comment il a pu toucher un petit garçon de 5 ans,
00:29:08que quand il pleure niché, parce que c'est son terme,
00:29:11il dit pas pleure, il dit pleure niché,
00:29:13et qu'il lui essuie ses larmes en lui disant
00:29:16tu pleures aussi vite que tu t'arrêtes,
00:29:19on voit l'individu dans sa splendeur.
00:29:22Il explique qu'il s'en souviendra toujours
00:29:24parce qu'avec ses petites mains, il lui a montré
00:29:26comment faire pour le masturber.
00:29:28Et à ce moment-là, on voit qu'il est vraiment,
00:29:31il revit ce moment, il est heureux de le vivre,
00:29:33il est vraiment dans son trip.
00:29:35Il était content d'avoir un auditoire,
00:29:37on voyait qu'il revivait certaines situations,
00:29:41il mimait même les gestes du petit garçon,
00:29:44il avait des sourires.
00:29:47Et Evrard tente de se justifier.
00:29:50Evrard nous parle de douceur, de pureté de l'enfant.
00:29:55Chose qu'il ne trouve pas dans le monde adulte.
00:29:59C'est ce qui lui plaît, la douceur.
00:30:02Il nous dit qu'il a conscience
00:30:04que c'est ce qui va le mener à sa perte,
00:30:07et qu'il voudrait se faire soigner.
00:30:10Et cette plaquette de Viagra qu'on a retrouvée dans le box,
00:30:14demande le policier, qu'est-ce qu'elle faisait là ?
00:30:17Si Evrard pense qu'il doit se soigner,
00:30:19pourquoi avoir acheté du Viagra ?
00:30:21Et d'ailleurs, il en a pris aujourd'hui ?
00:30:24Pas du tout, répond Evrard. Pas aujourd'hui.
00:30:29Il a précisé à quel moment il avait pris les 2 cachets manquants.
00:30:33Une 1re fois en compagnie d'une femme,
00:30:36avec qui il n'a pas pu avoir de relation sexuelle,
00:30:39et une 2e fois seul dans son garage.
00:30:43Après 48 heures de garde à vue,
00:30:45Francis Evrard est présenté au juge d'instruction.
00:30:52Francis Evrard est mis en examen pour enlèvement,
00:30:56séquestration et viol sur mineurs de moins de 15 ans.
00:31:00Il est écroué à la maison d'arrêt de ce quedain.
00:31:03En quelques heures, l'enlèvement d'Enis devient l'affaire Evrard.
00:31:09La presse découvre le passé du pédophile,
00:31:11et de dépêche en dépêche,
00:31:13le dossier va prendre une dimension nationale.
00:31:22Bonjour et bienvenue à tous dans votre édition du 13h.
00:31:25Dans l'actualité de ce jeudi,
00:31:27un enfant sauvé par l'alerte,
00:31:29Enis, 5 ans, avait été enlevé hier à Roubaix
00:31:31par un homme déjà condamné pour pédophilie.
00:31:33Immense soulagement à Roubaix.
00:31:35Le petit garçon enlevé hier après-midi
00:31:37a été retrouvé en bonne santé.
00:31:39Son ravisseur présumé a été interpellé.
00:31:42C'est un pédophile déjà condamné
00:31:44qui est sorti de prison très récemment.
00:31:46L'homme pédophile, récidiviste,
00:31:48était sorti de prison il y a un mois et demi.
00:31:51Francis Evrard avait été libéré le 2 juillet.
00:31:56Il venait de purger 20 ans de prison
00:31:58pour le viol de deux petits garçons.
00:32:01Dans le pays, c'est la stupéfaction.
00:32:03La presse se déchaîne.
00:32:05Comment cet homme a-t-il pu recommencer
00:32:07et aussi vite ?
00:32:09N'y avait-il pas un moyen de l'empêcher de récidiver ?
00:32:13Le soir même, la vice-procureure de Lille
00:32:15tente de désamorcer la polémique.
00:32:18Il avait pour obligation de répondre
00:32:20aux convocations du JAP,
00:32:22du juge d'application des peines
00:32:24et du travailleur social,
00:32:26de prévenir de tout déplacement,
00:32:28de s'abstenir de tout contact avec des mineurs.
00:32:32L'enlèvement d'Enis avait bouleversé toute la France.
00:32:36Maintenant, l'opinion publique balance
00:32:38entre soulagement et colère.
00:32:41Tout comme Mustapha, le père d'Enis.
00:32:44Tout ce que je voulais, j'ai prié ce soir-là
00:32:46pour qu'il soit là, qu'il me dise
00:32:48papa, donne-moi un euro comme avant,
00:32:50je vais m'acheter des bonbons, c'est tout ce que je voulais.
00:32:52Il est là, c'est le principal.
00:32:54Le reste, vous le disez avec le temps.
00:32:56Tout se paye de toute façon dans la vie.
00:32:58Quelqu'un qui est plusieurs fois récidiviste
00:33:00dans ce domaine-là, il ne peut pas guérir ça,
00:33:02c'est dans le cerveau, c'est impossible.
00:33:04Toute sa vie, s'il aime ça, il continuera toujours.
00:33:06Nous allons nous constituer partie civile
00:33:08et demander que l'on utilise désormais
00:33:10les outils qui sont disponibles
00:33:12de façon à protéger vos enfants, les miens.
00:33:16Mustapha veut des explications.
00:33:20Il y a des mecs comme Évrard, il y en a plein en prison,
00:33:22même pire, qui ne demandent qu'à sortir,
00:33:24qui vont bientôt sortir peut-être.
00:33:26Mais non, c'est pour ça, il faut des réponses
00:33:28pour savoir pourquoi ça arrive,
00:33:30pourquoi ça continue d'arriver
00:33:32et trouver une solution.
00:33:34Moi, c'est tout ce que je demande.
00:33:42La réponse du gouvernement ne se fait pas attendre.
00:33:44Dès le lendemain,
00:33:46la garde des Sceaux se rend à Lille
00:33:48pour féliciter les forces de l'ordre
00:33:50et assurer au père Denis
00:33:52qu'il sera entendu.
00:33:56C'est une priorité, le président de la République
00:33:58a été clair, c'est-à-dire que la lutte
00:34:00contre les délinquants sexuels est une priorité
00:34:02du gouvernement et du président de la République.
00:34:12Philippe Le Maire,
00:34:14à l'époque, vous êtes procureur
00:34:16de la République de Lille.
00:34:18Francis Évrard vient de sortir prison,
00:34:20il avait été condamné pour le viol de deux petits garçons
00:34:22et il récidive.
00:34:24Qu'est-ce qu'il faisait dehors ?
00:34:26Francis Évrard est condamné,
00:34:28il a exécuté la totalité de sa peine,
00:34:30moins les réductions
00:34:32légales.
00:34:34Et quand on a
00:34:36exécuté sa peine, dans notre système
00:34:38judiciaire, on sort
00:34:40de prison, bien sûr.
00:34:42Cette affaire intéresse tout de suite les journalistes,
00:34:44mais pas que. La ministre de la Justice
00:34:46se déplace.
00:34:48J'imagine que ça crée une certaine pression
00:34:50sur vous, cette
00:34:52médiatisation.
00:34:54La pression existe
00:34:56dans cette affaire-là, d'abord parce que
00:34:58nous avons déclenché
00:35:00le dispositif dit
00:35:02alerte enlèvement. Il faut savoir que
00:35:04l'ensemble du dispositif est validé
00:35:06à un moment donné par la ministre de la Justice.
00:35:08Donc il est normal, effectivement,
00:35:10qu'ensuite, elles viennent sur les lieux
00:35:12se rendre compte
00:35:14de comment ça a été fait, féliciter les enquêteurs.
00:35:16Et puis, dans cette affaire, bien évidemment,
00:35:18très rapidement, on s'aperçoit
00:35:20qu'il s'agit
00:35:22d'un crime commis
00:35:24par un récidiviste.
00:35:26C'est un sujet éminemment politique, forcément.
00:35:28Alors que l'affaire Évrart
00:35:30lance la polémique sur la récidive,
00:35:32un élément vient mettre
00:35:34le feu aux poudres.
00:35:36On apprend que Francis Évrart
00:35:38prenait du Viagra, un médicament
00:35:40qui traite l'impuissance sexuelle.
00:35:42Et ce médicament,
00:35:44c'est en prison qu'il a été prescrit.
00:35:50Francis Évrart,
00:35:52le président de l'Assemblée nationale
00:35:54de France,
00:35:56Francis Évrart,
00:35:58condamné pour pédophilie,
00:36:00qui sort de prison
00:36:02avec une ordonnance de Viagra.
00:36:04La presse s'interroge.
00:36:06N'est-ce pas comme donner une arme à un braqueur ?
00:36:08Comment est-ce possible ?
00:36:10Les policiers de la brigade criminelle de Lille
00:36:12se rendent à la prison de Caen.
00:36:16On entend les trois médecins
00:36:18qui travaillent à Caen, et les trois médecins
00:36:20nous disent tous en chœur que le Viagra,
00:36:22c'est façon exceptionnelle,
00:36:24d'autant plus qu'ils savent
00:36:26que 80% de la population de Caen
00:36:28sont des pointeurs, c'est-à-dire des agresseurs sexuels,
00:36:30et qu'il n'y a pas de raison
00:36:32d'avoir donné du Viagra.
00:36:34Les policiers
00:36:36perquisitionnent les locaux de la Sécurité sociale.
00:36:38Et ils trouvent bien
00:36:40une ordonnance au nom d'Évrart.
00:36:42Elle provient du service de santé
00:36:44de la prison, une prescription
00:36:46de Viagra, qui date
00:36:48du 19 juin, le jour
00:36:50même de la consultation de sortie
00:36:52d'Évrart.
00:36:54Le fait est que cette ordonnance a été donnée de main en main,
00:36:56puisqu'il n'y a pas de traces de copie dans les registres.
00:36:58Les secrétaires
00:37:00qu'on a entendus aussi ne nous parlent
00:37:02pas d'ordonnances de Viagra.
00:37:04Elles sont elles-mêmes surprises
00:37:06par ce genre de pratiques.
00:37:08Une expertise graphologique
00:37:10permet de déterminer
00:37:12qui a signé cette ordonnance.
00:37:14C'est bien l'un des trois médecins
00:37:16de la prison.
00:37:18Réinterrogés par les policiers,
00:37:20c'est en partie la mémoire.
00:37:22Il dit avoir été
00:37:24berné par Francis Évrart,
00:37:26qui lui aurait parlé d'une relation sexuelle
00:37:28avec une femme. Il nous dit
00:37:30qu'il a donné peut-être
00:37:32du Viagra dans le conditionnel
00:37:34pour que sa vie à Francis Évrart
00:37:36soit meilleure en ayant une relation sexuelle
00:37:38dite normale.
00:37:40Et que dressé par le temps,
00:37:42il a peut-être lâché cette ordonnance.
00:37:44C'est le mot qu'il emploie, lâcher cette ordonnance.
00:37:50Monsieur le maire,
00:37:52une ordonnance de Viagra
00:37:54à un délinquant sexuel,
00:37:56comment c'est possible, ça ?
00:37:58Les conditions
00:38:00dans lesquelles se déroule la médecine
00:38:02en milieu pénitentiaire sont assez précises.
00:38:04La médecine en prison
00:38:06est à la charge de l'hôpital de rattachement.
00:38:08Cet hôpital de rattachement,
00:38:10il soigne donc directement
00:38:12les détenus,
00:38:14soit par des médecins
00:38:16attachés au service,
00:38:18soit,
00:38:20comme il semble que ce soit le cas
00:38:22dans notre affaire Francis Évrart,
00:38:24en donnant des vacations
00:38:26à un médecin de ville.
00:38:28Mais c'est légal, ça, de prescrire du Viagra ?
00:38:30Le médecin n'a pas accès
00:38:32au dossier pénal
00:38:34et le médecin est tenu au secret médical.
00:38:36Mais enfin, les médecins savent très bien
00:38:38où ils interviennent. Ils interviennent dans la prison
00:38:40de camp, dans la centrale de camp,
00:38:42où il y a 80% de détenus
00:38:44qui sont des délinquants sexuels.
00:38:46Donc il sait à peu près
00:38:48quel genre d'individu
00:38:50il a devant lui.
00:38:52Oui, peut-être, mais
00:38:54là-dessus, c'est pas un médecin
00:38:56expert. C'est un médecin
00:38:58qui vient pour soigner
00:39:00toute la bobologie, etc.
00:39:02Tout dépend de la pathologie
00:39:04qu'a exposée Francis Évrart
00:39:06au médecin.
00:39:08Il ne connaît pas l'histoire de Francis Évrart.
00:39:10On n'a pas découvert
00:39:12d'éléments susceptibles
00:39:14de mettre en cause ce médecin.
00:39:16Il ne peut pas être sanctionné.
00:39:18Je pense que si le juge
00:39:20avait découvert des éléments,
00:39:22il l'aurait fait.
00:39:24C'est quand même léger.
00:39:26On peut sans doute améliorer les choses,
00:39:28mais là-dessus,
00:39:30c'est sans doute
00:39:32en travaillant sur la formation
00:39:34des médecins appelés
00:39:36à exercer en détention.
00:39:38Le fait de se faire prescrire
00:39:40du Viagra, est-ce que ça veut dire
00:39:42qu'Évrart avait
00:39:44l'intention de récidiver ?
00:39:46En tout cas, d'un strict point de vue
00:39:48judiciaire, de preuve,
00:39:50non. Il faut démontrer
00:39:52qu'il avait
00:39:54pris du Viagra au moment des faits.
00:39:56Il faut démontrer qu'il y a un lien
00:39:58de causalité entre la prise du Viagra
00:40:00et la commission
00:40:02de l'infraction.
00:40:04Et il faudrait
00:40:06montrer que ça entraînait
00:40:08le comportement
00:40:10de Francis Évrart.
00:40:12Il n'y a pas un procureur qui se risquerait
00:40:14à se lancer dans une démonstration aussi risquée.
00:40:24Après l'affaire du Viagra,
00:40:26c'est le CV de Francis Évrart
00:40:28qui scandalise et alimente la surenchère
00:40:30quand on apprend qu'il n'a pas violé
00:40:32trois enfants, mais au moins neuf.
00:40:34Et il a commencé
00:40:36extrêmement jeune.
00:40:40Francis Évrart est né
00:40:42en 1946. Il a grandi
00:40:44dans un quartier populaire de Roubaix.
00:40:48C'est quelqu'un qui a été élevé
00:40:50comme un fils unique, même si je crois
00:40:52qu'il y avait un frère décédé
00:40:54en bas âge avant lui.
00:40:56Un père d'origine belge, une mère française,
00:40:58un milieu ouvrier.
00:41:02Le père passe toutes ses soirées au café,
00:41:04à boire avec ses copains.
00:41:06La mère adore
00:41:08son fils, mais n'a pas beaucoup
00:41:10d'autorité sur lui.
00:41:12Le jeune Évrart est un peu livré
00:41:14à lui-même.
00:41:16Apparemment, il n'a pas de difficulté particulière
00:41:18jusqu'à ce qu'il ait neuf ans,
00:41:20dix ans, des fois il dit six ans,
00:41:22ça dépend des moments, à propos
00:41:24d'un viol qu'il aurait subi dans cette période.
00:41:30Mais on n'a jamais trouvé de traces
00:41:32de cette agression dont il a été victime.
00:41:34Et...
00:41:36On peut le croire,
00:41:38on peut aussi en douter, parce qu'en réalité
00:41:40il leur a fourni
00:41:42plusieurs versions de cette agression
00:41:44en citant des auteurs
00:41:46différents.
00:41:48De toute façon,
00:41:50racontait Évrart, sa mère n'aurait pas
00:41:52voulu déposer plainte par peur
00:41:54du candidaton.
00:41:56Il continue donc de vivre dans le quartier
00:41:58sans trop faire parler de lui.
00:42:00Il n'a pas suivi d'études
00:42:02très poussées, puisque je crois qu'il est allé
00:42:04jusqu'au certificat d'études qui existait
00:42:06encore à l'époque.
00:42:08Il a suivi donc une scolarité
00:42:10très chaotique
00:42:12et minime.
00:42:14Mais à l'adolescence,
00:42:16le jeune Évrart
00:42:18commence à avoir mauvaise réputation.
00:42:20On le soupçonne
00:42:22de petits larcins.
00:42:24Alors qu'il semble,
00:42:26selon le dossier, qu'il ne manquait pas de grand chose,
00:42:28sa famille lui
00:42:30fournissait ce dont il avait besoin,
00:42:32il semble qu'il ait effectivement
00:42:34multiplié, on va dire,
00:42:36des vols.
00:42:38Un juge des enfants
00:42:40le place alors dans un foyer éducatif.
00:42:42C'est à ce moment-là
00:42:44que son attitude commence
00:42:46à inquiéter ses professeurs.
00:42:48Il a un comportement
00:42:50très sexué
00:42:52qui se caractérise
00:42:54par des agressions
00:42:56vis-à-vis de ses camarades
00:42:58de l'établissement dans lequel
00:43:00il était interne.
00:43:02Il fait l'objet d'une expertise
00:43:04psychiatrique à l'âge de 12 ans
00:43:06qui détermine ce comportement
00:43:08déviant, sexué
00:43:10et qui pose problème.
00:43:12Il est même décrit dans certaines
00:43:14expertises relativement
00:43:16précoces comme pervers
00:43:18alors que c'est quand même un mot
00:43:20qu'on utilise peu à propos des adolescents.
00:43:24Mais Évrart est encore très jeune.
00:43:26Le juge des enfants décide
00:43:28de lui laisser sa chance.
00:43:30À 14 ans, l'adolescent
00:43:32revient à Roubaix.
00:43:34Il ne va plus à l'école,
00:43:36il ne travaille pas, il traîne dans le quartier.
00:43:42Le 14 mai 1962,
00:43:44Évrart entraîne un petit garçon
00:43:46de 6 ans
00:43:48sur une berge déserte du canal de la Deule
00:43:50et il le viole.
00:43:52Le lendemain,
00:43:54il recommence dans un parc de Roubaix.
00:43:56Cette fois, l'enfant a 9 ans.
00:43:58Évrart en a 16.
00:44:00Il vient de passer à l'acte.
00:44:06Dominique, Francis Évrart a commencé
00:44:08en fait très tôt son parcours
00:44:10de délinquant et criminel sexuel.
00:44:12Oui, il a commencé, Frédéric, il avait à peine 16 ans.
00:44:14C'était encore un mineur, un gamin.
00:44:16C'est en 1962 et à l'époque,
00:44:18on ne parle pas juridiquement
00:44:20d'un viol sur mineur,
00:44:22d'un attentat à la pudeur contre nature.
00:44:24Il va être d'abord incarcéré
00:44:26pendant 3 mois
00:44:28et à l'issue de cette période, Francis Évrart
00:44:30est transféré dans un IPES,
00:44:32un institut public
00:44:34d'éducation surveillée
00:44:36à Neuchâtel dans les Vosges.
00:44:38Il va y rester pendant 1 an.
00:44:40La suite de son parcours judiciaire,
00:44:42elle est ici, Frédéric.
00:44:44Elle est dans ce procès verbal des policiers
00:44:46qui vont aller chercher dans leurs archives
00:44:48tout ce qu'ils ont déjà sur le parcours
00:44:50de Francis Évrart et c'est vrai que ça,
00:44:52ce qu'on lit, c'est inquiétant.
00:44:54Il y a des affaires, on va y revenir,
00:44:56des affaires de viol sur des enfants,
00:44:58mais il y a aussi toute une série
00:45:00d'événements beaucoup moins graves,
00:45:02beaucoup de vols, des larcins,
00:45:04ce qui fait qu'il ne cessera plus
00:45:06de faire des allers-retours en prison.
00:45:08Dès 1964,
00:45:102 ans après les premiers viols,
00:45:12il agresse un petit garçon
00:45:14et il va,
00:45:16pour cette affaire-là,
00:45:18être condamné à 18 mois de prison.
00:45:20A ce moment-là, il a 18 ans.
00:45:22En avril 1969, à Roubaix,
00:45:24il est reconnu formellement par un petit garçon
00:45:26de 10 ans, il est reconnu sur photos,
00:45:28des photos que les policiers vont montrer
00:45:30à ce gamin et il reconnaît
00:45:32formellement l'homme qui l'a agressé
00:45:34comme étant Francis Évrart.
00:45:36Et Francis Évrart, à ce moment-là,
00:45:38les policiers ne peuvent pas l'arrêter
00:45:40parce qu'il est en prison.
00:45:42Il est en prison en Belgique
00:45:44pour une autre agression qu'il a commise
00:45:46sur un petit garçon de 7 ans
00:45:48qu'il a violé.
00:45:50Alors, il est dans un établissement en Belgique
00:45:52qui est entre la prison et l'hôpital psychiatrique.
00:45:54Il va y rester pendant 4 ans
00:45:56et il en sortira pour une période d'essai
00:45:58placée sous tutelle.
00:46:00La tutelle, c'est notre contrôle judiciaire à nous.
00:46:02Tutelle très stricte.
00:46:04Il en sort, on est en avril 1973.
00:46:08Francis Évrart
00:46:10revient alors à Roubaix, chez sa mère.
00:46:12Il a 27 ans.
00:46:14Il ne travaille toujours pas.
00:46:18Il arpente les rues
00:46:20et les environs de la ville
00:46:22sur sa mobilette.
00:46:26Et en août 1973,
00:46:284 mois à peine après sa sortie
00:46:30de l'hôpital psychiatrique,
00:46:32il cède à nouveau à ses pulsions.
00:46:36Il part en chasse, incontestablement.
00:46:38Il le dit d'ailleurs.
00:46:40Il recherche la satisfaction
00:46:42de son plaisir.
00:46:44Il est motivé
00:46:46par une pulsion
00:46:48qu'il ne peut pas contrôler.
00:46:50Et il a besoin, à ces occasions-là,
00:46:52d'avoir un enfant,
00:46:54un jeune enfant sous la main.
00:46:58Ce jour-là,
00:47:00sa victime s'appelle Fabrice,
00:47:02un enfant de 9 ans.
00:47:04Une proie idéale
00:47:06pour Francis Évrart.
00:47:08Les victimes sont toutes désignées.
00:47:10Ce sont des garçons,
00:47:12de très jeunes garçons,
00:47:14de moins de 10 ans, voire même
00:47:16plutôt 6-7 ans.
00:47:18C'est pas anodin.
00:47:20C'est-à-dire, c'est l'enfant
00:47:22qui n'est pas susceptible de résister.
00:47:26Quelques jours plus tard,
00:47:28le petit garçon reconnaît Évrart
00:47:30dans une rue de Roubaix
00:47:32et le dénonce.
00:47:34Cette fois, Francis Évrart
00:47:36est renvoyé devant la cour d'assises de Douai.
00:47:38Il prend 15 ans de prison.
00:47:42Il est jeune,
00:47:44mais son passé ne plaide pas pour lui.
00:47:46C'est la première condamnation
00:47:48par une cour d'assises
00:47:50et elle est effectivement très lourde.
00:47:52En prison,
00:47:54Francis Évrart se tient à carreau.
00:47:56Il bénéficie facilement
00:47:58des remises de peine.
00:48:00Au bout de 10 ans,
00:48:02il est donc libéré.
00:48:04Et il n'attend pas un mois
00:48:06avant de recommencer.
00:48:08Sa nouvelle victime a tout juste 13 ans.
00:48:10J'étais pas là,
00:48:12je n'existais pas pour lui.
00:48:14J'étais une chose,
00:48:16un jouet.
00:48:18Et il a joué depuis le début,
00:48:20manipulateur,
00:48:22pour arriver à ses fins.
00:48:24Francis Évrart, comme beaucoup de pervers,
00:48:26est quand même très égocentrique.
00:48:28Le mal qu'il inflige à l'autre,
00:48:30c'est pas vraiment son souci.
00:48:32C'est ce qu'il devient lui.
00:48:34Il n'a pas de satisfaction ou pas de sépulsion.
00:48:36Il est, oui, très foncièrement égocentrique.
00:48:40Évrart est de nouveau condamné,
00:48:42retour en prison.
00:48:44Et quand il sort,
00:48:46il recommence, encore,
00:48:48toujours en appâtant sa victime
00:48:50avec de fausses promesses.
00:48:52J'étais avec un copain.
00:48:56Je cherchais des trèfles.
00:48:58Il me dit, qu'est-ce que tu cherches ?
00:49:00Je cherche des trèfles à quatre feuilles.
00:49:02Je sais où il y en a.
00:49:04Je voulais un trèfle à quatre feuilles.
00:49:06C'est quelque chose qui n'existe pas.
00:49:08La naïveté, c'est ce qui m'a perdu ce jour-là.
00:49:10Je suis monté avec ce monsieur.
00:49:12Je suis parti avec lui,
00:49:14sur sa mobilette.
00:49:16Je m'en suis emmené dans un coin
00:49:18un peu sinistre,
00:49:20non loin du canal.
00:49:22C'est là où je me suis fait agresser sexuellement.
00:49:24Malgré les condamnations,
00:49:26il n'intègre pas
00:49:28l'interdit.
00:49:30Il n'accepte aucun interdit.
00:49:32Il n'accepte aucune règle.
00:49:34Il ne les respecte pas.
00:49:36Je ne crois pas que la sanction
00:49:38ait, d'une part, chez lui,
00:49:40d'effet dissuasif,
00:49:42et d'autre part,
00:49:44ne l'amène pas à essayer
00:49:46de réfléchir sur ses comportements
00:49:48ou au moins à essayer
00:49:50de les contrôler.
00:49:5213 ans,
00:49:548 ans,
00:49:5611 ans,
00:49:5810 ans,
00:50:007 ans, au moins 9 petits garçons
00:50:02ont cru aux mensonges de Francis Évrard.
00:50:049 victimes
00:50:06en 35 ans.
00:50:16La dernière condamnation
00:50:18de Francis Évrard tombe
00:50:20en 89.
00:50:22Il prend encore
00:50:2427 ans de prison.
00:50:26L'homme en a 43.
00:50:28Mais depuis ces précédentes condamnations,
00:50:30les choses ont changé.
00:50:32Les pédophiles peuvent faire l'objet de soins
00:50:34et c'est ce qui est proposé à Francis Évrard.
00:50:40En 2000, Francis Évrard
00:50:42est transféré à la maison centrale de Caen.
00:50:44Une prison qui propose
00:50:46des soins adaptés
00:50:48aux très nombreux délinquants sexuels
00:50:50qu'elle accueille.
00:50:54Lorsqu'il arrive à Caen,
00:50:56il a à sa disposition un suivi psychiatrique
00:50:58et la possibilité
00:51:00d'être traité
00:51:02sur le plan chimique également.
00:51:04Ces traitements
00:51:06ont un effet bénéfique, je l'ai constaté
00:51:08chez certains délinquants sexuels,
00:51:10qui diminuent
00:51:12les pulsions sexuelles,
00:51:14qui diminuent surtout l'agressivité sexuelle
00:51:16où il y a une action sur la testostérone.
00:51:20Évrard a d'abord accepté volontiers
00:51:22de suivre ce traitement chimique.
00:51:24Mais au bout de 4 mois,
00:51:26il l'a interrompu
00:51:28brusquement.
00:51:30Il me dira, ça a eu un effet
00:51:32miraculeux, mais
00:51:34ce traitement
00:51:36a été arrêté parce qu'il n'y a plus de permission.
00:51:38Voilà, c'est une espèce de
00:51:40chantage, on me refuse même une permission,
00:51:42donc j'arrête le traitement hormonal.
00:51:46Évrard espace aussi ses séances
00:51:48avec le psychiatre. Il se contente
00:51:50maintenant d'attendre sa libération
00:51:52et il s'installe
00:51:54dans sa vie carcérale.
00:51:58Évrard recevait régulièrement un ou deux
00:52:00co-détenus qu'il fréquentait énormément,
00:52:02toujours dans sa cellule. Il passait les 3 quarts
00:52:04de son temps avec une ou deux personnes
00:52:06qui étaient toujours relativement les mêmes,
00:52:08c'était même propriétaire que lui.
00:52:10Ils peuvent échanger sur ces sujets-là
00:52:12et puis s'ils ont des choses
00:52:14illicites,
00:52:16ils se les échangeraient, se les prêtaient.
00:52:18Et un jour de 2003,
00:52:20lors d'une fouille surprise,
00:52:22il est trouvé
00:52:24chez Francis Évrard des images
00:52:26mettant en scène
00:52:28des enfants dans des scènes
00:52:30porno avec des adultes.
00:52:34L'homme est condamné à 3 mois
00:52:36de prison supplémentaire,
00:52:38mais à part cet écart,
00:52:40Évrard a été un détenu modèle.
00:52:44Il ne posait jamais de problème
00:52:46avec le personnel,
00:52:48très rarement.
00:52:50Ce n'était pas un revendicatif,
00:52:52ce n'était pas très facile
00:52:54à gérer, je dirais.
00:52:56Ils sont couleur muraille.
00:52:58Les délinquants sexuels,
00:53:00ils ne font pas parler d'eux. En prison,
00:53:02ce sont des détenus modèles. De ce fait,
00:53:04ils obtiennent le maximum
00:53:06de remises de peine parce qu'ils ne posent pas
00:53:08de problème. Ce n'est pas eux qui vont
00:53:10faire du bruit,
00:53:12qui vont être menaçants,
00:53:14au contraire.
00:53:16En 2007,
00:53:18Évrard est donc libérable.
00:53:20Il a accompli 20 ans de prison
00:53:22sur les 27 années auxquelles
00:53:24il avait été condamné.
00:53:26Quelques mois avant sa sortie,
00:53:28l'administration le soumet à une dernière
00:53:30expertise psychiatrique.
00:53:32Il dit qu'il continue à avoir
00:53:34des fantasmes pervers,
00:53:36mettant en scène des jeunes garçons,
00:53:38que ces fantasmes-là sont présents
00:53:40et que la seule chose, c'est qu'il pense
00:53:42qu'il est capable de les contrôler.
00:53:44Il se lâche, entre guillemets.
00:53:46La façon dont il se lâche
00:53:48me permet de penser que le risque
00:53:50de récidive est tout à fait important.
00:53:52Je suis très inquiet quant à sa sortie.
00:53:58Je pense qu'Évrard n'a jamais
00:54:00été sincère dans son désir
00:54:02de se faire soigner.
00:54:04Il est pédophile, il s'assume
00:54:06comme pédophile.
00:54:08Il ne dit pas qu'il ne l'est pas.
00:54:10Et pour lui, c'est son mode de sexualité.
00:54:12Ce qui l'ennuie, tout simplement,
00:54:14c'est que la société l'empêche
00:54:16d'avoir son mode de sexualité.
00:54:26Si l'on se résume, le casier judiciaire
00:54:28de Francis Évrard est bien rempli.
00:54:30Une arrestation en 62,
00:54:32une en 64, une en 69,
00:54:3473, 83, 85,
00:54:3687, pratiquement
00:54:38toutes pour viol ou attouchement
00:54:40sur mineur de moins de 15 ans.
00:54:42Au total, 7 condamnations.
00:54:44En 45 ans, l'homme
00:54:46a fait près de 40 ans de prison
00:54:48et après chaque sortie,
00:54:50il ne s'est jamais écoulé plus de 4 mois
00:54:52avant qu'il ne récidive,
00:54:54qu'il n'agresse un jeune garçon.
00:54:56Maintenant que le passé judiciaire
00:54:58d'Évrard est connu, la polémique
00:55:00enfle encore. L'affaire devient un enjeu
00:55:02politique. Le président de la République
00:55:04lui-même monte au créneau.
00:55:08Le 20 août,
00:55:10deux jours après la visite
00:55:12de la garde des Sceaux à Lille,
00:55:14Moustapha, le père d'Énis, se rend à Paris.
00:55:16Moustapha, à ce moment-là,
00:55:18est invité à se rendre
00:55:20à l'Élysée et l'invitation
00:55:22est pressante.
00:55:24Pourtant,
00:55:26on ne va pas emmener Énis
00:55:28à l'Élysée. Énis,
00:55:30effectivement, est encore très perturbé par tout ça
00:55:32et voilà,
00:55:34c'est un honneur en même temps d'être reçu
00:55:36par le chef de l'État.
00:55:38Il m'a reçu, c'est gentil de sa part,
00:55:40mais ça a été plus la médiatisation
00:55:42pour M. le Président,
00:55:44mais c'est gentil quand même, je veux dire,
00:55:46et ça a prouvé quand même
00:55:48qu'il était quand même touché
00:55:50et ça, il l'a vraiment été, ça, je peux vous l'affirmer,
00:55:52je l'ai vu, il est en personne en face de moi
00:55:54et dans le bureau, il était ému.
00:55:58Pour le père d'Énis,
00:56:00c'est l'occasion de rappeler sa colère
00:56:02et son désarroi.
00:56:04Si je suis venu aujourd'hui ici,
00:56:06c'est que pour que les lois puissent changer,
00:56:08qu'ils soient plus sévères
00:56:10pour des monstres comme
00:56:12cette personne-là,
00:56:14parce que je ne trouve pas ça normal qu'ils puissent être dehors.
00:56:18Et le Président de la République
00:56:20va lui donner raison.
00:56:22Nicolas Sarkozy annonce dans la foulée
00:56:24qu'une nouvelle loi sera votée.
00:56:26Les délinquants sexuels jugés dangereux
00:56:28seront enfermés
00:56:30même s'ils ont accompli toute leur peine.
00:56:34Ils ne seront pas remis en liberté,
00:56:36ils iront dans un hôpital fermé
00:56:38où ils seront soignés.
00:56:40Ceux qui n'accepteront pas d'être soignés
00:56:42resteront dans cet hôpital fermé.
00:56:44L'annonce suscite
00:56:46immédiatement de nombreuses réactions,
00:56:48notamment chez les juristes
00:56:50qui ne voient pas comment on peut ajouter une peine
00:56:52à une peine terminée.
00:56:54Il n'y a plus aucune raison,
00:56:56il faut tirer comme enseignement de l'affaire Évra,
00:56:58de laisser pourrir dans un congélateur
00:57:00où il ne se passe rien pendant 25 ans
00:57:02en prison
00:57:04des hommes ou des femmes comme lui,
00:57:06puis après d'imaginer la prison n'ayant servi à rien
00:57:08qu'il faut inventer autre chose
00:57:10après la prison pour les neutraliser.
00:57:12Même l'avocat du père Denis
00:57:14dénonce l'inutilité
00:57:16d'un nouveau texte.
00:57:18Avant de rajouter des peines ou des enfarmements
00:57:20à des peines,
00:57:22d'abord essayons de travailler
00:57:24sur les outils que nous avons et de les améliorer.
00:57:26Dominique, alors quels sont ces outils
00:57:28pour éviter la récidive ?
00:57:30Ce sont des lois, Frédéric,
00:57:32des lois anti-récidive,
00:57:34des lois pour prévenir la récidive
00:57:36des délinquants ou des criminels sexuels.
00:57:38Il y en a deux.
00:57:40Une première loi qui va être votée en juin 1998,
00:57:42c'est une loi qui dit
00:57:44qu'un tribunal ou une cour d'assises
00:57:46peut assortir un jugement
00:57:48ou un arrêt
00:57:50d'une obligation de soins
00:57:52pour la personne qui a été condamnée
00:57:54au moment où elle va ressortir de prison.
00:57:56C'est-à-dire qu'au moment où la personne est libérée,
00:57:58on l'oblige à se soigner.
00:58:00Une loi de 1998
00:58:02qui va être renforcée par la loi de mars 2004.
00:58:04C'est un supplément
00:58:06sur le suivi
00:58:08socio-judiciaire.
00:58:10Même chose, quand une personne a terminé
00:58:12sa peine, on lui impose
00:58:14un suivi socio-judiciaire,
00:58:16c'est-à-dire toute une batterie de contraintes
00:58:18et c'est un juge d'application
00:58:20des peines qui décide.
00:58:22Alors, le juge d'application
00:58:24des peines, il a décidé
00:58:26pour Francis Évrard
00:58:28plusieurs mesures contraignantes, les voici,
00:58:30je vais vous les énumérer,
00:58:32et c'est au conseiller d'insertion et de probation,
00:58:34c'est-à-dire la personne qui va suivre
00:58:36Francis Évrard après sa sortie
00:58:38de prison, de vérifier qu'il
00:58:40respecte bien toutes ses contraintes.
00:58:42La première, c'est obligation
00:58:44pour Francis Évrard de signaler
00:58:46tout changement d'adresse.
00:58:48Obligation, se soigner,
00:58:50c'est-à-dire aller voir un psychiatre,
00:58:52en parler, parler de son problème avec un psy.
00:58:54On l'oblige à le faire.
00:58:56Et s'il ne le fait pas ?
00:58:58C'est le psychiatre qui est responsable s'il ne dénonce pas
00:59:00Francis Évrard qui n'est pas venu à un rendez-vous.
00:59:02Tout manquement à un rendez-vous doit être signalé.
00:59:04Obligation aussi
00:59:06pour Francis Évrard de suivre
00:59:08un traitement anti-hormonal prescrit par
00:59:10un médecin généraliste, même chose que
00:59:12chez le psy, si Évrard n'y va pas,
00:59:14le médecin doit prévenir
00:59:16le juge ou le conseiller d'insertion.
00:59:18C'est un traitement castrateur en fait.
00:59:20C'est un traitement castrateur et le médecin peut même
00:59:22demander à Francis Évrard de prendre
00:59:24ses médicaments devant lui pour s'assurer
00:59:26que le traitement est bien administré.
00:59:28Et puis dernière chose,
00:59:30interdiction pour Francis Évrard de
00:59:32fréquenter tout endroit
00:59:34où évoluent des enfants.
00:59:36Écoles maternelles, centres aérés,
00:59:38tous les lieux de jeux
00:59:40des enfants. Et toutes ces contraintes,
00:59:42Évrard a répondu au juge d'application
00:59:44des peines. Je m'engage à les respecter.
00:59:46Donc maintenant, les enquêteurs vont
00:59:48retracer son parcours
00:59:50ces cinq semaines de liberté.
00:59:55À sa sortie de prison le 2 juillet,
00:59:57Francis Évrard a décidé
00:59:59de s'installer à Rouen.
01:00:01Les services sociaux lui ont trouvé un hôtel.
01:00:03Quelques jours après son arrivée,
01:00:05il s'est rendu au service de probation
01:00:07comme l'exige son
01:00:09suivi socio-judiciaire.
01:00:12Ils lui signalent qu'il est un domicilier
01:00:14à l'hôtel Stanislas.
01:00:16Donc l'employé qui est là,
01:00:18naturellement la fonctionnaire, prend bien note.
01:00:20Elle lui signale qu'elle n'a pas son dossier.
01:00:22Donc elle ne sait absolument pas
01:00:24les obligations de la personne
01:00:26qu'elle a en face d'elle.
01:00:28Le dossier d'Évrard est toujours
01:00:30à Caen. Cela prendra
01:00:32quelques jours avant qu'il ne soit
01:00:34transmis au juge d'application des peines
01:00:36de Rouen. Mais en attendant,
01:00:38Évrard ne respecte pas
01:00:40une autre de ses obligations.
01:00:42Prendre rendez-vous avec un médecin.
01:00:47Monsieur Évrard devait
01:00:49se présenter à un médecin
01:00:51sans qu'on l'y emmène par la main
01:00:53et puis
01:00:55envisager avec ce médecin
01:00:57la possibilité d'engager un traitement
01:00:59destiné à prévenir la récidive.
01:01:03Évrard passe
01:01:05ses journées dans son hôtel.
01:01:07À 61 ans, il est trop âgé
01:01:09pour trouver un travail. Il vivote
01:01:11avec les quelques économies
01:01:13qu'il a pu faire en prison.
01:01:15Il a un pécule de 3 000, 4 000 euros.
01:01:17Il n'a pas de quoi vivre avec cette somme-là.
01:01:19Donc il fait une demande de prêt
01:01:21et on lui accorde un prêt.
01:01:23C'est un dossier qu'il a ouvert à la case épargne,
01:01:25je pense, de Rouen. Il attend son prêt
01:01:27et l'argent.
01:01:29Début août, une fois l'argent
01:01:31débloqué, Évrard prend
01:01:33le train pour Roubaix. Il dira
01:01:35plus tard qu'à ce moment-là, il pensait
01:01:37n'y rester que quelques jours. Il n'a donc
01:01:39pas jugé utile de prévenir
01:01:41le service de probation.
01:01:43Le seul endroit qu'il a connu, c'est les années
01:01:45passées à Roubaix. Il essaye de rencontrer
01:01:47un petit peu sa famille, le peu
01:01:49de famille qui lui reste.
01:01:51Il passe 2-3 jours dans un hôtel, je pense,
01:01:53il rencontre 2-3 personnes de sa famille
01:01:55qui le rejettent.
01:01:57M. Évrard se retrouve
01:01:59à nouveau seul à Roubaix.
01:02:01M. Évrard fréquente les cafés.
01:02:03M. Évrard
01:02:05tue le temps de la même façon
01:02:07qu'il le faisait à Rouen.
01:02:09Peut-être en se sentant
01:02:11davantage chez lui, malgré tout.
01:02:13Et finalement,
01:02:15Évrard décide de rester à Roubaix.
01:02:17Un jour,
01:02:19il entre au Métropole,
01:02:21un bar du centre-ville où il fait
01:02:23la connaissance du patron.
01:02:25Vous êtes le seul café d'ouvert
01:02:27le soir.
01:02:29C'est bien, demain je reviens.
01:02:31Effectivement,
01:02:33le lendemain matin,
01:02:35il est venu déjeuner chez moi.
01:02:37Et après, il était là
01:02:39le matin, le midi,
01:02:41le soir.
01:02:43Il se sent bien au Métropole.
01:02:45Il s'y fait des copains.
01:02:47Et il ne cache pas son passé de tollard.
01:02:49Il arrange juste un peu l'histoire
01:02:51pour rouler des mécaniques.
01:02:53Il m'a dit,
01:02:55je sors de prison.
01:02:57J'ai passé 18 ans
01:02:59parce que
01:03:01on a abusé de ma femme.
01:03:03Le type,
01:03:05il lui a mis un baston
01:03:07dans la tête.
01:03:09J'ai payé.
01:03:11Je suis là.
01:03:13Francis Évrard
01:03:15est généreux avec ses nouveaux amis.
01:03:17C'est souvent lui qui offre la tournée.
01:03:19Alors très vite,
01:03:21il se retrouve à court d'argent.
01:03:23Il ne peut plus payer sa chambre d'hôtel.
01:03:25Il campe donc dans son garage,
01:03:27ce box qu'il loue
01:03:29depuis la mort de sa mère
01:03:31pour y entreposer les meubles dont il a hérité.
01:03:33Il y a même des clients
01:03:35qui lui ont dit,
01:03:37une fois qu'on a su
01:03:39qu'il habitait dans le box
01:03:41de sa mère,
01:03:43des clients qui lui ont proposé
01:03:45de le prendre chez lui
01:03:47pour prendre sa douche, pour se raser.
01:03:51Tout le monde était prêt à l'aider.
01:03:53Mi-août,
01:03:55cela fait maintenant plus de 2 semaines
01:03:57qu'Évrard est à Roubaix
01:03:59et il n'a toujours pas signalé
01:04:01son déménagement dans le Nord.
01:04:03Il en avait pourtant l'obligation.
01:04:05Monsieur Évrard nous dit
01:04:07qu'il avait l'intention
01:04:09de donner une adresse,
01:04:11de se manifester d'une manière ou d'une autre
01:04:13auprès du service de probation de Rouen.
01:04:15Mais tout cela, peut-être,
01:04:17doit-il simplement être mis
01:04:19sur le compte des veux pieux.
01:04:21Et le 15 août,
01:04:23la route d'Évrard
01:04:25croise celle d'Énis.
01:04:29Monsieur le maire,
01:04:31pourquoi le dossier de Francis Évrard
01:04:33concernant son suivi socio-judiciaire
01:04:35n'est-il pas transmis immédiatement à Rouen ?
01:04:37Parce qu'il sort à Caen,
01:04:39il est pris en charge par le juge
01:04:41de l'application des peines de Caen
01:04:43puis il décide d'aller à Rouen
01:04:45mais il faut juridiquement
01:04:47que le juge de l'application des peines
01:04:49de Caen se dessaisisse
01:04:51en faveur de celui de Rouen
01:04:53et ça demande toujours, effectivement,
01:04:55quelques jours.
01:04:57Il faut envoyer un dossier papier,
01:04:59ça a pris une quinzaine de jours
01:05:01et dans ce délai,
01:05:03Francis Évrard, qui n'est pas très respectueux
01:05:05effectivement de ses obligations,
01:05:07il s'échappe
01:05:09entre les interstices.
01:05:11– Et puis on est en vacances.
01:05:13– Alors ça n'aide certainement pas
01:05:15mais il y a des permanences.
01:05:17– Mais enfin, quand même,
01:05:19le JAP de Caen se dessaisit le 18 juillet,
01:05:21le juge de Rouen,
01:05:23à son retour de vacances le 13 août,
01:05:25découvre le dossier de Francis Évrard
01:05:27et elle lui envoie une convocation
01:05:29pour le 24 août.
01:05:31Ça fait donc au moins 5 semaines ou 6 semaines
01:05:33où il n'est sans aucun contrôle
01:05:35et sans aucun suivi depuis sa libération de prison.
01:05:37– Et c'est sans doute
01:05:39là où il faut
01:05:41que l'on améliore notre système.
01:05:43– Là il y a quand même une vraie faille.
01:05:45Mais est-ce qu'à l'époque
01:05:47vous aviez les moyens
01:05:49d'empêcher que quelqu'un qui récidive
01:05:51à chaque fois qu'il sort
01:05:53ne recommence encore une fois ?
01:05:55– La loi est assez neuve
01:05:57et à mon sens
01:05:59les dispositifs sont encore en rodage.
01:06:01C'est embryonnaire.
01:06:03Et ça reste quand même une des grandes questions
01:06:05qui est posée
01:06:07à l'administration pénitentiaire
01:06:09et à la justice mais également à la médecine
01:06:11de savoir effectivement
01:06:13comment on suit ces délinquants
01:06:15qui ont des potentialités fortes
01:06:17de récidive.
01:06:24– Jérôme Pianetza, vous êtes l'avocat
01:06:26de Francis Évrard.
01:06:28Quel argument trouvez-vous pour le défendre ?
01:06:30– J'ai vraiment le sentiment
01:06:32qu'il y a un défi à relever.
01:06:34C'est qu'il est immédiatement présenté
01:06:36comme étant un monstre prédateur.
01:06:38On l'a résumé,
01:06:40on l'a cadré dans cette petite case
01:06:42et je veux absolument
01:06:44et c'est mon leitmotiv
01:06:46en toute sa défense
01:06:48de bien vouloir faire comprendre
01:06:50qu'il n'est pas que ça.
01:06:52– Vous l'avez rencontré à plusieurs reprises
01:06:54et quelle impression il vous a faite ?
01:06:56– Il est pédophile,
01:06:58et il le dit,
01:07:00et il le reconnaît,
01:07:02mais il est aussi quelqu'un
01:07:04de complètement perdu
01:07:06et c'est quelqu'un qui parle.
01:07:08Il est même volubile
01:07:10et il est sans tabou,
01:07:12ce qui peut à la fois choquer bien évidemment
01:07:14parce qu'il veut expliquer
01:07:16ce qui se passe en lui
01:07:18et ce qui fait qu'il passe à l'acte.
01:07:20– Ce n'est pas un peu de l'exhibitionnisme de sa part ?
01:07:22– Peut-être, mais enfin en même temps
01:07:24on a tout fait dans le cadre de son dossier
01:07:26pour le mettre en lumière.
01:07:28La médiatisation a été très très forte,
01:07:30excessive, très clairement.
01:07:32Beaucoup se sont mêlés de ce dossier,
01:07:34y compris les plus hautes instances.
01:07:36Le président de la République en l'occurrence aussi.
01:07:38– Ça vous gêne ça, pour votre défense ?
01:07:40– Évidemment que ça me gêne
01:07:42et puis que cette politisation, cette médiatisation
01:07:44repose finalement sur une double méprise
01:07:46si ce n'est sur un double mensonge.
01:07:48On veut faire du dossier de Francis Évrard
01:07:50et de Francis Évrard un exemple.
01:07:52Juger quelqu'un, ce n'est pas faire un exemple.
01:07:54Ou alors c'est le Far West.
01:07:56Et c'est aussi un mensonge
01:07:58dans le sens où
01:08:00on fait volontairement abstraction
01:08:02du fait que l'État, la justice
01:08:04n'a pas été exemplaire du tout
01:08:06dans le cadre du suivi de Francis Évrard
01:08:08à partir du moment où il est sorti de la maison d'arrêt de Caen.
01:08:10– Et pour vous, quel est donc
01:08:12l'enjeu du procès ?
01:08:14– C'est que personne ne se cache
01:08:16derrière son petit doigt et que
01:08:18on admette que
01:08:20la gestion de ces délinquants sexuels
01:08:22à leur sortie n'existe pas.
01:08:24Il est bien sûr responsable à 90%
01:08:26de ce qu'il a commis, il ne conteste pas.
01:08:28Mais
01:08:30si on veut juger Francis Évrard correctement
01:08:32il faut tout mettre sur la table.
01:08:34Y compris
01:08:36le fait qu'on n'a absolument pas
01:08:38réagi correctement
01:08:40à la sortie de cet homme.
01:08:42Y compris sur le fait qu'on ne l'a pas convoqué immédiatement.
01:08:44Y compris sur le fait que
01:08:46lorsqu'un juge d'application des peines est en vacances
01:08:48le monde s'arrête de tourner et qu'on demande
01:08:50à M. Évrard de repasser plus tard.
01:08:52– Donc pour vous il s'agit de pointer les responsabilités
01:08:54des uns et des autres ?
01:08:56– C'est, me semble-t-il, de cette façon-là uniquement
01:08:58qu'on peut juger correctement Francis Évrard
01:09:00et sortir de cette image qui arrange bien tout le monde finalement.
01:09:02C'est un monstre, c'est un prédateur,
01:09:04on n'a plus rien à faire de lui, il faut l'éliminer.
01:09:06Musique
01:09:08Musique
01:09:10Musique
01:09:12Musique
01:09:14A quelques jours de son procès,
01:09:16Évrard lance un SOS.
01:09:18Il se dit victime de sépultion,
01:09:20victime d'une justice
01:09:22qui n'a pas su lui proposer
01:09:24de réponse médicale efficace.
01:09:26Alors, il réclame
01:09:28une solution radicale.
01:09:30– Francis Évrard écrit au chef de l'État
01:09:32pour lui demander, lui-même,
01:09:34d'autoriser sa castration physique.
01:09:36C'est une pratique interdite en France.
01:09:38Évrard écrit
01:09:40qu'il souhaite subir une ablation des testicules.
01:09:42Il ajoute qu'à son âge,
01:09:44cela ne risque pas de le handicaper.
01:09:46Au contraire, il veut
01:09:48empêcher ces tendances envers les enfants.
01:09:50Pour les victimes,
01:09:52ce n'est qu'un stratagème de défense.
01:09:54– On a l'impression qu'il veut
01:09:56reprovoquer une polémique
01:09:58et là, nous allons nous faire avoir
01:10:00parce que nous allons tous
01:10:02entrer dans son jeu.
01:10:04– Le père d'Enis
01:10:06espérait arriver serein au procès.
01:10:08Cette demande l'exaspère.
01:10:10– Je suis indigné,
01:10:12je ne comprends pas, parce que pour moi,
01:10:14je pense que c'est une manipulation pour sa défense.
01:10:16Parce que c'est vraiment bizarre
01:10:18ce soit 10 jours avant le procès.
01:10:20L'opération qu'il propose est une opération
01:10:22qui n'est pas possible, qui est interdite.
01:10:24Ce n'est absolument pas quelque chose
01:10:26qui va dans le sens du respect de l'être humain.
01:10:28C'est vraiment du grand n'importe quoi
01:10:30Je crois qu'il se met en scène
01:10:34une mise en scène perverse.
01:10:36En admettant même qu'il puisse penser
01:10:38que cette opération serait possible,
01:10:40je ne crois pas qu'il la demande.
01:10:48– Maître Pianetza,
01:10:50cette annonce 10 jours avant le procès,
01:10:52est-ce que c'est une stratégie de défense
01:10:54que vous lui avez soufflé ?
01:10:56– Non, c'est quelque chose
01:10:58qu'il a mûri assez rapidement
01:11:00à la fin de son instruction.
01:11:02D'abord, première chose,
01:11:04il en avait déjà parlé, on s'en est rendu compte après,
01:11:06il y a très longtemps, en 1985 je crois de mémoire,
01:11:08il avait évoqué cela à un moment donné à un intervenant.
01:11:10Il en avait parlé aussi au juge d'instruction
01:11:12très fugitivement lors d'un interrogatoire
01:11:14du dossier Dennis.
01:11:16Et puis, il va écrire au président de la République
01:11:18et il me demande
01:11:20de rendre publique cette lettre
01:11:22parce que la présidence ne lui répond pas.
01:11:24Donc, voilà ce qui s'est passé
01:11:26et j'ai respecté sa demande.
01:11:28– C'est vous qui avez donc rendu publique cette lettre ?
01:11:30– C'est moi qui ai rendu publique cette lettre
01:11:32parce qu'il me l'a demandé.
01:11:34Moi j'avoue que j'ai été assez surpris
01:11:36et en même temps effrayé.
01:11:38Mais j'ai respecté son souhait
01:11:40parce que, la lettre l'explique très bien d'ailleurs,
01:11:42il en arrive à des extrémités
01:11:44qui sont évidemment,
01:11:46un, illégales, deux, impossibles
01:11:48et heureusement, il ne s'agit évidemment pas
01:11:50de légiférer sur une mutilation en France.
01:11:52Enfin, je suis évidemment totalement contre
01:11:54mais c'est aussi
01:11:56le cri de désespoir d'un type
01:11:58qui manifestement est au bout du rouleau,
01:12:00très fatigué à ce moment-là,
01:12:02qui a l'impression peut-être que son dossier lui échappe
01:12:04et qui veut absolument qu'on se rappelle
01:12:06qu'il veut participer à son procès,
01:12:08qu'il veut qu'on entende sa parole.
01:12:10– Le procès de Francis Évrard s'est ouvert ce matin
01:12:14devant la cour d'assises du Nord à Douai.
01:12:16Cet homme de 63 ans,
01:12:18déjà plusieurs fois condamné
01:12:20est poursuivi pour l'enlèvement,
01:12:22pour la séquestration et le viol du petit Ennis.
01:12:26– C'est la quatrième fois
01:12:28qu'Évrard passe devant une cour d'assises.
01:12:30Le procès doit durer 5 jours.
01:12:34– J'étais mal, puisque j'appréhendais déjà
01:12:36de ma réaction,
01:12:38que j'allais le voir en face de moi.
01:12:40Moi, je voulais l'avoir
01:12:42yeux dans les yeux
01:12:44pour voir comment elle allait réagir,
01:12:46mais elle a toujours évité
01:12:48ce regard-là.
01:12:52– Le père d'Ennis attend des réponses.
01:12:54Mais Évrard est un vieux routier
01:12:56des assises.
01:12:58Le premier jour, il explique à la cour
01:13:00qu'il ne se souvient plus trop des faits.
01:13:04– Vous êtes accusé de viol,
01:13:06c'est-à-dire pénétration en l'espèce.
01:13:08Ce qui vous est reproché,
01:13:10c'est d'avoir introduit votre doigt
01:13:12dans l'anus de l'enfant.
01:13:14– Exact. – Vous reconnaissez les faits ?
01:13:16– Exact. – Donc vous avez...
01:13:18– Malgré que j'avais une pensée
01:13:20que je ne l'avais pas fait,
01:13:22je pense qu'il est quand même temps,
01:13:24maintenant,
01:13:26de dire que vraiment ça s'est passé.
01:13:28Mais j'ai toujours un doute en moi,
01:13:30mais je préfère le dire quand même.
01:13:32– Il sait très bien, Évrard,
01:13:34que c'est un viol
01:13:36s'il reconnaît
01:13:38l'avoir pénétré.
01:13:40Si en revanche,
01:13:42on reste dans un concept
01:13:44d'attouchement,
01:13:46évidemment, il sait très bien
01:13:48que la cour en tirera les conséquences
01:13:50et il joue là-dessus.
01:13:52– Oui, ça m'est arrivé, oui.
01:13:54– Sur le reste,
01:13:56sa vie, son enfance,
01:13:58son séjour à Roubaix,
01:14:00Évrard est beaucoup plus bavard.
01:14:02– Évrard, c'est quelqu'un qui recherche
01:14:04un auditoire.
01:14:06Il veut un public. Il aime s'exprimer.
01:14:08Il a parfois des comportements
01:14:10même provocateurs, parce qu'il sait
01:14:12que s'il est provocateur,
01:14:14ça sera repris, par exemple,
01:14:16par un président.
01:14:18Vous allez rigoler ?
01:14:20– Oh, c'est peu probable, monsieur.
01:14:22– C'est la première fois
01:14:24qu'on me pose autant de questions
01:14:26comme aujourd'hui. Chaque fois
01:14:28que je suis passé aux assises,
01:14:30tout ce qu'ils se sont contentés,
01:14:32c'est de me condamner, c'est tout.
01:14:34Je peux vous dire ça. Je n'ai jamais eu
01:14:36autant d'attention de la part
01:14:38d'un président de cour d'assises.
01:14:40– Mais quand, au deuxième jour,
01:14:42on en revient au fait,
01:14:44il tente de se justifier.
01:14:46Il a des pulsions, il n'y peut rien.
01:14:48– Bonjour, monsieur.
01:14:50C'est comme une vague qui m'envahit
01:14:52que je ne peux pas réfréner.
01:14:54C'est impossible.
01:14:56Et j'aurais voulu avoir eu
01:14:58le traitement
01:15:00dont je devais avoir,
01:15:02parce que je savais que si j'avais eu ce traitement,
01:15:04jamais, jamais, vous ne me verrez ici.
01:15:06J'étais d'accord
01:15:08et volontaire pour le faire.
01:15:10– Alors si vous êtes d'accord et volontaire,
01:15:12vous avez le numéro de téléphone,
01:15:14vous avez le nom du médecin,
01:15:16pourquoi vous n'y allez pas ?
01:15:18– Évrard cherche à nouveau à se dédouaner.
01:15:20Il attendait simplement la convocation
01:15:22du juge d'application des peines.
01:15:24– Vous saviez que j'étais dangereux.
01:15:26C'était à vous de me suivre de plus près
01:15:28si vous me considériez comme si dangereux que cela.
01:15:30Moi, finalement,
01:15:32je vous reproche, vous, justice,
01:15:34de ne pas avoir bien pris en compte
01:15:36qui j'étais.
01:15:38Et si vous m'avez laissé autant de liberté,
01:15:40ne vous étonnez pas que j'ai pu en user ou en abuser.
01:15:42Il est habile.
01:15:44– Puis ce jour-là, vers 14h30,
01:15:46j'arrivais à la maison.
01:15:48Mauvaise surprise,
01:15:50mon fils, il n'est pas là.
01:15:52– Mais quand c'est au tour de Mustapha
01:15:54de témoigner,
01:15:56l'ambiance change.
01:15:58Devant l'émotion du père,
01:16:00Évrard fait profil bas.
01:16:04– Excusez-moi.
01:16:06– Le lendemain,
01:16:08le témoignage du petit Ennis
01:16:10est diffusé devant la cour d'assise
01:16:12dans un silence religieux.
01:16:14– Il a laissé mes habits.
01:16:16– Il a laissé tes habits ?
01:16:18Mais alors, il les met où, tes habits ?
01:16:20– Votre enfant vous raconte, mais quand vous le voyez,
01:16:22c'est deux choses différentes.
01:16:24Moi, je ne l'ai pas regardé, je n'ai pas pu.
01:16:26Parce qu'à ce moment-là, je pleurais tout le temps.
01:16:28J'avais des larmes.
01:16:30Et mes yeux, ils ne voyaient même pas.
01:16:32Je ne pouvais plus voir à la télé.
01:16:34– Et toi, qu'est-ce que tu dis, monsieur ?
01:16:36– L'attitude d'Évrard choque tout le monde.
01:16:40– Je vous ai regardé à plusieurs reprises,
01:16:42et j'ai eu l'impression
01:16:44que par moments, en tout cas,
01:16:46il y avait un sourire sur votre visage.
01:16:48– Si j'ai eu un sourire,
01:16:50c'est peut-être
01:16:52à les réponses qu'il fournissait.
01:16:54Il était marrant, je veux dire, c'est ça.
01:16:56C'est peut-être à cause de ça que j'ai souri.
01:16:58– C'est vrai que voir lui qui sourit comme ça,
01:17:00c'est pour vous dire dans quel état d'esprit il est.
01:17:02C'est pour vous dire que
01:17:04c'est qu'un égoïste qui pense qu'à lui
01:17:06et que faire du mal à des enfants,
01:17:08ça ne le gêne pas du tout.
01:17:12– Au dernier jour du procès,
01:17:14le réquisitoire de l'avocat général
01:17:16sonne la lalie de Francis Évrard.
01:17:20– Mais sincèrement, Francis Évrard,
01:17:22vous le savez, vous.
01:17:24Vous savez bien que ça n'aurait rien changé.
01:17:26Vous savez bien que ce n'est pas parce que vous auriez vu
01:17:28le juge d'application des peines,
01:17:30une demi-heure dans son bureau,
01:17:32après votre sortie de prison, que ça aurait changé quelque chose.
01:17:34Vous êtes l'erreur du système.
01:17:36On ne peut rien pour vous.
01:17:38Vous avez entendu ? On ne peut rien pour vous actuellement.
01:17:44– Sans surprise,
01:17:46l'avocat général requiert
01:17:48la réclusion criminelle à perpétuité
01:17:50assortie d'une peine de sûreté
01:17:52de 22 ans.
01:17:54– On ne va pas changer à cet âge-là.
01:17:56Est-ce qu'en tant qu'avocat de la société,
01:17:58je vais prendre le risque
01:18:00de lui demander une peine
01:18:02qui lui permettra,
01:18:04dans 10 ans, 15 ans, de se retrouver dehors,
01:18:06en contact avec des enfants ?
01:18:08Non. C'est un pari que je ne peux pas prendre.
01:18:10Moi, ce qui m'intéressait,
01:18:12c'est qu'il ait une lourde peine.
01:18:14Je ne voulais pas qu'il ressorte.
01:18:16Je voulais vraiment la perpétuité,
01:18:18parce que c'est quelqu'un de très dangereux pour les enfants.
01:18:20Je ne voulais pas qu'il sorte.
01:18:24– Le 30 octobre 2009,
01:18:26Francis Évrard a 63 ans.
01:18:28Quand la Cour d'assises du Nord
01:18:30le condamne à 30 ans de prison,
01:18:32avec une peine de sûreté de 20 ans.