Comment s'adapter à des températures extrêmes demain à Marseille? Il est urgent d'adapter le bâti d'autant que 90% de la ville est déjà construite et que le coût de l'inaction risque de coûter très cher.
00:00Bonjour, bienvenue à tous. Smartimo, depuis le forum des projets urbains, nous sommes en compagnie de Frédéric Bossard. Frédéric, bonjour.
00:11Bonjour.
00:11Vous êtes directeur général d'agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise et avec vous, justement, on fait un focus sur cette magnifique ville de Marseille.
00:18On est ici depuis le Vieux-Port. C'est vrai qu'on sent bien l'urgence climatique à Marseille.
00:24Alors, on parle beaucoup de votre ville qui s'est embellie ces dernières années, des grands projets urbains.
00:29C'est vrai qu'il y avait un petit peu urgence également sur le bâti. Vous dites qu'il faut s'adapter à ce changement. Il y a urgence à s'adapter aujourd'hui.
00:38Oui, effectivement, il y a urgence à s'adapter. Ce n'est pas parce qu'on n'y pense que depuis aujourd'hui ou hier.
00:45Je crois que la question de développement durable, de soutenabilité ou de changement climatique sont des notions qui sont là depuis une bonne vingtaine d'années.
00:53Mais jusqu'à maintenant, on ne pensait pas tout à fait la même chose. On se disait que déconsommer, on se disait que déréguler les choses ferait que ça se ferait, que ça s'atténuerait.
01:04Et on voit bien que la déconsommation, si elle n'est nécessaire, elle n'est pas suffisante. Et aujourd'hui, il faut s'adapter.
01:10Alors, pourquoi il faut s'adapter ? Tout simplement parce que la ville se régénère de façon très, très lente.
01:15Je parlais tout à l'heure d'à peu près 1% par an, ce qui veut dire concrètement que la ville de 2050 est déjà là.
01:22La ville de demain existe déjà ?
01:23Elle existe déjà, pour au moins les deux tiers, pour ne pas dire les trois quarts.
01:27Donc, ça veut dire que si elle est déjà là, il va falloir composer avec. Et s'il faut composer avec, alors il faut s'adapter.
01:33On va voir comment s'adapter dans un instant. Mais d'abord, vous soulignez aussi le coût de l'inaction.
01:37C'est-à-dire que ne rien faire, ça va finalement empirer les choses. Ça coûtera d'autant plus cher demain.
01:42Absolument. Parce qu'il faudra agir vite, dans l'urgence, au coup par coup, sans avoir pensé, prévu et peut-être engagé des politiques pour ça.
01:51Donc, ça veut dire que forcément, il va y avoir du dégât. Et donc, ça coûtera beaucoup plus cher.
01:55Ce forum des projets urbains, il se tient à mi-juin. On sent déjà la chaleur dans la ville. Il faut 30 degrés, ressenti 32.
02:02On sent aussi toute la minéralité de la ville. Alors, Frédéric, comment on adapte Marseille au changement climatique à cet horizon ?
02:10On ne sait pas si c'est 2035, 2040, 2050.
02:13Alors, on s'adapte de différentes manières. C'est ça qui est compliqué ou complexe parce qu'il faut hybrider les choses.
02:19Ce que je veux dire par là, c'est que ça touche, on en parle beaucoup, le bâtiment avec les systèmes d'isolation ou autre.
02:25Mais là encore, ce n'est pas suffisant. La ville, c'est une trame urbaine.
02:29C'est des espaces publics. Et puis, ce sont d'autres éléments plus économiques ou sociaux.
02:34Donc, si on parle d'architecture et d'adaptation, il faut aussi penser à la trame urbaine, surtout en milieu méditerranéen,
02:40qui est une trame souvent héritée de l'histoire, des villes moyenâgeuses, des trames resserrées.
02:44Parce qu'en plus, il faut éviter le soleil en été. Il faut essayer d'éviter le mistral en hiver.
02:49Et donc, cette trame resserrée engendre de la surchauffe, engendre une proximité qui fait qu'on a de la densité.
02:56Et donc, il faut adapter ce bâti. Et quand on adapte ce bâti, il ne faut pas forcément penser que le bâtiment sur lequel on va intervenir,
03:03mais il faut peut-être penser plus large, l'île-l'eau. Il faut pouvoir penser le soleil. Il faut pouvoir penser la protection du soleil, etc.
03:10L'espace public, c'est la même chose. Pendant très longtemps, l'espace public, depuis les Trente Glorieuses, globalement, c'est l'espace de la voiture.
03:17Même si, historiquement, le trottoir a été inventé par les commerçants qui ont payé des taxes trottoirs pour avoir des trottoirs devant leur commerce.
03:24Pour autant, le monde moderne a mis la voiture du moins au centre de l'espace public, donc dans un espace plutôt fonctionnel.
03:32Et une voiture s'arrange mal des arbres, etc. Donc, on a beaucoup laissé d'espace à la voiture et finalement, relativement peu à l'individu.
03:40Et aujourd'hui, je crois qu'on est en train d'inverser les choses.
03:43Donc, ça pose le problème, évidemment, de l'adaptation. Comment on met du mobilier ? Comment on met de la végétation pour, encore une fois, se protéger du vent, se protéger du soleil, etc.
03:53Comment on crée, pardon du terme, des aménités, des choses qui nous permettent d'être bien, de bien vivre l'espace public.
04:01D'autant dans un espace méditerranéen qui est souvent le prolongement de chez soi, quand on a des appartements un peu trop exigus, un petit peu trop chauffés.
04:09Et ensuite, comment on enlève la voiture, mais comment on crée un espace économiquement viable, parce que la voiture, les terrasses, ce sont des taxes, c'est de la fiscalité locale.
04:18Et quand on les enlève, on enlève une capacité d'entretien de l'espace public. Donc, il faut aussi changer de modèle économique, s'adapter économiquement.
04:25Toute une équation économique, c'est ça, à se modifier. C'est vrai qu'on voit dans la capitale, notamment, ou dans d'autres grandes villes, une place de la voiture qui est en diminution, de la piétonnisation.
04:35Alors, on a eu un petit recul, notamment sur la ZFE, qui vient d'être, sinon un projet, reporté. Est-ce qu'à Marseille, où on sait que la densité, ça pose toujours un petit problème, cette densité de voitures, toujours des soucis de circulation,
04:49est-ce que c'est en étude aujourd'hui pour redonner de la place à l'espace public au détriment de la voiture ?
04:55Ah oui, oui, la dynamique est clairement en marche sur Marseille depuis quelque temps. La ville travaille un document sur les espaces publics,
05:04un manifeste des espaces publics. La métropole travaille avec l'État sur Marseille en grand pour mettre les transports collectifs au cœur des politiques publiques et de l'irrigation des quartiers.
05:16À l'échelle de l'agence, sur les travaux que l'on mène en matière de planification de projets urbains, on travaille sur ce qu'on appelle les zones de bonne desserte,
05:23c'est-à-dire la capacité à remettre de l'intensité urbaine, à remettre de la régénération urbaine à proximité immédiate des lignes de transport en commun,
05:31précisément pour redonner beaucoup plus de place à l'espace public et donc aux piétons, à la ville des proximités et moins à la voiture.
05:38Non pas parce que la voiture doit être rejetée, mais parce qu'on sait que l'espace public est un gage de bien-être et même de santé publique.
05:44Oui, alors vous dites justement dans cet espace méditerranéen si typique, voilà l'espace public, c'est plus qu'un simple espace, c'est un espace de rencontre, un prolongement de chez soi.
05:55C'est important justement, on sait que la place publique, elle est importante pour que les gens se rencontrent, sortent aussi parce qu'il fait trop chaud souvent.
06:04Et bien sûr, ça touche aussi des populations vulnérables. Il faut pouvoir adapter la ville à ces populations.
06:09Alors il faut absolument adapter la ville à ces populations, mais je dirais à toutes les populations.
06:15En Marseille, il y a comme dans toutes les villes, une population qui a besoin d'un extérieur, vous le soulignez, pour un espace d'aération, l'extérieur du chez soi.
06:24Mais il y a d'autres types de populations également. Il y a la population des habitants de la ville de Marseille qui ont envie de pratiquer leur ville, leur espace public pour commercer, pour se rencontrer, etc.
06:35Il y a aussi Marseille, la ville touristique, qui accueille beaucoup de populations dans la période estivale et qui est un espace aussi de déambulation et de découverte privilégiée de la ville.
06:45Donc l'espace public est le support de tout cela à la fois. Et c'est pour ça qu'il est au cœur d'une réflexion sur l'adaptation de la ville méditerranéenne.
06:52Justement, si on fait un peu de prospective, Frédéric Bessard, à quoi elle va ressembler cette Marseille de 2050 ? À quoi elle pourrait ressembler ?
07:002050, c'est demain. Vous m'auriez dit 2100, on aurait fait plus de prospective.
07:04Oui, mais 2050, on sera peut-être encore là. On essaye d'être un peu positif, de voir si on va vérifier si vous avez raison.
07:102050, c'est assurément une ville qui reste une ville patrimoniale. Je vous le disais, la ville est largement irritée de l'histoire et du patrimoine.
07:19En revanche, c'est une ville dans le patrimoine dit quotidien, c'est-à-dire le patrimoine du début du 19e, du 20e siècle.
07:26Celui qui n'est pas sauvegardé, le patrimoine de monsieur, madame, tout le monde devant lequel vous passez sans regarder le matin, sera là, réhabilité, régénéré.
07:33Parce que l'immobilier actuel, le bâtiment actuel qui existe est au cœur de la promotion de demain, la réhabilitation, pour le dire autrement.
07:43C'est une ville assurément beaucoup plus végétale parce qu'il y aura des politiques publiques qui sont déjà engagées sur la revégétalisation,
07:50une stratégie de plantation au cœur de la ville avec des espaces urbains aménagés en jardin, mais aussi de la végétation dans les espaces urbains.
08:00Il y aura moins de voitures, il y aura peut-être plus de transports en commun, il y aura encore plus de cyclistes qu'aujourd'hui.
08:07Et il y aura aussi peut-être le privé qui contribuera à ce plaisir de ville parce qu'il ne faut pas imaginer que tout dépend de la puissance publique.
08:15Je parlais du végétal, le végétal privé dans les immeubles qui débordent sur les rues, qui protègent les rues,
08:22sont aussi dans la stratégie de revégétalisation et de nature en ville.
08:26Donc une ville beaucoup plus nature, beaucoup plus apaisée et une ville où il continuera à faire bon vivre et qui sera bien ventilée et bien ombragée l'été.
08:36Et bien voilà, on a presque hâte d'y être. En tout cas, la ville est en pleine transformation et c'est tant mieux cette urgence d'adaptation.
08:42Merci Fédéric Bossard, je rappelle que vous êtes directeur général de l'agence d'urbanisme de l'agglomération Mercedes et à très bientôt sur Smartimo.