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Invité : Thierry Laborde, directeur général de BNP Paribas

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00:01L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04Bonsoir à toutes et à tous. Comment se porte l'économie française avec une croissance et une inflation faibles,
00:11des défaillances d'entreprises élevées, une consommation des ménages qui ralentit ?
00:15C'est la question à laquelle on va tenter de répondre aujourd'hui avec vous Thierry Laborde, bonjour.
00:19Bonsoir Isabelle Raymond.
00:20Vous êtes le directeur général délégué de BNP Paribas, invité éco de France Info ce soir.
00:25La Banque Centrale Européenne vient de baisser ses principaux taux directeurs.
00:30C'est la huitième fois en un an.
00:32Est-ce que concrètement, ça signifie qu'avec quelques mois de décalage,
00:35les taux d'intérêt des crédits immobiliers vont baisser pour les particuliers ?
00:39Alors l'impact de cette baisse des taux de la Banque Centrale Européenne, il était déjà anticipé.
00:44Et ça n'a pas un impact direct sur les taux des crédits immobiliers.
00:48Pourquoi ?
00:48Les taux des crédits immobiliers se refinancent non pas à un an ou à deux ans, mais à dix ans.
00:53Donc c'est sur des taux plus longs.
00:55Et les taux plus longs sont un peu plus élevés que les taux courts de la Banque Centrale Européenne.
00:59Ça aura un impact, mais pas un impact direct à hauteur du 2% qu'on anticipe.
01:04Nous d'ailleurs à 1,75% en fin d'année, on anticipe encore une poursuite de cette baisse de taux d'intérêt court.
01:10Et là où c'est intéressant, c'est que c'est un facteur de soutien pour les entreprises.
01:14Parce que les entreprises, elles, elles empruntent plus court.
01:16Donc là, c'est très important pour donner confiance aux entreprises, puisqu'on voit quand même quelques délais de décision qui se sont rallongés, avec l'incertitude qu'on connaît depuis le début de l'année.
01:27Donc ça, c'est un facteur de soutien important pour la confiance des entrepreneurs en France et en Europe.
01:31Alors effectivement, vos clients, ce sont les particuliers, mais aussi les entreprises.
01:36Les défaillances, on l'a vu, ont été très élevées ces deux dernières années.
01:40Elles restent à un niveau élevé.
01:42Vous, comme banquier, est-ce que vous voyez des entreprises qui ont aujourd'hui des problèmes de trésorerie, qui ne payent pas leurs factures, qui ne payent pas leurs fournisseurs ?
01:50Alors, on peut voir dans certains secteurs, plutôt sur des entreprises de proximité, des entreprises plus petites, sur des secteurs de retail, vous voyez, de commerce au détail.
02:02Là, c'est des secteurs qui ont bien sûr souffert.
02:04On peut avoir des approches sectorielles dans la viticulture, qui sont là aussi impactées par les menaces.
02:10Toutes décisions ne sont pas prises.
02:12Il y a des négociations en cours qui avanceront sur les tarifs douaniers aux États-Unis.
02:16Mais globalement, nous, ce que nous voyons sur notre fonds de commerce, c'est un fonds de commerce qui tient bien.
02:21Et des entreprises, et en tout cas un coût du risque, qui est le premier marqueur pour une banque, d'une dégradation des entreprises qui se situe à un niveau bas.
02:28Et donc, c'est-à-dire que selon l'ancien ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, il y a la question des prêts garantis par l'État souscrits pendant le Covid.
02:37Ils n'ont pas tous été remboursés.
02:39Il reste 40 milliards à rembourser selon BPI France.
02:42Pour vous, ce n'est pas un risque ?
02:43Non, ce n'est pas un risque.
02:43Puisque, en tout cas pour nous, je regarde à l'aune de notre fonds de commerce, 85% de ces PGE sont remboursés.
02:50Donc, il reste une petite fin de remboursement.
02:53Mais on ne voit pas de risque majeur.
02:55Et en tout cas, pour les finances publiques, tout ça est couvert par les commissions.
02:59Parce qu'il ne faut jamais oublier que sur les PGE, l'État a encaissé des commissions versées par leurs entreprises
03:04pour rémunérer la garantie de l'État sur ces prêts garantis par l'Épau.
03:09Donc ça, ce n'est pas du tout un facteur de risque.
03:11Pas de facteur de risque de défaillance d'entreprises supplémentaires, des entreprises qui ne pourraient pas rembourser leur PGE.
03:16En revanche, il y a des entreprises dont le cycle de vie se termine un peu.
03:20Voilà, elles ont été soutenues un peu artificiellement par le Covid, pendant la phase Covid.
03:24Il est normal qu'on retrouve un cycle plus normal de renouvellement du tissu entrepreneurial.
03:29En revanche, ce qui est très important, ce que nous disent aussi nos clients, plutôt les grands,
03:32puisque c'est ceux que nous avons vus ces trois derniers jours à Paris,
03:36puisqu'on a organisé notre conférence dirigeant d'entreprises de toutes les grandes entreprises mondiales,
03:41c'est qu'on commence à voir, certains nous le disent en tout cas,
03:43des signaux avant-coureurs de reprise de la croissance en Europe.
03:48Donc ça, c'est un signal très positif, tiré par beaucoup la conviction et en tout cas la crédibilité
03:54des politiques budgétaires annoncées par le nouveau chancelier allemand.
03:58Il y a quand même un bazooka en termes de relance budgétaire très important.
04:02Et tous les clients allemands que nous avons vus, et la France est très dépendante,
04:05l'économie française est très dépendante de l'économie allemande,
04:08de l'économie européenne mais aussi de l'économie allemande,
04:10tous nous disent vraiment c'est crédible et on devrait voir dès l'été
04:14les premiers signaux positifs de cette relance budgétaire allemande.
04:18Et donc en termes d'investissement d'entreprises notamment,
04:20c'est-à-dire que le contexte international géopolitique avec notamment le risque de hausse
04:27des droits de douane pour les Etats-Unis, vous avez l'impression que ça ne va pas suffire
04:33à freiner les investissements des entreprises françaises et européennes.
04:38Ce que l'on voit aujourd'hui, là nous sommes au mois de juin 2025,
04:41on voit, et ça c'est un marqueur très important de la reprise à venir,
04:46on voit une reprise des volumes sur le transport maritime.
04:49C'est presque contre-intuitif, il y a eu un effet d'à-coup très bas,
04:53de baisse de ces volumes au mois d'avril, mais on voit en mai et début juin une reprise de ces volumes.
04:59Ça c'est tous les grands transporteurs mondiaux qui ont vraiment un bon indicateur avancé
05:03de reprise de l'économie et on voit encore ces éléments de confiance
05:06dans la relance budgétaire allemande qui donne confiance à beaucoup d'entreprises.
05:10Vous voyez des secteurs comme les granulats, les granulats c'est fondamental pour le BTP,
05:15pour la construction.
05:16Et donc ça c'est l'Europe qui va en profiter.
05:18Exactement, et plutôt l'Europe d'ailleurs que les Etats-Unis,
05:21parce que la situation, on a vu d'ailleurs les derniers chiffres aux Etats-Unis,
05:24ils sont quand même beaucoup moins bons.
05:25Donc c'est d'abord l'économie américaine qui va un peu souffrir,
05:29parce qu'il y a quand même des tensions inflationnistes,
05:31il y a des hausses de prix, il y a beaucoup d'entreprises européennes
05:34qui sont aux Etats-Unis,
05:36qui importent leurs biens aux Etats-Unis,
05:38mais qui vont augmenter les prix.
05:39Donc on sait qu'il y a un sous-jacent inflationniste aux Etats-Unis fort,
05:44que les taux ne vont pas baisser.
05:46D'ailleurs Jérôme Powell, le président de la Fed, résiste aux pressions politiques,
05:49il est indépendant, il a raison de résister.
05:52Et donc l'économie américaine va être dans une situation un petit peu plus difficile.
05:55Et donc ça veut dire que l'économie européenne devrait en profiter, en bénéficier.
06:00Exactement, et avec en plus quelque chose qui est un peu nouveau,
06:03alors il faut que le temps que ça se matérialise,
06:05mais vous avez peut-être vu, a été annoncé hier,
06:08hier jeudi, le lancement du label européen sur des produits d'épargne,
06:13pour labelliser des produits qui investissent,
06:15des produits d'épargne pour les Européens,
06:16qui investissent à 70% dans les actions ou les obligations d'entreprises européennes.
06:21Et nous ce que l'on voit chez BNP Paribas,
06:23c'est quand même des investissements, des allocations d'actifs
06:26qui allaient plus sur les Etats-Unis
06:28et qui ont tendance à revenir sur le continent européen.
06:31Alors un dernier sujet sur lequel je voulais vous interroger Thierry Laborde,
06:35c'est le projet d'euro numérique,
06:37qui est cher, vous le savez, à la Banque Centrale Européenne.
06:40Il pourrait, au sein de la zone euro,
06:42permettre aux clients de se passer des réseaux de paiement américains
06:45qu'on utilise tous au quotidien, Visa, Mastercard,
06:48pour les transactions.
06:50Pourquoi est-ce que vous n'y êtes pas favorable ?
06:52Alors nous sommes très nombreux.
06:53Vous, les banques françaises.
06:54Ce n'est pas que nous n'y sommes pas favorables,
06:55c'est que nous ne trouvons pas la raison,
06:59la raison d'être d'un tel projet.
07:01Puisque les cas d'usage,
07:02quand vous êtes en France, en Europe,
07:04vous arrivez à payer partout sans aucune difficulté.
07:07La faille de marché n'existe pas sur les paiements en Europe.
07:10C'est encore plus vrai en France,
07:11où les paiements sont d'ailleurs très souverains.
07:13Puisque le premier réseau de paiements en France,
07:17il est totalement français.
07:18Il est propriétaire des banques françaises,
07:20mais aussi des grands commerçants français.
07:22Et il s'appelle Carte bancaire.
07:24Et ce réseau, il a réinvesti dans la technologie,
07:26il a réinvesti dans l'innovation,
07:28et il assure quelque part la souveraineté des paiements en France.
07:31Mais on utilise tous Mastercard et Visa pour nos transactions.
07:34Non, non.
07:34En France, vous utilisez majoritairement des cartes,
07:36ce qu'on appelle co-marquées,
07:38avec les deux marques.
07:39Et quand vous payez avec une carte,
07:41Carte bancaire, Visa,
07:42Carte bancaire, Mastercard en France,
07:45c'est le réseau français qui est utilisé.
07:47Ce n'est pas le réseau américain.
07:48Ce que veulent faire les acteurs nord-américains,
07:52c'est faire que leurs cartes soient monomarques,
07:54seulement Visa, seulement Mastercard.
07:57Et en France, nous avons trouvé cet accord de cartes co-marquées
08:00et qui permet de bien répartir les usages hors des frontières.
08:04Quand le paiement n'est pas fait en paiement domestique,
08:06et quand il est fait en paiement domestique,
08:08c'est bien les infrastructures nationales qui sont utilisées.
08:11Et donc, ce que vous dites à la BCE,
08:13c'est qu'on n'a pas besoin de cet euronumérique.
08:14Un, on n'en a pas besoin.
08:15Un, on n'en a pas besoin.
08:16En tout cas, on ne comprend pas les raisons.
08:18Il faut mieux qu'on nous les explique, parce qu'on ne les comprend pas.
08:20Deux, le coût de ce projet, et je le dis, est faramineux,
08:24l'étude vient d'être publiée hier.
08:26Elle est estimée pour le seul coût d'implémentation de la solution
08:29dans le monde bancaire européen,
08:31entre 18 et 30 milliards d'euros.
08:34À payer par les banques.
08:35À payer par les banques.
08:36Et donc, vous dites non à cet euronumérique en l'état.
08:38On dit qu'il n'y a pas d'usage, qu'il n'y a pas de faille de marché.
08:41C'est un peu dommage d'utiliser une telle capacité d'investissement,
08:44alors que l'Europe a besoin de beaucoup d'autres investissements
08:47que les banques peuvent financer,
08:48plutôt que de les investir dans ce projet
08:51qui n'a pas de cas d'usage.
08:53Et puis, la deuxième raison, ça, il ne faut pas l'oublier,
08:55c'est important pour vos auditeurs,
08:56c'est qu'il y a un petit risque quand même sur la stabilité financière.
08:59Parce qu'un euro numérique,
09:01avec de la monnaie banque centrale,
09:02les dépôts, ils ne sont plus dans la banque.
09:06Ils sont sur les comptes de la banque centrale.
09:08Donc, c'est des dépôts que vous ne pouvez plus utiliser
09:09pour financer l'économie.
09:10Et c'est important de le souligner.
09:12Merci beaucoup Thierry Laborde,
09:14directeur général délégué de BNP Paribas,
09:17invité éco de France Info ce soir.
09:19Merci à vous.

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