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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 25 juin 2025, le réalisateur et acteur Jean-Pascal Zadi. Son film "Le grand déplacement" sort aujourd'hui.

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Transcription
00:00Bonjour Jean-Pascal Zaddy.
00:01Bonjour Elodie.
00:02Vous êtes un artiste multidisciplinaire, tour à tour, réalisateur, acteur, producteur de cinéma, rappeur dans le groupe La Cellule.
00:07C'est d'ailleurs avec la musique que vous avez démarré avant de déverrouiller la porte
00:10et de réaliser votre premier documentaire des Halles au bac, justement sur le rap français indépendant.
00:17Un essai sur grand écran, suivi par des films que vous avez autoproduits, je pense à Cramé en 2008.
00:22Il y a eu African Gangster en 2010, Sans Pudin ni Moral, c'était en 2011.
00:26La consécration est arrivée évidemment avec votre comédie Tout Simplement Noir.
00:29et le César du meilleur espoir masculin.
00:31Et la série Netflix en place, que vous avez également réalisée, en plus d'y incarner le rôle principal.
00:36Aujourd'hui, vous êtes à l'affiche du film Le Grand Déplacement.
00:39Vous le réalisez également, qui sort aujourd'hui, avec une pléiade d'acteurs incontournables.
00:43Fahri, Claudia Taqbo, Fadili Kamara, Reda Kadeb, Lou Sanzeu Yakuza, je ne vais pas tous les citer.
00:49Ou l'histoire d'hommes et de femmes africains qui ont été choisis parce que sélectionnés pour leur excellence
00:54afin de réaliser la première expédition spatiale africaine.
00:57Vous appelez ça la Black Star Line.
00:59Le but est de montrer au monde entier, notamment aux Occidentaux, que l'Afrique en est capable.
01:03Alors, en personnages principaux, pas d'acteurs blancs héroïques.
01:06Des situations de racisme ordinaire inversées.
01:09Des a priori sur les femmes qui n'ont plus leur place aujourd'hui.
01:11Un regard aussi sur les dirigeants des pays africains, souvent corrompus.
01:14Sur les religions.
01:16Ce film montre le quotidien, finalement, de celles et ceux qui ont une couleur de peau, une religion différente,
01:20qui vivent ces situations régulièrement.
01:23Cette comédie n'est-elle pas là pour nous secouer, nous obliger à réfléchir davantage sur notre rapport à l'autre
01:28et notre incapacité collective à communiquer sans heure ?
01:31Elle était longue, la question.
01:34Non, en fait, ce film, c'est d'abord un film sur le groupe.
01:41Parce que moi, je suis convaincu que quand on est ensemble et quand on fait les choses ensemble,
01:45même si on a des différences, même si on peut paraître un peu pas à notre place,
01:52quand on est ensemble, quand on est en groupe, on peut faire de grandes choses.
01:56Et vraiment, ça, j'y crois vraiment.
01:58Alors moi, j'ai fait le parallèle avec une mission spatiale africaine,
02:01mais je pense qu'on peut le retranscrire à la France, au monde, à l'Amérique latine.
02:07Ça, c'est vraiment un truc auquel je crois, en fait.
02:09Et évidemment, oui, le fait d'avoir choisi de faire une mission spatiale africaine,
02:12moi, ça me permet de mettre en perspective plein de choses.
02:15La relation entre intra-noir, la relation que les hommes peuvent avoir avec la femme noire.
02:24J'essaye de mettre plein de thématiques dedans.
02:26Mais mon vrai, vrai, vrai, vrai propos, c'est la notion de groupe et d'espoir.
02:30– Quand on aborde le racisme, Jean-Pascal, c'est toujours très difficile.
02:34Parce qu'on se dit toujours, tiens, lui, il est de ce côté-là, nous, on est de ce côté-là.
02:38Quelque part, ça crée une tension, finalement, une séparation.
02:41L'un des personnages, justement, est contre les Blancs, il le dit d'ailleurs.
02:44Il est hors de question qu'il y ait un Blanc ici, c'est hors de question, etc.
02:47Beaucoup disent, quand on évoque le racisme anti-Blanc, qu'il n'existe pas, qu'il le réfute.
02:51Vous pensez que le racisme anti-Blanc, il existe ou pas, Jean-Pascal ?
02:53– Non, moi, je pense que c'est une…
02:57En fait, il faut faire la différence…
02:58C'est une hérésie, je n'ai pas fini ma phrase.
03:00Je pense qu'il faut faire la différence…
03:02J'en parlais à ma fille, en plus, il n'y a pas longtemps, c'est incroyable.
03:05Il faut faire la différence entre le racisme,
03:07qui est un concept sociétal et qui est à prendre en globalité,
03:12et des hostilités prépondérantes qui peuvent arriver.
03:16Pour moi, le racisme… Enfin, ce n'est pas pour moi.
03:18Déjà, comment le racisme a été organisé ?
03:20C'était pour imposer une idée à la société et justifier, en fait, les différences de traitement.
03:27Par exemple, si vous êtes noir ou si vous êtes arabe ou si vous êtes asiatique,
03:32votre quotidien est chamboulé.
03:34C'est-à-dire que, dans la société occidentale, je parle,
03:37pour avoir un boulot, pour rentrer dans une boîte de nuit,
03:41pour avoir un appartement, ça va être un frein.
03:43Alors qu'un blanc, dans la société, je ne pense pas qu'il ait un frein pour avoir un appartement
03:49ou pour rentrer en boîte de nuit ou pour avoir un travail.
03:53Par contre, il peut rencontrer de l'hostilité.
03:57Et ça, cette hostilité-là, elle est inhérente à l'être humain.
03:59Il y a un humain qui peut dire des bêtises et qui peut dire
04:01« Ouais, toi, le blanc là-bas ! »
04:03ou même agresser quelqu'un juste parce qu'il est blanc.
04:05Et ça, c'est de l'hostilité.
04:06Mais le racisme, c'est un système.
04:08Ce n'est pas des comportements qui peuvent arriver.
04:12Pas de réponse.
04:14Il y a aussi un moment, un regard sur l'esclavagisme.
04:16Ça, c'est assez fort.
04:17Et sur le passé, de fait.
04:19Et vous dites à un moment, il abondeau l'esclavage.
04:22On ne peut rien dire sur les blacks.
04:24C'est bien super drôle parce que c'est un black qui dit ça.
04:27Le passé est lourd de conséquences.
04:29Et est-ce qu'il est au cœur des mots ?
04:30Parce que quand on regarde bien ceux qui ont appliqué l'esclavagisme,
04:33ils ne sont plus là.
04:34Et les générations d'après, que ce soit du côté, entre guillemets,
04:37des forcenés, donc ceux qui ont appliqué l'esclavagisme
04:40ou de ceux, les opprimés, qui ont vécu.
04:42Ce sont de nouvelles générations qui n'ont rien à voir,
04:44finalement, avec leurs ancêtres.
04:46Est-ce que ce n'est pas ça, la difficulté, finalement,
04:50de communication entre les uns et les autres ?
04:52Oui, mais moi, je pense que l'esclavage qu'il y a eu,
04:56même en France et tout, ça fait partie de notre histoire.
04:59Il y a eu de l'esclavage aux Antilles, dans les Dom-Toms et tout.
05:01Ça fait partie de l'histoire de France.
05:03Et donc, je pense que cette histoire-là,
05:06elle doit être intégrée à l'histoire de France.
05:09C'est très bien, il y a eu un film qui est sorti
05:11il n'y a pas longtemps, ni chienne, ni maître.
05:12Je pense qu'on doit en parler en société.
05:14Je pense que ça ne doit pas être tabou.
05:16Parce qu'en fait, en expliquant l'histoire de l'esclavage
05:18et l'histoire de la colonisation,
05:19on donne les clés aux gens de comprendre la société actuelle.
05:23Par exemple, moi, qui suis français, né en France,
05:26à Bondy, mon grand-père, il était tirailleur.
05:29Il a débarqué en France pendant la Seconde Guerre mondiale.
05:32Donc, l'histoire de ma famille, Zadie,
05:35elle est vraiment mêlée à l'histoire française.
05:40Donc, quand mes parents ou ma mère décident de venir en France,
05:42c'est d'une part parce qu'elle est dans un pays
05:44qui est colonisé par la France, donc elle parle le français.
05:46Mais c'est aussi parce que son père a fait la guerre pour la France.
05:49Donc, pour elle, c'est logique de venir.
05:51Le grand dépassement pourrait finalement former un diptyque
05:53avec tout simplement Noir.
05:55On part toujours d'un personnage dans lequel personne ne croit
06:00et qui doit finalement s'en sortir
06:03et accomplir une sorte de mission qui lui est confiée.
06:07Oui, j'ai l'impression qu'en fait, tout simplement Noir,
06:09ou en place, ou le grand déplacement,
06:11c'est un peu autobiographique.
06:13C'est un peu toujours l'histoire de gars
06:15en qui on ne croit pas du tout.
06:17On ne miserait pas une clopinette.
06:18Et finalement, ils arrivent à accomplir de grandes choses.
06:20Et je pense que c'est un peu l'histoire de ma vie
06:22parce que vraiment, je pars de très, très loin.
06:24Là, tu me vois, je suis bien habillé, je suis cool et tout,
06:27mais je pars de très, très, très, très, très loin.
06:30Et finalement, j'ai réussi un tout petit peu
06:33à m'en sortir dans la vie
06:34parce que j'ai travaillé, parce que j'ai été courageux,
06:36parce que j'ai de l'audace.
06:37Mais ça ne veut pas dire que ceux qui n'y arrivent pas
06:39ne méritent pas de réussir.
06:41Ça veut juste dire que j'ai plus galéré
06:43et j'ai accepté ma galère
06:45et j'ai passé des moments très difficiles
06:46et je les ai vécues tranquillement.
06:48Donc, ce n'est pas pour jeter la pierre aux autres.
06:50Mais j'ai l'impression que toutes les œuvres que je tourne,
06:52c'est toujours le même discours.
06:53C'est, bah, toi, tu peux y arriver.
06:55Même si tu pars de très loin,
06:56tu peux faire de grandes choses et tout.
06:58Mais j'espère quand même sortir de ce truc-là
07:00parce que là, ça fait quand même pas mal de films
07:01que je fais la même chose.
07:03J'espère quand même sortir de ce truc-là.
07:05Mais j'ai l'impression que c'est un message hyper important
07:07parce que aussi, je viens d'un milieu dans lequel
07:09il y avait beaucoup de gens
07:11qui, avant même d'avoir essayé,
07:12abandonnaient déjà.
07:14C'était la routine d'abandonner et de ne pas essayer
07:16et de dire, ouais, mais c'est mort, frère,
07:18on n'y arrivera jamais.
07:18Et ça m'a beaucoup marqué.
07:21Donc, inconsciemment, j'essaye de dire aux autres,
07:23les gars, on peut faire des trucs.
07:25Vous avez écrit le film avec une femme.
07:26C'est un souhait de votre part.
07:27Oui, tout à fait.
07:28Certains passages consacrés au regard masculin
07:30sur les femmes font à la fois rire
07:32et de temps en temps, ils ont envie de faire pleurer.
07:36Par moments, effectivement, certaines remarques,
07:38on a l'impression qu'elles sont obsolètes,
07:39qu'elles sont d'un autre temps, du Moyen Âge, etc.
07:41Mais elles existent toujours.
07:44À un moment donné, vous draguez d'ailleurs l'une des femmes
07:46et vous mettez la main à la patte, comme on dit.
07:49Effectivement, ça vous vaut d'avoir ce petit comportement
07:52de harceleur qui n'est pas terrible.
07:54Il y en a un autre qui parle des hormones,
07:55qui parle de Me Too.
07:57À un moment donné, ensemble, personne ne comprend
07:59qu'une femme puisse diriger une équipe.
08:02Ça, c'est un souhait aussi que vous avez formulé
08:04que de raconter ça.
08:06Ce regard de le maître en exergue
08:08dans les difficultés qu'on rencontre.
08:10Oui, parce qu'en fait, je voulais écrire le film
08:13avec une femme, parce que je voulais intégrer
08:15ces problématiques-là dans le film et tout.
08:17Et pour moi, c'est vrai que la condition de la femme,
08:21c'est hyper important pour la condition, je ne sais pas,
08:23de l'humanité, quoi.
08:24Pour que l'humanité aille bien,
08:26il faut que les meufs aillent bien aussi.
08:27On ne peut pas vivre dans une société
08:29où il n'y a que les gars.
08:30Nous, on est là, on est au top.
08:32Et les meufs, elles sont à côté, elles souffrent.
08:33Donc, c'est quelque chose qui me préoccupe
08:36beaucoup, beaucoup.
08:37Et j'ai l'impression que, ouais, la lutte des femmes
08:39ou la lutte contre le racisme,
08:41la lutte pour l'égalité hommes-femmes aussi,
08:44tout ça, c'est lié, en fait.
08:45Et j'ai l'impression que la société ira mieux,
08:48le monde ira mieux,
08:49quand on sera à peu près tous à égalité, quoi.
08:52En fait, ce n'est pas possible
08:53d'avoir des gens opprimés
08:55au sein de la même société
08:56et tout va bien, on est là, on rigole.
08:58Ouais, non, ça ne peut pas, on ne peut pas.
08:59Il faut que ça avance pour tout le monde.
09:01Et plus tout le monde ira bien
09:02et plus la société ira mieux.
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