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  • 23/06/2025
Alors que syndicats et patronat se retrouvent pour l'ultime réunion du conclave sur les retraites, Pierre Ferracci, président fondateur du groupe ALPHA, décrypte les enjeux et les positions des partenaires sociaux.

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Transcription
00:00L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04Bonsoir à toutes et à tous, syndicats et patronats sont réunis depuis presque trois heures maintenant dans une salle du ministère du travail avenue de Ségur à Paris
00:11pour ce qui est annoncé à ce stade comme la réunion conclusive sur les retraites.
00:16Vont-ils ou non parvenir à un accord et sur quel point ?
00:20Bonsoir Pierre Ferracci.
00:21Bonsoir.
00:22Alors vous avez plusieurs casquettes, un président du club de foot de la capitale Paris FC qui monte en Ligue 1 et que vous venez de céder à la famille Arnault.
00:29Vous êtes aussi, et c'est ce qui nous intéresse ce soir, un spécialiste du dialogue social, fondateur du groupe Alpha, cabinet de conseil et d'expertise en relations sociales.
00:40On va essayer de voir avec vous si on est proche ou non d'un accord.
00:43Avant de parler du fond, parlons un tout petit peu de la méthode si vous le voulez bien.
00:48Tout à l'heure, les numéros 1 du patronat, Patrick Martin pour le MEDEF et Amir Eza Tofighi pour la CPME,
00:53ont mis en scène leur rapprochement devant leurs journalistes avec un nouveau texte et des propositions communes.
00:59Ce qui a profondément agacé la CFDT, est-ce que c'est le jeu habituel du dialogue social ou est-ce que la CFDT a raison de s'énerver ?
01:08Je croyais qu'on en était sortis. Je pense que la CFDT a raison de discuter simplement à partir d'une base patronale.
01:15C'est d'autant plus étonnant qu'il y a un médiateur dans cette opération, dans ce conclave.
01:20Donc je trouve que c'est un petit peu gênant.
01:22Alors le rapprochement CPME à MEDEF, on le voyait venir, avec la position très rigide du MEDEF.
01:27Mais c'est vrai que la méthode est très étonnante et on aurait pu s'en passer, franchement.
01:31Alors sachant que le camp syndical a fait quand même de grosses concessions,
01:35à commencer par la principale sur l'âge légal de départ à la retraite.
01:3964 ans, ça ne bouge pas.
01:41C'est tout de même la preuve du côté syndical d'une envie de négocier, de parvenir à un accord.
01:47Oui, en tout cas ceux qui sont autour de la table, puisque CGT et France Ouvrier ont quitté le conclave avec l'U2P d'ailleurs,
01:52depuis quelques semaines, même depuis quelques mois, ceux qui sont là veulent conclure sur un accord.
01:58J'espère qu'il y en aura un, parce que ça a au moins le mérite de bouger quelques lignes.
02:02Bon, ce n'est pas le débat sans totem et sans tabou que souhaitait le Premier ministre,
02:06puisque lui-même a arbitré immédiatement en disant que les 64 ans, il ne fallait pas y toucher.
02:10Et en donnant aussi un cadre strict, équilibre financier d'ici 2030, ce qui est quand même compliqué aussi.
02:16Bon, du coup, ça a provoqué le départ des trois organisations que j'ai évoquées.
02:20Mais il serait bon qu'il y ait un accord, je pense, pour le gouvernement comme pour les partenaires sociaux.
02:25Pour les partenaires sociaux vis-à-vis du gouvernement, pour montrer leur autonomie,
02:29leur capacité à trouver une voie de passage, même si ce n'est pas une réforme systémique.
02:35Mais on ne peut pas faire une réforme systémique en trois, quatre mois.
02:38Le Président de la République, avec son Premier ministre de l'époque, a loupé la première marche
02:42avec son système à points qui n'a jamais vu le jour.
02:45Donc demander l'impossible au syndicat, on voit bien que le résultat ne pouvait pas être autre chose que celui-là.
02:49Si on pouvait avancer sur la question des femmes, sur la question de la pénibilité,
02:54et sur une revendication portée par la CFTC, mais soutenue par les deux autres,
02:58à savoir le passage de 67 ans à 66 ans...
03:00Alors, on va revenir sur le détail.
03:01Voilà.
03:02Alors, justement, point par point, commençons, si vous le voulez bien, par la pénibilité.
03:07Réintégration de trois critères, que sont les vibrations, les charges lourdes et les postures pénibles.
03:13Alors, à quoi doit servir la réintégration de ces critères ?
03:16Est-ce que ça doit servir à partir plus tôt, ou est-ce que ça doit servir à de la prévention,
03:22comme le souhaite le patronat ?
03:23Alors, d'abord, soulignons que ces critères, il y en avait quatre d'ailleurs,
03:26ont été retirés au moment des ordonnances par le gouvernement,
03:28ce qui était une très mauvaise chose.
03:31Les syndicats, aujourd'hui, ont raison.
03:32Pourquoi ils ont raison ?
03:33Parce que le travail que propose le patronat, c'est-à-dire éviter les départs,
03:36parce qu'on travaille sur la question des conditions de travail, justement,
03:40il faut s'y prendre bien en amont.
03:42Je rappelle toujours qu'en Finlande, avant de décaler l'âge de départ à la retraite,
03:45les partenaires sociaux ont travaillé, justement, sur le cadre de vie des seniors,
03:49de ceux qui sont touchés par des messieurs pénibles,
03:53ou qui sont touchés par la maladie.
03:55Donc, c'est un travail de longue haleine.
03:56Au dernier moment comme ça, c'est vrai que les syndicats peuvent considérer
04:00que ce n'est pas crédible, et il vaut mieux donner la chance
04:02à ceux qui font ces métiers pénibles de partir un petit peu plus tôt.
04:06Quatre millions de personnes pourraient être concernées, selon la CFDT.
04:08Oui, peut-être que dans un deuxième temps, si on travaille en amont sur la prévention,
04:12la question de les voir poursuivre leur activité avec des reconversions
04:15sur des métiers moins pénibles, ou en allégeant la pénibilité de leur métier,
04:18serait crédible.
04:19Aujourd'hui, je pense qu'elle ne l'est pas,
04:20et les trois syndicats ont raison de poser les problèmes en ces termes.
04:23Alors, un point pour les syndicats concernant la pénibilité, concernant la décote.
04:29Aujourd'hui, si on n'a pas tous ces trimestres, on doit attendre 67 ans
04:32avant de partir avec une pension de retraite à taux plein.
04:35La CFTC veut avancer cet âge de 6 mois, d'un an.
04:38On va voir s'ils trouvent un consensus.
04:42Est-ce que c'est une bonne idée ?
04:44Est-ce que c'est de justice rendue aux carrières hachées, notamment celles des femmes ?
04:48On voit bien que les syndicats essayent d'attaquer par différents canaux un sujet du même type,
04:53qu'il concerne les femmes ou les métiers pénibles, les carrières hachées.
04:58Oui, ça serait un petit geste à faire.
05:00Alors, je pense que le patronat va sans doute ou va sans doute proposer de passer à 66 ans et demi
05:04pour ne pas accepter totalement la revendication de la CFTC.
05:08Mais aller dans ce sens-là, ça coûte un petit peu cher.
05:10Mais il y a des zones, et pour moi c'est le problème essentiel,
05:14il y a des zones d'amélioration de la productivité du système qui ne sont pas au bord d'aujourd'hui.
05:18Je pense qu'il faudra un autre conclave, ou en tout cas une autre réunion des partenaires sociaux,
05:22pour traiter une question clé pour moi, qui est celle de la productivité,
05:26qui faiblit en France depuis quelques années pour deux raisons essentielles.
05:29La formation n'est pas suffisante, la montée en compétence avec les nouveaux changements stratégiques,
05:34les transitions environnementales, l'IA qui arrive, la formation n'est pas suffisante.
05:38Et l'investissement dans la recherche-développement des entreprises, du public et du privé,
05:42n'est pas suffisante, et surtout dans le privé, pour aller dans le sens d'une amélioration de la productivité
05:47sans intensifier le travail des salariés qui sont en poste.
05:50Alors ça, ça ferait l'objet d'une autre session de réunion.
05:54Mais si je vous entends bien, les syndicats ont raison de s'accrocher à ces deux points,
05:58pénibilité et avancer l'âge de la décote.
06:02Il faut que le patronat cède sur ces deux points.
06:03Il faut qu'ils bougent sur ces deux points et qu'ils demandent aux syndicats,
06:08dans les entreprises, dans les branches, dans les filières et même au niveau interprofessionnel,
06:13de réfléchir sur cette façon de créer des richesses,
06:15autrement qu'en posant éternellement la question du coût du travail,
06:20sans poser cette question de productivité qui devrait rassembler les différents partenaires.
06:23Alors, vous le savez, à partir du moment où ce conclave n'aboutit pas sur l'abrogation de la réforme des retraites,
06:28les Insoumis ont dit qu'ils déposeraient une motion de censure.
06:32On sait que l'avenir politique de François Bayrou est attaché et lié à la réussite ou non de ce conclave.
06:40Est-ce que c'est un cadeau empoisonné pour les partenaires sociaux
06:42ou est-ce que finalement c'est une occasion en or ?
06:44Alors, très franchement, je ne pense pas que la question de la dissolution ne se pose qu'à l'occasion
06:48de la fin de ce conclave, qu'elle se termine par un accord ou sans accord.
06:53Il y aura d'autres occasions de mettre en danger.
06:54Mais concernant la conclusion d'un accord ?
06:56Non, je pense que ça ne se jouera pas là-dessus.
06:59Et je crois que si le but du Premier ministre, c'est simplement de gagner du temps,
07:03c'est un mauvais choix pour l'avenir.
07:05Et c'est une façon que les partenaires sociaux n'apprécieront pas.
07:09On a l'impression que l'idée était pipée dès le départ.
07:11Moi, je souhaite qu'il y ait un accord, pas forcément pour sauver le gouvernement.
07:15Il y a d'autres enjeux qui le concernent aujourd'hui que ce conclave.
07:18Et de toute façon, ce sera un accord relativement modeste.
07:21Mais il y aura d'autres questions qui se poseront pour le gouvernement.
07:24Je crois que la vraie question qui se pose aujourd'hui,
07:26c'est de ne pas traîner jusqu'à 2027 en ne faisant pas de réformes, en n'invasant pas.
07:31Le pays est confronté à des défis majeurs sur le plan économique.
07:34La situation internationale n'est pas brillante depuis quelques jours en particulier.
07:37Donc cette question pour moi de la création de richesses et de la productivité
07:41est essentielle pour y compris régler le problème du financement des retraites à terme.
07:46Mais d'un mot, vous êtes d'accord avec la CFDT
07:48quand elle dit que la responsabilité est dans le camp du patronat aujourd'hui
07:51concernant ce conclave sur les retraites.
07:53Je pense que la rigidité du MEDEF est un peu étonnante
07:56et que la CPME a fait preuve d'un peu plus d'ouverture dans la toute dernière période.
08:01Merci beaucoup Pierre Ferracci, fondateur du groupe Alpha,
08:04invité éco de France Info ce soir.

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