En 16 ans d’existence, le mook du grand reportage et des longs récits n’avait jamais exploré ce sujet. Le titre est désormais en vente chez les marchands de journaux et non plus uniquement en librairie.
00:02Ce n'est pas une révolution non plus, mais une évolution importante.
00:0521 avait depuis sa création une couverture qui se regardait à l'horizontale.
00:09Désormais c'est vertical.
00:11Et puis, fini la vente uniquement en librairie et dans les relais des gares et des aéroports,
00:15on trouve maintenant la revue chez les marchands de journaux.
00:18Laquelle de ces deux nouveautés est la plus cruciale pour vous ?
00:22Les deux sont liés.
00:23Puisque chez les marchands de journaux et les kioskiers, on se doit d'être à la verticale.
00:28Si vous avez remarqué, toutes les revues sont à la verticale.
00:31Donc, il y avait une conséquence logique au fait d'être vendue à un public plus large.
00:37C'est quand même ça le but.
00:38Et pas seulement en librairie, même si c'est un réseau qui nous est cher.
00:43Eh bien, il y a eu une obligation de passer à la verticalité.
00:45Mais alors, pourquoi c'est resté aussi longtemps à l'horizontale ?
00:48Puisque visiblement, c'était un peu moins adapté à une vente chez les marchands de journaux.
00:52C'est ça qui bloquait votre arrivée chez les marchands de journaux ?
00:54Non, pas du tout.
00:54C'est qu'on se trouvait très bien pendant longtemps en librairie, dans les FNAC, etc.
00:59Au départ, la revue a été pensée à l'horizontale, on dit formale italienne,
01:03pour occuper la place de deux livres sur les tables des libraires.
01:07Et les libraires étant de plus en plus quand même envahis par la profusion de livres,
01:14ne mettaient plus les MOOC, comme on les appelle, entre magazine et book,
01:18sur les tables, mais plutôt sur des portants.
01:22Et donc, 21 finissait souvent à la verticale.
01:25Et donc, il fallait se tordre le cou.
01:27L'association française des ostéopathes apportait plainte.
01:32Avec ces changements, vous espérez une hausse des ventes de quelle ampleur ?
01:35En étant désormais dans les kiosques ?
01:37Alors, le tirage de ce numéro est de 25 000 exemplaires,
01:40ce qui est important pour nous.
01:41Donc, on espère les vendre tous et qu'ils circulent beaucoup.
01:45Plutôt des ventes à l'unité ou plutôt des abonnements pour 21 ?
01:49Les 25 000 exemplaires, ce sont les ventes à l'unité en réseau physique.
01:54Et les abonnements, c'est supplémentaire.
01:56Vous avez combien d'abonnés ?
01:57On a un peu moins de 10 000 abonnés.
01:59Et donc, vous faites plus de ventes en général que vous n'avez d'abonnés ?
02:03Oui, ou c'est à peu près par égal, selon les sujets de couverture, selon les numéros.
02:08On a des abonnés fidèles qui sont là depuis 16 ans.
02:10Et puis, le premier numéro même qui les garde, en fait.
02:12Ça fait une jolie collection, des abonnés nouveaux, curieux.
02:16Il y a eu pas mal de changements d'équipe et de lignes éditoriales.
02:19Donc, on embarque dans l'aventure à chaque fois de nouvelles personnes.
02:23Et les sujets qui marchent le mieux en général, qui se vendent le mieux, ce sont lesquels ?
02:27C'est difficile puisque justement, avec l'abonnement, c'est peu réactif au changement de sujets de couve.
02:34On a essayé beaucoup de variations.
02:36Il est sûr que les sujets qui sont incarnés...
02:40Donc, nous, c'est la 21, c'est quand même une revue de grands reportages et d'enquêtes
02:44qui éclairent le monde tel qu'il est en train d'évoluer, mais qui part toujours de bonnes histoires.
02:49Et une bonne histoire, il y a toujours des hommes et des femmes, des femmes et des hommes dedans.
02:53Donc, ça veut dire qu'il y a toujours des visages.
02:55Pendant longtemps, il y avait des visages sur les couvertures de 21.
02:58Ce qui permettait de dire qu'on vous vend comme une bonne série, HBO, Netflix.
03:05C'est-à-dire que vous allez apprendre des choses, comprendre le monde contemporain,
03:09des équilibres géopolitiques, des évolutions économiques, mais grâce à une bonne histoire.
03:14Donc, apprendre avec plaisir, comprendre avec plaisir.
03:17Oui, c'est fictionné.
03:18Alors, ce n'est pas fictionné, tout est vrai.
03:19Non, mais ça se regarde comme une fiction, finalement.
03:22Ça se dévore, comme des romans.
03:25Alors, le numéro qui vient de sortir, c'est le 69.
03:27Et il est consacré au sexe féminin.
03:29Rassurez-moi, il n'y a que moi qui ai fait un lien entre les deux ?
03:33Oui, bien sûr que non.
03:34Nous allons en parler avec quelqu'un que vous payez toutes les semaines, d'ailleurs.
03:39Non, mais c'est rigolo.
03:39Voilà, c'est un clin d'œil, le 69, le sexe féminin.
03:42C'est parti de là, c'était la fin d'un bouclage avec toute l'équipe.
03:45On buvait des perriers, évidemment.
03:47Et on s'est dit, mais le 69 tombe en été.
03:51L'an prochain, c'était donc il y a un an.
03:53On s'est dit, on ne peut pas rater ça.
03:55On se doit d'honorer le défi, d'autant plus que 21 n'a jamais, jamais en 16 ans parlé de sexualité.
04:01Comment ça se fait, ça ?
04:02Parler de nucléaire, parler d'économie, parler de microprocesseurs,
04:07et de pays qu'on connaît à peine sur la carte, et jamais de sexualité.
04:10Un endroit qu'on connaît à peine aussi.
04:13Finalement, voilà.
04:13Non, mais comment vous expliquez que 21 ne se soit jamais saisi de ce sujet ?
04:17Eh bien alors, pour l'avoir relancé l'idée et la réaliser, je me suis aperçue, je pense, et j'ai compris pourquoi.
04:22Ce n'est pas si facile que ça.
04:23Parce qu'on s'est dit, nous allons le faire à la 21.
04:25C'est-à-dire, ce ne sera pas le kamasutra, les positions, les pratiques, les maladies.
04:30On ne voulait pas non plus être glauque et partir sur de l'enquête, sur de la prostitution.
04:34Ce qui pouvait correspondre à des propositions qu'on avait de journalistes.
04:38On s'est dit, on va le faire à la 21, donc avec des bonnes histoires.
04:40Qui racontent une phase plus lumineuse de la sexualité, voire du sexe.
04:45Ce n'était pas évident, finalement, de trouver des sujets.
04:47Moi, je voulais absolument une enquête scientifique.
04:49Une aventure scientifique, une aventure humaine.
04:51Deux chercheuses qu'on a trouvées en Suisse, qui sont pluridisciplinaires.
04:56Et c'est bien la raison pour laquelle elles ont réussi à cartographier la vulve.
05:01Le sexe féminin, ce qui est surtout son évolution à travers les âges de la femme,
05:06entre la jeunesse et la vieillesse, qui n'avait jamais été fait.
05:09Nous sommes en 2025.
05:10Il était temps.
05:11Il était temps.
05:12Vous vous êtes quand même dit, le sexe, c'est vendeur.
05:16Ça va attirer le client qui passe devant la vitrine ou devant un kiosque ?
05:21Mais alors, c'est pire que ça.
05:22C'est qu'au début, il a fallu convaincre notre propre chef qu'il n'était pas partant.
05:26Ah bon ?
05:26Non, c'était le contraire.
05:29Je pense que les journalistes, on est souvent très mauvais vendeurs et marketeurs.
05:34Donc, dans un premier temps, il a plutôt rougi.
05:39Et il s'est dit, ouh là là là là là là, ça ne va pas du tout.
05:43Non, on ne va pas du tout parler de sexualité.
05:44Comment vous l'avez convaincu, alors ?
05:45C'est un sujet que je coupe depuis 25 ans.
05:47Donc, je connais et je savais qu'on pouvait en parler de manière sympathique.
05:51Sympathique, mais sérieuse et rigoureuse.
05:53Et ça que je voulais démontrer, c'est m'attaquer à un sujet qui paraît léger.
05:57Et de manière, avec de l'enquête par exemple.
06:00Avec de l'enquête, avec le business qu'il y a derrière OnlyFans.
06:04Avec une Claudie, une singer, qui est une écrivaine, qui a obtenu le prix féminin quand même.
06:10C'est pas rien.
06:10Qui nous raconte comment elle n'écrit pas de scène de sexe et pourquoi.
06:13J'étais sûre qu'il y avait une manière de traiter le sujet dignement à la hauteur du sujet.
06:19Oui, vous venez de dire Elsa Fenner que c'est un sujet sur lequel vous travaillez depuis 25 ans.
06:24Parce que, et c'est ce que vous expliquez dans votre édito dans 21,
06:27vous avez passé un an dans un cabinet de sexologie pour suivre des séances avec des patients qui ont accepté évidemment que vous les suiviez.
06:34C'était pour quoi faire ?
06:35C'était pour un livre, donc c'était avant 21.
06:38Je ne sais pas ce que je faisais cette année-là, je devais m'ennuyer.
06:41Et j'avais rencontré une sexothérapeute, parce que je m'intéressais beaucoup à l'hypnose médicale.
06:45A l'époque, j'arpentais les colocs, donc pratiqués par des médecins, etc.
06:50Et là, elle a été généraliste, cette personne qui travaille à l'autre bout de la France, dans une ville dont je tairai le nom.
06:54Et elle a accepté que j'assiste à des séances, en suivant un patient de la première séance à la dernière, si ceux-ci étaient d'accord.
07:01Ce qui était très compliqué d'ontologiquement, je ne sais pas si je le referais.
07:04Voilà, parce que je pense qu'ils n'étaient pas forcément en position, même s'ils ont dit oui, c'est un médecin qui le leur demandait, donc ça faussait un peu la donne.
07:12Mais bon, le fait est que je l'ai fait, je l'ai raconté, j'ai suivi huit patients, un policier, un chef d'entreprise, deux gérants de pressing qui étaient en couple, une infirmière, pas mal de personnel médical.
07:24Et tous avec des problématiques différentes.
07:26Voilà, et finalement, j'étais un peu déçue, puisqu'ils parlaient très peu de sexualité, puisqu'il n'y en avait plus dans leur vie.
07:33Et c'est bien pour ça qu'ils consultaient.
07:34Et donc, ils racontaient plutôt leur monde intérieur, ce qui pour une journaliste, évidemment, allait sous le crâne des gens très passionnants.
07:41Comment se porte financièrement 21 ? Ça a été très compliqué avant et pendant le Covid, aujourd'hui ?
07:47Alors, 21 a été repris, il y a un an et demi, je suis mauvaise pour les dates, mais il y a un an et demi, par le groupe Indigo.
07:53Le groupe Indigo, c'est un groupe totalement indépendant, qui n'a pas de financement de GAFAM ou autre, dont les titres sont financés uniquement par leur lectorat,
08:05qui détient la lettre, ex-lettre A, Intelligence Online, qui est une lettre professionnelle sur le renseignement, Glitz sur le luxe,
08:12et Africa Intelligence sur les pouvoirs économiques et politiques en Afrique.
08:17Donc, on est tombé dans une bonne maison, on a été repris par un bon groupe,
08:21qui présente en outre l'avantage de nous faire côtoyer à la machine à café des journalistes qui reviennent d'Ukraine,
08:30qui reviennent de République démocratique du Congo, qui reviennent de tous les pays du monde, en guerre ou pas en guerre,
08:37et qui, sur place, tombent sur des histoires incroyables qu'ils n'utilisent pas forcément,
08:42parce qu'eux doivent sortir une info exclusive très vite.
08:45Nous, on peut en faire une histoire, on les fait écrire sur le week-end,
08:50et que nous publions maintenant de manière beaucoup plus réactive sur notre site, donc revue21.fr,
08:56et l'article peut ensuite se retrouver dans la revue.
08:59Donc, ces échanges-là vous nourrissent, en fait ?
09:02Énormément, énormément.
09:03Ça vous a surprise ? Vous ne vous attendiez pas à ça ?
09:05Oui, je n'avais pas anticipé ce bon côté les choses, je suis tombée sur des experts, en fait, très discrets, très modestes, souvent assez jeunes.
09:13On a une experte de Chine, là, qui est incroyable, une experte de pays d'Asie centrale.
09:20Enfin, moi, ça me fascine de parler avec eux.
09:23Après, il faut transformer des informations et des histoires qu'ils ne peuvent pas forcément raconter,
09:29parce que leurs sources doivent rester confidentielles.
09:32Il y a du danger pour eux, s'ils signent certains papiers, ils ne peuvent plus remettre le pied dans le pays.
09:36Enfin, là, on a affaire à d'autres problématiques.
09:39Merci beaucoup d'être venue nous voir, Elsa Fenner, et donc bienvenue à la revue 21, dans les kiosques désormais.