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  • 14/05/2025
Un jour d'été de 2012, Norbert Marot était assis dans un fauteuil de jardin dans son domicile du Loiret lorsque son épouse, Jacqueline, lui a tiré dessus avec un fusil de chasse. Trois fois, de dos. Norbert Marot s'est écroulé sur le sol, mort. C'est elle-même qui a appelé les gendarmes pour s'accuser immédiatement du meurtre. Elle a expliqué qu'elle avait craqué après des décennies de violences conjugales envers elle et ses enfants.Criminelle, Jacqueline Sauvage ? Elle ne le nie pas. Mais a-t-elle agi en état de légitime défense ? Aurait-elle pu s'y prendre autrement pour se libérer du joug que son mari exerçait sur elle et sa famille ? La peine de dix ans à laquelle la Justice l'a condamnée était-elle juste ?
Rarement un verdict n'a suscité une telle mobilisation en France. L'affaire a donné lieu à plusieurs livres et même à un téléfilm avec Muriel Robin. Des pétitions et des manifestations ont réuni des centaines de milliers de personnes. Les médias se sont fait l'écho de la polémique, jusqu'à ce que le président de la République se saisisse du dossier et accorde sa grâce.Fallait-il condamner cette femme ? Fallait-il la gracier ? Était-elle le bon emblème pour défendre la cause des femmes battues ? Les enquêteurs, sa défense, son comité de soutien, le magistrat qui l'a condamnée, et François Hollande… tous les protagonistes du dossier ont accepté de revenir sur l'affaire pour « Faites entrer l'accusé ».

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Personnes
Transcription
00:00:00Sous-titrage MFP.
00:00:30Jacqueline Sauvage.
00:00:34Après de 70 ans, elle est devenue le symbole des femmes battues.
00:00:37Car en 2012, elle a tué froidement son mari, Norbert Marot,
00:00:41et que dans ces années 2000, la violence conjugale, heureusement, ça ne passe plus.
00:00:45Elle nous a dit « je l'ai tuée, parce que si c'était pas moi qui l'avais tuée,
00:00:50ce soir-là c'est lui qui m'aurait tuée ».
00:00:54Des artistes, des collectifs féministes, des politiciens de gauche, de droite l'ont soutenue.
00:01:00« Ce que cette femme a enduré, je l'ai cru. Ce que ces enfants ont enduré, je l'ai cru.
00:01:07Si moi je prends pas la parole, qui va le prendre ? »
00:01:09« Libérez, Jacqueline ! »
00:01:11Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues.
00:01:14« Ça s'emballe. »
00:01:15« Les militants vaches ! »
00:01:16« Ouais, ça s'emballe assez vite. »
00:01:18« Grâce et liberté ! »
00:01:19Plus de 430 000 personnes ont signé une pétition pour sa libération.
00:01:23Son cas a été examiné au plus haut niveau de l'État,
00:01:26par un président de la République conjuré de lui accorder sa grâce.
00:01:30« Je décide parce que je suis le président de la République,
00:01:34mais je décide parce que je pense qu'une très grande majorité des Français comprennent mon choix. »
00:01:41Mais fallait-il gracier Jacqueline Sauvage ?
00:01:43Cette femme a-t-elle agi en état de légitime défense ?
00:01:47Par deux fois, les juges ont répondu non.
00:01:49Et des magistrats ont même refusé la libération que souhaitait l'Élysée.
00:01:53« Les magistrats ont rejeté la demande de libération conditionnelle
00:01:57au motif que Jacqueline Sauvage ne regrettait pas son crime. »
00:02:01« C'était lui ou moi. Je voulais juste que ça s'arrête, c'était fort du l'accusé. »
00:02:06En tuant ?
00:02:08Lundi 10 septembre 2012,
00:02:33il est 19h27 quand l'appel tombe au centre départemental des sapeurs-pompiers du Loiret.
00:02:42Au bout du fil, une voix de femme oppressée.
00:02:47« J'ai tué mon mari à la selle sur le biais. Il est mort. Arrivez, arrivez tout de suite. »
00:02:51« Qu'est-ce qui lui arrive ? J'ai tiré dessus. Venez. »
00:02:56« Et la conversation s'arrête là. »
00:03:00« Il est rare que la personne qui prétend avoir tué son mari ou toute autre personne prenne le téléphone et appelle les pompiers. »
00:03:11« Généralement, on appelle plutôt la gendarmerie ou la police en fonction du lieu où on se trouve. »
00:03:16« Est-ce qu'il y a peut-être quelque chose à faire pour lui ? »
00:03:19« Finalement, il n'est peut-être pas mort. »
00:03:21« Et dans ce geste de sauvetage, on va dire, elle a eu ce premier réflexe d'appeler les pompiers. »
00:03:28Le pompier alerte tout de suite la gendarmerie.
00:03:34Et la brigade de Courtenay fonce.
00:03:43Mais sur place, l'accueil que la femme en détresse réserve aux gendarmes est assez... déroutant.
00:03:48Le portail était fermé et mes collègues m'expliquent qu'au loin, ils voyaient Madame Marot au niveau de la terrasse.
00:03:56Ils trouvent qu'elle est un petit peu comme si elle était enivrée, titubante, pas dans son état normal.
00:04:03Il y a un chien qui est présent. Il demande à ce que le chien soit mis à l'écart.
00:04:09Elle disparaît dans sa maison. Voyant cela et le temps qui s'écoule,
00:04:14Le temps qui s'écoule, le gendarme prend la décision d'escalader le portail.
00:04:23Le corps d'un homme gît sur la terrasse.
00:04:28Le gendarme entre à la recherche de sa femme.
00:04:32Et il découvre Madame Marot affairée à trifouiller dans son sac à main.
00:04:41Le portail enfin ouvert, sa collègue peut entrer et examiner le corps.
00:04:47C'est une scène où on voit Monsieur Marot qui est ventre à terre.
00:04:57Une table de jardin à proximité.
00:05:00Des chaises de jardin renversées.
00:05:04Il constate la présence d'un cigare et un verre contenant du whisky.
00:05:09C'est un peu comme chacun peut faire pour se détendre après une journée de travail.
00:05:16Il y a trois cartouches de fusils de chasse qui sont présents au sol.
00:05:22Il y a beaucoup de son par terre du fait d'étroits tirs.
00:05:27Norbert Marot est couché, face contre terre, son fauteuil de jardin sur le dos.
00:05:39Sa femme Jacqueline est en état de choc.
00:05:44Je demande qu'elle soit prise en charge par les pompiers.
00:05:47Déjà pour voir si tout de suite il y a des blessures à traiter sur sa personne.
00:05:53Je la vois assise sur cette banquette dans l'ambiance des pompiers.
00:05:59Je vois une femme qui est abattue, le visage fermé, qui regarde ses pieds.
00:06:05Un peu comme une victime, un peu comme une victime.
00:06:10J'ai pu constater qu'elle avait une blessure au niveau de la lèvre.
00:06:14On l'a équipée de gants au niveau des mains,
00:06:16de manière à pouvoir préserver l'éventuelle poudre
00:06:21qui serait présente sur ses mains suite aux différents tirs
00:06:25avec le fusil de chasse.
00:06:29Je demande ensuite à ce qu'elle soit acheminée jusqu'à l'hôpital de Montargis
00:06:33pour déterminer s'il y a eu la présence de traces de coups ou d'échimose
00:06:39qui pourraient faire penser à un acte comme une bagarre
00:06:42qui aurait pu avoir lieu entre elle et lui
00:06:46et qui pourrait justifier l'acte qui a été commis.
00:06:50À garde, Jacqueline Marot n'est pas en état d'être entendue.
00:06:54En attendant le feu vert d'un médecin,
00:06:56les gendarmes la laissent reprendre ses esprits
00:06:59et ils commencent leurs investigations.
00:07:00Je vois arriver le maire de la commune, de la Selle-sur-le-Bier,
00:07:07qui connaît cette famille.
00:07:09Il m'explique que monsieur et madame Marot ont une entreprise de transport
00:07:14et qu'ils emploient deux de leurs quatre enfants au sein de cette entreprise
00:07:20et que les choses ne fonctionnent pas aussi bien que cela,
00:07:25que monsieur Marot est assez colérique.
00:07:28Les gendarmes font le tour du lotissement pour essayer de déterminer l'heure des tirs.
00:07:34D'après les voisins, il y aurait eu trois coups de feu entre 19h15 et 19h30.
00:07:39C'était mon conjoint qui était là, Robert était là, il est sorti sur la terrasse et il croyait que comme d'habitude,
00:07:52monsieur Marot tirait sur des oiseaux, sur des écureuils.
00:07:56Chez nous, dans le sapin, il y avait un écureuil, il l'avait tué.
00:08:02Vers minuit, les gendarmes viennent nous voir et nous apprennent que monsieur Marot est mort.
00:08:08Quelque part, on se dit enfin ouf, voilà.
00:08:13Tout le monde pensait que ça aurait pu être le contraire quand même.
00:08:16Ça aurait pu être monsieur Marot qui tue madame Marot.
00:08:18Parce que de l'avis général, au haut de la selle, le père Marot, c'était pas un cadeau.
00:08:26Les gens ne parlaient jamais de monsieur Marot, ils avaient peur.
00:08:30C'est quelqu'un qui est rustre, vulgaire, qui est sans gêne, qui n'hésite pas à interpeller les voisins, à les insulter.
00:08:41Ils s'introduisaient chez eux, ils rouspétaient toujours et les insultaient.
00:08:48On est arrivés en 2001 et en face de nous, il y avait un bois, on ne savait pas à qui ça appartenait.
00:08:53Et puis quinze jours après notre arrivée, c'était au mois d'août, Robert a vu les armes tomber.
00:08:57Et on a vu s'installer des quarante tonnes et des camions à yon.
00:09:08Et donc là, dans un lotissement à vocation résidentielle, on n'a pas compris.
00:09:14Comme les chauffeurs ont démarré de bonne heure, il fallait qu'ils fassent chauffer leurs camions.
00:09:18Et du coup, ça générait une nuisance sonore.
00:09:23Robert a essayé d'aller voir le maire, fin de non recevoir.
00:09:28Quand on a fait signer la pétition pour que les camions s'en aillent,
00:09:33il passait derrière nous pour intimider les gens.
00:09:36Monsieur Marot partait du principe qu'il était le plus ancien sur le lotissement
00:09:40et que partout, il était chez lui.
00:09:41L'enquête de voisinage, en fait, va dire concrètement que, pardonnez-moi l'expression, mais monsieur Marot, c'était un sale con, quoi.
00:09:54Le maire réussit à joindre l'une des trois filles Marot, Fabienne, qui prévient sa sœur, Carole.
00:10:03Les deux sœurs habitent dans le coin et elles se précipitent évidemment chez leurs parents.
00:10:06Mais la maison est bouclée.
00:10:08Pas question d'entrée quand la police scientifique est à l'œuvre.
00:10:15J'ai demandé qu'elles se transportent jusqu'à la brigade de Château-Renard
00:10:19pour qu'elles puissent être prises en charge par des collègues
00:10:22afin de procéder à une audition de premier jet, on va dire.
00:10:27En chemin, Fabienne, Carole et leurs conjoints décident de s'arrêter chez Pascal, à Saint-Firmin-des-Bois.
00:10:34C'est leur frère, il faut le prévenir.
00:10:39Ils trouvent la maison fermée, pas de lumière.
00:10:43Ils répondaient pas au téléphone.
00:10:46Donc ils décident de rentrer dans la maison.
00:10:48Ils montent à l'étage
00:10:56et ils le découvrent dans sa chambre à coucher.
00:10:59Pendu.
00:11:01Après leur père, leurs frères, deux morts violentes.
00:11:05En quelques heures, dans la même famille.
00:11:07Comment y croire ?
00:11:09Elle voit sur les mains comme quelque chose de noirâtre.
00:11:13Elle pense que c'est du cambouis.
00:11:16Pascal Marot avait 43 ans.
00:11:19Ça tourne un peu beaucoup dans la tête et elle s'imagine un scénario
00:11:25que Pascal pouvait être l'auteur des faits.
00:11:30La première hypothèse de travail, c'est simplement celle de Madame Marot qui dit avoir tué son mari.
00:11:35Une hypothèse supplémentaire.
00:11:36On peut se poser aisément la question de savoir s'il n'y a pas une participation de son fils et qu'elle veut peut-être recouvrir en se prétendant l'auteur des faits.
00:11:48Un meurtre suivi d'un suicide, ce ne serait pas la première fois.
00:11:53Pascal, nous, on l'a vu le vendredi.
00:11:58Comme d'habitude, il se faisait toujours disputer par son père.
00:12:02Enfin, c'est même pas disputer, c'est engueuler, il traitait de tous les noms.
00:12:05Quiconque, t'as mal fait ci, t'as mal fait...
00:12:06Il criait fort.
00:12:10Monsieur Marot avait une grande bouche.
00:12:13Non, non, le vendredi soir, on l'a bien entendu se disputer avec son fils.
00:12:17Et nous, on a su par la suite, par Fabienne, que Pascal voulait quitter l'entreprise.
00:12:22Pascal, qui était le seul des quatre enfants, a travaillé encore avec le père.
00:12:26Les filles ont coupé les ponts une fois l'âge adulte et mariées avec des enfants,
00:12:34compte tenu du contexte familial et du comportement du père.
00:12:38Pascal était là parce qu'il était encore le seul employé de la famille à travailler au sein de l'entreprise.
00:12:43Donc je pense que lui, il devait prendre pour un peu tout le monde.
00:12:46Et comme l'activité allait en déclinant, tous les reproches venaient sur ses épaules.
00:12:52Sylvie, Carole, Fabienne, trois filles, toutes dans la quarantaine.
00:12:59Trois sœurs qui décrivent avec quasiment les mêmes mots un enfer familial.
00:13:04Les filles, dans leurs déclarations, elles disent qu'elles n'ont pas eu une enfance facile
00:13:11autour d'un père qui était violent physiquement, avec de l'alcool.
00:13:16Elles décrivent des scènes de violence, un repas de Noël où ça s'est pas bien passé.
00:13:24Une mère violentée, oui, elles décrivent ça.
00:13:30Ils avaient une mère plutôt aimante qui essayait tant bien que mal de les protéger.
00:13:41Elles ont été élevées comme ça, sous un climat de tension, de peur de rentrer, de peur de s'en prendre une.
00:13:52Alors un drame dans le drame ? C'est bien possible.
00:13:58En tout cas, les trois filles en sont convaincues.
00:14:00Dominique, l'arme du crime, les gendarmes la saisissent en fait sur place.
00:14:08C'est Jacqueline Marot qui leur dit que l'arme du crime, elle est là.
00:14:11Oui, elle est là, elle est posée sur le lit.
00:14:13C'est un fusil de chasse semi-automatique calibre 12 de marque Beretta.
00:14:18Près du corps de Norbert Marot, les gendarmes retrouvent trois étuis de cartouches calibre 12
00:14:23qui ont été tirés par ce fusil.
00:14:25Norbert Marot a reçu trois tirs mortels, un dans le cœur, un qui a fait exploser la rate,
00:14:31un autre à la base du coup qui a fracassé la mâchoire.
00:14:36Des tirs qui ont occasionné une hémorragie interne, une déchirure du péricarde,
00:14:41l'enveloppe du cœur et du poumon droit, fracture de la mâchoire, fracture du nez, fracture du crâne.
00:14:47Les balisticiens estiment la distance de tir entre quelques dizaines de centimètres et deux mètres.
00:14:53Moins de deux mètres, c'est un tir à bout portant.
00:14:56Est-ce que le légiste est capable d'établir la chronologie des tirs ?
00:14:59Non, impossible. En revanche, ce qui est certain, c'est que Norbert Marot n'avait aucune chance de s'en sortir.
00:15:05On lui a tiré dessus dans le dos, il était en train de boire son énième whisky de la journée,
00:15:11il était complètement saoul et les toxicologues lui trouvent 2,02 grammes d'alcool par litre de sang.
00:15:16Et là, Dominique, il y a quand même une question centrale qui se pose.
00:15:20Est-ce que c'est Jacqueline Marot qui a tiré, comme elle l'a dit lorsqu'elle appelle les pompiers ?
00:15:25Ou est-ce son fils ?
00:15:27Alors, à l'arrivée des gendarmes, Jacqueline Marot est complètement déboussolée.
00:15:31Elle continue à s'accuser.
00:15:33Et c'est vrai qu'avec ce frère qui va être retrouvé pendu, les filles Marot ont un doute.
00:15:38Elles se disent, et si c'était notre frère qui avait tiré sur notre père ?
00:15:42Et que notre mère voulait le couvrir.
00:15:45Mais de toute façon, à ce moment-là, Jacqueline Marot s'accuse, elle est placée en garde à vue et elle est hospitalisée.
00:15:53À l'hôpital, un médecin examine les blessures de Jacqueline Marot.
00:15:59L'examen physique fait par le médecin montre qu'elle avait une blessure au niveau de la lève.
00:16:05Au-delà de cette blessure apparente, il y a également un hématome au niveau du coude et un vieux hématome qui est un petit peu plus ancien au niveau du tibia.
00:16:16La présence de ces traces, de ces échymoses ne laisse pas penser qu'elle a été rouée de coups.
00:16:25C'est peut-être pas forcément lié à des violences physiques faites par son mari.
00:16:30Le médecin lui délivre une ITT, une incapacité totale de travail d'un jour.
00:16:37Et les gendarmes viennent la chercher le mardi 11 au matin pour la ramener chez elle le temps d'une perquisition.
00:16:44Dans la maison, il y a une cuisine, une salle à manger et il y a deux chambres à coucher parce qu'il faut savoir qu'ils faisaient chambre à part.
00:16:56On n'est pas dans une perquisition qui est banale dans la mesure où on trouve une quantité impressionnante d'armes,
00:17:06que ce soit fusil de chasse ou carabine, une quantité impressionnante de munitions.
00:17:13Et ça, pas stocké dans un seul endroit de la maison, mais un petit peu partout.
00:17:18Que ça soit dans la cuisine, que ça soit dans les chambres, que ça soit dans le sous-sol.
00:17:26J'apprends que c'est un couple de chasseurs, donc ça paraît plutôt légitime d'avoir un ou plusieurs fusils de chasse.
00:17:36Du coup, ça paraît normal dans leur quotidien d'avoir ça à portée de main.
00:17:41Comme vous, vous avez votre balai pour passer un petit coup dans la maison.
00:17:44Néanmoins, là, on est quand même à plus d'une dizaine de fusils et de carabines mêlées.
00:17:51Je pense que les munitions, il y avait de quoi tenir un siège.
00:17:54Moi, en dix ans d'unité recherche, c'est la première fois que je fais face à une telle situation,
00:18:00à un nombre aussi important d'armes à feu dans une maison d'habitation.
00:18:06Direction la brigade de Château-Renard, les gendarmes vont enfin pouvoir interroger Jacqueline Marot, seule d'ailleurs.
00:18:13Parce qu'elle refuse l'assistance d'un avocat en disant « ce que j'ai fait, je l'ai fait ».
00:18:18Sa défense doit patienter dehors avant de découvrir les déclarations de la suspecte.
00:18:23Les informations les plus importantes que je recueillerai ce jour-là, ce sera en fait par un des gendarmes enquêteurs,
00:18:31qui va m'indiquer « voilà, cette femme est là parce qu'elle a tué son mari, mais au préalable, elle a subi pendant 40 ans les violences de monsieur Marot ».
00:18:39« Cette vision des gendarmes est assez inédite, ils sont vraiment dans l'empathie, ils ont une vision tout à fait claire du problème, 40 ans de calvaire ».
00:18:52Madame Marot leur a d'abord raconté comment elle avait rencontré son mari en Seine-et-Marne.
00:19:00À l'époque, elle s'appelait encore Jacqueline Sauvage.
00:19:04Un ami de Norbert se souvient de cette période.
00:19:06« On s'était connus jeunes, donc on faisait beaucoup la bagarre. À cette époque-là, c'était des coups de poing, c'était pas trop grave.
00:19:14C'était l'époque où on appelait ça les blousons noirs. Voilà, on sortait comme ça.
00:19:19Ah ben, il y a des fois, on allait se faire recoudre des bagarres entre bandes, demain ci, demain là, et puis d'autres régions, Blondi-les-Tours, tout ça, oui.
00:19:31« C'est d'abord que j'ai connu ma femme, et puis Norbert a connu Jacqueline.
00:19:38Ils s'entendaient bien, ils étaient toujours ensemble, et puis Jacqueline était très amoureuse de Norbert.
00:19:44Et lui aussi. Donc voilà, ils ont voulu créer une famille. »
00:19:52Mais à peine le mariage célébré, et le premier bébé arrivait en 65,
00:19:59les violences ont commencé.
00:20:01« Pour ne jamais s'arrêter », explique Jacqueline.
00:20:06« Les violences étaient constantes.
00:20:09Le bras de M. Marouille pas, mais phénoménal, et ça fait clac-clac. »
00:20:15« Des fois, il me mettait par terre.
00:20:18Et des fois, il me mettait des coups de pied et des coups de poing alors que j'étais à terre.
00:20:23Depuis plus de 40 ans, il m'a frappé. »
00:20:26« Ce qui est particulier chez Mme Sauvage, c'est qu'elle avait accepté ces coups pendant 40 ans. »
00:20:36« Elle m'avait raconté qu'un jour, elle était en vacances avec son mari. »
00:20:40« Ils avaient un camping-car, donc ils sillonnaient les bords de mer. »
00:20:44« Et à un moment donné, M. Marouille est au volant, Mme Sauvage est à côté,
00:20:50et elle se reçoit une paire de claques magistrales qui l'a fait taper la vitrine. »
00:20:58« C'était un type extrêmement violent, fort, parce qu'il était costaud, il ne faut pas oublier ça,
00:21:05dangereux et totalement imprévisible. »
00:21:08Chaque fois qu'il me violentait, j'étais traumatisé.
00:21:12« Tout le monde en atteste, la famille, c'était une sorte de monstre, tout simplement. »
00:21:20« Mes filles m'ont vu de nombreuses fois, avec des bleus au visage et sur tout le corps. »
00:21:27« M. Marouille, soit il considérait que la nourriture faite par son épouse était correcte,
00:21:33donc il n'y avait pas de commentaires, soit il considérait qu'elle était dégueulasse,
00:21:36et là, ça partait en vrille. »
00:21:38« Elle a passé des nuits dehors parce qu'elle avait peur,
00:21:48parce que son mari était intervenu de telle façon.
00:21:52Ses enfants la cherchaient parce qu'on ne savait plus où elle était.
00:21:55Oui, oui, c'était quelque chose de constant, oui. »
00:22:02« Mme Sauvage, elle est extrêmement traumatisée au moment où elle comparaît devant les gendarmes.
00:22:13Elle a appris la mort de son fils Pascal.
00:22:15Ce qu'elle va indiquer aux gendarmes est la vérité,
00:22:21et d'ailleurs, je pense que c'est la vérité.
00:22:23C'est vraiment la cocotte minute qui éclate au bout de 40 ans.
00:22:27Mais elle a mis 40 ans à exploser. »
00:22:31Lors de l'audition suivante, Jacqueline Sauvage en vient au fait.
00:22:35Et d'emblée, elle réitère ses aveux.
00:22:38Elle a tué Norbert.
00:22:39À l'heure de l'apéro, le énième de la journée.
00:22:42« La journée, elle commence comme une journée habituelle,
00:22:45où chacun va prendre son petit déjeuner.
00:22:46Puis finalement, comme c'est un lundi, c'est une journée de travail.
00:22:51Et tout de suite, lui, il va commencer à dire que l'entreprise va mal,
00:22:56que les affaires tournent mal, que c'est sa faute à elle,
00:22:59c'est la faute de Pascal, c'est la faute à un peu tout le monde.
00:23:03Et finalement, ça va aller de mal en pis tout au long de cette journée.
00:23:10Sa consommation d'alcool faisant, ça n'arrange pas les choses.
00:23:15« Il m'a menacé, comme il l'a fait à chaque fois.
00:23:18Il a dit que si je le quittais, il tuerait les enfants, et moi après. »
00:23:23Le fait de menacer les enfants de mort,
00:23:27c'est quelque chose de terrible pour elle.
00:23:32C'est l'accumulation de tout ce qu'elle a pu entendre,
00:23:35qui a été redit encore une fois,
00:23:37le fait qu'il veut s'en prendre aux enfants,
00:23:40s'en prendre à elle,
00:23:41qui l'a poussé à faire ce qu'elle a fait.
00:23:49Il déjeune séparément.
00:23:51Et Mme Sauvage, qui a l'habitude de faire une petite sieste,
00:23:56justement, elle va s'enfermer dans sa chambre
00:23:58après avoir pris un médicament qui l'aide aussi à dormir.
00:24:04Boucler dans sa chambre pour être un peu en paix.
00:24:07Je me suis allongé sur mon lit.
00:24:17J'ai réussi à dormir un peu.
00:24:22Environ 1h30.
00:24:27Peu de temps après,
00:24:28il était environ 15h,
00:24:30il est venu dans la chambre.
00:24:31Je suis sorti dans le couloir,
00:24:43puis après, j'ai vu qu'il avait encore pris un verre.
00:24:48Il m'a bousculé.
00:24:49Il m'a fichu un coup là, sur la lèvre.
00:24:54Il m'a frappé.
00:24:56Il m'a fichu un coup de poing.
00:24:57Il m'a poussé.
00:24:57C'est là que j'ai pété un plomb.
00:25:14Vers 16h, je ne sais plus,
00:25:17il s'était resservi à un verre de whisky.
00:25:20Il était sur la terrasse.
00:25:22Il était insolent envers moi.
00:25:24Bah, j'ai pris le fusil.
00:25:43Et j'ai tiré.
00:25:44Elle tire à trois reprises
00:25:57sur son mari qui était de dos.
00:26:07Les horaires, l'enchaînement des événements,
00:26:09le récit de Jacqueline Sauvage
00:26:11reste un peu confus.
00:26:12Mais elle a livré des détails intéressants.
00:26:15Y compris, contre elle-même.
00:26:20Ce sont ces déclarations
00:26:22qui nous font penser
00:26:23qu'on peut envisager
00:26:25l'après-méditation.
00:26:27Elle dit, dans une audition,
00:26:29que de toute façon,
00:26:31ça finira comme ça.
00:26:32Que d'une manière ou d'une autre,
00:26:34elle le supprimerait.
00:26:35Elle mettrait fin à ses jours.
00:26:37Elle explique que c'est aussi pour ça
00:26:39qu'un fusil qui a été déposé
00:26:41dans sa chambre,
00:26:42qu'il y avait ces trois munitions
00:26:43qui étaient sur cette chaise,
00:26:45sous un coussin,
00:26:46parce qu'elle savait pertinemment
00:26:47qu'un jour ou un autre,
00:26:50ces munitions serviront à ça.
00:26:54Elle n'a donc pas attrapé
00:26:55une arme au vol dans la maison.
00:26:59Les gendarmes lèvent la garde à vue
00:27:00à 16h30.
00:27:01Les charges qui pèsent sur Jacqueline Sauvage
00:27:05viennent de s'alourdir.
00:27:09Placée en garde à vue pour meurtre,
00:27:11Jacqueline Sauvage quitte le juge
00:27:12avec une mise en examen pour assassinat.
00:27:15Autrement dit, meurtre avec préméditation.
00:27:17Les doutes sur la culpabilité du fils
00:27:19sont écartés,
00:27:20mais il reste des choses à éclaircir.
00:27:23Est-ce que Norbert, par exemple,
00:27:24était aussi violent que Jacqueline le dit ?
00:27:26Est-ce qu'elle a réagi
00:27:27après la scène de trop ?
00:27:29Ou est-ce qu'elle a bien prémédité son geste ?
00:27:32Soumise ou maîtresse-femme,
00:27:34Jacqueline Sauvage ?
00:27:36Au fil des jours,
00:27:38les gendarmes découvrent
00:27:39une personnalité complexe.
00:27:42Pas le profil d'une femme faible
00:27:43ou sous l'emprise d'un tyran domestique.
00:27:48Moi, en fait, je fais face à des faits
00:27:49qui sont, Madame Sauvage a tué son mari
00:27:52du fait des violences physiques ou verbales
00:27:55qu'elle a subies pendant toutes ces années.
00:27:57Donc, moi, il faut que je trouve
00:27:58des éléments
00:27:59qui viennent attester cela.
00:28:05Donc, je demande
00:28:07à mes collègues de brigade
00:28:08de rechercher dans leurs archives
00:28:11informatiques ou papiers
00:28:13des traces
00:28:14d'appels
00:28:15ou d'interventions
00:28:17pour des violences.
00:28:23Il n'y a aucune trace
00:28:24de plainte
00:28:26ou de main courante
00:28:27de Madame Marot
00:28:29ou de n'importe qui
00:28:30signalant
00:28:31des violences
00:28:33dont elle a pu être
00:28:34victime.
00:28:37Autre recherche
00:28:38dans l'entourage du couple
00:28:39et à l'hôpital.
00:28:40Lorsqu'on a entendu
00:28:43les voisins,
00:28:45personne n'a été en mesure
00:28:47d'être témoin
00:28:48de violences physiques
00:28:49ni verbales
00:28:51ni avoir pu constater
00:28:53sur le visage
00:28:54de Madame Marot
00:28:55des traces,
00:28:56des échymoses
00:28:57ou quoi que ce soit.
00:28:57Je fais une réquisition
00:29:02auprès du doyen
00:29:03des médecins
00:29:04de manière
00:29:05à ce qu'ils puissent
00:29:06également déterminer
00:29:08s'il y a eu
00:29:09des passages
00:29:10de Madame Marot
00:29:11ou de ses filles
00:29:12pour des consultations
00:29:13aux urgences
00:29:14pour des faits
00:29:15de violences,
00:29:16etc.
00:29:17Résultat,
00:29:18rien.
00:29:19Aucun passage
00:29:20aux urgences.
00:29:22Les enquêteurs
00:29:22poursuivent.
00:29:24Pourquoi supporter
00:29:25de telles violences
00:29:26sans se plaindre
00:29:26pendant ?
00:29:2747 ans.
00:29:29Les moyens de partir,
00:29:30oui,
00:29:30elle l'avait,
00:29:30ça c'est sûr.
00:29:31Prendre sa voiture,
00:29:32quitter le domicile,
00:29:34demander à l'une
00:29:34de ses filles
00:29:35de venir la chercher,
00:29:36de signaler ce problème
00:29:38aux autorités compétentes.
00:29:40Elle avait tout à fait
00:29:41la possibilité
00:29:42de s'échapper
00:29:42de cette situation.
00:29:45Ce qu'elle n'a pas fait
00:29:46et qu'elle n'a pas voulu faire.
00:29:49Il y a qu'elle
00:29:49qui peut expliquer
00:29:50pourquoi elle est comme ça,
00:29:51pourquoi elle vit avec ça.
00:29:57Le juge
00:29:58ne la croit pas.
00:29:59Quoi qu'elle dise,
00:30:01il est très dubitatif
00:30:02et d'ailleurs,
00:30:03il va y avoir
00:30:03cette perception-là
00:30:04tout le temps.
00:30:06L'absence totale
00:30:07d'empathie,
00:30:08on a quelque chose
00:30:08d'également
00:30:09très,
00:30:09très,
00:30:10très,
00:30:10très froid,
00:30:11très objectif,
00:30:12très froid.
00:30:14Comme un malentendu
00:30:15qui s'installe
00:30:15entre Jacqueline
00:30:16et la justice,
00:30:17qui découvre
00:30:18une femme
00:30:19plus forte
00:30:19qu'on pourrait le croire,
00:30:21avec du caractère,
00:30:22des ressources.
00:30:23Pour preuve,
00:30:27ce souvenir
00:30:28de l'avocat
00:30:29de la société Marot,
00:30:30TMM.
00:30:34Je reçois
00:30:35un gentil couple
00:30:36qui a l'air uni,
00:30:38qui est préoccupé
00:30:40par des difficultés
00:30:41matérielles
00:30:42de fonctionnement
00:30:43de l'entreprise,
00:30:45du genre
00:30:45contrat à passer
00:30:47avec les clients.
00:30:48Le monsieur
00:30:49parle assez peu,
00:30:50mais il regarde
00:30:52sa femme
00:30:52puisqu'apparemment
00:30:53c'est elle
00:30:54qui s'occupe
00:30:54de l'administration
00:30:55et je crois
00:30:57comprendre
00:30:58que lui
00:30:58est plutôt
00:30:59le technicien
00:31:00qui s'occupe
00:31:01des moteurs
00:31:01et des camions.
00:31:06Jacqueline Sauvage,
00:31:08elle a un fort caractère,
00:31:09ça c'est certain.
00:31:10C'est elle
00:31:10qui mène.
00:31:14Madame Marot,
00:31:15chef d'entreprise,
00:31:16une réussite sociale
00:31:17dont elle a été
00:31:18l'artisan,
00:31:18mais sans le claironner
00:31:19partout.
00:31:21Et surtout,
00:31:22toujours aux côtés
00:31:22de son mari.
00:31:26Elle est beaucoup
00:31:27plus fine que ça.
00:31:28Elle ne me dit pas
00:31:29j'ai une certaine notoriété
00:31:32dans le pays,
00:31:33nous sommes reconnus.
00:31:34Non.
00:31:35Elle me dit
00:31:36nous sommes une entreprise
00:31:38familiale,
00:31:41mes enfants travaillent
00:31:42dans l'entreprise.
00:31:43et le dimanche,
00:31:49nous allons à la chasse,
00:31:51à la chasse communale
00:31:53avec monsieur le maire.
00:31:54tous les week-ends,
00:32:10tous les week-ends,
00:32:10c'est week-ends de chasse
00:32:12et ils partent tous les deux
00:32:13à la chasse.
00:32:15On ne les voit jamais
00:32:16l'un sur l'autre.
00:32:16On apprend qu'elle,
00:32:23elle est pas mauvaise,
00:32:25qu'elle tire
00:32:26relativement bien.
00:32:29Une fine gâchette,
00:32:30si on veut.
00:32:30Une femme qui s'est décidée,
00:32:39dirigée, visée, tirée,
00:32:41mais qui aurait pris
00:32:42des coups à longueur d'année
00:32:43sans répondre
00:32:45et surtout sans lâcher
00:32:47son mari d'une semelle.
00:32:50On apprend que
00:32:51dans les années 90,
00:32:54monsieur Marot a une liaison
00:32:55avec une des salariés
00:32:57qu'il a même vécu
00:32:59pendant un petit peu
00:33:00moins de 20 mois
00:33:01chez elle.
00:33:03Et lorsqu'on l'a entendue,
00:33:06cette personne,
00:33:06elle nous fait le récit
00:33:07d'un moment de sa vie
00:33:09où finalement,
00:33:11elle est prise en chasse
00:33:11en véhicule
00:33:12par madame Marot
00:33:15qui l'a poursuit
00:33:16jusqu'à son domicile.
00:33:26Je crois même
00:33:27qu'elle était obligée
00:33:28de se réfugier à l'intérieur
00:33:29pour éviter de subir
00:33:31des violences
00:33:31de la part de madame Marot.
00:33:38Elle va le rechercher,
00:33:40elle va rechercher son mari.
00:33:42C'est une opportunité,
00:33:43une raison
00:33:44de pouvoir quitter son époux
00:33:45et partir.
00:33:48Néanmoins,
00:33:49elle montre
00:33:50une forme de jalousie
00:33:51et ça,
00:33:53c'est un peu contradictoire.
00:33:57Dominique,
00:33:57le jour des faits,
00:33:58Jacqueline Sauvage
00:33:59dit qu'elle a pris
00:33:59des somnifères,
00:34:00on est juste après le déjeuner,
00:34:01qu'elle s'est endormie
00:34:02et que c'est son mari
00:34:03qui l'a réveillée.
00:34:03À ce moment-là,
00:34:04elle titube.
00:34:04Le juge a ordonné
00:34:07une expertise toxicologique
00:34:09pour vérifier
00:34:09si elle avait toute sa raison.
00:34:11Qu'est-ce que ça donne ?
00:34:11Les résultats
00:34:12contredisent
00:34:13ces déclarations.
00:34:14Les toxicologues
00:34:15ne retrouvent rien,
00:34:17ni somnifères,
00:34:18ni antidépresseurs,
00:34:19ni aucune autre substance,
00:34:21pas de neuroleptiques,
00:34:22pas de benzodiazépines,
00:34:23pas de barbituriques,
00:34:24pas non plus
00:34:25de produits stupéfiants.
00:34:27Jacqueline Sauvage
00:34:28est clean.
00:34:29Son corps a peut-être
00:34:30évacué les médocs,
00:34:31ça arrive.
00:34:32C'est évidemment
00:34:33ce que vont prétendre
00:34:34ces avocats.
00:34:34Ils le plaideront
00:34:35d'ailleurs plus tard.
00:34:36Ils diront
00:34:36la méthode employée
00:34:38n'est pas assez affinée,
00:34:39si on avait mieux cherché,
00:34:40les toxicologues
00:34:41auraient pu retrouver
00:34:42des traces résiduelles
00:34:44des somnifères.
00:34:45Mais ce n'est pas ça
00:34:46qui est important,
00:34:46Christophe.
00:34:47C'est quoi ?
00:34:47Ce qui est important,
00:34:48c'est qu'elle a menti.
00:34:49Le juge et les gendarmes
00:34:50savent maintenant
00:34:51qu'elle a menti
00:34:52sur les somnifères
00:34:53et pourquoi
00:34:54elle n'aurait pas menti
00:34:54sur le reste,
00:34:55sur les violences
00:34:56qu'elle décrit.
00:34:57Et oui.
00:34:58Et donc,
00:34:58il y a d'autres questions
00:34:59qui se posent.
00:34:59Par exemple,
00:35:00quand a-t-elle préparé l'arme
00:35:01et surtout,
00:35:03pourquoi avoir agi
00:35:04aujourd'hui
00:35:05alors que ça fait
00:35:06quasiment un demi-siècle,
00:35:0847 ans,
00:35:08qu'elle vit l'enfer.
00:35:09Mystère.
00:35:11Jacqueline Sauvage
00:35:12n'est jamais précise
00:35:13dans ses réponses.
00:35:15Elle va raconter
00:35:15qu'elle est allée chercher
00:35:16des cartouches
00:35:17pour mettre dans le fusil.
00:35:18Elle les a prises
00:35:19dans l'armoire de chasse,
00:35:20dans le sous-sol.
00:35:21Elle les a remontées,
00:35:22posées sur une chaise,
00:35:23dans sa chambre,
00:35:24sous un coussin.
00:35:25On lui demande quand.
00:35:26Elle dit,
00:35:27il y a peut-être une semaine.
00:35:28Est-ce que c'était
00:35:29pour vous en prendre
00:35:29à Norbert ?
00:35:31Oui,
00:35:31mais pas seulement,
00:35:32peut-être aussi
00:35:33à un cambrioleur.
00:35:34Elle n'est jamais claire
00:35:36dans ses réponses.
00:35:37Elle dit au juge,
00:35:38j'avais toujours l'idée
00:35:39qu'un jour,
00:35:40ça finirait mal.
00:35:41Ça veut dire que
00:35:42la préméditation
00:35:43n'est pas tranchée, en fait.
00:35:44Non.
00:35:44Et pour en avoir
00:35:44le cœur net,
00:35:45le juge demande
00:35:47une reconstitution
00:35:48le 5 décembre 2012.
00:35:54Chez elle,
00:35:55dans son élément,
00:35:56Jacqueline Sauvage
00:35:57sera peut-être
00:35:57moins confuse.
00:36:00C'est en tout cas
00:36:01l'espoir du juge.
00:36:04Madame Sauvage
00:36:05arrive chez elle
00:36:06comme si elle avait
00:36:08quitté la veille.
00:36:09Elle regarde
00:36:09comment ça se passe
00:36:10chez elle,
00:36:10comment elle est chez elle
00:36:12après ses quelques mois
00:36:13d'absence
00:36:13et va regarder son courrier.
00:36:18Ça a un côté
00:36:19un petit peu surréaliste.
00:36:20Le juge, lui,
00:36:26a un plan de travail.
00:36:29On va demander, oui,
00:36:31à Madame Marot
00:36:32de refaire les gestes
00:36:33qu'elle a fait
00:36:34le jour des faits,
00:36:36de simuler les tirs,
00:36:37savoir si effectivement
00:36:38l'arme,
00:36:39elle est susceptible
00:36:39de dévier ou pas.
00:36:42Est-ce que tous les tirs
00:36:43ont pu atteindre
00:36:44leur objectif ?
00:36:48Et le résultat est
00:36:49tout simplement
00:36:50que, bien oui,
00:36:51tout est compatible.
00:36:53Et on n'a pas tiré
00:36:54dans tous les sens.
00:36:55Il a fallu réajuster
00:36:56l'arme entre les trois tirs,
00:36:58expliquent les balisticiens.
00:37:02La patte
00:37:03d'un bon chasseur.
00:37:07Madame Sauvage
00:37:08s'avait manipulé
00:37:09une arme,
00:37:10elle avait des munitions,
00:37:12donc on va
00:37:12se focaliser
00:37:13sur les munitions.
00:37:14Ça va être vraiment
00:37:15l'interrogation
00:37:16de cette reconstitution.
00:37:18Et c'est d'ailleurs
00:37:19par rapport
00:37:19à ces munitions
00:37:21sous le coussin
00:37:22qu'on va vouloir
00:37:23lui imputer
00:37:24une préméditation.
00:37:28Montrer
00:37:28que Madame Sauvage
00:37:31avait en fait
00:37:32mis de côté
00:37:33des munitions
00:37:34et plus une arme
00:37:35pour se servir
00:37:36contre son mari.
00:37:39Madame Sauvage
00:37:40veut indiquer
00:37:41que si elle avait eu envie
00:37:43de tuer son mari
00:37:45et qu'elle aurait préparé
00:37:47cela,
00:37:47elle aurait fait
00:37:48plus longtemps.
00:37:50Reste une zone d'ombre
00:37:51quand même.
00:37:52Ce trou de trois heures
00:37:53entre son réveil brutal
00:37:55qu'elle situe
00:37:55vers 16h
00:37:56et le moment
00:37:57où les voisins
00:37:58entendent les tirs
00:37:59vers 19h15.
00:38:02C'est vrai
00:38:02qu'on ne sait pas
00:38:03trop ce qui se passe
00:38:04entre ce moment-là
00:38:06et finalement
00:38:07l'heure
00:38:08à laquelle
00:38:09elle se saisit
00:38:10du fusil
00:38:11et qu'elle va
00:38:12tirer sur lui.
00:38:16Ce qui est indéniable
00:38:16c'est qu'elle appelle
00:38:18juste après
00:38:19avoir tiré
00:38:20donc il est autour
00:38:21de 19h30
00:38:22donc il y a
00:38:23trois heures
00:38:24où on ne sait pas
00:38:25trop ce qui s'est passé.
00:38:27Des heures pour ruminer
00:38:28et préparer
00:38:29l'exécution de son mari
00:38:30après avoir caché
00:38:31l'arme et les munitions
00:38:32dans sa chambre.
00:38:34Pour le juge
00:38:34la préméditation
00:38:35est signée.
00:38:41En détention
00:38:45Jacqueline Sauvage
00:38:46s'entretient
00:38:46avec un psychiatre
00:38:47et un psychologue.
00:38:48Dominique
00:38:49est-ce qu'ils peuvent
00:38:49expliquer
00:38:50comment cette femme
00:38:51qui a du caractère
00:38:52un caractère bien trempé
00:38:53ait pu rester
00:38:54autant de temps
00:38:55avec un mari violent ?
00:38:57Pas vraiment.
00:38:58Alors
00:38:58ils ne parlent pas
00:39:00d'une femme sous emprise
00:39:01les psys ne parlent pas
00:39:03non plus
00:39:03d'une menteuse
00:39:04elle leur répond
00:39:05quand ils lui posent
00:39:07la question
00:39:07qu'elle n'a
00:39:08échafaudé
00:39:09aucun plan
00:39:10qu'elle assume
00:39:11et elle dit
00:39:12j'ai pété les plombs
00:39:14et voilà.
00:39:15La psychologue
00:39:16note que
00:39:17Jacqueline Sauvage
00:39:18ne remet pas son geste
00:39:19en question
00:39:20parce qu'elle s'est
00:39:21toujours sentie
00:39:22victime
00:39:23d'un homme
00:39:24qu'elle n'a pas réussi
00:39:25à quitter.
00:39:26Est-ce qu'il y a
00:39:26altération du discernement
00:39:28au moment des faits
00:39:28ou pas ?
00:39:29Le fameux article
00:39:30122-1
00:39:31non
00:39:31ni abolition
00:39:33ni altération
00:39:34du discernement
00:39:35finalement
00:39:35ces expertises
00:39:37elles n'apportent
00:39:38pas grand chose.
00:39:39Donc Jacqueline Sauvage
00:39:40est renvoyée devant
00:39:40une cour d'assises
00:39:41pour assassinat
00:39:42assassinat sur conjoint
00:39:44ce qui est une circonstance
00:39:45aggravante.
00:39:46Elle risque quoi ?
00:39:47Elle risque
00:39:47la réclusion criminelle
00:39:48à perpétuité
00:39:49et elle va être jugée
00:39:50par la cour d'assises
00:39:52du Loiret
00:39:53à Orléans.
00:39:55Il va falloir se battre.
00:39:59Jacqueline Sauvage
00:40:00change d'avocat
00:40:01elle reprend celui
00:40:01de la société Marot
00:40:02et il obtient
00:40:04sa remise en liberté
00:40:05en avril 2014.
00:40:07Exceptionnel
00:40:08pour un assassinat.
00:40:15Le procès s'ouvre
00:40:17six mois plus tard
00:40:17le 24 octobre.
00:40:21La cour d'assises
00:40:22d'Orléans
00:40:22n'attire pas la foule.
00:40:26À peine quelques journalistes
00:40:27de la presse locale.
00:40:31Jacqueline Sauvage
00:40:32c'est quelqu'un
00:40:32quand elle rentre
00:40:34dans la salle d'audience
00:40:35on ne pourrait pas
00:40:36imaginer qu'elle
00:40:37est accusée.
00:40:39Elle arrive libre
00:40:40c'est vrai
00:40:40et donc
00:40:42elle comparaît
00:40:43en imaginant
00:40:45qu'on va
00:40:46pouvoir se mettre
00:40:47à sa place.
00:40:49La place
00:40:49qu'elle a cachée
00:40:50à tout le monde.
00:40:52Mais d'un seul coup
00:40:52on va pouvoir
00:40:53la découvrir.
00:40:55Mais à peine
00:40:56la présidente
00:40:57l'interroge-t-elle
00:40:58sur sa vie
00:40:58que l'accusé
00:40:59se referme
00:41:00comme une huître.
00:41:01elle déroule
00:41:03le fil de sa vie
00:41:04comme si
00:41:06c'était la vie
00:41:07de sa meilleure amie.
00:41:09On n'a pas l'impression
00:41:10qu'elle parle d'elle.
00:41:13Le fait
00:41:14que Jacqueline Sauvage
00:41:15s'acoquine
00:41:16avec
00:41:17Norbert Marot
00:41:18qui était
00:41:19un mauvais garçon
00:41:20on n'est pas
00:41:21du tout
00:41:22du goût
00:41:23de sa famille
00:41:24qui va tout faire
00:41:25pour s'opposer
00:41:26à cette union.
00:41:28Et Jacqueline Sauvage
00:41:29va passer outre.
00:41:30Et je pense
00:41:31qu'elle a
00:41:31toujours
00:41:33voulu
00:41:34prouver
00:41:35qu'elle n'avait
00:41:36pas eu tort.
00:41:40Comment les jurés
00:41:41pourraient-ils croire
00:41:42que cette forte tête
00:41:43capable de rompre
00:41:44avec sa famille
00:41:44par amour
00:41:45à l'adolescence
00:41:45a pu plier les Chines
00:41:47et prendre des coups
00:41:48pendant plus de 40 ans ?
00:41:50Elle pense
00:41:53qu'ils vont avoir
00:41:55une empathie telle
00:41:58qu'ils vont comprendre
00:41:59ce qui se passe
00:42:00sans parole.
00:42:02Voilà.
00:42:05Bon.
00:42:06C'est impossible.
00:42:07Je lui dis
00:42:07écoutez
00:42:08il faudra expliquer
00:42:08exactement
00:42:09ce qui s'est passé
00:42:10et elle m'a dit
00:42:11moi je ne pleurniche pas.
00:42:12L'avocate générale
00:42:17ou même la présidente
00:42:18vont s'étonner
00:42:19que personne
00:42:20n'ait jamais vu
00:42:21sur Jacqueline Sauvage
00:42:23de traces de coups
00:42:24ce qui est quelque chose
00:42:25qui ne correspond pas
00:42:27à ce qu'elle dit.
00:42:28Et Jacqueline Sauvage
00:42:29dit mais moi
00:42:29lorsque j'avais des bleus
00:42:31je ne sortais pas.
00:42:32Lorsque j'allais voir
00:42:33le médecin
00:42:33c'était parce que
00:42:34je n'avais plus de bleus.
00:42:35Elle s'arrangeait
00:42:37pour continuer
00:42:39à donner le change
00:42:39et à montrer
00:42:41à l'extérieur
00:42:42en tout cas
00:42:43faire croire
00:42:44à l'extérieur
00:42:44que tout allait bien.
00:42:48On avait du mal
00:42:50à adhérer
00:42:51à ce qu'elle disait.
00:42:52On avait un peu
00:42:53l'impression
00:42:54qu'elle faisait
00:42:56une récitation.
00:42:58Jacqueline Sauvage
00:42:59s'est construit
00:43:00une carapace
00:43:01je crois
00:43:01pour se protéger
00:43:03de la violence
00:43:05de son mari
00:43:06et cette carapace
00:43:08elle y est enfermée
00:43:09y compris le jour
00:43:10de son procès.
00:43:10C'est-à-dire
00:43:11qu'elle n'arrive pas
00:43:12à transmettre
00:43:13l'émotion
00:43:15que devrait susciter
00:43:1747 années
00:43:19d'horreur.
00:43:21Inaudible l'accusé.
00:43:23À la barre
00:43:23ces filles
00:43:24viennent à sa rescousse.
00:43:25Elles sidèrent
00:43:26même la salle.
00:43:27L'une après l'autre
00:43:28elles se livrent.
00:43:30Une intimité
00:43:30qu'elles n'avaient
00:43:31jamais confiée.
00:43:32En tout cas
00:43:33jamais en public.
00:43:35On a découvert
00:43:35qu'il y avait
00:43:36une affaire
00:43:36dans l'affaire
00:43:37et que Norbert Marot
00:43:38pouvait se livrer
00:43:40à des choses
00:43:40encore plus sordides.
00:43:42Ce n'étaient pas
00:43:42des fessées
00:43:42mais des trampes.
00:43:44Il y a eu
00:43:45des agressions sexuelles
00:43:46quand j'ai eu
00:43:4612-13 ans.
00:43:47Une fois
00:43:48il m'a violé
00:43:48dans la salle de bain.
00:43:51Norbert Marot
00:43:52violait ses propres filles
00:43:53les frappées.
00:43:57Il allait jusqu'à
00:43:58casser
00:43:59un fusil
00:44:00sur le dos
00:44:01d'une de ses filles
00:44:02dont il a également
00:44:03brisé le tympan.
00:44:04Et tout ça
00:44:11dans une espèce
00:44:12d'impunité
00:44:13générale.
00:44:23C'est toute une famille
00:44:25qui est sous le joug
00:44:26d'un tyran domestique.
00:44:28Jacqueline Sauvage
00:44:29ignorait-elle vraiment
00:44:30ces violences
00:44:31sur ses filles ?
00:44:33Ces explications
00:44:34restent confuses.
00:44:35Les coups, oui.
00:44:37Les viols, non.
00:44:39On reproche
00:44:40à Jacqueline Sauvage
00:44:41à ce moment-là
00:44:41de ne pas avoir
00:44:43su protéger
00:44:44ses filles
00:44:44ni des coups
00:44:46ni des viols.
00:44:48Et on lui fait remarquer
00:44:49qu'elle aurait pu
00:44:50tout aussi bien
00:44:51déposer plainte.
00:44:51Et d'ailleurs
00:44:52on va faire
00:44:53la même remarque
00:44:53aux filles
00:44:54pourquoi n'avez-vous
00:44:55pas déposé plainte ?
00:44:56Et toutes
00:44:57ont la même réponse
00:44:58à chaque fois.
00:44:59Si on avait déposé plainte
00:45:00ça aurait été pire.
00:45:02Ce qui en dit long
00:45:03sur l'emprise violente
00:45:06qu'avait Norbert Marot
00:45:08sur ce huis clos familial.
00:45:12L'avocate générale
00:45:13est sensible
00:45:13au récit des filles
00:45:14et à la surprise générale
00:45:16elle renonce
00:45:16à la préméditation.
00:45:19Oublier l'assassinat
00:45:19c'est un meurtre.
00:45:22Mais ça ne suffit
00:45:23toujours pas
00:45:23à la défense
00:45:24qui veut convaincre
00:45:26la cour
00:45:26que Jacqueline
00:45:27n'a pas réalisé
00:45:28ce qu'elle faisait.
00:45:29à la façon
00:45:31dont Jacqueline Sauvage
00:45:33s'était expliquée
00:45:34et à la façon
00:45:35dont les filles
00:45:37étaient en difficulté
00:45:40parce qu'elles avaient
00:45:41à exprimer
00:45:42quelque chose
00:45:43qu'elles avaient caché
00:45:44pendant des années
00:45:44et des années
00:45:45il faut
00:45:46aboutir
00:45:50à
00:45:50la conviction
00:45:52des jurés
00:45:53de ce que
00:45:55il n'y a pas eu
00:45:58de volonté homicide
00:45:59et qu'il y a eu
00:46:02un accident
00:46:05une perte
00:46:05de contrôle.
00:46:08Les jurés
00:46:09pouvaient quand même
00:46:10avoir un doute sérieux.
00:46:12Mais non
00:46:13les jurés
00:46:15n'ont pas voulu
00:46:15de l'accident
00:46:16ni de l'altération
00:46:18du discernement
00:46:18et le 28 octobre
00:46:212014
00:46:22Jacqueline Sauvage
00:46:23est condamnée
00:46:23à 10 ans
00:46:24de réclusion.
00:46:2710 ans
00:46:27c'est mieux
00:46:27que la perpétuité
00:46:28ou les 12 à 14 ans
00:46:30demandés par l'avocat général.
00:46:32Mais pour certains
00:46:32ce verdict
00:46:33est encore trop lourd
00:46:34injustement lourd
00:46:36c'est le début
00:46:37de l'affaire Sauvage.
00:46:42Je trouve que la peine
00:46:47elle est sévère
00:46:47et en même temps
00:46:49je ne suis pas étonnée
00:46:50parce que je trouve
00:46:51que la justice
00:46:52est toujours
00:46:52beaucoup plus dure
00:46:53à l'égard des femmes.
00:46:54C'était un peu
00:46:55la condamnée
00:46:57elle
00:46:57de tout le déni
00:46:59de la société
00:47:00autour du sujet
00:47:01des violences
00:47:02faites aux femmes.
00:47:03Elle prenait
00:47:04pour tout le monde.
00:47:07Début 2012
00:47:08quelques mois
00:47:09avant la mort
00:47:09de Norbert Marot
00:47:10le procès
00:47:10d'une autre femme
00:47:11battue a fait sensation
00:47:12celui d'Alexandra Lange
00:47:14Jacqueline Sauvage
00:47:16se rapproche
00:47:17de ses avocates.
00:47:20Cette affaire
00:47:21avait fait
00:47:22grand bruit
00:47:23parce que c'était
00:47:24quand même
00:47:25la première fois
00:47:26qu'une femme
00:47:27accusée du meurtre
00:47:29d'un homme
00:47:30de surcroît
00:47:31son conjoint
00:47:32était acquittée.
00:47:34une vie
00:47:41de soumission
00:47:43d'une esclave
00:47:46une esclave
00:47:47conjugale
00:47:48une esclave
00:47:49ménagère
00:47:49une esclave
00:47:50sexuelle
00:47:51et de la prostitute
00:47:53et un beau jour
00:47:57traumatisée
00:47:58elle lui dit
00:48:00je vais partir.
00:48:00réponse du conjoint
00:48:04des coups
00:48:05la scène du drab
00:48:08ils sont dans la cuisine
00:48:09ils la couche
00:48:10effectivement
00:48:11sur la table
00:48:12de la cuisine
00:48:12et il veut
00:48:13l'étrangler
00:48:14et Alexandra
00:48:16voit un couteau
00:48:18elle met le couteau
00:48:19dans sa gorge
00:48:19et il va mourir.
00:48:21le procès
00:48:25de cette jeune maman
00:48:26de quatre enfants
00:48:26se déroule à Douai
00:48:27en mars 2012.
00:48:31Alexandra Lange
00:48:32était très mutique
00:48:33ne répondez pas
00:48:34aux questions
00:48:34ne parlez pas
00:48:35tant et si bien
00:48:36que la présidente
00:48:37est venue
00:48:38m'interroger
00:48:40en me disant
00:48:41écoutez
00:48:41il va falloir
00:48:42qu'elle parle
00:48:43parce que sinon
00:48:44on ne comprend pas bien
00:48:45ce qui s'est passé
00:48:46on ne comprend pas bien
00:48:46qui elle est
00:48:47et elle a parlé
00:48:48elle a réussi
00:48:50elle a réussi
00:48:51parce que c'était
00:48:52le moment ou jamais.
00:48:57Alexandra Lange
00:48:57va émouvoir
00:48:58jusqu'à l'homme
00:49:00qui porte l'accusation.
00:49:03Malheureusement
00:49:04on a rendez-vous
00:49:04avec ce type de victime
00:49:06d'habitude
00:49:06c'est à la morgue
00:49:07et cette fois-ci
00:49:08c'est différent
00:49:10donc c'est un procès
00:49:11problématique
00:49:12qui permet
00:49:12de parler
00:49:13de ce que vivent
00:49:15les femmes
00:49:16victimes de violences
00:49:17intrafamiliales.
00:49:19Les mots
00:49:19de l'avocat général
00:49:20lors du procès
00:49:21d'Alexandra Lange
00:49:22créent un événement
00:49:23judiciaire
00:49:23inédit
00:49:24historique.
00:49:27Il a estimé
00:49:28que la société
00:49:28ne pouvait pas
00:49:29se défausser
00:49:30puisqu'elle ne l'avait
00:49:31pas aidée
00:49:32et il a conclu
00:49:33en disant
00:49:33madame
00:49:34vous n'avez rien
00:49:34à faire ici
00:49:35acquittez-la.
00:49:37Un inquiétement
00:49:39que la défense
00:49:40de Jacqueline Sauvage
00:49:41compte bien demander
00:49:41aussi pour sa
00:49:42nouvelle cliente
00:49:43mais pour
00:49:44l'avocat général
00:49:45qui doit soutenir
00:49:46l'accusation
00:49:46en appel
00:49:47Jacqueline
00:49:49c'est pas
00:49:50Alexandra
00:49:5010 ans
00:49:53de réclusion
00:49:53criminelle
00:49:54ça me paraissait
00:49:56adapté
00:49:56ça me paraissait
00:49:57adapté
00:49:57parce que ça
00:49:58prenait en considération
00:49:59et tenait pour vrai
00:50:01ce que madame
00:50:02Sauvage nous disait
00:50:03de sa vie
00:50:03qui était une vie
00:50:05assurée
00:50:06une vie déterminée
00:50:07mais une vie aussi
00:50:07subie
00:50:08de la part
00:50:08de son sale bonhomme
00:50:09voilà
00:50:09et donc
00:50:10je rappelle
00:50:11qu'un homicide
00:50:12volontaire par conjoint
00:50:13on encourt
00:50:14la réclusion
00:50:14criminelle
00:50:15à perpétuité
00:50:16alors va-t-il
00:50:19réclamer
00:50:19à nouveau
00:50:2010 ans
00:50:20face à lui
00:50:21la défense
00:50:22rejoue
00:50:22la stratégie
00:50:23gagnante
00:50:23de l'affaire
00:50:24Lange à Douai
00:50:24l'accusé
00:50:26doit susciter
00:50:27l'empathie
00:50:28il faut que
00:50:30la famille
00:50:32se mette
00:50:33à nu
00:50:34devant
00:50:35la cour d'assises
00:50:36en appel
00:50:36c'est leur
00:50:37dernière chance
00:50:38de tout dire
00:50:40le procès
00:50:46en appel
00:50:47s'ouvre à Blois
00:50:48le 1er décembre
00:50:492015
00:50:49cette fois
00:50:51c'est la foule
00:50:51des grands jours
00:50:52sur les bancs
00:50:53des féministes
00:50:54et des journalistes
00:50:55en nombre
00:50:55comme au chevet
00:50:57d'une accusée
00:50:58qui a changé
00:50:59elle a vieilli
00:51:04elle a le visage
00:51:05défait
00:51:06on sent que
00:51:07la détention
00:51:07l'a beaucoup
00:51:08atteinte
00:51:09on la sent
00:51:11assez inquiète
00:51:12et
00:51:13vraiment
00:51:14elle renvoie
00:51:16une image
00:51:17beaucoup plus humaine
00:51:18pour le coup
00:51:19ses avocates
00:51:23ont reconvoqué
00:51:24les témoins
00:51:24de la vie
00:51:25du couple Marot
00:51:26et c'est un défilé
00:51:28contre Norbert
00:51:28il fallait quand même
00:51:31apporter des éléments
00:51:32nouveaux
00:51:32si on voulait
00:51:33que Jacqueline Sauvage
00:51:34soit entendue
00:51:35soit reconnue
00:51:36dans tout ce qu'elle disait
00:51:37nous on a découvert
00:51:45qu'il y avait
00:51:46plein de gens
00:51:47comme nous
00:51:47qui avaient été embêtés
00:51:48par lui
00:51:48il y avait une dame
00:51:49qui avait eu ses choix
00:51:49empoisonnés
00:51:50il y avait une commerçante
00:51:53qui avait été
00:51:55en kikiné aussi
00:51:56j'avais entendu dire
00:51:57qu'il avait
00:51:58il avait
00:51:59taillé
00:52:00la haie
00:52:00pour pouvoir
00:52:01regarder
00:52:02chez son voisin
00:52:03sa voisine
00:52:04qui était en maillot de bain
00:52:05voilà
00:52:06et ça
00:52:07ça ne m'étonne pas
00:52:08nous un jour
00:52:08j'avais mes petits-enfants
00:52:09en pleine soirée
00:52:11il faisait nuit
00:52:12il a un escalier
00:52:13sur le côté de sa maison
00:52:14avec un petit balcon
00:52:15il nous a envoyé
00:52:17un gros projecteur
00:52:18dans le salon
00:52:18c'était ce genre
00:52:21de conneries
00:52:23c'était perpétuel
00:52:25moi je savais
00:52:30qu'il était cavaleur
00:52:31pour moi
00:52:32c'était une famille normale
00:52:33sauf qu'un jour
00:52:36chez lui
00:52:38j'ai vu que Norbert
00:52:39il avait déjà déplacé
00:52:40avec une de ses filles
00:52:41il est peut-être
00:52:43la poitrine
00:52:45les hanches
00:52:46alors j'ai fait la remarque
00:52:48je lui ai dit
00:52:49Norbert qu'est-ce que tu fais
00:52:50il m'a dit
00:52:51oh c'est pas grave
00:52:51on s'amuse
00:52:52donc on s'était fâchés
00:52:54et là on s'est pas vus
00:52:55pendant un bon moment
00:52:56on a bu du champagne
00:53:03avec nos voisines
00:53:04moi j'ai bu à ma tranquillité
00:53:07ce qui est hors de question
00:53:08je trinque à la mort de quelqu'un
00:53:09mais ma voisine
00:53:12elle elle a trinqué à sa mort
00:53:14le procès en appel
00:53:17de Jacqueline
00:53:18devient le procès
00:53:18de Norbert
00:53:19et comme pour Alexandra Lange
00:53:22les avocates soutiennent
00:53:23la légitime défense
00:53:24elle nous a dit
00:53:28je l'ai tué
00:53:30j'étais
00:53:31en état de légitime défense
00:53:33parce que si c'était pas moi
00:53:35qui l'avait tué
00:53:36ce soir là
00:53:36c'est lui
00:53:37qui m'aurait tué
00:53:38puisqu'il lui avait dit
00:53:39dès le matin
00:53:40je vais tous
00:53:41vous tuer
00:53:42toi
00:53:43et tes bâtards
00:53:45une légitime défense
00:53:48un peu particulière
00:53:49décalée
00:53:51ou différée
00:53:52comme l'explique la défense
00:53:53au Canada
00:53:55des experts psychiatriques
00:53:57invoquent le syndrome
00:53:59de femme battue
00:53:59c'est à dire
00:54:00qu'une femme battue
00:54:01n'a pas les mêmes réactions
00:54:03qu'une femme
00:54:03qui ne l'a jamais été
00:54:04et que ça peut s'expliquer
00:54:06qu'il y ait une altération
00:54:08du discernement
00:54:08au moment où elle tire
00:54:10parce que c'est un geste
00:54:11de survie
00:54:12et qu'on peut comprendre
00:54:13que ça ne soit pas
00:54:14dans le même temps
00:54:15au même moment
00:54:17qu'elle se défend
00:54:18qu'il peut y avoir
00:54:19un décalage
00:54:20assez proche
00:54:21mais qu'il puisse y avoir
00:54:22un décalage
00:54:23Seulement voilà
00:54:25les jurés
00:54:26et les cours d'assises
00:54:26sont là pour appliquer
00:54:27les textes français
00:54:28pas pour écrire
00:54:30ou changer la loi
00:54:31La légitime défense
00:54:34telle qu'elle est prévue
00:54:35dans notre code pénal
00:54:37c'est pour
00:54:39essayer de faire simple
00:54:40et vulgariser
00:54:41c'est de dire
00:54:41si je suis victime
00:54:43d'une attaque
00:54:44illégitime
00:54:45je peux m'en défendre
00:54:47et dans une riposte
00:54:49immédiate
00:54:50et proportionnée
00:54:51je peux moi-même
00:54:53commettre un acte de violence
00:54:54pour me défendre
00:54:54vous voyez
00:54:55mais moi mon but
00:54:56dans mes réquisitions
00:54:57c'est quand même
00:54:57de rappeler
00:54:58aux magistrats professionnels
00:55:00et aux jurés
00:55:01qu'ils ont à juger
00:55:02une dame
00:55:02qui est accusée
00:55:03d'avoir tué
00:55:04un homme
00:55:05dans des conditions
00:55:06quand même particulières
00:55:07il faut peut-être
00:55:07y revenir deux secondes
00:55:08trois coups de feu
00:55:10donné
00:55:10nous dit l'expert balistique
00:55:12à moins de deux mètres
00:55:13dans le dos
00:55:14bon c'est un carnage
00:55:15c'est une exécution
00:55:17ça reste un meurtre
00:55:25et dans son réquisitoire
00:55:27monsieur Chevalier
00:55:29dira à un moment donné
00:55:30je ne vais quand même
00:55:31pas madame Sauvage
00:55:32vous donner une médaille
00:55:34pour avoir débarrassé
00:55:36la selle sur biais
00:55:37d'un monstre
00:55:37et l'avocat général
00:55:41de conclure
00:55:42au nom de la société
00:55:43je disais que
00:55:45si madame Sauvage
00:55:46devait être acquittée
00:55:48parce qu'on considérait
00:55:50qu'elle était
00:55:50en état légitime défense
00:55:51alors ce serait
00:55:52lui donner un permis
00:55:52de tuer
00:55:53l'avocat général
00:55:58est convaincant
00:55:59ce permis de tuer
00:56:01les jurés de Blois
00:56:01refuse de le donner
00:56:03à Jacqueline Sauvage
00:56:04même peine
00:56:0610 ans
00:56:07quant au fond de la salle
00:56:10une voix se lève
00:56:12est-ce que c'est possible
00:56:13oui allez
00:56:14est-ce que là franchement
00:56:16c'est possible
00:56:20monsieur
00:56:20l'avocat général
00:56:21est-ce que c'est possible
00:56:22je me fiche des caméras
00:56:26je me fiche de la justice
00:56:27je veux ma mère dans mes bras
00:56:28c'est tout ce que je veux
00:56:29maman
00:56:30le verdict de Blois
00:56:46suscite cette fois
00:56:46un tollé
00:56:47les féministes
00:56:48et de nombreuses personnalités
00:56:50montent au créneau
00:56:51l'indignation
00:56:52gagne le sommet de l'état
00:56:53j'ai vu
00:57:01ces femmes
00:57:03se précipiter
00:57:05vers leur mère
00:57:06au moment du jugement
00:57:08ça m'a bouleversée
00:57:10ce que cette femme
00:57:15a enduré
00:57:16je l'ai cru
00:57:17ce que ces enfants
00:57:19ont enduré
00:57:19je l'ai cru
00:57:20alors
00:57:21peut-être
00:57:24parce que j'ai vu
00:57:26ce qui se passait
00:57:26chez moi
00:57:27parce que
00:57:29ma mère n'a pas
00:57:31porté plainte
00:57:32j'ai vécu
00:57:33je sais ce que c'est
00:57:34toutes les formes
00:57:36de violence
00:57:37je sais ce que c'est
00:57:41si moi je prends pas
00:57:43la parole
00:57:43qui va le prendre
00:57:44vivez-les
00:57:46Jacqueline
00:57:47vivez-les
00:57:48Jacqueline
00:57:49vivez-les
00:57:50la comédienne
00:57:51Neva Darland
00:57:51crée un comité
00:57:52de soutien
00:57:52vite rejoint
00:57:53par Annie Dupéret
00:57:54Muriel Robin
00:57:55Guy Baudos
00:57:56et d'autres artistes
00:57:57indignée
00:57:58comme nombre
00:57:59de féministes
00:58:00Karine Plassard
00:58:01elle lance
00:58:02une pétition
00:58:02pour demander
00:58:03la grâce
00:58:03de Jacqueline Sauvage
00:58:04libérez
00:58:05Jacqueline
00:58:06libérez
00:58:07cette femme
00:58:08elle a suivi
00:58:08un calvaire
00:58:09ça s'emballe
00:58:10ça s'emballe
00:58:11assez vite
00:58:11parce que
00:58:12mi-décembre
00:58:14elle est déjà
00:58:15à 80 000 signatures
00:58:17et au mois de janvier
00:58:18quand on fait
00:58:19la manif
00:58:20elle est à plus
00:58:21de 300 000
00:58:22donc en effet
00:58:22ça va hyper vite
00:58:24les semaines passent
00:58:32mais la pression
00:58:33ne faiblit pas
00:58:33le 23 janvier 2016
00:58:39une manifestation
00:58:40s'organise à Paris
00:58:41justice sauvage
00:58:42libérez Jacqueline
00:58:43justice sauvage
00:58:45on arrive à la sortie
00:58:46du métro
00:58:47on monte les escaliers
00:58:49et là on voit
00:58:50des dizaines
00:58:52de camions
00:58:53télé
00:58:54et je me retourne
00:58:55vers mes copines
00:58:56et je dis
00:58:56ah il doit y avoir
00:58:57une autre manif
00:58:58ben pas du tout
00:59:01c'était pour nous
00:59:02en fait
00:59:02et moi
00:59:03encore une fois
00:59:04un peu dépassée
00:59:05par le truc
00:59:06en me disant
00:59:06mais qu'est-ce
00:59:07qui se passe
00:59:07les médias couvrent
00:59:12et amplifient
00:59:12la mobilisation
00:59:13pour Jacqueline
00:59:13sauvage
00:59:14tandis que
00:59:15les femen
00:59:16créent l'événement
00:59:17devant la prison
00:59:18libérez Jacqueline
00:59:21libérez Jacqueline
00:59:23les femmes
00:59:24contre-attaquent
00:59:25dans la vie
00:59:26c'est des femmes
00:59:26extraordinaires
00:59:27quel courage
00:59:28quel courage
00:59:29les femmes
00:59:30contre-attaquent
00:59:31dans la vie
00:59:32c'est des femmes
00:59:32qui sont allées
00:59:34bêcher devant la prison
00:59:35pour essayer
00:59:37de faire un souterrain
00:59:38pour que
00:59:39Jacqueline sauvage
00:59:40s'enfuit
00:59:40c'était fortif
00:59:43c'était bien
00:59:43les politiques
00:59:47s'en mêlent
00:59:48deux députés
00:59:49passent soutenir
00:59:49l'accusé en prison
00:59:50le comité de soutien
00:59:54demande la grâce
00:59:55parce qu'il n'y a pas
00:59:55d'autre issue
00:59:56et on attend
00:59:59la réaction
00:59:59de François Hollande
01:00:00sauf que
01:00:01François Hollande
01:00:01avait fait
01:00:02une promesse
01:00:04de campagne
01:00:05que jamais
01:00:07il ne grâcerait personne
01:00:08une fois que la question
01:00:18de la grâce
01:00:18a été évoquée
01:00:20elle posait pour moi
01:00:22un problème de principe
01:00:23que j'avais déjà
01:00:24soulevé
01:00:26avant même
01:00:26d'être président
01:00:27pourquoi faudrait-il
01:00:28que le chef de l'état
01:00:30au prétexte
01:00:30qu'il a été élu
01:00:32par les français
01:00:33puisse décider
01:00:34de la liberté
01:00:36ou non
01:00:36d'une personne
01:00:37condamnée
01:00:38je pourrais en faire
01:00:39usage ou pas
01:00:40ou pas
01:00:41donc
01:00:41mais j'étais réservé
01:00:43parce qu'il
01:00:44venait à mes yeux
01:00:45ce droit de grâce
01:00:46remettre en cause
01:00:47l'indépendance
01:00:48de la justice
01:00:49je suis très attaché
01:00:51à l'indépendance
01:00:52de la justice
01:00:52et je ne voulais pas
01:00:54que ça devienne
01:00:54finalement une facilité
01:00:56l'Elysée fait savoir
01:01:01que le président
01:01:02est en train
01:01:02de réfléchir
01:01:03au cas sauvage
01:01:04et le 29 janvier
01:01:08il reçoit ses filles
01:01:09et ses avocates
01:01:10
01:01:18le témoignage
01:01:19des filles
01:01:20était tout à fait clair
01:01:22à l'égard de leur mère
01:01:24et elles souffraient
01:01:25véritablement
01:01:26non seulement
01:01:27de ce qu'elles avaient pu
01:01:28elles-mêmes subir
01:01:29mais souffraient
01:01:30de voir leur mère
01:01:31en détention
01:01:32alors qu'elle avait
01:01:33elle-même
01:01:34connu toute forme
01:01:35de violence
01:01:36donc voilà
01:01:37c'est ça
01:01:37qui m'a amené
01:01:39à aller encore plus loin
01:01:40dans la recherche
01:01:41donc de regarder
01:01:42le dossier judiciaire
01:01:43lui-même
01:01:44et d'envisager
01:01:46donc une procédure
01:01:48de grâce
01:01:49donc j'en suis arrivé
01:01:56à une position
01:01:58qui me paraissait
01:01:58la meilleure
01:01:59pour respecter
01:02:00l'indépendance
01:02:00de la justice
01:02:01et pour permettre
01:02:02à Jacqueline Sauvage
01:02:03de retrouver
01:02:04le plus vite possible
01:02:05sa liberté
01:02:06de faire
01:02:08une grâce
01:02:09partielle
01:02:10pour qu'elle puisse
01:02:11demander
01:02:11une libération
01:02:12conditionnelle
01:02:13le 2 février
01:02:202016
01:02:21l'Elysée
01:02:22annonce
01:02:22la grâce
01:02:23partielle
01:02:23de Jacqueline Sauvage
01:02:24en fait
01:02:25c'est une remise
01:02:26de peine
01:02:26de 2 ans
01:02:27et 4 mois
01:02:27qui lui est accordée
01:02:28elle couvre
01:02:29la période
01:02:30de sûreté
01:02:30qui lui reste
01:02:31à accomplir
01:02:31et Jacqueline Sauvage
01:02:33peut immédiatement
01:02:34déposer une demande
01:02:35de libération
01:02:35conditionnelle
01:02:36et donc là
01:02:44c'est super
01:02:44ça y est
01:02:45on a gagné
01:02:45en fait
01:02:45on pense
01:02:46qu'on a gagné
01:02:46voilà
01:02:47c'est victoire
01:02:49et puis
01:02:51dans 3, 4, 5 mois
01:02:52elle va sortir
01:02:53et la nouvelle tombe
01:02:59elle n'est pas libérée
01:03:00là c'est un peu
01:03:02beaucoup la douche froide
01:03:04ce combat là
01:03:05ça a été comme ça
01:03:06c'est à dire
01:03:07ça a été
01:03:08les montagnes russes
01:03:09permanentes
01:03:09la commission
01:03:13d'application
01:03:13des peines
01:03:14rejette
01:03:14la demande
01:03:15de libération
01:03:15au motif
01:03:16que Jacqueline Sauvage
01:03:17n'exprime pas
01:03:18suffisamment
01:03:18de regrets
01:03:19pour son crime
01:03:20je suis désolé
01:03:23mais c'est le mode
01:03:24de fonctionnement
01:03:25de notre justice
01:03:25qui n'est pas
01:03:26le fait
01:03:27de quelques magistrats
01:03:28qui en voudraient
01:03:30particulièrement
01:03:30le sauvage
01:03:31c'est le mode
01:03:32de fonctionnement
01:03:33démocratique
01:03:34normal
01:03:35de notre justice
01:03:35qui nous dit
01:03:36que
01:03:36d'accord
01:03:37elle peut avoir
01:03:40un aménagement
01:03:40mais là
01:03:40c'est pas encore
01:03:42mûr
01:03:43c'est pas encore
01:03:43opportun
01:03:44et pourtant
01:03:46le combat
01:03:46pour la cause
01:03:47sauvage
01:03:47continue
01:03:48donc on décide
01:03:50de relancer
01:03:51une deuxième pétition
01:03:52quand même
01:03:52pour demander
01:03:53cette fois
01:03:53la grâce totale
01:03:54à quelques mois
01:03:55de l'élection présidentielle
01:03:57alors qu'il ne se représente pas
01:03:58François Hollande
01:04:00va plus loin
01:04:00à un moment
01:04:03ça suffit
01:04:04cette femme
01:04:05n'a plus sa place
01:04:05en prison
01:04:06je décide
01:04:08parce que
01:04:09je suis le président
01:04:10de la république
01:04:10mais je décide
01:04:12parce que je pense
01:04:12que
01:04:13une très grande majorité
01:04:15des français
01:04:15comprennent
01:04:17mon choix
01:04:19la grâce totale
01:04:20puisqu'il fallait prendre
01:04:22un décret de grâce
01:04:23totale
01:04:24à ceci
01:04:25de mécanique
01:04:28c'est qu'il n'y a plus
01:04:29d'intervention
01:04:30de la justice
01:04:30le président
01:04:32de la république
01:04:32signe le décret
01:04:33dans l'heure
01:04:34qui suit
01:04:35la personne est libérée
01:04:36et peu à peu
01:04:43elle a réintégré
01:04:44sa maison
01:04:45elle a changé
01:04:46la déco
01:04:47et tout ça
01:04:47et puis
01:04:48voilà
01:04:49c'était une femme
01:04:50qui allait commencer
01:04:50une vie bien étrange
01:04:51quand même
01:04:52bien étrange
01:04:54la liberté
01:04:57elle ne savait pas
01:04:58ce que c'était
01:04:59Dominique Jacqueline Sauvage
01:05:07a été graciée
01:05:08elle est libérée
01:05:10elle écrit un livre
01:05:11elle donne quelques interviews
01:05:12télé pas nombreuses
01:05:13d'ailleurs
01:05:13et à l'automne 2018
01:05:14l'affaire Sauvage
01:05:16revient à la une
01:05:16de l'actualité médiatique
01:05:17oui Christophe
01:05:18avec un téléfilm
01:05:19dans lequel
01:05:20Muriel Robin
01:05:20joue le rôle
01:05:21de Jacqueline Sauvage
01:05:23clairement
01:05:23ce téléfilm
01:05:25est très librement
01:05:26inspiré
01:05:27du dossier judiciaire
01:05:29c'est la version
01:05:30de Jacqueline Sauvage
01:05:31et cette diffusion
01:05:32elle va faire réagir
01:05:33une personne
01:05:34importante dans le dossier
01:05:35c'est l'avocat général
01:05:36qui s'appelle
01:05:37Frédéric Chevalier
01:05:38qui s'indigne
01:05:40qui s'indigne
01:05:41de cette version
01:05:42donnée dans le film
01:05:43et qui va envoyer
01:05:45cette lettre
01:05:45ouverte
01:05:46à Jacqueline Sauvage
01:05:47qui va être publiée
01:05:48dans le journal
01:05:49Le Monde
01:05:50alors ça c'est extrêmement rare
01:05:51qu'un magistrat
01:05:52s'exprime
01:05:52après un verdict rendu
01:05:54parce qu'il est soumis
01:05:55au devoir de réserve
01:05:55qu'est-ce qu'il dit ?
01:05:57il veut rétablir
01:05:58la vérité judiciaire
01:05:59parce qu'il considère
01:06:00que le dossier
01:06:00de cette femme
01:06:01qui a déjà été condamnée
01:06:02deux fois
01:06:03par deux cours d'assises
01:06:04fait l'objet
01:06:05d'une réécriture
01:06:07et il s'adresse
01:06:08dans des termes
01:06:09assez forts
01:06:09à Jacqueline Sauvage
01:06:11en lui disant
01:06:12qu'elle a toujours été
01:06:14une femme déterminée
01:06:15que la réduire
01:06:16à une femme
01:06:16sous l'emprise
01:06:17d'un tyran
01:06:18s'est niait
01:06:19totalement sa personnalité
01:06:20je veux vous parler
01:06:22lui dit-il
01:06:23de ces 47 ans
01:06:24dont les journalistes
01:06:25hommes et femmes politiques
01:06:26artistes
01:06:27intellectuels
01:06:28de tous bords
01:06:29se sont emparés
01:06:30sans en connaître la raison
01:06:31donc il y en a
01:06:32vraiment pour tout le monde
01:06:32il y en a pour tout le monde
01:06:34le magistrat dénonce
01:06:35le gigantesque
01:06:36écoutez bien
01:06:37café du commerce
01:06:39que les réseaux sociaux
01:06:40fabriquent
01:06:41et qui a forgé
01:06:42une autre vérité
01:06:43la vérité du peuple
01:06:44virtuel
01:06:45au détriment
01:06:46de la vérité judiciaire
01:06:47il ne nie pas
01:06:49les violences
01:06:49qu'a subies
01:06:50Jacqueline Sauvage
01:06:51mais il dit
01:06:52qu'on ne peut pas
01:06:52résumer cette affaire
01:06:53à ces 47 années
01:06:55de violences
01:06:56il lui parle
01:06:58avec
01:06:58beaucoup de compassion
01:07:00il lui dit
01:07:01je vous ai cru
01:07:02lorsque vous avez dit
01:07:03que votre mari
01:07:04se montrait violent
01:07:05mais il revient
01:07:06sur un principe
01:07:07fondamental
01:07:08du droit et de la justice
01:07:08on ne se fait pas justice
01:07:09soi-même
01:07:10absolument
01:07:10la justice s'exerce
01:07:12dit-il
01:07:13pour éviter la vengeance
01:07:15et punir
01:07:16à la place des victimes
01:07:17c'est écrit
01:07:18dans cette tribune du monde
01:07:19et il conclut
01:07:21écoutez
01:07:21érigez votre comportement
01:07:23comme la solution
01:07:24pour lutter
01:07:25contre les violences
01:07:25faites aux femmes
01:07:26c'est se tromper de cas
01:07:28c'est fort
01:07:28vous êtes devenu
01:07:29sans doute malgré vous
01:07:30le symbole inadapté
01:07:32d'un fait majeur
01:07:33de société
01:07:34et Jacqueline Sauvage
01:07:35ne répondra jamais
01:07:37à cette lettre
01:07:37ce qui est très bien
01:07:42dans cette affaire
01:07:43c'est qu'au moins
01:07:44ce sujet
01:07:46de société
01:07:46primordiale
01:07:47que sont les violences
01:07:49intrafamiliales
01:07:50les violences conjugales
01:07:51les violences des hommes
01:07:52sur les femmes
01:07:52dans un milieu
01:07:53d'intimité
01:07:54au moins
01:07:55ce sujet là
01:07:56il est
01:07:57totalement venu
01:07:59sur le devant
01:08:01de la scène
01:08:01et c'était important
01:08:02ce que je pense
01:08:04c'est que
01:08:05il n'y avait pas besoin
01:08:06de discréditer
01:08:08une décision
01:08:09de justice
01:08:10rendue
01:08:10dans des conditions
01:08:11assez
01:08:12irréprochables
01:08:14me semble-t-il
01:08:14pour mettre en avant
01:08:16cette cause
01:08:16pas de vengeance
01:08:19pas d'autodéfense
01:08:21soutient le magistrat
01:08:22c'est à la justice
01:08:24de juger
01:08:24et punir
01:08:25les violences
01:08:25intrafamiliales
01:08:26parce que le combat
01:08:28est loin d'être terminé
01:08:29je crois qu'il y a
01:08:33des petites avancées
01:08:35grâce à de grandes douleurs
01:08:39comme celle
01:08:40de Jacqueline Sauvage
01:08:41je crois que
01:08:43c'est la seule chose
01:08:44qu'elle ait pu faire
01:08:45c'est sensibiliser
01:08:46parce que
01:08:47qu'elle soit une icône
01:08:50je ne le crois pas
01:08:51qu'à partir d'elle
01:08:53tout change
01:08:53non
01:08:54il y a des petites avancées
01:08:57et maintenant
01:08:58on ne peut pas dire
01:08:59qu'on ne sait pas
01:09:00on n'avait pas résolu
01:09:02le combat
01:09:03le combat
01:09:04pour les femmes
01:09:06victimes de violences
01:09:07des affaires
01:09:07il y en avait encore
01:09:08et des histoires
01:09:09il y en a encore
01:09:10et des femmes assassinées
01:09:11il y en a encore
01:09:11et voilà
01:09:12quelques semaines
01:09:18après la libération
01:09:19de Jacqueline Sauvage
01:09:20le président
01:09:21lui accorde
01:09:22un rendez-vous
01:09:22en tête à tête
01:09:23elle n'était pas
01:09:26enjouée
01:09:26mais comment aurait-elle
01:09:27pu l'être
01:09:27elle était
01:09:29apaisée
01:09:31plutôt douce
01:09:33contrairement à tout
01:09:35ce qui avait été dit
01:09:36ne cherchant
01:09:37aucune notoriété
01:09:39sans doute
01:09:40ne voulait-elle même pas
01:09:41faire de son cas
01:09:42un symbole
01:09:43elle
01:09:43c'était une femme
01:09:45qui ne voulait pas
01:09:47être un exemple
01:09:48Jacqueline Sauvage
01:09:57est la première femme
01:09:58qui a bénéficié
01:09:59d'une grâce présidentielle
01:10:00en France
01:10:00elle a fini ses jours
01:10:02en paix
01:10:02chez elle
01:10:03dans sa maison du Loiret
01:10:04où elle est morte
01:10:05le 23 juillet 2020
01:10:06elle avait 72 ans
01:10:08qui a bénéficié
01:10:10et qui a bénéficié
01:10:11d'un homme
01:10:12qui a bénéficié
01:10:12d'un homme
01:10:13qui a bénéficié
01:10:13Sous-titrage MFP.

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