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  • 31/05/2025
Le 14 février 2011, avant même le lever du jour, Patricia Bouchon fait son footing, à Bouloc, comme à son habitude. Ce sera le dernier. Patricia Bouchon n´est jamais rentrée chez elle. Il a fallu plusieurs semaines pour retrouver son corps. Patricia Bouchon a été frappée et étranglée, avant d´être dissimulée dans une buse, sous la départementale. Détail étrange : elle avait un bout de gant en latex dans la gorge. Une affaire dans laquelle, pendant des mois, beaucoup de suspects se sont succédés à la gendarmerie. Beaucoup de suspects innocents... Jusqu´à ce qu´un témoignage amène les enquêteurs sur la piste de Laurent Dejean. Le « fou du village » ; l´homme qui erre dans les rues et les champs, une bible à la main et couvre ses fenêtres de croix en papier pour repousser les démons. Laurent Dejean... qui connaît bien le coin, qui entend des voix, et qui « décompense » une schizophrénie, quelques jours après le crime. Cela fait-il de lui un tueur ? Est-ce bien lui, qu´un automobiliste a cru voir, à l´heure et promximité de la scène de crime, alors qu´il faisait encore nuit noire ?... L´homme, psychiatriquement très perturbé, aurait-il eu la présence d´esprit de cacher aussi bien le corps ? Et surtout de ne laisser aucune trace génétique sur sa victime ? C´est un dossier sans preuve qui a été présenté à la Cour D´Assises. Un dossier que l´accusation n´a pas voulu soutenir, faute d´éléments probants à l´encontre de l´accusé ? Laurent Dejan a pourtant bien été condamné à 20 ans de prison, par deux fois, sur la base d´un dossier qui n´est pas vide, mais qui n´est pas inébranlable non plus.

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Transcription
00:00:30Laurent Dejean. C'est vrai qu'il ne tournait pas bien rond, Laurent Dejean.
00:00:37Lolo, comme on l'appelait à Bouloc.
00:00:38Il se croyait attaqué par des mouches.
00:00:41Il se promenait dans le village une bible à la main.
00:00:43Et il avait couvert ses fenêtres de croix en papier pour chasser le diable.
00:00:46Et puis, il racontait de drôles histoires.
00:00:49Il va par exemple dire qu'il était sous pression ultra-nucléaire,
00:00:53qu'il avait une force de frappe terrible.
00:00:56Il entend des voix dans sa tête, telle enseigne que parfois il est obligé de se boucher les oreilles.
00:01:02Sa sœur s'inquiétait parce qu'il avait un comportement assez violent envers sa mère.
00:01:09Violent le fou du village ? Violent au point de tuer une femme ? La joggeuse de Bouloc ?
00:01:14Patricia Bouchon a été frappée au visage, étranglée,
00:01:19et elle avait un gant en latex coincé au fond de la gorge.
00:01:21Curieux dossier quand même, cette affaire de Jean.
00:01:24Un dossier sans aveu, sans preuves formelles.
00:01:27Un dossier qui a fait tanguer la justice,
00:01:29au point que des magistrats se sont opposés au renvoi du suspect devant les assises.
00:01:33Il y a des charges qui pèsent sur le rang de Jean,
00:01:37mais pour autant, ces charges ne constituent pas des preuves au-delà d'un doute raisonnable.
00:01:44Un doute tel qu'à son procès, l'avocat général n'a pas soutenu l'accusation.
00:01:48J'étais dans l'incapacité de prouver sa culpabilité.
00:01:51Fallait-il, parce que c'était la chronique d'une condamnation annoncée,
00:01:54que j'adapte mes réquisitions contre mes convictions ?
00:01:58Bouloc, à 25 kilomètres de Toulouse.
00:02:04Bouloc, c'est Bonlieu en Occitan.
00:02:08Mais ce 14 février 2011, Bonlieu est sous la pluie.
00:02:12Et c'est une Saint-Valentin bien grise qui s'annonce.
00:02:19Comme tous les lundis, Christian Bouchon se lève aux aurores pour aller prendre un avion.
00:02:24Il part travailler toute la semaine à l'autre bout de la France.
00:02:28Je me lève et je vais prendre mon café.
00:02:43Ma femme est partie courir.
00:02:46Elle n'est pas encore rentrée, mais je m'attends à la voir dans les minutes qui viennent.
00:02:50Et elle doit arriver, quoi.
00:02:52Pour Patricia, le jogging, c'est tous les jours.
00:02:55Et toujours très tôt.
00:02:57De 4h30 à 5h30 du matin.
00:03:00Ça a duré...
00:03:02quart d'heure, vingt minutes, quoi.
00:03:05C'était pas son habitude.
00:03:06C'était quelqu'un qui était très carré au niveau des horaires.
00:03:10Et la voyant pas arriver, j'attendais, j'attendais, je m'inquiétais.
00:03:13Et je me suis dit, je vais aller au devant d'elle.
00:03:18Christian devait déposer Patricia à Toulouse.
00:03:20avant de filer à l'aéroport.
00:03:26Donc, je suis parti avec la voiture.
00:03:28Je suis monté dans le petit village de Boulac.
00:03:29Vous avez vite fait le tour.
00:03:34Et à ce moment-là,
00:03:36j'ai vu un gyrophaire.
00:03:40Et je me suis immédiatement mis dans la tête qu'elle avait eu un accident.
00:03:43Il y avait une petite pompe à essence dans ce centre-ville, là.
00:03:51Donc, je m'arrête.
00:03:52Ma femme connaissait bien le pompiste
00:03:54parce qu'elle le voyait tous les jours.
00:03:55Il se faisait un petit coucou.
00:03:56Donc, je vais le voir.
00:03:57Et je lui demande s'il avait vu ma femme.
00:03:59Il m'a dit non, non.
00:04:00Et puis, là, je lui ai dit,
00:04:01vous avez le numéro du SAMU, des pompiers.
00:04:04Parce que là, dans ce cas-là,
00:04:05moi, je savais plus ce qu'il fallait faire.
00:04:06J'appelle et je tombe sur quelqu'un au téléphone
00:04:12qui me dit, écoutez, elle va se renseigner, etc.
00:04:14On va voir.
00:04:15Je vais voir ce qui s'est passé sur Boulac.
00:04:17Je vous rappelle.
00:04:18Bon.
00:04:19Et je suis rentré à la maison
00:04:19et le SAMU m'a rappelé.
00:04:22L'ambulance qu'il a aperçue n'était pas pour Patricia,
00:04:25mais pour une personne âgée
00:04:27qui a fait une crise cardiaque.
00:04:29Je n'ai pas les heures exactes dans la tête,
00:04:31mais vers 7 heures,
00:04:32j'appelle la gendarmerie.
00:04:33J'avais peur de ne pas être pris au sérieux,
00:04:37de me faire entendre dire,
00:04:40il faut attendre.
00:04:41Et là, lui, il m'écoutait et il m'a dit,
00:04:43oui, oui, je vous envoie une patrouille.
00:04:45J'ai une patrouille sur la région,
00:04:48je vous l'envoie.
00:04:51Je pensais vraiment toujours à l'accident.
00:04:54Elle était dans un fossé, une entorse, quelque chose.
00:05:00La journée avance.
00:05:01Le nombre de gendarmes grossit.
00:05:06À midi, Christian Bouchon se rend à la gendarmerie de Fronton
00:05:09où Carline, sa fille unique, qui habite Toulouse, le rejoint.
00:05:13Je retrouve mon père.
00:05:15Il me dit que ma mère a disparu,
00:05:17qu'il ne comprend pas, il ne sait pas.
00:05:20Et puis très vite, je suis séparée de lui pour être interrogée.
00:05:23Ce qu'ils veulent savoir, c'est si ma mère a un tempérament suicidaire,
00:05:31pour savoir si elle n'avait pas fugué,
00:05:34si elle n'était pas partie d'elle-même.
00:05:38Et donc très vite, je leur explique que ce n'est pas possible.
00:05:41ça ne peut être qu'un accident.
00:05:48Je leur explique comment elle est partie,
00:05:50donc en jogging, sans son téléphone,
00:05:52elle avait juste son jet de clé sur elle.
00:05:54Et c'est là où ils me font voir une carte avec le plan de bloc
00:05:58pour me demander par où elle passait.
00:06:00et vraiment, vous êtes idiot quand vous ne savez pas exactement
00:06:04où est votre femme, où où passe votre femme.
00:06:07Au fil des heures,
00:06:09d'autres gendarmes viennent encore renforcer le dispositif.
00:06:12Là, c'est plusieurs voitures qui arrivent,
00:06:16les gendarmes de Toulouse arrivent.
00:06:18Et là, on s'inquiète.
00:06:24Si ça déplaçait autant de monde, ça pouvait être grave.
00:06:27Et là, la pression continue à monter.
00:06:30Très haut.
00:06:33Et la journée passe.
00:06:38Très vite, on tourne en rond à la maison.
00:06:41Ce n'est pas possible, on ne peut pas rester.
00:06:44Sans rien faire, donc on décide d'aller la chercher.
00:06:55Et donc, on parcourt les rues de Bouloc.
00:06:59On l'appelle.
00:07:00On est avec des petites lumières.
00:07:02Il fait nuit.
00:07:04Et on a commencé à se rendre compte que sur tous les abris bus,
00:07:07il y avait déjà des photos placardées de ma mère.
00:07:11Et c'est à ce moment-là où, quand même, vraiment,
00:07:14les choses deviennent réelles, les choses deviennent réelles.
00:07:17Dominique, les gendarmes prennent tout de suite très au sérieux cette affaire.
00:07:28D'ailleurs, la pause d'affiche ne tarde pas.
00:07:30Il faut dire que la disparition de joggeuses en France,
00:07:33c'est quasiment devenu un genre criminel.
00:07:35Oui, ce n'est pas la première fois, Christophe.
00:07:37En 2005, en 2007, en 2009, trois joggeuses ont disparu en France.
00:07:41À chaque fois, elles ont été retrouvées mortes.
00:07:44Elles avaient croisé la route d'un individu qui était déjà connu,
00:07:47parfois condamné, parfois condamné plusieurs fois,
00:07:50et à chaque fois remis en liberté.
00:07:52Alors, on va reprendre les affaires dans l'ordre.
00:07:542005, il s'agit de l'affaire Nelly Kremel.
00:07:56C'est une affaire, d'ailleurs, qu'on a déjà évoquée dans Fête Entrée L'Accusée.
00:07:59Nelly Kremel, c'est elle.
00:08:00Elle avait 39 ans.
00:08:01Son corps a été découvert près de Royambry, en Seine-et-Marne,
00:08:04où elle faisait son footing.
00:08:06Parmi ses tortionnaires, un homme qui s'appelle Patrick Gatteau,
00:08:09il avait déjà été condamné à 19 ans pour le meurtre d'une femme,
00:08:13et il était en liberté conditionnelle.
00:08:15Au août 2007, deuxième affaire, Martine Young,
00:08:17qui a été frappée à la tête et étranglée, elle,
00:08:20alors qu'elle courait dans un village du Barin.
00:08:21Oui, auteur de son meurtre, Gilles Veils, âgé de 21 ans.
00:08:25Il avait déjà été condamné pour viol.
00:08:27Troisième affaire.
00:08:28Troisième affaire, Marie-Christine Audeau,
00:08:31violée, étranglée, près de Milly-la-Forey, dans l'Essonne,
00:08:34où elle faisait son footing.
00:08:35L'auteur du crime, Manuel Dacruz, était aussi un récidiviste.
00:08:40Il était condamné à la perpétude.
00:08:41Et Dominique, une affaire de jogueuse,
00:08:43l'affaire Kremel est à l'origine d'une nouvelle loi à l'époque sur la récidive.
00:08:46Oui, absolument.
00:08:47Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur,
00:08:50candidat à la présidentielle.
00:08:52Il s'est emparé de l'affaire Kremel
00:08:54pour relancer l'un de ses thèmes de prédilection,
00:08:58la question de la récidiviste.
00:08:59Voilà, à l'époque, il avait publiquement menacé
00:09:01le magistrat de sanctions.
00:09:03Responsable, avait-il dit, de la remise en liberté de l'auteur.
00:09:06Bien sûr, il avait suscité l'indignation
00:09:08de tous les syndicats de magistrats.
00:09:10C'est donc dans ce contexte que disparaît Patricia Bouchon.
00:09:14Et pour les enquêteurs, il y a urgence à agir.
00:09:17Une nouvelle disparition inquiétante en France,
00:09:19cette fois dans la campagne toulousaine,
00:09:21celle d'une jogueuse, mère de famille de 49 ans,
00:09:23aperçue pour la dernière fois hier matin.
00:09:25Une centaine de gendarmes mènent les recherches.
00:09:27Le lendemain, mardi 15 février,
00:09:33Boulok est en état de siège.
00:09:40Les hélicos, les plongeurs, les chiens,
00:09:46tout ça arrive.
00:09:48Et vous êtes là au milieu et...
00:09:51On est dans un film, quoi.
00:09:53On est dans un film.
00:09:57Pour moi, c'était pas la réalité.
00:10:07C'était autre chose.
00:10:09Je crois qu'à ce moment-là, déjà, j'étais plus là, en fait.
00:10:12Ça devenait complètement irréel.
00:10:16Boulok est un petit village tranquille
00:10:19de près de 4 000 habitants
00:10:22dans lequel il n'y a jamais eu aucun problème particulier,
00:10:26de violences non plus.
00:10:28Donc ça a évidemment affolé quand même,
00:10:31on peut dire, la population.
00:10:33Il y a eu une onde de choc.
00:10:37Après ceux de la gendarmerie,
00:10:39ce sont les camions de la presse qui débarquent,
00:10:41régionales et même nationales.
00:10:46C'est des questions qui sont sur toutes les bouches aujourd'hui.
00:10:48Qu'est-ce qui se passe et quand est-ce qu'on va les retrouver ?
00:10:51Une médiatisation qui a un premier impact.
00:10:56Alertée par la radio,
00:10:57un couple de retraités se présente à la gendarmerie
00:10:59en milieu d'après-midi.
00:11:01Ils vont venir indiquer que dans la nuit qui a précédé,
00:11:06ils ont entendu un cri de femme
00:11:08aux alentours de 4 heures du matin
00:11:11que la dame apparentait au cri d'une bête.
00:11:17Suivi des pleurs d'un homme
00:11:18et qui répétait à plusieurs reprises
00:11:20« Excuse-moi, excuse-moi ».
00:11:24Réveillés en sursaut,
00:11:26les retraités sont allés regarder par la fenêtre.
00:11:28Mais ils faisaient noir comme une nuit sans lune.
00:11:32Au début, ils ont pensé à une dispute,
00:11:34une dispute de couple banale, on va dire,
00:11:36puisque les cris se sont interrompus assez rapidement.
00:11:40Le couple ajoute que quelques minutes plus tard,
00:11:43une voiture a quitté l'impasse.
00:11:49Puis le silence est retombé.
00:11:54Les gendarmes foncent sur place.
00:11:56Route de fronton.
00:11:58C'est un chemin caillouteux
00:12:04qui descend en contrebas.
00:12:06Il n'y a pas d'issue, c'est une impasse.
00:12:08D'un côté, il y a trois maisons
00:12:09et de l'autre, c'est de la végétation.
00:12:12Cette impasse,
00:12:14Patricia Bouchon ne l'aurait jamais
00:12:15empruntée d'elle-même.
00:12:17Pour aller où ?
00:12:19Les gendarmes vont trouver
00:12:20à peu près à 40 mètres du début du chemin
00:12:22des premiers éléments,
00:12:25donc des traces de sang.
00:12:25Un morceau de gant en latex,
00:12:31un morceau de doigt de gant en latex,
00:12:33un élastique à cheveux,
00:12:35un piercing et une touffe de cheveux.
00:12:42Ensuite, un peu plus bas,
00:12:43ils vont progresser sur le chemin
00:12:44et environ à 70 mètres,
00:12:47ils vont là retrouver une tâche de sang
00:12:49beaucoup plus importante,
00:12:50infiltrée dans le sol,
00:12:51ainsi qu'une boucle d'oreille
00:12:53et une touffe de cheveux.
00:12:55La personne qui m'avait interrogé
00:13:05la veille au soir
00:13:06vient nous chercher
00:13:07et là, il m'explique
00:13:08qu'ils ont trouvé
00:13:12dans un petit chemin
00:13:13à l'entrée de Bouloc
00:13:14une grosse tâche de sang.
00:13:18Ils parlaient de plus d'un litre de sang
00:13:20et également un persigne.
00:13:27Et c'était le persigne de ma femme.
00:13:31Au moment où on nous présente ces objets,
00:13:34ça appartient à ma mère,
00:13:36on les reconnaît de suite.
00:13:38Et je ne comprends pas,
00:13:41à ce moment-là,
00:13:42pourquoi elle, elle n'y est pas.
00:13:44Pourquoi elle n'est pas à cet endroit-là.
00:13:46Donc là,
00:13:49tout s'écroule.
00:13:53On cherche un corps.
00:13:54Et ça, c'est horrible, quoi.
00:13:56C'est horrible.
00:13:56Après ces découvertes dans l'impasse,
00:14:05la procédure en flagrance
00:14:06pour disparition inquiétante
00:14:07débouche sur une enquête
00:14:08pour enlèvement,
00:14:09violence et séquestration.
00:14:12Tout laisse à penser
00:14:12que Patricia Bouchon
00:14:13a été agressée sur ce chemin.
00:14:15Est-ce qu'elle a essayé
00:14:16de s'y cacher ?
00:14:17Est-ce qu'on l'y a poussé ?
00:14:19Comment la mère de famille
00:14:20est-elle pu se volatiliser ?
00:14:22Au petit matin,
00:14:25les techniciens
00:14:26en investigation criminelle
00:14:27sont toujours
00:14:28sur ce qui ressemble fort
00:14:29à une scène de crime.
00:14:31Mesures, photos, prélèvements,
00:14:34centimètre par centimètre
00:14:35sur toute l'impasse.
00:14:38Et forcément,
00:14:38les hommes en blanc
00:14:39s'inquiètent,
00:14:41s'ajazent,
00:14:42s'acquestionnent
00:14:44dans tout le quartier.
00:14:45Un couple de voisins
00:14:46s'approche alors
00:14:47pour raconter aux gendarmes
00:14:48que le parterre de fleurs
00:14:49qui longe le mur
00:14:50de leur maison
00:14:51a été saccagé
00:14:52dans la nuit du 13 au 14.
00:14:54Le mari a même remarqué
00:14:56deux traces de pneus
00:14:57qui n'étaient pas là
00:14:59et il en est sûr
00:15:00quand il a jardiné
00:15:01la veille.
00:15:02Et puis,
00:15:03les galets de Garonne
00:15:04qui entourent son parterre
00:15:05ont été dispersés
00:15:06dans tous les sens.
00:15:10Les tics font aussitôt
00:15:12un moulage
00:15:12de l'empreinte de pneus
00:15:13tandis qu'au même moment,
00:15:15d'autres gendarmes
00:15:16perquisitionnent
00:15:16la maison des bouchons.
00:15:17Comme d'habitude,
00:15:22ils saisissent le téléphone
00:15:23et l'ordinateur
00:15:23de la disparue.
00:15:26On regarde la télé
00:15:27comme tout le monde.
00:15:28Le mari,
00:15:29en cas de disparition
00:15:30de madame,
00:15:30c'est quand même
00:15:31le premier, évidemment.
00:15:33Donc là,
00:15:33ils prenaient
00:15:34tous les éléments
00:15:35qu'ils pouvaient avoir besoin
00:15:37pour chercher.
00:15:39Les chiens
00:15:39ont cherché
00:15:40autour de la maison.
00:15:41Après,
00:15:41il y a eu ces révélateurs
00:15:42là,
00:15:43sur la voiture,
00:15:44à l'intérieur
00:15:44de la voiture,
00:15:45etc.
00:15:45Dans l'Afro-Sceptique,
00:15:48partout,
00:15:48ils ont vraiment
00:15:49beaucoup cherché.
00:15:51Mais bon,
00:15:51ils faisaient leur travail.
00:15:53En fait,
00:15:54je comprenais
00:15:55d'être un suspect.
00:15:56On me l'avait dit.
00:15:58Et puis même,
00:15:59on ne peut penser que ça.
00:16:06Les gendarmes
00:16:07en apprennent toujours
00:16:08beaucoup
00:16:08en feuilletant
00:16:08les photos de famille.
00:16:11Celles des bouchons
00:16:11montrent un couple
00:16:12amoureux.
00:16:15j'ai connu Patricia.
00:16:21On avait 18 ans.
00:16:23On y était jeunes.
00:16:26Patricia,
00:16:26c'est quelqu'un d'entier
00:16:27qui s'intéressait à tout.
00:16:30C'était une grande
00:16:31travailleuse.
00:16:32Mon travail
00:16:33m'obligeait
00:16:33à beaucoup de déplacements.
00:16:35Elle a toujours suivi,
00:16:37lâché son boulot,
00:16:37retrouvé autre chose,
00:16:38toujours.
00:16:39Ma mère,
00:16:40c'était quelqu'un
00:16:41de très généreux
00:16:42et d'assez attentionné,
00:16:44très attentionné,
00:16:45qui se souciait
00:16:46toujours des autres.
00:16:48Et en l'occurrence,
00:16:49avec moi,
00:16:50elle se souciait toujours
00:16:51de mon bien-être.
00:16:52Et donc,
00:16:53elle était quand même
00:16:54très présente
00:16:57dans ma vie.
00:16:58Elle voulait absolument
00:16:59avoir régulièrement
00:17:00de mes nouvelles.
00:17:01C'est quelqu'un
00:17:04de généreux,
00:17:05d'aimant
00:17:05et de sensible aussi.
00:17:09Carline et Christian Bouchon
00:17:11décrivent une femme
00:17:11très sportive,
00:17:12mais ils parlent aussi
00:17:13des troubles mentaux
00:17:14dont Patricia souffrait
00:17:15de plus en plus.
00:17:18Elle a commencé
00:17:19à avoir des tocs.
00:17:20Elle avait une quarantaine
00:17:21d'années.
00:17:23Elle se nourrissait
00:17:24que de fouilles.
00:17:25Elle avait beaucoup
00:17:25de carences, etc.
00:17:28Elle était très stricte
00:17:29sur ses horaires.
00:17:30Tout devait être
00:17:31parfaitement calé.
00:17:33Jamais de hasard.
00:17:36Le fait qu'elle court
00:17:37comme ça
00:17:37aussitôt le matin,
00:17:40effectivement,
00:17:41c'était inquiétant.
00:17:45Et en même temps,
00:17:47ma mère a toujours
00:17:48été quelqu'un
00:17:49de très vigilant.
00:17:51Elle a toujours été
00:17:53extrêmement peureuse
00:17:54et donc,
00:17:54elle faisait
00:17:55extrêmement attention.
00:18:00la réponse de ma femme,
00:18:02c'est à Bouloc,
00:18:02il ne peut rien se passer.
00:18:04C'est une petite commune
00:18:05du nord de Toulouse,
00:18:06très peu d'habitants.
00:18:08Et à ce temps-là,
00:18:09il y a déjà
00:18:10les éboueurs,
00:18:10il y a déjà
00:18:11les boulangers,
00:18:11il y a déjà...
00:18:13Donc,
00:18:13je ne m'inquiétais pas
00:18:14outre mesure.
00:18:14La gendarmerie installe
00:18:25des postes de contrôle
00:18:26sur la route
00:18:26à l'heure où Patricia
00:18:27avait l'habitude
00:18:28de faire son jogging.
00:18:31Avez-vous croisé
00:18:32une femme en train
00:18:33de courir ?
00:18:34Vu quelque chose
00:18:35d'étrange lundi matin ?
00:18:37Mais Patricia
00:18:37reste introuvable.
00:18:40Le temps est insupportable,
00:18:42enfin,
00:18:42c'est extrêmement long.
00:18:43avec ma famille,
00:18:45on essaye de...
00:18:47de errer
00:18:49dans des centres commerciaux
00:18:50pour voir autre chose,
00:18:53essayer de penser
00:18:53à autre chose,
00:18:54mais c'est impossible,
00:18:55en fait.
00:18:57D'ailleurs,
00:18:58j'ai l'impression
00:18:59qu'on est tous
00:18:59dans un état second.
00:19:01On ne pensait pas
00:19:02à la mort,
00:19:02on pensait à une séquestration,
00:19:04à une grave blessure.
00:19:06Maintenant,
00:19:06on savait
00:19:07qu'il y avait eu
00:19:08une bagarre,
00:19:11mais on...
00:19:12on a toujours
00:19:15un gros espoir
00:19:16qu'on va la retrouver
00:19:17et qu'elle sera blessée,
00:19:19mais que ça s'arrangera.
00:19:22Un espoir
00:19:22que les gendarmes
00:19:23et les habitants
00:19:24du coin
00:19:24ne partagent plus.
00:19:25Personne n'aurait pu imaginer
00:19:34une agression
00:19:35à Bouloc.
00:19:36Donc,
00:19:37c'est d'abord
00:19:39cet état de choc
00:19:40et ensuite
00:19:41aussi la suspicion,
00:19:43inévitablement,
00:19:45étant donné
00:19:45que tout le monde
00:19:46pense qu'il peut y avoir
00:19:47un agresseur
00:19:48en face de soi.
00:19:51Dominique,
00:19:51Patricia Bouchon
00:19:52s'est volatilisée
00:19:53sur cette route.
00:19:53Les gendarmes
00:19:54n'ont aucun témoignage
00:19:55à creuser ?
00:19:56Il arrive ce témoignage.
00:19:58Il arrive,
00:19:58Christophe,
00:19:59le 19 février.
00:20:00Cinq jours après
00:20:01la disparition
00:20:01de Patricia Bouchon,
00:20:03un homme se présente
00:20:03à la gendarmerie
00:20:04de Fronton
00:20:05et il va porter
00:20:06aux gendarmes
00:20:06un témoignage
00:20:07sur lequel va reposer
00:20:08désormais
00:20:09tout le dossier.
00:20:10C'est qui ce témoin ?
00:20:11Il s'appelle Nicolas.
00:20:12Il a 22 ans.
00:20:13Il habite Montauban.
00:20:14C'est un chauffeur-livreur
00:20:15qui démarre ses journées
00:20:16tôt le matin.
00:20:17Il raconte que
00:20:18le 14 février,
00:20:19il a croisé
00:20:20une joggeuse
00:20:21dans le sens
00:20:21Fronton-Toulouse.
00:20:23Lui,
00:20:23avec sa camionnette,
00:20:24venait de sortir
00:20:25de Bouloc.
00:20:26Il regarde
00:20:26sur le tableau
00:20:27de bord de sa voiture.
00:20:28Il est 4h22.
00:20:29Il a croisé
00:20:30cette joggeuse
00:20:31juste après
00:20:32le rond-point
00:20:32de l'intermarché.
00:20:34Il montre
00:20:34l'endroit
00:20:34où il a croisé
00:20:35la joggeuse,
00:20:36ici.
00:20:37Et surtout,
00:20:38il dit aux gendarmes
00:20:39qu'une centaine
00:20:40de mètres plus loin,
00:20:41il y avait une voiture
00:20:42arrêtée au milieu
00:20:43de la route,
00:20:43tout feu éteint.
00:20:44Il faisait quoi ?
00:20:45Il dormait dans sa voiture ?
00:20:46Alors Nicolas,
00:20:47pile pour éviter
00:20:48cette voiture,
00:20:49s'arrête
00:20:50au niveau du conducteur,
00:20:51se pose la même question.
00:20:52Est-ce qu'il est en train
00:20:52de dormir ?
00:20:53Est-ce qu'il a fait
00:20:53un malaise ?
00:20:54Et là,
00:20:54pas du tout.
00:20:55Le type ne dort pas.
00:20:56Il tourne la tête
00:20:57vers Nicolas,
00:20:58il démarre,
00:20:59tout feu éteint
00:21:00et il repart
00:21:00en direction
00:21:01de Bouloc
00:21:02et la joggeuse.
00:21:03C'est quoi
00:21:03cette voiture,
00:21:04Dominique ?
00:21:04Alors,
00:21:05c'est une Renault Clio
00:21:06de couleur grise
00:21:08dans une nuance
00:21:09du gris.
00:21:11Nicolas ne se souvient
00:21:12pas si c'est
00:21:12une 3-portes
00:21:13ou une 5-portes.
00:21:13Il se souvient
00:21:14qu'il y a du bazar
00:21:14sur la banquette arrière
00:21:16et il est sûr de lui
00:21:16parce qu'il a
00:21:17la même voiture.
00:21:18Est-ce qu'il peut dire
00:21:18des choses du conducteur ?
00:21:20Alors,
00:21:20il donne des éléments.
00:21:21C'est un homme blanc
00:21:22qui est âgé
00:21:24de 30 à 55 ans.
00:21:27Selon Nicolas,
00:21:28il peut mesurer
00:21:291,75 m,
00:21:291,80 m.
00:21:30Il a un bonnet noir
00:21:31enfoncé sur la tête
00:21:32avec les bords retournés
00:21:33et il est mal rasé.
00:21:35Donc,
00:21:35si je comprends bien
00:21:36le conducteur de la voiture
00:21:37au milieu de la route,
00:21:38c'est sans doute
00:21:38le dernier
00:21:39à avoir vu
00:21:40Patricia Bouchon
00:21:40vivante.
00:21:41Oui,
00:21:41absolument.
00:21:42Et les gendarmes
00:21:43vont construire
00:21:43une hypothèse de travail.
00:21:44Patricia Bouchon
00:21:46court
00:21:47à une vitesse
00:21:48comprise entre
00:21:486 et 10 km heure.
00:21:50Il lui faut
00:21:50entre 1,30 et 1,50
00:21:52pour arriver
00:21:53au chemin
00:21:53où elle va être agressée.
00:21:55La Clio se déplace
00:21:56à une vitesse
00:21:56comprise entre
00:21:5735 et 55 km heure.
00:21:59Il lui faut
00:22:00entre 20 et 24 secondes
00:22:02pour arriver
00:22:03au même endroit.
00:22:04Donc,
00:22:05le conducteur
00:22:05de cette voiture,
00:22:06c'est un témoin clé ?
00:22:07Un témoin clé
00:22:08qui ne se manifeste pas.
00:22:10Alors,
00:22:10je vous rappelle
00:22:10quand même le contexte.
00:22:12On ne parle que de ça
00:22:13et ce témoin ne vient pas
00:22:15pousser la porte
00:22:15de la gendarmerie ?
00:22:16Donc,
00:22:16vous voulez dire
00:22:17que le témoin clé
00:22:18est potentiellement
00:22:18un suspect
00:22:19et qu'on va essayer
00:22:20de le rechercher ?
00:22:21Oui,
00:22:21on va établir
00:22:22un portrait robot
00:22:23grâce au témoignage
00:22:24de Nicolas.
00:22:25Le voilà ce portrait robot.
00:22:27Le procureur va demander
00:22:28à ce qu'il soit diffusé
00:22:29dans tous les services
00:22:30de gendarmerie
00:22:31et de police,
00:22:31mais pas encore
00:22:32au public,
00:22:33pas encore dans la presse.
00:22:34Au bout d'une semaine,
00:22:40les gendarmes
00:22:40ne savent plus
00:22:41où chercher.
00:22:42Dans un sens,
00:22:43dans un autre,
00:22:43ils ont ratissé
00:22:44tout le secteur
00:22:45où Patricia pourrait
00:22:46se trouver.
00:22:49Alors,
00:22:49ils se concentrent
00:22:50sur la Clio grise
00:22:51qui aurait croisé
00:22:52la joggeuse
00:22:53ce matin-là.
00:22:56Les gendarmes
00:22:57vont tenter
00:22:58par tout moyen
00:22:59de retrouver
00:23:00cette Clio
00:23:01en recensant
00:23:02toutes les cartes grises
00:23:03des personnes
00:23:04ayant détenu
00:23:05une Clio
00:23:06ancienne génération.
00:23:07Alors,
00:23:07sur la commune
00:23:08de Bouloc,
00:23:08bien évidemment,
00:23:09mais bien au-delà,
00:23:10dans le département
00:23:11et dans les départements
00:23:12alentours.
00:23:13Et à chaque fois,
00:23:14ils vont leur faire
00:23:15un prélèvement ADN.
00:23:16Et pas seulement
00:23:17les propriétaires
00:23:18des Clios,
00:23:18ils vont aussi chercher
00:23:19les gens
00:23:20qui auraient utilisé
00:23:21la voiture
00:23:21un jour ou l'autre.
00:23:23C'est allé même
00:23:24assez loin
00:23:24puisque même
00:23:25le prêtre
00:23:26de la commune
00:23:27qui avait une Clio
00:23:28a été entendu
00:23:30à la gendarmerie
00:23:31pendant une journée.
00:23:33un recensement
00:23:35qui dure des semaines.
00:23:36120 personnes
00:23:37sont interrogées.
00:23:38Leur ADN
00:23:39est prélevé.
00:23:41Sans oublier
00:23:41les hommes
00:23:42inscrits au Figes,
00:23:43le fichier
00:23:43des auteurs
00:23:44d'infractions sexuelles.
00:23:45Rien qu'à Bouloc,
00:23:47ils sont sept.
00:23:51Ils vont tracer
00:23:52l'emploi du temps
00:23:53de ces personnes-là.
00:23:55Ils vont passer
00:23:55leur domicile
00:23:56au Blue Star
00:23:57et interroger
00:23:58leur entourage.
00:23:59Ils vont rapidement
00:23:59s'apercevoir
00:24:00que les sept personnes
00:24:01faisant objet
00:24:02de ces recherches
00:24:02n'ont rien à voir
00:24:03avec l'agression
00:24:04de Patricia Bouchon.
00:24:06Autre piste,
00:24:08les éboueurs.
00:24:09Le ramassage
00:24:10des ordures
00:24:10se fait très tôt
00:24:11le matin.
00:24:12Est-ce que
00:24:12ces gars
00:24:13n'auraient pas
00:24:13flashé sur cette femme
00:24:14qui courait
00:24:15tous les jours
00:24:15à la même heure ?
00:24:18L'un des employés
00:24:19attire l'attention
00:24:19des enquêteurs.
00:24:22Le 25 février,
00:24:24dix jours après
00:24:24la disparition
00:24:25de Patricia Bouchon,
00:24:26les gendarmes
00:24:27le placent en garde à vue.
00:24:29C'est un individu
00:24:30qui a été aperçu
00:24:32la veille
00:24:32ou quelques jours avant
00:24:34en train de fouiller
00:24:35dans les poubelles.
00:24:36Il est propriétaire
00:24:37d'une Clio
00:24:37ancienne génération
00:24:38correspondant à celle
00:24:39qui a été vue
00:24:40par le témoin.
00:24:41C'est vrai que cette piste
00:24:42est prise au sérieux
00:24:43rapidement.
00:24:44Lors de la perquisition
00:24:46qui est effectuée
00:24:46chez ce monsieur,
00:24:48on va découvrir
00:24:49des choses
00:24:50qui peuvent être inquiétantes.
00:24:51Des petites culottes,
00:24:54des coupures de presse
00:24:56sur l'affaire Patricia Bouchon
00:24:58et d'autres éléments
00:24:59qui intéressent
00:25:00les enquêteurs.
00:25:03Sous le feu des questions,
00:25:05les boueurs passent aux aveux.
00:25:07C'est vrai,
00:25:09je suis fétichiste.
00:25:11La nuit,
00:25:11je vais fouiller les poubelles
00:25:12à la recherche
00:25:12des petites culottes.
00:25:16Finalement,
00:25:17il s'avérera
00:25:17que le véhicule
00:25:18n'est pas en état de marche,
00:25:19donc il ne peut pas
00:25:20l'avoir utilisé
00:25:21et son emploi du temps
00:25:22le mettra hors de cause.
00:25:23Le 3 mars,
00:25:26la gendarmerie
00:25:26crée la cellule
00:25:27Disparition 31.
00:25:2916 enquêteurs
00:25:30vont travailler
00:25:30à temps plein
00:25:30sur le dossier.
00:25:32Mais celle que la presse
00:25:33appelle maintenant
00:25:33la jogueuse de Bouloc
00:25:34reste introuvable
00:25:35pendant encore trois semaines.
00:25:40Ce jour-là,
00:25:41le 29 mars 2011,
00:25:43un employé communal
00:25:44de Ville-Mathier,
00:25:45une bourgade
00:25:46à 12 kilomètres
00:25:46de Bouloc
00:25:47arpente le secteur.
00:25:48Il est chasseur.
00:25:55Il a participé
00:25:55quelques jours auparavant
00:25:56à une battue
00:25:57lors de laquelle
00:25:58il a perdu son chien.
00:26:03Et ce jour-là,
00:26:04il va être guidé
00:26:06vers cette buse,
00:26:08en fait.
00:26:08Et il voit
00:26:16effectivement
00:26:16une masse sombre
00:26:17immergée.
00:26:19La canalisation
00:26:20se glisse
00:26:21sous la départementale
00:26:2271.
00:26:23Le chasseur
00:26:24n'est pas équipé.
00:26:26Alors,
00:26:26il décide
00:26:27de revenir
00:26:27un petit peu plus tard
00:26:28dans la soirée.
00:26:29à l'aide d'un bâton,
00:26:36il va essayer
00:26:37d'atteindre
00:26:38cette masse.
00:26:44Un corps
00:26:45retrouvé
00:26:46près de Bouloc
00:26:47en Haute-Garonne,
00:26:48peut-être
00:26:48celui de Patricia Bouchon,
00:26:50cette joggeuse
00:26:51de 49 ans
00:26:52portée disparue
00:26:53depuis un mois et demi.
00:26:57Ce jour-là,
00:26:58je suis à l'hôtel
00:26:59on me demande
00:27:00de rentrer.
00:27:02On a trouvé
00:27:02quelque chose.
00:27:05Le directeur
00:27:06d'enquête
00:27:07m'attend
00:27:07à l'aéroport.
00:27:08On récupère
00:27:08ma fille
00:27:09et on va
00:27:10sur place
00:27:10à Ville-Mathier.
00:27:22On se rend compte
00:27:23qu'on passe
00:27:24par des chemins
00:27:24boisés.
00:27:26On est vraiment
00:27:26en race campagne.
00:27:27Il y a des barrages
00:27:29de gendarmes,
00:27:30ils nous laissent passer
00:27:31et puis
00:27:33on doit s'arrêter.
00:27:35On voit
00:27:35une tente blanche
00:27:36au loin
00:27:37et là,
00:27:38le procureur
00:27:39de la République
00:27:41et la nouvelle
00:27:42chef enquêtrice
00:27:43de la gendarmerie
00:27:45se rapproche
00:27:46de nous
00:27:46et nous présente
00:27:48une basket
00:27:49et l'alliance
00:27:51de ma mère.
00:27:52et là,
00:27:54pardon.
00:28:05Et là,
00:28:06on reconnaît
00:28:07son alliance
00:28:09immédiatement.
00:28:10Ses chaussures,
00:28:12sa basket
00:28:13et mon père
00:28:15s'effondre.
00:28:19C'est encore
00:28:20un moment surréaliste.
00:28:21Je ne peux pas croire
00:28:26à ce moment-là
00:28:27que ce qu'on vit
00:28:27soit réel.
00:28:28Ce n'est pas possible.
00:28:29et là,
00:28:33c'est la fin.
00:28:34C'est la fin,
00:28:35c'est elle,
00:28:35c'est sûr.
00:28:38Elle est là
00:28:38et là,
00:28:41tout s'écroule
00:28:41autour de nous,
00:28:43surtout autour de moi.
00:28:44Caroline essaye
00:28:45de tenir le coup.
00:28:48Moi,
00:28:48c'est la fin.
00:28:49On l'a retrouvée,
00:28:51voilà,
00:28:51c'est fini.
00:28:53Voilà.
00:28:59Dominique,
00:29:03le corps de Patricia Bouchon
00:29:04est autopsiée
00:29:04et ce qui est certain,
00:29:06c'est qu'elle a été
00:29:06violemment frappée.
00:29:08Oui,
00:29:08elle a de très nombreuses
00:29:09plaies au visage,
00:29:11une fracture du nez,
00:29:12fracture du crâne.
00:29:13Les légistes parlent
00:29:14d'un objet lourd,
00:29:16contondant
00:29:16ou tranchant
00:29:17qui aurait provoqué
00:29:18ces blessures.
00:29:19L'ensemble
00:29:19des lésions traumatiques,
00:29:21écrivent les experts,
00:29:22s'est produit
00:29:22de façon quasi simultanée.
00:29:24Ça veut dire
00:29:24que c'est allé très vite
00:29:26et le décès
00:29:27est intervenu
00:29:28en 10 ou 15 minutes.
00:29:30Elle présente également
00:29:31des traces de strangulation.
00:29:33La grande corne de gauche
00:29:34de l'osthioïde,
00:29:35ce fameux os
00:29:36qui est ici,
00:29:37qui casse
00:29:37quand on est étranglé.
00:29:38Cette corne est cassée
00:29:40et au fond de sa gorge,
00:29:42on retrouve un gant
00:29:43en latex
00:29:44auquel il manque
00:29:45deux doigts.
00:29:46Et souvenez-vous,
00:29:47sur le chemin
00:29:48où Patricia Bouchon
00:29:49a été agressée,
00:29:50on a retrouvé
00:29:50un morceau de gant
00:29:52dans la même matière
00:29:53qu'Aoutchouc.
00:29:54Elle a subi
00:29:54des violences sexuelles
00:29:55ou pas ?
00:29:55C'est difficile de le dire
00:29:56parce que le corps
00:29:57est très abîmé.
00:29:58A priori,
00:29:59les légistes disent
00:30:00aucune trace de viol.
00:30:01Mais ils sont prudents
00:30:02parce que Patricia
00:30:03est en partie déshabillée,
00:30:05son pantalon de jogging
00:30:07a été baissé,
00:30:08son t-shirt est soulevé,
00:30:09son soutien-gorge
00:30:10est relevé.
00:30:11Donc,
00:30:12est-ce qu'il s'agit
00:30:12d'une tentative
00:30:13de viol avortée
00:30:14ou alors un simulacre ?
00:30:16On ne sait pas.
00:30:17Est-ce que les experts
00:30:18retrouvent des traces,
00:30:20des empreintes
00:30:21sur le corps
00:30:22ou sur les vêtements
00:30:23d'ailleurs de Patricia Bouchon ?
00:30:24De l'ADN.
00:30:25Trois ADN masculins
00:30:26partiels,
00:30:28un ADN féminin
00:30:29partiel,
00:30:30mélangé à l'ADN
00:30:31de Patricia Bouchon.
00:30:33Mais quand on verse
00:30:34ces ADN au fichier,
00:30:35au FNEG,
00:30:36ça ne donne rien.
00:30:37Une buse
00:30:41bien cachée
00:30:42sous la route.
00:30:44Ce serait quelqu'un
00:30:44du coin
00:30:45que ça n'étonnerait pas
00:30:45les gendarmes.
00:30:47L'enquête se resserre
00:30:48donc sur Bouloc
00:30:49et ses environs.
00:30:52C'est quand même
00:30:52quelqu'un qui connaît
00:30:53comment il est atterré ici.
00:30:54Sinon,
00:30:55moi,
00:30:55je pense qu'il serait
00:30:56plutôt parti vers
00:30:57Fronton
00:30:58ou des choses comme ça.
00:30:59D'avoir découvert
00:31:00le corps pour la famille,
00:31:01oui,
00:31:02mais découvrir l'auteur
00:31:03également pour
00:31:05l'ensemble du village,
00:31:06je pensais.
00:31:06On est choqués,
00:31:07ça c'est sûr.
00:31:08Parce que nous,
00:31:09on a des gamins
00:31:09de 12, 13, 14 ans,
00:31:11ils courent partout,
00:31:11ils vont au stade
00:31:12tous les jours.
00:31:13Après,
00:31:13ça fait peur.
00:31:14Un petit village
00:31:15comme ça,
00:31:15ça fait peur.
00:31:17La suspicion s'installe
00:31:18et l'enchaînement
00:31:18des gardes à vue
00:31:19ne risque pas
00:31:19de calmer les rumeurs.
00:31:21Plus d'une quarantaine
00:31:22de personnes sont arrêtées.
00:31:24Qui ?
00:31:25Qui a tué
00:31:26Patricia Bouchon ?
00:31:29Ces gardes à vue,
00:31:30c'est les montagnes russes.
00:31:31C'est beaucoup d'espoir
00:31:32au début,
00:31:34pendant,
00:31:35et puis au moment
00:31:36où il est relâché,
00:31:38l'espoir s'envole.
00:31:42On se dit,
00:31:42c'est pas grave,
00:31:43ce sera le prochain.
00:31:45Les signalements
00:31:46s'accumulent
00:31:46qu'il faut vérifier
00:31:47un par un.
00:31:49Plus d'une cinquantaine
00:31:50d'hypothèses
00:31:50sont travaillées
00:31:51avec des filatures,
00:31:53des surveillances techniques.
00:31:54ce sont des pages
00:31:57et des pages
00:31:58et des pages
00:31:58de procédures,
00:31:59mais qui finalement
00:32:01ne donnent rien.
00:32:02En fait,
00:32:02ils recherchent une aiguille
00:32:03dans une botte de foin.
00:32:06Le temps passe
00:32:07et les portes
00:32:09se referment
00:32:09les unes après les autres.
00:32:10Il y a un élément
00:32:12troublant
00:32:13dans ce dossier,
00:32:14c'est qu'on a bien
00:32:15retrouvé de l'ADN.
00:32:16Non seulement
00:32:16on a retrouvé
00:32:16de l'ADN masculin,
00:32:17mais on a aussi retrouvé
00:32:18de l'ADN féminin.
00:32:19Mais on a retrouvé
00:32:19de l'ADN partiel
00:32:20sur le corps
00:32:21de la victime.
00:32:22Forcément,
00:32:23statistiquement,
00:32:24ça va
00:32:25toucher plus de personnes.
00:32:28Eh bien là,
00:32:29non,
00:32:29ça ne touche personne.
00:32:32Les voitures de presse
00:32:33et les antennes paraboliques
00:32:34ont quitté la place
00:32:35depuis bien longtemps.
00:32:37Mais l'attente
00:32:38est toujours vive à Bouloc.
00:32:40Depuis deux ans,
00:32:41à chaque Saint-Valentin,
00:32:43les habitants
00:32:43se rassemblent
00:32:44pour une marche blanche.
00:32:46Tandis que le portrait robot
00:32:47de l'homme à la Clio
00:32:48prend la poussière.
00:32:54On se demande
00:32:55pourquoi
00:32:56on ne le diffuse pas
00:32:57pour avoir
00:32:58plus d'éléments
00:32:59parce qu'on est
00:33:00sur une enquête
00:33:00qui piétine,
00:33:01qui n'avance pas
00:33:02et ça,
00:33:02c'est quand même
00:33:03un élément
00:33:04hyper important.
00:33:06Sous la pression
00:33:07de la famille
00:33:07et de ses avocats
00:33:08le 13 octobre 2013,
00:33:10deux ans et demie
00:33:11après les faits,
00:33:12le portrait robot
00:33:12est donc finalement
00:33:13diffusé dans la presse.
00:33:17Et là,
00:33:17évidemment,
00:33:18un portrait robot
00:33:18qui sort
00:33:19sur une petite commune
00:33:20comme Bouloc,
00:33:20ça fait bouger les gens
00:33:22et ça vraiment
00:33:24fait avancer
00:33:25l'enquête.
00:33:26En quelques jours,
00:33:28le numéro vert
00:33:29recueille
00:33:29plus d'une centaine
00:33:30d'appels
00:33:30et moins d'un mois
00:33:32et demi plus tard,
00:33:33le 4 décembre 2013,
00:33:36un témoignage
00:33:37sort du lot.
00:33:38Les gendarmes
00:33:39vont recevoir
00:33:39un appel anonyme.
00:33:42Une personne
00:33:42indiquant que
00:33:43Laurent Dejean,
00:33:43qui est un habitant
00:33:44de Bouloc,
00:33:46utilisait à cette période
00:33:48un véhicule Clio
00:33:49ancienne génération
00:33:50de couleur claire
00:33:51dont il se serait
00:33:52débarrassé.
00:33:53C'est ce qui va
00:33:54attirer l'attention
00:33:54des gendarmes
00:33:55quelques jours
00:33:55après l'effet.
00:33:58Tiens donc
00:33:59une Clio
00:34:00de couleur claire
00:34:01qui a disparu
00:34:03après l'effet.
00:34:03Par ailleurs,
00:34:05notre élément
00:34:06important,
00:34:07c'est que
00:34:08ce témoin
00:34:09anonyme
00:34:10va préciser
00:34:10aux gendarmes
00:34:11que Laurent Dejean
00:34:12a un comportement
00:34:13qui a changé
00:34:15du tout au tout,
00:34:16brutalement,
00:34:17après l'effet,
00:34:18ce qui a conduit
00:34:18à son hospitalisation
00:34:19en psychiatrie.
00:34:22Ce Laurent Dejean,
00:34:22les gendarmes
00:34:23le connaissent déjà.
00:34:25Comme de nombreux
00:34:26hommes du village,
00:34:26il a été entendu
00:34:27début 2012.
00:34:28A l'époque,
00:34:31une patrouille
00:34:31s'était présentée
00:34:32chez sa voisine.
00:34:34Elle accusait
00:34:34Laurent Dejean
00:34:35d'avoir dégradé
00:34:35sa porte d'entrée
00:34:36et pendant
00:34:38qu'ils étaient
00:34:38chez elle...
00:34:39Ils vont lui présenter
00:34:40le portrait robot
00:34:40dressé par le témoin
00:34:42et cette personne
00:34:44va immédiatement
00:34:45se mettre à trembler.
00:34:47Elle est saisie
00:34:48par la ressemblance
00:34:48avec Laurent Dejean
00:34:49et elle en fait part
00:34:51aux gendarmes.
00:34:51Elle leur montre
00:34:52en fait d'un signe
00:34:54de la main
00:34:55qu'il s'agirait
00:34:56de son voisin
00:34:57du dessus.
00:34:58De fait,
00:35:02quand on regarde bien,
00:35:04Dejean a un petit
00:35:05quelque chose
00:35:06du portrait robot.
00:35:08Mais son ADN
00:35:08n'a pas matché
00:35:09avec celui
00:35:10qui a été relevé
00:35:10sur le corps
00:35:11de Patricia Bouchon.
00:35:13Comme tous les autres suspects,
00:35:15Dejean a donc été relâché
00:35:16en 2012.
00:35:18Avec ce nouvel élément,
00:35:20la Clio cette fois,
00:35:21Laurent Dejean
00:35:22n'échappe pas
00:35:22à une garde à vue
00:35:23trois ans après
00:35:24la disparition
00:35:24de la joggeuse.
00:35:26Les gendarmes
00:35:26veulent vérifier
00:35:27s'ils conduisaient bien
00:35:28une Clio
00:35:28première génération
00:35:29au moment des faits.
00:35:31Et c'est un homme
00:35:31sous curatelle judiciaire
00:35:32qu'ils vont interroger.
00:35:34Parce que Laurent Dejean,
00:35:35il est un peu
00:35:36zinzin.
00:35:40Durant le placement
00:35:41en garde à vue
00:35:42de Laurent Dejean,
00:35:43les enquêteurs
00:35:43vont interroger
00:35:44son entourage proche,
00:35:46donc ses amis,
00:35:48les personnes
00:35:48qui fréquentent habituellement,
00:35:49sa famille.
00:35:50et 31 personnes
00:35:53vont être frappées
00:35:54par la ressemblance
00:35:55entre le portrait robot
00:35:57qui a été dressé
00:35:58et le Laurent Dejean
00:35:59qu'ils connaissent
00:36:00et qu'ils connaissent
00:36:01très bien,
00:36:01notamment sa mère,
00:36:04son ancienne petite amie,
00:36:06des personnes
00:36:06qui sont très proches de lui.
00:36:08Beaucoup vont décrire
00:36:14Laurent Dejean
00:36:15comme une personne
00:36:16qui s'emporte,
00:36:18qui peut avoir
00:36:18des accès de colère
00:36:19et qui, par contre,
00:36:21après,
00:36:22redescend assez vite
00:36:23et a tendance
00:36:24à s'excuser.
00:36:25Les gendarmes
00:36:26font immédiatement
00:36:27le lien
00:36:27avec les mots
00:36:28qui ont pu être entendus
00:36:29par les témoins auditifs
00:36:30dans le chemin
00:36:31le soir de l'agression.
00:36:32Les gendarmes
00:36:37cuisinent Dejean
00:36:38pendant 36 heures
00:36:39et ses déclarations
00:36:41sont parfois inquiétantes.
00:36:44On va, par exemple,
00:36:46dire qu'à ce moment-là,
00:36:47il était sous pression
00:36:48ultra-nucléaire,
00:36:50qu'il avait une force
00:36:51de frappe terrible.
00:36:52Il y a des mots
00:36:53qui ressortent
00:36:53de cette audition
00:36:54qui sont parfois
00:36:55assez troublants
00:36:57et on ne comprend pas
00:36:58trop
00:36:58où veut en venir
00:36:59Laurent Dejean.
00:37:02Il va se mettre
00:37:04tout à coup
00:37:05à embrasser
00:37:06la photo
00:37:06de Patricia Bouchon
00:37:07en disant
00:37:09à plusieurs reprises
00:37:09qu'il a fait le deuil
00:37:10de Patricia Bouchon,
00:37:12que c'était
00:37:12une très belle femme.
00:37:14C'est vrai que c'est
00:37:14un comportement
00:37:15assez inhabituel.
00:37:18Tout au long
00:37:18de son interrogatoire,
00:37:19deux gens jurent
00:37:20qu'il n'a rien à voir
00:37:20avec le meurtre
00:37:21de Patricia Bouchon.
00:37:24Quant à la Clio
00:37:24première génération,
00:37:26il n'en a jamais eu.
00:37:28Alors,
00:37:29les gendarmes
00:37:29convoquent ses proches.
00:37:3237 personnes
00:37:33témoins
00:37:33vont confirmer
00:37:34que Laurent Dejean
00:37:35était conducteur
00:37:36habituel
00:37:37d'une Clio
00:37:37ancienne génération
00:37:38et notamment
00:37:39sa soeur
00:37:40viendra dire
00:37:41qu'effectivement
00:37:41il conduisait
00:37:43ce véhicule
00:37:44à la période
00:37:45des faits.
00:37:46il va
00:37:47à demi-mot
00:37:49dire que
00:37:50si ses amis
00:37:51le disent
00:37:52peut-être que c'est vrai
00:37:53mais qu'ils ne s'en rappellent pas.
00:37:57Puis finalement,
00:37:57après,
00:37:58il va revenir
00:37:58sur ses déclarations
00:38:00disant qu'il n'était
00:38:01pas en possession
00:38:01de ce véhicule.
00:38:08Les gendarmes le relâchent,
00:38:10enfin,
00:38:11pas complètement.
00:38:12Dejean est sur écoute
00:38:14des fois qu'ils se trahissent
00:38:15au téléphone.
00:38:17Mais rien ne se passe.
00:38:20Alors,
00:38:20cinq mois plus tard,
00:38:21le 3 juin 2014,
00:38:22rebelote.
00:38:24Les gendarmes reprennent
00:38:25Dejean en garde à vue.
00:38:27Il leur reste
00:38:28neuf heures
00:38:29pour obtenir des aveux.
00:38:31Et cette fois,
00:38:32Dejean craque.
00:38:32C'est vrai,
00:38:34il a bien eu
00:38:34une Clio première génération
00:38:36couleur crème.
00:38:38Il ne l'a pas dit plus tôt
00:38:38parce qu'il n'avait pas
00:38:40les papiers de la voiture.
00:38:42Et puis,
00:38:42il ajoute spontanément
00:38:43une étrange observation.
00:38:45Il va également indiquer
00:38:46qu'en passant en voiture,
00:38:49il a remarqué
00:38:50qu'il manquait
00:38:50deux cailloux
00:38:51de Garonne,
00:38:52deux galets
00:38:53sur les lieux
00:38:53de l'agression
00:38:54au niveau de l'entrée
00:38:56du chemin
00:38:56et préciser
00:38:58que ces cailloux
00:39:00ont pu
00:39:00être l'arme du crime
00:39:01en fait,
00:39:02ont pu tuer
00:39:02Patricia Bouchon.
00:39:05Bizarre quand même
00:39:06cette histoire de galets.
00:39:08Peut-être
00:39:08les élucubrations
00:39:09d'un malade mental ?
00:39:11Sur les faits,
00:39:12en tout cas,
00:39:12Dejean reste catégorique.
00:39:14Il n'a pas tué
00:39:15Patricia Bouchon.
00:39:18Faute de preuves matérielles
00:39:20une fois de plus,
00:39:21la juge chargée
00:39:22du dossier
00:39:22relâche Dejean.
00:39:27Quelques jours plus tard,
00:39:29les gendarmes
00:39:30reconvoquent Nicolas,
00:39:31le témoin
00:39:31qui a croisé
00:39:32la joueuse
00:39:32et qui a surtout
00:39:33dressé le portrait robot
00:39:34de l'homme
00:39:35à la Clio.
00:39:37Sur une planche photographique,
00:39:40douze visages.
00:39:42Le témoin désigne
00:39:43le numéro 5,
00:39:44le numéro 8,
00:39:47Laurent Dejean
00:39:47porte le numéro 7.
00:39:51Si Dejean a menti
00:39:52sur la Clio,
00:39:53il peut mentir
00:39:54sur le reste.
00:39:55C'est ce que pensent
00:39:56les gendarmes
00:39:56et le nouveau juge
00:39:57d'instruction.
00:39:58Le magistrat
00:39:59le convoque
00:39:59le 9 février 2015,
00:40:014 ans après les faits.
00:40:03Dejean maintient
00:40:03qu'il est innocent,
00:40:05mais le juge
00:40:05le met en examen
00:40:06pour homicide volontaire.
00:40:08Dejean file en prison,
00:40:10l'enquête se poursuit,
00:40:11mais c'est qui
00:40:12ceux de Dejean ?
00:40:14L'homme a 36 ans
00:40:16au moment des faits.
00:40:1836 ans à Boulog
00:40:19qu'il n'a jamais quitté.
00:40:21Il est né
00:40:21après deux filles,
00:40:22ses parents n'étaient
00:40:22plus tout jeunes
00:40:23quand le petit dernier
00:40:24est arrivé.
00:40:25Et de son propre aveu,
00:40:27Dejean était un peu
00:40:28le chouchou de la famille.
00:40:33Il va me parler
00:40:34d'une enfance
00:40:34somme toute
00:40:35assez agréable,
00:40:36avec un milieu familial
00:40:38qui n'est pas perturbé.
00:40:40et il se décrit
00:40:41comme un enfant
00:40:42un petit peu agité,
00:40:44on dirait aujourd'hui
00:40:44sans doute un peu
00:40:45hyperactif.
00:40:46Il dit qu'il était
00:40:46comme un tigrou
00:40:48un peu violent.
00:40:51À l'adolescence,
00:40:52ça va se confirmer
00:40:53un petit peu,
00:40:54avec surtout
00:40:55des difficultés
00:40:56en milieu scolaire,
00:40:57avec des investissements
00:40:59assez faibles
00:41:00et avec quelques troubles
00:41:01de l'estime de soi,
00:41:02avec des éléments
00:41:03d'affirmation de soi
00:41:05un petit peu compliqués.
00:41:08À Boulog,
00:41:09on l'appelle
00:41:09Loul ou Petit Lolo.
00:41:12Son quotidien
00:41:13se partage
00:41:13entre le lycée professionnel
00:41:14et les soirées entre potes,
00:41:16bière pétard,
00:41:17des nuits
00:41:18à refaire le monde
00:41:19et à parler des filles.
00:41:21On se rejoignit souvent
00:41:23chez l'un ou l'autre
00:41:24à faire des grillades,
00:41:26à discuter,
00:41:26écouter de la musique.
00:41:28À l'adolescence,
00:41:29pas mal fumer les joints,
00:41:30boire des coups,
00:41:31s'amuser.
00:41:33C'était un caractère
00:41:34plutôt gentil,
00:41:35plutôt sympathique,
00:41:36pas bagarreur.
00:41:37Seulement,
00:41:38avec quelques sauts d'humeur,
00:41:39peut-être,
00:41:40c'est-à-dire qu'il se braquait
00:41:41et qu'il ne fallait pas
00:41:43chercher forcément
00:41:44une logique
00:41:44dans son idée,
00:41:45dans son action.
00:41:46Son discours
00:41:49est un petit peu marqué
00:41:50par ce que l'on appelle
00:41:51la discordance,
00:41:52c'est-à-dire
00:41:53des écarts un peu
00:41:54dans la logique
00:41:55et dans la chaîne
00:41:57des associations d'idées.
00:42:00Deux gens ratent
00:42:01son brevet des collèges,
00:42:02naviguent entre les CAP
00:42:03boulangerie et maçonnerie
00:42:05sans grand succès,
00:42:06jusqu'au décès de son père
00:42:07quand il a 17 ans.
00:42:11Ça a été un drame absolu
00:42:12pour lui
00:42:12parce qu'il était
00:42:13excessivement proche
00:42:14de son père
00:42:14et ils avaient une relation
00:42:15de complicité
00:42:16très importante
00:42:18et ça,
00:42:19ça a été une fracture
00:42:20quand même dans sa vie
00:42:21qui l'a fragilisé
00:42:23assez tôt dans l'âge.
00:42:26C'est vrai que ça,
00:42:27à partir de cet âge-là,
00:42:29il est parti en vrille
00:42:30plus facilement,
00:42:31on le perdait
00:42:32un peu plus souvent
00:42:32à ce moment-là.
00:42:34C'est après la mort
00:42:35de son père
00:42:35que les premiers troubles
00:42:36psychiatriques apparaissent.
00:42:38Mais deux gens
00:42:39ne consultent pas.
00:42:40Aucun diagnostic
00:42:41n'est posé
00:42:42et les relations
00:42:43avec sa mère
00:42:44se compliquent.
00:42:45Laurent vivait avec sa mère
00:42:48dans un appartement
00:42:50qu'il avait créé à côté
00:42:50dans le garage
00:42:51et les relations
00:42:52étaient difficiles,
00:42:53conflictuelles.
00:42:54Laurent n'aimait pas
00:42:55trop parler de sa relation
00:42:55avec sa mère
00:42:56mais on savait quand même
00:42:57que c'était tendu
00:42:58chez lui.
00:43:00Sa soeur s'inquiétait
00:43:02parce qu'il avait
00:43:03un comportement
00:43:04assez violent
00:43:05envers sa mère
00:43:06et à un moment donné,
00:43:09elle m'a sollicité
00:43:11en me demandant
00:43:12de lui trouver
00:43:13un logement
00:43:14pour le sortir
00:43:15de ce cadre
00:43:16de la proximité
00:43:17de sa mère.
00:43:19Deux ans avant
00:43:20le meurtre
00:43:20de Patricia Bouchon,
00:43:21deux gens arrivent encore
00:43:22à canaliser ses troubles.
00:43:24Il a été relogé
00:43:25et il travaille
00:43:26comme plaquiste
00:43:27chez un artisan
00:43:28de bouloques.
00:43:28Il est inséré
00:43:31socialement
00:43:32dans ce qu'on pourrait
00:43:33appeler
00:43:34une forme de normalité.
00:43:36Il a un logement,
00:43:37il a une vie amoureuse
00:43:38à peu près classique,
00:43:39il a des petites amies,
00:43:41il est en proie
00:43:42parfois à des crises
00:43:43mais il a une existence
00:43:44assez routinière.
00:43:46Sa personnalité
00:43:48est évidemment
00:43:50traversée
00:43:51par la pathologie
00:43:53mentale
00:43:54mais en dehors de cela,
00:43:57il est un homme
00:43:57plutôt joyeux
00:43:58et il est un homme
00:43:59qui aime faire rire,
00:44:01il est un homme
00:44:02qui apprécie
00:44:02la plaisanterie
00:44:03et qui aime
00:44:04les relations sociales.
00:44:09Mais cette existence
00:44:10routinière se dégrade.
00:44:11Deux gens
00:44:12changent de fréquentation,
00:44:13ils sortent souvent la nuit,
00:44:14consomment de plus en plus
00:44:15de stupéfiants,
00:44:16du cannabis
00:44:17mais aussi de la cocaïne,
00:44:18des amphétamines.
00:44:20Les dérapages
00:44:20se multiplient.
00:44:23Il commence même
00:44:23à se faire remarquer
00:44:24dans son nouveau quartier.
00:44:27J'ai été alerté
00:44:28par des voisins
00:44:29sur des incantations
00:44:32qu'il faisait
00:44:32le soir
00:44:33avec un livre,
00:44:36la Bible,
00:44:37on ne sait pas trop.
00:44:38Les premières difficultés
00:44:39comportementales
00:44:40voient le jour
00:44:41avec des bizarreries,
00:44:43avec des éléments
00:44:45de troubles
00:44:46importants
00:44:47du comportement
00:44:48qui inaugurent
00:44:50finalement
00:44:50une entrée
00:44:52dans ce que lui
00:44:53va appeler
00:44:54des troubles bipolaires.
00:44:55vers 2010-2011,
00:44:58le ciel se gâte encore.
00:45:00Deux gens
00:45:00commencent à entendre
00:45:01des sifflements
00:45:02comme des acouphènes
00:45:03et puis ce sont
00:45:04bientôt des chuchotements
00:45:05et enfin
00:45:06des voix.
00:45:11C'est à cette période
00:45:13que Patricia Bouchon
00:45:13a été tuée.
00:45:14Les troubles mentaux
00:45:18qu'il a présentés
00:45:19sont des troubles
00:45:20de nature
00:45:21hallucinatoire.
00:45:23Ça signifie
00:45:24concrètement
00:45:24qu'il entend
00:45:25des voix.
00:45:26Qu'il entend
00:45:27des voix
00:45:27dans sa tête,
00:45:29ces voix
00:45:29qui parfois
00:45:30lui donnent
00:45:31des ordres.
00:45:32Elle enseigne
00:45:33que parfois
00:45:33il est obligé
00:45:34de se boucher
00:45:35les oreilles
00:45:36pour tenter
00:45:37de maîtriser
00:45:37ces voix,
00:45:38ce qui n'aurait
00:45:38d'ailleurs aucun effet
00:45:39sur ces productions
00:45:40mentales pathologiques.
00:45:44Cloitré chez lui,
00:45:46happé par ses idées noires,
00:45:48Laurent Dejean
00:45:48se croit envoûté.
00:45:50Il est attaqué
00:45:51par des mouches,
00:45:52il voit le diable,
00:45:54il recouvre
00:45:55les murs
00:45:55et les fenêtres
00:45:56de sa chambre
00:45:56de croix en papier
00:45:57pour chasser le malin.
00:46:03Le 23 février 2011,
00:46:06neuf jours
00:46:06après le meurtre
00:46:07de la joggeuse,
00:46:08un ami l'accompagne
00:46:09chez une psychiatre
00:46:10pour qu'elle le mette
00:46:11en arrêt de travail.
00:46:13Deux gens entament
00:46:13une descente aux enfers.
00:46:15Interné à l'automne 2011,
00:46:17il suit un traitement
00:46:18psychiatrique lourd
00:46:19et se fait oublier.
00:46:22Quand il revient à Bouloc,
00:46:23entre deux séjours
00:46:24en HP,
00:46:25c'est un fantôme.
00:46:27Il erre
00:46:28de rue en rue.
00:46:29Il devient
00:46:30le fou du village.
00:46:34Sa sœur Martine
00:46:35ne le lâche pas.
00:46:36Elle décide
00:46:36de mettre son petit frère
00:46:37sous tutelle renforcée.
00:46:40Allégé plus tard
00:46:40en curatel.
00:46:42Quatre ans plus tard,
00:46:43deux gens
00:46:44sont mis en examen
00:46:45à la grande surprise
00:46:46de ses proches.
00:46:48Il n'est pas
00:46:48machiavélique.
00:46:49Ce n'est pas un garçon
00:46:50qui va être capable
00:46:51de faire des choses
00:46:53aussi cruelles
00:46:53et surtout réfléchir
00:46:55à effacer
00:46:56toute preuve.
00:46:59Il y a trop
00:46:59de petits détails
00:47:00qui font que
00:47:00je ne crois pas.
00:47:07Dominique,
00:47:08la question de la santé mentale
00:47:09de Laurent Dejean
00:47:09est au cœur du dossier
00:47:10et j'imagine
00:47:11que le juge
00:47:12a une très longue liste
00:47:13de questions
00:47:14à poser aux experts.
00:47:15Oui,
00:47:15mission de l'expert,
00:47:17prendre connaissance
00:47:18du dossier médical
00:47:19de Laurent Dejean
00:47:19puisqu'il est déjà suivi,
00:47:22l'examiner
00:47:22et vérifier
00:47:23s'il souffre bien
00:47:24d'une pathologie.
00:47:26Un premier médecin
00:47:27parlait d'une schizophrénie
00:47:28paranoïde continue
00:47:30après les faits.
00:47:31En 2013,
00:47:32l'expert confirme.
00:47:34Est-ce qu'il pouvait
00:47:34être malade
00:47:35au moment des faits ?
00:47:36Alors,
00:47:36le juge pose la question
00:47:37à l'expert,
00:47:38bien sûr,
00:47:38qui lui répond,
00:47:39mais moi,
00:47:39je ne peux pas remonter
00:47:40dans le temps
00:47:40pour répondre à cette question.
00:47:42En revanche,
00:47:43l'expert note
00:47:44que sa décompensation
00:47:45schizophrénique
00:47:46est presque contemporaine
00:47:48des faits
00:47:48de la mort
00:47:49de Patricia Bouchon.
00:47:50La décompensation,
00:47:50c'est quoi ?
00:47:51Alors,
00:47:51pour simplifier,
00:47:53un schizophrène
00:47:53décompense
00:47:54lorsqu'il sort
00:47:55du réel
00:47:56et à ce moment-là,
00:47:57il peut faire
00:47:58des bouffées délirantes,
00:48:00avoir des hallucinations
00:48:01ou des crises
00:48:02de violence.
00:48:03Qu'est-ce qu'il a pu faire
00:48:04décompenser
00:48:05de Jean
00:48:06à la période du crime ?
00:48:08L'expert ne peut pas répondre.
00:48:09Pourquoi ?
00:48:10Parce que de Jean
00:48:11n'y l'est fait.
00:48:12Mais le psychiatre
00:48:13note que
00:48:14la mort violente
00:48:15d'une habitante
00:48:16de Bouloc,
00:48:17pour Laurent Dejean
00:48:18qui a toujours habité
00:48:19ce village,
00:48:21a pu accélérer
00:48:23sa décompensation.
00:48:25Donc,
00:48:25si je comprends bien,
00:48:26le psy ne peut pas dire
00:48:27si Dejean a décompensé
00:48:28parce qu'il a tué,
00:48:29parce qu'il a appris
00:48:31la mort de cette femme
00:48:31ou d'ailleurs
00:48:32pour autre chose.
00:48:33Au sujet
00:48:33du discernement,
00:48:35est-ce qu'il est
00:48:35aboli ou altéré ?
00:48:36On le sait ça.
00:48:37Sur l'abolition,
00:48:38l'expert ne peut pas
00:48:40se prononcer.
00:48:41En revanche,
00:48:42il ne peut exclure
00:48:43qu'à cette période,
00:48:45le discernement
00:48:46de Laurent Dejean
00:48:47ait pu être altéré
00:48:48dans un contexte
00:48:50de troubles psychotiques
00:48:52débutants.
00:48:54Après plusieurs mois
00:48:55à la maison d'arrêt
00:48:56de Seyss,
00:48:57Laurent Dejean
00:48:58nie toujours son implication
00:48:59dans le meurtre
00:48:59de Patricia Bouchon.
00:49:00Le 18 février 2015,
00:49:05le juge d'instruction
00:49:06l'extrait donc de prison
00:49:07pour le conduire
00:49:08sur les lieux
00:49:08en présence
00:49:09du seul témoin,
00:49:10Nicolas.
00:49:13Une mise en situation
00:49:14de la nuit du meurtre.
00:49:17Laurent Dejean
00:49:17est installé
00:49:18au volant
00:49:18d'une Clio blanche,
00:49:20bonnet sur la tête.
00:49:22Nicolas observe la scène
00:49:23et pour la première fois,
00:49:25il précise
00:49:25que le plafonnier
00:49:26de la voiture
00:49:27était allumé.
00:49:28C'est comme ça
00:49:30qu'il a pu voir
00:49:31le visage de Dejean.
00:49:34Le témoin va dire
00:49:35avec beaucoup de certitude
00:49:39« je reconnais
00:49:40cette personne
00:49:41qui est là devant moi,
00:49:43en l'occurrence
00:49:44Laurent Dejean,
00:49:45à plus de 90%. »
00:49:48Donc c'est quand même
00:49:49un élément
00:49:50qui est très fort
00:49:51et qui va finir
00:49:53de convaincre
00:49:55tout le monde.
00:49:55Le problème,
00:49:58c'est qu'on lui a présenté
00:50:00à plusieurs reprises
00:50:01des planches photographiques
00:50:03pour essayer
00:50:04d'identifier
00:50:05Laurent Dejean.
00:50:06Il ne l'a jamais reconnu.
00:50:07La seule fois
00:50:08où il le reconnaît,
00:50:09c'est quand il n'y a que lui
00:50:11lors de la reconstitution.
00:50:18Après ce dernier acte,
00:50:20le juge d'instruction
00:50:20décide de renvoyer
00:50:21Laurent Dejean
00:50:22devant les assises.
00:50:23mais au parquet général,
00:50:25ça coince.
00:50:28Contre toute attente,
00:50:29les magistrats chargés
00:50:30de l'application de la loi
00:50:31au nom de l'intérêt public
00:50:33font appel
00:50:34de la décision du juge.
00:50:37Il requiert
00:50:37un non-lieu
00:50:38en faveur de Laurent Dejean
00:50:39en estimant
00:50:40que les charges
00:50:41retenues contre lui
00:50:41sont insuffisantes
00:50:43pour soutenir
00:50:43l'accusation.
00:50:46En clair,
00:50:46cet homme n'a rien à faire
00:50:48dans le box d'une cour d'assises.
00:50:49Il faut imaginer
00:50:52le choc
00:50:53pour les parties civiles.
00:50:55Ils le vivent très mal
00:50:56puisqu'en fait,
00:50:57ils ne comprennent pas
00:50:57pourquoi du jour au lendemain,
00:50:59la position
00:50:59est radicalement différente.
00:51:01Depuis le début,
00:51:03ils sont d'accord
00:51:03pour l'intercérer,
00:51:04pour le mettre en examen
00:51:05et puis,
00:51:07il y a une demande
00:51:08de non-lieu,
00:51:08ça n'a pas de sens.
00:51:10Ça n'a pas de sens.
00:51:12L'un des magistrats
00:51:13du parquet
00:51:13s'en explique.
00:51:15Cette position
00:51:16peut choquer sur le fond,
00:51:17elle peut déplaire
00:51:17à la partie civile.
00:51:19Mais je dirais
00:51:20que d'un point de vue
00:51:20objectif,
00:51:22objectif,
00:51:24l'enquête présentait
00:51:25des lacunes.
00:51:29Le premier élément
00:51:30qui est troublant,
00:51:30c'est l'absence
00:51:31d'éléments matériels
00:51:32qui relient directement
00:51:33Laurent Dejean
00:51:35au meurtre
00:51:35de Patricia Bouchon.
00:51:37Qu'un ADN
00:51:38de Laurent Dejean
00:51:39retrouvé
00:51:40sur la victime,
00:51:42il n'y a
00:51:43absolument rien
00:51:44de cet ordre-là.
00:51:45Aucune preuve matérielle
00:51:48et un seul témoin.
00:51:51Par principe,
00:51:52on sait très bien
00:51:52que le témoin unique
00:51:54est un témoin fragile
00:51:56quel qu'il soit,
00:51:57quand bien même
00:51:58ce témoin
00:51:58ait de bonne foi.
00:52:00Il est très précis,
00:52:01Nicolas,
00:52:02sur les horaires.
00:52:04Il dit être
00:52:04aux abords de Boulogues,
00:52:06devant l'église de Boulogues,
00:52:08à l'entrée du village,
00:52:09à 4h22,
00:52:10très précisément.
00:52:11et il dit qu'ensuite,
00:52:14c'est à 4h33,
00:52:1511 minutes après,
00:52:16qu'il croise
00:52:17le fameux véhicule
00:52:20hors
00:52:201,5 km
00:52:23à peine
00:52:24sépare
00:52:24ces deux endroits.
00:52:281 km
00:52:29que Nicolas aurait parcouru
00:52:30en 11 minutes ?
00:52:33Il y a cette incohérence
00:52:34qui est tout à fait troublante.
00:52:36Il y en a une seconde
00:52:38qui n'est pas mince,
00:52:39qui est la couleur du véhicule,
00:52:40telle qu'il la rapporte.
00:52:42Il va donner
00:52:43plusieurs versions
00:52:45de la couleur
00:52:46de ce véhicule
00:52:47qui iront
00:52:48du gris clair
00:52:50au gris anthracite
00:52:51et il va évoluer
00:52:52sur ce point
00:52:53sans qu'on soit capable
00:52:55de dire
00:52:55de manière
00:52:57tout à fait précise,
00:52:58même au terme
00:52:59de l'instruction,
00:53:01quelle était exactement
00:53:02la couleur de ce véhicule.
00:53:04Un témoin fluctuant
00:53:05reste le mensonge
00:53:07de deux gens
00:53:08sur la Clio,
00:53:08la pièce maîtresse
00:53:10de l'accusation.
00:53:12La question
00:53:13qu'on se pose,
00:53:14c'est de se dire
00:53:15finalement
00:53:15est-ce que
00:53:16ce seul mensonge
00:53:18fut-il important ?
00:53:21Est-ce que ça suffisait
00:53:22dans le fond
00:53:23à emporter
00:53:23la conviction
00:53:24de sa culpabilité
00:53:25en l'absence
00:53:26d'autres éléments crédibles ?
00:53:27Je pense
00:53:28qu'incontestablement
00:53:29les juges
00:53:29de la Chambre d'instruction
00:53:30qui ont toujours
00:53:31pris leurs responsabilités
00:53:32iront vers un non-lieu
00:53:34puisqu'encore une fois
00:53:34il n'y a ni ADN,
00:53:35ni preuve,
00:53:36ni contact direct,
00:53:37que rien ne prouve
00:53:38que Laurent Desjeans
00:53:39est le meurtrier
00:53:40de la jogueuse de Boulard.
00:53:44La défense est sereine.
00:53:46La partie civile
00:53:47espère encore
00:53:48que l'accumulation
00:53:49de coïncidences
00:53:49l'emportera
00:53:50sur l'absence
00:53:51de preuves formelles.
00:53:54Quinze jours plus tard,
00:53:55la décision
00:53:56de la Chambre
00:53:56de l'instruction
00:53:57tombe.
00:53:58Renvoi
00:53:59accepté.
00:54:00Laurent Desjeans
00:54:01doit être jugé.
00:54:02Le procès
00:54:06de la jogueuse
00:54:07de Boulard
00:54:07s'ouvre devant
00:54:08la cour d'assises
00:54:08de Haute-Garonne
00:54:09le 14 mars 2019,
00:54:11huit ans après le crime.
00:54:13L'accusé risque
00:54:1330 ans de réclusion criminelle
00:54:15et la tâche de la cour
00:54:17s'annonce rude.
00:54:18Elle doit juger
00:54:19un homme
00:54:19qui souffre
00:54:19de troubles psychiatriques
00:54:21à partir d'un dossier
00:54:22de 40 000 pages,
00:54:23sans aveu
00:54:24et surtout
00:54:25sans aucun élément
00:54:26matériel déterminant.
00:54:27Quant à l'accusation,
00:54:29elle sera portée
00:54:29par un magistrat
00:54:30qui n'était pas favorable
00:54:31au renvoi de l'accusé
00:54:32devant les assises.
00:54:34Alors,
00:54:34coupable
00:54:35ou innocent
00:54:36Desjeans ?
00:54:37Pour la défense,
00:54:38tous les espoirs
00:54:39sont permis.
00:54:41Quand l'accusé
00:54:41prend place
00:54:42dans le box,
00:54:43cela fait 5 ans
00:54:43qu'il est déjà
00:54:44derrière les barreaux.
00:54:47Laurent Desjeans
00:54:47a 39 ans,
00:54:48il n'a jamais cessé
00:54:49de clamer son innocence
00:54:51et à l'ouverture
00:54:52du procès,
00:54:53dans une salle comble,
00:54:55la famille Bouchon
00:54:55fait bloc.
00:54:57L'enjeu
00:54:58de ce procès,
00:54:59pour moi,
00:55:00c'est qu'on rende justice
00:55:01à Patricia.
00:55:03C'est le plus important
00:55:04et je n'ai que ça
00:55:04dans la tête.
00:55:05C'est le moment
00:55:06et je n'ai que ce moment.
00:55:08Donc,
00:55:09je ne suis pas à tout.
00:55:12Monsieur le grand tour,
00:55:13le diant s'est ouvert
00:55:14que là,
00:55:14vous pouvez vous asseoir.
00:55:19Dejean lui semble
00:55:20agarre,
00:55:21perdu.
00:55:23Il est très probablement
00:55:24sous l'effet
00:55:26de médicaments
00:55:26assez puissants
00:55:27qui sont destinés
00:55:29à traiter,
00:55:31à soigner
00:55:31les troubles
00:55:32dont il est atteint.
00:55:33Il ne tient pas
00:55:34notre regard.
00:55:34De toute façon,
00:55:35il nous regarde
00:55:35très très peu.
00:55:36Il est assez absent.
00:55:39Donc,
00:55:39il n'y a pas de...
00:55:40Je n'ai pas d'animosité.
00:55:46Au premier jour,
00:55:47les gendarmes
00:55:48de la cellule
00:55:48disparition 31
00:55:49présentent leurs conclusions
00:55:50chahutées par la défense,
00:55:52mais aussi
00:55:53par l'avocat général.
00:55:56Le directeur d'enquête
00:55:57reste au moins
00:55:58trois heures à la barre
00:55:59et à la fin,
00:56:01l'avocat général conclut
00:56:02« Oui, enfin bon,
00:56:03quand on a fait
00:56:04le tour de la question,
00:56:05on en revient
00:56:06toujours à la même personne
00:56:07au fou du village
00:56:09qui cite la Bible. »
00:56:12Et c'est cette phrase,
00:56:13en fait,
00:56:15qui sous-entend
00:56:16que
00:56:16en fait,
00:56:18on n'avait
00:56:18personne d'autre
00:56:19en réalité.
00:56:20La charge est violente
00:56:22et les enquêteurs
00:56:24sont sonnés.
00:56:25Tout le monde comprend
00:56:26que l'avocat général
00:56:27ne soutiendra pas
00:56:28l'accusation.
00:56:29« On a l'impression
00:56:29qu'on a un avocat général
00:56:30qui est littéralement
00:56:32contre nous,
00:56:32que les dés
00:56:33sont déjà jetés,
00:56:34quoi,
00:56:35que le jeu est fait. »
00:56:36« Qu'il en soit convaincu,
00:56:38qu'il ait cette intime conviction,
00:56:40c'est sa conviction
00:56:41qu'il la crache
00:56:44au visage
00:56:45des partis civils,
00:56:47ça nous blesse. »
00:56:49Le lendemain,
00:56:50Christian Bouchon
00:56:51se lève
00:56:51et c'est à l'avocat général
00:56:53qu'il veut dire
00:56:53sa colère.
00:56:56« Pour lui,
00:56:57Laurent Dejean
00:56:58n'était absolument
00:56:59pas coupable
00:56:59et il n'avait rien
00:57:00à faire là.
00:57:02Et c'est là
00:57:02où je l'ai...
00:57:03Je lui ai demandé
00:57:06ce qu'il faisait là,
00:57:07parce qu'en fait,
00:57:08pour moi,
00:57:08il ne faisait pas
00:57:08son boulot. »
00:57:09la douleur
00:57:10de Christian Bouchon
00:57:11peut-être
00:57:12lui fait oublier
00:57:14ces données
00:57:16qui sont un peu techniques,
00:57:17mais l'avocat général
00:57:18n'est pas
00:57:20le directeur
00:57:21de l'enquête,
00:57:22il n'a pas dirigé
00:57:23la gendarmerie,
00:57:23la police judiciaire
00:57:24et les investigations.
00:57:26Il aborde
00:57:27le dossier
00:57:28tel qu'il se présente,
00:57:30avec ses forces
00:57:30et avec ses faiblesses,
00:57:32et en toute indépendance
00:57:34intellectuelle,
00:57:35dans le seul intérêt
00:57:36de la justice.
00:57:37Après cet échange musclé,
00:57:40le président de la Cour
00:57:41s'emploie à ramener
00:57:42le calme.
00:57:43Les habitants de Boulog
00:57:44se succèdent maintenant
00:57:45à la barre des témoins.
00:57:48Ce qui, moi,
00:57:49m'a happée
00:57:49dans cette audience,
00:57:51c'est qu'en fait,
00:57:51ça raconte
00:57:52l'histoire d'un village.
00:57:54Et on a l'impression
00:57:57un peu que c'est pas seulement
00:57:58le procès de Laurent Dejean.
00:58:00C'est un peu
00:58:01le procès de leur village
00:58:02parce qu'il s'est passé
00:58:04un drame terrible
00:58:05et que, quelque part,
00:58:06ils doivent le justifier.
00:58:08Enfin,
00:58:09ils doivent raconter,
00:58:10en fait,
00:58:10ce qui se passait
00:58:11dans ce village.
00:58:13Parce que Laurent Dejean
00:58:14est un enfant de Boulog
00:58:15et que tout le monde
00:58:16le connaît.
00:58:18Chacun a une histoire
00:58:19à raconter.
00:58:21Je me souviens
00:58:22d'une personne
00:58:22qui vient témoigner
00:58:23en disant
00:58:24qu'il possédait
00:58:26un Rottweiler
00:58:27à une époque
00:58:28et que ce Rottweiler
00:58:29était sorti
00:58:30de son enclos
00:58:30et qu'il avait mordu
00:58:31le voisin.
00:58:32Qu'est-ce qu'il fait ?
00:58:33Il prend un fusil
00:58:34et le tue
00:58:35en une fraction
00:58:37de seconde.
00:58:39C'est assez violent.
00:58:40Donc,
00:58:40c'est ce comportement.
00:58:42Certaines viennent dire
00:58:43que c'est un loup.
00:58:44Donc,
00:58:45ça montre certaines choses.
00:58:46En fait,
00:58:47il raconte tout.
00:58:49Mais,
00:58:50ce qu'on entend
00:58:50quand même derrière,
00:58:51c'est que
00:58:52c'est un gamin
00:58:53du village
00:58:53et qu'il est toujours
00:58:56là pour les autres.
00:58:56C'est quelqu'un
00:58:57qui fait rire
00:58:58les autres.
00:58:58et ils ont vraiment
00:59:00beaucoup,
00:59:01beaucoup de mal
00:59:01à le voir
00:59:01comme un meurtrier.
00:59:03La personnalité complexe
00:59:04de Laurent Dejean
00:59:05se dévoile.
00:59:07Mais le principal témoin
00:59:08de l'accusation,
00:59:09l'homme qui a identifié
00:59:10deux gens
00:59:11au volant de la Clio
00:59:11et permis de dresser
00:59:13le portrait robot,
00:59:14a maintenant la parole.
00:59:16Quand il arrive
00:59:17à la barre,
00:59:17déjà,
00:59:18il coupe court
00:59:18à tout débat,
00:59:20j'ai envie de dire,
00:59:21parce qu'il dit
00:59:21« moi,
00:59:22je suis très physionomiste ».
00:59:24C'est bien Dejean
00:59:25qu'il a vu
00:59:25au volant d'une Clio
00:59:26le 14 février.
00:59:27Il en est sûr
00:59:28à 90 %.
00:59:29La défense rappelle donc
00:59:32qu'à deux reprises,
00:59:33le témoin s'est trompé.
00:59:34Il n'a jamais reconnu
00:59:35de gens
00:59:36sur les planches photos.
00:59:38Il est incontestable
00:59:39qu'encore une fois,
00:59:40on a le sentiment
00:59:42que ce témoin
00:59:43a été fabriqué
00:59:44d'une certaine manière
00:59:45et qu'il a fallu
00:59:46au bout de quatre ans
00:59:47d'enquête
00:59:47trouver un coupable.
00:59:48Idéal peut-être,
00:59:50la cour d'assises
00:59:50le décidera.
00:59:52Reste la question
00:59:53de l'ADN.
00:59:54Elle a été au cœur
00:59:55de l'enquête.
00:59:55L'expert en biologie,
00:59:57le célèbre professeur
00:59:58d'Outre-Meu-Puiche
00:59:59s'avance à la barre.
01:00:01Moi, j'ai fait
01:00:01beaucoup de procès,
01:00:02je ne l'ai jamais vu
01:00:03se déplacer en personne.
01:00:04Ce jour-là,
01:00:05il vient
01:00:05avec ses assistants
01:00:07et il reste trois heures
01:00:08à la barre.
01:00:09Cette déposition est importante
01:00:14parce qu'encore une fois,
01:00:15c'est celle de quelqu'un
01:00:16qui ne dit pas
01:00:17voilà un élément
01:00:18qui désigne
01:00:19quelqu'un,
01:00:21mais voilà un élément
01:00:22qui peut tout de même
01:00:24nous dire
01:00:24qu'un autre peut être
01:00:26éventuellement coupable
01:00:27de ce crime.
01:00:31Le doute s'installe.
01:00:33Alors,
01:00:34les avocats de la partie civile
01:00:35abattent leur carte.
01:00:36D'abord,
01:00:37la personnalité violente
01:00:39de Laurent Dejean.
01:00:40Ensuite,
01:00:41sa consommation de stupéfiants,
01:00:43son mensonge sur la Clio
01:00:44et surtout sa schizophrénie
01:00:46qui peut expliquer
01:00:46le passage à l'acte.
01:00:49Les experts psychiatres
01:00:50doivent répondre
01:00:50et le procès
01:00:52change de nouveau de cap.
01:00:54Ce que disent
01:00:54les experts psychiatres,
01:00:56c'est que
01:00:56quand une personne
01:00:58atteinte de cette maladie
01:01:00commet l'acte criminel,
01:01:03c'est le chaos total.
01:01:04Il n'a pas
01:01:06le sang-froid nécessaire
01:01:07pour cacher un corps.
01:01:09Or,
01:01:10le corps de Patricia Bouchon
01:01:12a été enlevé
01:01:14de la scène du crime
01:01:15pour être justement caché
01:01:17et on ne le retrouvera
01:01:18que 43 jours plus tard.
01:01:21La défense remarque des points,
01:01:24mais la partie civile
01:01:25ne lâche rien.
01:01:26On n'a pas un élément
01:01:27de preuve évident
01:01:28qui saute aux yeux,
01:01:30mais il y a effectivement
01:01:31un faisceau d'indices,
01:01:32des indices concordants,
01:01:35importants,
01:01:36qui conduisent bien évidemment
01:01:38sans aucun doute
01:01:38à Laurent Dejean.
01:01:39Donc vraiment,
01:01:40notre objectif à nous,
01:01:41c'est ça,
01:01:42c'est que les jurés
01:01:42prennent conscience
01:01:43du fait qu'en fait,
01:01:45tout ça mène vers
01:01:46un seul et même individu
01:01:47et qu'il n'y a pas de hasard
01:01:48et qu'il n'y a pas
01:01:49de zone d'ombre en fait.
01:01:52Il a fait que mentir quand même.
01:01:54Il a essayé de s'en sortir,
01:01:55mais il ne s'en sortait pas.
01:01:56Il ne ressemblait pas à un assassin,
01:01:58mais qui ressemble à un assassin ?
01:02:00Je me souviens notamment
01:02:02d'une phrase de la fille
01:02:04de Patricia Bouchon
01:02:05qui moi m'a marquée
01:02:06où elle dit à Laurent Dejean,
01:02:09elle dit
01:02:09« Mais monsieur Dejean,
01:02:10croyez bien que si j'étais
01:02:12persuadée de votre innocence,
01:02:13j'aurais été la première
01:02:14à vous défendre. »
01:02:16Et quand elle dit ça,
01:02:18on a envie de la suivre.
01:02:19On a envie de la suivre,
01:02:20vraiment.
01:02:23Après deux semaines d'audience,
01:02:24c'est l'heure du réquisitoire,
01:02:26le moment le plus attendu
01:02:27d'un procès.
01:02:28L'avocat général se lève,
01:02:30il est l'heure de sonner la charge,
01:02:33ou pas d'ailleurs.
01:02:35J'essaie de dire à la cour
01:02:36que dans le fond,
01:02:38incontestablement,
01:02:39il y a des charges
01:02:40qui pèsent sur Laurent Dejean,
01:02:42mais que pour autant,
01:02:43ces charges ne constituent pas
01:02:46des preuves
01:02:46au-delà d'un doute raisonnable.
01:02:49L'acquittement.
01:02:51L'avocat général demande
01:02:53l'acquittement.
01:02:55Uniquement pour cette raison,
01:02:56je leur demandais
01:02:57d'acquitter
01:02:59Laurent Dejean.
01:03:01C'est-à-dire pas parce
01:03:02qu'il était innocent,
01:03:03pas parce que j'étais convaincu
01:03:04de son innocence,
01:03:06mais parce qu'encore une fois,
01:03:07j'étais au contraire
01:03:08dans l'incapacité
01:03:08de prouver sa culpabilité.
01:03:13Le jour du verdict,
01:03:14la salle est pleine à craquer.
01:03:15Laurent Dejean sera-t-il
01:03:19vraiment acquitté
01:03:20du meurtre de Patricia Bouchon ?
01:03:23La cour se retire.
01:03:25Six heures de délibération.
01:03:28En fin de journée,
01:03:29le président prend la parole.
01:03:31Verdict,
01:03:3320 ans.
01:03:36Quand on entend
01:03:37ce verdict de 20 ans,
01:03:41moi, le souvenir que j'en ai,
01:03:42c'est vraiment une foule
01:03:43qui crie.
01:03:44un cri de surprise
01:03:47ou de stupeur.
01:03:49Et Laurent Dejean
01:03:50qui est dans le box
01:03:50et accusé
01:03:51qui est complètement sonné.
01:04:00Je me souviendrai
01:04:01toute ma carrière professionnelle
01:04:03et je pense toute ma vie
01:04:03le moment où on entend
01:04:05effectivement
01:04:06la culpabilité
01:04:07de Laurent Dejean
01:04:08prononcée
01:04:08par la cour d'assises
01:04:10et là,
01:04:10c'est une émotion.
01:04:11mais ça m'aimait encore d'ailleurs.
01:04:19On a été au bout.
01:04:22C'est l'aboutissement
01:04:24et c'était très, très fort.
01:04:29Très fort.
01:04:29Je ne suis pas surpris.
01:04:35C'est typiquement
01:04:35un crime
01:04:36dans lequel
01:04:37chacun peut se projeter,
01:04:39peut craindre
01:04:39de retrouver
01:04:41sa mère,
01:04:43sa femme,
01:04:44sa soeur,
01:04:44sa fille.
01:04:46Mais la question
01:04:47que je me suis posée,
01:04:48je me pose encore
01:04:49mais j'y réponds.
01:04:51Fallait-il,
01:04:51parce que c'était
01:04:52la chronique
01:04:53d'une condamnation annoncée,
01:04:54que j'adapte mes réquisitions
01:04:55contre mes convictions ?
01:04:57Dans la foulée du verdict,
01:05:04les avocats
01:05:05de Laurent Dejean
01:05:06interjettent appel.
01:05:09Et un nouveau procès
01:05:11s'ouvre à Albi
01:05:12le 28 juin 2021.
01:05:14Laurent Dejean
01:05:15s'y présente
01:05:16avec un nouvel avocat.
01:05:17J'avais entendu parler
01:05:19de l'affaire,
01:05:20bien évidemment,
01:05:22qui était une affaire
01:05:23étonnante,
01:05:24puisqu'un avocat général
01:05:25avait requis un acquittement
01:05:27et on se retrouvait
01:05:27avec une décision
01:05:28de condamnation.
01:05:28Donc j'étais dans
01:05:29un état d'esprit
01:05:30un peu perplexe.
01:05:34Et lorsque le procès
01:05:36en appel arrive,
01:05:38le nouveau représentant
01:05:39du parquet général
01:05:40a indiqué
01:05:41qu'elle soutiendrait
01:05:42l'accusation.
01:05:43Laurent Dejean
01:05:47a maintenant 42 ans.
01:05:48Il apparaît
01:05:49plus bavard,
01:05:50plus sûr de lui
01:05:51devant la cour d'assises
01:05:52du Tarn.
01:05:53Pour la famille Bouchon,
01:05:55c'est l'espoir
01:05:55d'un procès différent
01:05:56avec des réponses.
01:05:59Mais dès l'ouverture
01:06:00de l'audience,
01:06:01l'accusé reste
01:06:02sur sa ligne.
01:06:04Il est innocent.
01:06:07Et son avocat
01:06:08d'expliquer
01:06:08que dans ce dossier
01:06:09sans preuve matérielle
01:06:10formelle,
01:06:11la justice a cédé
01:06:12à la tentation
01:06:13de construire
01:06:14un coupable.
01:06:16L'enquête
01:06:16est partie
01:06:17du postulat
01:06:18audacieux
01:06:18qu'elle allait être
01:06:20en mesure
01:06:20de démontrer
01:06:21l'identité
01:06:22du meurtrier
01:06:23parce qu'une personne
01:06:25sur une route départementale
01:06:27avait vu le soir du meurtre
01:06:28une Clio blanche
01:06:30de série 1.
01:06:32Concrètement,
01:06:33un véhicule
01:06:34produit à 4 millions
01:06:35d'exemplaires.
01:06:36L'aberration
01:06:37de ce raisonnement
01:06:38vésite dans le fait
01:06:38qu'aucun lien
01:06:39concret
01:06:40est réel
01:06:41et sérieux
01:06:42n'a été fait
01:06:43entre cette Clio blanche
01:06:45et le lieu du meurtre.
01:06:47Donc ça veut dire
01:06:48qu'on est en train
01:06:49de reprocher à un homme
01:06:50une possession
01:06:51de véhicule,
01:06:53un mensonge
01:06:54sur la possession
01:06:54de ce véhicule
01:06:55alors même
01:06:56que c'est à tort
01:06:57que ce véhicule
01:06:57a été désigné
01:06:58comme l'élément
01:06:59déterminant de l'affaire.
01:07:01C'est un peu
01:07:02kafkaïen
01:07:02en réalité.
01:07:03la défense avance
01:07:06ses pions
01:07:06mais que faire
01:07:08des réactions
01:07:09étranges
01:07:09de Laurent Dejean
01:07:10de ses incohérences
01:07:12de cette histoire
01:07:13de galets
01:07:13dont Dejean
01:07:14a spontanément
01:07:15parlé en garde à vue.
01:07:18L'histoire
01:07:18des cailloux de Garonne
01:07:19là aussi
01:07:20est illustrative
01:07:21du niveau
01:07:21de débat
01:07:22dans lequel on est.
01:07:22rappelons quand même
01:07:24qu'il est entendu
01:07:25en 2014
01:07:26et entre 2011
01:07:28et 2014
01:07:28où ses fameux
01:07:30propos incohérents
01:07:31sont relevés
01:07:31par la police.
01:07:33Laurent Dejean
01:07:33a été irrigué
01:07:34d'images et de sons
01:07:35dans les médias
01:07:36et lui
01:07:37trois ans
01:07:38ou quatre ans après
01:07:39dans la désorientation
01:07:40qui est la sienne
01:07:41et qui est constitutionnelle
01:07:42de ce qu'il est
01:07:43il donne aux enquêteurs
01:07:45toutes les informations
01:07:46qu'il peut donner
01:07:47c'est-à-dire
01:07:47j'ai vu une histoire
01:07:48de cailloux
01:07:48mais qui correspondait
01:07:49effectivement à une réalité
01:07:50qui avait été évoquée
01:07:51au journal télévisé
01:07:53et il fait un mélange
01:07:54complet
01:07:55entre ce qu'il doit
01:07:57raconter aux enquêteurs
01:07:58parce qu'il en aurait été
01:07:58le témoin
01:07:59et ce qu'il a vu
01:08:00à la télévision
01:08:00en réalité.
01:08:01Donc on analyse
01:08:02des réactions curieuses
01:08:03en disant
01:08:03finalement
01:08:04quelle drôle de réaction
01:08:05et ça c'est un raisonnement
01:08:07qui est évidemment inadmissible.
01:08:11Ce qui m'a fait dire
01:08:13et penser
01:08:15que le système
01:08:17qui avait été appliqué
01:08:17à Laurent Dejean
01:08:18n'était absolument pas
01:08:19un système
01:08:20en termes de charge
01:08:20de la preuve
01:08:21de présomption
01:08:21d'innocence
01:08:22mais un système inverse
01:08:23de présomption
01:08:24de culpabilité.
01:08:27Et pour finir
01:08:28la défense
01:08:29fustige une enquête
01:08:30menée à charge.
01:08:33En réalité
01:08:33à ce stade-là
01:08:35on peut considérer
01:08:36que Laurent Dejean
01:08:37est poursuivi
01:08:38en raison de ce qu'il est
01:08:39c'est-à-dire
01:08:40quelqu'un de fragile
01:08:41qui n'est pas en capacité
01:08:42de s'expliquer
01:08:43de la part
01:08:44de l'institution judiciaire.
01:08:46C'est d'autant plus
01:08:47critiquable
01:08:48qu'elle s'est penchée
01:08:50sur la situation
01:08:50de Laurent Dejean
01:08:51en dehors
01:08:51de toute circonstance
01:08:52criminelle
01:08:53et à considérer
01:08:55que Laurent Dejean
01:08:56était une personne
01:08:57vulnérable
01:08:57et que le devoir
01:08:59au-delà de la société
01:09:00de l'institution judiciaire
01:09:02était de le protéger
01:09:04et de le placer
01:09:05sous curatelle
01:09:06d'États renforcés.
01:09:15La défense a tout donné
01:09:16et plaide évidemment
01:09:17l'acquittement.
01:09:18Mais au terme
01:09:19de dix jours de procès
01:09:20les jurés
01:09:21comme en première instance
01:09:22condamnent Laurent Dejean
01:09:23à vingt ans
01:09:24de réclusion criminelle
01:09:25assortie en plus
01:09:26de vingt ans
01:09:27de suivi socio-judiciaire.
01:09:31Pour la famille
01:09:32de Patricia Bouchon
01:09:33c'est la délivrance
01:09:34dix ans après les faits.
01:09:36Ça y est vraiment
01:09:37on va pouvoir
01:09:38s'envoler sereinement.
01:09:40Nous aussi
01:09:40on va pouvoir
01:09:41vivre sereinement.
01:09:42Le plus important
01:09:43pour nous c'était
01:09:44qu'il soit suivi médicalement.
01:09:46Et là
01:09:47on ne pouvait pas
01:09:47attendre à moi.
01:09:51Cette condamnation
01:09:52précisément
01:09:53je ne peux pas
01:09:55me l'expliquer.
01:09:57Mais
01:09:57je dirais que l'idée
01:09:59qui m'est venue à l'esprit
01:10:00si j'essaye
01:10:03de comprendre
01:10:04les jurés
01:10:04c'est au fond
01:10:06la peur du vide.
01:10:08Il y a une antériorité
01:10:09déjà de condamnation
01:10:10c'est plus facile
01:10:12peut-être
01:10:12de dire
01:10:13je confirme
01:10:14ce qui a déjà été décidé
01:10:15par d'autres
01:10:15et je ne me retrouve pas
01:10:17confronté dans la situation
01:10:18de laisser des gens
01:10:19qui ont souffert
01:10:20sans réponse
01:10:22judiciaire.
01:10:23Dans une ultime tentative
01:10:34pour sauver son client
01:10:35la défense de Laurent Dejean
01:10:36a déposé un pourvoi
01:10:37en cassation
01:10:38pourvoi rejeté.
01:10:40Laurent Dejean
01:10:40aura 44 ans
01:10:41quand en principe
01:10:42il pourra commencer
01:10:43à demander
01:10:43une libération conditionnelle
01:10:45si sa santé mentale
01:10:46le lui permet.

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