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  • il y a 6 jours
En criminologie, les « tueurs de masse » ne sont pas des « tueurs en série ». Ils s'en distinguent par le fait de commettre au moins 4 meurtres au cours d'une même séquence comportementale, dans une unité de lieu et de temps. Si les Etats-Unis restent le pays le plus touché au monde par ce phénomène, la justice française a aussi dû instruire et juger des dossiers de ce type. Pour cerner ces tueurs de masse, Faites entrer l'accusé - Crimes flagrants décrypte deux affaires, avec l'expertise en plateau de Dominique Rizet et du Dr Daniel Zagury, expert-psychiatre auprès des tribunaux : la tuerie de Luxiol et la tuerie de Nanterre.

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Transcription
00:00:00La justice a parfois le tueur sous les yeux, à portée de main, sans enquête ou presque.
00:00:12Certains sont pris en flagrant délit, d'autres assument leur crime et pourtant, l'instruction est loin d'être terminée, parce qu'il faut tenter de comprendre pour juger.
00:00:23Ces crimes flagrants, je vais vous les raconter aussi.
00:00:26Ces histoires de criminels d'un genre très particulier, qui ne se cachent pas, ou si peu, ou si mal.
00:00:56Les histoires de criminels d'un genre très particulier, qui ne se cachent pas, ou si mal.
00:01:26Christian Dornier, un malade mental.
00:01:30Là, j'ai eu peur, parce que j'ai dit, ça y est, qu'est-ce que c'est ? Il tue des gens.
00:01:35À 30 ans, l'homme a sorti son fusil pour tirer sur tout ce qui bougeait, à Luxiol, en Franche-Comté.
00:01:39Il se déplace dans sa voiture, avec le canon du fusil qui dépasse de la fenêtre.
00:01:45Mon voisin-là a été tué.
00:01:48Mon voisin-là a été blessé.
00:01:51Mon voisin-là a été tué.
00:01:5314 morts et 8 blessés en moins de 30 minutes.
00:01:57C'était à l'époque la plus importante tuerie de France de tous les temps.
00:02:01Personne n'avait jamais vu ça.
00:02:02Richard Dornier, lui aussi, détestait les autres.
00:02:05Deux mois avant la tuerie, il écrit, je veux juste, pendant quelques instants, me sentir vivre en tuant.
00:02:13Dornier, c'est au conseil municipal de Nanterre qu'il s'est attaqué.
00:02:178 morts, 19 blessés.
00:02:20Je vois le tireur, le tueur.
00:02:23On se serait cru presque dans un film.
00:02:24Il voulait faire le maximum de dégâts pour éliminer ce qu'il appelait une élite.
00:02:29Luxiol Nanterre, deux tueries de masse, à l'américaine,
00:02:34commises par des hommes qui n'étaient pas des terroristes,
00:02:37qui n'agissaient pour aucune cause.
00:02:39Ils ne veulent pas d'une mort anonyme en continuité avec une vie anonyme.
00:02:44Ce qu'ils veulent, c'est une mort en apothéose,
00:02:46une mort qui, enfin, laisserait une trace de leur vie.
00:02:50Alors pourquoi ?
00:02:51Qui sont ces tueurs ?
00:02:52Luxiol.
00:03:03Écrasé sous le soleil de ce 12 juillet 89,
00:03:06le village franc-comptois vit au ralenti.
00:03:08Les foins étaient terminés.
00:03:16Et puis j'en ai profité pour faire une petite sieste à la salle à manger.
00:03:23Et puis j'ai croisé ma maman qui m'invite à aller cueillir des framboises avec elle.
00:03:28Elle était avec une petite cousine, âgée de 5 ans, Pauline.
00:03:31J'avais en tête de ranger mon atelier, j'avais commencé le matin, je voulais continuer.
00:03:38Et puis arrivé en marchant de veaux, je l'invite à venir dans les box,
00:03:44à l'étable, pour voir les veaux.
00:03:45Donc on discute des prix de veaux.
00:03:48Les deux hommes discutent le bout de gras,
00:03:51quand des coups de feu claquent.
00:03:52Comme c'était le bicentenaire de la Révolution,
00:04:01on a pensé que quelqu'un tirait des pétards, mais des gros.
00:04:05Je sors des étapes sur la rue principale,
00:04:08pour voir d'où venaient les détonations,
00:04:10si c'était vraiment des pétards.
00:04:12Dans la rue,
00:04:13Joël aperçoit la voiture d'un voisin.
00:04:18Il passe devant nous, puis il tire en l'air.
00:04:19Bam, bam, mais il nous a pas vus, puisqu'on était en retrait pas pour l'heure.
00:04:22Il tire en l'air, et puis, du coup, on panique,
00:04:28on dit, ben, c'est Christian qui fait le con.
00:04:30Christian Dornier,
00:04:32le fils d'un agriculteur de Luxiol.
00:04:35Il a 30 ans.
00:04:37Ses coups de feu commencent à inquiéter le voisinage.
00:04:39Il y a une adolescente qui descendait au courant,
00:04:42et elle me prévient qu'il venait de blesser,
00:04:44cette année, dans la rue.
00:04:46Donc, du coup, je vais pas plus loin,
00:04:48je fais volte-face.
00:04:49Je reviens pour alerter mon papa
00:04:51que c'était plus grave que ce qu'on pensait.
00:04:56Stany,
00:04:57leur voisin de 80 ans,
00:04:58vient d'essuyer un tir.
00:05:04Joël n'a plus qu'une idée.
00:05:06Foncez chercher sa mère
00:05:07et sa petite cousine aux frangoises,
00:05:09à 300 mètres de là.
00:05:10J'arrive sur les jabots d'eau,
00:05:18sur la place Gravillonnaie,
00:05:20je dérape,
00:05:20ma maman s'inquiète,
00:05:21qu'est-ce qu'il y a ?
00:05:22J'ai dit, il y a Christian qui fait le con,
00:05:24je sais pas ce qu'il fait.
00:05:25Après, on entend depuis là-bas
00:05:26des coups de feu au centre du village,
00:05:28donc près de chez moi.
00:05:31Ma maman me dit, remonte vite.
00:05:33J'ai dit, le papa est tout seul,
00:05:34vous pouvez le laisser tout seul.
00:05:34Sans vraiment comprendre
00:05:40ce qui se passe,
00:05:42Joël laisse sa mère et la petite
00:05:43pour filer auprès de son père.
00:05:49Je vois Christian Dornier
00:05:50avec son auto,
00:05:50avec le canon de fusil
00:05:52sorti en l'air,
00:05:53puis il regardait droit devant,
00:05:55comme s'il cherchait quelque chose.
00:05:58De seul coup, je vois le canon du fusil
00:06:00sortir à gauche,
00:06:01il a tiré deux coups de feu
00:06:02sur Stany,
00:06:03j'ai vu les deux coups de fusil
00:06:06pénétrer sa poitrine,
00:06:08puis il est tombé.
00:06:11Dornier est revenu,
00:06:13achevé le vieillard.
00:06:15Après, il a tiré Marie et Juliette,
00:06:18qui se sont effondrés,
00:06:19enfin, Juliette est tombée assise,
00:06:20et Marie est tombée
00:06:21au sol.
00:06:24Alors là, j'ai eu peur,
00:06:25parce que j'ai dit,
00:06:26ça y est, qu'est-ce que c'est ?
00:06:27Il y aura qui tuent des gens.
00:06:28Stany,
00:06:32sa sœur,
00:06:33Marie tuée sur le coup,
00:06:35l'autre sœur,
00:06:35Juliette,
00:06:36gravement blessée.
00:06:39Tandis que Joël réalise
00:06:40que Dornier est en train
00:06:41de semer la mort
00:06:42depuis sa voiture,
00:06:43les enfants qui jouaient
00:06:44dans le village
00:06:45commencent à accourir,
00:06:46attirés par
00:06:47ces bruits de pétards.
00:06:48Stéphanie avait 12 ans
00:06:57quand elle et ses copains
00:07:00arrivent pour voir
00:07:00ce qui se passe.
00:07:02Nous sommes revenus
00:07:03à la fontaine
00:07:04où notre amie Angéline
00:07:06était restée.
00:07:07Et là, on est arrivés,
00:07:09elle était toute blanche,
00:07:11les lèvres violettes,
00:07:12puis qui nous disait
00:07:13sauvez-vous,
00:07:14sauvez-vous,
00:07:14il tue tout le monde.
00:07:18Pas compris ce qui se passait.
00:07:25J'ai pris mon vélo.
00:07:28À ce moment-là,
00:07:29j'ai entendu la voiture
00:07:30de Christian Dornier,
00:07:31une Golf GTI.
00:07:33J'ai eu juste le temps
00:07:34de jeter mon vélo,
00:07:37de me cacher derrière
00:07:38une citerne à purin.
00:07:40J'avais les jambes dans le vide,
00:07:41je n'ai pas bougé.
00:07:46Après, Christian Dornier est reparti.
00:07:48Et à ce moment-là,
00:07:53Joël Klaus est arrivé.
00:07:56Elle sort en hurlant,
00:07:57en hurlant,
00:07:58elle me fait peur,
00:07:59elle me fait peur,
00:08:00je venais de voir l'horreur.
00:08:01J'ai dit, viens vite avec moi,
00:08:02on va se mettre à l'abri.
00:08:04Elle dit, non,
00:08:04il y a ma soeur qui est là-bas.
00:08:09Donc j'ai traversé la route
00:08:10au courant,
00:08:11et c'était le vélo de sa soeur,
00:08:12mais ce n'était pas sa soeur.
00:08:13C'est Johnny,
00:08:16un gamin de 14 ans,
00:08:19étendu sur la chaussée.
00:08:20Il était bras ballant,
00:08:23comme ça,
00:08:23couché sur son vélo.
00:08:24J'ai cru qu'il l'avait percuté
00:08:26avec son auto.
00:08:27J'ai vite plongé
00:08:28en me dépêchant
00:08:29pour choper le corps,
00:08:30comme ça,
00:08:31et puis en fait,
00:08:31encore inanimé,
00:08:33c'est lourd.
00:08:33Puis là,
00:08:34la tête a tourné vers moi.
00:08:37Il y a eu un dernier souffle
00:08:40et en fait,
00:08:41j'ai aperçu un gros trou au cœur
00:08:43perforé sous l'aisselle.
00:08:45Le sang m'a coulé sur les bras,
00:08:48les lèvres toutes bleues,
00:08:49les yeux fermés,
00:08:51un souffle.
00:08:55J'ai dit,
00:08:55je tiens la mort,
00:08:56je tiens la mort.
00:08:59J'ai tout lâché.
00:08:59J'ai vite retraversé la route,
00:09:05mais je n'arrivais pas
00:09:07à reprendre mon élan
00:09:09pour marcher sur mes jambes.
00:09:12Joël entraîne Stéphanie
00:09:13avec lui à l'étage.
00:09:16Après,
00:09:17il m'a dit
00:09:17de me mettre
00:09:18contre le mur,
00:09:19comme ça,
00:09:20s'il y avait une balle
00:09:21qui rentrait dans la maison,
00:09:22que je ne me fasse pas tirer dessus.
00:09:24J'étais en pleurs,
00:09:26en panique.
00:09:28J'hurlais.
00:09:29J'hurlais de terreur.
00:09:34C'est indescriptible.
00:09:36Il a fallu que j'y colle
00:09:37un ours dans les mains
00:09:38et que je la tape
00:09:40contre le mur,
00:09:41je la brusque
00:09:41pour qu'elle soit choquée.
00:09:44Elle a étouffé,
00:09:44c'est écrit
00:09:45dans la fluche.
00:09:50On entend le moteur
00:09:51de la voiture
00:09:53de ma maman
00:09:53qui revient.
00:09:57À ce moment-là,
00:09:58Christian Dornier
00:09:59est repassé là.
00:10:01Il a tiré
00:10:02dans la voiturette.
00:10:06Il y avait un vieux fusil
00:10:07de chasse
00:10:08de collection.
00:10:10Je saute sur la fenêtre,
00:10:14sur leur bord de fenêtre.
00:10:15je tenais le fusil.
00:10:19J'avais armé deux cartouches.
00:10:20Christian était dans les mains
00:10:22avec son fusil
00:10:23dans l'habitat
00:10:24en train de recharger.
00:10:25Il remettait des cartouches
00:10:25dans le canon.
00:10:26Et j'ai dit,
00:10:27tant pis,
00:10:27il faut que je tire.
00:10:28Il faut que j'arrête
00:10:29parce qu'il va tuer ma maman,
00:10:31il va tuer la petite,
00:10:32il va tuer,
00:10:32je ne sais pas
00:10:32qui c'est qui devant lui.
00:10:33J'ai armé,
00:10:35j'ai fait feu
00:10:35une première fois.
00:10:38Il y a deux plombs
00:10:39qui ont frappé le coup.
00:10:41J'ai vu du sang giclé.
00:10:43D'un seul coup,
00:10:44il a mis sa vitesse
00:10:44et puis il est parti.
00:10:49Le tireur fou parti,
00:10:51la mère de Joël
00:10:52saute de sa voiture,
00:10:54la petite de 5 ans
00:10:54dans les bras.
00:10:55Elle a dit,
00:10:59elle doit être blessée,
00:10:59je ne sais pas,
00:11:00elle ne bouge pas.
00:11:01Elle l'a posée
00:11:01sur la table de cuisine
00:11:02en rentrant.
00:11:03Mon papa,
00:11:03il a écouté sa boiterine
00:11:04pour voir si son cœur battait.
00:11:06Il a essayé de chercher le bout.
00:11:07Il a dit,
00:11:08je crois bien qu'il l'a tuée.
00:11:11Mais elle n'avait pas de...
00:11:15de sang,
00:11:16elle n'avait pas...
00:11:16Elle était...
00:11:23Elle est partie en douceur.
00:11:25Pendant que les habitants
00:11:32de Luxuel alertent les secours,
00:11:34des gendarmes,
00:11:34à quelques kilomètres de là,
00:11:35effectuent un contrôle de vitesse.
00:11:37Et ils tombent nez à nez
00:11:38avec le tueur.
00:11:45Nous entendons
00:11:47par la radio professionnelle
00:11:48qu'un individu
00:11:49tire sur les habitants.
00:11:50Quelques secondes plus tard,
00:11:52nous entendons
00:11:53notre commandant de compagnie
00:11:54dire
00:11:56la personne
00:11:57qui tire
00:11:58m'a croisé,
00:11:59m'a touché,
00:12:00je suis blessé.
00:12:03Une balle
00:12:04dans le bras gauche
00:12:04du capitaine de gendarmerie.
00:12:07Et Dornier redémarre.
00:12:08On nous avise
00:12:11que l'individu
00:12:12se dirige vers nous.
00:12:16Donc on place
00:12:17notre véhicule de service
00:12:19en travers de la chaussée.
00:12:21On se place
00:12:22de part et d'autre
00:12:23l'arme à la main
00:12:24pour l'affronter.
00:12:25Mais au dernier moment,
00:12:29le tueur tourne à gauche.
00:12:31Il tire.
00:12:32Encore.
00:12:33Cette fois,
00:12:33c'est un agriculteur
00:12:34qui s'effondre.
00:12:36Les gendarmes
00:12:36qui l'ont en ligne de mire
00:12:37répliquent.
00:12:38Mais Dornier est trop loin.
00:12:41Alors ils prennent
00:12:42la voiture en chasse.
00:12:43Courses poursuites
00:12:44en pleine campagne.
00:12:50L'individu opère
00:12:52toujours de la même manière.
00:12:53Il se place
00:12:54sur le milieu
00:12:54de la chaussée
00:12:55pour faire serrer
00:12:56les véhicules
00:12:56qui arrivent en face de lui
00:12:57et ouvre le feu.
00:12:58On est à peu près
00:13:04100 mètres derrière lui,
00:13:06150 mètres.
00:13:07Il va croiser
00:13:08un autre individu
00:13:09au volant de son véhicule
00:13:10qu'il serre à nouveau
00:13:11et là,
00:13:12il le touche mortellement.
00:13:15Et on voit tout de suite
00:13:16l'intérieur de l'habitacle
00:13:17qui est devenu tout rouge.
00:13:18On regarde en passant
00:13:19rapidement et on voit
00:13:20que la personne
00:13:22a été tuée sur le coup.
00:13:28Donc on arrive
00:13:30derrière lui
00:13:31à peu près
00:13:31à 40, 50 mètres
00:13:33et il s'arrête
00:13:36sur la chaussée.
00:13:38Donc nous nous arrêtons aussi
00:13:39et là,
00:13:40il descend de son véhicule
00:13:41en se dirigeant vers nous
00:13:43avec un fusil
00:13:44de chasse
00:13:45à double canon.
00:13:48Ma seule protection,
00:13:50c'est la portière
00:13:51de mon véhicule
00:13:52avec la vitre
00:13:52avant baissée
00:13:53et je me mets en appui
00:13:55contre cette portière.
00:13:57Il avance
00:13:58comme un robot.
00:14:00Alors c'est un gars
00:14:01qui était assez costaud,
00:14:05tout en sueur
00:14:06parce qu'il faisait très chaud
00:14:06ce jour-là.
00:14:08Il était marqué d'impact.
00:14:10Alors il y avait du sang,
00:14:11comme dans un cauchemar,
00:14:12il avançait vers nous.
00:14:14Donc nous lui avons fait
00:14:16les sommations d'usage
00:14:17en lui disant
00:14:18de poser son arme.
00:14:21Il a faim
00:14:22de poser son arme au sol
00:14:23et dans la foulée,
00:14:25il a tiré
00:14:26dans notre direction.
00:14:28Donc là,
00:14:31immédiatement,
00:14:32on a tiré
00:14:32à plusieurs reprises
00:14:33et une des cartouches
00:14:35l'a touchée
00:14:36dans l'abdomen.
00:14:38Il s'est effondré
00:14:39en lâchant son fusil.
00:14:42On a attendu
00:14:43quelques secondes
00:14:43pour voir
00:14:44sa réaction
00:14:45et nous sommes dirigés
00:14:47vers lui.
00:14:48Il gémit,
00:14:49il demande à boire.
00:14:50Il est 14h45.
00:14:55Christian Dornier
00:14:56est neutralisé
00:14:57d'une balle
00:14:58en plein foie.
00:15:00S'il continuait,
00:15:01il arrivait
00:15:02dans la commune
00:15:02de Verne
00:15:03où d'autres habitants
00:15:04étaient là,
00:15:05présents,
00:15:06devant chez eux
00:15:06puisqu'on était
00:15:07en plein mois de juillet.
00:15:08Il faisait chaud.
00:15:09C'est la période
00:15:10des vacances.
00:15:11Son périple meurtrier
00:15:12aurait été encore plus important.
00:15:14Quand on se rapproche
00:15:17de son véhicule,
00:15:18on constate
00:15:18sur le siège
00:15:19passager,
00:15:21avant,
00:15:22plusieurs boîtes
00:15:23à chaussures
00:15:23remplies de cartouches.
00:15:2689 cartouches.
00:15:30À Luxiol,
00:15:31les villageois
00:15:32comptent leur mort.
00:15:36Quand je suis sorti
00:15:37de chez moi,
00:15:38j'ai cru
00:15:38qu'il n'y avait plus
00:15:39personne de vivant.
00:15:42Ici,
00:15:43mon voisin
00:15:44a été tué.
00:15:47Mon voisin
00:15:48a été blessé.
00:15:50Mon voisin
00:15:50a été tué.
00:15:53La petite
00:15:53chez nous
00:15:54a été tuée.
00:16:00J'ai quitté
00:16:00la maison
00:16:01de Joël.
00:16:02Je suis repartie
00:16:03dans le village.
00:16:06J'ai vu Johnny
00:16:06qui était
00:16:07sur le côté
00:16:08avec un drap
00:16:09dessus.
00:16:10j'ai vu.
00:16:13J'essayais
00:16:14de courir,
00:16:15je n'avais plus
00:16:15de jambes,
00:16:15je ne pouvais plus
00:16:16marcher.
00:16:17Je voulais absolument
00:16:18aller retrouver
00:16:19ma soeur.
00:16:22J'avais tellement
00:16:23eu peur
00:16:23de la perdre.
00:16:24je retrouve ma soeur,
00:16:28on rentre à la maison
00:16:30de notre papa
00:16:31et après,
00:16:33on ressort
00:16:34dans le village.
00:16:38Il y avait
00:16:39les pompiers
00:16:39qui s'affairaient
00:16:40auprès d'Angeline.
00:16:43Ma soeur et moi,
00:16:44on lui criait
00:16:44accroche-toi,
00:16:46Angeline,
00:16:46accroche-toi.
00:16:47C'est là,
00:16:51vraiment,
00:16:51oui,
00:16:52que j'ai réalisé
00:16:52ce qui se passait.
00:16:55L'adolescente
00:16:56de 14 ans
00:16:57est dans un état critique.
00:17:00Quelques minutes
00:17:01après la tuerie,
00:17:01les premiers journalistes
00:17:02locaux
00:17:03découvrent un village
00:17:04en état de choc.
00:17:08Quand j'arrive,
00:17:09tout le monde est dehors,
00:17:10bien entendu.
00:17:11Alors,
00:17:12ça ne crie pas forcément,
00:17:14ça ne court pas forcément.
00:17:16Les gens continuent
00:17:16à chercher des morts,
00:17:17on ne sait pas
00:17:17le nombre de victimes.
00:17:19Il y a une dame
00:17:20dans son jardin
00:17:20qui cherchait son mari
00:17:21et son mari,
00:17:22il était à nos pieds
00:17:23dans la haie
00:17:23et il était mort.
00:17:26C'est sidérant.
00:17:31C'est que de l'empathie.
00:17:33Au moment où on arrive
00:17:34les premières heures
00:17:35sur place,
00:17:36on a vraiment du mal
00:17:37à être journaliste.
00:17:40Cette ambiance
00:17:40à la fois
00:17:41d'une espèce
00:17:41de scène de guerre
00:17:42avec des corps
00:17:43allongés dans les rues
00:17:44et une ambiance
00:17:45d'un village
00:17:46franco-antois
00:17:47en été,
00:17:47où on parle
00:17:49avec les gens.
00:17:50Toutes les familles
00:17:51de Luxiol
00:17:51ont eu des morts
00:17:52ce jour-là.
00:17:55Je suis resté muet
00:17:57pendant tout le resté
00:17:59de la journée.
00:17:59il n'y avait pas de mots.
00:18:09On a tous été choqués.
00:18:12Huit morts
00:18:13dans un village
00:18:15d'à peine 130 habitants
00:18:16et six autres victimes
00:18:19dans les environs.
00:18:21Quatorze personnes
00:18:22tuées en moins
00:18:24d'une demi-heure.
00:18:25C'était à l'époque
00:18:26la plus importante
00:18:28tuerie de France
00:18:29de tous les temps.
00:18:29Personne n'avait jamais vu ça.
00:18:32Ni les gendarmes,
00:18:32ni nous,
00:18:33ni les secours.
00:18:34Personne.
00:18:40Dominique,
00:18:41cette affaire,
00:18:41vous la connaissez bien
00:18:42puisqu'à l'époque,
00:18:42vous l'aviez couverte.
00:18:44Quand la presse
00:18:45et les gendarmes arrivent,
00:18:46il y a des morts
00:18:47et des blessés
00:18:47partout dans le village.
00:18:49Et d'ailleurs,
00:18:50le positionnement
00:18:51des victimes
00:18:51permet de reconstituer
00:18:53le parcours de Dornier.
00:18:54Oui,
00:18:54là c'est la ferme.
00:18:56Christian Dornier
00:18:57va commencer
00:18:58à tirer
00:18:59sur sa propre famille.
00:19:01Il a prépositionné
00:19:02un fusil de chasse
00:19:02avec des cartouches
00:19:03dans l'arrière-cuisine
00:19:04de la ferme.
00:19:06Et c'est d'ici
00:19:06qu'il va tirer
00:19:07par une petite lucarne
00:19:08qui est un passe-plat.
00:19:10Ses parents sont à table.
00:19:11Il va tuer sa mère,
00:19:13Jeanne.
00:19:13Il tue l'inséminateur
00:19:15qui est à table avec eux.
00:19:16Et il va tirer
00:19:17sur son père
00:19:17et son beau-frère
00:19:18qui sont à table,
00:19:18qui vont s'enfuir.
00:19:20Les gendarmes
00:19:20vont relever
00:19:21dix impacts
00:19:22de chevretines
00:19:23sur le chambrand
00:19:24de la porte.
00:19:25Dornier sort,
00:19:26il tue sa sœur
00:19:27à l'extérieur
00:19:27qui s'est mariée
00:19:28quatre jours plus tôt.
00:19:30Christian Dornier
00:19:31a refusé
00:19:31d'assister au mariage.
00:19:33Il se déplace
00:19:34là,
00:19:34sur le chemin
00:19:35et il va tuer
00:19:37Johan,
00:19:38dix ans.
00:19:39Et il tire
00:19:39à nouveau
00:19:40sur son père
00:19:41et sur le voisin.
00:19:42Et en fait,
00:19:43cette espèce
00:19:44de mécanique
00:19:45meurtrière
00:19:45qui est la sienne
00:19:46fait qu'il ne s'intéresse
00:19:47même pas aux blessés
00:19:48ou aux morts.
00:19:48Il s'en fout.
00:19:49Dès qu'il croise
00:19:49quelqu'un,
00:19:50il défouraille.
00:19:51Absolument.
00:19:52Il monte dans sa voiture
00:19:53et là,
00:19:54il part vers le village,
00:19:55vers le monument aux morts.
00:19:56Il va tirer
00:19:57sur trois personnes âgées.
00:19:59Il tue
00:19:59Marie
00:20:01et Stany
00:20:02sur le coup.
00:20:03Et il va blesser
00:20:04leur sœur,
00:20:05Juliette,
00:20:05qui mourra plus tard
00:20:06des suites de ses blessures
00:20:08mais qui mourra surtout
00:20:09de chagrin.
00:20:10Des victimes
00:20:11auxquelles vont s'ajouter
00:20:12Louis,
00:20:14Angéline,
00:20:14laissée pour morte,
00:20:16Johnny,
00:20:17Pauline,
00:20:17une petite fille
00:20:18de cinq ans.
00:20:19C'est la dernière personne
00:20:20qu'il va tuer
00:20:21dans le village de Luxeolles
00:20:23parce qu'à ce moment-là,
00:20:24le fils du maire
00:20:24Joël Clos
00:20:25tire sur Dornier
00:20:26avec son fusil de chasse.
00:20:28Il prend la roue.
00:20:28Et il continue de tirer.
00:20:30Oui,
00:20:30il continue de tirer.
00:20:31Au hasard,
00:20:32il tire sur Louis,
00:20:33un autre Louis.
00:20:34Georges,
00:20:35Marie-Alice,
00:20:36Gilbert,
00:20:36Pierre,
00:20:37avant d'être neutralisés
00:20:38par les gendarmes
00:20:39à l'entrée du village
00:20:40de Verne.
00:20:41Donc,
00:20:4214 morts
00:20:42et 8 blessés.
00:20:44Autrement dit,
00:20:44Dornier entre dans la catégorie
00:20:45des tueurs de masse,
00:20:46les mass murder,
00:20:47comme on dit en anglais.
00:20:48Est-ce qu'ils ont
00:20:49des caractéristiques communes,
00:20:51ces criminels ?
00:20:52D'abord,
00:20:52il y a une horrible comptabilité.
00:20:54Un tueur de masse,
00:20:55c'est quelqu'un
00:20:55qui tue au moins
00:20:56quatre personnes
00:20:57au même endroit
00:20:58ou dans le même secteur
00:21:00et dans une même
00:21:01séquence de temps.
00:21:03il agit au hasard
00:21:05ou il a un plan,
00:21:06le tueur de masse ?
00:21:07Alors,
00:21:08contrairement aux terroristes,
00:21:09le tueur de masse,
00:21:10il n'agit pas
00:21:11de façon structurée.
00:21:13Il agit seul,
00:21:14pas de réseau,
00:21:15pas de revendication politique,
00:21:17pas de revendication religieuse.
00:21:19Il tue à la chaîne
00:21:20de façon mécanique
00:21:21n'importe qui.
00:21:22Il veut détruire
00:21:23cette société
00:21:24qu'il déteste.
00:21:25Un ressentiment,
00:21:26en fait,
00:21:26à l'égard de la société.
00:21:27D'ailleurs,
00:21:27que le juge
00:21:28mesurera aussi
00:21:28chez Dornier.
00:21:36L'audition
00:21:37de Christian Dornier
00:21:37n'a pas été possible
00:21:38dans le cadre
00:21:38de l'enquête de flagrance
00:21:39puisqu'il était blessé
00:21:40et donc son état de santé
00:21:41n'était pas compatible
00:21:42avec une mesure
00:21:42de garde à vue.
00:21:43Cela dit,
00:21:45moi,
00:21:45j'ai eu l'occasion
00:21:46d'extraire Christian Dornier
00:21:48pour le présenter
00:21:49au juge d'instruction.
00:21:52Je lui ai posé,
00:21:52bien sûr,
00:21:53la question du pourquoi
00:21:53et la réponse,
00:21:55elle était très brève.
00:21:56Il est resté
00:21:56complètement différent,
00:21:57déjà, d'une part.
00:21:58Il avait un regard fixe
00:22:01et tout en regardant
00:22:02devant lui,
00:22:04il m'a dit
00:22:04« Oui,
00:22:07c'est dommage,
00:22:09mais il fallait
00:22:10que je le fasse. »
00:22:11Voilà.
00:22:12Donc,
00:22:13ce n'est pas
00:22:13aller plus loin.
00:22:14Il n'a manifesté
00:22:16aucun regret,
00:22:18aucun remord,
00:22:19bien évidemment.
00:22:22Christian Dornier
00:22:23n'aide pas
00:22:24les gendarmes
00:22:25qui doivent donc
00:22:25s'appuyer
00:22:26sur le témoignage
00:22:27des victimes
00:22:27pour comprendre.
00:22:31Angéline,
00:22:31l'adolescente blessée
00:22:32près de La Fontaine,
00:22:33ose parler.
00:22:37Je me suis trouvé
00:22:38face à une miraculée.
00:22:40Elle a été opérée
00:22:41cinq fois.
00:22:42Elle a eu
00:22:43de multiples
00:22:44le plaies,
00:22:44des plombs
00:22:45qui sont rentrés
00:22:45et qui ont perforé
00:22:46les poumons,
00:22:47un rein,
00:22:48la vessie,
00:22:49une artère.
00:22:53Angéline avoue
00:22:53qu'il y a longtemps
00:22:54qu'elle a peur
00:22:55de cet homme.
00:22:58Elle m'a expliqué
00:22:59qu'elle avait peur
00:23:00de mourir
00:23:00à cause de lui.
00:23:04Il avait eu
00:23:04l'occasion
00:23:04d'agresser son père
00:23:06avec une fourche
00:23:07pour rien.
00:23:08Elle a même fait
00:23:17une lettre
00:23:18expliquant tout ça
00:23:19avec la consigne
00:23:21de donner cette lettre
00:23:22à la police
00:23:23au cas
00:23:25où il lui arriverait
00:23:32quelque chose.
00:23:33bien avant la tuerie,
00:23:38Dornier tourmentait
00:23:39déjà un village
00:23:40dont il voulait
00:23:40s'isoler.
00:23:41On ne voyait pas
00:23:44dans les manifestations.
00:23:46Sur les balles,
00:23:47non,
00:23:47je n'ai jamais croisé.
00:23:49Il devait y aller
00:23:50avant avec son âge,
00:23:52je pense,
00:23:52et puis bon,
00:23:53ils sont tous mariés
00:23:54donc ils se retrouvaient
00:23:55peut-être un peu plus seuls.
00:23:59À 30 ans,
00:24:00Christian Dornier
00:24:00vivait toujours
00:24:01chez ses parents.
00:24:02Fils et petit-fils
00:24:03d'agriculteurs,
00:24:05il ne semblait pourtant
00:24:06plus s'épanouir
00:24:07dans ce milieu.
00:24:11C'est un gars solide
00:24:12qui travaillait du matin
00:24:13au soir
00:24:13et c'est le père
00:24:14qui venait la ferme.
00:24:15Après, lui,
00:24:16il suivait
00:24:16comme on fait
00:24:17quand on est familial.
00:24:18Il faisait plus
00:24:19les travaux secondaires.
00:24:22Quand on est allé
00:24:23faire un tour
00:24:23dans sa chambre,
00:24:24on était surpris
00:24:24de voir
00:24:25étaler sur une étagère
00:24:27une collection
00:24:27étonnante
00:24:28d'œuvres littéraires.
00:24:31Il s'est trouvé
00:24:32un petit peu confiné,
00:24:33un petit peu resserré
00:24:34au sein de l'exploitation
00:24:35agricole.
00:24:36Je pense qu'effectivement,
00:24:38il aspirait à autre chose.
00:24:40D'où ses lectures.
00:24:41Début 89,
00:24:43il se désintéresse
00:24:44totalement des travaux
00:24:45de la ferme.
00:24:47Quelques mois
00:24:48avant la tuerie,
00:24:49Christian avait d'ailleurs
00:24:50annoncé à son père
00:24:51qu'il ne reprendrait
00:24:52pas la ferme.
00:24:56Petit à petit,
00:24:57il s'est mis à l'écart.
00:24:59Il ne participait plus
00:25:00au repas de famille
00:25:01pour rester dans sa chambre.
00:25:02Et puis,
00:25:04il est devenu brutal,
00:25:06agressif.
00:25:06On a recueilli
00:25:1017 épisodes
00:25:12où il peut inquiéter
00:25:13très largement
00:25:14la population de Luxiol.
00:25:16Il profère des menaces
00:25:16de mort,
00:25:17il est violent physiquement
00:25:18à l'égard de son père,
00:25:20il le menace
00:25:20avec une arme,
00:25:22tantôt un fusil,
00:25:23tantôt un couteau,
00:25:24et il va jusqu'à tirer
00:25:25sur la façade
00:25:26d'un de ses voisins.
00:25:28On arrive à une situation
00:25:29qui est vraiment alarmante,
00:25:31mais aucune plainte
00:25:31n'a été déposée
00:25:32à la gendarmerie.
00:25:33Les gens avaient peur
00:25:35de faire des histoires,
00:25:36avaient peur de dénoncer,
00:25:37avaient peur de porter plainte,
00:25:39avaient peur
00:25:39pour pas que ça fasse d'histoire.
00:25:44Pas de plainte,
00:25:46mais un appel au secours
00:25:47quand même.
00:25:49Un peu plus d'un an
00:25:49avant la tuerie,
00:25:51ses parents l'ont forcé
00:25:52à consulter.
00:25:56Le médecin traitant
00:25:57voit tout de suite
00:25:58que c'est quelque chose
00:25:58de sérieux,
00:25:59diagnostique chez lui
00:26:00des problèmes psychiques
00:26:01importants
00:26:04et l'adresse en psychiatrie.
00:26:09Le médecin
00:26:10qui verra quand même
00:26:11à six reprises
00:26:12son patient,
00:26:14six reprises en 15 mois,
00:26:15propose
00:26:16l'internement d'office
00:26:18pour Christian Dornier
00:26:20et là,
00:26:21pas de suite.
00:26:24Le médecin a prescrit
00:26:25des anxiolytiques
00:26:26et des antipsychotiques.
00:26:28La famille Dornier
00:26:29a tenté de rassurer
00:26:30les voisins.
00:26:30Christian se soigne,
00:26:31le problème est réglé.
00:26:34Mais devant les caméras,
00:26:37puis devant les gendarmes,
00:26:39le père de Christian Dornier
00:26:40ne semble toujours
00:26:41pas vouloir comprendre.
00:26:43Alors même que son fils
00:26:44vient de lui tirer dessus
00:26:45et de tuer 14 personnes.
00:26:47il incrimine le médecin
00:27:02qui, à son goût,
00:27:03n'a pas pris les initiatives
00:27:04pour faire soigner son fils.
00:27:05On parle d'inconscience,
00:27:08on parle d'inconscience,
00:27:10de fierté,
00:27:12de honte,
00:27:12de déshonneur
00:27:13qui seraient les raisons
00:27:15justement de l'inaction
00:27:15de la famille Dornier.
00:27:17Georges Dornier,
00:27:18c'était une personne
00:27:19qui n'était pas capable
00:27:19de se remettre en cause,
00:27:22qui ne se rendait pas compte
00:27:23que la montagne de douleurs,
00:27:25la tristesse que son fils
00:27:27avait pu faire.
00:27:27Un homme peu ou mal soigné
00:27:35avec des problèmes
00:27:36que les Dorniers
00:27:36tentaient de régler en famille ?
00:27:38Les experts psychiatres
00:27:39vont devoir aider le juge.
00:27:41La tuerie de Luxiol
00:27:42est-elle l'acte d'un fou ?
00:27:44Le discernement de Dornier
00:27:45était-il altéré,
00:27:46aboli au moment des faits ?
00:27:48L'action de Dornier
00:27:54est mûrement réfléchie,
00:27:56elle est organisée,
00:27:57elle est même planifiée.
00:28:03Le beau-frère,
00:28:04quand il est arrivé
00:28:05pour déjeuner en famille,
00:28:07il a stationné sa voiture
00:28:08devant la porte de la Grange.
00:28:11Christian Dornier
00:28:12prend le temps,
00:28:13discrètement,
00:28:14de bouger la voiture
00:28:16de façon à libérer l'espace
00:28:17et à pouvoir sortir
00:28:19avec sa propre voiture.
00:28:24Par la suite,
00:28:25il va neutraliser
00:28:26l'éclairage
00:28:27de l'arrière-cuisine.
00:28:30Pour préparer son arme
00:28:32sans être repéré
00:28:34par la famille
00:28:34qui déjeune à deux pas.
00:28:36Et des armes,
00:28:38il y en a plein à la maison.
00:28:39Au total,
00:28:42il y a six armes.
00:28:44On est dans une famille
00:28:44de chasseurs.
00:28:46Ensuite,
00:28:46il y a le choix
00:28:47du fusil.
00:28:48C'est celui
00:28:48qui groupait le mieux,
00:28:50qui était le plus léger
00:28:51et le plus maniable.
00:28:52C'est un peu
00:28:53machiavélique.
00:28:58Ensuite,
00:28:58il prend les munitions
00:28:59et il les conditionne
00:29:00dans une boîte
00:29:00à chaussures.
00:29:01Mais face au juge,
00:29:04Christian Dornier
00:29:05nie toute préméditation.
00:29:06C'était
00:29:07une crise de nerfs.
00:29:10Je ne savais plus
00:29:10ce que je faisais.
00:29:13Chez une personne
00:29:14normalement constituée,
00:29:15quelquefois,
00:29:16on peut être pris
00:29:16d'un coup de folie
00:29:17passagère
00:29:18et pourtant,
00:29:19il n'y a pas forcément
00:29:19de passage à l'acte
00:29:20parce qu'entre
00:29:21la pensée criminelle
00:29:22et le passage à l'acte,
00:29:24il y a ce qu'on appelle
00:29:24le libre arbitre.
00:29:26Voilà.
00:29:26Et c'est là
00:29:26toute la question
00:29:27qui se pose
00:29:27chez Dornier.
00:29:28Le 12 juillet,
00:29:29on était parti
00:29:30dans l'hypothèse
00:29:30d'une crise de folie.
00:29:32Un mec qui pète
00:29:32les plombs
00:29:33et qui flingue tout le monde.
00:29:34En fait,
00:29:34ce qui est très vite apparu
00:29:35dans les témoignages
00:29:36qu'on avait recueillis
00:29:37sur place
00:29:38le lendemain
00:29:39et le surlendemain,
00:29:41c'est qu'il était
00:29:41parfaitement froid
00:29:42et organisé.
00:29:47Il se déplace
00:29:48dans sa voiture
00:29:49avec le canon du fusil
00:29:50qui dépasse de la fenêtre.
00:29:52Il est prêt à tirer.
00:29:53Donc,
00:29:54on est très loin
00:29:55d'un tableau
00:29:57de crise de nerfs.
00:30:02En un an,
00:30:03trois collèges
00:30:04de psychiatres experts
00:30:05rencontrent le tueur.
00:30:11Daniel Zaguri,
00:30:12vous êtes expert psychiatre
00:30:13près des tribunaux
00:30:14et vous avez
00:30:14expertisé Dornier.
00:30:16Vous vous en souvenez
00:30:17d'abord ?
00:30:18Je m'en souviens très bien
00:30:19parce que j'avais 38 ans.
00:30:21J'ai été,
00:30:22si je puis dire d'emblée,
00:30:23imprégné
00:30:24de toute l'importance
00:30:25de cette affaire
00:30:25et dans la mesure
00:30:28où nous avons conclu
00:30:29à l'irresponsabilité pénale
00:30:30de toute l'importance
00:30:32de faire le rapport
00:30:33le plus complet possible
00:30:34pour rendre compte
00:30:36du fait
00:30:36qu'il n'y avait pas
00:30:37d'autre explication
00:30:39à son geste
00:30:40que délirante.
00:30:42Il est comment
00:30:42la première fois
00:30:43que vous le voyez ?
00:30:44Nous examinons un homme
00:30:45après l'explosion atomique
00:30:47qui dit des choses
00:30:48qui m'ont frappé.
00:30:49Par exemple,
00:30:50c'est un peu comme
00:30:51des pulsions de mort
00:30:52qui s'enchaînent
00:30:53ou bien c'était
00:30:55la terminaison finale
00:30:57d'une situation floue.
00:30:59Il y avait comme ça
00:31:00des formules
00:31:01extrêmement précises
00:31:04pour rendre compte
00:31:06d'une situation psychique
00:31:08qui, elle,
00:31:08était une situation
00:31:09de bascule
00:31:10dans la psychose.
00:31:11Comment peut-il être
00:31:12si calme pendant la tuerie ?
00:31:14En réalité,
00:31:15il est dans le vide
00:31:15de la pensée.
00:31:16Il est dans une espèce
00:31:17d'automatisme gestuel.
00:31:19Il est entièrement,
00:31:21si je puis dire,
00:31:22dans la contre-attaque,
00:31:23dans la décharge
00:31:24et dans l'automatisme gestuel.
00:31:26Mais sur le fond,
00:31:28comment il justifie
00:31:28ces 14 morts
00:31:30en 30 minutes ?
00:31:32Mais il ne justifie pas.
00:31:34Il décrit
00:31:35une persécution,
00:31:38un vécu persécutif.
00:31:39On se moquait de lui.
00:31:41Et tout ça,
00:31:42il l'a accumulé
00:31:43et puis une surtention
00:31:44suivie d'une explosion.
00:31:47Est-ce qu'il y a
00:31:47des éléments déclencheurs ?
00:31:50Je crois que le moment
00:31:51de bascule,
00:31:52c'est lorsque l'inséminateur
00:31:55entre dans la ferme.
00:31:57C'est comme si
00:31:59on venait sous ses yeux
00:32:03inséminer sa mère
00:32:06pour faire un enfant
00:32:07qui, lui,
00:32:08serait capable
00:32:09de reprendre la ferme.
00:32:10parce que c'était
00:32:11son obsession.
00:32:12Est-ce que je vais être capable
00:32:13de reprendre la ferme ?
00:32:15Pourquoi est-ce qu'on
00:32:16me juge incapable
00:32:17de le faire ?
00:32:19Et au fond,
00:32:20il allait être, lui,
00:32:21en quelque sorte,
00:32:22détruit,
00:32:23désengendré,
00:32:24ramené au temps zéro.
00:32:26Et dans ce moment,
00:32:27dans ce moment,
00:32:28il va, en quelque sorte,
00:32:30contre-attaquer
00:32:30pour s'en prendre
00:32:32tous azimuts
00:32:33de façon indifférenciée
00:32:36à tout le monde
00:32:36autour de lui.
00:32:37Et je peux dire surtout
00:32:38ce qui est très important,
00:32:40qu'il n'y a pas
00:32:41d'autre explication
00:32:42que la maladie mentale.
00:32:45Quelle maladie mentale ?
00:32:46Il a été examiné
00:32:47par des dizaines
00:32:49et des dizaines
00:32:49de psychiatres,
00:32:51dont pas un,
00:32:52à ma connaissance,
00:32:54n'a mis en doute
00:32:55l'authenticité
00:32:57d'une schizophrénie paranoïde.
00:33:01Des crimes commis donc
00:33:03en état de démence.
00:33:05Dornier est malade.
00:33:06Il ne peut pas être jugé.
00:33:09Comment le faire comprendre ?
00:33:11Le juge d'instruction
00:33:12de l'époque
00:33:13avait pris le soin
00:33:14de réunir les familles avant
00:33:15pour leur expliquer
00:33:16quand même ce que c'était
00:33:16qu'un article 64
00:33:18du Code pénal, etc.
00:33:19Mais c'était vraiment
00:33:20du vite fait.
00:33:21C'est évident
00:33:22que les questions,
00:33:23elles y sont toujours
00:33:23à Luxiol.
00:33:24Il n'y a jamais eu
00:33:24de réponse à toutes
00:33:25les questions
00:33:26que ces gens
00:33:26ont pu se poser.
00:33:30Le 3 mars 1994,
00:33:33plus de 4 ans
00:33:33après la tuerie,
00:33:35la juge ordonne
00:33:36donc un non-lieu.
00:33:39Christian Dornier
00:33:39est enfermé
00:33:40dans une unité
00:33:41pour malades difficiles.
00:33:45À l'époque,
00:33:46je le prends mal
00:33:47parce qu'il a quand même
00:33:52tué des enfants.
00:33:53Il s'en est pris
00:33:54à des enfants.
00:33:55C'est de la folie
00:33:56ce qu'il a fait.
00:33:57Mais qu'il était fou,
00:34:01je ne sais pas ce qu'on appelle
00:34:02un fou.
00:34:02C'est le mot
00:34:03passe-partout, fou.
00:34:05Mais l'important,
00:34:06c'est qu'ils soient internés
00:34:07à vie.
00:34:07Il était fou.
00:34:12Il était malade.
00:34:15Il ne faut pas redonner,
00:34:17sinon on n'avance pas
00:34:18dans la vie.
00:34:19Je lui ai écrit,
00:34:20il m'a répondu,
00:34:21c'était en 96.
00:34:23À l'époque,
00:34:23il m'avait dit
00:34:24que...
00:34:24qu'il était heureux
00:34:30de ne pas m'avoir vue.
00:34:31Mais s'il m'avait vue,
00:34:34sans doute que ça aurait été pareil
00:34:35que les autres personnes.
00:34:37Dernièrement,
00:34:42je lui ai écrit aussi,
00:34:44un quart de siècle après.
00:34:47Il m'explique
00:34:47que le traitement
00:34:48est lourd
00:34:49et il a parfaitement
00:34:51conscience aujourd'hui
00:34:53de sa maladie
00:34:55et qu'il est...
00:34:57qu'il se soigne, quoi.
00:34:59Parce que dans ces phases
00:35:00de lucidité,
00:35:02il se rend compte
00:35:03quand même que...
00:35:05tout ce qu'il a fait,
00:35:07tous ses actes,
00:35:09sont la suite
00:35:10de cette maladie.
00:35:16On ne peut pas effacer
00:35:17ça de sa mémoire.
00:35:20J'ai vécu cette journée
00:35:22comme...
00:35:25pas comme si j'avais ressuscité,
00:35:28mais un petit peu, quoi.
00:35:29J'ai été épargné
00:35:30par je ne sais pas
00:35:31quel miracle.
00:35:31donc j'ai rebâti ma vie
00:35:34sur cette résurrection.
00:35:35Enfin, j'ai eu la chance
00:35:36d'échapper à ces tirs.
00:35:39Je n'avais plus envie de vivre.
00:35:44Il y a des années après,
00:35:45les gens avec leur affection,
00:35:47leur attention,
00:35:49m'ont aidée.
00:35:52Il faut se battre.
00:35:55Les gens ne sont plus là,
00:35:56ils n'ont pas la chance de vivre.
00:35:57Il faut vivre pour eux.
00:36:01Daniel Zaguri, Dornier,
00:36:08vous l'avez eu face à vous
00:36:09pendant plusieurs heures.
00:36:11Est-ce qu'à un moment,
00:36:12il regrette ?
00:36:13Christian Dornier
00:36:14regrette bien sûr
00:36:16de façon un peu plaquée,
00:36:19un peu artificielle.
00:36:21Il regrette parce qu'il a fini
00:36:23par réaliser
00:36:25qu'il avait...
00:36:26– Mais avec des mots,
00:36:27est-ce qu'il pleure ?
00:36:29– Non, il est dans la neutralité émotionnelle.
00:36:32Ça lui échappe à lui aussi.
00:36:34Il n'est pas dans le même espace-temps
00:36:36et dans la même réalité que nous.
00:36:38Il a basculé au moment de son acte
00:36:41et il n'a pas les réactions
00:36:45que nous attendrions
00:36:46après un tel acte.
00:36:49Donc, il ne revendique pas,
00:36:51il ne légitime pas,
00:36:54il regrette,
00:36:55mais ça lui échappe.
00:36:57– Cette dérive,
00:36:59on n'a pas pu l'anticiper.
00:37:00– Comme toujours,
00:37:04on a regardé du côté
00:37:06du début de soins psychiatriques
00:37:09qu'il avait eu
00:37:10quelques temps auparavant
00:37:11et quand on y regarde de près,
00:37:14non, bien sûr,
00:37:15bien sûr,
00:37:16ce n'était pas possible
00:37:17d'anticiper une telle explosion meurtrière,
00:37:22ce n'était pas quelqu'un
00:37:22de particulièrement violent.
00:37:24Donc,
00:37:25anticiper un tel drame,
00:37:29évidemment non.
00:37:31– Il y a une autre tuerie de masse
00:37:32qui a beaucoup marqué la France,
00:37:33c'est celle de Nanterre.
00:37:34Nanterre, c'est en 2002.
00:37:36C'est Richard Durnes.
00:37:37Lui aussi a semé la mort
00:37:39pour d'obscures raisons.
00:37:44– Nanterre, le 26 mars 2002.
00:37:47Il est 19h quand les élus municipaux
00:37:49grimpent les marches de la mairie.
00:37:53Avec quelques habitants,
00:37:54ils sont une cinquantaine
00:37:55dans la salle du conseil.
00:37:56– C'est un conseil municipal
00:38:02un peu stressant
00:38:03parce que c'était le conseil municipal
00:38:04sur le budget,
00:38:05donc j'avais à le présenter,
00:38:07j'avais à le défendre.
00:38:11– Il y a beaucoup de questions
00:38:14à l'ordre du jour.
00:38:15On passe deux ou trois heures
00:38:18uniquement sur le budget municipal,
00:38:21donc c'est toujours extrêmement long.
00:38:24– Il est un peu plus d'une heure du matin
00:38:29quand le conseil se termine enfin.
00:38:32– J'étais un peu fatigué
00:38:37comme tout le monde,
00:38:37j'avais hâte de rentrer chez moi.
00:38:40Madame le maire donc
00:38:41clôt la séance
00:38:43et moi je reste donc assis,
00:38:47je commence à ranger mes affaires.
00:38:49– Mais tout à coup…
00:38:52– Il y a quelqu'un dans le public
00:38:53qui s'est levé
00:38:54et qui a dit
00:38:54« Non, c'est pas fini ».
00:38:56– Et là j'entends des pétards,
00:39:01des pétards.
00:39:03Donc moi-même je me dis
00:39:05« C'est inconvenant ».
00:39:07– Les conseillers étaient sur deux arcs de cercle
00:39:14et donc tournaient le public
00:39:16et donc je n'ai pas saisi
00:39:19ce qui se passait dans la salle.
00:39:20– À un moment donné,
00:39:21j'entends crier,
00:39:24j'entends ça tire,
00:39:26il tire.
00:39:26– Le tireur, c'est Richard Durne,
00:39:3333 ans,
00:39:35un habitué du conseil.
00:39:38Ce soir-là,
00:39:38il s'est installé au premier rang du public,
00:39:41dans le dos des conseillers municipaux.
00:39:44Et à 1h11,
00:39:46il sort son arme,
00:39:48un glock.
00:39:48– Il a blessé Michel Lobier
00:39:53légèrement au visage
00:39:55et j'ai vu qu'il saignait.
00:39:59– À ce moment-là,
00:40:00le maire a dit
00:40:00« Cachez-vous, protégez-vous, etc. »
00:40:03Et puis il y a eu des cris,
00:40:04enfin un vent de panique
00:40:07dans le conseil.
00:40:13– On se jette sous les pupitres,
00:40:17tous ensemble,
00:40:18et on a du mal à comprendre
00:40:20ce qui se passe.
00:40:22Une fois qu'on est en-dessous,
00:40:23on ne voit rien,
00:40:24on entend simplement
00:40:25des coups de feu,
00:40:27des cris,
00:40:29et voilà, c'est tout.
00:40:32– On est couché,
00:40:34on essaie d'écouter tous les bruits,
00:40:37de voir un petit peu ce qui se passe,
00:40:39et on se dit à un moment donné,
00:40:40est-ce qu'on va y passer ?
00:40:41Est-ce que ça va être notre tour ?
00:40:43– Avec Michel Raoult,
00:40:49on se lève,
00:40:50et là, effectivement,
00:40:51je vois le tireur,
00:40:53le tueur.
00:40:54On se serait cru presque dans un film.
00:40:57Il tenait son revolver,
00:40:58son arme,
00:40:59à deux mains,
00:41:00les jambes légèrement écartées,
00:41:02bien équilibrées.
00:41:03et Michel qui était devant moi,
00:41:10il a essayé de contraindre le tireur
00:41:13d'arrêter,
00:41:15mais il a tiré.
00:41:17Et donc,
00:41:18Michel s'est effondré.
00:41:22À ce moment-là,
00:41:23moi j'étais beaucoup trop loin
00:41:24pour intervenir,
00:41:25donc je me suis réfugié
00:41:27sous mon pupitre.
00:41:28J'ai essayé de protéger ma tête.
00:41:34Je voulais absolument
00:41:34que mon visage reste intact,
00:41:36et j'essaie de protéger mon dos.
00:41:38Et en une fraction de seconde,
00:41:41j'ai vu ma vie dérouler.
00:41:42C'est inimaginable.
00:41:46Et le tireur m'a tiré aussi dessus.
00:41:50J'ai senti une chaleur
00:41:51au niveau de mon dos.
00:41:54J'ai vu très rapidement
00:41:54que je n'avais pas de sang.
00:41:58Richard Durne avance.
00:42:04Au bout d'un certain temps,
00:42:05avec ma collègue,
00:42:06on se dit,
00:42:07mais il faut qu'on parte.
00:42:08Au moment d'une accalmie,
00:42:11on se dit,
00:42:12allez, on y va.
00:42:17Je me retrouve
00:42:18dans les étages supérieurs,
00:42:20et je me rends compte
00:42:21que je suis blessé,
00:42:23parce que jusqu'à ce moment-là,
00:42:25je ne m'étais pas rendu compte
00:42:26que j'étais moi-même
00:42:27blessé.
00:42:32On se dit,
00:42:32il faut appeler la police,
00:42:34appeler le commissariat,
00:42:35mais dans l'affolement,
00:42:36on est totalement incapable
00:42:39de le faire.
00:42:41J'ai prévenu mes collègues.
00:42:44Je pars à la police,
00:42:46tout de suite les prévenir.
00:42:47On m'a dit,
00:42:48non, ne pars pas,
00:42:48tu vas te faire tirer dessus.
00:42:50Je lui ai dit,
00:42:51non, je n'ai pas le choix,
00:42:52de toute façon,
00:42:53c'est une souricière,
00:42:54nous sommes.
00:42:55Donc,
00:42:55j'ai mis ma pochette
00:42:57derrière mon dos,
00:42:58et je suis parti
00:42:59sans me retourner.
00:43:02Je suis parti en courant,
00:43:03le plus vite possible
00:43:04au commissariat,
00:43:04qui est à 200 mètres.
00:43:05derrière moi,
00:43:09quelqu'un courait également.
00:43:12Je pensais que le tueur
00:43:13était parti en même temps
00:43:14que moi.
00:43:16Et en arrivant,
00:43:18les portes étaient fermées.
00:43:19Donc là,
00:43:19j'ai tapé de toutes mes forces,
00:43:21et la personne
00:43:22qui était derrière moi,
00:43:23tout de suite,
00:43:24s'est manifestée
00:43:24en me disant,
00:43:26c'est moi, monsieur,
00:43:26Régic,
00:43:27c'est monsieur Rimbaud.
00:43:29Un homme qui travaille
00:43:30à la mairie.
00:43:30Un policier nous a ouvert la porte,
00:43:35et donc,
00:43:35je leur dis,
00:43:36très rapidement,
00:43:37je leur dis,
00:43:37attention,
00:43:37il y a une tuerie
00:43:38de masse
00:43:39au conseil municipal.
00:43:44Pendant que l'élu s'échappe,
00:43:46Richard Durne
00:43:47continue à tirer.
00:43:53Il est à un mètre de moi,
00:43:55donc là,
00:43:56on se fixe
00:43:57dans les yeux,
00:43:59un regard
00:43:59froid,
00:44:02méthodique,
00:44:03et là,
00:44:04et là-bas,
00:44:05ma collègue,
00:44:07Louisa Benacli,
00:44:09et après,
00:44:11à ma gauche,
00:44:12Jacquot Duplaine.
00:44:16Mon Jacquot,
00:44:17qui est mort dans mes bras,
00:44:18elle avait la tête éclatée.
00:44:20Il vise vraiment la tête,
00:44:22il vise pour tuer.
00:44:24Et moi,
00:44:26au moment où il va tirer,
00:44:28je ne sais pas
00:44:29parquer l'hasard,
00:44:31un réflexe de survie,
00:44:32sans doute,
00:44:33je me lève,
00:44:34et au lieu de la prendre
00:44:35dans la tête,
00:44:36je prends la balle
00:44:38dans le ventre.
00:44:39Je saignais partout,
00:44:41mais je n'ai pas perdu
00:44:42connaissance.
00:44:43Il a tiré comme une machine,
00:44:49cette boule de feu
00:44:49qui sortait régulièrement
00:44:50de sa main.
00:44:55Il a avancé
00:44:56pratiquement jusqu'à moi,
00:44:58il a tiré sur le,
00:44:59sur l'adjoint qui était avant moi,
00:45:01et il l'a blessé.
00:45:04Il a commencé à bricoler
00:45:06son revolver,
00:45:07je me suis dit,
00:45:08il y a eu une chance,
00:45:09et je lui ai sauté dessus.
00:45:11Je l'ai tapé dessus
00:45:14avec ma chaise,
00:45:15et puis je tenais
00:45:16son poignet
00:45:17assez fort,
00:45:18et je continuais
00:45:19avec l'autre main
00:45:20de lui taper dessus.
00:45:24Je lui ai sans doute
00:45:25un moment de relâchement,
00:45:26et à ce moment-là,
00:45:27il m'a tiré dessus.
00:45:31Puis là,
00:45:31il y a eu vraiment
00:45:32plein d'autres élus
00:45:34qui sont venus,
00:45:35qui se sont jetés sur lui.
00:45:36Moi, je suis juste derrière,
00:45:41dans le couloir,
00:45:42et j'entends
00:45:42« Tuez-moi,
00:45:44tuez-moi ! »
00:45:45Richard Durne
00:45:46hurlait pour qu'on le tue,
00:45:49et les collègues
00:45:51ne l'ont pas tué.
00:45:53Ils l'ont ligoté
00:45:54simplement
00:45:55avec ce qu'ils avaient
00:45:57sous la main.
00:46:01Quand les policiers
00:46:02de Nanterre
00:46:02et la brigade criminelle
00:46:03de Paris arrivent,
00:46:04c'est un massacre
00:46:05qu'ils découvrent.
00:46:068 morts.
00:46:08Une scène de crime
00:46:09qu'il est très difficile
00:46:10d'exploiter.
00:46:17C'est une scène de crime
00:46:18un peu particulière
00:46:19puisque l'assassin
00:46:20est arrêté sur place.
00:46:21Ce qui fait que déjà,
00:46:22la recherche
00:46:23entre guillemets
00:46:24de l'assassin,
00:46:25qui est normalement
00:46:25la priorité absolue
00:46:27de la brigade criminelle,
00:46:28n'a plus d'intérêt
00:46:29puisque nous avons l'assassin.
00:46:32Mais on a toujours intérêt
00:46:33à ce qu'on puisse recueillir
00:46:34le maximum d'indices
00:46:35de police technique
00:46:36et scientifique.
00:46:38Je vais avoir une scène
00:46:39de crime qui est complexe
00:46:40et qui va en fait
00:46:41ressembler à une scène
00:46:42de crime d'attentat.
00:46:43Dans un attentat,
00:46:44vous avez plusieurs morts,
00:46:45vous avez des blessés
00:46:45et on se met
00:46:46dans la disposition intellectuelle
00:46:49d'être prêt à recevoir
00:46:50ces horreurs.
00:46:53Le bilan global,
00:46:55c'est 8 morts
00:46:56et 19 blessés
00:46:57avec des blessures,
00:46:59certains très gréement blessés,
00:47:00d'autres plus légères.
00:47:01Je suis conduite
00:47:09dans la salle
00:47:09du conseil municipal
00:47:10où a eu lieu la Turé.
00:47:11Il n'y avait plus personne
00:47:12à part les enquêteurs
00:47:13et puis les morts,
00:47:16les personnes qui étaient décédées.
00:47:22L'impression que ça donnait,
00:47:23c'est une scène de théâtre
00:47:24et qu'on pouvait claquer
00:47:27dans ses mains en disant
00:47:28c'est fini, coupé
00:47:29et tout le monde se relevait.
00:47:31Pour vous dire
00:47:31un peu le décalage
00:47:33et on a un regard
00:47:35très professionnel,
00:47:36assez technique
00:47:37sur une scène
00:47:38qui est assez irréelle.
00:47:40Moi, j'ai pris la balle ici,
00:47:50elle est ressortie là.
00:47:51Je saigne de partout,
00:47:53donc je n'ai pas de réaction,
00:47:56simplement je vois
00:47:57que j'ai eu une chance
00:48:00extraordinaire ce soir-là.
00:48:07Quand je sors
00:48:08de la salle du conseil municipal,
00:48:10je suis loin de m'imaginer
00:48:12qu'il y a déjà
00:48:13des collègues
00:48:14qui sont décédés,
00:48:15d'autres qui sont blessés.
00:48:18Voilà, donc
00:48:19ce n'est qu'après
00:48:22qu'on mesure
00:48:23l'ampleur
00:48:24de ce qui s'est passé.
00:48:25J'avais vu
00:48:25dans le moment
00:48:27du massacre
00:48:28ce qui était juste avant moi,
00:48:30je voyais qu'il ne bougeait plus.
00:48:31Donc je m'attendais
00:48:33au pire déjà.
00:48:34C'est difficile à vivre.
00:48:37C'est une réelle injustice
00:48:38et combien de fois
00:48:41il m'est arrivé
00:48:43de me dire
00:48:43« J'aimerais donner
00:48:46tout ce que j'ai,
00:48:47par exemple,
00:48:48pour que ça n'ait pas lieu. »
00:48:52C'est un cataclysme
00:48:53qui nous est tombé dessus.
00:48:55Le plus difficile ensuite,
00:48:57ça a été
00:48:57de prévenir les familles.
00:48:59C'était compliqué.
00:49:00et ça a été un moment
00:49:03assez douloureux
00:49:04pour tout le monde.
00:49:07Choqué par cette atteinte
00:49:08à la République,
00:49:09toute la classe politique
00:49:10se mobilise.
00:49:12Jusqu'au président
00:49:13de la République.
00:49:15Un drame
00:49:16qui est tout à fait
00:49:19inimaginable
00:49:20et les mots
00:49:22mentent pour le qualifier.
00:49:24Mais le cœur, lui,
00:49:25parle
00:49:25avec indignation.
00:49:27Nous sommes dans
00:49:29un contexte politique
00:49:30très particulier
00:49:31puisqu'on est
00:49:31peu de temps avant
00:49:32l'élection présidentielle
00:49:33de 2002
00:49:34et moi, mon boulot,
00:49:35ça va être en sorte
00:49:36de protéger
00:49:37la scène de crime
00:49:37pour éviter que tout le monde
00:49:38vienne piétiner
00:49:39sa scène de crime.
00:49:40Les enquêteurs
00:49:40et nous-mêmes,
00:49:41on a compris
00:49:41que pendant plusieurs heures,
00:49:42en fait,
00:49:43on n'aurait pu rien faire
00:49:44sur place.
00:49:45C'est ce qui s'est passé.
00:49:45La scène a été
00:49:46vraiment très figée
00:49:47pour le coup.
00:49:48C'était effectivement particulier.
00:49:49Moi, je n'ai jamais vu ça
00:49:50depuis.
00:49:52Les politiques,
00:49:53mais aussi les médias.
00:49:57C'est une théorie
00:49:59très, très importante.
00:50:00Pour une petite ville
00:50:01comme Nanterre,
00:50:01c'était l'apocalypse.
00:50:03Les gens sont atterrés.
00:50:04Il n'y a que des questions.
00:50:06Mais pourquoi nous ?
00:50:06Pourquoi nos conseillers ?
00:50:08Pourquoi Nanterre ?
00:50:09C'est assez incompréhensible.
00:50:13La presse s'interroge
00:50:15tandis que Durne
00:50:16doit répondre
00:50:17à la brigade criminelle.
00:50:18Tout de suite,
00:50:20on comprend que
00:50:21Richard Durne
00:50:21va être un gardien à vue
00:50:23compliqué,
00:50:24de par d'abord
00:50:25l'horreur de ce qu'il a fait.
00:50:26Il a tué 8 personnes,
00:50:28il en a blessé 19 autres.
00:50:29Et puis,
00:50:30il est très agité,
00:50:31il a insulté policiers,
00:50:33il essaye dans la voiture
00:50:33de donner des coups de pied,
00:50:35etc.
00:50:35etc.
00:50:41Le médecin a considéré
00:50:42que son état
00:50:43était compatible
00:50:44avec la garde à vue.
00:50:45À ce moment-là,
00:50:46il s'était calmé.
00:50:47Il était envisageable
00:50:49de le placer en garde à vue
00:50:50et de commencer
00:50:50le travail d'enquête
00:50:51auprès de lui.
00:50:55Avant de l'entendre,
00:50:57des policiers font
00:50:57une perquisition
00:50:58chez sa mère
00:50:59où l'homme
00:50:59de 33 ans
00:51:00vit toujours.
00:51:04Il ne trouve pas grand-chose.
00:51:05Il y a des écrits,
00:51:06des lettres.
00:51:08Et puis,
00:51:08on voit qu'il a
00:51:09la volonté de mourir
00:51:10et la volonté
00:51:11de faire un acte,
00:51:12c'est ce qu'on appelle
00:51:13un mass-murder.
00:51:14C'est quelqu'un
00:51:15qui estime
00:51:16que c'est un raté,
00:51:18qu'il a tout raté.
00:51:19Il veut réussir quelque chose,
00:51:20il veut marquer,
00:51:21il veut qu'on parle de lui.
00:51:27À la brigade criminelle,
00:51:28Richard Durne
00:51:29est un gardé à vue
00:51:30très surveillé.
00:51:33On sait qu'il veut mourir,
00:51:35donc je prends
00:51:35un certain nombre
00:51:36de dispositions.
00:51:37Je choisis un policier
00:51:38qui est un policier
00:51:39très expérimenté,
00:51:41très sérieux,
00:51:41très professionnel.
00:51:42et je demande
00:51:43à un autre policier
00:51:44de rester tout le temps
00:51:45et toujours avec lui.
00:51:50Le groupe
00:51:51qui est en charge
00:51:52de cette affaire
00:51:52a donc deux bureaux
00:51:53sous les combles
00:51:55et c'est dans cet endroit
00:51:57qu'ils vont interroger
00:51:58Richard Durne.
00:52:04Quand je rentre
00:52:05vers 8 ou 9 heures du matin,
00:52:08le capitaine me dit
00:52:09qu'il ne veut pas parler
00:52:10et il veut voir le chef.
00:52:11C'est la première fois
00:52:12que j'ai un vrai contact
00:52:14avec lui.
00:52:15Il me regarde
00:52:15fixement
00:52:16et la première chose
00:52:20qu'il me dit,
00:52:20c'est
00:52:20ça vous humilierait
00:52:22de me serrer la main ?
00:52:24Je lui dis non,
00:52:25donc il me tend la main,
00:52:26donc je lui serre la main.
00:52:27Je n'ai pas très envie
00:52:28à ce moment-là
00:52:28de serrer la main
00:52:29de cet assassin,
00:52:30mais mon travail
00:52:31ce n'est pas d'avoir
00:52:31des états d'âme,
00:52:32mon travail c'est de savoir
00:52:33ce qui s'est passé.
00:52:36Et il me dit
00:52:37combien j'en ai tué ?
00:52:39Première question.
00:52:39Donc je lui réponds
00:52:40combien j'en ai blessé ?
00:52:43Je lui réponds
00:52:44et il me dit
00:52:45qu'est-ce que vous voulez savoir ?
00:52:47Je dis je veux tout savoir.
00:52:48Et il me dit
00:52:49je vais tout vous dire,
00:52:50mais je veux plusieurs choses.
00:52:52En cellule,
00:52:53je veux être tout seul,
00:52:54je ne veux pas
00:52:55qu'on me crie dessus,
00:52:56je ne veux pas être menotté.
00:52:59Donc j'accède
00:53:01à ces demandes
00:53:02d'autant plus facilement
00:53:03que de toute manière
00:53:04dans nos locaux,
00:53:05on enlève leurs menottes.
00:53:06l'idée étant toujours
00:53:08d'instaurer
00:53:09une espèce de rapport
00:53:10de confiance
00:53:11avec le gardé à vue
00:53:12pour qu'il vienne
00:53:13à se confier.
00:53:169h40,
00:53:17au quatrième étage
00:53:18du 36 Quai des Orfèvres,
00:53:20première audition
00:53:21de Richard Durnes.
00:53:22Le courant passe bien
00:53:25entre le capitaine
00:53:26et Richard Durnes
00:53:28et petit à petit,
00:53:29il nous raconte
00:53:30oui,
00:53:30c'est un loser,
00:53:33c'est quelqu'un
00:53:33qui n'a pas trouvé
00:53:34sa place dans la vie,
00:53:35c'est quelqu'un
00:53:35qui a ce sentiment
00:53:37d'être humilié en permanence
00:53:39et qui veut mourir
00:53:40mais en se vengeant
00:53:40et en laissant une trace.
00:53:4610h50,
00:53:47fin de la première audition.
00:53:49A midi,
00:53:51Durnes est de retour
00:53:51devant les policiers
00:53:52et cette fois,
00:53:54il est question des faits.
00:53:57Il est arrivé
00:53:57à la mairie de Nanterre
00:53:59avec la volonté
00:53:59de tuer les gens,
00:54:01ça lui est pas venu comme ça,
00:54:03il est venu avec ses trois armes.
00:54:07Deux pistolets
00:54:08et un revolver,
00:54:09des armes
00:54:10qu'il a chargées
00:54:10dans les toilettes
00:54:11pendant le conseil.
00:54:12Bon, lui,
00:54:16il nous dit
00:54:17qu'il reste là,
00:54:17qu'il est déterminé
00:54:18et tout d'un coup,
00:54:19il se lève,
00:54:19il va sortir ses armes
00:54:20et il va ouvrir le feu.
00:54:25Il voulait faire
00:54:25le maximum de dégâts
00:54:27pour éliminer
00:54:28ce qu'il appelait
00:54:29une élite
00:54:30qu'il avait rejetée.
00:54:33Voilà,
00:54:33c'est assez effrayant
00:54:35quand on y pense.
00:54:36En fin d'après-midi,
00:54:41le procureur Yves Bott
00:54:42prolonge la garde à vue
00:54:43de Durne.
00:54:46À 21h,
00:54:47on décide d'arrêter
00:54:48et donc,
00:54:49on décide de descendre
00:54:51Richard Durne au dépôt
00:54:52et je descends moi-même
00:54:54avec Richard Durne.
00:54:55C'est d'ailleurs la seule fois,
00:54:56j'ai été quatre ans
00:54:57chez les volets de criminels,
00:54:58c'est la seule fois
00:54:58où j'ai descendu quelqu'un.
00:55:03La nuit se passe bien,
00:55:04il est calme
00:55:05et il est remonté
00:55:06au petit matin
00:55:08et il continue
00:55:08donc au même endroit
00:55:09avec les deux mêmes policiers.
00:55:18Quand soudain,
00:55:19le capitaine
00:55:19rentre dans mon bureau
00:55:20très pâle,
00:55:23défait
00:55:23et il me dit
00:55:24qu'il vient de se jeter
00:55:25par la fenêtre.
00:55:28Je descends 4 à 4
00:55:29les escaliers,
00:55:31je vais dans la cour
00:55:31et je vois
00:55:33Richard Durne
00:55:34plutôt son cadavre
00:55:36par terre
00:55:36et le capitaine
00:55:38qui est avec moi
00:55:39me raconte
00:55:39ce qui s'est passé.
00:55:42Lui, il était derrière
00:55:43la table
00:55:44en train de taper
00:55:45sur son ordinateur.
00:55:47L'autre policier
00:55:47était à côté
00:55:48de Richard Durne.
00:55:51Donc,
00:55:52il monte sur une table,
00:55:53il ouvre le Vélux,
00:55:54les deux policiers
00:55:54évidemment réagissent
00:55:55immédiatement,
00:55:56se précipitent.
00:55:57mais Richard Durne
00:55:59est une espèce
00:55:59de force
00:56:00déquiplée
00:56:01par l'adrénaline,
00:56:02la volonté,
00:56:02la folie,
00:56:03enfin ce que je sais
00:56:03et va se jeter
00:56:05dans le vide.
00:56:07Il est 10h15,
00:56:08le tueur de Nanterre
00:56:10s'est suicidé
00:56:11au 36.
00:56:17Je comprends assez vite
00:56:18qu'on ne va pas
00:56:19me dresser
00:56:19les lauriers.
00:56:20La mission de la police
00:56:21judiciaire,
00:56:22c'est de rassembler
00:56:23les preuves,
00:56:24d'interpeller les suspects
00:56:26et de les déférer
00:56:27dans la justice.
00:56:28Et à partir du moment
00:56:28où il s'est suicidé,
00:56:29on ne va pas les déférer
00:56:30dans la justice.
00:56:31C'est pour nous
00:56:32un échec.
00:56:35Je pense qu'il faut
00:56:36que je protège
00:56:37mes hommes.
00:56:38J'ai validé
00:56:38la garde à vue
00:56:40et donc je m'estime
00:56:41responsable
00:56:42de ce qui a pu se passer.
00:56:48Immédiatement,
00:56:49j'en ai voulu
00:56:49au ministre de l'Intérieur
00:56:51comme beaucoup
00:56:52en disant
00:56:53« Mais c'est une faute
00:56:55majeure
00:56:55de la police. »
00:56:59Ça a été ma première réaction
00:57:00tellement j'étais fou furieux.
00:57:03On se dit
00:57:04« Mais comment c'est
00:57:04possible ?
00:57:06Comment cela
00:57:07a pu arriver ? »
00:57:09Dominique Richard-Durne
00:57:15se suicide
00:57:16dans les locaux
00:57:16du 36 Quai des Orfèvres,
00:57:17le Saint-Dessin
00:57:18de la police judiciaire
00:57:19parisienne.
00:57:20Pas terrible.
00:57:21Est-ce qu'on sait
00:57:21ce qui s'est passé ?
00:57:22Alors, les auditions
00:57:24de Richard-Durne
00:57:25se passent dans un petit bureau
00:57:26qui est le 415,
00:57:27quatrième étage de la crime,
00:57:29en haut de cet escalier
00:57:29en colimaçon,
00:57:31réputé pour être
00:57:32le plus ou l'un
00:57:33des plus sécurisés.
00:57:35Il y a un seul Vélux,
00:57:36il n'y a pas de fenêtre.
00:57:37Le Vélux,
00:57:37il est à 1,60 m du sol.
00:57:40Il y a deux policiers
00:57:41avec lui
00:57:41qui vont l'entendre.
00:57:43Le patron de la crime,
00:57:44Frédéric Pechenard,
00:57:46a demandé à ce que la porte
00:57:47soit verrouillée.
00:57:48Donc, Richard-Durne
00:57:49collabore,
00:57:51il est lucide,
00:57:53il est calme
00:57:54et on va quand même rappeler
00:57:55que physiquement,
00:57:56parce que c'est important
00:57:57pour la suite,
00:57:58c'est un type
00:57:58qui fait 1,84 m,
00:58:0077 kg,
00:58:01il est affûté,
00:58:03mais il a un problème,
00:58:04il boite.
00:58:05Et donc,
00:58:05personne n'imaginait
00:58:06qu'il pourrait échapper
00:58:08à la vigilance des policiers.
00:58:09Personne ?
00:58:09Bien sûr,
00:58:10mais il a trouvé une faille.
00:58:11Il a même trouvé deux failles.
00:58:12Quand il s'assied,
00:58:13il remarque que sous le Vélux,
00:58:14il y a une table basse.
00:58:15Et puis,
00:58:16il observe que le Vélux,
00:58:17au lieu d'être accroché,
00:58:18il est simplement baissé.
00:58:21Eh bien,
00:58:21il va profiter
00:58:21d'un moment
00:58:23où le policier
00:58:24qui l'entend
00:58:24est en train de relire
00:58:25le PV d'audition,
00:58:27où le deuxième policier
00:58:28est allé chercher
00:58:29un document.
00:58:30Et là,
00:58:31les policiers
00:58:31entendent un grand bruit.
00:58:33Durne a sauté sur la table,
00:58:34il s'est accroché au Vélux.
00:58:36Il y a un policier
00:58:36qui se jette sur lui,
00:58:38qui lui prend les jambes,
00:58:39qui le ceinture.
00:58:40Durne va quasiment
00:58:42l'emmener avec lui
00:58:42dans sa chute.
00:58:43Le policier va garder en main
00:58:44une chaussure.
00:58:45Une chaussure de Durne
00:58:46parce que pendant la garde
00:58:47a vu,
00:58:47évidemment,
00:58:48on lui a enlevé ses lacets.
00:58:49Le policier reste comme ça
00:58:50avec la chaussure dans la main,
00:58:51il a des traces
00:58:52de ripage sur les bras.
00:58:54Richard Durne
00:58:55part dans le vide
00:58:56et il s'écrase
00:58:5721 mètres plus bas
00:58:58sur le pavé
00:58:59de la cour intérieure
00:59:00de la crime.
00:59:00Et il meurt.
00:59:02Exceptionnellement,
00:59:02l'action publique
00:59:03ne s'est pas arrêtée
00:59:04puisque le procureur
00:59:04de l'époque,
00:59:05Yves Bott,
00:59:06ordonne que l'on
00:59:07poursuit eux.
00:59:08Oui,
00:59:08pour essayer de comprendre.
00:59:09Parce que c'est dans
00:59:10les lettres
00:59:11que Richard Durne
00:59:12a laissées
00:59:12et qu'on va peut-être
00:59:13trouver des explications.
00:59:15J'en ai quelques extraits
00:59:16qui vont vous intéresser,
00:59:18Christophe,
00:59:19docteur Zaguri.
00:59:20Écoutez bien ça.
00:59:21Le 9 février 1999,
00:59:23trois ans vont le drame.
00:59:24À 30 ans,
00:59:26je n'ai rien vécu.
00:59:28Depuis des mois,
00:59:29les idées de carnage
00:59:30et de mort
00:59:31sont dans ma tête.
00:59:32Il l'a écrit.
00:59:34Pourquoi devrais-je
00:59:35me détruire
00:59:36et souffrir seul
00:59:37comme un con ?
00:59:39Le 2 janvier 2002,
00:59:40on est deux mois
00:59:41avant la tuerie.
00:59:42J'ai mal
00:59:43et je suis plein de haine.
00:59:46Le conformiste
00:59:47que je suis
00:59:47a besoin
00:59:48de briser des vies,
00:59:49de faire du mal
00:59:49pour au moins une fois
00:59:51dans ma vie
00:59:52avoir le sentiment
00:59:53d'exister.
00:59:54Le goût
00:59:55de la destruction,
00:59:56parce que je me suis
00:59:57toujours vu
00:59:58et vécu
00:59:58comme un moins que rien,
01:00:00doit cette fois
01:00:00se diriger
01:00:01contre les autres
01:00:02parce que
01:00:03je n'ai rien
01:00:04et que je ne suis rien.
01:00:07Dernière phrase,
01:00:09je peux juste
01:00:10pendant quelques instants
01:00:12me sentir vivant
01:00:13en tuant.
01:00:15Daniel Zaguri,
01:00:16vous avez lu
01:00:17ses lettres.
01:00:18Oui.
01:00:18Qu'est-ce qui vous a frappé ?
01:00:20Alors,
01:00:20ce qui m'a frappé,
01:00:21c'est que Richard Durde,
01:00:23qui est très explicite
01:00:24dans ses lettres,
01:00:25dit exactement
01:00:26la même chose
01:00:27que l'immense majorité
01:00:30des tueurs de masse.
01:00:32J'ai raté ma vie,
01:00:33j'étais un moins que rien,
01:00:34les fils n'intéressaient pas
01:00:36à moi,
01:00:36ils sont déprimés,
01:00:38ils sont suicidaires,
01:00:39mais
01:00:40ils ne veulent pas
01:00:42d'une mort anonyme
01:00:43en continuité
01:00:45avec une vie anonyme.
01:00:46Ce qu'ils veulent,
01:00:47c'est une mort
01:00:47en apothéose,
01:00:49une mort
01:00:50qui enfin
01:00:50les ferait rentrer
01:00:52dans l'histoire
01:00:52et laisserait
01:00:54une trace
01:00:54de leur vie.
01:00:56C'est effectivement
01:00:57à la fois poignant
01:00:58et terrible
01:00:59parce que c'est plein
01:01:00de désespoir
01:01:00mais c'est aussi
01:01:01plein de haine
01:01:02et c'est très exactement
01:01:04ce qu'écrit
01:01:05Richard Durnes.
01:01:06Est-ce qu'il y a
01:01:07des traits psychiatriques
01:01:08communs,
01:01:09psychiatriques,
01:01:10aux tueurs de masse ?
01:01:11Je ne pense pas
01:01:12qu'il y ait des traits
01:01:13psychiatriques communs,
01:01:15par contre,
01:01:15je pense qu'il y a
01:01:16des processus communs.
01:01:17C'est-à-dire qu'à partir
01:01:18du moment
01:01:19où le sujet
01:01:21est dans cet état
01:01:22de désespoir
01:01:24et où il pense
01:01:25à mettre fin
01:01:25à ses jours
01:01:26avec une dimension
01:01:28de haine
01:01:28contre les autres,
01:01:31à ce moment-là,
01:01:31le processus est le même.
01:01:33Donc il y a cette idée
01:01:33de venger
01:01:35un parcours de vie
01:01:37catastrophique
01:01:38où ils n'ont rien été
01:01:40à leurs propres yeux
01:01:42et où enfin
01:01:43ils vont
01:01:44aux yeux du monde entier
01:01:45devenir quelqu'un
01:01:47de célèbre.
01:01:48Ce qui est intriguant
01:01:49dans les profils
01:01:50que vous décrivez,
01:01:50Daniel Zaguri,
01:01:52c'est qu'on s'y reconnaît
01:01:53pour certains
01:01:54de ces profils.
01:01:57On ne se transforme
01:01:58quand même pas tous
01:01:58en tueurs de masse.
01:01:59Pourquoi est-ce qu'on regarde
01:02:01« Fait entrer l'accusé » ?
01:02:04C'est justement
01:02:05parce qu'on y voit
01:02:07des sujets
01:02:09qui sont très différents
01:02:11de nous,
01:02:12qui ont commis
01:02:13des actes épouvantables,
01:02:16mais quand même
01:02:17on pressent
01:02:20ici ou là
01:02:21qu'ils nous ressemblent
01:02:22un peu.
01:02:23Ils nous interrogent
01:02:24sur ce que nous sommes.
01:02:26Le 2 avril 2002,
01:02:28c'est l'heure des hommages.
01:02:32La cérémonie
01:02:33du 2 avril 2002,
01:02:35on a presque une ville
01:02:37rassemblée
01:02:38au stade Gabriel Péry
01:02:40qui est le stade communal.
01:02:42Valéry Méo,
01:02:49c'était quelqu'un
01:02:51de très jeune
01:02:53et très dynamique
01:02:55et qui vraiment
01:02:57se battait beaucoup
01:02:58pour le bien-être des gens.
01:03:03Christian Boutier,
01:03:04il avait un caractère
01:03:05extraordinaire.
01:03:06Il était
01:03:07toujours souriant,
01:03:09positif.
01:03:14Louisa,
01:03:15elle était
01:03:16avocate,
01:03:18vraiment quelqu'un
01:03:19de remarquable.
01:03:22Pascal Stenberg,
01:03:23c'était un leader,
01:03:25il s'affirmait énormément,
01:03:27avait ses positions,
01:03:28c'était quelqu'un
01:03:31de bien.
01:03:33Olivier Mazotti,
01:03:34quand je suis arrivé,
01:03:35son père était au conseil
01:03:36municipal,
01:03:37une tradition politique
01:03:38dans la famille,
01:03:38un garçon sensible,
01:03:40un enseignant aussi
01:03:41qui était plein de vie.
01:03:47Michel Raoult,
01:03:48c'était quelqu'un
01:03:49qui était droit,
01:03:50Michel,
01:03:51quelqu'un de très pratiquant.
01:03:56Monique Leroy-Sauterre,
01:03:57c'était une femme
01:03:58qui était absolument
01:03:59charmante,
01:04:01délicieuse,
01:04:02enthousiaste.
01:04:03Et puis Jacquotte,
01:04:05elle avait son bureau
01:04:07juste en face
01:04:09le mien,
01:04:09donc on avait
01:04:10des relations
01:04:11un peu privilégiées.
01:04:13Et le fait
01:04:14qu'elle soit
01:04:16morte dans mes bras,
01:04:17ça me...
01:04:19Dès qu'on cite son nom,
01:04:24j'ai toujours
01:04:25une certaine émotion.
01:04:26Trois semaines
01:04:29après la tuerie,
01:04:30le procureur
01:04:31invite les élus blessés
01:04:32et les familles
01:04:33des victimes
01:04:33à rencontrer
01:04:34les policiers.
01:04:38Yves Bott
01:04:39a décidé
01:04:40de réunir
01:04:41dans la salle
01:04:42d'assise
01:04:42tous ceux
01:04:43qui voulaient
01:04:44venir.
01:04:45C'était un moment
01:04:46qui s'annonçait
01:04:47très difficile,
01:04:48très lourd.
01:04:49C'est la seule fois
01:04:49que j'ai fait ça
01:04:50de ma vie.
01:04:50L'idée étant
01:04:51qu'on fasse
01:04:51une présentation
01:04:52de ce qui s'est passé,
01:04:53de ce qu'on sait
01:04:53et après qu'on réponde
01:04:54aux questions.
01:04:57Dans la nuit
01:04:58du 27 mars,
01:04:59les policiers
01:04:59ont récupéré
01:05:00une pièce capitale,
01:05:02l'enregistrement sonore
01:05:03du conseil municipal.
01:05:05La bande
01:05:06a continué
01:05:07à tourner
01:05:07pendant la tuerie.
01:05:09Vous entendez
01:05:10le conseil municipal
01:05:11qui se déroule
01:05:12normalement
01:05:12et puis vous allez
01:05:13entendre
01:05:13des coups de feu.
01:05:14Beaucoup de coups de feu
01:05:15et sur un rythme
01:05:15assez soutenu.
01:05:16Et tout d'un coup,
01:05:17on est confronté
01:05:18directement
01:05:19avec l'horreur.
01:05:2338 balles
01:05:26en moins d'une minute.
01:05:31Richard Durne
01:05:31possédait
01:05:32trois armes.
01:05:34En avait-il le droit ?
01:05:36C'est l'une
01:05:36des questions centrales
01:05:37de l'enquête.
01:05:38Il achetait ces armes
01:05:39parce qu'il faisait
01:05:39du tir,
01:05:40du tir sportif.
01:05:41Il avait eu
01:05:42l'autorisation
01:05:42de les acheter
01:05:43parce que cette autorisation
01:05:44est renouvelable
01:05:45tous les trois ans.
01:05:49Au moment
01:05:50de la tuerie,
01:05:52ces autorisations
01:05:52étaient expirées
01:05:53depuis plus d'un an.
01:05:56Des agents de police
01:05:57se sont présentés
01:05:58chez Durne
01:05:58pour récupérer son arme.
01:06:00Et dans la mesure
01:06:00où il n'était pas présent,
01:06:02finalement,
01:06:03ça s'était soldé
01:06:04par cette visite
01:06:05et point barre.
01:06:08L'arme
01:06:09n'a pas été récupérée
01:06:11après cette visite.
01:06:12C'était une faille
01:06:12énorme dans le système.
01:06:16Les policiers
01:06:17ont aussi établi
01:06:17le profil de Durne.
01:06:21Il vit chez sa mère
01:06:23qui est d'origine
01:06:24yougoslave.
01:06:25Il ne connaît pas
01:06:26son père.
01:06:28Il vivait en marge
01:06:29de sa mère
01:06:29de certaines manières.
01:06:30C'est-à-dire,
01:06:30il était très secret.
01:06:31Elle ne connaissait pas
01:06:32réellement son fils
01:06:32qui pouvait d'ailleurs
01:06:33être assez désagréable
01:06:35avec elle.
01:06:35Il n'a pas de relation
01:06:36amicale.
01:06:39Il n'a pas de relation
01:06:39sentimentale.
01:06:41En tout cas,
01:06:42rien de stable.
01:06:42Il n'a pas vraiment
01:06:43de métier.
01:06:47Titulaire d'une licence
01:06:48d'histoire,
01:06:49il a été surveillant
01:06:50dans les collèges
01:06:50et les lycées de Nanterre
01:06:51pendant six ans
01:06:52et à 33 ans,
01:06:54il cherchait
01:06:55encore sa voix.
01:06:58Il a formulé
01:06:59assez régulièrement
01:07:01le fait qu'il n'était
01:07:01pas reconnu
01:07:02à sa juste proportion.
01:07:03Sauf qu'on n'a jamais
01:07:05bien su exactement
01:07:06de quoi il était capable
01:07:07de la part de tuer
01:07:09des gens.
01:07:11Il fallait que des existences
01:07:13disparaissent
01:07:14pour que la sienne
01:07:15apparaisse.
01:07:18Il va générer
01:07:19une haine de ce monde.
01:07:22Voilà,
01:07:22s'il n'avait pas commis
01:07:24toutes ces horreurs,
01:07:26on pourrait presque
01:07:27avoir pitié de lui.
01:07:30Durne s'est essayé
01:07:31à la politique.
01:07:32En 95,
01:07:33il a pris sa carte
01:07:34au Parti socialiste
01:07:35avant de basculer
01:07:36chez les Verts
01:07:37en 2001.
01:07:39Il s'est aussi impliqué
01:07:40à la Ligue des droits
01:07:41de l'homme.
01:07:43C'était quelqu'un
01:07:44qui participait
01:07:44à des réunions politiques.
01:07:46Les fois où j'ai pu
01:07:47échanger,
01:07:48je n'avais pas ce sentiment
01:07:49qu'il en avait
01:07:50après les élus.
01:07:53Donc c'est difficile
01:07:54à comprendre.
01:07:57Au départ,
01:08:05on est dans une volonté
01:08:05de changer le monde
01:08:06et puis on n'y arrive pas
01:08:07donc on veut détruire.
01:08:08Et c'est un parcours
01:08:10très mortifère.
01:08:13Richard Durne était
01:08:13instable.
01:08:16En 90,
01:08:17puis en 92,
01:08:18il a tenté
01:08:19de se suicider.
01:08:21Et le 10 juillet 98,
01:08:22il a dérapé
01:08:23lors d'un rendez-vous
01:08:24avec une psychiatre.
01:08:25Il indique
01:08:30qu'il est armé
01:08:30et qu'il a l'intention
01:08:31de tuer des gens.
01:08:32On est en 98,
01:08:33on est 4 ans
01:08:33avant la tuerie de Nanterre
01:08:35où il va effectivement
01:08:36tuer des gens.
01:08:37Bon, il y a un rapport
01:08:37et puis point.
01:08:39Donc il n'y a pas eu
01:08:39de signalement
01:08:40dans un service de police.
01:08:42On a été choqués,
01:08:42on a même été en colère.
01:08:44On comprend bien,
01:08:44le secret médical
01:08:45est quelque chose
01:08:45qui est extrêmement important.
01:08:47Mais évidemment,
01:08:48quand vous êtes policier
01:08:49et que vous apercevez
01:08:50que finalement,
01:08:52si les médecins
01:08:53avaient prévenu
01:08:53les policiers,
01:08:54peut-être qu'on aurait pu
01:08:55intervenir avant.
01:09:02Après cette réunion,
01:09:04les victimes de Durne
01:09:05comprennent qu'il y a eu
01:09:06plusieurs ratés
01:09:07dans son suivi.
01:09:08« Est-ce qu'il faut pointer
01:09:14les carences des uns
01:09:15et des autres ? »
01:09:17Je ne suis pas vraiment
01:09:19dans cet état d'esprit.
01:09:22Je dis, voilà,
01:09:23c'est des hommes et des femmes
01:09:24aussi qui font vivre
01:09:26ces services.
01:09:28mais c'est plutôt
01:09:30comment on fait
01:09:32pour que ça se reproduise.
01:09:38La justice a réussi
01:09:39à donner quelques réponses
01:09:40aux victimes.
01:09:42Six mois après la tuerie,
01:09:43le président de la République
01:09:43remet la Légion d'honneur
01:09:44à certains élus,
01:09:45les huit élus
01:09:46qui ont été tués
01:09:47et ceux qui ont maîtrisé
01:09:48Durne le 27 mars.
01:09:49Il fallait bien
01:10:03que la République
01:10:04ait un geste
01:10:05vis-à-vis de ceux
01:10:06qui ont été tués,
01:10:07de ceux qui sont intervenus.
01:10:11Et je la porte
01:10:12essentiellement
01:10:14pour tous ceux
01:10:17qui ne peuvent plus la porter.
01:10:19Moi, j'aurais plutôt
01:10:22souhaité
01:10:23un hommage collectif
01:10:24puisque c'était
01:10:26quand même
01:10:26l'institution
01:10:27qui était touchée.
01:10:29Je vous présente
01:10:30le chevalier
01:10:30de la Légion d'honneur.
01:10:33Voilà, maintenant
01:10:34c'est derrière nous.
01:10:36On vit très bien
01:10:37sans la Légion d'honneur.
01:10:43Passer le choc
01:10:43et la peur,
01:10:44passer ses honneurs
01:10:45sélectifs,
01:10:47chaque élu
01:10:48s'est interrogé.
01:10:49devait-il,
01:10:51pouvait-il
01:10:51poursuivre sa vie politique ?
01:10:54Je suis aussi
01:10:56un sportif,
01:10:59un compétiteur
01:11:00et donc je suis reparti
01:11:01au combat,
01:11:02comme on dit.
01:11:03Jamais
01:11:04il ne m'est venu
01:11:05à l'idée
01:11:05d'abandonner la politique.
01:11:08Ça m'a au contraire
01:11:09conforté.
01:11:10C'est pas parce qu'un fou
01:11:14est venu dans la salle
01:11:15a fait ce massacre
01:11:18et qu'il faut
01:11:19tout abandonner.
01:11:21Non-terriens,
01:11:21ils méritent pas ça.
01:11:23Ils méritent
01:11:23qu'on s'occupe d'eux.
01:11:24On est quand même
01:11:25plus attentifs
01:11:27à ce qui se passe
01:11:28autour de nous.
01:11:30On est plus vigilants.
01:11:33Donc on va prévenir
01:11:34un petit peu.
01:11:36On va pas fermer la porte
01:11:37en totalité.
01:11:42On est des simples citoyens
01:11:44qui ont vécu
01:11:45un enfer
01:11:46à un moment donné
01:11:47de notre vie.
01:11:49Et donc ça nous rassemble.
01:11:50Ça nous rassemble beaucoup.
01:11:52On a pris plus soin
01:11:53les uns des autres,
01:11:54à s'intéresser plus
01:11:55à la vie
01:11:57des uns et des autres.
01:12:01Un sens de l'intérêt public
01:12:03intact
01:12:04et même renforcé.
01:12:07Et un traumatisme
01:12:08avec lequel chacun
01:12:09a dû apprendre
01:12:09à composer.
01:12:12On se remet
01:12:13ou on se remet pas.
01:12:14On se remet,
01:12:15ça veut dire
01:12:15qu'on revient
01:12:17à l'état précédent.
01:12:18On revient pas
01:12:18à l'état précédent.
01:12:19On évolue.
01:12:20On est un autre être humain.
01:12:23Évidemment,
01:12:24la nuit,
01:12:25on y pense.
01:12:27Des moments de la vie,
01:12:28évidemment,
01:12:29font qu'on pense
01:12:31à tel ou tel élu.
01:12:33ça reste à côté de vous
01:12:36en permanence.
01:12:40Dès que je suis sorti
01:12:41de l'hôpital,
01:12:43j'ai dit à un ami
01:12:44qu'on va au Stade de France
01:12:46et qu'on va aller voir
01:12:47un match de foot
01:12:48pour être au milieu
01:12:49de la foule
01:12:50parce que je veux pas
01:12:51avoir peur.
01:12:54Pour moi,
01:12:55la vie continue.
01:12:56de plus belle,
01:12:59j'espère.
01:13:07Les policiers
01:13:07n'ont pas été tenus
01:13:08responsables
01:13:09du suicide spectaculaire
01:13:10de Richard Durn
01:13:11au terme de l'enquête
01:13:12de l'IGS
01:13:13et du parquet.
01:13:14À Luxiol,
01:13:15un monument aux morts
01:13:15a été érigé
01:13:16en mémoire
01:13:17des 14 victimes
01:13:18de Christian Dornier.

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