- 07/05/2024
Mercredi 8 mai 2024, SMART IMPACT reçoit Damien Baldin (Directeur Général, Fondation La France s'engage) et Alice Devès (cofondatrice, Petite Mu)
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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie avec un grand entretien.
00:16Aujourd'hui, celui de Damien Baldin, le directeur général de la France s'engage, initiative lancée il y a 10 ans par François Hollande,
00:24devenue une fondation pour promouvoir l'innovation sociale, on parlera notamment de ce nouveau programme baptisé la fonction publique s'engage,
00:33qui propose à des entrepreneurs sociaux le mentorat de hauts fonctionnaires.
00:37Et puis dans notre héroïque start-up, je vous présenterai Petite Mue, un média dédié aux handicaps invisibles.
00:44Voilà pour les titres, c'est le grand entretien de Smart Impact, tout de suite.
00:49Générique
00:55Le grand entretien avec Damien Baldin, bonjour.
00:58Bonjour.
00:59Bienvenue, vous êtes le directeur général de la France s'engage, créée il y a 10 ans à l'initiative de François Hollande, alors président de la République.
01:06C'est devenu une fondation en 2017, qui est d'ailleurs présidée par l'ancien chef de l'État.
01:10Si vous deviez définir la France s'engage en quelques mots, vous diriez quoi ? C'est une coalition en quelque sorte ?
01:15C'est une coalition d'entreprises, d'acteurs privés et publics, qui aident les Françaises et les Français, qui eux-mêmes aident à améliorer la vie des autres.
01:27C'est cela la France s'engage, c'est comment donner à celles et ceux qui ont changé leur vie pour changer celle des autres,
01:35le moyen de continuer d'apporter du progrès social, de pouvoir continuer à améliorer la vie des femmes et des hommes.
01:41Donc ce sont plutôt des associations, ou alors des entreprises de l'économie sociale et solidaire, c'est ça ?
01:46Ce sont en très grande majorité des associations, mais il y a également des entreprises de l'économie sociale et solidaire, et plus spécifiquement ce qu'on appelle les ESUS.
01:54A peu près 15% des 230 lauréats de la France s'engage sont des entreprises commerciales, et les 85% restants sont des associations d'intérêt général.
02:03Quelques chiffres pour effectivement continuer comme ça, de poser le décor en quelque sorte de la France s'engage.
02:09Vous l'avez évoqué, 233 lauréats accompagnés ou en cours d'accompagnement, 80% d'associations, 20% d'entreprises sociales et solidaires,
02:17et c'est moitié-moitié entre l'Île-de-France et le reste du pays.
02:22On va beaucoup parler d'innovation sociale dans ce grand entretien. C'est quoi pour vous l'innovation sociale ?
02:29L'innovation sociale, c'est trouver des solutions pour améliorer la vie des gens, et notamment des plus vulnérables d'entre nous.
02:39C'est de faire en sorte de rendre accessibles des biens, des services, une éducation de qualité, un logement à celles et ceux qui n'ont pas accès,
02:50et qui, quel que soit leur revenu, quel que soit leur territoire, quel que soit leur âge, quel que soit leur genre,
02:57de pouvoir leur permettre d'accéder à ces biens et ces services qui sont essentiels pour leur vie.
03:04C'est trouver des solutions pour améliorer le progrès social. C'est trouver des solutions pour améliorer la justice sociale.
03:11Donc ça fait changer la société. Est-ce que, par définition, c'est aussi un levier de transformation de notre économie ?
03:17Parce que c'est à ça qu'on est en train d'assister les uns et les autres depuis quelques années, une transformation du capitalisme, une transformation de notre économie.
03:23L'innovation sociale, c'est un levier peut-être méconnu de cette transformation pour vous ?
03:28Oui, parce qu'elle bouleverse les modèles financiers de l'économie de deux manières.
03:35La première, c'est par le principe même de la fondation, c'est-à-dire de pouvoir dédier des capitaux à un service de pur intérêt général.
03:48C'est ça, une fondation, c'est que vous sortez des capitaux de l'économie de marché et ils sont mobilisés pour être utilisés à des fins uniquement d'intérêt général.
04:00Ça, c'est la première manière et c'est une des manières fondamentales de ce qu'on appelle l'économie sociale et solidaire.
04:05Et puis, il y a aussi une deuxième manière, c'est comment nous faisons évoluer les modèles financiers des associations et des entreprises de l'économie sociale et solidaire.
04:16Comment nous arrivons à faire émerger à la fois des entreprises qui ont un fonctionnement lié à l'économie de marché classique,
04:27mais qui, dans leur activité, introduisent la notion d'utilité sociale, d'intérêt général, de lucrativité limitée.
04:36Et ça, c'est aussi, on le voit très bien, la France s'engage, c'est comment vous créez aussi des activités lucratives pour financer votre activité d'intérêt général.
04:47Et donc, nous accompagnons une économie en mutation, une sorte de zone grise de notre économie, qui est l'économie sociale et solidaire,
04:57et qui est à la fois, qui se tient un peu à distance entre un paradigme marxiste collectiviste, un paradigme néolibéral,
05:09et qui a une forme capitaliste, mais guidée par l'intérêt général et par l'utilité sociale.
05:18Je n'ai pas peur de la lucrativité, mais je la dédie à l'intérêt général.
05:24La France s'engage qui fête ses 10 ans, vous avez prévu quoi pour cet anniversaire ?
05:28Nous avons prévu de faire ce que nous faisons depuis 10 ans, à savoir valoriser, aider, accompagner les lauréats de la France s'engage.
05:38Et donc concrètement, ça va prendre une forme un peu particulière.
05:41Cette année, nous sommes en train de consulter tous nos lauréats depuis 10 ans,
05:48à la fois pour dresser le bilan des 10 ans, de dresser ce qu'on appelle le rapport d'impact, ou plutôt le récit d'impact 2014-2024,
05:57et puis surtout, de leur donner la voie pour imaginer le futur.
06:03Quels sont les grands défis de l'innovation sociale ?
06:06Et au-delà des experts, qui de mieux que ces lauréats qui sont à la fois des entrepreneurs, des faiseurs, des acteurs de terrain,
06:14pour imaginer les grands défis de demain et les solutions de demain ?
06:18Et c'est la raison pour laquelle, à l'issue de ce processus et de dialogue entre les lauréats d'intelligence collective,
06:24nous rendrons public un livre blanc de l'innovation sociale 2024-2034.
06:30Avec des propositions pour que les principes de l'innovation sociale, ou peut-être les bonnes pratiques, ce qui marche, se diffusent le plus largement ?
06:38Les deux, à la fois les bonnes pratiques, les bonnes solutions, celles qui ont été éprouvées et qui pourraient encore plus changer d'échelle,
06:47et puis aussi les modèles d'action, l'évolution des modèles financiers, l'action des pouvoirs publics pour favoriser ces solutions sociales.
06:57Alors vous parlez, on parle depuis tout à l'heure de ces lauréats, 233 lauréats accompagnés ou en cours d'accompagnement.
07:01C'est quoi ? C'est un label la France s'engage en quelque sorte ?
07:04C'est à la fois un label, parce que ces lauréats ont été sélectionnés à l'issue d'un processus assez rigoureux,
07:11et évalués selon trois critères, l'impact social de votre projet, son innovation et sa capacité à changer d'échelle.
07:22Et à l'issue de cette sélection, vous avez en moyenne chaque année entre 300 et 500 candidatures.
07:29Une douzaine, quinzaine de lauréats sont retenus chaque année, qui bénéficient d'un label, la France s'engage,
07:35d'un soutien financier dans le temps long, non fléché, qui va directement au fonctionnement du projet, et ça c'est essentiel.
07:43Et puis un accompagnement en expertise, en service, qui répondent aux enjeux du changement d'échelle,
07:52et auxquels n'ont pas souvent accès pour des raisons de réseau ou pour des raisons financières, ces entrepreneurs sociaux.
07:58Exemple, un accompagnement juridique, un accompagnement stratégique, un accompagnement en ressources humaines,
08:06que nous allons chercher auprès de nos entreprises partenaires, qui vont les mettre à disposition des lauréats.
08:12Il y a des mécènes autour de la France s'engage, on peut en citer deux qui sont assez emblématiques, Total Energy, BNP Paribas, il y en a d'autres.
08:22Mais ce sont Total Energy, BNP Paribas, Andros et Artemis, qui sont les mécènes fondateurs de la France s'engage depuis 2017.
08:30Mais depuis la coalition d'entreprises, c'est largement élargi. Engie, Capgemini, Malakoff Humanis, La Poste, le Crédit Mutuel,
08:40sont venus rejoindre la France s'engage. Et ce sont des mécènes, ce sont des partenaires mécènes qui participent à toutes les missions sociales de la fondation
08:50et pas uniquement au financement des lauréats. Ils participent à la sélection des lauréats par la mobilisation de leurs collaborateurs.
08:57C'est-à-dire, il y a du mécénat de compétences ?
08:58Il y a du mécénat de compétences, à la fois sur la sélection des projets. Cette année, 650 examinateurs mobilisés pour évaluer les 400 dossiers.
09:08350 sont issus des entreprises partenaires à Paris, à Porte-les-Valences, à Toulouse ou à La Réunion.
09:15Et puis, deuxième engagement, c'est le mécénat de compétences sur l'accompagnement pendant 300,
09:20où nous allons pouvoir aller chercher les compétences de ces entreprises-là pour améliorer l'activité des lauréats.
09:27Si on regarde la France s'engage, un bilan 2023, c'est 2000 heures de mécénat de compétences, 200 heures de formation collective
09:34et 3 millions investis dans l'accompagnement et le soutien financier direct.
09:39Je voudrais qu'on fasse un focus, justement, sur cette question du financement, de... Je vais simplifier, de l'économie sociale et solidaire.
09:47On parlait il y a quelques jours...
09:48C'est dur de simplifier l'économie sociale et solidaire, mais allons-y.
09:50Oui, parce que c'est des structures qui sont très, très différentes les unes des autres.
09:54Ça va du crédit mutuel ou de la maïf. Ce sont des géants à des petites associations.
09:59Bref, on parlait il y a quelques jours de l'opération Milliard qui a été lancée par Bastien Civil, le fondateur de Mobicop.
10:06Il veut lever 1 milliard d'euros aux prêts particuliers, auprès de l'institution financière, justement,
10:10ou de la BPI pour financer l'économie sociale et solidaire.
10:13Ça rejoint ce que vous faites ? Vous serez partenaire ? Vous êtes en train de discuter avec lui ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
10:21La France engage est justement un tiers de confiance entre l'économie dite classique, conventionnelle, et l'économie sociale et solidaire.
10:30Et ce que nous faisons à la France engage, c'est de réunir les moyens, les compétences et l'envie d'engagement de l'économie classique
10:37pour la transformation positive de l'économie sociale et solidaire.
10:40Et donc ce que vous dites, c'est le projet de la France engage.
10:45C'est de relier des mondes qui n'ont pas forcément l'habitude de travailler ensemble,
10:50mais qui, aujourd'hui, devant les responsabilités sociales et environtales, ont besoin de travailler ensemble.
10:57Et ces acteurs ont besoin de tiers de confiance.
11:00Oui, et ont besoin de financement aussi, parce que là, on est au cœur de la question.
11:04C'est-à-dire que ce sont des associations, des entreprises qui oeuvrent pour l'intérêt général,
11:08mais qui ont des difficultés pour se financer, qui ne rentrent pas dans les codes du capitalisme.
11:14C'est ce qu'on disait tout à l'heure.
11:16Donc est-ce que ça veut dire qu'elles ont forcément besoin d'une fondation comme la France engage ou de mécènes, en quelque sorte ?
11:23Vous voyez ce que je veux dire ?
11:25Tout va dépendre d'abord de votre modèle économique.
11:29Il y a des activités.
11:31Prenons des structures qui s'occupent de la protection de l'enfance.
11:38Il n'y aura jamais d'activité rentable sur la protection de l'enfance.
11:43Là, vous aurez un modèle associatif, où vous aurez besoin à la fois de subventions publiques,
11:48parce que vous remplirez des missions de services publics, et du don, du mécénat.
11:53Mais vous avez d'autres activités qui peuvent tout à la fois avoir une activité d'intérêt général non lucrative et d'activité lucrative.
12:05Et donc là, ces structures vont avoir besoin à la fois de dons de la généralité publique et celles des entreprises,
12:12mais elles auront aussi besoin d'actifs, d'actionnaires et de prêteurs.
12:20Et là, on est dans un jeu beaucoup plus classique.
12:23Et ce qui du coup est important, c'est justement d'avoir des structures qui peuvent traduire ces demandes-là,
12:32et qui sont là aussi pour acculturer le monde conventionnel et le monde de l'économie sociale et solidaire.
12:39Et c'est ce que nous faisons. Le financement de la France engage, c'est 5 millions d'euros chaque année.
12:445 millions d'euros qui sont assurés par les entreprises mécènes dont je vous ai parlé,
12:50et qui servent au financement des associations et de ces structures en changement d'échelle.
12:55Mais ça veut dire que vous prenez la place de mission de service public ?
13:01Vous voyez ce que je veux dire ? C'est-à-dire qu'on pourrait considérer que ces associations font le travail que l'État devrait faire ?
13:08Elles sont là où il y a aussi un besoin d'engagement et que l'intérêt général, ce n'est pas uniquement le monopole de l'État.
13:21L'intérêt général concerne tous les citoyens. Et qu'il y a heureusement des citoyens qui, en plus d'être des électeurs,
13:31décident de s'engager bénévolement ou même de créer une entreprise pour aider à l'intérêt général.
13:38Et nous, nous sommes là pourquoi ? Nous sommes là pour aider ces structures-là.
13:42Et donc tout l'enjeu, ce n'est pas de se dire qu'il n'y a pas de monopole de l'intérêt général.
13:46C'est de se dire que tous ceux qui, à un moment donné, entreprennent dans l'intérêt général doivent pouvoir se parler et travailler ensemble.
13:53Et c'est ça la France s'engage.
13:54Et alors ça passe aussi par ce nouveau programme que vous avez lancé intitulé la fonction publique s'engage.
14:00C'est quoi ? C'est une sorte de mentorat ? Expliquez-nous, expliquez-moi.
14:03C'est un espace de dialogue entre les dirigeants de l'économie sociale et solidaire, lauréats de la France s'engage,
14:09et les hauts fonctionnaires de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière.
14:15Et c'est l'organisation d'un dialogue entre ces personnes-là pour assurer le développement des projets d'innovation sociale.
14:24Et c'est autant les hauts fonctionnaires qui vont pouvoir aider par leur connaissance réglementaire,
14:29par leur connaissance de l'État, par leur connaissance du fonctionnement des services publics,
14:33qui vont pouvoir aider les dirigeants de l'économie sociale et solidaire.
14:36À lever des freins, à structurer avec le fonctionnement de l'État.
14:40À comprendre quelles sont les bonnes portes, est-ce que là j'ai un frein réglementaire, est-ce que c'est un frein législatif,
14:44est-ce qu'ils peuvent être levés, oui, non, comment je peux éventuellement trouver des bons interlocuteurs.
14:49Et puis parallèlement, pour les hauts fonctionnaires, c'est aussi une manière de comprendre autrement,
14:55de regarder autrement les bénéficiaires et le terrain.
14:59Donc c'est pas du mentorat, ça marche dans les deux sens.
15:01Ça marche dans les deux sens. Vous savez, moi, je suis à la fois un fonctionnaire et un dirigeant de l'économie sociale et solidaire.
15:07Et je pense que j'ai toujours œuvré pour l'intérêt général.
15:11Et qu'il nous tient à cœur de se dire que c'est un peu des alliés sans le savoir de l'intérêt général.
15:18Et il est bon de créer des espaces pour, une fois encore en plus, améliorer l'efficacité de services d'intérêt général.
15:25Et alors on peut prendre des exemples de structures qui sont sélectionnées dans le cadre de ce programme
15:30intitulé la fonction publique s'engage. Il y a par exemple un lauréat 2023 du label La France s'engage,
15:36il s'appelle Caracol, c'est ça ? C'est quoi Caracol ?
15:38Caracol, c'est comment vous utilisez au mieux ce qu'on appelle le logement intercalaire.
15:44Comment des bureaux, des logements dont on sait qu'ils vont être vides pour une durée courte, 1, 2, 3, 6 ans.
15:54Comment on arrive à utiliser pour l'intérêt général, pour aider notamment ceux qui n'ont pas de logement
16:01ou qui ont un logement très précaire à bénéficier d'un logement qui est un logement tremplin.
16:08Et donc vous imaginez bien que quand vous êtes dans le logement intercalaire,
16:13avec une réglementation dont il faut parfois faire l'exégèse et dont il faut parfois comprendre la traduction concrète,
16:24c'est essentiel pour Caracol de pouvoir compter sur l'expertise de fonctionnaires qui connaissent très bien la réglementation,
16:31qui connaissent très bien le ministère de logement et les acteurs privés et publics du logement
16:35pour pouvoir permettre le développement de l'habitat intercalaire.
16:38On peut prendre d'autres exemples, parce qu'on a été beaucoup dans les principes et c'était important de les poser.
16:43Par exemple, c'est une association qui s'occupe des femmes réfugiées, c'est ça ?
16:49Oui, c'est une association qui est lauréate de l'association Impact Tank,
16:53qui est un partenaire de la fonction publique Sangage et qui est là pour assurer le développement de la maîtrise des outils numériques des femmes.
17:09Un autre exemple aussi, c'est justement Appel.
17:14C'est une application gratuite pour prévenir les violences intrafamiliales.
17:19Cette application gratuite est évidemment bénéfique pour les femmes qui en sont les bénéficiaires,
17:28mais elle est aussi bénéfique pour la police, la gendarmerie, la justice.
17:34Et que typiquement pour Raisonnante, de pouvoir travailler avec la fonction publique,
17:39c'est aussi de pouvoir simplement informer les commissariats, les gendarmeries de l'existence de cette application
17:47et la manière dont aussi les représentants de l'État peuvent l'utiliser.
17:52Autre exemple, c'est une structure que vous connaissez bien pour en avoir été le co-directeur,
17:57qui s'appelle le choix de l'école lauréat de la France Sangage en 2019, si je ne me trompe.
18:02Déjà on peut présenter le choix de l'école, c'est quoi l'idée ?
18:05Alors l'idée elle est fondamentale, c'est aujourd'hui dans ce pays,
18:10comment vous rendez le métier d'enseignant plus attractif ?
18:14Il n'aura échappé à personne que depuis quelques années, avec une accélération récente,
18:19nous manquons d'enseignants.
18:21Et nous manquons d'enseignants notamment dans les quartiers où on a le plus besoin d'enseignants,
18:25à savoir dans les quartiers populaires.
18:27Et donc le choix de l'école, c'est d'imaginer un programme d'entrée dans le métier d'enseignant
18:33auprès de publics jeunes diplômés et jeunes actifs qui ont besoin de sens,
18:39qui ont besoin d'engagement et qui peuvent trouver dans le métier d'enseignant,
18:43s'ils sont bien accompagnés, s'ils sont bien formés,
18:46une forme à la fois d'engagement professionnel et d'engagement pour l'intérêt général.
18:50Et donc le choix de l'école a créé un programme innovant en termes de ressources humaines
18:55pour permettre à ces jeunes-là d'enseigner et de rester dans l'enseignement.
18:59Comment ça a été reçu par les syndicats d'enseignants ?
19:03J'imagine le discours consiste à dire,
19:05c'est pas des profs, c'est pas des vrais profs, ils sont pas formés, d'où ils sortent, etc.
19:10C'est évidemment mal reçu.
19:12Vous avez eu droit à ça, oui.
19:13Ça a été mal reçu, pas par tous les syndicats, mais ça a été difficilement reçu.
19:19Ça nous ramène à l'innovation sociale.
19:22Ça nous ramène à l'innovation sociale.
19:24Je pensais trouver des alliés naturels auprès des syndicats,
19:30puisque je pense que si moi je me suis engagé, c'est justement pour le métier d'enseignant,
19:34c'est pour sa valorisation.
19:36Alors, par des nouveaux moyens,
19:39qui est celui de comment on assure une formation plus importante pour les enseignants contractuels,
19:45mais qui, au final, notre objectif,
19:48c'était que notamment les enfants des quartiers populaires
19:50puissent avoir des enseignants devant eux tous les jours.
19:54Je vous rappelle que dans l'académie de Créteil, en moyenne,
19:57les enfants ont un an de scolarité en moins,
20:01sur toute leur période de scolarité par rapport au reste de la France.
20:04Et donc, si on fait le bilan, depuis 2019,
20:07il y a eu beaucoup de professeurs ou de diplômés qui ont bifurqué ?
20:13Alors, on est maintenant à plusieurs centaines.
20:15Je n'ai pas les chiffres à jour,
20:17mais lorsque je l'ai quitté, on était déjà à 400 enseignants,
20:21présents dans l'académie de Créteil, de Versailles, de Paris,
20:26ex-Marseille et maintenant Lille et Amiens.
20:29Et puis surtout, à l'origine, le projet était consacré au collège
20:33et aujourd'hui, vous avez des enseignants du choix de l'école
20:35qui interviennent en lycée professionnel et au premier degré.
20:39Donc, on est dans le programme La fonction publique s'engage.
20:42Vous nous l'avez dit, ça marche dans les deux sens.
20:44Donc, j'imagine quoi ?
20:45L'idée, c'est que des hauts fonctionnaires,
20:47sa culture à l'économie sociale et solidaire,
20:50ils la connaissaient mal ou pas ?
20:53Pour certains d'entre eux.
20:55D'abord, très souvent, ils n'ont pas toujours le temps.
20:58Un haut fonctionnaire a une charge de travail considérable
21:02et qu'il est toujours dur de trouver le temps, les moyens
21:08de pouvoir s'informer auprès d'autres structures.
21:13Et puis, il y a aussi cet enjeu de l'innovation.
21:17Vous savez, dans une démocratie, la confiance en la fonction publique
21:22est essentielle pour la cohésion démocratique.
21:25Et ce qui fait aussi la confiance dans la fonction publique
21:28de la part des citoyens, c'est aussi la confiance
21:31que cette fonction publique, elle sait innover,
21:33elle sait s'adapter aux besoins de la population.
21:36Et que donc, il y a aussi un enjeu démocratique dans l'innovation.
21:40L'innovation sociale peut façonner en quelque sorte
21:43l'action de l'État ou les politiques publiques.
21:45Mais l'innovation sociale, elle est là pour inspirer
21:48la fonction publique et les collectivités.
21:50Toutes les innovations sociales ne sont pas nécessairement appelées
21:53à devenir des politiques publiques.
21:55Je prends l'exemple du service civique,
21:57qui a été lancé par l'association lauréate de la France Engage,
22:00Unicité, et qui est devenue une politique publique.
22:03Je pense aussi au mentorat, vous avez reçu ici, j'imagine,
22:07plusieurs lauréats de la France Engage qui portent cette idée du mentorat
22:10et qui est devenue peu à peu une politique publique.
22:13Donc oui, il y a cet enjeu-là de pouvoir inspirer
22:17ce qui a été démontré, qui fonctionne,
22:22et pour lequel le changement d'échelle ne dépend parfois
22:26presque plus que de l'État.
22:28Merci beaucoup Damien Baldin, et à bientôt sur Bsmart.
22:31On passe à notre rubrique Startup tout de suite.
22:40Smart Ideas avec Alice Devesse, bonjour.
22:43Bonjour.
22:44Bienvenue, vous êtes la co-fondatrice de PetiteMu,
22:46vous l'avez créé il y a deux ans avec Anel Marzelière.
22:49PetiteMu, c'est un média qui sensibilise aux handicaps invisibles.
22:53Pourquoi vous l'avez créé ? Racontez-moi.
22:55Alors en fait, je l'ai créé il y a deux ans,
22:58mais j'ai eu l'idée il y a un peu plus de deux ans maintenant,
23:01puisqu'il y a trois ans, on m'a diagnostiqué une sclérose en plaque.
23:04Et en fait, suite à ça, j'étais dans une première phase de déni
23:07où je me suis dit, je continue ma vie normalement,
23:09sauf que très vite, j'ai compris l'impact du handicap
23:11dans ma vie personnelle et professionnelle.
23:13Et à ce moment-là, en cherchant des médias justement
23:15qui pouvaient peut-être sensibiliser sur cette thématique,
23:17je n'en ai trouvé aucun, en tout cas sur le handicap invisible.
23:20Donc je me suis dit, pourquoi pas créer mon propre média
23:22que j'aurais voulu avoir.
23:23De quoi on parle ? Quels sont les handicaps invisibles ?
23:26Alors handicap invisible, c'est vrai que c'est très vaste.
23:28En fait, 80% des handicaps aujourd'hui sont invisibles.
23:31Donc ça peut être par exemple des maladies chroniques
23:33comme l'endométriose, la sclérose en plaque, le diabète,
23:36certains cancers, etc.
23:38On a les troubles d'IS par exemple, les troubles du spectre autistique.
23:42Et puis on peut avoir les troubles visuels et auditifs également,
23:45ainsi que les troubles psychologiques et psychiatriques
23:47qu'on a tendance aussi à stigmatiser.
23:49Donc c'est très vaste.
23:50Ça veut dire qu'il y a combien de Français
23:51qui sont concernés par ces handicaps invisibles ?
23:53C'est 9 millions de personnes aujourd'hui en France.
23:559 millions de personnes en France.
23:57Donc ce n'est pas rien.
23:58Effectivement, créer un média pour ces handicaps invisibles,
24:01c'était une bonne idée.
24:02On y trouve quoi ? Dans Petite Mue, quel contenu ?
24:05Alors on y trouve à la fois des interviews, des podcasts
24:09et surtout aussi de la bande dessinée
24:11qu'Anaëlle Marselière, mon associée, dessine elle-même.
24:14L'objectif de la BD, c'est de sensibiliser de manière plus ludique,
24:17avec plus de légèreté et d'humour sur des sujets des fois
24:20qui peuvent être un peu plus difficiles.
24:22Et l'objectif, c'était vraiment de donner la parole
24:24directement aux personnes concernées,
24:26mais aussi aux aidants aidantes et aux professionnels de santé.
24:29Pourquoi ce nom, Petite Mue ?
24:31Bonne question. En fait, c'est une longue histoire.
24:33Au début, j'avais hésité à faire un compte sur la sclérose en plaques.
24:36Donc j'avais pris le diminutif d'immune,
24:38vu que c'est une maladie auto-immune.
24:41Je voulais ce côté un peu plus léger et dédramatisé.
24:44Et quand j'ai proposé le nom à Anaëlle,
24:46tout de suite, elle m'a dit « Ah, mais c'est la mue
24:48comme la mue d'un serpent, acceptation d'une nouvelle vie, etc. »
24:51Et vu que son interprétation est un peu mieux que la mienne,
24:53on s'est dit que c'était un mix des deux.
24:55Voilà, vous avez dit le nom est trouvé.
24:57Vous faites aussi des interventions d'entreprise.
25:00Dans quel esprit et comment êtes-vous reçue ?
25:04Alors en fait, on a eu l'idée déjà des interventions d'entreprise
25:07puisque pendant un an, on a réalisé à peu près 300 interviews.
25:10Et à chaque fois, la thématique qui revenait tout le temps,
25:12c'était handicap et travail.
25:14Puisque les personnes, quand elles ont un handicap invisible,
25:16peuvent le cacher, en fait.
25:18C'est facile, par peur d'être discriminée,
25:20par peur d'être vue qu'à travers son handicap.
25:22Et on a bien vu aussi qu'il y avait un manque de confiance
25:25auprès des entreprises pour déclarer son handicap.
25:27Sauf que si on ne le déclare pas,
25:29la problématique, c'est qu'on a une stratégie de compensation
25:32toute notre vie et pour le maintien de l'emploi,
25:34c'est plus compliqué à un certain âge.
25:36Donc on s'est dit comment aller plus loin
25:38et là, on a décidé de créer une agence pour intervenir dans les entreprises
25:41et recréer ce climat de confiance et surtout ouvrir le dialogue
25:44pour que les personnes en situation de handicap en parlent.
25:47Mais pour qu'elles en parlent, il faut qu'elles se sentent à l'aise.
25:49Alors ça, ça m'intéresse. Comment ça se passe ?
25:51Parce qu'il y a des gens qui n'avaient pas osé en parler
25:53et parce que vous êtes là, d'un seul coup,
25:55se disent « bon allez, je me lance ».
25:57Ça vous est arrivé, ça ?
25:59Ou après l'intervention, quelque chose change dans l'entreprise ?
26:02En fait, les personnes, pour déjà se déclarer,
26:04on appelle ce qu'on appelle la RQTH,
26:06donc la reconnaissance en tant que qualité de travailleur handicapé.
26:08Et beaucoup de gens ne la déclarent pas.
26:10Et nous, quand on intervient, en moyenne, il y a une à quatre personnes
26:12qui vont déclarer leur RQTH auprès de l'entreprise.
26:15Puisqu'en fait, on explique vraiment, on essaye de voir le handicap
26:18d'une manière différente, de se dire « ok, en situation de handicap,
26:21c'est compliqué au quotidien ».
26:23On est consciente puisqu'on le vit.
26:25Mais quelles solutions, en fait, on trouve ?
26:27Il faut le voir moins négativement qu'on peut avoir
26:29et par exemple, quand on parle des aménagements,
26:31beaucoup de gens vont dire « non, mais en fait, je ne me sens pas forcément
26:33en situation de handicap, je ne me sens pas légitime ».
26:35Et on explique que c'est comme avoir des lunettes.
26:37Pardon. Comme avoir des lunettes.
26:39Ça ne nous rend pas plus bêtes que les autres ou moins performants.
26:42Mais par contre, si on ne les a pas, à la fin de la journée,
26:44on a des difficultés pour lire, pour se concentrer.
26:46Et on est fatigué, on a mal à la tête.
26:48Les aménagements, c'est pareil.
26:50Donc on essaie vraiment de trouver des comparaisons comme ça
26:52pour pousser les gens à se dire « ça ne doit plus être une honte
26:54de parler du handicap ».
26:56Puisqu'on est sur le monde de l'entreprise,
26:58il y a un chômage plus important,
27:00pour les personnes handicapées en général.
27:02C'est vrai aussi pour celles et ceux qui souffrent
27:04d'un handicap invisible ?
27:06Oui, également. En fait, aujourd'hui,
27:08on a deux fois plus de chances d'être au chômage
27:10quand on est en situation de handicap.
27:12Alors quand on a un handicap invisible,
27:14on peut le cacher, sauf qu'après,
27:16l'impact est plus compliqué.
27:18Après, on va dire.
27:20Il n'y a rien à un moment où ça revient en boomerang,
27:22en quelque sorte ?
27:24C'est ça. Parce qu'on ne peut pas le dire, comme moi,
27:26avec ma sclérose en plaques, mais au bout d'un moment,
27:28avec trop de fatigue, mon corps lâche.
27:30Et la plupart des gens qu'on interview ont dû arrêter
27:32de travailler parce que pendant 20 ans, ils l'ont caché
27:34jusqu'au moment où le corps lâche.
27:36Ce n'est pas forcément la meilleure solution, on va dire.
27:38Un dernier mot sur la presse.
27:40C'est un secteur économique qui n'est pas forcément
27:42facile. C'est quoi le modèle économique
27:44de Petite Musée Un Abonnement ?
27:46Comment vous fonctionnez ?
27:48Alors nous, on fonctionne. Soit on fait
27:50des interventions prise de parole, comme des conférences,
27:52des ateliers, des stands de sensibilisation,
27:54des webinaires, mais surtout, en fait,
27:56on fait des planches de BD à destination des entreprises
27:58et des expos BD sur une
28:00trentaine de thèmes, et ça fonctionne
28:02comme ça. Et aujourd'hui, ça nous permet de
28:04financer aussi notre média de l'autre côté.
28:06Super. Merci beaucoup, Alice Devesse, émouvant
28:08à Petite Musée. Voilà, c'est la fin de ce numéro
28:10de Smart Impact. Merci à toutes et à tous
28:12de votre fidélité. Je voudrais remercier
28:14Cyriel Chazal à la programmation et à
28:16la production, Romain Luc, le réalisateur,
28:18Alexis Oustabassidis au son.
28:20Salut !
28:28Sous-titrage ST' 501