Lundi 30 juin 2025, retrouvez Karine Viel (Directrice Développement durable, Galeries Lafayette), Pauline Guillaume (Responsable RSE en charge de l'économie circulaire, Carrefour), Nathalie Boyer (Déléguée générale, ORÉE (Organisation pour le Renouveau de l'Économie par l'Environnement)) et Pierre-Emmanuel Saint-Esprit (Directeur économie circulaire, Manutan) dans SOMMET DE LA TRANSFORMATION DURABLE, une émission présentée par Fabrice Cousté.
02:19Quand on parle d'économie circulaire, on ne doit pas parler que de fin de vie, de
02:23recyclage, mais bien d'avoir une vision systémique avec les nouveaux modèles économiques,
02:27éco-conception, écologie industrielle et territoriale, évidemment le sujet de l'usage
02:34avec l'économie de fonctionnalité.
02:36Et avec l'extension qu'on va voir par les exemples sur les nouveaux emplois qui sont
02:41en fait des emplois séculaires, c'est-à-dire le réemploi et la réparation qu'on doit
02:45réinventer parce qu'ils ne sont pas stables économiquement.
02:47Alors on va faire un peu plus vite sur les autres parce qu'il en reste cinq.
02:50Il en reste quatre, c'est santé, bien-être, compétitivité, coopération et attractivité
02:58des territoires.
02:58Voilà et on va laisser justement nos amis décrire ces valeurs et comment elles sont
03:03illustrées.
03:04On commence avec vous Pierre-Emmanuel, groupe Manuton, quelle est la valeur qui vous inspire ?
03:11Alors on va parler de coopération sociale.
03:13Le groupe Manuton a lancé un centre de reconditionnement de nos billets de bureau et on s'est demandé
03:16comment on peut faire de l'écologie bien évidemment avec le reconditionnement.
03:19Mais aussi sans oublier toute la partie impact social.
03:22Très concrètement, on a choisi un quartier prioritaire de politique de la ville pour
03:26lancer cette activité.
03:28On a ensuite accueilli un chantier d'insertion professionnelle pour toute la partie réparation
03:33et reconditionnement.
03:34Donc des personnes en insertion qui vont être accompagnées vers l'emploi à travers
03:38ces beaux métiers de la réparation.
03:39Et puis on a fait un partenariat avec une ressourcerie locale auquel nous donnons énormément
03:43de produits que nous reconditionnons mais que nous n'allons finalement pas vendre pour des
03:46raisons de choix de distributeurs.
03:48Cette ressourcerie va vendre ses produits pour soutenir ses actions.
03:51Et nous faisons aussi des dons de nos invendus au mouvement MAUS à peu près 1 million
03:54d'euros par an.
03:55Voilà comment on peut faire effectivement via l'économie circulaire, de l'écologie
03:58et du social en même temps.
03:59Et on a voulu vraiment placer ça au cœur du modèle circulaire de Manuton.
04:04Merci pour cet exemple.
04:05Pauline Guillaume, chez Carrefour, quelle est la valeur que vous pouvez nous illustrer ?
04:10Alors chez Carrefour, on peut vous parler plus spécifiquement du réemploi.
04:13Donc le réemploi des emballages ou le retour de la consigne.
04:16Concrètement, c'est faire en sorte qu'un emballage, au lieu d'être jeté ou d'avoir
04:20une fin de vie directe, on permet qu'il soit collecté, trié, lavé et qu'il ait une
04:24seconde vie.
04:25Alors pour vous donner un exemple, chez Carrefour, il y a une trentaine de références consignées
04:29que vous pouvez acheter.
04:30D'accord.
04:30L'objectif, c'est de faire en sorte qu'elles aient cette seconde vie et une bouteille,
04:34elle peut être utilisée jusqu'à 25 fois.
04:36Ça veut dire que les clients sont encouragés à ramener leur bouteille, par exemple ?
04:39Exactement.
04:40Donc concrètement, j'achète ma bouteille, je paye 20, 50 centimes en plus, c'est
04:45cette consigne, et je la récupère quand je rapporte l'emballage en magasin.
04:49Et ça, c'est très vertueux.
04:50D'une part, d'un point de vue environnemental, évidemment, ça permet de réduire les émissions
04:55liées à la production d'un nouvel emballage, l'énergie ou l'eau qui y sont attribuées.
04:59Mais c'est aussi très intéressant d'un point de vue local et coopératif, parce
05:04que ça permet aussi de créer des emplois, de faire fonctionner cette boucle des réemplois.
05:08Typiquement, tous les laveurs, tous les collecteurs qui vont être mobilisés dans ces opérations.
05:13Bien sûr.
05:14Et c'est déjà déployé ? C'est déjà en fonctionnement ?
05:17C'est en fonctionnement chez Carrefour.
05:18Depuis 5-6 ans, dans environ 350 magasins, vous pouvez trouver un grand assortiment de références,
05:24majoritairement des produits liquides.
05:26Il faut qu'on arrive à travailler un peu plus pour avoir des compotes, des pâtes à tartiner, etc.
05:31C'est ce que les clients nous demandent.
05:33Voilà.
05:33Très bien.
05:34Merci pour cet exemple.
05:35Enfin, Karine Vielle, Galerie Lafayette, sur quel axe vous travaillez prioritairement ?
05:40Alors moi, je peux vous illustrer avec nos initiatives des Galeries Lafayette, tout ce qu'on fait en matière de nouveaux modèles économiques.
05:46Oui.
05:46À la fois à travers l'éco-conception des produits, à travers la seconde main et à travers la réparation.
05:51En matière d'éco-conception, on a mis en place une sélection de produits plus responsables depuis 2018 qui s'appelle Go4Good,
05:58qui vise à valoriser les produits qui ont une caractéristique mieux disant d'un point de vue environnemental, social.
06:03Donc ça peut être parce que c'est des produits en matériaux bio, recyclés, made in France, etc.
06:08Et donc on pousse de plus en plus l'usage de matières recyclées.
06:11Ça peut être du coton recyclé, du cachemire recyclé, du polyester recyclé dans les produits de mode.
06:18Aujourd'hui, tous ces produits avec des matières recyclées, ça représente 30% de toute notre sélection Go4Good,
06:24donc de produits plus responsables qui sont proposés dans nos magasins.
06:26Et donc ça prend de l'ampleur d'année en année.
06:28Donc ça c'est le premier exemple, on reste sur des produits de première main mais qui intègrent des matières recyclées.
06:34Ensuite on essaye, on vend depuis 2021 dans un espace que je vous invite à visiter qui s'appelle le ReStore dans notre magasin de Haussmann.
06:42C'est 500 m² de produits de mode de seconde main.
06:45Ça va du moyenne gamme aux produits de luxe, ça va de gamme de produits qui n'ont pas de marque connue,
06:52à des produits avec des marques connues que vous pouvez acheter en première main mais également en seconde main et moins cher.
06:57La seconde main qui cartonne notamment auprès des jeunes en temps de difficultés économiques.
07:03Exactement.
07:04On peut s'acheter des grandes marques à prix cassé ou très peu cher.
07:08Exactement, alors souvent la première motivation elle est économique en effet.
07:12Et on se rend compte à Haussmann, dans notre magasin d'Haussmann, que ça intéresse les jeunes mais pas qu'eux.
07:16Et les clients français et également internationaux qui cherchent en effet à trouver les robes de la collection de l'année dernière moins chères.
07:23Mais qui cherchent aussi à se consulter des looks assez pointus, assez uniques parce que c'est des pièces uniques que vous pouvez trouver dans ces corners
07:31qui vous permettent de vous différencier si vous êtes très pointu en matière de mode.
07:35Voilà. Et puis par ailleurs on vous propose aussi de réparer notamment par exemple vos baskets dans le cadre de la cordonnerie Véja au quatrième étage de ce même magasin.
07:45Vous pouvez aller confier vos sneakers à réparer.
07:48Vous pouvez les jeter effectivement.
07:50Voilà.
07:50Merci pour ces exemples Nathalie Boyer. On voit à travers cette multiplicité d'exemples que c'est quelque chose qui prend de l'ampleur.
07:57Comment on arrive à décupler cette action de l'économie circulaire ? On sent bien qu'on en a besoin et que finalement ce sont des actions de bon sens.
08:05Oui tout à fait. Ce sont des actions qui existent depuis de nombreuses années qu'on essaie de professionnaliser ou de remettre au goût du jour.
08:12A une époque on réparait les téléviseurs. Je vous rappelle que maintenant il faut réinventer la réparation du matériel électrique et électronique.
08:18On ne sait plus faire d'ailleurs.
08:19Comment on fait ? On ne sait plus faire. Déjà il faut redonner de l'attractivité à ces métiers. On en a parlé pendant la table ronde.
08:25On a du mal à avoir des jeunes qui vont vers ces métiers du remploi ou ces métiers de la réparation. On a beaucoup de départs à la retraite.
08:33Donc il faut redonner des formations, redonner du sens. On ne va pas juste réparer des télés, on va œuvrer pour l'environnement.
08:40Donc ça c'est un vecteur. Le deuxième vecteur, on le connaît tous, c'est la réglementation. On a la chance d'avoir une réglementation française qui est déjà assez prégnante.
08:48Mais on a aussi une réglementation européenne qui revient et qui va nous réinciter en espérant qu'elle ne détruise pas certaines choses que la France fait un peu plus que l'Europe.
08:58Ça ça peut être un des dangers. Et puis après c'est la mobilisation de tous.
09:02Je pense que la sensibilisation grâce aux réseaux engagés, grâce aux citoyens, grâce aux enfants qui vont stimuler leurs parents et tous ces acteurs de l'écosystème économie circulaire qui sont présents et qui bougent.
09:19Et surtout on aimerait bien que le ministère a beaucoup de pouvoir de la transition écologique pour faire bouger les lignes.
09:25Alors c'est vrai qu'en France on adore légiférer sur tout un tas de sujets. On parle même d'inflation normative.
09:30Je voulais votre réaction à Pierre-Emmanuel Sraspris justement sur...
09:33Voilà peut-être à un moment on a l'impression que l'Europe a des normes. La France veut laver des fois plus vert que vert.
09:39Est-ce que c'est pas contre-productif s'il y a un afflux de normes comme ça par rapport à une action que vous faites peut-être naturellement ?
09:45En deux mots, l'action du gouvernement ou de la puissance publique c'est pas juste les normes. On a une super loi, la loi AJEC effectivement qui a des ambitions énormes et maintenant il faut laisser les entreprises justement faire en sorte de pouvoir les atteindre.
09:55Par contre on manque d'incarnation politique. Voilà. Nathalie l'a dit gentiment. C'est un sujet qui n'intéresse pas encore suffisamment les politiques.
10:01Et en France on est un pays politique. C'est quand un politique commence à parler d'un sujet un peu plus tôt premier plan, ça commence à intégrer tout le monde.
10:06Voilà moi j'attends l'inauguration d'un centre de reconditionnement avec un ministre ou une ministre avec un casque sur la tête de chantier pour montrer que ça recrée des emplois.
10:12Peut-être que ça crée un électrochoc. Il faut que ce sujet soit incarné pour devenir un sujet majeur, notamment l'élection présidentielle en 2027.
10:18C'est vrai que la loi AJEC a fait bouger les lignes. Est-ce qu'on peut aller plus loin ? Est-ce que ça suffit ? Est-ce que déjà on a un cadre pour travailler suffisant aujourd'hui ?
10:26La loi AJEC a permis de donner un énorme booster à l'économie circulaire de manière générale. Dans nos magasins, avant un concombre il était entouré de plastique.
10:34Ça c'est quelque chose que vous ne reverrez plus jamais. Ça a permis aussi de fixer des objectifs par exemple sur le vrac.
10:40Donc faire en sorte qu'il y ait une certaine partie de la surface de vente qui soit développée ou en tout cas dédiée au vrac.
10:47Elle a en tout cas le mérite de pousser la grande distribution et d'autres acteurs dans cette direction.
10:53Toutefois, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. On sait qu'il y a certains points qui vont être difficiles aussi à atteindre.
11:00Donc c'est peut-être un moment aussi de concertation avec l'ensemble des acteurs qui peut arriver et qui permet de donner une autre direction.
11:07En tout cas, de donner un petit peu plus de visibilité sur ce qui va se passer.
11:10Galera Lafayette, vous êtes bien sûr en première ligne à l'heure où on critique beaucoup la fast fashion.
11:15C'est l'anti-fast fashion, les grands magasins notamment parisiens avec cette formidable image de marque.
11:20Mais c'est vrai qu'il y a peut-être même des mentalités à réinventer ou en tout cas accompagner dans le changement.
11:25Oui, il faut accompagner ces évolutions des modes de consommation, sensibiliser les clients.
11:29Donc on s'y attelle avec les start-up avec lesquels on travaille sur l'économie circulaire, avec nos partenaires qui sont les rep comme Refashion.
11:37On s'y attelle quand on fait des opérations auprès de nos clients.
11:39L'année dernière, on a fait un gros temps fort qu'on a appelé Nouveau Cool.
11:42On a fait beaucoup d'ateliers de sensibilisation des clients sur ces sujets-là.
11:46Comment faire durer les produits pour longtemps, comment leur donner une seconde vie.
11:50Voilà, donc c'est un travail collectif à faire.
11:52Et c'est vrai que cette loi GEC, elle nous a permis de tous nous mobiliser pour avancer sur ces sujets-là.
11:56On n'a pas fini. Il y a des sujets plus faciles que d'autres à aborder, à résoudre.
12:02Et puis en termes de gouvernance, c'est vrai que la mise en place de ces filières REP, elle nous a fait avancer beaucoup en France.
12:08Et on va être copié par d'autres pays européens pour avoir mis en place toutes ces initiatives.
12:13Mais il faut qu'on craque aussi les enjeux de gouvernance qui se posent aujourd'hui.
12:17Et notamment avec l'arrivée de l'ultra-fast fashion qui change la donne en matière de mode.
12:21Oui, tout à fait. Voilà, cette économie circulaire, on peut dire, de loin de tourner en rond, ça avance et ça progresse.
12:28Et c'est tant mieux.
12:29Merci à nos experts, Karine Vell, Gabriel Lafayette, Pauline Guillaume Carrefour, Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, groupe Manutan et Nathalie Boyer de l'association Auré.