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  • 13/12/2023
Les invités du débat sont Thomas Legrand, éditorialiste à Libération, producteur de l’émission "En quête de politique" et Alain Duhamel, journaliste, éditorialiste et écrivain, auteur de "Le Prince balafré. Emmanuel Macron et les Gaulois (très) réfractaires" (L'Observatoire). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mercredi-13-decembre-2023-6806152

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Transcription
00:00 débats ce matin sur les scénarios de sortie de crise après le camouflet essuyé par le
00:04 gouvernement sur le projet de loi immigration.
00:07 Si le texte va désormais se retrouver en commission mixte par ITER, c'est dans sa
00:12 version durcie par le Sénat, avec toutes les conséquences que ça implique.
00:16 Comment ce nouveau psychodrame politique va-t-il se poursuivre et se terminer ? On en débat
00:22 ce matin avec Alain Duhamel, éditorialiste à BFM TV, auteur du « Prince balafré, Emmanuel
00:29 Macron et les Gaulois très réfractaires » aux éditions de l'Observatoire et avec
00:33 Thomas Legrand, chroniqueur politique à Libération, producteur de « Enquête de politique »
00:39 tous les samedis sur France Inter.
00:41 Bonjour à tous les deux, merci d'être là.
00:43 Avant d'essayer de voir avec vous comment va se terminer ce nouveau psychodrame politique,
00:48 d'abord, qui a perdu lundi dans l'hémicycle vers 18h à votre sens ? Est-ce que c'est
00:53 Gérald Darmanin ? C'est Emmanuel Macron ? C'est le fonctionnement de la Ve République
00:58 quand on n'a pas de majorité absolue ? Qui a perdu ? Alain Duhamel.
01:02 Évidemment, symboliquement c'est Gérald Darmanin, politiquement c'est Emmanuel Macron,
01:09 mais c'est aussi la gauche.
01:10 Je pense que la gauche est la troisième victime de ce vote.
01:14 Parce que finalement, ils vont avoir droit, assez vraisemblablement, à une loi qui sera
01:20 nettement plus dure que celle qui était examinée.
01:23 Et elle aura été nettement plus dure parce qu'ils l'auront bien voulu en votant en
01:29 même temps que le Rassemblement National.
01:30 Thomas Legrand, vous retenez ces trois perdants, Gérald Darmanin, Emmanuel Macron et la gauche
01:35 qui a pourtant fanfaronné en sortant après le vote de la motion de rejet ?
01:40 Ce débat commence mal parce que je crains d'être d'accord pour l'instant avec Alain
01:44 et même je mettrais peut-être même la gauche en premier.
01:46 Il faut s'intéresser à ce que c'est une motion de rejet.
01:52 Personne ne connaissait vraiment ça.
01:54 Il faut s'y pencher.
01:55 C'est une possibilité pour les parlementaires de rejeter, on a compris, un débat, une loi,
02:02 avant qu'elle soit débattue.
02:03 Parce qu'il n'y a pas lieu, on considérerait qu'il n'y a pas lieu de débat sur la question.
02:06 C'est un sujet qui n'est pas important.
02:09 C'est jamais accepté parce que généralement l'opposition est minoritaire et ne peut pas
02:13 la faire accepter.
02:14 Quand l'opposition peut être majoritaire dans le cadre d'une majorité relative, ça
02:21 n'est pas le cas.
02:22 Ça n'est jamais accepté puisque la gauche ne vote jamais avec la droite.
02:24 Il se trouve que là, il y a eu une petite clé qui s'est débloquée.
02:28 C'est-à-dire que maintenant, on sait que quand la gauche propose une motion de renvoi,
02:34 la droite va voter avec.
02:35 Ce qui n'était pas le cas avant.
02:36 Parce que ce n'est pas pareil qu'une motion de censure.
02:38 Il y a un vrai texte et c'est difficile que la gauche et la droite votent dessus
02:42 parce qu'il faut assumer le texte.
02:43 Pourquoi, à votre sens, la gauche a perdu ?
02:45 La gauche a perdu.
02:46 Il faudra revenir sur cette notion de motion de renvoi qui peut devenir une clé de blocage
02:52 complètement.
02:53 Le débat est sur la suite.
02:54 Pourquoi la gauche a perdu ?
02:55 Parce que contrairement à ce qu'elle dit maintenant, soit il n'y a pas de texte,
03:00 ce qui est le mieux pour elle, et moi je trouve que ça serait bien aussi, soit le texte sera
03:03 durci et peut-être plus que le texte s'il est sorti du Sénat.
03:07 Hier, Emmanuel Macron a dénoncé en Conseil des ministres le cynisme et le jeu du pire
03:11 des oppositions.
03:13 Il a ciblé notamment les partis de gouvernement que sont les socialistes et les LR.
03:19 C'est de bonne guerre mais n'est-ce pas un peu court comme explication Alain Duhamel ?
03:24 Evidemment.
03:25 Moi je voudrais rajouter un quatrième perdant dans cette affaire parce que ce qui est assez
03:31 étonnant c'est que cette loi ait fait l'objet de cette motion alors même qu'à l'opposé
03:41 de la réforme des retraites, elle était populaire chez les Français.
03:45 Et ce qui est encore plus rare que quand dans des sondages, pour une fois, à peu près
03:50 bien tournés, quand on expliquait dans le détail, mesure après mesure, y compris d'ailleurs
03:59 la régularisation des sans-propriété, les Français étaient nettement pour.
04:04 Autrement dit, c'est une loi qui est repoussée alors qu'elle est populaire, alors qu'au
04:08 moment des retraites c'est une loi qui était impopulaire et qui finalement s'applique.
04:14 Ça c'est aussi un dérèglement lié, parce que je reviens à votre question, c'est
04:19 un dérèglement qui, évidemment, est dur à discuter.
04:23 Si vous prenez chaque élément de la loi, quasiment tous les éléments de la loi sont
04:29 tout à fait applicables sans loi.
04:31 C'est-à-dire que ce que voulait le gouvernement, il ne s'était pas réglé le problème,
04:35 il voulait peut-être régler le problème, il aurait pu sans la loi.
04:37 Il voulait un débat sur l'immigration.
04:38 Et en ce moment, un débat sur l'immigration avec tout l'écosystème médiatique que
04:42 vous connaissez, tout l'écosystème politique que vous connaissez, c'était dangereux.
04:46 Moi je trouve ça très bien que cette loi n'ait pas lieu.
04:49 Je ne suis pas sûr qu'elle ne soit pas votée d'ailleurs.
04:51 Donc ça c'est la faute de la gauche.
04:53 Mais je trouve ça plutôt pas mal, si jamais ça n'aboutit pas, parce que les vraies
04:58 questions, là, ce n'est pas ça.
04:59 Les vraies questions, on le voit bien, elles sont d'ordre économique et social.
05:03 L'environnement…
05:04 Vous laissez passer ça Alain Duhamel, les vraies questions ce n'est pas l'immigration.
05:07 On pouvait régler tout ça sur une loi.
05:09 Moi j'écoute toujours religieusement, mais je ne pense pas moi.
05:13 Et en l'occurrence le contraire.
05:15 Voilà, alors quand Thomas Legrand dit les vrais problèmes, ce n'est pas l'immigration.
05:19 Non, ce que vous dites sur les vrais problèmes, ce n'est pas l'immigration aujourd'hui.
05:22 Alors d'abord, un, je ne suis pas du tout d'accord sur le fait que chacune des mesures
05:25 comprises dans cette loi auraient pu être appliquées par la voie réglementaire.
05:29 Je n'en suis pas du tout sûr.
05:31 On ne va pas revenir sur « chacune » parce qu'on pourrait, mais…
05:33 Mais je n'en suis pas du tout sûr.
05:35 Deuxièmement, si les parlementaires et si les gouvernements renoncent à faire des lois,
05:41 je veux dire, ça pose quand même un problème sur la vocation des parlements.
05:45 Parce que si d'un côté l'extrême droite demande en permanence des référendums,
05:49 d'un autre côté si on dit là, ça pourrait être du domaine réglementaire et pas législatif,
05:54 je veux dire, il ne faut pas se plaindre à ce moment-là de l'effacement…
05:56 Vous savez bien Alain, vous l'avez déjà dénoncé, que les lois deviennent plus des
06:00 affichages politiques, des effets d'annonce, qu'une méthode de fabrication de la norme.
06:04 En l'occurrence…
06:05 Les lois sont détournées.
06:06 D'ailleurs le moment le plus important d'une loi, c'est le moment où elle est annoncée,
06:09 non pas le moment où elle est votée.
06:10 Non, non, non, non, non…
06:11 Et on sait, je finis juste, et on sait que 50% des…
06:15 Au bout d'un an après une loi, 50% des décrets d'application ne sont jamais appliqués.
06:19 On en est à la 22ème loi, je crois, sur…
06:21 Sur l'immigration.
06:22 Sur l'immigration.
06:23 Alain Duhamel.
06:24 On peut faire de l'affichage en permanence, on peut aussi régler les problèmes par décret
06:28 et puis faire de la publicité pour ces décrets si on veut.
06:30 Oui, alors la publicité sur les décrets, en règle générale, ça ne remporte pas
06:35 un triomphe médiatique.
06:37 Ça franchement, proposer à une conférence de rédaction du matin, tiens on va faire
06:42 des sujets sur les décrets d'application, je ne suis pas sûr que vous aurez une voix
06:46 sur moi.
06:47 Franchement, je réponds sur le fond, je réponds, je réponds sur le fond.
06:51 C'est l'affichage politique qui peut régler les problèmes.
06:53 C'est étonnant pour un centriste comme vous.
06:54 Écoutez, laissez-moi d'abord exprimer moi-même ce que je pense au lieu de le faire à ma place.
07:00 Tout en plus que vous ne le faites pas forcément avec équité.
07:04 Bon, en l'occurrence, les Français ont un problème avec l'immigration.
07:12 Bon, on a décidé…
07:14 C'est intéressant, vous n'avez pas dit il y a un problème d'immigration, vous avez
07:17 dit les Français ont un problème avec l'immigration.
07:19 Je vous remercie de me compléter.
07:20 Je n'ai pas toujours le même sentiment que la majorité des Français.
07:26 Effectivement, y compris sur les questions d'immigration.
07:28 C'est pour ça que je vous soutiens.
07:30 Donc les Français ont un problème avec l'immigration.
07:33 Et les Français, pour une fois, étaient d'accord avec une loi qui se voulait importante.
07:40 Ambitieuse, on peut en discuter, mais importante.
07:42 Bon, moi je souhaite, je pense, et je trouve que c'est la démocratie, que cette loi voit
07:48 toujours, si les parlementaires ne se mettent pas d'accord dans leur commission, et bien
07:52 à ce moment-là, tant pis, il n'y en aura pas.
07:54 S'il n'y en a pas, pour le coup, c'est pour Emmanuel Macron, une autre défense.
07:59 Alors, d'où la question, comment peut-il reprendre la main ? Emmanuel Macron a l'impression
08:04 que tous les outils qu'il a à sa disposition sont émoussés, l'adresse aux Français,
08:09 la convention citoyenne, les rencontres de Saint-Denis, ce sont des tentatives louables,
08:15 mais qui n'ont pas imprimé.
08:17 Vous voyez quoi dans sa manche, Thomas Legrand ?
08:19 C'est compliqué parce que, en fait, à partir de la dernière élection présidentielle,
08:25 finalement, c'est François Bayrou qui avait raison.
08:28 Quand on n'a pas de majorité absolue, il faut faire des coalitions.
08:31 Une coalition, ce n'est pas un gros mot, on ne connaît pas ça en France.
08:35 Oui, il a essayé, elle ne la revoulait pas.
08:37 Oui, mais, non, je vais, alors, vous savez quoi ?
08:42 Elle ne le voulait pas ?
08:43 Oui, elle ne le voulait pas, mais il faut qu'il y ait les conditions.
08:46 Moi, je ne suis pas spécialement favorable à une coalition LR-Macroniste.
08:51 Ce n'est pas ce qui s'approche pas par rapport à ce que je pense.
08:54 Mais c'est vrai qu'a postériori, on peut se demander si ce n'était pas une erreur politique,
08:59 je parle de stratégie et de politique, de ne pas nommer Catherine Vautrin,
09:04 qui était LR, parce que là, ça aurait fait une coalition cohérente.
09:09 Alain Duhamel !
09:11 La nostalgie de Catherine Vautrin, c'est intéressant.
09:14 Je ne suis pas du tout nostalgique.
09:16 Surtout que c'était une question que je posais au futur.
09:19 Aujourd'hui, vous êtes un peu plus original.
09:22 Thomas Legrand est nostalgique de Catherine Vautrin.
09:24 Je voudrais répondre sur le fond.
09:26 Je voudrais répondre sur le fond, c'est-à-dire sur...
09:28 Je parle de cohérence, je ne parle pas de ce que je pense.
09:30 Est-ce qu'il fallait faire une coalition ?
09:33 Bon, la seule coalition qui était ouverte, enfin, ouverte, je veux dire théoriquement imaginable,
09:39 c'était entre LR et Renaissance.
09:43 LR et Macron, disons les choses comme elles sont.
09:45 Il se trouve que la majorité des participants de Renaissance,
09:52 et a fortiori François Bayrou, redoutait que ce deuxième mandat présidentiel
09:59 soit un mandat plus à droite que le premier.
10:01 Ils le redoutaient.
10:02 Oui d'ailleurs, François Bayrou a poussé pour que ce soit Elisabeth Borne.
10:05 Voilà. Dans ces conditions, pourquoi diable
10:08 est-ce que ce serait fait une coalition avec les Républicains
10:11 qui eux sont de plus en plus à droite ?
10:14 C'est qu'on serait complètement parallèle.
10:16 Alain Duhamel, moi je voudrais savoir.
10:17 Non, mais ce n'était pas possible, c'était la seule solution.
10:19 Ma question est la suivante.
10:21 On a connu, vous avez connu d'ailleurs mieux que moi,
10:24 la fin du deuxième mandat de Jacques Chirac, marqué par un immobilisme absolu.
10:29 Est-ce qu'on va vers ça ? Est-ce que les trois années...
10:31 Puisque Emmanuel Macron a exclu...
10:33 Alain a même connu la fin de la quatrième république.
10:35 Je ne... Je suis même né sous la troisième.
10:38 Tu aimes bien les battre avec un im, c'est des verges jeunes.
10:41 Alain Duhamel, on va vers un immobilisme total ?
10:44 L'idée reçue de toute façon depuis le début du deuxième mandat présidentiel,
10:48 c'est de toute façon il ne pourra rien faire puisqu'il est majorité relative.
10:52 Moi, je crois contrairement, je le reconnais à la plupart des observateurs,
10:56 je crois qu'il n'est pas évident que ce quinquennat soit déjà terminé
11:02 et qu'en réalité il reste des possibilités.
11:05 Est-ce qu'ils réussiront ça ? Je n'en ai pas la moindre idée.
11:07 Mais je suis persuadé qu'il va y avoir en janvier.
11:10 D'ailleurs, Emmanuel Macron l'avait dit à nos confrères du monde.
11:14 Je pense qu'il va y avoir en janvier...
11:16 Le moment est venu d'un rendez-vous avec la nation.
11:18 Voilà !
11:19 Il dit au Panthéon, il souhaite envoyer un message d'unité,
11:22 il évoque la nécessité de rappeler la France à elle-même,
11:25 à ce qu'elle est et à ce qui nous constitue.
11:28 Expliquez-nous ce que ça veut dire.
11:30 Je pense que ça veut dire deux choses.
11:32 Ce ne sera pas le cas.
11:33 Je pense que ça veut dire deux choses.
11:35 La première, c'est qu'effectivement, Emmanuel Macron a bien été obligé
11:40 de constater, et à l'occasion des retraites, et à l'occasion des émeutes de juin-juillet,
11:45 que la France était plus divisée et plus incertaine d'elle-même que jamais.
11:49 Et donc c'est son rôle, c'est le rôle de tout président, pas simplement lui.
11:52 Et vous attendez vraiment quelque chose du mois de janvier ?
11:55 Et donc, s'il y a une prise d'opposition solennelle, etc.,
11:59 vous savez, c'est la tradition au mois de janvier,
12:02 c'est imaginable, mais ce n'est pas à ça que je pensais.
12:05 Moi, je pense, à tort ou à raison, qu'il prépare une série de nouvelles réformes,
12:11 notamment en matière économique et à propos de l'écologie,
12:15 et qu'il y aura un paquet de réformes qui sont censées être l'objectif
12:20 et le menu de la fin du quinquennat.
12:22 Il va essayer de les présenter.
12:24 Est-ce que ça peut marcher ? Je n'en sais rien.
12:27 Là encore, il faut qu'il y ait des majorités pour les soutenir.
12:30 Je pense qu'il va y avoir, je ne dis pas ce succès, je dis cette tentative.
12:35 Ça serait intéressant que ça soit sur ces thèmes-là, effectivement.
12:38 Moi, je crains que la motion de rejet soit un précédent.
12:41 Ça peut marcher sur toutes les lois, maintenant qu'on sait que la droite...
12:45 Ils peuvent y prendre goût.
12:47 Les oppositions.
12:48 Et ça serait grave parce que c'est une sorte de motion de censure irresponsable,
12:51 sans risque de dissolution.
12:54 Et donc, c'est une arme...
12:56 Il peut tenir trois ans et demi sans dissoudre ?
12:58 Alors, moi...
13:00 Je pense que la question de la dissolution ne cessera de se poser.
13:04 Que ça sera une arme ultime.
13:07 De toute façon, la dissolution, il y a une circonstance dans laquelle on n'y coupe pas.
13:11 Si il se trouve qu'il y a à un moment un clivage social fort,
13:17 comme on en a connu à propos des retraites,
13:19 et avec un pouvoir qui est affaibli quand le pouvoir est affaibli.
13:23 Et si vraiment il y a une opposition de fracture chez les français,
13:26 la solution démocratique à ce moment-là, c'est la dissolution.
13:29 Évidemment, s'il peut l'éviter, il l'évitera.
13:31 Merci à tous les deux, et rendez-vous en janvier.
13:34 Merci Alain Duhamel, Thomas Legrand.

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