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00:00Alors Jules Thorez, journaliste politique au JDD.
00:02Bonsoir Stéphanie, très heureux de vous retrouver.
00:04Oui, ça fait longtemps, dites donc.
00:06Mais presque manqué.
00:07Presque aussi, presque.
00:09Victor Hérault, journaliste politique à Valeurs Actuelles.
00:12Bonsoir Stéphanie.
00:12Bonsoir Victor Hérault.
00:14On va parler du narcotrafic et cette question,
00:17est-ce qu'il est en train de faire sombrer la France
00:20dans une spirale de violence incontrôlable ?
00:22On peut clairement se poser la question,
00:24à en croire les scènes de guérilla,
00:27jusque-là désormais,
00:28qui épargnaient plutôt les villes moyennes,
00:32autrefois paisibles, Béziers, Limoges, Nîmes, Vendôme par exemple.
00:36Le week-end a été marqué par une flambée de violence
00:39sur fond de trafic de drogue.
00:41Mon invité politique est aussi Étienne Blanc,
00:44sénateur LR du Rhône et co-auteur de la proposition de loi
00:48sur le narcotrafic qui vient d'être promulguée.
00:51Bonsoir Étienne Blanc.
00:52Bonsoir madame.
00:54Alors dans votre rapport en 2024,
00:56vous indiquez que la France a atteint un point de bascule.
01:01Est-ce que clairement nous sommes dans une situation quasiment hors de contrôle aujourd'hui ?
01:07Je ne veux pas dire que nous soyons hors de contrôle,
01:10mais la situation s'aggrave.
01:12La situation s'aggrave à plusieurs titres.
01:14D'abord, c'est le développement de la violence.
01:18C'est la violence entre les gangs, c'est la violence des narcotrafiquants,
01:21mais aussi c'est une violence de rue qui est organisée par les narcotrafiquants.
01:27Le deuxième élément qui laisse entendre qu'on est en train de basculer,
01:32ce sont les affaires de corruption.
01:34Corruption dans des grèves, des tribunaux de prison,
01:37corruption chez des agents publics,
01:39et le nombre d'affaires de corruption est en train de déborder.
01:44Et troisièmement, le troisième signe,
01:47ce sont ces masses financières colossales.
01:50On a des saisies de crypto-monnaies très importantes,
01:53on a des saisies d'entreprises,
01:54et on voit bien que le narcotrafic produit,
01:57ce qui permet ensuite de corrompre et de développer la violence.
01:59Donc oui, on est dans une situation dangereuse.
02:02Si vous voulez bien, on va prendre justement tous ces thèmes dans l'ordre.
02:05On va rester quelques instants, s'arrêter sur cette ultra-violence.
02:08Vous dites, je ne sais pas si c'était votre mot exact,
02:11elle est organisée, en tout cas,
02:13elle est mise en place d'une certaine manière par les trafiquants.
02:17Est-ce qu'elle est mise en place à dessein, selon vous ?
02:20Bien sûr.
02:21Les trafiquants, pour qu'ils puissent faire prospérer leur business,
02:26il faut que la puissance publique s'évanouisse.
02:28C'est pour ça qu'il y a des narco-États.
02:31Quand vous êtes dans un centre de pays d'Amérique du Sud,
02:33l'État disparaît sous la puissance des narcotrafiquants.
02:38Eh bien, c'est exactement ce qu'ils veulent faire.
02:40Dans certains quartiers de nos villes,
02:42ils développent cette ultra-violence,
02:44ils instrumentalisent les jeunes.
02:46D'abord, ils les recrutent,
02:48ils les recrutent sur Internet,
02:50on les appelle les jobbers,
02:51ils ont ces petits métiers où ils gagnent 150, 200 euros par jour.
02:56Tout ça se développe.
02:57Donc, ces jeunes, ils cherchent évidemment à se soustraire à la puissance publique,
03:01à la police, à la gendarmerie et à la justice.
03:04Donc, tout ça désorganise l'État.
03:06Et c'est évidemment voulu et organisé par les narcotrafiquants.
03:10Alors, on voit, Étienne Blanc,
03:11que ça concerne désormais quasiment tout le pays.
03:14des zones jusque-là épargnées,
03:17des communes plus ou moins moyennes qui sont touchées,
03:21des communes aussi de droite,
03:23qui ne manquent pas toujours pourtant de moyens,
03:26comme à Béziers, je crois qu'il est assez bien doté,
03:29en termes de caméras vidéo-surveillance.
03:31On connaît le maire Robert Ménard.
03:33440 vidéos de surveillance et 130 policiers municipaux.
03:36Si, vous êtes une machine.
03:38Je suis là pour ça.
03:39Voilà.
03:40Donc, ce sont quand même des municipalités qui font le maximum.
03:46Est-ce que ça veut dire quoi ?
03:47Est-ce qu'il faut en tirer une conclusion ?
03:48Ça veut dire justement qu'ils sont dérangés dans ces villes
03:51et qu'ils réagissent, ces narcotrafiquants ?
03:53Bien sûr.
03:55Ils réagissent quand vous installez une caméra.
03:57Ils les détruisent.
03:58Ils tirent dessus avec des armes.
04:01Ils montent le long des réverbères.
04:04Ils les détériorent.
04:06Oui, bien sûr.
04:07Ils sont dérangés.
04:08Mais vous savez,
04:09comment est-ce qu'il faut raisonner, à mon avis,
04:12justement sur ce dossier-là ?
04:14L'essentiel du travail doit être fait par l'État.
04:19Tout ce qui est renseignement,
04:21surveillance des trafils internationaux,
04:23acheminement et surveillance de l'acheminement en France,
04:26de cette drogue,
04:27surveillance des flux financiers, etc.
04:29Ça, c'est le travail de l'État.
04:31Les collectivités territoriales,
04:33elles apportent un plus.
04:35C'est la surveillance de rue.
04:36Et c'est une chose qui est très importante.
04:38C'est l'information et le renseignement.
04:40Parce que quand vous êtes maire,
04:42vous savez tout ce qui se passe dans l'île.
04:44Vous savez les familles qui trafiquent.
04:46Vous savez où ça se passe dans la cité.
04:48Eh bien, ces informations et ces renseignements,
04:51ils doivent remonter vers les services de l'État.
04:53Dans la loi que nous ont fait adopter avec Jérôme Durin,
04:56nous avons prévu un renforcement de ce qu'on appelle les crosses.
05:00Ce sont ces cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants
05:04qui permettent d'échanger des informations
05:07et ainsi à l'État ensuite d'agir et de frapper fort là et quand il le faut.
05:12Mais Étienne Blanc, on le sait,
05:13c'est pas la première fois qu'on en parle de tout ça.
05:16Il y a aussi la question de la coopération internationale avec certains États.
05:22Est-ce qu'il y a une forme quand même d'impuissance de la part de la France
05:25quand on voit que souvent ces grands trafiquants investissent.
05:28Il suffit d'aller se promener à Dubaï ou sur la côte andalouse.
05:31Vous êtes allé, Jules Torres, à Thaïlande, j'ai constaté ça.
05:36Non mais voilà.
05:37Je suis en Guyane déjà.
05:38Trêve de plaisanterie.
05:40C'est vrai qu'il suffit de voir ces villes où gangrènent les trafiquants
05:46et où ils vivent paisiblement sous les cocotiers
05:48avec les moyens de la drogue et du trafic de drogue qui se passe en France.
05:53Bien sûr.
05:55Vous savez, les amis me disaient,
05:57un de leurs fils est allé dans les Émirats, à Dubaï,
06:02il dit dans l'avion,
06:03on estime que sur certains vols,
06:05il y a 50-60% des passagers qui vivent du trafic.
06:08Alors je ne sais pas comment ils ont ces informations,
06:11mais c'est une évidence.
06:12Il suffit de le voir, il suffit de le constater au même titre
06:16que quand on prend l'avion en Guyane et qu'on revient en France,
06:21on dit, et l'administration dit, la police dit, la justice dit,
06:24qu'il y a plus de 50% parfois des passagers
06:28qui transportent de la drogue,
06:29soit par ingestion, soit dans leur bagage.
06:32Donc on est évidemment dans une situation où il faut coopérer.
06:36Alors Guyane, c'est un département français, on y arrive.
06:38Ce qui paraît insensé, c'est qu'on le sait, qu'on est impuissant.
06:41Mais c'est très intéressant ce que dit monsieur...
06:44Je pense que l'échange d'informations au niveau international,
06:49c'est absolument essentiel.
06:50Et là, l'affaiblissement de la France,
06:52vis-à-vis de l'Algérie, il y a quelques mois encore vis-à-vis du Maroc,
06:57mais de manière générale, c'est un pays qui s'affaiblit
07:00dans sa puissance internationale.
07:02Il y a un sujet, par exemple.
07:04Vous savez qu'à une époque, on travaillait de manière très étroite
07:06avec les gouvernements du Mali, du Niger, du Burkina Faso.
07:09Aujourd'hui, nous n'y sommes plus.
07:11Eh bien la drogue qui arrive par le golfe du Niger,
07:16dans l'Afrique de l'Ouest,
07:18aujourd'hui, elle remonte, elle traverse le Sahel
07:20avec une facilité déconcertante.
07:22Et ça, c'est aussi un signe de l'affaiblissement de la France.
07:25Victor Hérault, ils vont se battre, ils ont pas réussi à vous poser la question, Étienne.
07:28Je te laisse.
07:29Nous venons de faire un tour du monde avec vous.
07:31On est passé par Doumaï.
07:32Moi, j'aimerais rentrer en France, dans le sud de la France,
07:34notamment à Marseille, qui est effectivement gangrené par le trafic de drogue.
07:36Et Nîmes, on l'a vu récemment dans l'actualité.
07:38On dit, on sait, on sait, tout le monde sait.
07:40Moi, j'aimerais savoir, parce qu'on ne le dit pas depuis le début,
07:43qui sont ces narcotrafiquants et d'où viennent-ils ?
07:45Alors, ces narcotrafiquants, un grand nombre,
07:49ont des connexions très étroites avec les lieux de production.
07:52Donc, ces narcotrafiquants, ils ont des liens très étroits avec l'Afrique du Nord.
07:56Vous avez dans le Rif, des cultures de cannabis, essentiellement au Maroc,
08:01mais il y en a aussi en Algérie, il y en a aussi en Tunisie.
08:07Les gouvernements luttent contre ces phénomènes de manière très différente,
08:12parfois de manière très, très efficace.
08:14Mais là, évidemment, il y a des connexions.
08:16Et puis, les narcotrafiquants, ils ont aussi des connexions
08:18avec des réseaux d'Amérique du Sud.
08:22Et là, c'est essentiellement pour la cocaïne.
08:24Il y a des productions de feuilles de coca dans des exploitations agricoles.
08:27Il y a de la transformation, il y a des négociations du commerce.
08:29Et on voit des réseaux sud-américains qui mettent un pied en France.
08:34Alors, ils ont des relais.
08:36Et souvent, ils ont des relais avec ceux qui trafiquent le cannabis.
08:42Dans les saisies, on revient tout.
08:44Vous voulez vous interpeller, Étienne Blanc ?
08:46Non, mais si je comprends bien, les narcotrafiquants sont à l'étranger.
08:51La drogue que les narcotrafiquants apportent vient de l'étranger.
08:55On a juste à rétablir des frontières, en réalité,
08:58si on veut taper la question du narcotrafic au cœur.
09:01Alors, c'est évident que le contrôle des frontières est absolument essentiel.
09:05Et aujourd'hui, on voit bien, on a eu, on a connu une diminution de nos forces douanières.
09:11On a connu, du fait de Schengen, la nuit de circulation,
09:14un affaiblissement de la surveillance de nos frontières.
09:18Il faut évidemment rattraper tout ça.
09:19Je dis simplement une chose, c'est que surveiller les kilomètres et kilomètres de côte que nous avons,
09:24c'est très compliqué.
09:25Les narcotrafiquants, aujourd'hui, ils utilisent des systèmes,
09:28on a ce qu'on appelle le drop-off,
09:30c'est-à-dire qu'ils balancent la drogue par-dessus bord à des kilomètres de nos côtes,
09:36ils connaissent la carte des courants,
09:37ils savent où ces ballots s'approchent des côtes françaises,
09:40et ensuite, il y a des bateaux de pêche qui vont chercher ces ballots de drogue.
09:43Il y a aussi des sous-marins, on a vu ça récemment,
09:46des sous-marins qui sont soit accrochés sous des bateaux,
09:49soit aujourd'hui, qui se pilotent automatiquement,
09:52contrôlés par satellite.
09:53Donc, c'est extrêmement difficile de surveiller l'ensemble.
09:56Il faut les deux.
09:57Il faut surveiller les frontières,
09:59il faut des contrôles plus stricts,
10:01et puis il faut aussi avoir un maillage national.
10:05Ça fait des années, c'est ça.
10:07Le il faut...
10:08Alors, Étienne, vous faites votre possible.
10:10Vous avez d'ailleurs produit ce rapport qui a été repris par Gérald Darmanin
10:15pour sa loi, d'ailleurs inspirée notamment sur le modèle italien.
10:18Ah non, non, non, ça n'est pas la loi Darmanin.
10:20Attention, et ça c'est très important de dire aux journalistes,
10:22certaines dispositions.
10:23C'est une loi d'initiative sénatoriale.
10:26Ça n'est pas...
10:26Non, non, je dis certaines mesures.
10:29Non, non, vous n'avez pas entendu, excusez-moi, Étienne.
10:32Votre Gérald Darmanin a repris certaines de vos mesures,
10:35c'est ce que je disais.
10:36Alors, c'est nous qui avons rédigé une proposition de loi,
10:41elle a été votée en première lecture au Sénat,
10:43et puis ensuite elle a suivi le parcours.
10:45Alors évidemment, le gouvernement y a apporté un certain nombre de modifications,
10:48mais elle est bien d'initiative.
10:50Et ça veut dire beaucoup ça, ça veut dire beaucoup.
10:52Ça veut dire que c'est le Parlement qui a fait voter ce texte,
10:56alors même que depuis une trentaine ou une quarantaine d'années,
10:59les gouvernements ont été effaillants.
11:01Moi, je partage entièrement votre analyse.
11:04Pourquoi nous nous sommes pris aussi tardivement ?
11:08Et ça, c'est un véritable sujet.
11:11Je pense que c'est une question sociale.
11:14Ce qu'on a pensé à un moment, finalement, dans les quartiers,
11:17ça a apporté une certaine paix sociale.
11:19Il faut dire les choses comme elles sont.
11:20On n'a pas lutté contre le trafic dans certains quartiers
11:23parce que ça a apporté une certaine tranquillité.
11:26Tant qu'ils font ça, ils ne font pas autre chose.
11:28Est-ce que vous avez le sentiment, Étienne Blanc,
11:29qu'aujourd'hui, les choses vont changer ?
11:33Je pense qu'il y a une véritable prise de conscience.
11:35Vous savez, quand nous étions dans notre travail avec Jérôme Durand,
11:39nous avons reçu des magistrats mexicains
11:43qui venaient du Mexique dans le cadre d'échanges
11:45avec l'École nationale de la magistrature.
11:47Et quand ils sont repartis, ils ont dit la chose suivante.
11:50Vous savez, la France, vous n'êtes pas un narco-État.
11:53Mais attention, il y a un certain nombre de signes
11:56qui laissent entendre que si vous ne faites rien,
11:58demain, vous connaîtrez une situation comme la nôtre.
12:00Et c'est quoi la situation qu'ils connaissent ?
12:02C'est de la corruption ? C'est de la violence ?
12:04Ce sont des hommes politiques assassinés ?
12:06Des maires ? Des parlementaires ?
12:08Ce sont des magistrats sur lesquels on fait pression ?
12:10Ce sont des prisons qu'on envahit
12:12pour faire échapper les prisonniers ?
12:14Mais qu'est-ce qui s'est passé en France ?
12:16Cette prison attaquée ?
12:17Des actes de corruption, on en voit de plus en plus.
12:20La violence de rue, on la voit de plus en plus.
12:22Des règlements de comptes,
12:23avec des meurtres, on en voit de plus en plus.
12:25Donc, quand les Mexicains nous disent ça,
12:28on ferait bien de leur prêter une oreille très attentive.
12:31Merci, Étienne Blanc, d'avoir été avec nous
12:33sur l'antenne d'Europe 1 ce soir.
12:36Restez avec nous dans quelques instants.
12:38On va évoquer cette nouvelle passe d'armes
12:40entre Bruno Retailleau et Jean-Noël Barraud.
12:42Cette énième, peut-être, passe d'armes.
12:45Mais en tout cas, cette fois-ci,
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