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"TURQUIE : TRAFFIC DE REINS" / Près de 3 millions de Syriens se sont réfugiés en Turquie depuis le début de la guerre. La communauté syrienne s'est installée dans les grandes villes du Sud comme Adana, Gaziantep ou Hatay mais aussi à Istanbul. Petit à petit, après plus de 6 ans loin de leur pays, leurs conditions de vie se dégradent : leurs ressources financières diminuent, tout comme la sympathie des Turcs à leur égard. Les Syriens voient leur patrie s'embourber dans la guerre et beaucoup d'entre eux n'ont aucune perspective en Turquie. Certains sombrent alors dans le désespoir le plus total. Vendre un organe semble la seule option possible pour s'en sortir. Quand ils ne prennent eux-mêmes la décision de sacrifier un de leurs organes, ce sont des trafiquants qui voient dans cette misère humaine une opportunité rentable : les plus faibles d'entre eux sont approchés par des entremetteurs qui leur proposent la transaction'

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Personnes
Transcription
00:00A Thaï, dans le sud-est de la Turquie.
00:06Après six années de guerre en Syrie,
00:08le conflit s'enlise et draine avec lui son lot de misère.
00:13Trois millions de réfugiés syriens vivent désormais en Turquie.
00:16La barrière de la langue,
00:18l'impossibilité à trouver du travail et une pauvreté qui s'installe,
00:22autant de facteurs qui assombrissent le futur de ces réfugiés.
00:25Une fatalité qui pousse certains à vendre une partie d'eux-mêmes,
00:31une partie de leur corps.
00:35C'est atroce, vraiment.
00:38Mais je n'avais pas le choix.
00:41Je me sens mal d'avoir fait ça et ça n'aurait jamais dû se passer.
00:44Je suis tellement en colère.
00:46Le problème, c'est que personne ne fait attention à nous.
00:49Il y a plein de femmes syriennes qui se sont retrouvées seules,
00:52sans personne, pour subvenir à leurs besoins.
00:55Oumomar a vendu l'un de ses reins.
00:59Cette femme de 45 ans, mère de 4 enfants, était fleuriste en Syrie.
01:04En 2015, un bombardement aérien tue son mari et détruit son magasin.
01:09Avant les événements en Syrie, nous vivions très bien.
01:17Il y avait le salaire de mon mari et le mien aussi.
01:20Et puis j'aimais bien mon travail.
01:22On avait vraiment de bons revenus qui nous permettaient de vivre.
01:25Mon mari, moi, mes enfants.
01:27Et de façon très convenable.
01:28A la mort de son mari, Oumomar n'a plus rien.
01:37Des amis lui parlent de la vente d'organes.
01:40Elle décide de contacter un acheteur rencontré sur les réseaux sociaux.
01:45Lui vit en Arabie Saoudite.
01:48La transplantation aura lieu à Ankara.
01:50Une opération illégale, puisque la vente d'organes est interdite en Turquie.
01:57Bien sûr, nous avions des documents officiels.
02:00Vous savez, avec tout ce qui se passe en Syrie, ça n'était pas très compliqué.
02:05L'homme a dit que j'étais sa cousine et que je venais lui donner mon rein.
02:09Il avait tout réglé, avec la direction de l'hôpital et les médecins.
02:13Oumomar a conservé son dossier médical.
02:15Et comme pour une transplantation légale,
02:18les médecins lui ont fait faire des analyses sanguines
02:21et des tests de compatibilité.
02:24Là, il y a l'heure de l'opération.
02:26Il y a aussi les analyses qui ont été faites.
02:28Sa situation médicale à lui et mon état de santé à moi.
02:34Un rein vendu pour l'équivalent de 5000 euros.
02:38Si Oumomar l'a fait,
02:39c'est uniquement pour que son fils puisse partir en Allemagne.
02:45Le but, c'était qu'une fois là-bas,
02:48ils demandent un regroupement familial et qu'on vienne.
02:53Je n'ai pas eu le choix.
02:55C'est horrible, c'est une décision très difficile,
02:57mais je ne pouvais rien faire d'autre.
02:59J'aimerais que le monde regarde le conflit syrien d'un point de vue humain.
03:13Notre peuple est fatigué, exténué.
03:16Il est vidé de toutes parts, et en particulier les femmes.
03:19Elles en durent beaucoup.
03:21On les commercialise, on les vend,
03:23et ça, dans tous les domaines.
03:24Oumomar est installé dans une petite ville
03:30où la population syrienne dépasse désormais celle des Turcs.
03:35Au total, 10% des réfugiés syriens
03:37vivent dans des camps tenus par les autorités turques.
03:41Les autres se logent comme ils le peuvent
03:43et écument les petits boulots.
03:45Ici, dans ces campements improvisés,
03:48la plupart des Syriens ont entendu parler de la vente d'organes.
03:51Armad a planté sa tente à 2 km de la frontière.
03:58Il vit là, avec 4 autres familles.
04:01En Syrie, il était combattant.
04:04Ici, il n'a pas de travail.
04:06Sa fille est gravement malade.
04:08Alors pour survivre, il multiplie les combines.
04:14Je vais te dire comment on vit ici.
04:16Nous recevons de l'aide, et je ne vais pas te mentir,
04:19on a besoin d'argent.
04:20Et puis si jamais quelque chose nous tombe dessus,
04:23il nous faut de l'argent.
04:24Donc nous, on vend l'aide alimentaire qu'on reçoit.
04:27Voilà, c'est comme ça qu'on vit.
04:30Vendre un organe est un acte qui ne surprend pas Armad.
04:34Connu de la communauté syrienne,
04:36ce geste est perçu comme celui du dernier recours.
04:38Il n'y a que ceux qui ont pu partir à l'étranger qui ont de la chance.
04:47Aujourd'hui, les gens vivent à une époque où tu peux même en arriver à vendre ton rein.
04:52C'est mieux que de laisser son enfant mourir de faim.
04:55Mieux que nos enfants soient malades, non ?
04:57Même moi, je serais capable de vendre mon rein si quelqu'un me le demandait.
05:03Mon rein et même mes bras si un acheteur venait ici.
05:08Comme Armad, une grande partie de la communauté syrienne installée en Turquie vit dans la pauvreté.
05:15Une misère qui les rend souvent vulnérables.
05:17Nous voulons comprendre comment s'organise ce trafic d'organes.
05:24Il prend forme, entre autres, sur les réseaux sociaux.
05:28Sur Facebook, notre équipe découvre de nombreuses pages dédiées à la vente de rein,
05:34un des organes les plus demandés et les plus faciles à transplanter.
05:40Ici, on a des gens du monde entier qui vendent leurs reins.
05:44Il existe des pages en arabe.
05:47D'autres s'adressent spécifiquement aux réfugiés qui vivent en Turquie,
05:51avec une surreprésentation de Syriens et des annonces étonnantes.
05:55Je suis Syrien, j'ai 32 ans.
06:00Je veux donner et vendre mon rein afin de quitter la Syrie pour aller en Turquie.
06:08Parmi ces vendeurs, nous repérons un jeune homme qui se fait appeler Waël.
06:14Je dois vendre un de mes reins.
06:18Je vis à Istanbul et j'ai 21 ans.
06:23Nous l'informons que nous sommes journalistes.
06:26Il accepte de témoigner pour expliquer sa détresse.
06:30Ok, alors on se donne rendez-vous à la mosquée de Fatih.
06:40Waël a laissé ses parents en Syrie il y a un an et demi.
06:43Voilà deux mois qu'il a posté son annonce.
06:47Et déjà, il a été contacté à plusieurs reprises.
06:55J'ai eu une première réponse.
06:58C'est quelqu'un qui m'a demandé de venir au Liban.
07:01Regarde, il m'écrit que son frère a besoin d'un rein A+.
07:04Des acheteurs qui viennent du monde entier et qui lui proposent parfois de grosses sommes.
07:13Comme cette femme, une Ukrainienne.
07:16Elle lui demande s'il peut venir faire l'opération hors de Turquie.
07:20Mais Waël n'a pas de passeport.
07:21La transaction ne se fera pas.
07:23On s'était mis d'accord.
07:28On avait discuté.
07:32Regarde combien je lui demandais.
07:35Elle veut acheter ton rein pour 13 000 dollars ?
07:37Oui.
07:41Waël a fui la Syrie pour échapper à l'enrôlement dans l'armée régulière.
07:46Depuis son arrivée en Turquie, il écume les petits boulots dans le textile.
07:49Quand je suis arrivé ici, en Turquie, à Istanbul, j'ai travaillé dans un restaurant syrien.
07:59J'étais nouveau, je ne connaissais rien.
08:03Tous les 3, 4 ou 5 jours, ils me donnaient 5, 3 ou 2 euros.
08:10Je ne savais pas quels étaient les salaires.
08:12Je venais d'arriver.
08:14Je ne connaissais pas non plus le coût de la vie.
08:17Dans la plupart des boulots, ils m'ont exploité.
08:20Vraiment exploité.
08:22J'ai eu beaucoup de petits boulots, j'en ai eu 4.
08:25Et ils m'ont tous arnaqué.
08:27Sa famille vit à Damas.
08:30Leur maison a été bombardée et tout ce qu'ils avaient a été détruit.
08:34Son père est gravement malade.
08:36Ses proches comptent donc sur lui pour envoyer de l'argent.
08:40Bien sûr que si ma famille savait, ils me diraient de ne pas le faire.
08:44Ils n'accepteraient pas.
08:45J'ai parlé à ma mère hier, je lui ai tout dit.
08:52Elle m'a répondu, je suis prête à vendre mon cœur pour que tu ne vendes pas un cheveu de toi.
08:58Et je lui ai dit, ne t'inquiète pas, je ne le ferai pas.
09:01Mais je vais le faire et je ne lui dirai pas.
09:06Je fais ça pour mon père, pour l'aider.
09:11Comment vous dire ?
09:12C'est plus important que mon père vive plutôt que moi.
09:15Waël a pris lui-même l'initiative de mettre son rein en vente.
09:24Une aubaine pour les trafiquants.
09:27Sur Internet, nous cherchons à comprendre comment opèrent ces entremetteurs.
09:32Nous tombons très vite sur le profil de l'un d'entre eux.
09:34Là, ils proposent toutes sortes de reins et de groupes sanguins.
09:43Ça veut dire que c'est un trafiquant.
09:47Nous nous faisons passer pour des acheteurs.
09:50Il ne fait aucune difficulté pour nous donner son numéro de portable.
09:53Bonjour, comment allez-vous ?
10:00Salut, ça va ?
10:02Comme tous les entremetteurs, l'homme se veut rassurant.
10:06Mais les hôpitaux n'acceptent pas quand tu n'es pas de la même famille ?
10:10Si ?
10:14Tu peux dire que c'est un ami de la famille ?
10:17Mais ça marche comme ça ?
10:19Mais oui, vous êtes des Syriens, ça marche comme ça.
10:24Vous pouvez toujours dire que vous êtes cousin de la quatrième génération.
10:29Et si ça ne marche pas avec cet homme, on trouvera quelqu'un d'autre.
10:34Ah, mais tu as d'autres personnes alors ?
10:36Oui, j'en ai plein d'autres, grâce à Dieu.
10:40Ils sont tous Syriens ?
10:42Non, il y a beaucoup d'Égyptiens, de Libyens, d'Algériens.
10:45Le trafiquant nous suggère de rencontrer un de ces vendeurs qui attend dans un hôtel d'Istanbul.
10:54Il nous explique que son client est dans une mauvaise passe et qu'il baissera facilement son prix.
10:58A moins de 12 000 dollars, tu ne trouveras jamais.
11:04Mais lui, il a demandé d'abord 10 000 et ensuite 8 000.
11:09Il acceptera ton offre à 7 000 dollars parce qu'il n'a pas le choix.
11:14L'homme qui a mis son rein en vente nous donne rendez-vous dans son hôtel situé à Fatih, un quartier syrien d'Istanbul.
11:23Nous lui révélons que nous sommes journalistes, nous découvrons un homme désespéré.
11:32Depuis 10 jours, Abu Mazen vit dans cette petite chambre d'hôtel avec ses 3 enfants et sa femme, enceinte de 9 mois.
11:40Si j'ai pensé à ça, à vendre un organe de mon corps, c'est juste pour survivre.
11:53Pour mes enfants, pour leur vie, pour avoir une maison.
12:00Je ne pouvais plus continuer comme ça.
12:06Abu Mazen a quitté la Syrie il y a deux ans et demi.
12:10Il s'est d'abord installé dans le sud-est de la Turquie où il tenait un restaurant.
12:15Mais des problèmes avec son propriétaire l'ont forcé à se replier à Istanbul.
12:21Vous faisiez quoi avant ?
12:23J'étais chef cuisinier.
12:26J'étais propriétaire d'un restaurant.
12:29Je vivais bien et je nageais dans le bonheur.
12:33J'avais mon restaurant, une maison, une voiture.
12:37Mes affaires allaient à merveille.
12:41Mais à cause du conflit, j'ai tout perdu.
12:45Et depuis, ma vie a commencé à faire marche arrière.
12:50Et là, je n'ai pas d'autre endroit où dormir que cet hôtel.
12:54Je leur dois de l'argent.
12:55Donc, soit je me retrouve dans la rue, soit je passe à l'acte.
12:59Même mon passeport, j'ai dû le laisser en gage.
13:07Je ne pouvais plus.
13:10Je l'ai mis en gage en échange de 3000 dollars.
13:12Maintenant, je ne peux ni voyager, ni partir, ni rien faire.
13:26Je suis bloqué.
13:26Un geste désespéré contre lequel les autorités turques luttent de plus en plus férocement.
13:37D'autant plus que la Turquie est devenue l'une des plateformes mondiales incontournables en matière de tourisme médical.
13:44Il y a donc une image à soigner.
13:47Istanbul, notamment, attire des millions de patients chaque année.
13:54Les hôpitaux flambant neufs fleurissent dans la ville.
13:58Et dans cet établissement moderne et luxueux, on accueille des patients du monde entier, comme dans un hôtel.
14:06L'hôpital s'occupe intégralement du voyage de ses patients et tout est pris en charge.
14:11Le billet d'avion, l'hébergement, les restaurants et même des visites touristiques.
14:17Une vidéo publicitaire en plusieurs langues vante les mérites de l'établissement.
14:22Le docteur Atta est en charge de la clientèle étrangère.
14:26Son établissement procède à 500 transplantations de reins par an.
14:31Un business à part entière.
14:35La plupart viennent des pays asiatiques, d'Europe de l'Est aussi, des pays du Golfe et certains des pays occidentaux.
14:43Parce que la qualité et la modernité de nos traitements sont à peu près équivalentes à celles de l'Occident, pour un prix bien plus intéressant.
14:54Il y a aussi des similitudes culturelles.
14:56C'est une autre raison pour laquelle ces patients choisissent la Turquie.
15:01Ces patients étrangers doivent se plier à la loi turque.
15:04La vente est interdite et le donneur et le receveur doivent être de la même famille.
15:10Mais il n'est pas toujours possible de vérifier les identités des patients comme celles des Syriens, issus de pays en guerre.
15:16On fait tout ce qu'on peut pour empêcher le trafic d'organes.
15:20Tout le monde peut arriver avec un passeport.
15:25Alors nous, nous demandons systématiquement aux ambassades de vérifier les identités.
15:31Pour le moment, les garanties données par les autorités syriennes ne sont pas valables.
15:36Donc, on n'accepte aucun Syrien en tant que donneur.
15:42C'est la seule solution.
15:46Mais la loi n'arrête pas les trafiquants.
15:49Et certains vont parfois jusqu'à voler les organes des réfugiés.
15:54La province d'Ataï est un lieu historique de passage entre la Turquie et sa voisine syrienne.
15:59Cette zone frontalière a vu affluer des vagues successives de réfugiés depuis le début du conflit syrien.
16:08Beaucoup se sont installés ici, dans un premier temps.
16:12Dans cette région où la proximité de la frontière favorise la prolifération des trafics en tout genre.
16:19Et les enfants ne sont pas épargnés.
16:23Mayada est la directrice de ce centre qui recueille des orphelins syriens dans la petite ville frontalière de Rehani.
16:30Elle est arrivée en Turquie il y a 5 ans et a pris la tête de cette association.
16:37La fondation Maram héberge une soixantaine d'enfants, de 2 à 12 ans.
16:56Mayada a été marquée par l'histoire tragique de la petite Fatmé.
17:00Une orpheline de 9 ans retrouvée dans la rue, victime de trafiquants d'organes.
17:05Ça c'est le procès verbal de l'arrivée de la petite fille.
17:13On peut lire qu'elle a été trouvée à Gaziantep et que son cas y a été enregistré.
17:17Et ce procès verbal-là atteste de son arrivée à Harer Anli.
17:24Et voilà le rapport de la gynécologue qui fait le bilan de son état de santé.
17:28Quand cette petite fille est arrivée chez nous, la surveillante lui a fait sa toilette, elle l'a douchée, elle lui a changé ses vêtements.
17:37Et nous avons remarqué une blessure là, sur son corps.
17:41Nous avons découvert qu'elle avait subi des agressions sexuelles, des viols.
17:45Et nous avons aussi vu cette cicatrice.
17:48Nous l'avons emmenée chez le médecin, il l'a auscultée.
17:51Et il nous a confirmé que cette blessure venait d'une ablation du rein.
17:54Ce médecin nous confirmera que Fatmé a bien été victime d'un vol d'organes.
18:01La petite fille a ensuite été confiée à une association turque qui souhaite préserver son anonymat.
18:07Pour Mayada, des histoires comme celle-là sont malheureusement courantes.
18:12On entend beaucoup d'histoires sur des hommes, des pères, qui vendent leurs propres reins pour pouvoir payer les passeurs, pour traverser la frontière.
18:21On entend beaucoup d'histoires comme ça.
18:24Un trafic qui a pris des dimensions internationales.
18:29Fin 2015, Boris Wolfman est arrêté en Turquie.
18:34Ce trafiquant israélien d'origine ukrainienne est accusé par les autorités turques d'avoir convaincu des réfugiés syriens de vendre leurs organes.
18:44Il coordonnait des opérations dans des hôpitaux du sud-est avec la complicité d'entremetteurs syriens et turcs.
18:51La Turquie a ainsi démantelé un grand réseau, mais le trafic, lui, se poursuit.
18:59C'est ce qu'affirme dans sa thèse cet avocat turc spécialiste du trafic d'organes.
19:03Selon mes recherches, le trafic humain est le business illégal le plus profitable après le trafic de drogue.
19:15Burhan Doyus a commencé à travailler sur le sujet en 2011.
19:21La crise syrienne a donné une ampleur considérable à ses recherches.
19:25Si la situation au Moyen-Orient continue comme ça, il y aura toujours des crises, il y aura toujours des gens dans une situation financière critique.
19:38Le trafic d'organes ne s'arrêtera donc jamais.
19:41Parfois ça augmentera, parfois ça ralentira.
19:45Ça dépend des organisations aussi.
19:46Mais vous savez, si un Boris Wolfman s'en va, un autre viendra.
19:52Il y aura toujours de l'offre.
19:55Si quelqu'un veut vendre ses organes, on ne peut pas l'en dissuader.
20:00Il trouvera toujours un moyen de le faire.
20:02Ces dernières années, la Turquie a durci sa législation à l'encontre des trafiquants d'organes.
20:15Ce crime est désormais passible de 8 à 15 ans de prison.
20:20Résultat, il devient aujourd'hui de plus en plus compliqué de pratiquer des transplantations illégales sur le sol turc.
20:27Et les trafiquants l'ont bien compris, ils n'hésitent plus désormais à forcer leurs victimes à voyager.
20:35Je m'appelle Mohamed.
20:37J'ai à peu près 45 ans.
20:40J'ai 6 enfants.
20:45Il y a 2 ans, Mohamed s'est vu proposer par des Syriens un emploi d'ouvrier dans une usine d'acier en Égypte.
20:52Une fois les formalités accomplies, il quitte la Turquie sans sa famille.
20:57Direction le Caire.
20:59On nous a dit qu'il y avait du travail là-bas.
21:02C'est seulement une fois sur place qu'on a compris qu'on était là pour donner notre rein.
21:07On m'a dit, bon voilà, le travail, il n'y en a pas.
21:12Et ils nous ont mis devant le fait accompli.
21:15Soit vous faites l'opération, soit vous nous rendez l'argent qu'on a mis dans le voyage.
21:21Vous voyez, on a été obligés de faire l'opération.
21:24C'était comme de l'exploitation.
21:25Voilà, ça s'est passé comme ça avec nous.
21:34Au début, il n'y avait pas de pression.
21:38Mais après, ils l'ont mise.
21:40Ils nous ont dit qu'ils nous avaient fait venir pour ça et que si on refusait, on devait tout rembourser.
21:44Ou alors rester en Égypte.
21:45Ils avaient tout pris en charge.
21:49L'avion, l'aéroport, les passeports, l'argent des voyages, tout.
21:56Sans avoir le choix, Mohamed donne son rein à un saoudien, seul moyen pour lui de pouvoir retourner en Turquie.
22:04En échange, les trafiquants, tous syriens, lui offrent 6000 dollars.
22:08L'opération aura lieu dans un hôpital du Caire.
22:13C'est un hôpital immense.
22:14Un hôpital très moderne.
22:24Et c'est dans cet établissement que l'opération a été réalisée.
22:30Il y avait beaucoup de Syriens dans cet hôpital.
22:33Parmi ceux qui viennent pour ces opérations, les Syriens sont la majorité.
22:39La plupart des gens qui venaient pour ça étaient syriens.
22:44L'argent reçu après l'opération a permis à Mohamed de vivre décemment pendant quelques mois.
22:50Aujourd'hui, il a le sentiment d'être dans une impasse.
22:53Comme Moaël, il n'a plus rien à perdre.
22:56S'il ne vend pas son rein, il envisage la pire des solutions.
23:01Vraiment, aujourd'hui, je pensais à repartir en Syrie.
23:04Et aller à Idlib, pour rejoindre l'armée libre syrienne.
23:17Il n'y a aucun espoir ici.
23:22Je me dis que ma situation là-bas sera toujours meilleure que celle d'ici.
23:25Vendre une partie de soi-même ou partir au combat.
23:38Le choix est lourd, surtout lorsque l'on a la vie devant soi.
23:42À mesure que le conflit syrien s'enlise,
23:45l'espoir d'un avenir meilleur pour les réfugiés s'éloigne toujours un peu plus.
23:50Sous-titrage Société Radio-Canada

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