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  • 25/06/2025
Aux confins de l'Himalaya, le conflit du Cachemire oppose l'Inde au Pakistan, deux pays qui possèdent chacun l'arme atomique.

Au fil de 70 années de guerres, de paix instables et de dialogues avortés, cette zone où se mêlent hindouisme, islam et bouddhisme, est devenue l'une des plus militarisées au monde.

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Transcription
00:00...
00:00Chaque année, le 15 août, date anniversaire de son indépendance,
00:12l'Inde célèbre son unité.
00:15Dans chaque état de la plus grande démocratie du monde,
00:18les parades projettent l'image d'un peuple divers, mais soudé,
00:22tourné vers un avenir radio.
00:24Et son armée au pas rappelle qu'elle est garante
00:27de la sécurité de son milliard 200 millions de citoyens.
00:37Mais ici, à Shrinagar, au Cachemire indien,
00:41aux confins de l'Himalaya, à quelques mètres seulement,
00:44des joyeuses célébrations, le cœur de la ville est complètement bouclé.
00:54L'Inde au Cachemire, se méfie tant de sa population,
00:57que pour éviter tout risque d'attentat, tout affrontement,
01:01toute manifestation, en ce jour symbolique,
01:04les militaires sont déployés partout,
01:06avec les forces spéciales et la police.
01:08Chaque quartier a été fouillé de fond en fond.
01:15Ils ont pris les noms de tout le monde.
01:17On n'a pas le droit de sortir.
01:19Pour nous, ici, c'est comme une prison.
01:20Le Cachemire est l'une des zones les plus militarisées de la planète.
01:32C'est la face sombre de l'Inde
01:34qu'elle préfère tenir loin des yeux du monde.
01:36Au Cachemire, depuis près de 70 ans,
01:56la population est prise dans un conflit entre les deux frères ennemis,
02:00Inde et Pakistan.
02:0170 ans de guerres répétées,
02:05de paix insatisfaisantes
02:06et de dialogues avortés.
02:08Il y a deux questions qui sont sur le bureau de l'ONU
02:11dès le départ.
02:12C'est Israël-Palestine
02:13et ce qu'on appelle à ce moment-là Inde-Pakistan.
02:20Le Cachemire est devenu comme une blessure
02:22qui hante le Pakistan depuis sa création.
02:25Ce n'est pas juste un problème de frontières.
02:32C'est un conflit qui affecte la vie quotidienne de tout un peuple.
02:37Rien que depuis 1989,
02:40le conflit a fait entre 40 et 70 000 membres.
02:45Je me disais, je vais faire payer à l'Inde
02:47ce qu'ils nous ont fait.
02:51Une litanie d'attentats
02:53et des milliers de disparus.
02:54C'est devenu une très sale guerre
03:03avec de la torture, des assassinats,
03:06des exécutions sommaires.
03:08Le Cachemire est un cœur noir.
03:14La source de la violence dans cette région
03:16qui a cimenté les groupuscules islamistes
03:19les plus durs du Pakistan.
03:20Il y a des groupes qui proclament très clairement
03:28que le Cachemire est la porte d'entrée
03:30vers un djihad pour conquérir l'Inde
03:32puis le monde entier.
03:35Un conflit qui fait planer
03:37la possibilité d'une guerre nucléaire
03:39entre l'Inde et le Pakistan.
03:41A ce moment-là, vous aviez deux pays
03:46qui possèdent l'arme nucléaire
03:47en conflit direct.
03:51C'est l'histoire de cet affrontement
03:52que nous allons raconter
03:53en sillonnant les routes du Cachemire.
03:56Du côté pakistanais et indien,
03:58nous irons à la rencontre de ses habitants
04:00pour comprendre ce conflit
04:02et ses répercussions dans leur vie.
04:04Le Cachemire est un vaste territoire
04:25dans les montagnes de l'Himalaya.
04:26Avant l'indépendance de l'Inde
04:32et du Pakistan en 1947,
04:35le Cachemire s'est parti
04:36de l'Empire britannique.
04:40Dans un côté de l'India
04:42se trouve une vallée peaceable et secluded
04:44qui est souvent considérée
04:46comme l'un des plus magnifiques
04:47du monde.
04:56Depuis des siècles,
05:00ils vivent en relative harmonie
05:01des hindous, des bouddhistes
05:03et des musulmans
05:04qui sont majoritaires.
05:07Pour tous,
05:08le Cachemire est un lieu symbolique
05:09de pèlerinage et de spiritualité.
05:14La vallée du Cachemire
05:15est impressionnante.
05:16On est dans l'Himalaya,
05:18il y a des forêts,
05:19il y a des vergers.
05:24Et dans un des pavillons de marbre,
05:26des jardins de Chalimar,
05:28il y a une inscription en persan
05:30qui dit
05:31« S'il y a un paradis sur terre,
05:33c'est ici, c'est ici, c'est ici. »
05:39Le Jammu et Cachemire,
05:41à l'heure de l'indépendance de l'Inde,
05:43est un état princier
05:44de 8 millions d'habitants
05:45qui a la particularité
05:46d'être dirigé par un Maharaja,
05:49Harising,
05:50couronné ici en 1926.
05:53Il est hindou
05:53et règne donc
05:54sur sa population musulmane
05:56qui commence dès les années 30
05:57à contester son autorité.
06:05Mais tous les drames
06:06à venir au Cachemire
06:07vont se nouer en 1947,
06:10lorsque les Britanniques,
06:11après deux siècles de présence,
06:13rendent au sous-continent indien
06:14dans son indépendance.
06:15Les quelques 450 millions
06:35d'anciens sujets
06:36de la Reine d'Angleterre
06:37se répartissent désormais
06:39dans deux nouvelles nations.
06:40D'un côté,
06:42la République indienne,
06:44où la population
06:44est à majorité hindoue,
06:46menée par Nehru.
06:48De l'autre,
06:48le Pakistan
06:49et sa partie orientale,
06:51séparée par 1500 km,
06:53créée pour devenir
06:53la terre des musulmans,
06:55dirigée par Mohamed Ali Jinn.
06:58Ce morcellement religieux
06:59laisse en suspens
07:00les états princiers
07:01qui jusque-là
07:02jouissaient d'une relative autonomie
07:03et qui vont devoir choisir
07:05à quelle nation
07:06sera tâchée,
07:07comme le Cachemire,
07:08où tous attendent
07:09la décision du Maharaja.
07:14Lui-même n'aimait pas trop
07:15l'idée de rallier le Pakistan.
07:21Ce qu'il voulait,
07:22c'était rester indépendant.
07:24Mais ça,
07:25ça n'était pas une option
07:26à l'époque.
07:28Pendant deux mois,
07:30il a tergiversé.
07:31Il voulait plus de temps
07:34pour évaluer les options
07:35et négocier avec les deux pays.
07:43Le destin du Cachemire,
07:45les 70 ans de drames
07:46et de conflits à venir,
07:49prend racine dans la décision
07:50que s'apprête à prendre
07:51le Maharaja,
07:52à Rissing.
07:55Jotsna Singh
07:56est l'une de ses petites filles.
07:58Elle vit une partie
07:59de l'année seulement
08:00à Shrinagar.
08:01l'ancienne capitale
08:02d'été du Cachemire.
08:04Elle est la seule
08:04de ses petits-enfants
08:05à l'avoir connue.
08:07Voici mon grand-père,
08:12mon père et moi,
08:13juste après ma naissance.
08:14C'était à Bombay
08:15alors qu'il avait quitté
08:16le Cachemire en 1947.
08:20C'était un esthète.
08:23Il avait beaucoup de goût.
08:25Il avait fait des réformes
08:26agraires importantes.
08:29Il avait mis en place
08:31l'éducation obligatoire.
08:33Il a fait beaucoup de réformes
08:34qui ont été oubliées
08:35à cause de ce qui s'est passé
08:37au moment de la partition.
08:41Il pensait que le Cachemire
08:43aurait pu devenir
08:44un État indépendant.
08:45Mon grand-père était
08:47un aristocrate.
08:49Il ne comprenait pas
08:50tous les changements
08:51qui étaient à l'œuvre
08:52à l'époque,
08:53surtout d'un point de vue
08:54géopolitique.
08:55Pour un individu comme lui,
08:57c'était difficile
08:58d'en prendre la mesure.
09:00Je crois qu'en fait,
09:01il n'a pas vraiment eu le choix.
09:02Il a laissé une lettre
09:04où il écrit
09:04qu'il a eu des doutes
09:05sur la décision
09:06qu'il a fini par prendre.
09:07Je pense qu'il aurait été
09:08très troublé
09:09par ce qui s'est passé plus tard.
09:17À l'été 1947,
09:19alors que le Maharaja
09:20tente encore de gagner du temps,
09:22des mercenaires venus
09:23des régions tribales
09:24du Pakistan
09:25et encadrés par des officiers
09:27en civil du tout nouveau pays
09:28entrent au Cachemire,
09:31sèment le chaos
09:31et marchent sur Shrinagar,
09:33sa capitale.
09:37Le Maharaja Harissing,
09:43débordé militairement
09:44par ces groupes
09:45venus du Pakistan
09:45et qui déjà invoquent le djihad,
09:48appelle alors l'Inde à l'aide.
09:50Nehru accepte
09:51d'envoyer ses troupes
09:52à condition qu'il signe
09:53l'acte de rattachement à l'Inde.
09:55Mais le Pakistan crie au vol,
09:57invoquant le fait
09:58que la majorité
09:58de la population est musulmane
10:00et à son tour,
10:01envoie son armée.
10:03La première guerre
10:04indo-pakistanaise éclate,
10:06menant les troupes
10:06des deux nouveaux pays
10:07à un face-à-face
10:08le long de ce que l'on
10:09appellera plus tard
10:10la ligne de contrôle.
10:16À l'issue de cette première guerre
10:18entre Indiens et Pakistanais,
10:19le territoire du Jammu
10:20et Cachemire
10:21va donc être coupé en deux.
10:24Côté indien,
10:25Harissing a obtenu
10:26de Nehru en échange
10:27de son ralliement
10:28le principe
10:28d'une autonomie renforcée.
10:31Une autonomie
10:31qui sera reniée
10:32au fil des années
10:33et qui sera le ferment
10:34de l'insurrection
10:35bien des années plus tard.
10:37pour le Pakistan,
10:40le rattachement
10:41du Cachemire
10:41à l'Inde
10:42que certains assimilent
10:43à un vol
10:43va devenir un thème
10:45majeur de sa politique.
10:47Une pomme de discorde
10:48entre les deux pays
10:49pour des décennies à venir.
10:50L'affaire est d'abord portée
10:56devant la toute nouvelle
10:57organisation des Nations Unies.
10:59C'est leur premier grand dossier
11:00avec Israël-Palestine.
11:02quand le Conseil de sécurité
11:05se rencontre en 1948,
11:07l'India et le Pakistan
11:08accusent un autre
11:09d'agression dans le Cachemire.
11:12Les premières résolutions
11:13ne s'appellent pas Cachemire,
11:14elles s'appellent
11:14un de Pakistan.
11:16Et le Conseil de sécurité
11:18va proposer
11:20de mettre en place
11:22des commissions d'enquête,
11:24puis il va envoyer
11:25des représentants
11:26pour essayer de préparer
11:27ce qui était
11:28une proposition indienne
11:30au départ,
11:31c'est-à-dire un référendum.
11:34Les représentants
11:35des Nations Unies
11:36se déploient
11:37dès 1949 au Cachemire,
11:39des deux côtés
11:40de la ligne de cessez-le-feu.
11:42Ils observent,
11:44consultent
11:44pour tenter
11:45de mettre en place
11:46ce référendum
11:47dont les conditions préalables
11:48sont le retrait
11:49de l'armée pakistanaise
11:50et la réduction
11:52des forces indiennes.
11:56Un référendum
11:57qui doit déterminer
11:58laquelle des deux nations
11:59l'ensemble des habitants
12:00du Cachemire
12:01veulent rejoindre,
12:02mais qui n'aura jamais lieu.
12:06De toute façon,
12:08tout ça
12:08n'a donné aucun résultat.
12:10Il n'y a jamais eu moyen
12:11de mettre
12:12indiens et pakistanais
12:13d'accord
12:13sur l'organisation
12:15de ce référendum.
12:17Et donc,
12:17rien n'a bougé
12:18en fait
12:19depuis
12:20la fin des années 50.
12:23Vers le milieu
12:25des années 50,
12:26les Nations unies
12:27sont arrivées
12:27au constat suivant.
12:28On arrête.
12:29On ne peut rien faire de plus.
12:37Officiellement,
12:37c'est toujours
12:38sur la table de l'ONU.
12:39Mais dans les faits,
12:40cela n'est jamais
12:41allé plus loin que ça.
12:47L'une des premières missions
12:49jamais confiées à l'ONU
12:50est donc un échec.
12:52La promesse
12:53du référendum
12:53s'éloigne.
12:55Les frustrations
12:56s'accumulent.
12:58En 1965,
12:59le Pakistan lance
13:00une nouvelle guerre
13:01pour récupérer
13:01l'intégralité du Cachemire.
13:04Une guerre
13:04à l'issue
13:04de laquelle
13:05les positions
13:05restent inchangées.
13:12C'est le conflit suivant,
13:13en 1971,
13:15qui a le plus
13:15de conséquences
13:16sur la région.
13:18Le Pakistan oriental
13:19se soulève
13:20et soutenu par l'Inde
13:21obtient son indépendance
13:22et devient
13:23le Bangladesh.
13:24Un accord
13:25est signé
13:25à Simla
13:26entre le président
13:27du Pakistan
13:28et la première
13:29ministre indienne,
13:30Indira Gandhi.
13:31Il enterrine
13:32cette défaite majeure
13:33pour le Pakistan
13:34qui, pendant plus de 20 ans,
13:35cessera toute aventure
13:36militaire au Cachemire.
13:37« Simla »
13:39est important
13:40parce qu'on a
13:42le premier
13:44véritable accord
13:45indo-pakistanais
13:47sur le Cachemire
13:48qui ne règle pas
13:49la question
13:49mais qui, du moins,
13:51on s'est réunis
13:52pour parler du Cachemire.
13:53Le problème
13:54n'est pas réglé,
13:55il n'y a pas un traité
13:56qui décide ceci ou cela,
13:58mais on calme le jeu.
14:00Cet accord
14:08de Simla
14:08ouvre une période nouvelle
14:10dans les années 70.
14:12Un calme relatif
14:13s'instaure.
14:19Nous prenons la route
14:20pour Goulmarg,
14:22l'unique station
14:23de ski du Cachemire,
14:24un symbole
14:25de ces années
14:25de statu quo.
14:30Après Simla,
14:36la période
14:36est suffisamment paisible
14:37pour que l'Inde
14:38tente de faire renouer
14:39le Cachemire
14:40avec son ancienne image
14:41de paradis terrestre.
14:44Le gouvernement
14:45veut développer
14:46le tourisme
14:47et investir
14:48à Goulmarg,
14:49une destination
14:50prisée par les Britanniques
14:51qui y cherchaient
14:52un peu de fraîcheur.
14:57Goulmarg
14:58se transforme
14:58en station
14:59de sport d'hiver.
15:01Des infrastructures
15:02y sont construites.
15:14Nous y avons rendez-vous
15:15avec Mohamed Abbaswani,
15:17aujourd'hui député local,
15:18escorté en permanence
15:20à cause des risques
15:20d'attentats au Cachemire.
15:24Dans les années 80,
15:25il avait pourtant misé
15:26sur la paix.
15:27Il fut l'un des premiers
15:29Cachemiri
15:29à rêver
15:30à Goulmarg
15:31d'une carrière sportive.
15:36C'était génial.
15:38J'étais connu
15:39comme un bon skieur,
15:40prometteur
15:41dans tout Goulmarg.
15:42On m'appelait
15:43le skieur sauvage.
15:44J'adorais le ski.
15:46J'étais né
15:46avec ce talent-là.
15:47J'étais vraiment bon.
15:48Mon rêve était
15:51de devenir
15:52instructeur de ski,
15:53un coach, quoi.
15:55Mais c'est l'Inde,
15:56c'est le Cachemire.
15:58Ce qu'une personne veut
15:59n'arrive jamais.
16:01Personne ne peut réaliser
16:02ses rêves.
16:07En 1989,
16:09l'année qui va changer
16:10à tout jamais
16:11la phase du Cachemire indien,
16:13Mohamed Abbaswani
16:14remportait le concours
16:15de ski
16:16du Djamou et Cachemire.
16:22Je ne sais pas
16:23quoi vous dire.
16:24Après 1989,
16:26tout s'est écroulé.
16:28Tout a été
16:28comme pétrifié.
16:31Ça a un tout petit peu
16:33recommencé
16:33en 1996
16:34pour le ski,
16:36mais les compétitions
16:37s'étaient finies pour moi.
16:38J'avais passé l'âge.
16:41Je ne veux plus en parler.
16:46Bonjour.
16:52C'est la première fois
16:52que je reviens
16:53depuis que j'ai été élu.
17:03L'été,
17:04la station se limite
17:05à ces quelques mètres
17:06de pistes
17:07où de riches Indiens
17:08viennent s'amuser
17:09sous bonne garde
17:10de ces avant-postes
17:11de l'armée indienne
17:12qui sont partout
17:13dans la montagne.
17:16Malgré les apparences
17:36et ces touristes
17:37qui reviennent,
17:38la paix semble désormais
17:40bien lointaine
17:40et le Pakistan
17:42si proche.
17:45Cette partie-là,
17:47de notre côté,
17:48c'est la partie indienne
17:49du Cachemire.
17:51Et là-bas,
17:51c'est le Pakistan.
17:53C'est la frontière
17:54en quelque sorte
17:54que l'on voit.
17:56De l'autre côté,
17:57c'est le POK,
17:58la partie du Cachemire
17:59occupée par le Pakistan.
18:01Entre les deux,
18:02tout ça,
18:03c'est une zone interdite.
18:04Personne ne peut y aller.
18:05On est à moins
18:07de 5 km du Pakistan.
18:09Toute la zone tampon
18:10est un champ de tir.
18:13C'est dangereux ?
18:14Oui, très dangereux.
18:16Et pourquoi y a-t-il
18:17autant de bases
18:17militaires indiennes ici ?
18:19On ne devrait pas
18:21parler de ça.
18:21Je n'aurais même pas
18:22dû entendre cette question.
18:24On ne devrait pas
18:24en parler,
18:25ça suffit maintenant.
18:25Pour un député cachemiri,
18:30parler de la relation
18:31avec le voisin pakistanais
18:33des journalistes étrangers
18:34est extrêmement sensible.
18:37Comme parler de la violence
18:38qui, depuis 1989,
18:40a fait basculer
18:41le Cachemire tout entier.
18:43Oh, thank you.
18:51À la fin des années 80,
18:53le statu quo au Cachemire
18:54née entre le Pakistan
18:56et l'Inde
18:56des accords de Simla
18:57va voler en éclats.
19:00Et le conflit
19:01entrait dans sa période
19:02la plus dramatique
19:03pour les populations.
19:08À la suite
19:09d'élections locales
19:10que tout le monde
19:11juge truquées,
19:12des manifestations
19:13se multiplient.
19:15La contestation populaire
19:16va prendre un tour radical.
19:24L'autonomie du Cachemire
19:32au sein de l'Inde,
19:34négociée en 1947,
19:35a été complètement
19:36reniée depuis.
19:38Les espoirs déçus
19:39se transforment
19:39en chœurs.
19:41À cela s'ajoute
19:42l'éveil d'un islamisme
19:43combattant
19:44qui travaille
19:45en profondeur
19:45la région.
19:47L'insurrection démarre,
19:49elle ouvre
19:49un cycle de violence
19:50qui ne s'est jamais
19:51vraiment refermée.
19:52Dès les premiers jours,
19:57les manifestations
19:57sont quasiment
19:58quotidiennes
19:59à Shrinagar.
20:00La police
20:00tire dans le tas.
20:02Pendant quelques jours,
20:04l'État indien
20:05a perdu le contrôle
20:06de la région.
20:08Le mécontentement
20:09s'était accumulé
20:10depuis 1947
20:11sur absolument
20:13tous les plans.
20:15C'est ce qui a explosé
20:16au début des années 90.
20:18À l'origine,
20:19il s'agissait
20:19d'un mouvement
20:20populaire, séculaire
20:21et nationaliste.
20:22Ce mouvement
20:23trouvait ses racines
20:24dans l'exaspération
20:25qui s'était développée
20:26au Cachemire
20:26vis-à-vis de la façon
20:28dont l'État indien
20:28s'y comportait.
20:32Manifestation,
20:33attentat,
20:34le vieux rêve
20:35pakistanais
20:35d'un soulèvement
20:36anti-indien
20:37prend corps.
20:37Par vague,
20:44ceux qui décident
20:45de prendre les armes
20:46qu'on appellera
20:46désormais les militants
20:47quittent l'Inde
20:49et traversent
20:49la ligne de contrôle
20:50pour bénéficier
20:51du soutien logistique
20:52du Pakistan
20:53qui va devenir
20:54une base arrière
20:55pour toute une génération.
20:58Beaucoup y sont
20:58toujours réfugiés
20:59aujourd'hui.
21:01Pour aller
21:01à leur rencontre,
21:02comprendre
21:03ce qui leur est arrivé,
21:04il faut aller
21:05dans la partie pakistanaise
21:06du Cachemire.
21:20Pour s'y rendre,
21:22il est impossible
21:23pour des journalistes
21:24comme nous
21:24de franchir
21:25la ligne de contrôle.
21:30Il faut passer
21:31au sud du Cachemire,
21:32par l'unique
21:33poste frontière terrestre
21:34ouvert à tous
21:35entre l'Inde
21:35et le Pakistan
21:36dans le Penjab.
21:42Sur la route à Ouagah,
21:44ce point de passage
21:45entre les deux pays ennemis.
21:53Tous les jours,
21:54quand la frontière
21:54se ferme pour la nuit,
21:56se tient cette étrange
21:57cérémonie.
22:00Nous y assistons
22:01auprès du public pakistanais.
22:04militaires indiens
22:18en beige
22:18et pakistanais
22:19en noir
22:20se font face.
22:23Les 70 ans
22:24de guerre
22:25y sont ritualisés
22:26comme mises à distance.
22:27le Cachemire fera de nouveau
22:48partie du Pakistan
22:49Inch'Allah.
22:51Le Cachemire appartient
22:52au Pakistan.
22:52Et pas à l'Inde.
22:55Non, pas à l'Inde.
22:56L'Inde est notre ennemi.
22:59Toujours ?
22:59Mais là,
23:00c'est plutôt bon enfant,
23:01non ?
23:01Non, ce n'est pas pour rire.
23:05Du tout.
23:16Pour atteindre notre but,
23:17il faut encore remonter
23:18vers le nord.
23:25Le Cachemire
23:26est l'un de ces territoires
23:27interdits du Pakistan.
23:31En plus d'une accréditation
23:33de journaliste,
23:34il faut une autorisation spéciale
23:36que nous avons obtenue
23:37après six mois
23:38de discussion
23:38et qui doit nous permettre
23:40de franchir ce checkpoint.
23:41Malgré cela,
23:48pendant deux jours,
23:49les services secrets
23:50pakistanais,
23:51l'ISI,
23:52rejetteront nos permis,
23:53faisant leur possible
23:54pour retarder notre entrée.
24:00On doit revenir demain, alors ?
24:02Amenez les bons documents,
24:04cette fois.
24:06Cinq ans,
24:07nous dira-t-on plus tard
24:08que des journalistes étrangers
24:10n'ont pu entrer officiellement
24:11dans cette partie du Cachemire.
24:22Nous parvenons finalement
24:23à Moussa Farabad,
24:25la capitale d'une des régions
24:26du Cachemire pakistanais.
24:28Près de 100 000 personnes
24:36venues du Cachemire indien
24:38vivent ici.
24:45Arrivés à toutes les époques,
24:47ces réfugiés reçoivent
24:48une rente du Pakistan.
24:49120 euros par mois
24:50et l'autorisation de séjourner
24:52dans ces camps de fortune.
24:53Ce que les services secrets pakistanais
25:08ne souhaitaient pas
25:09nous voir filmer,
25:10ce sont des hommes
25:11comme Goulam Nabi,
25:13des anciens combattants
25:14venus au moment
25:14du soulèvement de 1989
25:16et que le Pakistan
25:18n'a cessé d'instrumentaliser.
25:19Qui sont les gens
25:26qui vivent ici ?
25:27Tout le monde vient
25:28du Cachemire occupé ici.
25:30Tous les gens de ce camp ?
25:31Oui, toutes les familles
25:32viennent de là-bas.
25:35Rends-moi la monnaie
25:35s'il te plaît,
25:36c'est sur 5 roupies.
25:41Goulam Nabi était agriculteur
25:43dans la région de Kupuara,
25:44à moins de 60 km
25:46à vol d'oiseau,
25:47mais de l'autre côté
25:48de la ligne de contrôle,
25:49côté indien.
25:52Voilà, ici,
25:53c'est mon refuge.
25:56C'est là que je vis
25:56avec ma femme
25:57et mes enfants.
26:02Ces 5 enfants,
26:03tous nés ici au Pakistan,
26:04ne peuvent qu'imaginer
26:05d'où viennent leurs pères
26:06et les drames
26:07qu'il a traversés.
26:08C'est au début des années 90,
26:16lorsque son grand frère,
26:17son père,
26:18son oncle
26:19et 4 de ses cousins
26:20ont été tués
26:20par l'armée indienne
26:21qu'il a décidé
26:22de prendre les armes.
26:27Lorsque j'ai quitté
26:27ma maison là-bas,
26:29j'avais les larmes aux yeux.
26:30Qu'est-ce que vous aviez
26:31en tête ?
26:32Je me disais
26:32« Inchallah,
26:34je vais venger
26:34ceux qui sont morts.
26:36Je vais faire payer
26:36aux Indiens
26:37ce qu'ils nous ont fait.
26:38J'ai subi
26:39beaucoup de violence.
26:40Toute ma vie
26:40a été changée.
26:42Quand on partait
26:43se battre,
26:43on partait d'ici
26:44deux nuits.
26:45On prenait
26:46un chemin spécial.
26:48On traversait
26:48la frontière
26:49près d'un endroit
26:49qui s'appelle
26:50Jura.
26:51Et après,
26:52vous reveniez tout de suite ?
26:53Non,
26:53on partait pour
26:54des missions
26:54de deux mois.
26:56Avec la peur au ventre,
26:57on marchait
26:57pendant une semaine.
26:59Pour passer,
27:00ça ne se faisait pas
27:01comme ça.
27:02Il fallait se cacher.
27:04Les combattants
27:05partaient en groupe.
27:05et quand on croisait
27:08l'armée indienne,
27:09on tirait.
27:13Je n'ai pas eu
27:14de blessure grave.
27:15Grâce à Dieu.
27:18Mais quand on fait
27:18la guerre,
27:19on prend des coups
27:19quand même.
27:21Une fois,
27:22une balle est passée
27:23juste au-dessus
27:24de ma tête.
27:27Est-ce que c'est fini
27:28tout ça ?
27:29Non,
27:30le combat n'est pas fini.
27:33Il y a eu une pause.
27:35Mais si notre chef
27:36nous en donnait l'ordre,
27:38alors oui,
27:39je recommencerai.
27:39dans les années 90,
28:03les militants kachmiris,
28:04venus de la partie indienne,
28:06comme Goulam Nabi,
28:06pour la plupart nationalistes,
28:09vont perdre la main
28:10en profit
28:10d'organisations djihadistes
28:12massivement financées
28:13par les services secrets
28:14pakistanais.
28:16Pour beaucoup,
28:16il s'agit d'anciens
28:17Moudjahidines
28:18qui, après l'Afghanistan,
28:20se tournent vers le Cachemire.
28:22En 1989,
28:25quand les soviétiques
28:25sont chassés d'Afghanistan,
28:27beaucoup de ces combattants
28:28extrémistes
28:29deviennent disponibles.
28:30des arabes,
28:36des afghans
28:36et des pakistanais.
28:38Les services secrets
28:39pakistanais,
28:40l'ISI
28:40et les militaires
28:42ont alors commencé
28:42à financer
28:43ces groupes au Cachemire.
28:45C'étaient des combattants
28:46très aguerris.
28:48Ils savaient faire la guerre
28:48et ils sont devenus
28:50les Moudjahidines du Cachemire.
28:53Certains groupes
28:54proclament très clairement
28:55que le Cachemire
28:56est la porte d'entrée
28:56vers un djihad mondial.
28:58Ils combattent
28:58pour convertir
28:59tous les indiens à l'islam,
29:00puis la population mondiale.
29:02C'est ce que l'on appelle
29:03le pan-islamisme.
29:18Une bataille va marquer
29:20cette transformation
29:20du combat au Cachemire
29:22en djihad.
29:27En 1995,
29:28un groupe de djihadistes
29:30avec à leur tête
29:30Mastgoul,
29:31un pakistanais,
29:32prend le contrôle
29:33de Sharar-i-Sharif.
29:35Une ville particulièrement
29:36symbolique
29:37où se trouve
29:37l'un des mausolées
29:38les plus sains
29:39de l'islam au Cachemire.
29:41En mai,
29:42après deux mois
29:43de siège
29:43par l'armée indienne,
29:45un feu va ravager
29:46Sharar-i-Sharif.
29:47Le mausolée du XIVe siècle
29:49part en fumée.
29:50Une trentaine de personnes
29:51dont 20 djihadistes
29:52perdent la vie.
29:53La fumée s'échappait
30:00des cendres.
30:02C'était une ville ravagée,
30:03comme ce qu'on a vu
30:04à Bagdad
30:05ou ce qu'on voit
30:05aujourd'hui de la Syrie.
30:08Tout était détruit.
30:10J'avais essayé
30:11de retrouver ma maison
30:12à son emplacement
30:13dans la vieille ville,
30:14mais je n'ai pas pu.
30:18Il ne restait plus rien.
30:26Aujourd'hui,
30:26le sanctuaire
30:27a été en partie reconstruit,
30:29mais pas le cœur
30:30de la vieille ville.
30:36Enfant,
30:36avec sa famille,
30:38Ali Jehangir
30:39a dû évacuer
30:39sa maison
30:40de Sharar-i-Sharif
30:41pendant les mois
30:41qu'on durait
30:42le siège
30:42de l'armée indienne.
30:44Avant de partir,
30:47il a pu observer
30:47ce groupe
30:48de combattants disparates,
30:50venus essentiellement
30:50du Pakistan,
30:52mais aussi
30:52de Tchétchénie
30:53et d'Afrique,
30:54livrer le djihad
30:55contre l'Inde.
30:59Je me tenais là
31:00pour regarder
31:01l'échange
31:01de coups de feu.
31:03Mais mon oncle
31:03m'a tiré par l'oreille
31:04et m'a ramené
31:05à la maison.
31:08Il m'a dit
31:09« Qu'est-ce que tu fais là ?
31:11Tu pourrais te faire tuer. »
31:13Mais la violence
31:13à cette époque,
31:15les bombes,
31:15les explosions,
31:16ça faisait partie
31:17de notre vie.
31:19On a grandi avec ça.
31:23Ils venaient le soir
31:24et demandaient
31:25l'hospitalité.
31:27Ils disaient aux habitants
31:27« Un groupe de 10 à 20 personnes
31:29va venir chez vous
31:30ce soir pour dormir. »
31:32Et vous n'aviez pas le choix.
31:34Il fallait leur libérer
31:35de l'espace.
31:36Je me souviens
31:40qu'ils étaient
31:41très religieux.
31:43Ils passaient
31:43bien sûr
31:44beaucoup de temps
31:44à la mosquée
31:45pour les 5 prières
31:46quotidiennes.
31:47Et ils disaient
31:48aux gens de la ville
31:48d'en faire de même.
31:49J'étais un enfant
31:53à cette époque
31:53donc je ne savais pas
31:55ce qu'était
31:55un djihadiste.
31:57Pour moi,
31:57c'était juste
31:58des gens
31:58qui avaient des armes
31:59et les armes
32:00à cette époque
32:01étaient un symbole
32:02de résistance.
32:03D'ailleurs,
32:04c'est toujours perçu
32:05comme un symbole
32:05de résistance
32:06aujourd'hui.
32:06comme un symbole
32:07de résistance
32:08aujourd'hui.
32:36A cette insurrection
32:46au Cachemire,
32:48à ce djihad
32:48mené depuis le Pakistan,
32:50l'Inde répond
32:51par une violente répression.
32:57Dans les années 90,
32:59l'armée
33:00et les groupes paramilitaires
33:01s'autorisent
33:02tous les dérapages.
33:04Ce sont des années
33:04de plomb.
33:05La population
33:06est assimilée
33:06aux insurgés.
33:08Torture,
33:09viol,
33:10disparition
33:10se multiplient.
33:34C'est une sale guerre
33:35en fait
33:35qui se met en place.
33:36c'est une sale guerre.
33:38C'est-à-dire que
33:38ce n'est pas simplement
33:39une répression
33:42contre les combattants
33:44armés.
33:44Ça va être
33:45un déploiement
33:47massif
33:48de forces
33:48qui vont
33:49occuper les villes,
33:51qui vont soupçonner
33:52tout le monde.
33:53Dans les années
33:5491,
33:5592,
33:56dans beaucoup d'endroits
33:57au Cachemire,
33:57il n'y avait plus
33:58d'administration.
33:59Il n'y avait plus
34:00personne en dehors
34:01de l'armée.
34:02Il y a eu
34:02une forme d'impunité.
34:03Si vous tuez
34:04quelqu'un,
34:04personne n'y regardait
34:05à deux fois.
34:07On dit qu'il y a plus
34:08d'un demi-million
34:09de militaires
34:10et de troupes
34:11paramilitaires
34:12qui opèrent au Cachemire.
34:14C'est une présence
34:15sécuritaire
34:16absolument massive.
34:19Je pense
34:19que c'est la plus
34:20importante au monde
34:21en ce qui concerne
34:22une zone civile.
34:23ici à Bahramoula,
34:29la ligne de contrôle
34:29est toute proche,
34:31juste derrière
34:31ces montagnes.
34:36Ce fut l'un des foyers
34:37de l'insurrection
34:37où se cachaient
34:38le plus de combattants
34:39infiltrés du Pakistan.
34:43L'Inde y a eu
34:44la main particulièrement
34:45lourde.
34:50En plus des morts,
34:51de la violence
34:52alors quotidienne,
34:53les disparitions forcées
34:54vont se généraliser.
34:57Le sort
34:58de 8000 personnes
34:59demeure encore
35:00inconnue
35:01au Cachemire indien.
35:038000 disparus
35:04pour lesquels
35:05l'Inde
35:05refuse toujours
35:07de s'expliquer.
35:098000 familles
35:09sans nouvelles
35:10pour lesquelles
35:11aucun deuil
35:11n'est possible.
35:20Oh, haine-moi,
35:21je viens de très, très loin,
35:23mon Dieu.
35:35Rends-moi, mon fils,
35:36je l'attends.
35:39Où est-il ?
35:40Rendez-le-moi.
35:42Rendez-le-moi.
35:45Mon cher Dieu,
35:46s'il te plaît,
35:48rends-moi mon fils,
35:49ramène-le-moi.
35:52S'il est quelque part,
35:53rends-le-moi.
35:57Ça ne t'enlèverait rien.
36:00Dieu,
36:00exauce ma prière.
36:01Le fils de Bhakti Bégoum
36:06est l'un de ces disparus,
36:07hommes et femmes,
36:09engloutis par la sale guerre
36:10que l'Inde a menée au Cachemire.
36:21Au moins,
36:22si je pouvais récupérer
36:23un seul des vêtements
36:24que portait mon enfant,
36:25ou même ses ossements,
36:27quelque chose,
36:28une trace de lui,
36:29au moins,
36:30je trouverais un peu de paix,
36:32un peu de repos
36:33après 14 ans d'insomnie.
36:35Mais je n'ai rien pu récupérer de lui,
36:37rien.
36:38Est-ce qu'ils lui ont brisé les bras,
36:40cassé les jambes ?
36:41Est-ce qu'ils l'ont enterré vivant ?
36:43Est-ce qu'ils l'ont brûlé ?
36:44Est-ce qu'ils l'ont noyé ?
36:45Je n'ai plus de jour,
36:47ni de nuit.
36:48Je ne dors plus.
36:49Manzour Wani Ahmad
37:00avait 25 ans.
37:01Il venait de se marier.
37:03Ce 22 décembre 2001,
37:05Bhakti Begoum
37:06accompagne sa belle-fille
37:07à l'hôpital,
37:08à bord d'un minibus
37:09que conduit son fils.
37:10Lorsque nous sommes passés
37:20à proximité du camp militaire,
37:22il y a eu un coup de sifflet
37:23qui provenait de l'intérieur.
37:26C'est un de leurs informateurs
37:27à l'intérieur du camp
37:28qui sifflait en direction
37:29d'un garde armé
37:30qui se tenait sur la route.
37:37Cet homme a fait arrêter
37:38le véhicule que conduisait mon fils.
37:40Il est monté
37:41dans notre minibus
37:43et a dit à mon fils
37:44de le suivre
37:45à l'intérieur du camp.
37:48Mon fils lui a répondu
37:50qu'il accompagnait
37:50sa femme à l'hôpital
37:51et qu'il reviendrait après.
37:57Mais il a insisté
37:58pour qu'il vienne immédiatement.
38:02Qu'il vienne
38:03à l'intérieur du camp de l'armée ?
38:06Oui, c'est ça.
38:08Je l'ai suivi des yeux
38:09alors qu'il entrait
38:10dans ce camp.
38:12C'est la dernière image
38:13que j'ai de mon fils.
38:15Ça fait 14 ans.
38:2114 ans que je ne veux pas croire
38:22les gens qui me disent
38:23qu'il est mort.
38:26Quand je me lève le matin,
38:28je pense à lui.
38:31Quand je prie,
38:32je pense à lui.
38:33à chaque instant,
38:35je pense à lui.
38:44Elle soupçonne un voisin
38:46qui l'orgnait sur ses terres
38:47d'avoir faussement dénoncé
38:48son fils comme militant.
38:50L'organisation de Yassine Malik
39:06est l'une des rares
39:07à oser se battre
39:08pour les familles
39:09des disparus.
39:11Il tente notamment
39:12de retrouver les corps.
39:13Voici le charnier,
39:22le charnier de Kichama.
39:24Il y a des tombes
39:24à gauche et à droite.
39:27Selon lui,
39:28au moins 103 corps
39:29non identifiés
39:30reposeraient ici.
39:31Tu vois,
39:35il y en a à gauche,
39:35à droite,
39:36ici,
39:38là-bas.
39:43Dans les années 90,
39:45la police amenait
39:46les corps ici.
39:52Personne ne sait
39:52exactement qui.
39:58Et c'était aux villageois
39:59de les enterrer.
40:01Nous avons écrit
40:06beaucoup aux autorités.
40:10Nous avons demandé
40:11la permission
40:11d'effectuer des tests ADN
40:12pour que l'on connaisse
40:14la vérité,
40:16pour faire le lien
40:17entre les disparus
40:18et ces charniers.
40:19Il y a un camp
40:30de l'armée
40:31juste là-bas.
40:32Pourquoi il ne faut pas
40:33rester plus longtemps ?
40:34La police et l'armée,
40:37ils nous créeront
40:37des problèmes
40:38s'ils nous voient ici.
40:41C'était des lieux
40:42tenus secrets.
40:43C'est toujours secret.
40:44ils ne veulent pas
40:46qu'on vienne.
40:49Ils ne veulent pas
40:51que le monde
40:51voit ce qu'il y a ici.
40:52qu'il y a ici.
40:53Ils ne veulent pas
40:54d'entendre.
41:24Les tensions sont à leur comble côté indien.
41:26Un événement va soudainement tout changer entre l'Inde et le Pakistan.
41:31Et leur conflit devenir une source d'inquiétude majeure pour la communauté internationale.
41:36Le Cachemire pourrait menacer la paix mondiale.
41:38Le 11 mai 1998, le premier ministre indien, Atalbihari Vashpahi, décide de procéder à des essais nucléaires souterrains, testant la bombe A et la bombe H.
42:0217 jours plus tard, le Pakistan, à son tour, effectue ses premiers essais nucléaires.
42:13Désormais, le pire est à craindre en cas d'affrontement direct au sujet du Cachemire.
42:18A chaque nouvel accrochage va surgir l'hypothèse d'un conflit nucléaire.
42:22Aussitôt, ça a été évidemment une source de grande inquiétude dans la communauté internationale.
42:31Il faut craindre une quatrième guerre, par exemple, qui commence sous forme conventionnelle,
42:40débouche sur éventuellement un conflit nucléaire.
42:45Le pire scénario prend forme à peine quelques mois plus tard, en 1999, à Kargil, au cœur des montagnes du Cachemire.
42:54Des soldats pakistanais ont traversé la ligne de contrôle en altitude pour prendre des postes indiens abandonnés pendant l'hiver,
43:01en raison des conditions météo extrêmes.
43:04Mi-mai, l'Inde lance ses militaires à l'assaut.
43:08Le monde retient son souffle.
43:10Ce que nous voulons dire à la communauté internationale, au monde,
43:26c'est que si la situation continue à dégénérer,
43:32ce qui semble être le cas, les vies d'un milliard de personnes sont en jeu.
43:36L'Inde et le Pakistan ont l'arme nucléaire.
43:44Et lorsqu'on commence une guerre,
43:47on utilise tous les moyens que l'on a à disposition.
43:53La communauté internationale va déployer des efforts considérables pour calmer les choses.
43:57L'opération militaire pakistanaise est arrêtée par Nawaz Sharif,
44:03le premier ministre d'alors, sous pression du président américain Bill Clinton, personnellement impliqué.
44:11Il y a eu un moment de panique.
44:14C'est pour ça que les Américains et les leaders mondiaux sont intervenus.
44:17C'était en train de dégénérer.
44:19Je pense que le Pakistan a fait une énorme erreur.
44:28La communauté internationale a perçu le Pakistan comme un pays irresponsable
44:33et ça a nuit à la cause du Cachemire.
44:38À peine deux ans plus tard, en 2001,
44:40de nouvelles menaces risquent à nouveau de faire basculer la région.
44:43Alors que le 11 septembre, l'attaque du World Trade Center change la donne mondiale,
44:49des djihadistes du Cachemire frappent en décembre le Parlement à New Delhi.
44:53Bilan 16 morts, dont deux civils.
44:57Trois jours plus tard, l'Inde mobilise massivement ses troupes à la frontière pakistanaise.
45:03Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne conseillent à leurs ressortissants de quitter la région.
45:07Grâce à la pression internationale, toutefois, un cessez-le-feu finit par être décidé en 2003.
45:15Un dialogue officiel s'engage entre un des pakistans en 2004.
45:21Depuis, les relations entre les deux pays oscillent entre avancée et blocage.
45:24En avril 2005, un signal fort est donné avec l'ouverture de cette ligne d'autobus
45:31destinée aux familles séparées reliant Mouzafar Abad, côté pakistanais, à Shri Nagar, côté indien.
45:44Pourtant, les actes de terrorisme et les infiltrations n'ont eux jamais cessé.
45:48C'est très simple.
45:54Quand il y a des possibilités d'avancée diplomatique, il y a des a*****.
46:01Dont le plus marquant est évidemment l'A***** de Bombay.
46:05Ce sont les a***** de Bombay qui symbolisent le plus les ambiguïtés pakistanaises.
46:11À plus de 1700 km du Cachemire, des militants djihadistes frappent la capitale financière de l'Inde.
46:17Le 26 novembre 2008, Bombay est sous le feu de ce commando pendant 4 jours.
46:24Bilan, 166 victimes, dont 28 étrangers de 17 nationalités, dont des Français.
46:31Les djihadistes du Cachemire frappent à Bombay, le monde entier.
46:35Tout mène au Lashkari Taïba, désormais la principale organisation terroriste opérant de longue date au Cachemire, basée au Pakistan et instrumentalisée par lui.
46:51Les Etats-Unis mettront à prix la tête de leur chef, Hafiz Saïd, 10 millions de dollars.
46:58Au Pakistan, il est pourtant toujours en liberté.
47:01À Mouzafar Abad, dans le Cachemire pakistanais, Hafiz Saïd continue à menacer ouvertement l'Inde en toute impunité.
47:08Si le gouvernement indien ne retient pas la leçon de l'échec américain en Afghanistan,
47:15alors nous leur disons, ceux qui pensent que le Cachemire occupé par l'Inde fait partie intégrante de la nation indienne,
47:22et bien par la grâce d'Allah, nous pouvons vous certifier que toute votre nation sera réduite en morceaux.
47:27Il y a deux hypothèses à propos des attentats de Bombay.
47:32La première, c'est que cet assaut a été planifié par des éléments incontrôlés du Lashkar et Taïba, sans le soutien des militaires.
47:39Mais selon la deuxième hypothèse, il s'agirait d'un signal à l'attention de l'Inde,
47:44pour rappeler que la question du Cachemire n'est toujours pas réglée.
47:49Je pense que le futur du Cachemire est très lié au futur de l'islam militant.
47:57Et on peut voir qu'en ce moment, il se porte très bien, que ce soit en Irak, en Syrie ou en Libye.
48:13Rien n'est réglé sur le fond au Cachemire.
48:17Les tensions sont constantes de chaque côté de la ligne de contrôle.
48:21Les deux pays s'accusent chaque semaine de violations du cessez-le-feu,
48:25de bombardements, et déplorent ces victimes civiles.
48:29Ce jour-là, nous accompagnons ces gardes-frontières pakistanais.
48:37La frontière se trouve de chaque côté de la route.
48:39À un kilomètre ici, un kilomètre par là.
48:43L'impuissance et la relative indifférence de la communauté internationale
48:47laissent cette zone grise à la merci de la moindre provocation.
48:52Qu'est-ce qu'on voit là-bas ?
48:53Les lumières de la frontière.
48:57Il y a dix jours, c'est de ce côté-ci de la frontière
49:00que des bombardements indiens auraient eu lieu.
49:04Notre escorte pakistanaise tient à nous en montrer les traces
49:08et nous présenter aux familles des victimes.
49:10Il y a eu une explosion juste devant.
49:25Ici, il y avait mes fils, et mon frère était là.
49:28D'un seul coup, tout le monde a été blessé.
49:30Mes filles et mon frère, ils ont tous été grièvement blessés.
49:32Dans un Pakistan en pleine déliquescence,
49:49l'armée trouve dans le conflit à propos du Cachemire
49:52un moyen de plus de justifier sa suprématie.
49:54L'armée pakistanaise a un intérêt vital
50:03à entretenir un niveau élevé d'animosité
50:05et de défiance entre l'Inde et le Pakistan.
50:12Cela me conduit à penser que le conflit au Cachemire
50:15ne va certainement pas se résoudre de mon vivant
50:17et peut-être même pas du vivant de mes enfants.
50:21La question du Cachemire en tant que telle
50:28n'est plus débattue aux Nations Unies.
50:30Il y a une fatigue sur le Cachemire,
50:33au détriment des Cachemiries
50:34qui, évidemment, aspirent à la paix.
50:39La frustration est toujours là,
50:40les blessures sont toujours là.
50:42Donc il y a une dimension humaine
50:43qui est emblématique de ce que sont,
50:45d'une certaine façon, les peuples sans État.
50:49Un peuple pris en étau,
50:51et qui attend, en vain, une paix introuvable.
51:00Inlassablement, depuis 25 ans,
51:02les familles de disparus demandent la vérité
51:05sur ce qui est advenu dès lors.
51:10Chaque mois, Bhakti Begum participe
51:12à ce rassemblement contre l'oubli.
51:14Quand je viens ici, ça me fait du bien.
51:22Je sens que d'autres partagent ma peine.
51:24Elles aussi ont perdu un fils.
51:26Moi, ça fait plus de 15 ans que je me bats.
51:30Lorsqu'on se retrouve ici, on s'encourage.
51:32Ça fait du bien pour continuer à vivre quand même.
51:35Nous attendons nos fils.
51:39Cette manifestation se poursuivra,
51:41quels que soient les changements de gouvernement en place,
51:43qu'ils fassent leurs petits arrangements entre eux,
51:45que ce soit sous l'ancien ou le nouveau.
51:47Peu importe, nous viendrons protester ici.
51:50Nous serons là.
51:50Nous sommes là.
51:51Nous sommes là.
51:51Nous sommes là.
52:20Nous sommes là.

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