Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 23/05/2025
DB - 23-05-2025

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00Musique
00:30Le tour de la France par deux enfants, c'est un livre qui a enchanté nos parents quand ils étaient enfants et avant eux, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents.
00:57Et quand ces arrière-grands-parents étaient enfants, soyez sûr que leurs parents et leurs grands-parents s'arrangeaient aussi pour lire en cachette de leurs enfants le tour de la France par deux enfants.
01:10Si bien qu'on ne compte plus les générations qui ont ri, frémi et pleuré aux aventures d'André et de Julien depuis 80 ans.
01:27Et pourtant, dans notre imagination, les deux héros ont toujours le même âge. André a 15 ans.
01:38Et Julien, 7 ans.
01:40Évidemment, André et Julien de 1877 nous feraient un peu sourire aujourd'hui.
01:48Ils voyageaient à pied dans ce temps-là où empruntaient les glorieux moyens de locomotion de l'époque.
01:54Non, André et Julien, tels que vous allez les voir, sont bien des enfants de 1957, de vrais garçons du siècle de la vitesse.
02:20Et pourtant, leur histoire est toujours la même, ou presque.
02:24Nous avons même tenu à conserver les maximes morales qui précèdent chacun des chapitres dans le livre de Jadis en espérant qu'elles ne vous feront pas trop sourire.
02:33Voici celle du premier chapitre.
02:35La vie entière est un voyage où l'on rencontre à chaque pas des difficultés nouvelles.
02:40La vie entière est un voyage où l'on rencontre à chaque fois.
03:10C'est un voyage où l'on rencontre à chaque fois.
03:40Allé par les remorqueurs, quand un paquebot entre au port, on dirait un gros chien tenu en laisse, un gros poisson capturé qu'on ramène à terre.
03:52Et tous les passagers, debout sur les ponts du navire, ont l'air eus aussi de loin d'avoir été pêchés dans l'océan, comme un banc de sardines.
03:59Et pourtant, de tous ces petits poissons semblables, de tous ces voyageurs anonymes, chacun a son histoire.
04:06Et si on avait le temps, on les suivrait sur le quai pour la connaître.
04:10Ces deux enfants, par exemple, qui arrivaient ce matin-là au Havre, au mois de juillet dernier, deux garçons, tout seuls, deux frères sans doute, et qui regardaient la côte.
04:22Quand on se trouve sur un bateau qui accoste, il est difficile de faire autre chose que de regarder.
04:27Oh, il y a bien des manières de regarder.
04:30Il y a ceux qui se contentent de regarder ceux qui les regardent du quai.
04:34Il y a les inquiets qui regardent fixement le commandant sur sa passerelle, comme pour s'assurer qu'on est bien arrivé, qu'on ne sait pas tromper de port.
04:40Il ne s'agit pas de Djibouti ou de San Francisco, mais bien du Havre.
04:44Il y a les curieux qui regardent la manœuvre d'accostage.
04:47Les éternels pressés qui ne regardent que leur montre.
04:49Il y a les blasés qui ne regardent rien du tout.
04:52Nos enfants ont regardé devant eux, très loin, même pas le quai, même pas la ville, la France.
04:56Julien Leclerc, né en 1950 à Montréal, de parents français immigrés venant du Canada.
05:24André Leclerc, né en 1942 à Lyon.
05:39André avait bien envie de répondre, mais oui, c'est bien moi, monsieur André Leclerc.
05:43Et vous, comment vous appelez-vous et comment va la France ?
05:46Mais le commissaire n'était pas là pour qu'on lui pose des questions.
05:48Il aurait fallu lui expliquer qu'il était le premier français à qui André et Julien parlaient.
05:53Ça compte ces choses-là, mais le commissaire avait autre chose à penser.
05:57C'est tout droit, les enfants. La France, tout droit.
06:00C'est tout droit, les enfants.
06:30C'est tout droit, les enfants.
07:00Il n'y avait personne décidément pour les attendre. Personne.
07:11Que la France, là, devant eux.
07:15Qu'est-ce que c'est la France ? Qu'est-ce que c'est un pays ?
07:19Quand c'est son propre pays, ce n'est pas un dessin sur la carte de géographie, ce n'est même pas quelque chose de grand.
07:25C'est une rue peut-être simplement, un jardin, une fenêtre avec des fleurs, une odeur, une maison, un sourire, un visage.
07:33Et quand c'est un pays étranger où l'on débarque soudain sans connaître personne et qu'on est un enfant,
07:40la France, c'est tout à la fois, tout en bloc.
07:43C'est beaucoup.
07:44Tous les passants, toutes les pierres, toutes les maisons, et aucune particulièrement.
07:47100 000 maisons, 100 000 visages.
07:50C'est trop pour deux jeunes gens qui se contenteraient d'une seule maison, d'un seul visage, d'une seule voix qui les appellerait par leur nom.
07:58C'est toi, André. C'est toi, Julien.
08:00C'est terrible, de marcher dans un pays inconnu et de se dire qu'on peut se promener ainsi toute la journée dans la ville,
08:07sans que personne risque de vous appeler par votre nom.
08:10Personne.
08:12Sauf le commissaire des passeports tout à l'heure de Savoie glacée.
08:15André Leclerc, Julien Leclerc, au suivant.
08:23Le Havre.
08:24Une ville toute neuve, toute propre, presque irréelle.
08:27Nos deux étrangers s'y sentaient un peu moins perdus.
08:30Était-il perdu, d'ailleurs, M. Leclerc, au Viking 25e de Southampton, Le Havre.
08:40Allant, ils n'étaient donc pas tout seuls.
08:42Il y avait au moins un Français qui les attendait.
08:45La France, enfin, allait prendre un visage pour eux.
08:48La vie n'était pas compliquée.
08:51La France n'était pas compliquée.
08:52Ces enfants du square, d'ailleurs, n'étaient-ils pas tous semblables à eux ?
08:56Un mot.
08:57Un seul mot, peut-être, et ils deviendraient aimés.
09:00C'est vrai.
09:01C'est vrai.
09:01C'est vrai.
09:02C'est vrai.
09:02Merci.
09:32Au bout d'une heure, il s'était perdu tout à fait.
09:40Il confondait les bassins, les quais, les squares, les rues.
09:45Non, c'est trop loin, disait Julien. Je veux retourner au Canada.
09:49C'est trop compliqué, la France.
10:02Cette fois, nous y sommes.
10:23Monsieur Leclerc, au Viking, 25 quai de Southampton.
10:27Leclerc, un parent sans doute.
10:29Du coup, nos enfants ne se sentent plus des touristes, des voyageurs, des passagers, des étrangers.
10:33Mais deux enfants comme les autres qui ont un nom, une famille, une vie à eux.
10:37Et cette vie commence là-bas, tout près, de l'autre côté de la vitrine.
10:58Madame Marinette, c'est pour vous.
11:12Qu'est-ce que c'est, les enfants ?
11:14Madame, nous cherchons Monsieur Leclerc.
11:16Monsieur Leclerc connaît fort.
11:17C'est un routier qui vient de l'île tous les deux jours avec son camion.
11:20Son camion ?
11:21Le camion Leclerc.
11:22Le camion Leclerc.
11:23Oh, ben c'est Georges !
11:26Oui, la remorque bleue, quoi.
11:27Ben c'est Georges, moi les noms, je ne les connais pas.
11:29Un grand gasolide avec une casquette ?
11:31Une casquette ?
11:32Non, en fait, ne t'inquiète pas, il sera là ce soir, il arrive vers 10 heures.
11:34Ah bon, merci, madame.
11:35Ah, tu penses que je le connais, Georges ?
11:37C'est un gasolide.
11:39Madame ?
11:40Oui ?
11:40C'est ici, la France ?
11:42Ici, c'est le Horde, mon petit bonhomme.
11:44Mais c'est déjà la France.
11:45Oui ?
11:46Il faut vous dire qu'on arrive du Canada par bateau.
11:48Tous les deux seuls ?
11:49Oui, madame.
11:50Ah, qu'est-ce que vous lui voulez, à Georges ?
11:52Monsieur Leclerc, c'est notre oncle.
11:53C'est l'oncle François, monsieur Leclerc.
11:55Ah, ton oncle !
11:57Alors, il t'a sûrement parlé de moi, Mme Marinette, non ?
11:59Je ne sais pas.
12:00Enfin, ton oncle, c'est un homme solide.
12:02Je ne sais pas.
12:03Ah ben, tu ne sais pas grand-chose, quoi, décidément.
12:05C'est que c'est notre oncle, mais on ne l'a jamais vu.
12:07On ne l'a jamais vu ?
12:08Non, madame.
12:09Jamais !
12:09Ben, et lui, il vous a déjà vu ?
12:11On le trompe, bien sûr.
12:12Ah, bien sûr, t'es bête.
12:13Est-ce qu'il vous attend seulement ?
12:19Non, on ne sait pas qu'on vient le voir.
12:20Vous avez son adresse, au moins.
12:22Non, mais mon père au Canada dit qu'on le trouverait sûrement ici.
12:24Bien sûr.
12:25Enfin, s'il ne venait pas, on ne sait jamais.
12:27Qu'est-ce que tu ferais ?
12:28Je ne sais pas, madame.
12:29Tu ne sais pas ?
12:30Pourquoi vous dites ça, madame ?
12:31Non, ben, pour rien, pour rire, bien sûr.
12:33Puis, il sera là tout à l'heure.
12:34Et demain soir, vous serez à Lille, chez lui.
12:36Madame ?
12:37Oui ?
12:37Est-ce qu'il est gentil ?
12:39Gentil ?
12:40Ben, bien sûr qu'il est gentil.
12:41Ici, tout le monde est gentil, mon petit.
12:42C'est vrai, ça, madame.
12:44Alors, comme ça, vous venez du Canada tout seul.
12:47Ce n'est pas bien compliqué.
12:49Eh ben, moi qui ai déjà peur quand je vais seulement jusqu'à Saint-Adresse.
12:52Saint-Adresse, c'est en France, madame ?
12:54Oui, monsieur, c'est en France.
12:55Tu feras bien apprendre la géographie, toi.
12:57Je vais être le premier prix de géographie à l'école, madame, à Montréal.
13:00Eh ben, on ne le dirait pas.
13:03Montréal ? Où c'est ce pays-là ?
13:05Un camion.
13:10C'était donc là ce qu'ils attendaient, nos deux enfants.
13:12Ils avaient rendez-vous avec un camion.
13:14Un étrange rendez-vous dont ils étaient seuls avertis.
13:17Rendez-vous avec un camion.
13:18Le camion Leclerc, c'est tout.
13:20Mais c'est assez.
13:21Tout le monde connaît le camion Leclerc.
13:22Ce soir au Havre, demain à Lille, hier à Lille, avant-hier au Havre.
13:25C'est simple, c'est régulier.
13:26Comme la vie de tous les camions qu'ils transportent des choux, des bananes ou des quartiers de viande.
13:30Et pourtant, celui-ci n'était pas tout à fait comme les autres.
13:33Même son chauffeur ignorait lui-même que ce soir-là, son camion était également chargé de tendresse et d'espoir.
13:42Une pleine cargaison d'espérance pour deux enfants.
13:46C'est solide un camion.
13:49C'est un gros animal précis et fidèle.
13:52C'est rassurant.
13:53Ça ne risque pas de se perdre, de vous faire faux bond, de s'escamoter sur la route.
13:56C'est tranquille et solide comme une maison.
13:59Une maison qui marche.
14:01Et le chauffeur de ce camion, qu'on l'imagine aussi, tranquille.
14:05On ne le voit pas en train de prendre des chemins de traverse, de flâner, de brûler les étapes, d'oublier l'horaire, de manquer les rendez-vous.
14:11Ah, il ne se doutait pas de ce qu'il allait trouver ce soir, le chauffeur du camion en arrivant.
14:17On allait lui dire, c'est vous l'oncle Leclerc ?
14:20Vous ne nous attendiez pas, nous sommes vos neveux.
14:23T'es neveux, mon oncle.
14:25Une drôle de cargaison qu'il va falloir charger.
14:28Il va falloir leur trouver une petite place entre les chouffleurs et les artichauts, entre la boîte de vitesse et la boîte à outils.
14:34Et peut-être qu'il y pensait à cette heure, le chauffeur, à ses lointains neveux du Canada.
14:39Ou plutôt sans doute qu'il ne pensait à rien.
14:43Il avait déjà les yeux pleins de sommeil.
14:44Il pensait tout simplement qu'il était à l'heure, comme d'habitude, et que la fin du voyage approchait.
14:48Comme tous les chauffeurs de tous les camions à la même heure, sur toutes les routes de France.
14:53Visiblement, des enfants, il avait de quoi en charger des douzaines, pour les emporter à l'autre bout du monde.
15:00Sous-titrage Société Radio-Canada
15:30Sous-titrage Société Radio-Canada
16:00« Leclerc, Renault, successeur ».
16:03Et voilà.
16:04Il suffit d'un coup de pinceau sur la porte d'un camion pour tout changer.
16:09Leclerc ne connaît pas.
16:10Ah non, ce n'était pas possible.
16:12Il savait peut-être quelque chose de l'oncle.
16:13Ce qu'il faisait, au moins s'il était encore à l'île.
16:16Il fallait lui courir après, le questionner, le presser de s'expliquer.
16:20Mais André ni Julien n'en avaient le courage.
16:22Il serait plutôt resté toute la nuit à tourner autour de ce camion vide,
16:26comme s'il avait encore quelque chose à révéler.
16:30Et puis, où voulez-vous aller ?
16:31Pour eux, désormais, il y avait là-bas le Canada, le pays de leur enfance,
16:34là-bas au bout du monde.
16:35Et ici, la France, un pays ce soir, sans sourire et sans visage.
16:41Sous-titrage MFP.
17:11La France
17:41Sous-titrage MFP.

Recommandations