00:00On continue ce Lex Inside, on va parler de la nouvelle jurisprudence fiscale pour le calcul de la taxe foncière des centrales photovolcaïques et éoliennes avec mon invité Mathieu Selva-Roudon, avocat chez LPALO.
00:25Mathieu Selva-Roudon, bonjour.
00:27Bonjour.
00:27Alors on va décrypter la nouvelle jurisprudence fiscale du 21 mai dernier pour le calcul de la taxe foncière des centrales photovolcaïques et éoliennes.
00:38Cette décision qui apporte des clarifications importantes sur la valorisation des terrains d'assiettes.
00:45Pour bien comprendre, on va partir des faits. Pouvez-vous nous rappeler les principaux faits de cette décision ?
00:51Dans cette décision, vous avez une société qui exploite une centrale photovoltaïque qui a pris à bail les terrains sur lesquels sont construits la centrale,
01:06auprès de particuliers et de la commune dans le cadre de baux amphithéotiques, c'est-à-dire des baux de long terme, sur une durée en espèce de 40 années.
01:16Donc un contexte finalement assez classique pour une centrale photovoltaïque.
01:21Et dans ce cadre-là, l'administration fiscale a entendu taxer, soumettre à la taxe foncière les terrains, les fameux terrains.
01:33Et pour ce faire, elle a tenu un raisonnement pour schématiser en quatre temps.
01:38Le premier temps du raisonnement, c'est que l'administration a considéré qu'il fallait appliquer les règles du foncier bâti.
01:46Le deuxième temps, c'est qu'elle a ensuite exclu une valorisation à la méthode comptable pour lui préférer une valorisation selon la valeur locative du terrain.
01:58Le troisième temps, c'est qu'elle a classifié, elle a catégorisé le terrain dans la classification des biens présentant des caractéristiques exceptionnelles.
02:08Ce qui lui a permis d'aller chercher la valeur vénale du terrain, la valeur réelle, comme le permettent les textes.
02:18Et le quatrième temps, c'est que pour objectiver cette valeur vénale, elle a considéré qu'il fallait en réalité multiplier la redevance due par l'opérateur au bailleur
02:33sur toute la durée du bail, donc sur 40 années. Schématiquement, elle a pris la redevance, elle a multiplié par 40, je schématise un petit peu,
02:42et elle a dégagé comme cela la valeur vénale. Et le tribunal administratif de Nîmes a donné raison à l'administration, d'où la cassation devant le Conseil d'État.
02:51D'accord. Bon, on a vu schématiquement l'effet de cette décision. Quel est l'intérêt de cette décision ?
02:59Alors, il est très important, l'intérêt, puisqu'en fait, il touche dans cette décision une centrale photovoltaïque.
03:09Mais en réalité, nous savons que le même raisonnement, en quatre temps, est aussi tenu pour aller rechercher de la taxe foncière sur des parcs éoliens.
03:19Donc, finalement, c'est, je dirais, une grosse partie de la filière renouvelable qui est touchée.
03:24Et puis, le deuxième intérêt, c'est qu'en fait, ce raisonnement qui est appliqué ici pour la taxe foncière,
03:30il est tout aussi valable pour un autre impôt, qui est la CFE.
03:35Et ce qu'on voit en pratique dans les propositions de rectification reçues par les opérateurs,
03:40c'est que l'administration, sur la base du même raisonnement, elle va rechercher la taxe foncière et la CFE.
03:46Donc, un intérêt pratique vraiment important.
03:50Alors, pour bien comprendre, que dit précisément le Conseil d'État dans cette décision ?
03:54Pour vous répondre simplement, parce que c'est un sujet qui est très technique,
03:57je vais rester sur le raisonnement en quatre temps, parce que finalement, le Conseil d'État l'a retenu, ce raisonnement.
04:03Donc, le Conseil d'État, qu'est-ce qu'il nous dit ?
04:04Il nous dit premièrement, oui, on peut appliquer les règles du foncier bâti au terrain.
04:11Je ne tombe pas forcément sous le sens, mais peut-être que j'aurai un petit mot pour en parler tout à l'heure.
04:18Le deuxième temps, c'est que le Conseil d'État a lui aussi écarté la méthode comptable,
04:24mais simplement compte tenu de la qualité des bailleurs.
04:27Bon, là, ce n'est pas le point le plus intéressant de l'arrêt.
04:29Le troisième temps, c'est que le Conseil d'État a validé la classification du terrain
04:37en bien présentant des caractéristiques exceptionnelles,
04:41ce qui permet donc effectivement d'aller, de s'interroger sur la valeur vénale de ce terrain.
04:47Et là, c'est le quatrième et dernier temps du raisonnement.
04:50Le Conseil d'État valide la possibilité de dégager cette valeur vénale du terrain
04:55à partir des fameuses redevances et sur toute la durée des baux amphithéotiques.
05:01Alors, on va s'intéresser maintenant aux apports de cette décision.
05:05Quels sont les principaux apports et quels sont les points qui sont non purgés,
05:09les zones d'ondres, s'il y en existe encore ?
05:12Alors, c'est une très bonne question.
05:14Le principal apport, celui qui ressort directement de la décision,
05:18c'est qu'effectivement, la méthode de valorisation à partir de la redevance payée par l'opérateur
05:24ou due par l'opérateur sur toute la durée des baux amphithéotiques,
05:28cette méthode, en l'espèce, elle est validée.
05:31Ça, c'est un point important, puisque en réalité, tous les opérateurs aujourd'hui
05:34qui seraient dans la même situation et qui n'auraient pas dans leur assiette de la taxe foncière
05:40cette valeur des terrains calculées par cette méthode,
05:45sont potentiellement concernés.
05:47en photovoltaïque, mais, je le répète, aussi en éolien,
05:51bien que la décision ne vise un espèce qu'une centrale photovoltaïque.
05:56Donc ça, c'est un apport, c'est une clarification, on va dire, très importante.
06:01Mais, comme vous le soulignez, et vous avez raison,
06:05la question n'est pas totalement purgée, et loin de là.
06:07Pourquoi ?
06:08Alors, pourquoi ? Parce que, pour plein de raisons,
06:11mais je vais, dans le temps qui nous est imparti, je vais en retenir trois principales.
06:15D'abord, parce que cette méthode, elle est certes validée en l'espèce,
06:22mais dans les circonstances de l'espèce.
06:23C'est écrit dans la décision.
06:25Et là, le Conseil d'État, alors il faut lire la décision,
06:28mais s'appuie sur trois marqueurs qui lui ont fait dire
06:32qu'il était raisonnable de s'appuyer sur les baux.
06:36Et en particulier, il a relevé que la durée d'exploitation de la centrale
06:40correspondait précisément à la durée des baux,
06:44qu'il fallait, à l'issue des baux, à l'expiration des baux,
06:47il fallait remettre le terrain en état, détruire la centrale.
06:52Et enfin, il a relevé que, selon lui, la valeur du terrain
06:59ressortait en espèce vraiment du fait qu'il était principalement,
07:02quelque part, affecté à la centrale.
07:04Ce n'est pas comme ça que c'est écrit, mais c'est un petit peu
07:06l'idée qu'on peut retenir.
07:08Nous pensons que si nous nous retrouvions dans une situation
07:14qui n'est pas précisément celle que je viens d'indiquer,
07:17peut-être que le Conseil d'État aurait eu plus de mal
07:21à valider la méthodologie.
07:23C'est vrai que ce schéma-là, en pratique, on le voit souvent,
07:26mais qui sait, les opérateurs vont peut-être s'adapter un petit peu,
07:29l'avenir le dira.
07:29Donc c'est seulement dans ce périmètre-là
07:32qu'il y a cette méthode de calcul.
07:35C'est ce que nous pensons, en tout cas, aujourd'hui.
07:39Le deuxième point, qui est un petit peu plus philosophique,
07:44mais qui est d'une importance, selon moi, majeure,
07:47c'est que cette espèce d'assimilation d'un terrain
07:52aux règles du bâti, elle ne tombe pas sous le sens.
07:58Il suffit de...
07:59Vous prenez votre voiture, vous allez prendre la 6 peut-être au mois d'août,
08:04vous allez voir des parcs éoliens,
08:07et vous allez voir qu'il y a des champs autour.
08:08Plus de 80% des parcs éoliens sont construits sur des terrains agricoles.
08:13Donc, conclure ou décider que pour valoriser ces terrains,
08:19il faut nécessairement considérer qu'ils sont, par une sorte de fiction fiscale,
08:25bâties, car à usage industriel.
08:29Nous pensons, là aussi, malgré cette décision,
08:32qu'il y a beaucoup à dire.
08:34Donc il faut rester vigilant sur ce point.
08:36Il faut rester vigilant et il faut s'interroger, en fait,
08:39au cas par cas, projet par projet,
08:42si finalement, on ne pourrait pas peut-être sectoriser
08:44les parcelles qui sont immédiatement sous les mâts,
08:47je reprends l'exemple de l'éolien,
08:49qui, elles, ne sont pas cultivables,
08:50et puis des terrains autour, qui, eux, le sont parfaitement.
08:54Est-ce qu'il est normal pour ces parcelles-là
08:56de les considérer comme du bâti,
08:58plutôt que de les considérer comme de l'agricole ?
09:01On va conclure là-dessus.
09:02Merci Mathieu Selvaroudon.
09:04Je rappelle que vous êtes avocat au sein de LPLO.