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  • 11/06/2025
Mercredi 11 juin 2025, retrouvez Thuy-My Vu (Fondatrice, Rise and Sign), Muriel Chagny (Professeur de droit UVSQ (Paris-Saclay)) et Clément Monnet (Counsel, Norton Rose Fulbright) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Générique
00:30Bonjour, bienvenue dans Lexinside, l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique.
00:36Du droit, du droit et rien que du droit.
00:39Au programme de ce numéro, on va parler de la protection de la réputation des entreprises.
00:44Ce sera dans quelques instants avec Thuy Mivu, fondatrice de Rise and Sign.
00:49On parlera également de la faute lucrative avec Muriel Chagny, professeure en droit privé à l'université de Versailles Saint-Quentin.
00:58Et enfin, on parlera droit des marques et crypto actifs avec Clément Monnaie, console chez Norton Rose Full Drive.
01:06Voilà pour les titres, Lexinside, c'est parti !
01:19Comment protéger la réputation de son entreprise ?
01:22On en parle tout de suite avec mon invité, Thuy Mivu, fondatrice de Rise and Sign.
01:28Thuy Mivu, bonjour !
01:29Bonjour Arnaud !
01:30Nous allons explorer ensemble les enjeux de la protection de la réputation de l'entreprise et aussi celle de leurs dirigeants.
01:38Tout d'abord, un point qui me semble important, c'est la mobilisation de tous les services d'une entreprise
01:44au service de la protection de la réputation de l'entreprise.
01:49Alors, comment ces différents services peuvent-ils collaborer ensemble pour protéger la réputation de l'entreprise ?
01:55Alors, je pense que ce qu'il faut avoir en tête tout d'abord, c'est que la réputation de l'entreprise,
02:01elle peut être atteinte à la fois dans les médias, sur les réseaux sociaux,
02:04mais aussi dans les tribunaux, dans les écoles auprès des talents et également sur le dark web.
02:09Ce que je veux dire par là, c'est qu'en fait, la réputation d'une entreprise, c'est bien l'affaire de tous dans l'entreprise.
02:15Donc, tous les départements ont intérêt à s'impliquer dans sa protection.
02:20Comment collaborer efficacement ? Je pense qu'il y a deux points.
02:23Le premier, c'est l'anticipation des risques réputationnels.
02:26Et le second, c'est assez naturellement la gestion de crise.
02:30Qu'est-ce qu'on fait quand l'entreprise est victime d'un tweet viral ou d'une cyberattaque ou autre ?
02:37Le fait d'aborder ces questions-là avec une approche collaborative,
02:42ça permet non seulement d'assurer une double vérification,
02:45en tout cas une vérification collective du contenu qui est diffusé par l'entreprise.
02:50Et sur ce point-là, je pense qu'il faut vraiment garder en tête que,
02:53pour protéger sa réputation avant tout,
02:56la première bonne pratique, c'est d'avoir une gestion responsable de l'information,
02:59qu'on diffuse en externe mais aussi en interne.
03:01Et ensuite, le partage de bonnes pratiques nécessairement permet de sensibiliser
03:06toutes les équipes aux enjeux que chacune rencontre.
03:10À partir de là, l'un des exemples les plus frappants, je pense,
03:15c'est la cartographie des risques qui est effectuée par les équipes,
03:18les directions juridiques principalement,
03:20et qui peuvent non seulement informer correctement l'ensemble de l'entreprise,
03:25mais en plus être enrichies si on implique les autres directions.
03:27Et pour répondre très concrètement à votre question,
03:32le bon process, notamment en gestion de crise, mais aussi en antipation,
03:36je pense que c'est d'avoir non seulement des réunions très récurrentes,
03:40donc de partager assez systématiquement les informations,
03:43de constituer aussi une cellule de crise qui est très efficace
03:47et facilement mobilisable,
03:49avoir des process de communication en interne qui sont éprouvés,
03:53qui sont fiables, sur lesquels on peut partager des données éventuellement sensibles,
03:56et surtout être réactifs.
03:59Et enfin, faire des exercices de simulation.
04:02Ça peut paraître parfois un peu un gadget en entreprise, en fait.
04:05C'est fondamental pour tester à la fois la résistance au stress de vos équipes,
04:09mais aussi la résilience de l'entreprise.
04:12C'est comme ça qu'on se rend compte finalement,
04:14comme ça qu'on voit les bonnes pratiques qui sont efficaces
04:18en simulant justement tous ces aspects.
04:20Néanmoins, il peut y avoir des obstacles que rencontrent les différents services
04:25quand ils travaillent ensemble à la protection de la réputation de l'entreprise.
04:28Comment lever ces obstacles et faire en sorte de bien travailler efficacement ?
04:35Alors forcément, le fait d'impliquer beaucoup de monde,
04:37ça nous fait perdre en agilité.
04:38Ça peut être un point.
04:39Donc, il faut apprendre à désigner des rôles à chacun
04:43pour rendre vraiment cette organisation extrêmement efficace.
04:46Il ne faut pas être paralysé par l'intermédiarisation,
04:49par la multiplication des systèmes de validation.
04:52Je pense que c'est pour ça que là, la simulation est importante en réalité.
04:55Alors, il y a un autre aspect qui est important aussi,
04:57c'est le dirigeant lui-même.
04:59C'est important de bien protéger sa réputation.
05:01Pourquoi c'est important ?
05:02En fait, alors aujourd'hui, mais c'était déjà valable avant,
05:06le dirigeant ou la dirigeante est un représentant en ambassadeur de l'entreprise.
05:11Dans les médias, mais aussi sur les réseaux sociaux,
05:14c'est d'autant plus vrai aujourd'hui avec LinkedIn ou Instagram,
05:17on peut se raconter, on peut revenir sur une aventure entrepreneuriale,
05:21on peut porter des convictions fortes.
05:24Et à partir de là, nécessairement, on lit le destin du dirigeant à celui de l'entreprise.
05:29Il devient une cible pour des concurrents, pour des activistes ou autres,
05:35qui voudraient dégrader à la fois son image, mais aussi l'activité de l'entreprise.
05:40Et c'est pour cette raison que c'est important de protéger sa réputation à lui aussi.
05:43D'autant plus que le terrain d'attaque, il est encore plus grand.
05:46Parce qu'enfin, encore plus grand.
05:47Il est d'autant plus grand qu'on peut l'attaquer non seulement sur ses activités professionnelles,
05:52mais aussi sur un point de vue plus personnel, sur son management, sur sa vie privée.
05:57Alors justement, comme c'est extrêmement sensible, l'image d'un dirigeant,
06:02il y a des outils, des stratégies à mettre en place.
06:06Concrètement, qu'est-ce qu'on peut faire ?
06:08Alors, sur les outils, je ne sais pas si...
06:10Enfin, la question est très large et je ne sais pas si ça diffère grandement
06:13de ceux qu'on utilise pour les entreprises.
06:15Ce que je peux vous dire, c'est que sur la stratégie,
06:17on peut adapter évidemment la stratégie globale de communication
06:21aux aspirations du dirigeant.
06:23Tout le monde n'a pas forcément envie de porter un message
06:25dans absolument tous les médias.
06:27Et pour ça, ça nécessite un accord complet, une posture validée avec le dirigeant,
06:33mais aussi beaucoup de médiatraining, un travail éditorial conséquent.
06:37Alors, on dit souvent également que l'éthique et la transparence
06:40sont des piliers de la réputation de l'entreprise.
06:43En quoi concrètement, l'éthique et la transparence sont essentielles
06:48à la réputation d'une entreprise ?
06:49Alors, pour moi, il y a deux points importants.
06:52L'éthique et la transparence aujourd'hui, c'est des valeurs essentielles
06:56qui sont attendues par quasiment toutes les parties prenantes d'une entreprise.
07:01Elles sont attendues par les talents, elles sont attendues aussi par les fournisseurs,
07:06les prestataires, les clients qui sont eux-mêmes signataires
07:08ou auteurs de chartes éthiques, mais aussi par plus largement la société.
07:13Je pense que c'est ce qu'on voit aussi avec l'émergence d'initiatives RSE
07:17et de la place accordée à la RSE en général.
07:19Le deuxième point, c'est qu'il faut garder en tête
07:22et c'est révélé notamment par le forum de Davos en 2024,
07:27c'est que la menace pour l'humanité aujourd'hui, c'est la désinformation.
07:31L'entreprise, elle évolue dans un écosystème informationnel
07:34qui est extrêmement pollué et à mon sens,
07:36elle a une responsabilité dans l'assainissement de cet espace.
07:41Alors, vous l'avez dit tout à l'heure,
07:42anticiper les risques est indispensable.
07:44Concrètement, quelles sont les bonnes pratiques
07:47pour justement anticiper les risques de réputation de l'entreprise ?
07:52Alors, très concrètement, je pense que ça s'adapte
07:54en fonction de la taille de l'entreprise, bien sûr,
07:56mais il y a un kit de survie, je dirais.
07:59Le premier, c'est évidemment la formation.
08:02Elle doit être continue, mise à jour régulièrement.
08:05La veille, donc le fait de se tenir à jour des sujets sensibles
08:08pour l'entreprise et son secteur, l'échange, je le martèle un petit peu,
08:12mais la culture du partage, elle est importante dans ce contexte-là.
08:16Et le dernier point, c'est le fait de ne pas hésiter à faire appel
08:20à des spécialistes de la gestion de crise, de la cybersécurité, du management,
08:24parce qu'ils sont capables d'anticiper certains risques
08:26et d'avoir un prisme peut-être plus technique et apporter leur expertise.
08:32Et surtout, ce qu'on dit souvent, c'est qu'il faut agir rapidement,
08:34c'est-à-dire dès que la crise commence, il faut tout de suite contacter
08:38les spécialistes de ces questions.
08:40Effectivement.
08:41Et alors, peut-être un autre point qui me semble important,
08:43vous avez indiqué l'aspect fake news aussi,
08:47qui est de plus en plus, je dirais, impactant sur la réputation des entreprises.
08:53Vous avez abordé LinkedIn.
08:55Comment on fait dans un monde où on a de l'information tout le temps
08:58pour essayer justement de veiller, de faire un benchmark
09:02de tout ce qui est dit sur l'entreprise et de faire en sorte
09:05de rectifier parfois ce qui est dit ?
09:06Alors, c'est un exercice qui est très compliqué.
09:09Et c'est pour ça, je pense, qu'il nécessite parfois
09:11de faire appel à des consultants externes.
09:14C'est des compétences qu'on n'a pas forcément systématiquement en interne,
09:17pas forcément pour des sujets de mise à niveau,
09:20mais plus aussi d'effectifs, de temps passé.
09:23Le fait de veiller, ça prend énormément de temps,
09:25d'avoir un œil un peu sur tous les réseaux,
09:28sur la presse, en ligne, sur Wikipédia,
09:30enfin, sur toutes les plateformes.
09:32Et donc, je pense qu'un moyen efficace, c'est quand même de s'entourer
09:35d'outils et d'humains pour assurer cette veille
09:37et une analyse pertinente de la matière.
09:41Et en ce qui concerne la réponse, je pense que malheureusement,
09:43c'est là qu'on rentre dans la crise.
09:46C'est un peu du cas par cas.
09:47Je pense que dans un temps donné,
09:50l'entreprise parfois rencontre des fake news,
09:52mais ne peut pas y répondre comme elle le veut
09:53pour des raisons diplomatiques, économiques ou autres.
09:56Et dans ces cas-là, ça nécessite justement de mobiliser
10:00tous les outils que je viens de citer.
10:02Ce sera le mot de la fin.
10:03Merci Thumi Vu.
10:04Je rappelle que vous êtes fondatrice de Rise and Sign.
10:07Merci.
10:08Tout de suite, l'émission continue.
10:09On va parler de la faute lucrative.
10:11On poursuit ce Lex Insight.
10:23On va parler de la faute lucrative
10:25avec mon invité Muriel Chagny,
10:27professeur en droit privé à l'université Versailles,
10:3050 ans en Yvelines.
10:31Muriel Chagny, bonjour.
10:33Bonjour Arnaud.
10:34Le nouvel article 1254 du Code civil
10:37introduit de façon inédite en droit commun
10:39de la responsabilité civile,
10:41une sanction civile des fautes lucratives
10:44qui soulève de nombreuses questions.
10:46Pour commencer, pourquoi un tel texte a-t-il été introduit ?
10:51À vrai dire, je me pose moi-même la question Arnaud.
10:53Alors, en réalité, ce texte est le fruit
10:56d'une initiative parlementaire
10:58en cours de vote de la dernière loi DADU
11:01du 30 avril 2025.
11:03Et donc, si on regarde ce qui a été dit
11:06par les auteurs de l'amendement,
11:07eh bien, il s'agit en réalité
11:09de mieux réprimer les manquements délibérés
11:12tout en, je cite, alimentant un fonds
11:15destiné au financement des actions de groupe.
11:17Alors, effectivement, le produit de cette sanction civile
11:19va permettre d'abonder, d'alimenter un fonds
11:22permettant de financer les actions de groupe
11:23et ça vise certainement, ça permettra
11:25de faciliter l'exercice des actions de groupe.
11:28Mais l'objectif principal, il est ailleurs,
11:31c'est effectivement, vous l'avez dit,
11:33de sanctionner la faute lucrative.
11:35Alors, qu'est-ce que c'est la faute lucrative ?
11:37C'est une faute qui, en réalité,
11:39va laisser à son auteur un profit
11:42malgré le fait qu'il est obligé de réparer
11:45par l'allocation de dommages intérêts.
11:48Donc, il s'agit ici, en réalité,
11:50d'éviter que le crime, ou plutôt la faute,
11:52paye. C'est ça l'idée ?
11:53Et donc, en quelque sorte,
11:55il s'agit de déjouer les calculs coût-avantage
11:58qui peuvent être faits par les auteurs
12:00de certaines fautes.
12:02Alors, certains droits spéciaux
12:03l'avaient déjà fait avant.
12:04Le droit commun a eu du mal à le faire
12:06puisqu'il a été question depuis 20 ans maintenant,
12:11vous voyez, 20 ans tout juste,
12:12il a été question de dommages intérêts punitifs,
12:14de dommages intérêts restitutoires,
12:16d'amendes civiles.
12:17Et là, on a fini par, enfin,
12:19avoir un texte avec une,
12:21un peu curieuse,
12:22sanction civile
12:23qui a été adoptée.
12:25Alors, on n'en sait plus sur cette faute lucrative.
12:29On va revenir sur la sanction.
12:31Est-ce que cette sanction est suffisamment encadrée ?
12:34Alors, c'est vrai que cette sanction,
12:35elle pose quand même un certain nombre de questions
12:37parce qu'elle a un domaine d'application
12:40qui est très large, me semble-t-il.
12:43En effet, elle va concerner aussi bien
12:45la responsabilité contractuelle
12:47que la responsabilité délictuelle.
12:49et par ailleurs,
12:51elle va jouer dès lors qu'on est dans l'exercice
12:54d'une activité professionnelle.
12:56Donc, ça va concerner très largement
12:57les entreprises, les opérateurs économiques.
13:00Ça veut dire que c'est quand même très large
13:02et que donc, ça va pouvoir s'appliquer,
13:03par exemple, à des contentieux
13:05qui intéressent la propriété intellectuelle,
13:08à des contentieux qui intéressent
13:09le droit de l'environnement,
13:10à des contentieux qui intéressent aussi
13:12les inexécutions contractuelles
13:14qui vont être concernées,
13:15le droit de la concurrence,
13:16le droit de la consommation
13:17ou encore les fameuses récentes
13:19obligations de compliance.
13:20Donc, le champ est vraiment large.
13:22Voilà.
13:22Et de là, le régime,
13:24il devient crucial.
13:25Plus le domaine d'application est large,
13:27plus on est tenté de se dire
13:30qu'il faut bien encadrer cette sanction.
13:32Précisément, je ne suis pas sûre
13:34que le compte y soit tout à fait
13:35parce que...
13:36Alors, il y a deux conditions de fond
13:38qui sont posées par le texte.
13:39La première, elle tient à la caractérisation
13:43d'une faute, une faute lucrative,
13:45une faute spécifique.
13:47Donc, et là, le texte pose des exigences.
13:50Il faut que l'auteur de la faute
13:51ait délibérément, c'est-à-dire volontairement,
13:55commise celle-ci en vue d'obtenir un gain
13:59ou une économie indue.
14:01On voit ici qu'on a une volonté
14:02qui est orientée non pas vers un résultat dommageable,
14:06comme c'est le cas de la faute intentionnelle,
14:08mais vers un gain, un profit illicite.
14:11Ça, c'est la première condition.
14:13Mais c'est plutôt la seconde
14:14qui est peut-être un peu facile à satisfaire.
14:17Pourquoi ?
14:18Il suffit que le manquement ait causé un dommage,
14:22alors quel qu'il soit,
14:23à plusieurs personnes.
14:25Mais plusieurs, c'est au moins deux,
14:27ce qui peut aller assez vite.
14:29Plusieurs personnes placées dans une situation similaire.
14:33Qu'est-ce que c'est qu'une situation similaire ?
14:34Ça n'est pas une stricte identité,
14:35similaire, c'est finalement ce qui est à peu près semblable.
14:39Donc, ça reste beaucoup d'hypothèses.
14:40Voilà.
14:41Alors, on peut quand même se rassurer.
14:43Il y a des modalités d'application qui sont prévues.
14:46Il faut une demande, en ce sens,
14:48de la part soit du ministère public,
14:50soit du gouvernement.
14:51Il faut aussi,
14:52si le juge décide d'accorder une telle sanction civile,
14:56il faut aussi une décision motivée.
14:58Mais il reste des inquiétudes quant au montant.
15:02Et en particulier quant au plafond qui est prévu,
15:05qui est quand même extrêmement élevé.
15:07Je suis désant plutôt,
15:08le plafond qui est prévu,
15:09eh bien, c'est pour une personne physique,
15:12deux fois le montant des sommes indument perçus.
15:15Pour une personne morale, c'est cinq fois.
15:18Ça peut aller jusqu'à cinq fois.
15:19Autrement dit, on est encore plus sévère
15:21que les droits spéciaux, vous voyez.
15:23Alors, justement, vous évoquez les droits spéciaux.
15:25Il y a déjà d'autres dispositifs qui prévoient des sanctions.
15:28Quelle est l'articulation avec les droits spéciaux ?
15:32Alors, ce qui est bien à première lecture de ce texte,
15:35c'est qu'il a prévu la question.
15:38Et donc, on pourrait se dire,
15:38tout va bien sur ce point,
15:40tout est prévu.
15:42En réalité, quand on y regarde de plus près,
15:44ça n'est pas tout à fait le cas.
15:45Pourquoi ?
15:46Alors, pourquoi ?
15:47Eh bien, parce qu'en réalité,
15:49ce que prévoit le texte,
15:50c'est l'hypothèse du cumul
15:52avec une amende administrative ou pénale.
15:55Et dans ces cas-là,
15:56eh bien, le texte dispose qu'il faut plafonner
15:59le montant total des amendes
16:01au plafond le plus élevé.
16:03Bon.
16:04Le problème, c'est que,
16:06si vous prenez par exemple l'exemple du droit de la concurrence,
16:08il y a des cas qui ne correspondent pas
16:10ni à une amende administrative,
16:12ni à une amende pénale.
16:14Vous pensez à quoi, par exemple ?
16:15Alors, je pense au droit des pratiques restrictives
16:17pour lequel est prévue une amende civile.
16:20Amende civile qui peut être extrêmement sévère,
16:22puisque ça peut aller jusqu'à 5%
16:24du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise.
16:28Et donc, cette amende civile,
16:30ça n'est ni une amende administrative,
16:32ni une amende pénale.
16:33Donc, le texte n'a pas prévu ce cas de figure.
16:36Alors...
16:37Donc, c'est une lacune.
16:38C'est une lacune.
16:38Il aurait mieux valu sans doute prévoir,
16:40effectivement, le cumul avec une sanction pécuniaire,
16:43qu'elle soit pénale, administrative ou civile.
16:45Alors, je ne veux pas non plus inquiéter.
16:47Je pense que le principe nebis in idem
16:49aura vocation à jouer.
16:51Mais c'est quand même une lacune du texte.
16:53Alors, autre point,
16:55la question de l'attractivité semble se poser également.
16:58Quels sont les risques en la matière ?
17:00Le risque, en réalité, c'est que,
17:02comme je vous l'ai dit,
17:03ce texte concerne les opérateurs économiques.
17:05Et il les expose à des sanctions qui peuvent être élevées,
17:09on l'a dit,
17:11et qui ne sont pas assurables,
17:13et qui peuvent, dans certains cas,
17:14se cumuler,
17:15soit avec l'amende civile,
17:17soit encore avec des dommages d'intérêts.
17:19Donc, ça peut faire peur aux entreprises.
17:20Donc, ça peut faire peur aux entreprises.
17:22Or, les entreprises, précisément,
17:23elles sont les premières,
17:25enclines à mettre en concurrence,
17:26en quelque sorte,
17:27les droits et les systèmes juridiques.
17:29Par comparaison,
17:30on a essayé de choisir le plus profitable.
17:32Et donc, le texte s'applique en matière contractuelle.
17:36Il y a donc un risque, à mon sens,
17:37que les entreprises,
17:38lorsqu'elles établissent leurs contrats,
17:40en tout cas,
17:40quand il s'agit de contrats internationaux,
17:43insèrent dans les contrats
17:44des clauses de choix de loi
17:46et de choix de juridiction
17:48au profit de lois et juridictions étrangères.
17:52Et c'est peut-être un peu dommage
17:53qu'on n'y ait pas davantage songé.
17:55En tout cas, c'est...
17:56C'est un risque pour la sécurité juridique ?
17:58Alors, pour la sécurité juridique,
18:00en réalité,
18:02la question, c'est de savoir
18:04comment le juge va appliquer le texte, au fond.
18:07C'est lui qui a la main.
18:08C'est lui qui aura le dernier mot.
18:11Parce que le texte lui donne
18:13non pas une obligation,
18:14mais une faculté.
18:16Il peut et non pas doit
18:17prononcer une sanction civile.
18:20Donc, il faut attendre les premières décisions
18:22pour voir comment il va interpréter,
18:24justement, ce texte ?
18:25Alors, en effet,
18:26il faut attendre les premières décisions
18:27pour voir quelle application
18:28il fera de ce texte.
18:30Est-ce qu'il prononcera des sanctions civiles
18:32très élevées ou pas ?
18:34Est-ce qu'il y aura davantage
18:35dans la sanction de principe ?
18:37Ça, effectivement,
18:38c'est lui qui aura la main.
18:40À moins que ce qu'une loi a fait,
18:42une nouvelle,
18:43puisse la défaire.
18:44Parce que,
18:45ce qu'on peut regretter aussi,
18:47c'est qu'ici,
18:47ce soit une nouvelle fois
18:49une réforme-aide
18:50de la responsabilité civile,
18:51texte après texte,
18:52dans des lois fourre-tout
18:53comme la dadue,
18:54alors qu'il vaudrait mieux,
18:56effectivement,
18:57une vraie réforme d'ampleur
18:58de la responsabilité civile
18:59qu'on attend depuis très longtemps.
19:01On va conclure là-dessus.
19:03Merci, Muriel Chani.
19:04Je rappelle que vous êtes
19:04professeure en droit privé
19:06à l'Université de Versailles
19:07Saint-Quentin-en-Yvelines.
19:08Merci beaucoup, Arnaud.
19:09Tout de suite,
19:10l'émission continue.
19:11On va parler blockchain
19:13et cryptoactifs
19:15et droits des marques.
19:26On enchaîne,
19:27on parle droits des marques
19:29et cryptoactifs
19:30avec Clément Monnet,
19:32console chez Norton Rose
19:33Fullbright.
19:34Clément Monnet,
19:35bonjour.
19:35Bonjour Arnaud.
19:36Nous allons analyser
19:37les défis juridiques
19:38liés à la blockchain
19:39à l'aune du droit des marques.
19:42Pour commencer,
19:43quelles sont, selon vous,
19:44les principales utilités
19:45de la blockchain
19:46en matière de propriété intellectuelle ?
19:49Oui, alors,
19:50il y a beaucoup d'utilités
19:52en matière de propriété intellectuelle.
19:54D'une manière générale,
19:55on sait qu'une blockchain,
19:57c'est une base de données décentralisée
20:00qui permet d'enregistrer
20:01des informations
20:03sous forme de blocs
20:04liés entre elles
20:05de manière chronologique
20:07et ces blocs
20:08contiennent des données
20:09qui peuvent être
20:10des données de transaction
20:11et également
20:12un système
20:13d'eurodatage.
20:15Donc,
20:15en matière de propriété intellectuelle,
20:17pour ma part,
20:17je vois deux principales utilités
20:19qui sont,
20:21la première,
20:22une utilité
20:24de date,
20:24de datation,
20:25entre guillemets,
20:26d'une création,
20:27d'une œuvre de l'esprit.
20:28Le tribunal judiciaire de Marseille
20:31le 20 mars 2025
20:32a récemment considéré
20:34qu'il était possible
20:35de revendiquer
20:36la titularité
20:37d'un droit d'auteur
20:38en invoquant
20:39une création
20:40qui aurait été
20:41horodatée
20:42sur un système de blockchain.
20:43Donc,
20:44c'est une solution
20:45qui est largement accueillie
20:47par la pratique
20:49et même si elle n'est pas
20:50forcément révolutionnaire
20:51parce qu'en l'étranger,
20:52c'était déjà le cas,
20:53mais en tout cas,
20:53en France,
20:54c'est confirmé
20:54que maintenant,
20:55l'on peut justifier
20:56de la titularité
20:57d'un droit d'auteur
20:58par le biais
20:59d'une création
21:00ancrée sur la blockchain.
21:01L'autre utilité principale
21:03que je vois,
21:04c'est le fait
21:04qu'un NFT,
21:07donc un jeton
21:08non-fongible,
21:10peut être utilisé
21:11comme un certificat
21:13d'authentification
21:14d'une création
21:17et donc,
21:18elle peut permettre
21:19de suivre
21:20des diverses transactions
21:23d'un objet,
21:26d'une œuvre de l'esprit
21:27et également
21:28certifier plutôt
21:30la provenance
21:32d'une création.
21:34Donc,
21:35c'est assez utile
21:36dans le domaine
21:37de l'art
21:38et également
21:38des produits de luxe.
21:40Alors,
21:40si les technologies
21:42blockchain
21:42peuvent être utiles
21:44pour la propriété intellectuelle,
21:46attention également
21:47à ce que ces technologies
21:49respectent bien
21:50les droits
21:50de propriété intellectuelle.
21:52Hermès,
21:52la société Hermès
21:53de luxe en a récemment
21:54fait les frais
21:55parce qu'on sait
21:56par exemple
21:56qu'un créateur
21:58de NFT
21:59avait créé
22:01et avait
22:01commercialisé
22:02sur une plateforme
22:04des petits sacs
22:06Birking
22:06digitalisés
22:07et donc
22:09bénéficie
22:10entre guillemets
22:10de l'image
22:11d'Hermès
22:12sans son autorisation
22:12et Hermès,
22:14la société Hermès
22:15a réussi à obtenir
22:16le retrait
22:16de ces NFT
22:18en invoquant
22:18tant son droit
22:19des marques
22:20sur son modèle
22:21que le droit
22:21d'auteur
22:22sur son modèle
22:23de sac
22:23Birking
22:24et a obtenu
22:25le retrait
22:26de ces NFT
22:28contrefaisants
22:29des plateformes.
22:30Donc c'est quand même
22:31vigilance.
22:31Donc vigilance,
22:32attention.
22:33On va revenir
22:33sur la technologie
22:34blockchain.
22:35Quels sont les moyens
22:36de protection
22:37de cette technologie ?
22:38Alors,
22:39la blockchain en soi,
22:40ça reste ni plus ni moins
22:41qu'un logiciel.
22:43En France,
22:44en tout cas,
22:44c'est un logiciel.
22:45Donc c'est
22:46protégé
22:47par des codes sources
22:49et les codes sources
22:49sont protégés en France
22:50par le droit d'auteur.
22:51Donc,
22:52deux principes.
22:53C'est le droit d'auteur
22:54qui s'appliquerait
22:55sous réserve,
22:56bien évidemment,
22:56que les codes sources
22:57soient originaux
22:58et pour qu'ils soient originaux,
22:59il faut que l'auteur
23:01soit capable
23:02de démontrer
23:02l'empreinte
23:03de la personnalité
23:04de son auteur
23:05sur le code source.
23:07Alors,
23:07on va s'intéresser maintenant
23:08à la protection
23:09des technologies blockchain
23:10par les droits d'auteur
23:12sur les logiciels.
23:13Quelles sont les limites
23:14du droit d'auteur
23:16sur les logiciels
23:17dans le cadre
23:17de la protection
23:18d'une technologie blockchain ?
23:20Alors ici,
23:20il faut faire la distinction
23:21entre les blockchains
23:23publics
23:24et les blockchains privés.
23:25Une blockchain publique,
23:27les plus connues,
23:29elles ont la caractéristique
23:31d'être open source.
23:32Ça veut dire
23:32qu'elles sont accessibles
23:33à tous,
23:34donc de facto.
23:36Dans la mesure
23:36où elles sont accessibles
23:37à tous,
23:37les codes sources
23:38sont ouverts à tout le monde
23:39et donc le droit d'auteur
23:41n'a pas forcément
23:42vocation à s'appliquer
23:43dans la mesure
23:44où tout le monde
23:45peut l'utiliser
23:46la blockchain
23:47sous réserve
23:47de respecter
23:48bien évidemment
23:48certaines conditions.
23:50Donc ici,
23:51c'est quand même
23:51assez limité
23:52en matière d'open source
23:53et en matière
23:54de blockchain privée,
23:57c'est une blockchain
23:57qui est donc fermée,
23:59qui est beaucoup plus rare.
24:00Ici,
24:01par principe,
24:02le droit d'auteur
24:03pourrait s'appliquer
24:04mais encore une fois,
24:05c'est limité
24:05parce qu'on parle
24:06d'une blockchain
24:07qui est réservée
24:08à certaines personnes
24:08et ça reste un réseau privé
24:09donc beaucoup moins d'intérêt
24:11pour le principe
24:11de la blockchain.
24:12Alors maintenant,
24:13on va s'intéresser
24:13au droit des brevets,
24:15quid de la protection
24:16de la technologie blockchain
24:17par le droit des brevets ?
24:19Intéressant,
24:20bonne idée j'ai envie
24:20de vous dire
24:21mais pas forcément possible
24:22parce que...
24:23Alors, on sait qu'en matière
24:24de brevets,
24:26il faut qu'il y ait
24:26trois conditions
24:27pour qu'une invention
24:28soit brevetable.
24:29Il faut que l'invention
24:30soit nouvelle,
24:32il faut qu'elle soit inventive
24:33et qu'elle soit susceptible
24:34d'applications industrielles.
24:36De plus,
24:37le code de la propriété intellectuelle
24:38et plus précisément
24:39l'article 611.10 du CPI
24:41exclut expressément
24:42les programmes d'ordinateurs
24:44des inventions brevetables.
24:47Or, je vous ai dit tout à l'heure
24:48qu'une blockchain,
24:50une technologie blockchain
24:51était un logiciel.
24:52Donc, de facto,
24:53le brevet ne peut pas
24:55par principe s'appliquer
24:56à une technologie blockchain.
24:57En revanche,
24:58le brevet
24:59pourrait porter
25:01sur des éléments
25:03autour,
25:04dans l'univers de la blockchain
25:05comme par exemple
25:06des protocoles
25:07de cryptographie
25:08ou alors des processus
25:10de stockage.
25:12Mais c'est quand même
25:12plus compliqué.
25:13D'accord.
25:13C'est quand même
25:14plus compliqué.
25:15Alors, pour finir,
25:16est-ce que le droit des marques
25:17offre une meilleure protection
25:19pour les entreprises
25:20de la blockchain ?
25:21Alors, le droit des marques,
25:22oui, ça offre une protection
25:23intéressante,
25:25mais nous ne nous trompons pas,
25:26ça ne nous offre pas
25:27une protection
25:27de la technique blockchain.
25:29Ça offre une protection,
25:31entre guillemets,
25:32du nom,
25:33de la stratégie,
25:33de l'image commerciale
25:35de la blockchain,
25:36mais aucunement
25:37de la technologie
25:40en tant que telle.
25:40D'accord.
25:41Donc, lorsque l'on parle
25:41d'image commerciale,
25:42on peut
25:42protéger un nom,
25:45le logo,
25:46l'abréviation,
25:47le nom de la plateforme.
25:48Par exemple,
25:49Ethereum,
25:50qui est donc
25:51une entreprise
25:53bien connue
25:54de l'écosystème,
25:55a protégé son nom
25:56dès 2014,
25:57alors qu'on était
25:58qu'au bâtiment
26:00de la technologie
26:02à l'époque.
26:02Et eux,
26:03ils ont réussi
26:03à créer,
26:04à valoriser
26:04toutes ces...
26:07à donner de la valeur
26:09à leur société
26:11en déposant
26:12des marques
26:12notamment.
26:12Alors justement,
26:13pour terminer,
26:14quelles sont
26:15les stratégies
26:16à adopter
26:16pour protéger
26:18toutes ces créations
26:20dans l'univers
26:20de la blockchain ?
26:21Comme toute marque,
26:22trois points fondamentaux.
26:24Il faut d'abord
26:24bien choisir
26:26son nom.
26:27Ça veut dire
26:28s'assurer
26:28que le nom
26:28soit disponible,
26:29le nom
26:30ou le signe
26:30que l'on veut
26:31protéger
26:31soit disponible.
26:32Il faut s'assurer
26:33qu'il ne soit pas
26:34descriptif
26:35parce qu'on ne peut
26:36pas protéger
26:36le mot crypto-monnaie
26:38pour des produits
26:39de crypto-monnaie.
26:40Donc vraiment
26:40une étude
26:41sur la stratégie
26:43du nom,
26:44du choix du nom
26:44et également
26:46sur le volume
26:47de marques
26:47que nous voulons déposer.
26:48Par exemple,
26:49une société
26:49du type Avalabs
26:50qui a la blockchain,
26:52la technologie
26:53de blockchain Avalanche
26:54a décidé,
26:55eux,
26:55ils ont un portefeuille
26:56par exemple
26:56de 30 marques.
26:57À la différence,
26:58d'autres sociétés
26:58décident
26:58d'avoir une stratégie
27:01complètement différente
27:02et de protéger
27:02uniquement leur nom.
27:04Donc bon choix du nom,
27:05ensuite bon choix
27:06des classes à protéger.
27:07généralement classe 9
27:09pour logiciel
27:10et logiciel
27:12de blockchain,
27:14classe 36
27:15pour services
27:16financiers
27:16de crypto-monnaie
27:17et éventuellement
27:18également classe 41
27:19qui correspond
27:20à la conception
27:20de logiciel.
27:23Et enfin finalement,
27:24il faut faire toujours
27:25dans les libellés
27:26très attention,
27:27être très attentif
27:27aux dernières publications
27:29de la classification
27:30de Nice
27:31qui nous propose
27:31toujours des classifications
27:33plus fines
27:34et plus pertinentes
27:35qui peuvent correspondre
27:36vraiment à l'activité
27:38que l'on recherche
27:39et que l'on cherche
27:40à protéger.
27:41Parce que sinon,
27:42on sera mal protégé.
27:43On sera mal protégé
27:44et donc nous aurons une marque
27:45qu'on ne pourrions pas invoquer.
27:47On va conclure là-dessus.
27:48Merci Clément Monnet.
27:49Je rappelle que vous êtes
27:50compte seul
27:50au sein du cabinet
27:51Norton Rose Fulbright.
27:52Merci à vous.
27:53C'est la fin de cette émission.
27:55Merci de nous avoir suivis.
27:56Restez curieux et informés.
27:58À très bientôt
27:58sur Bsmart for Change.
27:59Sous-titrage Société Radio-Canada

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