Elisabeth Lévy : "Les journalistes luttaient contre la censure, aujourd’hui, ils la réclament"

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Transcript

00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.

00:04Il est 8h14, nous sommes avec Elisabeth Lévy. Elisabeth, bonjour.

00:08Bonjour Jean-Jacques, bonjour à tous.

00:10La société des journalistes du journal Le Parisien dénonce une chronique de Sofia Aram.

00:16Alors, c'est l'humoriste éditorialiste, parce qu'elle fait une chronique dans Le Parisien justement,

00:22qui vomit...

00:23Mais elle est sur France Inter.

00:23Vous savez qu'elle vomit...

00:24Elle est sur France Inter.

00:26Elle vomit les islamistes et les gauchos antisémites.

00:29Et donc, elle est doublement traîtresse à la gauche et à ses origines.

00:34Donc, elle en prend plein la figure tout le temps sur les réseaux.

00:37Et alors, dimanche, elle a fait une chronique, à mon avis très drôle,

00:41sur Rita et Grémant en bateau, qui était joliment intitulée People Boat.

00:46C'est pas mal, c'est assez subtil.

00:47Bon, je vous en livre un petit bout.

00:49En plus du niveau de souffrance auquel les Gazaouis sont confrontés,

00:52il n'aura pas dû ajouter le cynisme de Greta Thunberg et Rima Hassan,

00:56faisant sembler de leur apporter un sachet de farine de Doliprane

00:59et trois serviettes hygiéniques.

01:01Et elle ironise sur Miss Chris Prohl et Lady Gaza.

01:06Alors Jean-Jacques, je suis sûr que vous ne mangez pas des...

01:08– Si, ça m'est arrivé, ça marche.

01:10– Alors vous savez ce que c'est ?

01:11– Oui, des biscottes suédoises.

01:12– Des biscottes suédoises.

01:14– Des petits pains grillés suédois.

01:16– L'équivalent culinaire d'Ikea.

01:17– Mais elle parle aussi des oisins.

01:21– Oui, mais regardez.

01:22– C'est aussi la même chose, les oisins.

01:24– Alors ça, ça gâche le dimanche des dirigeants de la Société des journalistes du Parisien.

01:30Alors ils font un communiqué, oui, oui, parce que vraiment,

01:32ils tiennent à se désolidariser formellement.

01:35Je ne rigole pas, enfin je rigole, mais c'est tout à fait vrai.

01:38Donc, ils écrivent ceci.

01:41Bien sûr, elle a le droit de penser ce qu'elle veut.

01:43Ouf, on respire.

01:44Mais tout de même, elle aborde la tragédie de Gaza

01:47avec une légèreté qui interroge.

01:50Ah, on attend la liste des sujets et des personnes

01:52sur lesquelles la légèreté, c'est-à-dire l'humour, est autorisée.

01:57Je suppose qu'on peut être léger sur Bardella, l'extrême droite, CNews, tout ça,

02:02est tout à fait léger.

02:03Mais quand vous causez de sainte rima et de cette merveilleuse flottie,

02:10eh bien, merci d'adopter le ton grave qu'ici aux journalistes du Parisien.

02:13Mais pire encore, pire encore, mais bon, c'est vraiment drôle, là.

02:17Franchement, c'est carrément, mais raciste.

02:19En appelant Thunberg Miss Chris Prohl et l'opération des Vasa pour Gaza,

02:26eh bien, écoutez, oui, elle renvoie Greta à ses origines.

02:31Si elle appelait un Mexicain Mr Tacos, que dirait-on ?

02:34Ça, sur la SDJ, on ne dirait rien, bande de nigo,

02:37vous pouvez m'appeler Miss Couscous si ça vous chante.

02:40Et j'appellerai Jean-Jacques M. Cassoulet,

02:42mais il va me dire que ce n'est pas la bonne région.

02:43Non, ce n'est pas la bonne région, mais ça ne me gêne pas, je le dis tout de suite.

02:48M. Pellardon, tiens, vous pouvez m'appeler.

02:50M. Pellardon.

02:51Évidemment, les insoumis applaudissent à cette belle prise de position.

02:56Le racisme de Sofia Haram est enfin dénoncé.

02:59Alors, elle, elle répond hier, ça m'a quand même fait rire aussi.

03:02Aucun Suédois ne devrait jamais avoir à subir la violence

03:05d'être associé à un Chris Prohl, ni aucun Français à une baguette.

03:10Plus jamais ça.

03:11Bon, alors merci à tout ce petit monde, hein,

03:15pour le fou rire que j'ai pris.

03:17Et puis alors, en plus, maintenant, vous voyez,

03:19les insoumis et les journalistes du Parisien

03:22pensent qu'il existe un racisme anti-blanc.

03:25Anti-Suédois, en l'occurrence.

03:27Voilà.

03:29C'est un peu picro-collin, tout cela, non ?

03:33Un peu picro-collin, oui.

03:34Oui, je suis assis, oui.

03:35Mais non, parce que ça nous dit quand même,

03:37là, pour le coup, je vais être sérieuse deux minutes,

03:39après la rigolade.

03:40Ça nous parle quand même du journalisme d'aujourd'hui.

03:44La société des journalistes du Parisien

03:46devrait s'occuper peut-être du plan social en cours,

03:48essayer de négocier, vous savez qu'il y a un plan social au Parisien.

03:51Je sais, oui.

03:51Essayer, comme dans beaucoup de journaux, d'ailleurs,

03:55essayer de négocier des bonnes conditions.

03:57Elle devrait aussi, c'est son boulot,

03:59s'inquiéter de possibles, ou lutter, prévenir de possibles ingérences politiques ou économiques

04:05de l'actionnaire, des publicitaires, que sais-je encore.

04:07Ça, c'est leur boulot, disons, des sociétés des journalistes.

04:11Mais son grand problème, c'est qu'une chroniqueuse ne parle pas des vasas pour Gaza,

04:16donc de la sangle flottille,

04:18avec les trémolos qui s'y aient à cette société des journalistes.

04:21Eh bien, ces préci-prêcheurs confondent leur opinion avec la vérité

04:25et le journalisme avec les leçons de morale,

04:29ou plutôt de moraline, comme disait Céline.

04:31J'ai continu.

04:32Ils ne sont pas d'accord, et c'est ça le plus grave,

04:34ils ne sont pas d'accord avec Sophia et Ramsey, leur droit, bien sûr,

04:38et ils se battront pour qu'elle ne puisse pas s'exprimer,

04:41car ils réclament l'arrêt de ces chroniques, bien sûr.

04:44Les journalistes ont autrefois lutté contre la censure des pouvoirs, des puissants.

04:50Eh bien, aujourd'hui, c'est eux, la censure, c'est eux qui la réclament,

04:54au nom du bien, bien sûr.

04:55Alors, des journalistes qui détestent la pensée libre, ça fait peur,

04:59mais moi, quand même, j'ai de la compassion, et je l'ai plein,

05:02parce que ça doit être vraiment, vraiment terrible d'être englué

05:05dans un tel esprit de sérieux.

05:08Bon, Françoise ?

05:09Oui, oui, je suis absolument d'accord.

05:10Je ne suis pas toujours d'accord avec Sophia Ram,

05:12parce que de temps en temps, je la trouve un peu harde.

05:15Elle a beaucoup d'humour.

05:16Non, alors, beaucoup d'humour.

05:17Franchement, elle a du talent.

05:18Courage.

05:19Non, non, mais quand elle mélange tout,

05:20c'est-à-dire, moi, ça me fait mal en tant que femme de gauche,

05:22quand d'un seul coup, elle me met dans le même sac qu'elle est fille.

05:24Mais bon, c'est le jeu.

05:25Mais évidemment, je rejoins tout à fait ce que dit Elisabeth,

05:29notamment sur, au-delà du fait que c'est très drôle,

05:32excusez-moi, je ris encore,

05:34sur, comment dirais-je, la fonction de journaliste.

05:37Moi, par exemple, tout le monde sait que je suis une femme de gauche,

05:39mais je me battrai toujours pour qu'on n'interdise pas Valence Actuelle.

05:43Si vous voulez, je ne suis pas d'accord avec le JDD

05:46sur la plupart des unes du dimanche,

05:48mais je ne peux pas demander à ce qu'on arrête la publication du JDD.

05:52Ça n'est pas acceptable.

05:53C'est-à-dire que c'est véritablement l'exercice démocratique.

05:56Je pense qu'il y a un truc qui est en train de se passer,

05:58de toute façon, dans le paysage,

06:01comment dirais-je, journalistique et médiatique,

06:03qui m'inquiète terriblement,

06:05parce que le débat politique se polarise,

06:08et le débat journalistique aussi.

06:09Et c'est ça qui ne va absolument pas.

06:10Il y a une espèce de folie générale,

06:13de dégradation, de radicalité.

06:16Nous sommes pris dans la radicalité de la fille,

06:19d'un côté, qui ne s'arrête pas,

06:20qui va de plus en plus loin,

06:22et de plus en plus loin,

06:23et de plus en plus loin,

06:24et dans une forme de radicalité,

06:27de droite radicale,

06:28et entre les deux,

06:28tout ce qui est entre les deux ne peut pas exister.

06:30C'est ça ?

06:30La nuance n'existe plus.

06:32La réalité, le problème,

06:34c'est que chacun, plus personne ne parle aux autres.

06:37Et alors moi, je le fais quand même,

06:37parce que là, si vous voulez,

06:38il y a un effet catéchisme,

06:40c'est-à-dire, en gros,

06:41ces gens nous disent,

06:42voilà comment vous devez parler de la flottie,

06:44sans légèreté.

06:45Est-ce que vous vous rendez compte ?

06:47Et moi, je suis quand même frappée,

06:49ce n'est pas la première fois,

06:51combien de fois on a entendu des journalistes

06:53réclamer qu'on fasse taire X, Y ou Z.

06:55C'est-à-dire l'idée que, au contraire,

06:57c'est riche, c'est bon d'avoir de la contradiction.

07:00Cette idée qui nous rassemble tous les jours ici, en fait.

07:03Mais vous savez, Elisabeth,

07:04moi, j'entends ce que vous dites sur la...

07:05Je voulais poser une question à Jean-Jacques.

07:07Je suis d'accord sur la SDG.

07:08Allez-y, allez-y.

07:09Non, mais je voulais savoir si vous,

07:10vous l'aviez vu,

07:12parce que finalement,

07:14justement, vous n'avez jamais fait un journalisme

07:17de morale et de presse,

07:19de prêchis-prêchats,

07:20mais vous l'avez vu venir,

07:21vous l'avez subi.

07:22Oui, je le vois venir,

07:24malheureusement, avec tristesse.

07:26Je vois le métier changer.

07:28Mais vous savez quand même, Jean-Jacques,

07:29moi, je me souviens qu'on vous a beaucoup critiqué

07:31dans votre interview que vous aviez menée,

07:33moi, je trouve, hyper brillamment avec Edouard Plenel,

07:35de Emmanuel Macron,

07:36parce que vous l'aviez véritablement bousculé.

07:38Mais moi, j'ai vu quand même arriver...

07:39J'étais affublé d'Edouard Plenel.

07:41Moi, je n'avais pas aimé la façon

07:42dont Plenel se comportait à faire le mal.

07:43Attendez, là, non, j'étais...

07:45C'est une interview,

07:46on va en parler des heures,

07:48mais c'est une interview qui a marqué.

07:49Oui, on va...

07:50Au moins, elle a marqué.

07:50On ne peut pas faire d'archéologie du journalisme.

07:52Mais la réalité, si vous voulez,

07:53c'est que moi, j'ai vu aussi

07:55les serviteurs aînés,

07:57sans même qu'Emmanuel Macron

07:58n'ait à demander quoi que ce soit.

07:59l'accession au pouvoir d'Emmanuel Macron

08:02et les deux premières années d'exercice

08:04d'Emmanuel Macron

08:05ont été, comment dirais-je,

08:07la presse s'est comportée avec lui

08:09de façon hallucinante,

08:11avec une complaisance,

08:12une courtisanerie.

08:14Et à chaque fois...

08:14Et vous avez...

08:15Mais avec tous les...

08:17Excusez-moi,

08:19c'est le théorème de Jean-François Kahn.

08:22Oui, je suis d'accord.

08:23On laisse, on lâche, on lâche.

08:24Oui, mais vous savez,

08:25il y a des journalistes,

08:27des grandes figures

08:28dont je tairai le nom,

08:29et Bourdin n'en fait pas partie,

08:30et Jean-Jacques,

08:31qui sont supposément

08:33les chevaliers blancs

08:34de l'information,

08:35les gens...

08:35En réalité,

08:36ce sont les pires des courtisans.

08:37Ils pratiquent ce que j'appelle

08:38la fausse critique.

08:39C'est le plaisir d'un journaliste.

08:41Oui, je gratte un peu,

08:42je tape un peu

08:44pour avoir le plaisir,

08:46après, de dire du bien.

08:47Et quel est le plaisir d'un journaliste ?

08:49C'est d'être critiqué un jour

08:50par la gauche

08:50et le lendemain par la droite.

08:51Bien sûr.

08:52Ça, c'est un vrai plaisir.

08:53Mais c'est même plus qu'un plaisir.

08:56Mon ancien patron,

08:57quand il m'a embauché...

08:58C'est même une extase, je dirais.

08:59Oui, oui.

08:59Dans une autre station,

09:01il m'avait dit

09:02fâche-moi avec tout le monde.

09:03Oui, exactement.

09:048h23.

09:05Ça tombe bien,

09:06on est fâché avec tout le monde, nous.

09:08Bon, quasiment.

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