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Elisabeth Lévy - "Abbé Pierre : C'est un lynchage !"
Sud Radio
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10/09/2024
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Transcription
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00:00
Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04
Elisabeth Lévy est avec nous, bonjour Elisabeth.
00:06
Bonjour Jean-Jacques, bonjour à tous.
00:08
On attend votre avis et vos réflexions sur les révélations autour de l'abbé Pierre.
00:15
Ces révélations se poursuivent et vous posez une question que je trouve vraiment pertinente,
00:21
peut-on juger un mort ?
00:23
Alors je préfère vous prévenir et vous décevoir immédiatement,
00:26
je n'ai pas de réponse claire parce que je trouve cette histoire, finalement,
00:29
cette question assez embarrassante.
00:31
Alors je précise que je n'ai absolument aucune sympathie,
00:34
ça, ça fait longtemps, pour l'abbé Pierre.
00:37
D'abord, je me méfie un peu des grands communicants de la charité,
00:40
vous savez que ta main droite ignore ce que fait ta main gauche,
00:43
je trouve ça très bien.
00:45
Et ensuite, parce que ça, c'était tout à fait cool,
00:48
il avait clairement défendu le négationniste Garody,
00:52
disons, pour le dire par euphémisme, que ce n'était pas un grand sympathisant des juifs.
00:57
Bref, vous jamais idolâtrez l'abbé Pierre.
01:00
Par ailleurs, les témoignages sur son comportement passé,
01:03
donc, sont complètement accablants.
01:04
Alors il y a eu ce rapport début juillet,
01:06
fait par la boîte de Madame de Haas,
01:08
mais quand même, cette femme qui aurait subi des agressions
01:11
ou des comportements inappropriés entre 1970 et 2005,
01:15
hier, donc c'est la cellule Investigation de Radio France,
01:18
qui a publié son nouveau lot de révélations sur une vingtaine de victimes,
01:22
a été-t-il écrit dans le papier,
01:24
dont une de viol semble-t-il,
01:27
et une qui était mineure,
01:28
mais tout ça n'est pas précisé.
01:31
Et il est aussi question d'un voyage aux Etats-Unis, au Canada,
01:34
en mai 1955, qui a été écourté,
01:37
alors dans des conditions assez rocambolesques visiblement,
01:41
pour cause de scandale sexuel,
01:43
on l'a exfiltré vite fait du pays.
01:45
Ensuite, il a été exfiltré par...
01:47
Il l'aurait d'ailleurs, j'ai évidemment pas vérifié,
01:50
mais ça a l'air sérieux, il aurait donc été exfiltré
01:52
dans une clinique psychiatrique en Suisse,
01:55
par sa hiérarchie,
01:56
parce que visiblement il ne pouvait pas se contrôler.
01:58
Bref, ses relations ambiguës,
02:00
comme disent ses anciens proches avec les femmes,
02:02
étaient un secret de policinels.
02:04
Martin Hirsch, qui a lui-même présidé la fondation Emmaüs,
02:08
la fondation Abbé Pierre Emmaüs, ex,
02:10
parlait d'un secret d'Emmaüs.
02:13
Alors évidemment, tout ça a suscité une condamnation générale
02:16
et commence la course à l'échalote de la révélation.
02:19
Tout le monde va valoir son témoignage.
02:22
Et la fondation Abbé Pierre Emmaüs change de nom,
02:24
ce qui d'ailleurs est tout à fait compréhensible,
02:26
parce que n'importe quelle marque prise dans ce type de tourmente
02:29
ferait la même chose.
02:30
Et bon, pour les victimes, ça semble bien.
02:33
Pourquoi êtes-vous gêné, Elisabeth ?
02:35
D'abord, parce que comme toujours,
02:36
on juge un homme d'hier et des comportements d'hier
02:38
avec des critères d'aujourd'hui.
02:40
On peut trouver ça, on trouve ça tout à fait déplorable,
02:43
mais ces comportements n'étaient pas jugés de la même façon
02:46
dans les années 50, en particulier dans l'Église.
02:49
Hier, on voulait étouffer les scandales
02:51
et donc les langues se déliaient,
02:53
alors que la statue est déjà tombée.
02:54
Ensuite, ça, ça m'embête beaucoup aussi,
02:56
on mélange dans tous les articles
02:58
des agressions sexuelles présumées,
03:01
voire même un cas de viol,
03:03
et des liaisons,
03:05
le fait qu'il avait des affaires avec des femmes.
03:07
Alors l'abbé Pierre était une star,
03:09
il attirait certaines femmes.
03:11
Pour ce chapitre des liaisons,
03:13
c'est certainement une transgression de la loi divine,
03:15
mais nous, nous sommes des pauvres pécheurs.
03:17
Donc, ça ne veut pas dire qu'il les a toutes agressées,
03:21
parce que c'était une star.
03:23
Et les femmes, il y avait des femmes
03:25
qui lui couraient après, vraiment, je pense.
03:29
Il pourrait se défendre devant la justice.
03:31
Et enfin, devant la justice,
03:33
un juge lui demanderait de s'expliquer.
03:35
Il pourrait dire comment il en est arrivé là,
03:37
je ne sais pas, parler de son enfance,
03:39
je ne sais pas de ses pulsions,
03:41
je ne sais pas ce qu'il dirait,
03:43
mais en tous les cas, il pourrait se défendre
03:45
dans un procès post-mortem.
03:47
Il n'y a pas de défense, donc c'est un lynchage,
03:49
on rivalise dans l'indignation sans danger,
03:51
puisque plus on est sévère, plus on est vertueux.
03:53
Alors vous me direz, peut-être qu'on porte
03:55
des jugements sur Napoléon ou Attila.
03:57
D'abord, ces jugements ne sont pas toujours très malins,
03:59
mais enfin bon, le temps a fait son oeuvre.
04:01
Et Henri Grouet, donc l'abbé Pierre,
04:03
n'est pas encore tout à fait,
04:05
pas encore seulement un personnage historique.
04:07
Bien sûr, il faut écouter quand elles sont encore vivantes
04:09
les victimes présumées,
04:11
mais il faut aussi avoir le courage de leur dire la vérité.
04:13
La vérité, c'est qu'elles n'obtiendront
04:15
jamais justice, on ne condamne pas
04:17
un mort, on n'obtient pas justice
04:19
après la mort du coupable
04:21
présumé. Donc ça doit, en plus,
04:23
nous faire réfléchir à autre chose.
04:25
Pour conclure, c'est que cet homme était une icône,
04:27
il était au top
04:29
des Français, des personnalités
04:31
préférées des Français,
04:33
avec son ami Bernard Kouchner d'ailleurs,
04:35
pendant des années et des années.
04:37
Eh bien, ça devrait peut-être nous inciter à être plus
04:39
regardons sur les vendeurs
04:41
de bons sentiments dont nous faisons
04:43
des idoles, on peut être un symbole
04:45
humanitaire et un sale type.
04:47
Françoise de Gaulle, vous êtes d'accord avec Elisabeth ?
04:49
Je suis d'accord avec Elisabeth,
04:51
mais je dirais qu'au contraire, je trouve ça très sain
04:53
en réalité ce qui est en train de se passer, parce que justement,
04:55
c'est la fin du
04:57
papier d'Elisabeth, ça permet
04:59
aussi d'ouvrir les yeux, ça permet aussi
05:01
quand ça se reproduira,
05:03
d'avoir de la distance et de ne pas
05:05
tomber. Je partage
05:07
absolument, je n'ai jamais eu de sympathie moi pour
05:09
l'abbé Pierre, parce que je sentais toujours
05:11
cette histoire
05:13
avec les Juifs qui n'était absolument pas claire,
05:15
mais quand même c'est l'homme de l'hiver
05:17
54, voilà. L'abbé Pierre a construit
05:19
toute sa vie sur l'hiver 54,
05:21
parce que c'est son coup de gueule,
05:23
son appel, parce que
05:25
c'est ce jeune
05:27
homme qui a cette révolte-là,
05:29
donc bien sûr qu'on peut construire sa vie
05:31
sur cet appel, il a fait des choses extraordinaires,
05:33
mais contrairement à vous, je suis plus
05:35
affirmatif, je pense que c'est sain ce qui est en train de se passer.
05:37
Faut-il déboulonner les statues ?
05:39
Oui, en tout cas, il faut
05:41
déboulonner cette statue-là,
05:43
sans excès, il faut la déboulonner
05:45
parce qu'à un moment donné,
05:47
je comprends bien les comportements d'hier et d'aujourd'hui,
05:49
je sais la nuance que vous faites entre les
05:51
liaisons notamment, et les viols,
05:53
mais je suis d'accord avec vous, mais la réalité
05:55
c'est que c'est générationnel, les jeunes
05:57
générations ne veulent plus de ça, et si ça peut
05:59
les encourager à ne pas idolâtrer
06:01
et à garder toujours de la
06:03
distance sur des icônes
06:05
qui naissent, c'est pas mal.
06:07
C'est très bien, moi je trouve.
06:09
Je vous l'ai dit, je n'ai pas de réponse,
06:11
je suis simplement quand même gênée
06:13
de voir... Dans tous les cas, vous posez la question.
06:15
Et c'est utile. On entend toute la journée
06:17
des condamnations d'un homme qui n'est pas là pour se
06:19
défendre, et vraiment, je vous le répète, c'était...
06:21
Alors Radio France a publié quand même
06:23
des lettres de défense, c'est-à-dire que dans le
06:25
reportage d'hier de la cellule d'investigation
06:27
qui est quand même très bien fait, il y a
06:29
plusieurs lettres où la veille pierre
06:31
clame son innocence, notamment par rapport à...
06:33
Il menace un peu l'étudiant
06:35
qui... Par rapport à sa hiérarchie
06:37
il est assez... Voilà, c'est un personnage
06:39
comment dirais-je, c'est un personnage
06:41
complexe. Moi j'aime parce que
06:43
ça dit la complexité aussi, ce qui est en train
06:45
de se passer nous dit la complexité des
06:47
êtres humains, voilà. Ils ne sont pas monolithiques.
06:49
Ah bah ça c'est un scoop, hein.
06:51
Non mais... J'ai bien fait de venir.
06:53
Non mais Elisabeth...
06:55
Un peu de légèreté françoise...
06:57
De toute façon on s'en fout un peu, on est d'accord.
06:59
Non mais moi je...
07:01
Prenez le cas de Napoléon
07:03
par exemple, je suis
07:05
ulcéré par le procès qu'on fait
07:07
à Napoléon, pourquoi ?
07:09
Oui ça fait partie, le rétablissement
07:11
de l'esclavage qui est d'ailleurs beaucoup plus compliqué que ça
07:13
bref, dans les colonies françaises.
07:15
Oui c'est très bien.
07:17
Aujourd'hui, on interdit
07:19
en quelque sorte de célébrer Napoléon
07:21
et on n'a pas célébré. Le gouvernement
07:23
français n'a pas voulu célébrer
07:25
les 200 ans d'Austerlitz.
07:27
Bien sûr, mais moi on a le droit
07:29
aussi de préférer Bonaparte à Napoléon.
07:31
On a le droit de préférer le pont d'Arcole
07:33
si vous voulez au 2 décembre.
07:35
On a le droit de trier...
07:37
Je n'aime pas, c'est le wokisme.
07:39
Oui mais c'est pas du wokisme ça.
07:41
Le wokisme ça a un aspect
07:43
très bien, mais on a le droit
07:45
de préférer dans ce personnage...
07:47
Non mais on a le droit de préférer, on n'a pas le droit
07:49
Françoise d'interdire aux autres.
07:51
On n'a pas le droit d'être fasciste,
07:53
on n'a pas le droit d'empêcher qui que ce soit...
07:55
Enfin bon, le gouvernement ne l'a pas fait.
07:57
Les gens savent juger, ils ne sont pas cons les Français.
07:59
8h20.
08:01
8h20 ?
08:03
Qu'est-ce que vous pensez de Napoléon ? Vous préférez Bonaparte ou Napoléon ?
08:05
Je ne veux pas voir le débat.
08:07
Et la corrida ?
08:09
Je défends la corrida, moi j'ai toujours dit.
08:11
J'ai toujours dit que je défendais la corrida.
08:13
Publicement le dire, je vais me faire
08:15
insulter sur les réseaux sociaux.
08:17
Je défends la corrida, je ne suis pas un fana
08:19
absolu de la corrida.
08:21
Mais j'aime cette tradition.
08:23
Mais surtout, c'est stupide
08:25
de vouloir interdire ce qui vous déplaît.
08:27
8h20.
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