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  • 31/05/2025
Dans son édito du 31/05/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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Transcription
00:00– Alors, je répondrai à la manière d'une boutade
00:02que je me pose souvent la question,
00:03est-ce que les gens de gauche sont malheureux
00:05parce qu'ils sont de gauche,
00:06ou est-ce qu'ils sont de gauche parce qu'ils sont malheureux ?
00:09– Les deux peut-être, hein ?
00:10– Oui, c'est tout à fait possible, ça peut se répondre,
00:12c'est la poule ou l'œuf.
00:14Cela dit, au-delà de la boutade,
00:17c'est une vraie question, je dirais,
00:18qui est liée à la sociologie et à la philosophie politique,
00:20à la psycho, c'est quel est l'arrière-fond psychique
00:23d'une société ? C'est-à-dire,
00:24l'erreur de la sociologie depuis un siècle,
00:26c'est d'avoir cru qu'on pouvait bannir le psychique,
00:29bannir le psychologique, bannir l'imaginaire,
00:31traiter la société comme une série de mécanismes
00:33sans tenir compte de l'arrière-fond,
00:35des passions, des affects et ainsi de suite,
00:38sans tenir compte des tempéraments aussi
00:40lorsqu'on s'engage en politique.
00:42Parce que, disons-le, les idées en politique
00:44ne sont pas des idées flottantes.
00:45On ne choisit pas des idées simplement
00:47parce qu'après un calcul rationnel tout à fait fin,
00:50on dit « je préfère celle-là plutôt que celle-là ».
00:52On embrasse certaines thèses en fonction
00:54de nos affects, de nos sentiments,
00:56de notre attitude existentielle devant la vie.
00:59Et, vous avez référé à l'article du Point,
01:02ce qui est intéressant, c'est qu'effectivement,
01:04il y a des enquêtes plus aux États-Unis qu'en France, cela dit.
01:07Mais il y a des enquêtes pour chercher à voir
01:08pourquoi, globalement, les gens de droite
01:10ont tendance à se dire moins malheureux
01:13ou, pire encore, plus heureux
01:14que les gens de gauche.
01:16Est-ce qu'il y a une raison derrière cela ?
01:19Évidemment, il y a une raison,
01:19mais il faut chercher à comprendre pourquoi.
01:22Donc, nous sommes devant différentes attitudes
01:23devant la vie, nous sommes devant différentes psychés
01:26et les explications qui circulent en sociologie,
01:29en psychologie politique.
01:30J'en avance quelques-unes.
01:32Par exemple, le rapport à la famille.
01:33Dès lors que vous êtes dans un cadre familial
01:35plus traditionnel,
01:38vous auriez tendance, dit-on,
01:40vous auriez tendance à avoir une vie plus stable,
01:42une vie avec moins d'inquiétudes existentielles.
01:43Et dès lors, vous auriez moins de problèmes liés,
01:47appelons ça les incertitudes totales de l'existence
01:49si vous êtes jugé seul dans la vie.
01:51La famille sera un cadre de santé mentale plus assuré.
01:55Nous dit-on.
01:56Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que c'est faux ?
01:57À tout le moins, c'est une hypothèse qui est avancée.
01:59Le rapport aux aspérités de la vie.
02:01L'homme de droite, globalement, considère
02:03qu'en ce monde, les injustices sont peut-être inévitables.
02:07Il se dit, en ce monde, l'essentiel est de ne pas trop souffrir.
02:10En ce monde, l'essentiel est de traverser tout cela
02:13sans s'abîmer exagérément,
02:15mais ne croit pas à la possibilité du paradis sur Terre.
02:18L'homme de droite, je dis quelquefois,
02:20si je me référence à Janistin,
02:22le vrai critère gauche-droite, c'est le péché originel.
02:24Si vous croyez que le mal et le bien
02:26traversent le cœur de l'homme,
02:28vous savez que la patte humaine est une patte
02:29inévitablement décevante,
02:31que même le meilleur des hommes porte en lui une part d'ombre,
02:34que même le plus généreux peut être radin,
02:36que même le plus lumineux peut être sombre.
02:38Alors que si vous avez le réflexe plus à gauche
02:40de dire que le mal, en fait,
02:41est inscrit dans une institution sociale,
02:43le capitalisme, l'hétéropatriarcat,
02:45le blantriarcat,
02:47faites la liste de la bourgeoisie,
02:49le système féodal, ce que vous voulez,
02:51vous dites, il suffirait d'abattre ce système
02:53pour que nous soyons tous heureux,
02:55qu'on ait une société enfin égalitaire,
02:57enfin juste.
02:58Si vous accrochez à cette idée,
02:59eh bien évidemment, puisque le monde idéal
03:01n'advient jamais parce que nous sommes sur Terre
03:04et nous ne sommes pas au ciel,
03:05eh bien vous aurez tendance à être de plus en plus déprimé.
03:08Ensuite, une hypothèse nouvelle qui est avancée,
03:10qui est intéressante,
03:12le rapport même à la santé mentale,
03:14c'est-à-dire, puisque le mot santé mentale
03:15est aujourd'hui plutôt péjoratif,
03:18eh bien les gens dits de droite
03:19auraient tendance à s'en méfier en disant
03:20non, non, non, nous ça va très bien,
03:21il n'y a pas de souci.
03:22On n'est pas malade.
03:23Une forme de déni.
03:24Et à gauche, il y aurait une forme d'ouverture
03:27plus grande à la fragilité de l'être humain.
03:30Et là, mais apparemment,
03:31si on questionne les gens de manière très concrète,
03:33angoisse, dépression, comment ça va ?
03:35Eh bien, gauche comme droite,
03:35finalement, tout le monde serait malheureux.
03:37Mais, mais, mais,
03:38ce que je note,
03:39c'est qu'il y a différentes explications
03:41qui s'avancent.
03:42Une chose est certaine,
03:43il y a derrière nos idées,
03:45des attitudes devant l'existence,
03:46derrière nos philosophies,
03:47il y a des psychologies,
03:49derrière notre sociologie,
03:50il y a un arrière-fond psychique
03:51et on aurait tout avantage
03:52à prendre cela au sérieux
03:53pour comprendre le comportement politique
03:55des uns et des autres.
03:56Mais la santé mentale
03:57est aussi devenue un enjeu politique
03:59à part entière.
03:59Comment vous l'expliquez ?
04:00Parce que la société rend fou.
04:01C'est-à-dire, je pense qu'il faut le voir.
04:04Non, mais il y a une forme,
04:05aujourd'hui, on en est contemporain,
04:06partout en Occident,
04:07je dirais plus encore depuis la COVID.
04:08La crise COVID était un accélérateur
04:10de toutes les tendances destructrices
04:12qu'il y avait dans nos sociétés.
04:13Il y a une prédisposition,
04:15je dirais dans notre société,
04:16enfin, disons autrement,
04:18il y a dans nos sociétés
04:19un régime qui, aujourd'hui,
04:21tend à déstabiliser psychiquement
04:23le commun des mortels.
04:26Mais on a tendance
04:26à vouloir l'oublier.
04:27On traite la santé mentale
04:28comme une stricte question psychologique,
04:31ou une stricte question scientifique
04:32ou une stricte question psychiatrique.
04:34Donc, on se dit, globalement,
04:35si ça ne va pas bien,
04:37c'est purement psychologique,
04:38il n'y a pas d'arrière-fond politique,
04:40cette fois,
04:41à la grande détresse des temps présents.
04:43Or, les idéologies,
04:45ne l'oublions pas,
04:46nous conditionnent
04:47et nous conditionnent psychologiquement
04:48d'une manière ou de l'autre.
04:49Je vais donner quelques exemples.
04:51Le communisme,
04:52à l'Est,
04:52au temps du rideau de fer,
04:53au temps béni du rideau de fer,
04:55selon certains,
04:56poussait au dédoublement,
04:57comme tous les totalitarismes.
04:58Le communisme imposait
05:00une vision obligatoire du monde
05:02que vous deviez répéter publiquement
05:05si vous espériez faire carrière
05:07et évoluer dans le système
05:08sans être sanctionné.
05:09C'est un peu comme
05:09le service public aujourd'hui.
05:11Donc, vous aviez une idéologie officielle
05:13et on vous obligeait
05:14à vous dédoubler.
05:16Donc, vous deviez penser
05:16une chose dans votre intimité
05:18mais vous deviez en dire
05:20une autre publiquement,
05:21sinon, dis-je,
05:22vous risquez de voir
05:23votre vie s'effondrer.
05:24Donc, ça poussait au dédoublement,
05:26ça poussait à la dissimulation.
05:28Certains disent même
05:29de ce point de vue
05:29que ça poussait à la schizophrénie
05:30et à la paranoïa
05:31parce que quand vous êtes
05:32dans un système,
05:32vous êtes obligés
05:33de répéter la formule.
05:34En plus, les formules changent.
05:35Orwell l'avait bien vu.
05:36Le slogan du jour A
05:37n'est pas le slogan du jour B
05:38et vous ne devez pas
05:39vous tromper de slogan
05:40selon la journée.
05:41Eh bien, dès lors,
05:42vous devez répéter
05:43les bons slogans
05:44et ça pousse, en fait,
05:45une forme de fraction,
05:46de fracture mentale,
05:47de dissociation.
05:49Le socialisme,
05:50aujourd'hui,
05:50dans les temps présents
05:51pour toujours,
05:52pousse à l'assistanat
05:53et au ressentiment.
05:53Le socialisme,
05:54on pourrait dire
05:55presque inévitablement.
05:56Donc, il nous dit
05:57ce n'est pas,
05:57je ne suis pas responsable
05:58de ma propre vie.
05:59C'est le système
06:00qui globalement
06:01crée les conditions
06:01de la prospérité,
06:02du bonheur,
06:03de la paix.
06:04Dès lors,
06:04si je ne vais pas bien,
06:06ce n'est pas parce que
06:06je pourrais améliorer
06:07ma situation
06:08si je le souhaitais.
06:09Je dois réparer
06:10la société dans son ensemble
06:11qui me doit quelque chose.
06:13Donc, premier élément,
06:14l'assistanat.
06:15La société me doit quelque chose,
06:17je ne m'en sortirai pas
06:18par moi-même.
06:19Et le ressentiment,
06:20je l'ai dit
06:20avec l'égalitarisme,
06:22si nous ne sommes pas
06:22tous égaux,
06:23c'est parce qu'il y a
06:23quelques salauds
06:24qui se sont appropriés
06:25des biens.
06:25C'est la prospérité
06:27des uns n'est rien d'autre
06:28que ce sont les biens
06:29spoliés aux autres.
06:30Donc, le socialisme
06:31pousse effectivement
06:32à l'assistanat
06:33et au ressentiment.
06:34Le multiculturalisme,
06:35aujourd'hui très à la mode
06:36en Occident avec le racialisme,
06:38pousse à la survalorisation
06:39de l'identité raciale.
06:40On pourrait dire
06:41tout comme la nation
06:41poussait au collectif,
06:43poussait à l'appartenance
06:43à une histoire commune,
06:44une culture commune,
06:46le multiculturalisme,
06:46dans sa version racialiste,
06:48nous dit
06:48tu es d'abord tes origines
06:49et tu ne t'en sortiras jamais.
06:51Dès lors,
06:51ça pousse l'individu
06:52à se replier
06:53sur une identité ethnique
06:54de groupe
06:55qui devient sa seule vérité
06:57et ça l'amène aussi
06:58à développer
06:58une mentalité victimaire.
07:00Le libéralisme
07:01pousse dans sa version positive
07:02à l'effort individuel.
07:04C'est cette idée
07:05que je m'en tirerai
07:06par moi-même.
07:07Ceux qui sont plus
07:08antilibéraux diront
07:09que ça pousse
07:09à l'individualisme outrancier.
07:11Donc, le libéralisme
07:12nous conditionne mentalement
07:13d'une autre manière,
07:14mais ça met de l'avant
07:15cette idée
07:15que nous sommes responsables
07:16chacun de notre sort.
07:18Le conservatisme
07:19pousse évidemment
07:19à la préservation
07:20des mœurs traditionnelles,
07:21une saine prudence.
07:23Donc, ça nous dit
07:23que ça peut avoir
07:24un réflexe d'immobilité,
07:25mais collectivement,
07:27ça nous conditionne
07:28à dire qu'il ne faut pas
07:28tout détruire,
07:29il faut ménager
07:30les institutions,
07:31il faut ménager la culture.
07:32L'écologisme radical,
07:33aujourd'hui, j'en parle
07:34parce que Greta Thunberg
07:35est de retour dans l'actualité,
07:36vous avez vu,
07:37elle passe d'une croisade
07:38à l'autre.
07:39En matière, je dirais,
07:40d'instabilité psychique possible,
07:41je pense que Greta Thunberg
07:42est un cas intéressant.
07:44Un bon exemple.
07:45Elle est passée
07:45avec un point d'interrogation,
07:47je n'osais me prononcer sur elle,
07:48mais j'ai beaucoup
07:49de points d'interrogation
07:49à lui lancer.
07:51Donc, c'est intéressant
07:53avec ce qu'on appelle
07:53l'éco-anxiété aujourd'hui.
07:55Donc, de plus en plus
07:56de jeunes gens
07:57se présentent devant
07:58les autorités sanitaires,
08:00devant les médecins,
08:01devant les psychiatres
08:01en disant
08:02j'ai peur que le monde brûle,
08:04j'ai peur que le monde s'effondre,
08:05pourquoi ferais-je
08:05des enfants dans ce monde?
08:07Pourquoi me reproduirais-je
08:08dans ce monde?
08:08Pourquoi chercherais-je
08:09à faire quelque chose
08:10de neuf dans ce monde?
08:11Tout va brûler
08:12d'une manière ou de l'autre.
08:14Donc, c'est comme ça.
08:15Donc, ça pousse évidemment
08:16à l'effondrement psychique.
08:17Le déconstructionnisme,
08:18ça, ça joue un grand rôle aussi.
08:20Le déconstructionnisme
08:21qui dit, vous savez,
08:22vous n'êtes pas vraiment
08:23un garçon,
08:24vous n'êtes pas vraiment
08:24une fille,
08:25vous devez vous questionner
08:26en permanence
08:27sur toutes vos identités,
08:28vous ne devez être
08:29que des points d'interrogation
08:30permanents.
08:31Mais alors,
08:32si vous n'avez pas
08:32de repère élémentaire,
08:33si dans le miroir,
08:34quand vous vous regardez,
08:35vous ne savez pas
08:35si vous êtes un garçon
08:36ou une fille,
08:36c'est que le point de départ
08:37de la certitude existentielle
08:39vous manque.
08:40Alors, quand je dis tout cela,
08:41qu'est-ce que je dis?
08:41C'est que le politique,
08:42l'idéologie,
08:44conditionne notre psychologie.
08:46Et ça, on a tendance
08:47à le sous-estimer.
08:48Mais on le devrait le voir
08:49concrètement
08:49quand on regarde aujourd'hui
08:50dans les villes occidentales,
08:52quand on voit, par exemple,
08:53les hordes de cheveux bleus
08:54et de cheveux verts
08:55qui peuvent se promener
08:56d'une manière ou de l'autre,
08:57quand on voit de l'autre côté
08:58quelquefois
08:59d'autres hordes
09:00très en colère
09:01qui sont sur le mode vengeur,
09:02eh bien, on voit
09:03qu'un type d'humanité nouvelle
09:04est produit
09:05par cette idéologie.
09:07Il y a ceux
09:07qui vivent dans un monde parallèle.
09:09On dit qu'ils se changent,
09:10ils décèdent de leur sexe,
09:11mais à la fin,
09:11ils vont presque décider
09:12d'être des licornes
09:13s'ils le souhaitent.
09:14Mais je suis une licorne
09:15et je suis une licorne.
09:15Mais moi aussi.
09:17C'est pour ça qu'on se connaît.
09:18Je le savais,
09:19Arthur peut-être.
09:19Arthur ne veut pas,
09:20il préfère rester jambé.
09:22Je sais bien,
09:22une licorne barbu.
09:24Ensuite,
09:24il y a aussi un autre élément
09:25que je pense
09:26qui est essentiel
09:26pour comprendre
09:27cet effondrement psychique occidental,
09:28l'effondrement esthétique
09:30des temps présents,
09:31un environnement architectural moche,
09:34un désir individuel
09:35de sans le dire aussi souvent,
09:37le refus des codes élémentaires
09:39de l'élégance
09:39aux masculins
09:40comme aux féminins.
09:41À travers tout cela,
09:42nous avons une société
09:42qui nous pousse à l'affaissement,
09:44qui fabrique
09:45à bien des égards
09:45des désaccés culturellement.
09:47Ne soyons pas surpris ensuite
09:48que cette société
09:49soit désaxée politiquement.

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