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  • 17/01/2024
Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationales de TVL, Edouard Chanot reçoit Alain Corvez.
En mer Rouge, les tensions se sont brutalement accentuées depuis quelques jours, à la suite des frappes de la coalition anglo-saxonnes contre le mouvement Ansar Allah, les rebelles Houthis. Se joue dans le golfe d’Aden un bras de fer qui menace le commerce international et révèle davantage la puissance grandissante de l’Iran. Plus encore, cette crise semble accélérer le basculement du monde, échappant à la mainmise de Washington.
Alain Corvez est conseiller en stratégie internationale. Ancien colonel d’infanterie, il s'est maintes fois rendu au Proche et au Moyen-Orient.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:22 Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde,
00:24 le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL.
00:28 Direction la Mer Rouge ce soir, alors que les tensions se sont brutalement accentuées
00:33 depuis quelques jours à la suite des frappes de la coalition anglo-saxonne
00:37 contre le mouvement Ansarallah, les rebelles, Outi.
00:40 Et pour en parler, nous recevons ce soir Alain Corvèze.
00:44 Alain Corvèze, bonsoir.
00:45 – Bonsoir.
00:46 – Et merci beaucoup d'avoir répondu présent à l'appel de Choc du Monde.
00:50 Vous êtes conseiller en stratégie internationale,
00:52 vous étiez avant cela officier dans l'armée française,
00:55 colonel d'infanterie si je ne m'abuse.
00:57 Votre carrière vous a amené au Proche et au Moyen-Orient,
01:00 au Liban notamment, dont vous expliquez aujourd'hui avec pertinence la complexité.
01:05 Merci donc d'être ici avec nous ce soir.
01:08 La situation est tendue, je le dis un instant.
01:11 Alors je vous propose, et je propose à nos téléspectateurs,
01:14 un tour de l'actualité de la Mer Rouge pour que tout soit clair.
01:18 Le 15 janvier, un navire appartenant à un armateur américain
01:22 était touché par un missile balistique Outi dans le golfe d'Aden.
01:26 Le mouvement Ansarallah a revendiqué une frappe précise et directe
01:30 selon leur porte-parole militaire, Yahya Sari.
01:34 Depuis le 12 janvier et les frappes anglo-saxonnes au Yémen,
01:37 la tension ne faiblit pas.
01:39 Washington et Londres ont frappé par surprise 74 infrastructures militaires Outi.
01:44 Les anglo-saxons espéraient dissuader les Outi de leur attaque en Mer Rouge,
01:48 menaçant le trafic dans cet axe commercial stratégique.
01:52 Près de 40% du commerce maritime mondial passe en effet par le golfe d'Aden,
01:57 puis par le canal de Suez.
01:59 En organisant des manifestations de masse,
02:01 les rebelles ont montré qu'ils ne voulaient pas se laisser faire
02:04 et continuer comme depuis bientôt deux mois d'agir en solidarité avec la bande de Gaza.
02:10 Son allié iranien a de son côté averti les États-Unis et le Royaume-Uni
02:14 de mettre fin à la guerre contre le Yémen et Gaza,
02:18 ajoutant qu'il n'y avait pas de solutions militaires au conflit.
02:22 [Générique]
02:25 Pas de solutions militaires au conflit selon Teheran.
02:29 Alors Alain Corvaz, y a-t-il selon vous une solution telle
02:33 pour le conflit militaire de Gaza qui s'est régionalisé ?
02:36 Je pense vraiment à la situation dans le golfe en Mer Rouge.
02:41 D'ailleurs nous pouvons voir ici une carte réalisée par Choc du Monde de la région.
02:46 Alain Corvaz, comment jugez-vous les frappes americano-militaires
02:51 quelques jours après qu'elles aient eu lieu ?
02:54 Je dirais que ces frappes sont plus symboliques
03:00 que destructrices de la force militaire du Yémen.
03:08 Et comme nous avons très peu de temps, parce que c'est un vaste sujet,
03:12 je pense qu'il faut aller à l'essentiel assez rapidement.
03:16 Il faut expliquer à vos téléspectateurs
03:18 pourquoi les américains, enfin les américains britanniques
03:23 à la tête d'une vague coalition décident,
03:28 coalition à laquelle la France a jugé pertinent de ne pas se joindre
03:33 et j'en suis très heureux pour mon pays,
03:37 au prétexte que ça présentait un risque d'extension du conflit.
03:45 Ce qui est très juste et pertinent,
03:46 mais je dirais même que en plus ce serait un acte hostile au Yémen
03:53 et donc à la population arabe en général,
03:57 qui ne correspondrait pas à l'historique de nos relations avec les pays arabes.
04:01 Mais je continue sur la présentation du conflit pour vos téléspectateurs
04:05 parce que pourquoi est-ce qu'ils attaquent les américano-britanniques ?
04:11 C'est parce que le Yémen, très rapidement après le 7 octobre,
04:15 le 7 octobre c'est le jour du déclenchement de l'attaque du Hamas sur Israël,
04:22 un soulèvement massif qui a, paraît-il, surpris les dirigeants israéliens
04:28 et donc dont tout le monde parle maintenant au sujet de Gaza.
04:31 Donc je ne reviendrai pas là-dessus.
04:33 Mais donc dès ce déclenchement,
04:37 le Yémen s'est déclaré en soutien de la résistance palestinienne.
04:44 De même que d'autres pays, comme l'Irak, la Syrie et l'Iran.
04:51 Mais le Yémen est passé aux actes
04:55 et il a dit qu'il interdirait toute navigation de navires se rendant en Israël
05:02 ou appartenant à Israël.
05:04 C'est-à-dire qu'il interdisait tout ravitaillement d'Israël en passant par la mer Rouge.
05:12 Et depuis, il maintient cette interdiction
05:17 et il s'adresse maintenant aux Américano-Britanniques qui ont déclenché ces attaques contre eux.
05:23 Donc je pense que vos spectateurs doivent comprendre que le Yémen,
05:33 parce que le Yémen actuellement est divisé en deux parties
05:37 du fait du soutien de l'Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis depuis 2015
05:44 à un gouvernement qui ne rassemble pas la population,
05:51 enfin le soutien de la population majoritaire au Yémen
05:56 et les Yéminites hostiles à ce soutien ont déclenché...
06:03 Enfin c'est l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis qui ont attaqué les rebelles à ce gouvernement
06:11 qui sont majoritairement des Houthis, mais il n'y a pas que des Houthis dans cette armée yéménite
06:16 et actuellement les Houthis ont réussi à conquérir Sanaa
06:20 et ont donc une, qui est la grande ville, la capitale du Yémen
06:26 et donc ont un grand, un vaste territoire et notamment contrôlent tout l'accès de Babel Mandeb et de la Mer Rouge.
06:36 Les Houthis sont donc, enfin le Yémen, capitale Sanaa,
06:43 s'oppose à le reste de la partie du Yémen avec Aden
06:49 qui elle est soutenue par l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, de plus en plus par l'Arabie Saoudite.
06:56 La rébellion contre l'Arabie du Yémen de Sanaa a débuté en 2015 je crois
07:07 et c'est-à-dire l'attaque des Séoudiens pour s'emparer de la totalité du territoire yéménite a commencé en 2015
07:17 et ils se sont heurtés à une farouche réponse des Houthis
07:23 et qui ont montré que c'était de féroces soldats, qu'ils étaient équipés, qu'ils étaient soutenus extérieurement
07:33 bon par beaucoup de puissance, l'Iran en premier lieu bien sûr, et qu'ils ne baisseraient pas pavillon.
07:40 Les Séoudiens ont fini par réaliser en 2020, je crois, qu'ils ne gagneraient pas
07:47 et donc ils ont entamé un processus de paix pour... ce processus est toujours en cours malgré les événements
07:55 pour mettre un terme à cette guerre que les Séoudiens ont compris qu'ils ne gagneraient pas.
08:00 Donc ça c'est la situation.
08:03 Le Yémen de Sanaa, des Houthis, est devenu tellement puissant
08:11 que l'Arabie Séoudite a demandé à négocier avec eux pour sortir de l'impasse dans laquelle ils étaient
08:18 mais que nous avons appris par des informations confidentielles mais qui ont fini par filtrer
08:24 que les États-Unis avant de frapper avaient demandé, avait proposé au Yémen d'arrêter ces activités
08:33 dans la mer Rouge pour empêcher les navires liés d'une manière ou d'une autre à Israël, de ravitailler Israël
08:43 et que s'ils arrêtaient ces actions, les États-Unis reconnaîtraient Sanaa comme le régime légitime du Yémen.
08:54 Donc vous voyez jusqu'où ça va.
08:56 Le régime des Houthis de Sanaa a refusé et donc on est passé à la phase suivante qui est les frappes américaines.
09:07 Les frappes américaines qui sont une escalade.
09:10 Les frappes elles-mêmes, Houthis, avant cela, depuis bientôt deux mois, ont quand même déstabilisé l'économie mondiale.
09:16 Quelques chiffres, le coût du fret a doublé en un mois et une subprime de 20% pour les assurances des armateurs
09:24 est d'ores et déjà prévue.
09:26 Alors tout cela devrait sans doute provoquer une inflation mondiale de l'ordre de 0,7 points supplémentaires
09:32 selon le cabinet Oxford Economics d'ici la fin de l'année.
09:35 Mais tout dépendrait en fait de la durée de cette crise.
09:38 Alors Alain Corbes, la voyez-vous en fait durer cette crise ?
09:43 Oui, je la vois durer parce qu'il semble que les États-Unis d'Amérique sont dans une période de crise intérieure très grave.
09:53 Une dette colossale qui n'est pas nouvelle mais qui s'est accrue énormément.
09:57 Ils ne peuvent plus même soutenir l'Ukraine.
09:59 Leur échec militaire en Ukraine, après celui de l'Afghanistan, après peut-on dire celui de l'Irak.
10:08 Donc les États-Unis sont en état de faiblesse.
10:13 Ils essaient de préserver leur domination mondiale qui était justifiée quand ils étaient effectivement,
10:20 après l'effondrement de l'URSS, la première puissance mondiale.
10:23 Mais ce n'est plus le cas, ils ne sont plus la première puissance mondiale.
10:26 Ils ont un budget de la défense énorme, 800 milliards de dollars par an,
10:34 mais à des bases réparties dans tout le Moyen-Orient.
10:38 Ils ont une installation très importante mais ils ne sont plus capables d'assurer la pérennité de leur domination.
10:46 Il y a de plus en plus de pays qui disent "je ne veux plus obéir aux États-Unis,
10:50 je ne veux plus être dans le giron des États-Unis".
10:52 Donc leur puissance est en diminution, ils sont en train de faiblir.
10:58 Il y a une puissance à l'inverse qui est en train de monter et qui a déjà atteint un niveau énorme, c'est l'Iran.
11:07 L'Iran, malgré les sanctions, a réussi à développer technologiquement une armée extrêmement puissante.
11:15 Ils sont capables de mettre des satellites entièrement iraniens,
11:18 fabriqués en Iran en orbite géostationnaire, lancés par un lanceur entièrement iranien.
11:24 Donc ils ont, malgré les sanctions, atteint un niveau tel que, avec leurs alliés en Irak,
11:30 avec leurs alliés en Syrie, avec leurs alliés au Liban,
11:34 ils représentent la plus grande puissance militaire du Moyen-Orient,
11:39 même plus importante qu'Israël.
11:42 Et Israël montre bien d'ailleurs, avec ses échecs à Gaza et en Suisse Jordanie,
11:49 qu'ils ne sont pas capables de mener un conflit jusqu'à son terme et d'obtenir,
11:55 d'atteindre les objectifs qui s'étaient eux-mêmes fixés.
11:58 Donc la grande puissance reconnue maintenant, c'est l'Iran.
12:04 Et évidemment, ça inquiète les États-Unis, ça inquiète Israël.
12:09 Et je ne sais pas si j'ai répondu exactement à votre question.
12:13 – Vous avez tout à fait répondu et je voulais rebonder là-dessus.
12:16 Les Iraniens sont en effet en avance, notamment par exemple sur les drones.
12:19 On évoque constamment la présence de Téhéran
12:22 quand on décrit les outils dans les médias occidentaux français.
12:26 Mais la question qui se pose n'est-ce pas, enfin, l'autonomie des outils à l'égard,
12:31 enfin l'autonomie réelle des outils que l'on présente,
12:34 donc trop souvent comme des vassaux, comme des satellites de Téhéran.
12:37 – Oui, on dit la même chose du Hamas et on dit la même chose du Hezbollah au Liban.
12:42 Non, ils ont des liens très forts avec le Hamas,
12:45 ils ont des liens très forts avec les outils,
12:47 ils ont des liens très forts avec le Hezbollah,
12:50 mais ces organisations qui ne sont pas étatiques, sauf pour le Yebène,
12:57 sont, et même en Irak, parce que les liens très forts avec le Hezbollah irakien,
13:05 le Hashd al-Shaabi, c'est ainsi qu'il s'appelle,
13:11 est une organisation reconnue par le gouvernement de Bagdad,
13:15 et tout récemment le Premier ministre irakien a dit qu'attaquer Hashd al-Shaabi,
13:21 c'est attaquer l'Irak.
13:23 Donc vous voyez que l'Irak est devenu de plus en plus hostile
13:29 à la présence américaine chez eux,
13:32 de même à la présence américaine en Syrie,
13:35 mais les américains sont de façon illégale en Syrie,
13:40 alors qu'initialement les américains avaient été appelés,
13:44 enfin appelés, ou s'étaient imposés d'eux-mêmes,
13:47 mais parce qu'ils avaient libéré l'Irak,
13:49 donc il était normal qu'ils aient des bases.
13:51 Mais la situation a énormément changé depuis lors.
13:55 Du fait de la présence et de l'action d'OTAN ?
13:58 Oui, parce qu'effectivement il y a des liens très forts
14:02 avec une bonne partie de la population irakienne,
14:05 notamment des liens religieux,
14:07 la majorité des irakiens sont chiites,
14:10 donc effectivement il y a des liens très forts,
14:14 mais je veux dire, ces liens font que,
14:19 c'est bien de voir cette carte,
14:21 font que l'Iran est la puissance
14:25 qui entoure pratiquement le conflit de Gaza
14:31 par des alliés très forts.
14:34 Et le fait que le Yémen,
14:36 puisque c'est le sujet de cette émission,
14:39 le Yémen se soit déclaré aussitôt en faveur
14:44 de la résistance palestinienne,
14:47 est un fait qui illustre ce point.
14:51 Que veulent-ils en fait exactement ces Iraniens au fond ?
14:55 Pousse-t-il au conflit, comme le pense Washington,
14:58 comme les accusent les anglo-saxons,
15:00 ou sont-ils un facteur de paix, voire d'équilibre,
15:03 comme eux l'affirment, comme Téhéran l'affirme ?
15:05 Je rappelle qu'ils ont bombardé,
15:07 que les Iraniens ont bombardé le 16 janvier au matin,
15:09 l'Irak et la Syrie,
15:10 revendiquant avoir ciblé une installation
15:12 du Mossad à Erbil au Kurdistan irakien,
15:14 et ce hier soir, ils ont aussi bombardé le Pakistan
15:18 pour des raisons autres,
15:19 principalement en représailles aux attentats à Téhéran.
15:22 Mais quelle est l'ambition, en fait,
15:24 quel est l'objectif de Téhéran dans ces multiples conflits,
15:28 dans cette escalade régionale à la suite du conflit de Gaza ?
15:32 Je vais très souvent en Iran, j'ai d'énormes échanges,
15:36 j'ai participé à des conférences internationales,
15:38 notamment en juin dernier,
15:41 sur la nouvelle géométrie du Nouveau Monde.
15:47 J'ai rencontré des stratèges iraniens,
15:51 j'ai beaucoup discuté avec eux.
15:53 Eux, ce qu'ils veulent et ce qu'ils sont en train de mettre en œuvre,
15:58 c'est un Nouveau Monde où il n'y aurait pas une nation,
16:03 en l'occurrence les États-Unis d'Amérique,
16:05 qui dicte leur conduite à d'autres pays.
16:11 Donc l'idée de l'Iran, ça se base sur des principes religieux,
16:19 bon, musulmans, chiites,
16:21 mais c'est le respect des différentes personnes,
16:25 le respect au-delà des personnes des nations,
16:28 et l'équité dans le traitement des relations entre les différents pays.
16:34 Donc c'est le but de l'Iran,
16:36 c'est de participer à la création d'un Nouveau Monde.
16:39 Donc multipolaire comme on l'entend constamment dans la rhétorique russe.
16:43 Et c'est pour ça qu'ils sont devenus membres des BRICS,
16:45 parce qu'ils s'accordent tout à fait avec les objectifs des BRICS,
16:49 et les objectifs que la Chine et la Russie proclament en permanence.
16:57 Et bon, il y a encore du chemin à faire avant que les organisations du BRICS,
17:03 à la fois financières, économiques, diverses, s'organisent davantage.
17:08 Mais on est sur le chemin d'un bouleversement des équilibres du monde,
17:13 avec le but que proposent les BRICS,
17:18 et le but que propose l'Iran, qui est maintenant membre des BRICS,
17:24 c'est justement l'établissement d'un Nouveau Monde,
17:27 où les rapports de force seront plus équilibrés,
17:33 et où il est bien précisé dans les textes fondateurs des BRICS,
17:39 parce que ça rejoint aussi le projet chinois de Nouvelle Route de la Soie,
17:46 ces projets prévoient bien que même les nations petites,
17:51 ou qui ont moins de ressources, qui sont moins puissantes,
17:55 devront être respectées et aidées par les grandes.
17:58 C'était d'ailleurs une idée du général de Gaulle, qu'il avait proclamée à Mexico en 1966,
18:04 lors d'un voyage, où il avait dit "l'avenir de l'humanité est là,
18:07 à moins qu'elle s'autodétruise dans des explosions nucléaires".
18:11 Il n'avait pas dit ça comme ça, mais en gros c'est ce qu'il voulait dire.
18:14 L'avenir de l'humanité, c'est une coopération entre toutes les nations,
18:18 les puissants aidant les moins puissants.
18:20 Et le monde qui est en gestation actuellement,
18:23 qui n'est pas complètement apparu encore, mais qui apparaît de plus en plus clairement,
18:27 et je pense que ce conflit de Gaza, lié au conflit dans la mer Rouge avec le Yémen,
18:35 le 7 octobre, pour moi, aura été une date qui repère dans le basculement du Nouveau Monde.
18:44 On avait pensé justement à des propos du Premier ministre du Qatar, Al Thani.
18:48 Je vais vous le citer.
18:50 "Dès que le conflit de Gaza sera désamorcé, tout le reste le sera."
18:54 Alors, près de 25 000 civils sont morts, au comptage de ce matin.
18:59 Alain Corvèse, la perspective d'une paix se rapproche-t-elle
19:03 à mesure que l'opération de Tsaïla Géza, la fin de l'opération de Tsaïla Géza, se rapproche ?
19:10 Oui, je pense.
19:14 Moi, je crois que le gouvernement de Netanyahou,
19:18 hier il y avait une manifestation encore à Tel Aviv,
19:22 de gens qui exigeaient de renverser Netanyahou.
19:26 Certains, oui.
19:28 Ah ben si, il y a eu une manifestation qui avait pour but de renverser Netanyahou.
19:32 Il y en avait eu une précédemment, où la demande était seulement de cesser le feu.
19:37 Mais hier, ils demandaient le renversement de Netanyahou,
19:40 pensant qu'il était incapable de gérer la situation.
19:43 La manifestation où des Israéliens avaient demandé de cesser le feu immédiat,
19:51 c'était pour récupérer...
19:53 Ils avaient bien compris que ce n'était pas en continuant la guerre
19:57 qu'ils pourraient récupérer les prisonniers israéliens qui sont entre les mains du Hamas.
20:02 Et donc, ils voulaient le cesser le feu, puisque le Hamas répète
20:07 qu'il est prêt à rendre les prisonniers israéliens qu'il détient,
20:13 dès le jour où il y a l'arrêt des combats dans la bande de Gaza,
20:18 c'est-à-dire un cessez-le-feu, mais pas provisoire, comme ça a été le cas,
20:23 à huit jours, un cessez-le-feu définitif.
20:25 Donc, la possibilité d'un arrêt du conflit, à mon avis, ce serait très sage.
20:34 Je pense que les Américains, dans la Mer Rouge, là, se sont lancés dans un piège
20:39 que peut-être la Chine et la Russie lui ont tendu, en s'abstenant,
20:44 en ne mettant pas leur veto à la proposition des États-Unis à l'ONU,
20:50 de constituer une alliance pour protéger la navigation maritime dans la Mer Rouge.
20:58 Ils n'ont fait que s'abstenir de voter, ils ne se sont pas opposés.
21:04 C'est un peu comme, ça rappelle un peu l'affaire de la Libye, vous savez,
21:08 avant que l'OTAN n'attaque la Libye et renverse Kadhafi,
21:14 la Russie et la Chine n'avaient pas mis de veto, c'était abstenu,
21:23 et les Américains avaient dépassé cette abstention pour attaquer,
21:28 alors qu'ils n'avaient aucun mandat de l'ONU.
21:30 Là, concernant la Mer Rouge, c'est la même chose.
21:35 Les Américains viennent d'attaquer en dehors de toute l'égalité,
21:38 puisque la résolution de l'ONU disait simplement,
21:42 "Oui, on va essayer de protéger la navigation maritime
21:48 dans le détroit de Bab el Mordeb et dans la Mer Rouge,
21:52 mais il n'est pas question d'une attaque militaire."
21:55 – On entend peu les Saoudiens, nous avons évoqué les Iraniens,
21:59 les Saoudiens et les Emiratis étaient en guerre,
22:01 vous l'avez rappelé au début, contre les Houthis,
22:03 désormais on les entend peu ou pas, ils s'inquiètent bien sûr,
22:07 disent-ils, des frappes américaines et britanniques,
22:10 mais eux aussi, que veulent-ils ?
22:11 Veulent-ils pousser les Américains à balayer leurs anciens ennemis Houthis ?
22:14 Ou ont-ils intérêt aujourd'hui à calmer les choses
22:17 dans une région qui ressemble évidemment à une poudrière ?
22:20 Il faut aussi rappeler quand même que l'échec saoudien dans le conflit au Yémen,
22:23 vous l'avez fait en 2020, est l'un des grands échecs
22:26 sur le CV de Mohamed Ben Salman.
22:29 – Oui, alors l'Arabie Saoudite et le Yémen savent très bien,
22:35 pas, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis,
22:40 les deux dirigeants en place actuellement,
22:45 Mohamed Ben Salman et Mohamed Ben Zayed,
22:47 savent très bien qu'ils ne sont au pouvoir que grâce à la volonté américaine.
22:55 S'ils ne rendaient plus service aux États-Unis,
23:00 il est certain que les États-Unis avec la CIA
23:04 et tous leurs contacts dans la région ont les moyens de renverser
23:09 ces deux régimes monarchiques qui n'ont pas un soutien dans le peuple.
23:15 Et concernant le conflit à Gaza, le premier résultat que j'ai obtenu,
23:21 c'est que l'Arabie Saoudite et les Emirats,
23:25 qui avaient engagé un processus de normalisation avec Israël,
23:30 c'est les accords d'Abraham, qu'avait voulu Trump initialement,
23:34 qu'avait initié Trump, l'Arabie Saoudite a été obligée,
23:39 face au soulèvement de la population arabe dans son pays,
23:43 en Arabie Saoudite et puis dans le reste du monde arabe,
23:47 face au massacre, ils ont dit "on arrête ce processus".
23:51 Mais l'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Londres a dit récemment
23:56 qu'une fois le conflit arrêté, il reprendrait la négociation avec Israël.
24:04 L'ambassadeur d'Arabie Saoudite à Londres a déclaré ça il y a une semaine.
24:09 Il y a une semaine à peu près, oui. Or il est de la famille des Saoud.
24:14 Et donc c'est bien que ces gens-là savent qu'ils sont au pouvoir
24:19 par la bonne volonté des Américains et que si jamais ils s'opposaient
24:23 un peu trop à la volonté américaine, or la volonté américaine,
24:26 c'est la volonté israélienne, parce qu'Israël ne serait jamais permis
24:31 et n'aurait jamais pu faire ce qu'il a fait, les exactions ignobles
24:35 de tuer des enfants, des femmes, on opère maintenant des enfants
24:41 ou des femmes ou des hommes sans anesthésie, parce qu'il n'y a plus
24:46 de médicaments pour ça, il ne serait jamais permis ça
24:51 si les Américains ne les avaient pas poussés à ça.
24:53 Donc c'est la politique américaine qui fait les massacres en Gaza et en Cisjordanie.
25:00 Donc l'Arabie Saoudite qui tient son pouvoir des États-Unis
25:05 a montré qu'elle avait compris que le monde évoluait,
25:07 elle s'est rapprochée de Moscou, elle s'est rapprochée de la Chine.
25:10 Ils ont refusé même, ils sont allés jusqu'à refuser des augmentations
25:15 d'exportation de gaz et de pétrole que demandait le président Biden.
25:21 Donc il y a, ils jouent sur les deux leviers, mais ils savent
25:27 qu'ils ne peuvent pas aller trop loin dans l'opposition à Israël
25:31 et l'opposition aux États-Unis d'Amérique, donc on est là-dessus.
25:34 Mais comme je vous le disais, le monde est en train de basculer
25:37 et les choses, l'Inde qui joue aussi sur les deux tableaux en permanence
25:41 depuis longtemps, elle est en train de basculer.
25:44 Vous savez en Inde il y a une vieille hostilité pour les musulmans
25:48 puisque vous savez que ça a été la raison de la création du Pakistan
25:52 en détachant la partie nord de l'Empire britannique indien.
25:58 Il y a une vieille hostilité entre les hindous et les musulmans
26:04 et elle a joué elle aussi de façon ambiguë, elle avait de bonnes relations
26:09 avec Israël et ainsi de suite.
26:10 On voit bien que l'Inde a déjà modifié sa position,
26:13 elle se rapproche maintenant du bloc, elle est dans les BRICS l'Inde,
26:18 mais elle se rapproche de la position de Moscou comme de la Chine
26:23 et se permet même des reproches à Israël, ce qu'elle n'aurait jamais fait
26:28 il y a quelques temps.
26:29 – Sinon on change de zone dans un pays que vous connaissez, le sud-Liban.
26:34 Le Hezbollah a aussi un rôle considérable dans la régionalisation du conflit.
26:38 Cela dit, même si 80 000 Libanais ont fui le sud du pays
26:42 depuis le 7 octobre et les échanges de tirs avec Tsahal,
26:45 le conflit y reste relativement limité au sud-Liban.
26:49 La situation peut-elle déraper, venir de là, Alain Kerves,
26:54 où Nasrallah, le dirigeant du Hezbollah, continuera, selon vous,
26:59 à tergiverser et à empêcher de facto une escalade ?
27:03 – Alors d'abord je ne crois pas que Nasrallah tergiverse,
27:06 il indique au contraire très clairement ce qu'il va faire et il le fait.
27:11 Le Hezbollah était capable de montrer que la puissance militaire israélienne
27:18 n'était qu'une utopie.
27:20 Bien sûr, ils ont des avions, ils ont des technologies très avancées,
27:23 mais moi je les ai vus manœuvrer sur le terrain,
27:26 ce n'est pas une armée d'infanterie.
27:28 Sur le combat au corps à corps, ils sont très mauvais,
27:31 ils commettent les fautes les plus élémentaires
27:33 que l'on dénonce dans la formation des militaires en France
27:38 et dans toutes les armées du monde.
27:40 Ils sont très mauvais sur le plan, sur le terrain,
27:42 sur le plan de la tactique militaire.
27:44 – Comment expliquez-vous cela ?
27:46 – Je ne sais pas, c'est peut-être parce qu'ils s'appuient trop
27:49 sur les capacités technologiques et la supériorité.
27:53 Israël n'est plus une menace pour le Hezbollah.
28:00 Le Hezbollah, comme les Houthis, comme en Irak,
28:07 les hachashahabis, les milices, sont très bien armés
28:16 et représentent une dissuasion très forte.
28:21 L'Irak, qui de plus en plus s'affranchit de la tutelle américaine,
28:26 ça prouve bien qu'on bascule dans un nouveau rapport de force
28:31 et donc dans un nouveau monde.
28:33 Pour revenir à la question que vous m'avez posée tout à l'heure
28:35 au sujet de l'Arabie Saoudite, je pense qu'eux,
28:37 une fois qu'ils penseront que la pérennité de leur pouvoir
28:42 ne dépend plus des États-Unis d'Amérique,
28:45 mais d'une bonne entente avec Moscou, Pékin et l'Iran,
28:49 puisqu'il y a eu un rapprochement déjà entre l'Iran et l'Arabie Saoudite,
28:53 ça a été très important, l'accord signé sous l'égide de Pékin,
28:56 d'ailleurs de Beijing, des Chinois, en avril 2023.
29:03 C'était un fait très important, ça.
29:08 Alors évidemment, tout n'est pas appliqué depuis,
29:11 mais néanmoins, les Séoudiens ont arrêté de financer les Moudjahidines al-Khalq,
29:18 qui sont une milice qui veut renverser la République islamique d'Iran.
29:23 Bon, donc il y a eu une avancée, et donc il va falloir qu'ils composent,
29:28 et je pense pour les États-Unis qu'ils doivent accepter
29:34 d'être une puissance importante, mais pas la puissance qui dicte à la planète
29:38 sa façon de se comporter.
29:40 Une puissance qui ne peut pas dicter au reste de la planète comment se comporter.
29:44 Eh bien Alain Corvèze, ce sera le mot de la fin.
29:46 Merci beaucoup d'avoir répondu présent à l'appel de Chocs du Monde.
29:49 Merci à tous d'avoir suivi ce nouveau numéro de Chocs du Monde,
29:54 le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL.
29:57 Surtout, n'oubliez pas de commenter et de partager cette vidéo.
30:01 Merci à tous.
30:02 [Générique]

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