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  • 09/03/2023
Chroniqueuse : Julia Vignali 


Aujourd'hui Julia Vignali reçoit Colin Champion, président de La voix lycéenne, et Béatrice Cooper-Royer, psychologue clinicienne, pour aborder l'utilisation de la plateforme parcoursup qui permet aux futurs étudiants de choisir une formation post bac. Cette plateforme fait l'objet d'une mobilisation chez les jeunes et suscite la controverse quant à son mode de sélection. 

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Transcription
00:00 Bonjour à vous deux, merci d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
00:03 Les élèves de Terminal ont jusqu'à ce soir 23h59 pour choisir leur formation post-bac
00:09 proposée par la plateforme d'orientation Parcoursup.
00:12 Alors selon un sondage Ipsos paru en septembre 2022, Parcoursup représente une source de stress
00:18 pour 83% des étudiants et je ne parle même pas des parents.
00:22 Vous-même Colin, vous êtes passé par Parcoursup, c'était l'année dernière.
00:26 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui a été stressant pour vous ?
00:29 Ce qui est stressant c'est de savoir qu'on va être sélectionnés
00:32 et de savoir que ces 21 000 formations qui sont actuellement sur le site,
00:37 ce sont des formations sur lesquelles, sur le site, on nous indique un pourcentage.
00:40 Et en fait, Parcoursup...
00:42 Un pourcentage de quoi ? On vous indique un pourcentage de chance d'avoir l'école ?
00:46 C'est ça. Alors que l'orientation était un peu plus humaine avant,
00:49 aujourd'hui on est sur une orientation de chiffres qui est basée sur un algorithme
00:52 et c'est pour ça qu'on s'y oppose fortement.
00:55 C'est très déshumanisé, c'est ce que vous êtes en train de nous dire.
00:57 C'est-à-dire qu'il y a une machine, on ne comprend pas bien comment ça marche,
01:00 c'est assez opaque aussi.
01:01 Très déshumanisé, il ne faut pas oublier que Parcoursup c'est la plateforme, c'est le symbole,
01:04 mais derrière le vrai problème c'est la sélection,
01:06 c'est le manque de place à l'entrée de l'université
01:08 et c'est le fait aussi que Parcoursup soit profondément inégalitaire
01:11 parce qu'on a le contrôle continu qui compte maintenant beaucoup dans la note finale du bac
01:15 et en fait le contrôle continu d'un lycée à l'autre, d'une classe à l'autre, d'un prof à l'autre, ça change.
01:19 Et les lycées de banlieue parisienne sont forcément défavorisés par rapport aux lycées de centre-ville.
01:24 Vous, vous avez trouvé votre voie, vous avez été entre guillemets,
01:27 vous avez eu à peu près ce que vous vouliez, mais vous avez des copains qui sont restés sur le carreau ?
01:30 Bah évidemment et surtout des camarades aujourd'hui qui sont vraiment en difficulté
01:36 parce qu'ils se retrouvent devant leur ordi, ils sont obligés de faire des choix
01:40 en se disant "je ne vais pas avoir certaines choses"
01:43 et évidemment que les lycéens de milieu populaire défavorisés, pauvres,
01:47 je pense qu'on peut dire le mot, sont défavorisés et s'autocensurent en fait,
01:51 s'empêchent de choisir certaines formations.
01:54 Béatrice Copperoyer, c'est quoi l'impact psychologique que vous pouvez observer
01:58 sur les jeunes, sur les ados par rapport à cette plateforme Parcoursup ?
02:02 Il y a une augmentation du stress énorme, déjà de toutes les façons le stress scolaire est en forte augmentation,
02:09 je dis que le stress scolaire commence maintenant dès la maternelle,
02:12 donc ça augmente au fil des années.
02:16 Pourquoi d'ailleurs ce stress ? Comment le cites-tu ?
02:18 Parce qu'il y a une anxiété forte aussi parentale,
02:21 parce qu'on les projette toujours très très loin, c'est-à-dire qu'ils sont en maternelle,
02:24 on les projette en primaire, en primaire il faut chercher le meilleur collège,
02:28 au collège il faut trouver le bon lycée,
02:30 et alors maintenant il y a Parcoursup où on n'est absolument pas sûr au bout du compte d'avoir ce qu'on veut.
02:35 C'est quoi qui stresse dans Parcoursup à votre avis ?
02:37 C'est justement l'opacité, c'est le fait que c'est déshumanisé, qu'est-ce qu'ils vous racontent ?
02:41 C'est aussi le fait, ce qu'ils me disent, c'est qu'ils ont l'impression de jouer leur avenir,
02:45 et que tout est là, tout se joue là, ce qui évidemment n'est quand même pas vrai,
02:49 et je pense que le discours ambiant des enseignants peut-être,
02:54 de leurs parents qui comprennent pas très bien le système parce qu'ils l'ont pas connu,
02:59 donc qui sont perdus.
03:00 C'est vrai qu'on est assez démunis en tant que parents, on comprend pas grand-chose.
03:03 Je sais pas comment vos parents ont fait, est-ce que vous avez eu un conseiller d'orientation pour vous aider ?
03:07 En fait étant donné qu'il y a un conseiller d'orientation pour 2000 élèves, voire beaucoup plus aujourd'hui,
03:11 c'est très compliqué, et en fait nous ce qu'on reproche au-delà de Parcoursup,
03:14 c'est l'éducation nationale qui est de plus en plus plongée dans la compétition,
03:18 entre les établissements, entre les élèves, et nous on rejette ça,
03:21 et c'est aussi, moi je fais le lien aujourd'hui avec la mobilisation qui se passe,
03:24 c'est qu'on refuse ce projet de société où on nous sélectionne à 18 ans,
03:27 on nous précarise à 20 ans, et on va nous offrir quoi après ?
03:30 Des contrats précaires, des bas salaires, et c'est pas ce qu'on souhaite.
03:33 Et vous parliez justement des différences entre élèves selon qu'on est riche ou pas,
03:38 selon que les parents sont riches ou pas, d'ailleurs il existe des coachs d'orientation privés,
03:42 qui coûtent très cher d'ailleurs, vous en pensez quoi vous, Béatrice Copperoyer ?
03:46 On ne profite pas un peu aussi de la peur des parents ?
03:48 Bien sûr, forcément tout ça est exploité, et c'est vrai qu'il y a des parents
03:54 qui n'ont pas du tout confiance dans leurs compétences,
03:57 et qui se disent qu'il faut donner le maximum de chance à leurs enfants,
04:00 qui ont les moyens de le faire, et qui du coup ont recours à des "professionnels"
04:06 qui en réalité remplissent les dossiers, font faire les lettres de motivation,
04:11 parce qu'il y a des lettres de motivation à faire.
04:13 On ne sait même pas si elles sont lues, ces lettres de motivation,
04:15 elles le sont ou pas ? Parce que, on ne sait pas.
04:18 Non mais l'inégalité surtout elle est là, parce que ces coachs,
04:22 nous c'est juste que sur Instagram, sur les réseaux sociaux,
04:25 ces entreprises-là viennent chercher les lycéens,
04:27 elles viennent leur dire "pour 600€ on va s'occuper de votre dossier par coursup", etc.
04:31 Donc ça crée une inégalité absolument incroyable, et pourquoi elle arrive ?
04:34 Parce que c'est des dizaines d'années de coupe budgétaire dans l'éducation nationale,
04:38 de manque de moyens, et on en arrive à ça aujourd'hui,
04:40 une privatisation progressive d'un champ de l'éducation.
04:43 Colin, vous en parliez tout à l'heure, ce jeudi 9 mars c'est une journée de mobilisation
04:47 de la jeunesse contre la réforme des retraites proposée par le gouvernement.
04:51 C'est vrai qu'on s'est posé la question, pourquoi vous les jeunes,
04:54 vous vous mobilisez dès à présent pour la retraite,
04:57 qui vous n'avez même pas commencé à travailler,
04:59 donc c'est vrai que pourquoi cette anxiété, alors même que l'échéance est très lointaine ?
05:03 Je crois qu'on a très bien compris en fait la finalité de cette réforme,
05:05 et surtout ce à quoi elle est amenée, voir nos parents, nos grands-parents,
05:09 qui ont souvent des métiers pénibles, travailler jusqu'à 64 ans,
05:12 voir plus s'ils font des études.
05:13 Et c'est aussi nous notre avenir, on ne veut pas travailler aussi tard,
05:16 alors qu'on n'en a pas besoin, que cette réforme elle est injuste, injustifiée,
05:20 le conseil d'orientation de la retraite le montre,
05:22 les organisations syndicales, professionnelles l'ont aussi montré,
05:25 et puis surtout en réalité c'est une question démocratique,
05:27 quand il y a 70% des français qui sont opposés à la réforme,
05:29 qu'il y a 3,5 millions de manifestants qui sont allés dans la rue,
05:33 des centaines de milliers de grévistes encore aujourd'hui qui se mobilisent,
05:37 et surtout des étudiants, des lycéens qui sont prêts à ne pas aller en cours,
05:39 alors qu'il n'y a pas de recours, alors qu'il y a des partiels.
05:41 Il y a des blocus qui sont organisés, on l'a vu,
05:43 Béatrice Copperoyer, qu'est-ce que ça dit de la jeunesse,
05:46 cette mobilisation aussi contre le projet de réforme de retraite ?
05:50 Ce n'est pas joyeux, franchement ce n'est pas joyeux du tout,
05:53 ils sont très anxieux, assez ambivalents quand même aussi
05:58 par rapport à la question du travail, parce que ce que j'entends aussi,
06:01 c'est qu'ils veulent un travail qui a du sens absolument,
06:05 ils sont très coincés, ils sont très ambivalents, moi je trouve,
06:11 On ne peut pas leur reprocher de vouloir avoir un travail qui veut du sens.
06:14 Bien sûr que non, mais en même temps, ils sont aussi parfois,
06:18 il me semble, assez influencés par des réussites assez faciles.
06:22 Vous parlez des réseaux sociaux.
06:24 Oui, les réseaux sociaux leur montrent aussi des réussites parfois très très faciles,
06:28 et ça rend les choses éminemment complexes, il y a la peur,
06:33 la société n'est pas euphorique en ce moment, il y a la planète,
06:37 enfin bref, on n'arrête pas de leur dire que rien ne va,
06:39 donc à force de leur dire que rien ne va, effectivement,
06:43 ils sont très apeurés, ils ont peur en réalité,
06:47 et je pense que d'ailleurs même, ils ont peur de sortir de l'enfance.
06:49 Moi je vois ces espèces de sabordages comme ça de lycéens
06:53 qui ne font rien pour que ça marche, parce qu'au fond, ils gagnent du temps.
06:58 Oui c'est ça, ils se disent fichu pour fichu, je vais faire ce qui me plaît.
07:00 Merci beaucoup Colin Champion, je rappelle que vous êtes le président du syndicat La Voix Lycéenne.
07:05 Merci également à vous Béatrice Copperoyer,
07:07 vous sortez le 20 mars un podcast qui s'appelle "En famille",
07:10 sur toutes les problématiques qu'il peut y avoir au sein de la famille,
07:13 et il y a justement un épisode sur le stress scolaire.
07:16 Merci à vous deux.
07:17 Si je puis jeter un coup d'oeil, on sera mobilisés aujourd'hui, nous,
07:18 avec les organisations étudiantes, pour dire que le président Macron disait
07:22 il y a quelques années "c'est dur d'avoir 20 ans en 2020",
07:24 en fait il ne sait pas ce que c'est avoir 20 ans en 2020.
07:26 Donc on va lui montrer aujourd'hui ce que c'est,
07:28 et pourquoi on est opposé à la réforme des retraites.
07:30 Et on vous sent tout à fait déterminés.
07:31 Moi je voudrais passer un message aux parents qui nous écoutent,
07:34 et aux étudiants, bon courage pour pas qu'on supe.
07:36 Merci beaucoup.

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