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  • 27/01/2023
Invité : l'artisan-chocolatier Patrick Roger

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Transcription
00:00 *La Vité ECO, Fanny Guinochet*
00:05 Bonsoir à tous, le chocolat comme un art, le goût, le fondant du chocolat que vous adorez sculpter.
00:11 Patrick Roger, merci d'être avec nous ce soir.
00:14 Vous êtes un artiste, un artisan, meilleur ouvrier de France, chocolatier.
00:19 Vous avez une dizaine de boutiques à Paris, une soixantaine de salariés.
00:23 J'ai envie de vous poser une question toute simple.
00:25 Comment ça se passe en ce moment ? Comment se passent vos ventes ?
00:28 Je crois que c'est tout simplement de plus en plus compliqué.
00:31 Ça a commencé par les gilets jaunes qui nous emmerdent, les grèves, ça nous a fait mal, on perd 600 000 euros.
00:37 Et puis le Covid, -4 millions.
00:40 Et vous avez des touristes qui sont revenus pour les fêtes par exemple ?
00:43 Les touristes ça revient mais tout doucement, mais c'est pas la même chose que des parisiens.
00:47 Les parisiens ont une qualité, on a un niveau d'exigence.
00:51 C'est ça qui est fantastique, c'est pour ça que j'aime Paris.
00:54 Et là, vous dites que c'est difficile en ce moment, est-ce que les gens réduisent quand même leurs achats
01:00 du fait de l'inflation, de la hausse des prix ?
01:02 Surtout on perd des clients depuis quelques années.
01:05 Par contre le panier a monté, ça c'est très étrange.
01:08 Mais il faut vraiment connaître très très bien la sociologie.
01:11 On a perdu beaucoup de cadres à Paris qui sont partis à l'extérieur.
01:14 Et aujourd'hui c'est surtout le télétravail aussi qui nous flingue pas mal, sans doute.
01:18 C'est une des grandes raisons.
01:20 Alors du coup, est-ce que, parce que l'inflation ça marche aussi sur vos produits,
01:24 est-ce que le chocolat a augmenté ?
01:27 Le prix du chocolat que vous travaillez, vous êtes venu avec des sculptures,
01:32 quelques-unes de vos collections, ce sont des petits sumos, là on les voit bien.
01:37 Alors pour ceux qui sont à l'antenne, au radio, on a deux petites têtes de sumos
01:43 très bien dessinées en chocolat, magnifiques.
01:45 Du coup est-ce que c'est plus compliqué de trouver du chocolat ?
01:48 Le chocolat c'est pas un problème. Par contre le prix va augmenter sévèrement.
01:52 Donc moi je veux pas augmenter.
01:54 Si on continue à augmenter tout comme ça, on va continuer à perdre des clients.
01:58 Ça me paraît une évidence.
02:00 Parce que bien manger c'est pas du luxe aussi.
02:02 Le luxe chez nous c'est un main d'oeuvre. Il faut travailler.
02:05 Et par exemple, tout de suite si on a des grèves, c'est un des vrais sujets.
02:09 Ça nous pourrit la journée.
02:11 On perd, on doit faire 80 000 euros par jour nous, quand on appuie sur la lumière.
02:16 Je sens votre inquiétude avec une période sociale tendue actuellement
02:21 à cause du conflit sur les retraites.
02:23 Vous craignez par exemple la journée de mardi, ça risque d'influencer votre business ?
02:27 Oui carrément, le jeudi 19 janvier, c'est une catastrophe.
02:33 On ferait mieux de mettre tout le monde dehors, tout simplement, on est 60.
02:36 Donc là la première décision c'est de baisser finalement le volume de production.
02:41 Et ça c'est quelque chose qui me touche beaucoup.
02:44 Parce que pour être bon aussi, il faut travailler beaucoup.
02:46 Pour mes ouvriers c'est important.
02:48 C'est une équipe qui a entre 20 et 30 ans, en gros.
02:51 Comme le Réal de Madrid.
02:53 C'est une équipe jeune ?
02:54 Il faut que ce soit des jeunes.
02:55 Et puis plus on travaille, plus on est fort aussi.
02:57 C'est ce qui va faire l'excellence.
02:58 Vous avez du mal à trouver des gens ?
03:00 Parce qu'on parle beaucoup de pénurie de main d'oeuvre actuellement.
03:02 Pour l'atelier ça va, c'est plus difficile pour les magasins.
03:05 Mais l'atelier, comme je le dis tout le temps, on est comme le Réal de Madrid.
03:09 Donc on a beaucoup de nationalité.
03:11 Et ça c'est aussi ce qui est fantastique et super beau.
03:14 On entend vos difficultés.
03:16 Est-ce que vous êtes, par ailleurs on entend l'État, le gouvernement,
03:20 qui dit qu'il fait beaucoup pour les artisans,
03:22 pour les aider face à la hausse des coûts.
03:25 Est-ce que vous êtes de votre côté également aidé ?
03:28 Je n'ai jamais été aidé de ma vie.
03:30 Heureusement que j'ai un système bancaire qui est vraiment derrière moi.
03:33 Ça c'est le plus important.
03:34 Donc les banques ne vous lâchent pas ?
03:36 Je n'ai jamais lâché et c'est sans doute la chance que j'ai.
03:39 Mais par contre on commence à rembourser le PGE par exemple.
03:42 Prêt garanti par l'État ? Vous aviez contracté au moment du Covid ?
03:45 Que l'on n'a pas touché du tout.
03:47 On ne l'a pas consommé donc on l'a gardé en trésorerie.
03:50 Je ne comprenais pas pourquoi on ne remboursait pas tout de suite.
03:54 Mais bon, ça c'est plutôt une gymnastique pour garder cette fameuse trésorerie
04:00 qui est un des soucis.
04:01 Parce qu'aujourd'hui on perd aussi, on a les problèmes de climat,
04:04 on a toutes les raisons.
04:06 Un problème dans Paris, on change un trottoir,
04:08 on change tout simplement un passage piéton
04:10 et ça a un incident sur la sociologie et tout ce qui se passe.
04:13 Parce que du coup ça veut dire moins de fréquentation de vos boutiques ?
04:15 C'est ce que vous voulez dire ?
04:16 Oui, c'est l'enfer.
04:17 Et moi ce que j'aime, il nous faut des clients.
04:19 Alors ce n'est pas autant que le boulanger,
04:21 le boulanger c'est tous les jours.
04:22 Nous on vient systématiquement à Pâques et à Noël.
04:25 Ça c'est vraiment les marronniers.
04:26 Mais comment on peut venir plus chez nous ?
04:30 Plus fréquemment ?
04:31 Oui plus fréquemment.
04:32 C'est super important.
04:33 Vous voyez un changement dans les attentes de vos clients ?
04:37 On a surtout ce changement, comme je disais,
04:40 le panier monte, donc on perd des clients.
04:43 C'est vraiment le truc qui m'affole le plus.
04:45 Mais je crois que Paris perd aussi des habitants.
04:48 Bien sûr il y a des étrangers,
04:50 et je pense que demain les étrangers vont entrer très très fort à Paris.
04:53 Parce qu'il n'y a jamais eu autant d'argent dans le monde, ça c'est sûr.
04:57 Donc le prix de l'immobilier a quand même sacrément explosé.
05:00 Mais c'est aussi la problématique, j'ai plusieurs problèmes dans ma vie.
05:04 Je viens de la vitesse, je roule vite,
05:06 donc les flics, les agents immobiliers qui me posent un vrai souci.
05:09 Du coup ça veut dire que vous réfléchissez à implanter des boutiques peut-être en dehors de Paris ?
05:14 C'est très compliqué d'être à l'extérieur,
05:17 surtout en province pour nous on a un coût de magasin,
05:21 c'est juste fantastique ce que l'on fait.
05:23 Peut-être qu'on nous qualifie comme une partie luxueuse.
05:26 Mais c'est juste moi qui suis complètement givré, je vais dire.
05:30 Parce que plus c'est beau et plus j'aime, plus c'est bon aussi.
05:33 Et mon métier c'est vraiment ça, c'est de courir après l'excellence et le meilleur.
05:38 Alors vous faites des collections, là par exemple la prochaine collection,
05:42 c'est pour quoi ? Pour quel événement ? Pour la Saint-Valentin ?
05:45 La Saint-Valentin arrive mais c'est vraiment un tout petit événement,
05:48 c'est comme un gros week-end en plus.
05:50 Ça nous prend beaucoup de temps.
05:51 Et après il y a Pâques qui nous prend 20% de notre temps pour 3% du chiffre d'affaires.
05:56 Ah oui quand même. Et alors du coup qu'est-ce que vous préparez pour la Saint-Valentin ?
05:59 La Saint-Valentin, évidemment les sumos qui suivent toute l'année,
06:03 c'est cette conception toute l'année, j'ai vraiment travaillé sur ce sujet,
06:06 mais c'est venu grâce aux présidentielles.
06:08 Je me demandais pour qui voter, mais les gars que je connais,
06:12 surtout les personnes un peu épaisse autour de moi,
06:15 qui faisaient que de grogner, qui gueulaient tout le temps.
06:17 C'est comme ça qu'est née cette histoire de sumos.
06:21 Derrière les sumos, on va leur changer la petite barrette.
06:24 Et toute l'année, on emmène toutes les fêtes grâce à ça.
06:28 Et pourtant les sumos c'est sacré, donc il faut aller avec minutie.
06:31 Donc avec minutie, on voit bien l'excellence avec laquelle vous travaillez.
06:35 Vous craignez un conflit social un petit peu dur
06:39 qui pourrait encore vous faire perdre en tout cas des clients.
06:42 Merci beaucoup d'être venu nous parler de votre passion du chocolat,
06:46 des difficultés de ce commerce, de ces ventes.
06:50 Patrick Roger, vous étiez l'invité éco de France Info aujourd'hui.

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