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Transcription
00:00Le nom de Jules Grévy ne vous est sûrement pas inconnu, chers amis.
00:15Il fut un président de la République française apprécié par les uns, décrié par les autres, bref, un président de la République.
00:22Mais, savez-vous que son pouvoir chancela à cause d'un portefeuille ?
00:33Oh non, pas un portefeuille ministériel, mais un vrai portefeuille destiné à y ranger les billets de banque,
00:43un portefeuille qui n'avait qu'une chose qui le différencia des autres portefeuilles.
00:50Ce portefeuille-là était fait de peau humaine, tannée.
01:02Bien sûr, les amateurs de vérité historique seront un peu surpris par ce genre de déclaration,
01:06mais vous comprendrez sa raison d'être.
01:09Si vous nous faites l'amitié de suivre avec nous le récit préparé par Grégory Franck,
01:13« Les trois femmes égorgées de la rue Montaigne »,
01:18notre nouveau dossier extraordinaire.
01:21Les deux petits chiens, les deux bichons de Régine de Montille,
01:44avaient seuls échappés au carnage.
01:46Le concierge du 17 de la rue Montaigne à Paris les trouva sous un canapé dans la chambre à coucher.
01:52Ils poussaient des petits cris plaintifs et grelottés de peur.
01:58Le concierge n'avait rien entendu de l'épouvantable drame
02:02qui s'était déroulé dans l'appartement du troisième étage.
02:05En effet, la nuit précédente, le 17 mars 1887, Paris fêtait la micarème.
02:12Une neige tardive n'avait pas réussi à gâcher le plaisir des Parisiens
02:16qui s'étaient répandus dans les rues de la capitale
02:18en y faisant bien sûr le chahut qui convient à une telle fête.
02:23Une main crispée sur son tablier bleu,
02:27l'autre point mordu à s'en faire mal
02:29pour ne pas vomir de dégoût,
02:33le concierge du 17 de la rue Montaigne osa enfin lever les yeux autour de lui.
02:37Régine de Montille, de son véritable état civil, Marie Regnaud,
02:43celle qui avait été la belle Régine,
02:46une pulpeuse demi-mondaine visitée par les plus grands noms de Paris,
02:50Régine de Montille gisait au pied de son lit en chemise,
02:54sa gorge avait été ouverte par un coup de couteau
02:56et son épaule droite avait été désarticulée par un autre coup de couteau.
03:00Sur le seuil de la chambre à coucher,
03:04Annette, la bonne.
03:06Annette Grémeret n'était plus elle aussi qu'un cadavre
03:09percé de blessures encore fraîches.
03:13En titubant, le concierge passa dans le couloir
03:15et après quelques essais réussit à desserrer suffisamment les lèvres
03:20pour appeler d'une voix très faible, d'un filet de voix,
03:23« Marie ! Petite Marie ! »
03:29Inutile.
03:31Marie qui avait onze ans.
03:34Marie, la fille d'Annette, ne répondrait plus.
03:37Dans le lit de sa mère,
03:39un bras relevé comme pour se protéger,
03:42la petite Marie Grémeret avait eu le coup tranché
03:45avec une telle violence
03:46que la tête ne tenait plus au corps.
03:51« C'en était trop pour le concierge qui s'enfuit dans l'escalier.
03:54Du sang ! » criait-il.
03:55« Au secours ! Quelqu'un ! Tout ce sang ! »
03:58Oui, du sang, il y en avait partout.
04:01L'assassin avait même marché pieds nus dans le sang
04:03comme l'attestaient les traces qui parcouraient l'appartement.
04:06Du sang, il y en avait sur l'immeuble et aussi sur les coffres forts
04:09où des doigts nerveux avaient laissé ces traces brunates
04:12qui ne trompaient pas.
04:14Ce furent les premières constatations des policiers alertés
04:18et non des moindres puisque s'occupèrent de l'affaire
04:20trois arces de la police de l'époque,
04:23trois hommes dont les succès innombrables dans leurs enquêtes
04:26avaient assuré la réputation,
04:28le chef de la sûreté Taylor,
04:30le sous-chef Goron, dont nous aurons l'occasion de reparler,
04:33et l'inspecteur Jaume.
04:36En constatant l'état des lieux,
04:38ils conclurent très rapidement que seul le vol
04:40pouvait être le mobile du crime.
04:43Régine de Montille avait dû passer la nuit avec l'assassin,
04:47ce qui n'était pas étonnant.
04:48Cette fort belle femme de 38 ans
04:49était une courtisane en renom
04:51qui passait pour riche,
04:53une richesse constituée de bijoux et de titres.
04:57De son vrai nom, comme je vous l'ai déjà dit,
04:59elle s'appelait tout simplement Marie Regnaud.
05:01Et elle était ce que l'on appelait à l'époque
05:04une amuseuse ou une allumeuse
05:07ou encore une mousseuse
05:08ou une instantanée.
05:11Je finirai par avoir beaucoup de vocabulaire
05:12à force de vous raconter ce genre d'histoire.
05:15Elle avait parfaitement réussi dans sa vie galante
05:17et sa silhouette svelte,
05:18ses yeux noirs flamboyants
05:19et sa magnifique crinière brune
05:21avaient su lui conserver les affections de ses amants,
05:25dont un notamment depuis 16 ans.
05:27Un homme politique en renom
05:28que l'on voyait très souvent chez elle.
05:30Mais d'autres aussi
05:31qu'il a visité moins régulièrement
05:32et qui faisaient tous partie
05:34de ce que l'argot de l'époque appelait
05:36« Le monde Vlampschut-e-Bekar »
05:39c'est-à-dire « Les milieux huppés de la capitale »
05:43Étrange expression.
05:45Et l'assassin était sans doute
05:46l'un de ses familiers
05:48car, à l'image de nombre de sédats,
05:50Marie Regnaud,
05:51dite régine de Montille,
05:53à la suite de quelques ennuis avec des messieurs,
05:55avait fait installer sur sa porte
05:56des verrous, crochets et barres de sécurité
05:59qui ne pouvaient en aucun cas
06:00avoir été forcés de l'extérieur
06:02sans laisser de traces.
06:03Hors de traces,
06:06il n'y en avait point sur la porte.
06:08Les as de la criminelle pensèrent donc
06:10que la bonne avait ouvert,
06:11reconnu le visiteur
06:12et que celui-ci avait sans doute
06:13partagé pendant une partie de la nuit
06:15le lit de la courtisane.
06:17Les draps froissés
06:18ne laissaient aucun doute à ce sujet.
06:22Et puis l'assassin,
06:23une fois son triple crime accompli,
06:25avait circulé dans toute la maison
06:27en dérobant tout ce qui pouvait avoir de la valeur
06:29cassant une tirelire en porcelaine
06:30où Régine plaçait ses bénéfices
06:32provenant du jeu.
06:33Il avait aussi trouvé
06:34sous une pile de jupons de soie
06:36des titres porteurs
06:37dont il s'était emparé.
06:39La coupe où Mlle de Montille
06:41déposait chaque soir ses bijoux
06:42et sa bourse était vide
06:43mais portait des traces d'ongles ensanglantées.
06:46Enfin, on retrouva,
06:47tout en poissé de sang,
06:49les clés du coffre-fort
06:50dont l'homme n'avait pour autant pas
06:52pu trouver la combinaison.
06:54De nos jours,
06:55il y aurait là
06:56profusion d'empreintes digitales à relever
06:58mais à l'époque,
06:59M. Bertillon n'a pas encore
07:01mis au point sa méthode.
07:03Et les policiers doivent s'en tenir
07:05à des indices plus évidents.
07:08Or, des indices, il y en a beaucoup.
07:10Il y en a peut-être trop
07:11et même des indices signés.
07:14Dans un coin du salon,
07:15on trouve une ceinture de pantalon
07:16sur la face intérieure de laquelle
07:18est écrit en lettres gothiques
07:19et à l'encre un nom et un prénom.
07:22Gaston Geissler.
07:24Dans un petit chiffonnier,
07:25une lettre assez intime
07:26et parlant d'une visite prochaine
07:27du même Gaston Geissler.
07:29La lettre datait du 14 mars.
07:33Le crime a eu lieu le 17.
07:35Et enfin,
07:35sous le chiffonnier,
07:36il semble que
07:37le Gaston Geissler en question
07:38ait abandonné
07:39deux manchettes de chemise
07:40à bouton d'acier
07:41portant toujours en lettres gothiques
07:43sa double initiale.
07:46Il y aurait véritablement lieu,
07:48ne pensez-vous pas,
07:49de s'occuper du dénommé
07:50Gaston Geissler.
07:51Mais les Geisslers,
07:53il y en a beaucoup.
07:53Bruxelles, Anvers, Rouen, Bordeaux
07:55et même, pourquoi pas, à Paris.
07:58Mais celui de Paris est introuvable.
08:00Ayant passé une nuit
08:00dans un hôtel près de la gare du Nord,
08:02il a laissé sa valise
08:03en guise de paiement
08:04et déménagé à la cloche de bois.
08:06Grâce aux photos trouvées dans la valise
08:08et à quelques déplacements
08:09assez fastidieux,
08:11le policier Goron
08:12finit par retrouver à Breslau
08:13une famille
08:14qui ne s'appelle pas du tout Geissler.
08:16Ce sont les Guten Tag.
08:18Mais ce sont leurs portraits
08:20qui étaient dans la valise de Geissler.
08:22Gaston Geissler
08:23s'appelle en réalité
08:24Gaston Guten Tag.
08:27Il est le désespoir
08:28de cette brave famille
08:28et c'est sous un pseudonyme
08:30qu'il accomplit de ci, de là
08:32quelques petits méfaits
08:33sans grande importance.
08:35Hors renseignement pris,
08:37Geissler Guten Tag
08:38vient de purger à la prison de Mazas
08:40une petite peine pour griver le riz.
08:43On ne l'a relaxé
08:43que le 23 mars
08:45alors que le crime
08:46date du 17 mars.
08:49Et d'ailleurs,
08:50une fois dehors,
08:51le faux Geissler
08:51est allé tout benoîtement
08:52se jeter dans la scène.
08:54Mais le contact de l'eau froide,
08:55lui ayant sûrement remis
08:56les idées en place,
08:57il a gagné à grande brasse
08:59l'autre rive
08:59et il s'est rendu
09:01directement au commissariat
09:02pour demander
09:03qu'on le remit en prison.
09:05Il faut bien en conclure
09:06que ce malheureux garçon
09:08n'avait aucun rapport
09:09avec le criminel
09:11de la rue Montaigne.
09:14Jugeant que l'abondance
09:15des indices
09:16qui les dirigeaient
09:16vers un Geissler quelconque
09:18était peut-être
09:19un peu suspect,
09:20les policiers
09:21se rabattent
09:22sur une coupe
09:22richement tornée
09:23que l'on trouve
09:24sur un petit guéridon
09:25chez Régine de Montille.
09:26Dans cette coupe,
09:28les messieurs en visite
09:30laissaient leurs cartes
09:31lorsque la belle
09:32était de sortie
09:32ou encore lorsque
09:33la bonne Annette
09:34glissait d'un ton feutré
09:36mais qui ne laissait
09:37aucun doute
09:38« Mademoiselle
09:39ne peut pas vous recevoir
09:40pour l'instant ».
09:42Ces messieurs
09:43ayant du savoir-vivre
09:44laissaient donc
09:45un petit carton corné
09:46portant leur nom
09:47et quelquefois
09:47un petit mot gentil.
09:50Nombre de ces cartons
09:51portent des patronymes
09:52célèbres
09:53et ont été abandonnés
09:55là par des artistes,
09:56des industriels
09:57ou des politiciens
09:57dont les emplois du temps
09:58sont faciles à vérifier
09:59et que l'on voit mal
10:00de toute manière
10:01en train d'égorger
10:02au couteau
10:03deux femmes
10:03et une fillette.
10:06Trois cartes pourtant
10:07attestent des visites
10:09successives
10:10d'un certain
10:10Pranzini.
10:13Henri Pranzini.
10:16Ce dernier reçut
10:17bien entendu
10:17la visite
10:18de l'inspecteur de police
10:19et ne put cacher
10:20son émotion
10:21en apprenant
10:21la mort de Régine.
10:23Ce n'est pas possible
10:24pour une femme
10:25aussi charmante
10:26et qui aimait
10:28si passionnément
10:29la vie.
10:31Quand je pense
10:32que je lui ai apporté
10:33voici quelques jours
10:34à peine un roman policier
10:35et qu'elle en était
10:36tellement contente.
10:39Ce roman,
10:40Régine de Montille
10:41ne devait jamais
10:42le terminer
10:43puisqu'elle l'avait
10:44laissé ouvert
10:44sur sa liseuse
10:45à une page
10:46qui se terminait
10:47par ses lignes.
10:48Jules,
10:49sautant du lit,
10:50regarda sa maîtresse
10:52à la lueur
10:52de la veilleuse.
10:54Il se dit
10:54« Oui,
10:55elle dort »
10:56puis,
10:56s'emparant
10:57d'un poignard
10:57à manche d'ivoire,
10:58il l'assassina.
11:01L'inspecteur
11:02laissa le nommer
11:03Pranzini
11:03accablé
11:03d'une émotion sincère,
11:05médité sur les coïncidences
11:06de la vie
11:06et de la mort
11:07et il retourna
11:09bredouille
11:09se replonger
11:10dans son enquête.
11:11C'est le 21 mars
11:14qu'un coup de téléphone
11:16venant de Marseille
11:17annonça au policier Goron
11:20« Nous tenons l'assassin
11:22de Régine de Montille,
11:25c'est Henri Pranzini. »
11:28Mais les choses
11:29ne sont pas aussi simples.
11:31Vous pourrez le constater
11:32dans un instant.
11:33Pour l'instant,
11:33laissons passer
11:34la page de publicité.
11:41Les récits extraordinaires
11:48de Pierre Bellemare,
11:49un podcast européen.
11:51Oui, nous tenons
11:52l'assassin
11:53de Régine de Montille,
11:54c'est Henri Pranzini.
11:57Voici ce qu'annonce
11:58au téléphone
11:59au policier Goron
12:00un correspondant marseillais.
12:02Henri Pranzini,
12:02celui-là même
12:03que les inspecteurs
12:04de la sûreté
12:04ont interrogé à Paris
12:05deux jours plus tôt.
12:06Le temps que Pranzini
12:07soit ramené sur Paris,
12:08on épluche un peu
12:09son passé
12:10et le temps
12:11et on découvre
12:12un personnage
12:13hors du commun.
12:15Henri Pranzini
12:16est né à Alexandrie
12:17d'un père italien.
12:18Les postes égyptiennes
12:19sont le théâtre
12:20de ses premières
12:22indélicatesses.
12:22Il est renvoyé.
12:24Parlant six langues,
12:25il s'engage
12:26dans l'armée russe,
12:27puis dans l'armée anglaise
12:28du Soudan
12:28comme interprète
12:29et il organise
12:30des caravanes en Perse
12:31vers l'Himalaya
12:32et vers la Chine.
12:33On le retrouve en France
12:34condamné pour avoir
12:35détourné un mandat
12:36destiné à un compagnon
12:37de voyage.
12:38Secrétaire
12:39d'un grand hôtel de Naples,
12:40il glisse dans une enveloppe
12:42qui lui avait été confiée
12:43du papier journal
12:43pour remplacer
12:44des billets de banque.
12:46La compagnie
12:46des wagons-lits
12:47l'engage.
12:48Il détrousse
12:48un voyageur
12:49revenant des Indes.
12:50Mais
12:51c'est sur son physique
12:53qu'il va compter
12:53pour vivre.
12:55Un physique
12:55véritablement exceptionnel.
12:58Car de son père italien,
12:59il tient des cheveux,
13:01tenez-vous bien,
13:01plutôt clairs.
13:02Et il y ajoute
13:03des yeux langoureux
13:04et un charme
13:06presque oriental.
13:08Voyez-le aussi
13:09d'une taille nettement
13:10au-dessus de la moyenne
13:11et d'une vigueur
13:12à laquelle les dames
13:12ne savent rester insensibles.
13:15L'une d'elles
13:16vénérait ses charmes
13:17dans une lettre enflammée
13:18où elle l'appelait
13:19« chérie magnifique ».
13:21Magnifique ?
13:23Franzini,
13:24il était sûrement au physique,
13:25mais au moral,
13:26il avait quelques lacunes.
13:28Des femmes,
13:29il n'attendait qu'une seule chose,
13:30leur cadeau.
13:31Il avait de l'amour
13:32pour une seule d'entre elles,
13:33sa mère,
13:34à laquelle il écrivait
13:35sans cesse
13:36qu'il ne se passait
13:37un instant
13:37sans qu'il pense à elle
13:38et c'est probablement vrai.
13:41Venu à Paris
13:42pour essayer
13:42de se faire une place au soleil,
13:44il pilotait dans la capitale
13:45des touristes anglais-égyptiens
13:46qu'il escroquait
13:47plus ou moins
13:47aux petits pieds.
13:49Au moment des événements
13:50qui nous intéressent,
13:50Franzini avait juste
13:51un peu plus de 30 ans
13:52et vivait au crochet
13:53d'une dame
13:54de 20 ans plus âgée que lui,
13:55Antoinette Sabatier,
13:56première vendeuse
13:57dans un magasin de mode
13:58de la rue Saint-Honoré.
14:00Cette maîtresse
14:00quinquagénaire mettait
14:02ses bijoux en gage
14:03quand son salaire
14:03ne suffisait pas
14:04afin de fournir
14:05à Franzini
14:06l'argent de poche nécessaire
14:08et les beaux costumes
14:09dont il avait besoin
14:10pour progresser
14:11dans le monde.
14:13Les policiers parisiens
14:14se mirent donc
14:15à interroger
14:15dès son arrivée
14:16de Marseille
14:17ce curieux personnage
14:18mais il avait un alibi.
14:22Un jeune étudiant
14:23en droit
14:24dont le nom de famille
14:25était Bernard
14:26avait passé avec Franzini
14:29et deux midinettes
14:30la nuit du crime
14:31au théâtre des variétés
14:32puis dans divers cabarets
14:33et boîtes de nuit
14:34du quartier des Halles.
14:36Le Bernard en question
14:37n'était autre que Tristan Bernard,
14:41notre futur grand humoriste.
14:43Mais l'alibi s'effondra
14:45lorsque le jeune homme
14:46à la suite de quelques recoupements
14:47finit par établir
14:48que ce n'était pas
14:49la nuit du crime
14:49qu'il avait passé avec Franzini
14:51mais la nuit
14:51de l'avant-veille.
14:54Entre-temps,
14:55les enquêteurs
14:55avaient reconstitué
14:56la partie la plus récente
14:57de l'existence du suspect
14:58et arrivèrent finalement
14:59à mettre sur pied
15:00une version assez plausible
15:01des faits
15:02que je vous rapporte ici.
15:05Avec ses 50 ans
15:06et son petit salaire,
15:08Antoinette Sabatier
15:09ne représentait en vérité
15:11pour l'ambitieux
15:11Franzini
15:12que la possibilité
15:14de ne pas se faire
15:14trop de soucis
15:15pour le vivre
15:15et le couvert
15:16en attendant de rencontrer
15:18la femme
15:18qui lui assurerait
15:19enfin une existence
15:20dorée et tranquille.
15:22Cette femme,
15:23il crut bien
15:24la rencontrer
15:25sous les traits
15:25d'une jeune Américaine
15:26qui voyageait
15:27avec sa mère.
15:29C'était encore
15:30une gamine
15:30avec ses 17 ans
15:31mais elle succomba
15:33instantanément
15:34aux beaux yeux
15:34de Franzini
15:35ne pensant plus
15:36dès cet instant
15:37qu'à sa forte stature
15:38subjuguée
15:39écrivait-elle
15:40d'avoir touché
15:41ses muscles de fer.
15:43La jeune fille
15:44dut repartir
15:44pour New York
15:45mais elle avait réussi
15:46à convaincre sa mère
15:47qu'elle devait épouser
15:49cet homme
15:49si distingué,
15:50si cultivé,
15:51si gentil.
15:53Par ses lettres,
15:54elle le pressait
15:54de traverser l'Atlantique
15:56et cette idée
15:57se mit à obséder
15:58Franzini
15:58car pour lui
15:59c'était enfin
16:00le mariage
16:01dont il rêvait,
16:02l'aisance,
16:03la tranquillité
16:03jusqu'à la fin
16:04de ses jours
16:04et ce qui ne gâchait rien,
16:07la demoiselle
16:07était ravissante.
16:09Mais pour voyager
16:10et pour faire bonne figure
16:12à son arrivée,
16:12Franzini a besoin
16:13d'argent.
16:14Sa maîtresse,
16:15en titre,
16:16ne pouvant lui en fournir,
16:17il se tourne
16:17vers ses autres conquêtes.
16:19Une comtesse
16:20lui refuse sa porte
16:21car elle trouve
16:22sous l'insuspect
16:22cette insistance
16:23de Franzini
16:24à la vouloir rencontrer
16:24chez elle.
16:25Il se rend alors
16:26chez un coutelier
16:27et il y fait l'acquisition
16:28d'un coutelas de boucher
16:29qu'il insiste
16:30pour avoir
16:31au dire du commerçant
16:32avec une lame
16:33bien enlanchée
16:34et assez forte
16:35pour couper du bois.
16:38Il jurera plus tard
16:39que cet achat
16:40n'avait rien à voir
16:42avec le triple crime
16:43de la rue Montaigne.
16:45Entre-temps,
16:46le séduisant Franzini
16:47avait reçu
16:47les faveurs
16:48de Marie Regnaud,
16:49dite régine de Montille,
16:51la demi-mondaine
16:51bien connue.
16:53Son métier
16:53n'empêchait pas
16:54celle-ci d'avoir
16:55des peines de cœur
16:56puisque son plus jeune amant
16:57venait de la quitter
16:57pour se marier.
16:59Lorsqu'elle rencontra
17:00Franzini
17:00à une exposition
17:01de tableaux
17:02au cercle
17:03des Nirlitons,
17:04elle pensa aussitôt
17:05que le robuste levantin
17:06pouvait avantageusement
17:07remplacer
17:08l'amant de cœur
17:09des missionnaires
17:10et que sa robuste constitution
17:11serait apporter
17:13à la femme bouillante
17:15qu'elle était
17:15la consolation
17:16dont elle avait
17:17grand besoin.
17:18Elle le reçut
17:19donc chez elle
17:20comme en témoignèrent
17:20les cartes
17:21de Franzini
17:21que les policiers
17:22retrouvèrent.
17:23Et il n'est pas étonnant
17:24que la bonne
17:24ait ouvert la porte
17:25soigneusement cadenassée
17:26pour laisser passer
17:28le nouvel ami de madame
17:29cette nuit
17:30du 17 mars.
17:33Alors comment ne pas imaginer
17:34que c'est bien Franzini
17:36qui froissa les draps
17:37de la belle demi-mondaine
17:38et qui,
17:38vers 5 ou 6 heures du matin,
17:40est surpris par elle
17:41alors que,
17:41nu,
17:42dans la pièce voisine
17:43de la chambre,
17:43il fouille silencieusement
17:45pour trouver
17:45quelques objets de valeur.
17:47Comment ne pas imaginer
17:48que c'est lui
17:48qui, saisissant le couteau
17:50récemment acquis
17:50dans la poche de son vêtement
17:51posé sur une chaise,
17:53se précipite sur Régine,
17:54lui tranche la gorge
17:55et commet ensuite
17:56l'horrible assassinat
17:57de la bonne et de la fillette.
17:59Alors,
18:00il fouille partout,
18:02prend ce qui peut être pris
18:03et fabrique les faux indices,
18:04la lettre
18:05signée Gaston Geisler,
18:06les manchettes
18:07et la ceinture
18:08aux mêmes initiales.
18:10Puis,
18:11il rince tant bien que mal
18:12le sang dont il est couvert
18:13dans la cuvette
18:14posée sur la table de toilette
18:15dont l'eau rougit
18:16fait partie des indices
18:17relevés par les inspecteurs.
18:19Il se rhabille alors
18:20et attend,
18:22caché,
18:23l'ouverture à l'aube
18:24de la porte des fournisseurs
18:25et il sort sans être vu.
18:29Au premier bureau de poste
18:30qu'il rencontre,
18:31il rédige un télégramme
18:33par pour Nice avec mère.
18:35Il adresse la dépêche
18:36à la jeune américaine
18:37et il signe
18:38Dr. Foster.
18:40Puis,
18:41dans un autre bureau de poste,
18:42il confectionne un paquet
18:43sur lequel il inscrit
18:44Dr. Foster
18:45à Dr. Panzini,
18:46hôtel de Noailles,
18:47Marseille,
18:48entre parenthèses,
18:50instrument.
18:51Dans ce paquet,
18:53il expédie les titres
18:54et presque tous les bijoux
18:56qu'il vient de voler.
18:58Mais à cet instant,
18:59il est pris
18:59d'une intense frayeur.
19:02Il a oublié
19:02de détruire les cartes
19:03de visite laissées
19:04chez sa victime.
19:07Immanquablement,
19:07la police va les retrouver
19:08et venir l'interroger.
19:12Il lui faut un alibi.
19:16Il va donc
19:16chez sa vieille maîtresse,
19:17Antoinette,
19:19et celle-ci est trop contente
19:20de le voir revenir
19:22et le soir même,
19:24ils vont ensemble au cirque.
19:26Au retour,
19:27il achète un journal
19:28annonçant le crime
19:29et dès qu'il a franchi
19:30la porte,
19:30il s'effondre
19:31sur un canapé
19:31en pleurant.
19:33Es-tu malade,
19:34mon chéri ?
19:35Non,
19:36dit Pronzini.
19:39Cette nuit,
19:39j'étais chez cette femme
19:40que l'on a assassinée.
19:42On a sonné.
19:45Elle a soufflé.
19:46C'est mon amant,
19:47il est très jaloux.
19:49Elle m'a caché
19:49dans un placard,
19:50l'homme est entré
19:51et de là,
19:52j'ai assisté
19:52à cette épouvantable boucherie.
19:55Je ne pouvais pas bouger,
19:56j'étais paralysé d'épouvante.
19:57Si jamais la police
19:59vient pour m'interroger,
20:01il faut absolument
20:01que tu jures
20:02que j'ai passé
20:03la nuit avec toi.
20:06Antoinette promet
20:07qu'elle le fera.
20:09Elle l'aide à se coucher.
20:11Le lendemain,
20:11elle est à son travail
20:12lorsqu'il reçoit
20:13calmement l'inspecteur
20:14et joue habilement
20:15la comédie de la surprise
20:16et du chagrin
20:17qui trompent le policier.
20:19Le soir,
20:19Antoinette Sabatier
20:20lui remet l'argent
20:21qu'elle a tiré
20:21de la vente
20:22d'un médaillon de famille
20:23et il s'embarque
20:24pour Marseille.
20:25Là,
20:26il trouve le paquet
20:27qu'il s'est envoyé
20:27à lui-même
20:28mais il lui faut
20:29à tout prix
20:29vendre les bijoux
20:30trop compromettants.
20:32Alors il se rend
20:32aussitôt dans une maison
20:33de plaisir
20:33où il tente
20:34de vendre aux filles
20:35quelques pièces
20:36de valeur.
20:37Comme ces demoiselles
20:38refusent,
20:39une dispute éclate
20:40et Prenzini se sauve.
20:41Ils seront au palais
20:42de Longchamp
20:43où il jette
20:44dans les toilettes
20:44le reste des bijoux
20:46comprenant
20:46qu'il n'en fera rien
20:47et qu'ils sont
20:48trop compromettants.
20:50Mais les filles
20:51de joie
20:51n'ayant rien
20:51eu de plus pressé
20:52que de porter
20:52les bijoux
20:53abandonnés
20:53au commissaire
20:53du quartier,
20:54celui-ci retrouve
20:55le cocher de fiacre
20:56qui a conduit
20:57Prenzini
20:57et on arrête
20:59le colosse
20:59dans une loge
21:00du Grand Théâtre
21:01où il écoute
21:02le premier acte
21:03du barbier de Séville.
21:05Se voyant perdu,
21:07il a un geste
21:07de désespoir
21:08ou de courage
21:10et tente
21:11de se suicider
21:12en s'étranglant
21:13pendant un moment
21:13d'inattention
21:14des policiers.
21:15Mais on le sauve,
21:16on le transporte
21:17à Paris.
21:19Alors Antoinette
21:20se rétracte
21:21et adjure son amant
21:22de dire la vérité
21:23car elle ne le croit
21:24pas coupable.
21:25Mais si !
21:27Mais je vous le jure,
21:27persiste Prenzini,
21:29je suis rentré
21:30au domicile
21:30de ma maîtresse
21:30tard dans la nuit
21:31et j'en suis reparti
21:32tôt le matin.
21:34Si elle prétend
21:34le contraire maintenant,
21:35c'est qu'elle ne m'a pas vue.
21:37Je ne peux pas dire
21:38où j'ai passé
21:38la première partie
21:39de la nuit.
21:40Ce serait
21:41compromettre
21:43une femme du monde
21:44qui ne doit
21:45en aucun cas
21:45être mêlée
21:46à cette affaire.
21:49Devant le jury
21:50des assises,
21:50Prenzini
21:51continuera
21:52à hurler
21:52qu'il est innocent.
21:54Son avocat
21:55plaide que Prenzini
21:56n'avait pas commis
21:57le crime,
21:58qu'il avait un complice.
22:00D'ailleurs,
22:00les voisins
22:00n'ont-ils pas aperçu
22:01dans l'escalier
22:02cette nuit-là
22:02la silhouette
22:03de ce qu'ils nommèrent
22:04un gringalet
22:05qui semblait venir
22:06de l'appartement
22:07de la victime.
22:09Et si Prenzini
22:09ne voulait pas
22:10le dénoncer,
22:11c'est parce que
22:12l'aveu d'une simple
22:12complicité lui aurait valu
22:14non pas la guillotine,
22:15mais le bagne.
22:16Il préfère risquer
22:17d'être reconnu coupable
22:18plutôt que de se retrouver
22:20derrière les grilles.
22:22Alors Prenzini
22:23se lève,
22:24la tête haute,
22:25les yeux étincelants,
22:27il donne un coup de poing
22:27énorme sur la barrière
22:28du box des accusés
22:29et il tonne
22:30d'une voix fière
22:31la mort ou la liberté.
22:33Je suis innocent,
22:34je le jure.
22:38Il fut exécuté
22:39le 1er septembre
22:401887,
22:41place de la Roquette,
22:43ayant toujours
22:44son innocence.
22:46Mais l'affaire Prenzini
22:47est une suite.
22:49Le sous-chef
22:50de la sûreté,
22:51Goron,
22:52accumulait
22:53dans un petit musée
22:54personnel
22:54des souvenirs
22:56sur les grands criminels
22:57qu'il avait arrêtés.
22:58Comme
23:00il ne lui restait
23:02rien de Prenzini,
23:04l'un de ses agents,
23:05un nommé
23:06Rossignol,
23:08soudoyait
23:09le garçon
23:09de laboratoire
23:10de la faculté
23:10de médecine
23:11qui préleva
23:13sur le cadavre
23:14décapité
23:14trois lambeaux
23:16de peau
23:16qu'il fit
23:18tanner
23:18et transformer
23:20en portefeuille.
23:22Ces macabres
23:23objets
23:24furent conservés
23:25par le chef
23:25de la sûreté Taylor,
23:26le sous-chef Goron
23:27et l'agent
23:28Rossignol.
23:30Mais il y eut
23:31des fuites
23:32et des articles
23:33de journaux
23:34scandalisés
23:34réclamaient
23:35la mise à pied
23:36du policier Goron.
23:38Ces articles
23:39étant surtout
23:39l'œuvre
23:40d'un certain journal,
23:41Goron,
23:42qui n'était pas né
23:42de la dernière pluie,
23:44confia au journal rival
23:45un dossier
23:46qu'il avait
23:47sous le coude
23:47et qui concernait
23:49une dame
23:50qui profitait
23:51de son intimité
23:51avec un député
23:52gendre
23:53du président
23:53Jules Grévy.
23:54Cette dame
23:56vendait purement
23:57et simplement
23:58des décorations
24:00qu'elle obtenait
24:01de ses relations
24:02avec le gendre
24:03du président.
24:04Le dossier
24:05fut révélé
24:05au public
24:06et provoqua
24:06un tel scandale
24:07qu'il s'en suivit
24:09l'arrestation
24:10d'un général,
24:11celui de la dame
24:11qui faisait
24:12le trafic
24:12de décorations,
24:13la démission
24:14du bivet de police,
24:15le déshonneur public
24:16du député
24:16gendre du président
24:17Jules Grévy
24:17et la démission
24:18du président
24:19lui-même.
24:21Dans tout cela,
24:22l'affaire des portefeuilles
24:23en pot
24:24de Prenzini
24:24fut bientôt oubliée
24:26et le policier Goron
24:28continua une carrière
24:30dans laquelle
24:31le triple assassinat
24:32de la rue Montaigne
24:32tint quand même
24:33une place honorable
24:34tout comme aujourd'hui
24:36dans nos dossiers
24:37extraordinaires.
24:47Vous venez d'écouter
24:51les récits extraordinaires
24:52de Pierre Bellemare,
24:54un podcast
24:55issu des archives
24:56d'Europe 1.
24:57Réalisation
24:58et composition musicale
25:00Julien Tarot
25:01Production
25:02Estelle Lafon
25:03Patrimoine sonore
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25:06Laetitia Casanova
25:08Antoine Reclus
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25:11Les récits extraordinaires
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