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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:07Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Le Limousin est un pays riche en mystères de toutes sortes.
00:15Les fermes, d'épaisses bâtisses serrées les unes contre les autres derrière un bocteau,
00:20enracinées dans la terre grasse, constituent souvent à elles seules un hameau qui prend le nom du lieu dit.
00:27Un vrai petit village avec quelquefois 20 à 30 habitants vivant silencieusement autour d'un patriarche,
00:34un vrai petit village où le secret de famille ne passe pas facilement les murs épais.
00:41On trouve là des hommes et des femmes farouchement accrochés à leur terre,
00:44n'ayant pour unique but dans la vie que de faire prospérer des exploitations souvent confortables.
00:50C'est un pays où l'on n'aime pas ceux qui posent des questions,
00:53où l'on sait garder la bouche cousue.
00:56Un pays où l'on voit encore de temps à autre une chouette clouée par les ailes sur une porte
01:02pour attirer le mauvais sort sur les habitants du lieu.
01:07C'est dans ce cadre que se déroula une tragédie
01:11dont les seuls indices pour les enquêteurs furent un cadavre de femme
01:15et un peu de poudre bleue au fond d'un veille.
01:20« Au secours ! Jésus-Marie, au secours ! Bonne Vierge ! Sainte Mère de Dieu, je suis empoisonné ! Au secours ! »
01:46L'ombre qui régnait dans la ferme de l'abbadie près de Château-Gervy fut déchirée soudain par ses hurlements.
01:52« Au secours ! Léonard ! Léonard, viens à mon secours ! »
01:57Les hurlements de la femme redoublaient.
02:00Quelque part, un peu plus loin dans la maison,
02:03une faible lumière palpita, grandit et se stabilisa.
02:07On venait d'allumer une bougie.
02:09« C'est du poison ! C'est du poison ! Au secours ! »
02:14La voix de la femme passait de l'aigu le plus strident à un grave, épouvantablement rauque.
02:19Léonard, Léonard Durand, le maître de la ferme et des vingt hommes et femmes et enfants qui y habitaient,
02:26Léonard sortit du lit et courut le long du couloir,
02:30en protégeant la flamme de la bougie de sa main creusée,
02:33les pans de sa longue chemise lui battant les mollets.
02:36Cela bougeait un peu partout dans la maison maintenant,
02:39et ils furent plusieurs à rejoindre Léonard sur le seuil de la cuisine obscure, d'où venaient les cris.
02:45Seulement, depuis quelques instants, ils avaient cessé.
02:49On n'entendait plus qu'un souffle rapide et d'effrottement, comme un animal qui se roule par terre.
02:55« Maria ! Maria ! C'est-y toi qui a crié ? » interrogea Léonard.
03:02Le glapissement sauvage qui partit du fond de la pièce en réponse fit reculer d'un pas le petit groupe.
03:11Léonard tendit la chandelle en avant et la lumière jaune éclara d'un coup sa sœur, Maria,
03:17qui se tordait par terre près du bougeoir qu'elle avait entraîné dans sa chute.
03:22Ils furent aussitôt trois auprès d'elle, Léonard, sa femme, Léontine,
03:26et un journalier que l'on avait engagé pour le mois d'août.
03:29« J'ai bu du poison. J'ai mal. Du lait. Faites-moi boire du lait. »
03:38Maria, le corps raide, les reins creusés comme un arc, enfonçait ses talons dans le sol de terre battue.
03:45En fait, elle reposait sur ses talons et sur sa tête renversée en arrière,
03:48le cou démesurément tendu, un cou gonflé comme un jeune tronc d'arbre,
03:54où saillait de manière inquiétante les tendons et la veine jugulaire.
03:57On tendit à Léonard une jatte de lait.
04:01Il essaya de redresser la tête de sa sœur.
04:03N'y parvenant pas, il tenta de lui desserrer les lèvres,
04:07et il lui versa comme il put le lait, qui ruissela sur les joues de la malheureuse.
04:12De seconde en seconde, le visage de la jeune femme se congestionnait davantage.
04:16Elle lança soudain ses deux mains crispées vers son corsage,
04:19qu'elle déchira, se plantant les ongles dans la poitrine,
04:22et y laissant d'affreuses balafres.
04:26Léonard glissa tant bien que mal deux doigts dans la bouche de sa sœur
04:29pour essayer de lui faire rendre le poison qu'elle avait avalé.
04:33Rien n'y fit, pas même le café salé.
04:37Les premiers cris n'avaient pas été poussés depuis plus de dix minutes,
04:39lorsque soudain le visage de la jeune femme vira au noir
04:43et ses yeux se révulsèrent.
04:46Elle rendit l'âme dans un abominable hoquet.
04:52C'était fini.
04:56Ceux qui avaient assisté à cette fin horrible se redressèrent,
04:59s'écartèrent un peu,
05:01et l'on fit silence en regardant ce corps raide pour l'éternité,
05:06et qui semblait avoir pris tout entier la freuse couleur sombre du visage.
05:10Puis lentement, quelqu'un osa lever les yeux.
05:14Les autres regards suivirent,
05:16et l'on s'observa toujours sans dire un mot,
05:18car tous avaient entendu les derniers mots prononcés par Maria.
05:24Dans un effort désespéré,
05:25elle avait désigné la longue table de chêne de la cuisine,
05:29et elle avait dit assez clairement,
05:31pour qu'il n'y ait pas de doute dans l'esprit d'aucun des spectateurs,
05:35« Là,
05:37poison,
05:38Roger
05:40empoisonné. »
05:47Léonard, le fermier, posa la chandelle sur la table,
05:50juste à côté d'un verre au fond duquel
05:52on put voir un peu de liquide bleuâtre.
05:56Une fine poudre bleu-vert
05:58s'était également déposée sur les parois du verre.
06:01« Poison,
06:04Roger,
06:05empoisonné, » avait dit Maria avant de mourir.
06:09Terrible accusation.
06:12Elle avait prononcé le nom de Roger.
06:14Roger Fauveau, c'était le mari de la jeune femme qui venait de mourir,
06:18le beau-frère du fermier Léonard.
06:20« Faut faire venir le docteur, » prononça enfin le maître de la ferme de l'Abbadie.
06:27À cause de la pluie qui tombait de rue,
06:29le docteur Lippmann
06:30mit un moment pour arriver le temps qu'on aille le prévenir à Château-Chervie
06:35et de faire le trajet jusqu'à la ferme.
06:37Il n'eut pas besoin de regarder à deux fois le corps toujours étendu au pied de la table dans la cuisine
06:41pour s'apercevoir que ce n'était plus de lui que l'on avait besoin.
06:46« C'est plutôt les gendarmes que vous auriez dû prévenir.
06:51Je vais rester jusqu'à leur arrivée. »
06:54« La marée chaussée à l'Abbadie ? »
06:57Léontine, la femme de Léonard et belle-sœur de la morte, avait le visage fermé.
07:00« La marée chaussée à l'Abbadie. Il ferait beau voir. »
07:04« Mais elle a été empoisonnée, Madame Léontine. »
07:06« Je suis formel là-dessus. »
07:08« Il faut toujours prévenir les gendarmes quand la mort n'est pas naturelle. »
07:11« Oh, pas naturelle, pas naturelle. »
07:14« Elle se sera suicidée, voilà tout. »
07:16« Suicide ou pas, Madame Léontine, c'est ce qu'on appelle une mort pas naturelle. »
07:22« Ma sœur ne se serait jamais donnée la mort, » rugit Léonard.
07:26« C'est pas un suicide. »
07:29« Un accident, peut-être. »
07:32« La discussion durait encore lorsque les gendarmes arrivèrent. »
07:35Les gendarmes de ce rude pays, habitués aux secrets de famille, intervinrent avec rapidité et discrétion.
07:40Ils commencèrent par isoler le verre, qui contenait un fond de cette bouillie bleuâtre,
07:45mais aussi un sachet de papier posé à côté du verre sur la table de la cuisine.
07:49Au fond du sachet, il y avait aussi un peu de poudre.
07:52« Vous seriez-tu nous dire ce que c'est que ça, docteur ? » interrogea l'un des hommes en uniforme.
07:59« Je pense à du sulfate de cuivre, » répondit le docteur Lippmann.
08:03« Vous permettez ? »
08:05Il mouilla le bout de son index, s'en servit pour prélever quelques grains de la poussière suspecte qu'il déposa sur le bout de sa langue.
08:11Puis, il renifla le sachet.
08:14« Oui, du sulfate de cuivre, mais avec autre chose, sûrement un poison violent.
08:19J'opterai pour de la strychnine. L'autopsie nous le dira. »
08:22« Mon Dieu ! »
08:24« L'autopsie ! »
08:25sanglota Léontine en cachant son visage contre l'épaule de son mari.
08:30Les gendarmes menèrent rondement un premier interrogatoire,
08:32et le lendemain, après quelques coups de téléphone à 5h du matin,
08:35leurs collègues de la caserne Excellemance à Paris
08:37vinrent arrêter Roger Fauveau à son domicile, le mari de la femme empoisonnée.
08:42Mais tout s'éclaira d'un jour nouveau lorsque l'on entendit parler pour la première fois
08:46de l'étrange docteur Michel, l'embaumeur de cadavres.
08:56Les récits extraordinaires de Pierre Delmar, un podcast européen.
09:01Qu'avaient donc appris les gendarmes appelés dans la nuit du mardi 18 août
09:04à la ferme de l'Abadie au cœur du Limousin.
09:08Après qu'ils eussent fait les constatations d'usage,
09:11jetaient pudiquement une couverture sur le visage bleu-noir de la malheureuse Maria Fauveau,
09:15après que le docteur ait diagnostiqué un empoisonnement à la strychnine et au sulfate de cuivre,
09:20les représentants de la loi avaient entendu successivement les habitants de la ferme
09:24à commencer par Léonard Durand, le maître, et sa femme Léontine.
09:27Ils eurent ainsi la confirmation de ce qu'ils savaient déjà un peu,
09:31car dans nos campagnes, les gendarmes connaissent bien les populations
09:34sur la sécurité desquelles ils sont appelés à veiller.
09:38Roger Fauveau, un brave garçon, sapeur-pompier à Paris,
09:41avait épousé Maria, qui s'était placée comme bonne dans une famille rue M. le Prince.
09:46Maria était âgée de 26 ans.
09:50Roger avait un an de plus et ils venaient régulièrement tous deux passer leur congé à la ferme.
09:55Maria était arrivée le 6 du mois d'août.
09:58Roger l'avait rejointe pour une journée seulement, le 13.
10:02Maria avait dit à son frère Léonard qu'elle était souffrante, mais sans préciser de quoi,
10:07et lors de sa visite, Roger avait apporté pour sa femme un flacon de l'eau d'anome
10:10et il avait dit « C'est de la part du docteur Michel.
10:14Il m'a également donné pour toi un sachet de poudre de bleu de méthylène.
10:19Mais j'ai oublié la poudre à Paris. »
10:22C'est par la poste que Maria reçut deux jours plus tard le sachet de poudre bleu
10:25ainsi que cinq cachets de gardénal.
10:28Il y avait une lettre avec les médicaments, une lettre que les gendarmes purent lire.
10:33« La voici.
10:33Ma petite femme chérie, j'ai fait bon voyage, je suis heureux d'avoir pu t'embrasser un instant.
10:38Je t'envoie les médicaments que Michel m'a donnés.
10:41Tu prendras les cachets pour tes insomnies et ensuite la poudre pour ce que tu sais.
10:46Prends bien ça le soir avant de te coucher dans de l'eau.
10:49J'espère que tu seras guéri avec ce que Michel m'a donné.
10:52Je te quitte en te couvrant de baisers, ton petit mari qui t'aime pour toujours. »
10:56Apparemment, les deux époux devaient donc être en excellent terme, vu la tendre gentillesse de cette lettre.
11:01Et pourtant, c'est en avalant la mystérieuse poudre bleue que Maria avait trouvé une fin atroce.
11:08Voilà pourquoi les gendarmes de Saint-Germain-les-Belles, dont dépendait la ferme,
11:12alertèrent ceux de la caserne Excellements à Paris.
11:14Il était cinq heures du matin, le mercredi, lorsque l'on vint appréhender Roger Fauveau.
11:19Il dormait bien sagement dans son lit rue M. le Prince, au domicile de la dame qui employait Maria
11:24et qui les hébergeait tous les deux dans une chambre de service.
11:27Roger Fauveau accueillit les gendarmes calmement, avec un calme qui les étonna dès l'abord.
11:33Était-ce l'attitude d'un innocent, ignorant parfaitement ce qui a pu arriver pendant la nuit à son épouse
11:37et qui n'a rien à se reprocher ?
11:39Était-ce au contraire le flègme d'un assassin qui a bien prémédité son coup un homme
11:44qui aurait réussi à se débarrasser en quelque sorte par correspondance de sa femme
11:48et qui s'est préparé à jouer les innocents ?
11:51Quand on lui apprit la nouvelle de la mort de Maria, Roger Fauveau resta sans réaction.
11:56C'était « Pourquoi faire ce soi-disant médicament ? »
12:02C'est à cette question des gendarmes que le jeune pompier commença à montrer un peu de gêne.
12:07On en apprit alors un peu plus sur la vie privée de Roger Fauveau.
12:12Il avait épousé Maria, qu'il aimait sincèrement,
12:16et il se montrait enverrait la marimodelle rapportant régulièrement sa solde à la maison.
12:19Il n'en gardait qu'une partie pour aller faire le jeune homme.
12:23Il sortait deux fois la semaine,
12:25mais ses sorties, chers amis, étaient réservées à ce que l'on appelait une maison de société de la rue Grégoire de Tours.
12:33Dans ce lieu de plaisir, le jeune pompier trouvait apparemment des joies
12:36que Maria, sa vertueuse moitié, ne lui dispensait pas au creux du lit conjugal.
12:42Ces dames, les pensionnaires de chez Marcel,
12:45avaient donné à Roger le sympathique surnom de Petit Pompon.
12:48« Tiens, voilà le Petit Pompon ! » s'exclamait à son entrée la jolie Marcelle, la patronne,
12:53et la blonde Micheline se précipitait du fond de la salle pour sauter au cou de son visiteur.
12:58À ses camarades de service, comme lui au théâtre du Vieux Colombier,
13:01Roger avait confié qu'il ne dépensait pas souvent de l'argent auprès de ces dames,
13:05et il semble en effet qu'elles aient apprécié sa compagnie pour d'autres raisons que son portefeuille.
13:11Elle lui avait donc donné ce surnom de Petit Pompon,
13:13mais aussi autre chose,
13:15« Oui, un souvenir dont il se serait bien passé.
13:19Je m'en suis aperçu il y a un peu plus d'un mois,
13:22se confessa-t-il aux gendarmes qui l'ont interrogé,
13:24et je me suis rendu compte aussi que j'avais contaminé ma femme.
13:28Je lui ai demandé d'aller voir un Toubib, mais elle ne voulait pas,
13:31elle avait trop honte,
13:32et elle m'a demandé de me débrouiller pour lui trouver un médicament.
13:35Et alors, t'en as profité pour lui donner du poison et te débarrasser d'elle.
13:38Mais non, c'est pas vrai.
13:40C'est Michel, le docteur Michel, qui m'a donné cette poudre bleue.
13:43« Le docteur Michel ? Michel comment ? Quelle adresse ? »
13:47« Mais je ne sais pas, moi, le docteur Michel, je l'appelle comme ça,
13:50tout le monde l'appelle comme ça, mais je ne sais pas son nom, moi.
13:53Il a soigné beaucoup de mes collègues avec du bleu de méthylène,
13:55et ça a très bien marché, alors j'en ai demandé,
13:58mais je ne sais pas son adresse.
13:59Je le rencontrais dans des bistrots, on prenait un verre ensemble,
14:02mais je vous jure que c'est lui qui m'a donné la poudre. »
14:06Qui pouvait croire à l'existence du fantomatique docteur Michel ?
14:09Pourtant, les gendarmes de la caserne Excellemans poussèrent une enquête dans les cafés du quartier latin
14:14et plusieurs personnes prononcèrent le nom de ce personnage.
14:18Il existait donc bien.
14:20On le retrouva, soignant ses roses, dans son jardin de Saint-Maur,
14:24en tricot de corps et en bretelles, l'arrêt impeccable,
14:26le cheveu griffaire, la moustache cirée, l'air d'un officier en civil.
14:30Michel, le docteur Michel, s'appelait M. Michel Courteau, profession embaumeur de la faculté de pharmacie.
14:38Cet homme était préparateur pour les cours d'anatomie.
14:41Il passait sa vie à manipuler et à découper des cadavres, livrés par les hôpitaux.
14:45Un curieux bonhomme, souriant mais distant,
14:47peut-être parce qu'une centaine de milliers de corps inanimés étaient passés par ses mains
14:51avant d'aller enrichir le savoir des futurs pharmaciens.
14:55C'est lui aussi qui, le matin des exécutions capitales,
14:57attendait les familles des suppliciés au bord de la tombe ouverte du cimetière d'Ivry
15:01et leur demandait le cadavre du criminel au nom de la science.
15:06Il avait dans ses occasions une politesse et un savoir-vivre digne des loges
15:10et c'est sur ce ton qu'il répondit aux enquêteurs.
15:13Moi ?
15:14Jamais je n'ai fourni aucune poudre, aucun médicament à qui que ce soit.
15:19Roger Fauveau ?
15:20Ce nom-là ne me dit rien du tout.
15:22Il est pompier, dites-vous.
15:23Oh, j'en connais bien sûr des pompiers, mais je les confonds.
15:28Ils ont tous le même uniforme.
15:30Pourtant, il vous connaît, lui.
15:32Il vous appelle même Docteur Michel.
15:34Vous n'avez jamais été docteur, M. Courteau ?
15:37Non, certes, mais comme je travaille à la faculté,
15:40les cafetiers et ceux avec qui je bois un verre au comptoir m'ont donné surnom.
15:45Vous ne pouvez pas empêcher les gens de vous appeler comme ils veulent.
15:48C'est vrai, je n'ai jamais été docteur et c'est d'ailleurs pourquoi
15:50je n'ai jamais fourni de poudre ni bleue ni autrement à qui que ce soit.
15:54Michel Courteau avait l'air tellement sincère
15:58que les gendarmes enregistrèrent ces déclarations
16:00et repartirent interroger le pompier Fauveau.
16:03Tu nous as menti, Fauveau.
16:05Le docteur Michel ne te connaît pas
16:07et il nie t'avoir donné ce médicament.
16:09Comment ça il ne me connaît pas ?
16:11Vous voulez la preuve ?
16:14Allez donc, rue Grégoire de Tour.
16:16Demandez à Marcel.
16:18La tenancière.
16:18Deux gendarmes se rendent donc dans la maison close.
16:23La blonde Marcel est toujours souriante.
16:25Roger ? Le petit pompon ?
16:27Ça oui ! On le voyait toujours avec des collègues à lui ou tout seul.
16:32Mais tenez, il y a de ça, attendez donc,
16:35ça va faire un mois cette semaine.
16:37Il est arrivé un après-midi avec un monsieur très bien.
16:39Un bourgeois d'environ 50 ans, genre militaire, très sérieux.
16:42Vous voyez ce que je veux dire ?
16:44Roger nous a dit, je vous présente mon ami le docteur Michel
16:46de la faculté de médecine.
16:48Vous êtes sûr qu'il a dit mon ami le docteur Michel ?
16:51Ah, pour ça oui !
16:53Même qu'il aurait été très fier de dire que c'était son ami
16:54et qu'il lui a proposé lui-même de monter avec Micheline,
16:57celle qu'il prenait d'habitude.
16:59Lui, il a changé pour une fois.
17:01Il est allé avec Jeannette.
17:03Tant de précisions méritent des commentaires
17:05et l'on commença à se poser des questions à propos du fameux docteur.
17:09Non, m'intin Michel Courteau, non !
17:11Jamais je n'ai fourni la moindre poudre bleue,
17:13le moindre médicament à ce Roger Fauveau.
17:15D'ailleurs, vous n'avez aucune preuve.
17:18Ce pauvre garçon travaille du chapeau.
17:22Perplexité des gendarmes.
17:24Fauveau, tu t'es rendu auprès de ta femme
17:27que tu avais envoyé prendre l'air chez son frère.
17:29Tu étais là-bas le 13 août.
17:30Or tes supérieurs nous ont confirmé
17:32que tu n'avais pas de permission régulière.
17:34Pourquoi cette harte pour la rejoindre ?
17:37Je m'ennuyais d'elle.
17:39Puis j'avais des remords
17:40pour lui avoir passé cette vilaine maladie.
17:41Je voulais lui apporter le plus vite possible
17:44le médicament qui la guérirait.
17:46Mais tu ne lui as apporté qu'un flacon de l'audanome.
17:49Ce n'est que deux jours plus tard
17:49qu'elle a reçu par la poste
17:51la fameuse poudre bleue
17:53accompagnée de cinq cachets de Gardénal.
17:55Ah oui, j'avais oublié le sachet à Paris.
17:58Alors tu y vas pour le porter
18:00et tu l'oublies.
18:02Ça tient pas de bout.
18:03Quant aux cinq cachets de Gardénal,
18:05tu lui écris de les prendre le soir
18:07avec un peu d'eau.
18:07Cinq cachets ?
18:09C'est une dose à endormir un cheval.
18:12Tout se passe comme si tu avais voulu
18:13qu'elle soit droguée, inconsciente
18:15et que le poison bleu
18:16puisse ainsi la tuer sans qu'elle souffre.
18:19Allez à vous, Fovot.
18:20Je suis innocent.
18:23Ma femme connaissait l'usage du Gardénal
18:24et savait qu'elle devait prendre un cachet
18:26seulement chaque soir.
18:27Elle n'aurait jamais pris les cinq en même temps.
18:29L'enquête se poursuivit
18:32et amena un certain nombre de bizarreries.
18:34Par exemple,
18:36on découvrit
18:36à la ferme de Labadie
18:38plusieurs flacons d'un produit appelé
18:40taupinase
18:41qui, comme son nom l'indique,
18:43est destiné à détruire les taupes.
18:45C'est un terrible poison
18:46à base de strychnine et de sulfate de cuivre.
18:49Une poudre
18:49de couleur
18:51bleu-vert.
18:53Que faisait ce poison dans la ferme
18:54et comment Léonard, le fermier,
18:56et Léontine, sa femme,
18:57en ignorait-il la présence
18:59et ne pensèrent-ils pas
19:00le signaler aux gendarmes ?
19:02L'analyse cependant détermina
19:03que Maria Fauveau
19:04avait succombé plutôt
19:06à l'absorption d'un produit appelé
19:07non pas taupinase,
19:09mais taupicine.
19:11Or, le 11 septembre,
19:13l'autre sœur de Maria
19:14qui habitait Paris
19:15sur le même palier
19:16que le ménage Fauveau
19:17se manifesta auprès de la police.
19:20« Voici une pièce à conviction
19:21où j'ai trouvé derrière la cuvette
19:23de la table de toilette
19:24de Roger Fauveau, mon beau-frère, »
19:26signala cette dame
19:27qui s'appelait,
19:27aux coïncidences,
19:29« Madame Gendarme ».
19:31Quatre jours plus tard,
19:32c'est-à-dire le 15 septembre,
19:34la même Madame Gendarme
19:35remettait aux enquêteurs
19:36un essuie-main
19:37également trouvé
19:38chez Roger Fauveau
19:38et taché largement
19:40du même produit bleu-veil.
19:43Or, suivez-moi bien,
19:44chers amis,
19:45car les dates sont importantes.
19:47Cette autopiscine
19:48a donc été
19:49miraculeusement découverte
19:51en gros milieu septembre.
19:53Or, le 22 août,
19:56une perquisition de la police
19:57au domicile de Fauveau
19:58n'avait rien donné.
20:00De même,
20:01une femme de chambre,
20:02nouvellement engagée
20:03par la logeuse de Fauveau,
20:04avait nettoyé à fond
20:05tout l'appartement
20:05et déclara sur l'honneur
20:07n'avoir rien vu non plus.
20:10Fauveau
20:11proclamait encore son innocence
20:12lorsqu'il comparut
20:13devant les jurés
20:14de la cour d'assises.
20:16Lors de ce procès,
20:17appérurent clairement
20:17les points mystérieux
20:18de cette affaire.
20:19Un habitant de la ferme
20:20déclara que Maria Fauveau
20:22avait préparé
20:23la mixture bleue
20:24dès réception du paquet,
20:26mais qu'elle hésitait
20:27avant de la boire
20:27parce que son aspect
20:28n'était pas engageant.
20:30Le verre était resté
20:31deux jours
20:32sur le buffet de la cuisine.
20:34Fauveau
20:35avait donc bien pu envoyer
20:36du bleu de méthylène
20:37et une main criminelle
20:38se serait alors chargée
20:40de remplacer le verre
20:41contenant le médicament
20:42par un autre
20:43contenant le poison.
20:45Qui
20:46avait volontairement placé
20:48un flacon de topicine
20:49sur la table de toilette
20:51de Fauveau
20:51dès que le résultat
20:53de l'analyse fut connu.
20:54Maria Fauveau
20:55n'avait-elle pas eu
20:56une dispute
20:57avec son frère Léonard
20:58et sa soeur Madame Gendarme ?
20:59Cette dispute
21:00n'avait-elle pas pour origine
21:02le désir de Maria Fauveau
21:03et de Roger
21:04de racheter les parts
21:05de la ferme de l'abbadie
21:06que détenaient précisément
21:07Léonard et Madame Gendarme ?
21:09Un médecin
21:10ne vint-il pas témoigner
21:11à la barre
21:12que Léonard
21:13avait consulté un docteur
21:14peu de temps avant le drame
21:15pour lui demander
21:16de faire interner
21:17sa femme Léontine ?
21:19Dans une crise de nerfs,
21:20elle avait saisi
21:20son jeune fils
21:21et brandissant
21:22un flacon de teinture diode
21:23s'était écrié
21:24« Je vais l'empoisonner !
21:26Je vais l'empoisonner ! »
21:28Et enfin,
21:29pourquoi
21:29le mystérieux
21:31docteur Michel
21:32avait-il,
21:33jusqu'au procès,
21:34réussi à échapper
21:35à une confrontation directe
21:37avec Roger Fauveau ?
21:38L'avocat général
21:41abandonna l'accusation
21:43Ce fut le coup de théâtre
21:45Fauveau
21:47fut acquitté
21:48Quant au véritable criminel
21:51si meurtre il y a eu
21:52nous avons perdu sa piste
21:54La documentation
21:57de notre ami
21:57Gagori Franck
21:58s'arrête malheureusement
21:59à ce procès
22:00Mais si quelqu'un d'entre vous
22:02possédez
22:03des renseignements supplémentaires
22:05qu'il n'hésite pas
22:06à nous écrire
22:07pour compléter
22:08ce dossier extraordinaire
22:09et peut-être
22:09grâce à vous,
22:11chers amis,
22:12saurons-nous
22:12qui
22:13versa
22:14dans le verre
22:15de la femme
22:15du petit pompon
22:16un sachet
22:17de poudre bleue ?
22:20Vous venez d'écouter
22:31les récits extraordinaires
22:33de Pierre Belmar
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22:36des archives d'Europe 1
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