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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Le dossier extraordinaire que nous propose aujourd'hui Jacques-Antoine est particulièrement intéressant,
00:16car il nous apprend ce que nous ignorions encore, la technique à utiliser pour obtenir des avis.
00:23Quels que soient les indices, les preuves, la perfection d'une enquête, rien ne vaut pour étayer une accusation les propres aveux du coupable.
00:33Inutile de dire que l'obtention des aveux par la force, par ailleurs ignoble et illégale, est la plus mauvaise des techniques,
00:40car elle est trop fertile en fausses déclarations, en faux aveux faits pour échapper à la douleur ou à la peur.
00:48Elle provoque des retours en arrière et transforme en imbroglio les affaires les plus claires.
00:53Un bon policier doit donc utiliser une technique purement psychologique pour amener une personne suspectée
01:00à oublier l'instinct de conservation au point d'en arriver à cette apparente aberration, l'aveu qui la condamne.
01:12C'est un exemple passionnant de cette méthode que nous allons maintenant découvrir ensemble.
01:23Nous tenons l'essentiel de ce dossier du récit de René Le Chat, commissaire en chef aux délégations judiciaires de Belgique.
01:44Pour des raisons faciles à comprendre, nous n'utiliserons ni les noms réels des protagonistes de cette affaire,
01:51ni les lieux géographiques véritables.
01:54Le drame, d'ordre essentiellement psychologique, se présente comme suit.
01:59Versilly, né en 1892 à Charleroi, y exerce pendant longtemps la profession de maraîcher.
02:08Sa fille, Marie-Madeleine, né en 1918, qui lui est très attachée, l'aide dans son commerce.
02:15Versilly est un homme de grande taille, brun, bien bâti, et même assez athlétique.
02:22Mais avec ce teint bistre, ses yeux enfoncés, rapprochés et brillants, toujours légèrement cernés,
02:28qui vous donnent l'impression d'avoir affaire à un éternel malade.
02:32C'est au demeurant un homme calme d'apparence, intelligent, honnête et sérieux.
02:38Sa fille, Marie-Madeleine, est une brunette agréable, tour à tour exaltée et renfermée,
02:43par moments très ordonnée et méticuleuse, à d'autres moments brouillonne et rêveuse.
02:49Ce qu'il y a de plus attendrissant chez elle, c'est son sourire,
02:52qui sait être enjoué, mutin ou triste ou tendre.
02:58Veuf, Versilly se remarie avec une femme de nationalité française
03:02qui ne parvient pas à vivre en bonne intelligence avec sa belle-fille.
03:05Quand Marie-Madeleine atteint l'âge de 15 ans,
03:09son père la place chez sa grand-mère dans le nord de la France,
03:11mais elle ne peut vivre loin de lui et le supplie de la reprendre au foyer paternel.
03:17Versilly se laisse facilement fléchir et elle revient.
03:22Alors le désaccord s'accentue entre les deux femmes.
03:26Versilly marie sa fille à un jeune Français du nord.
03:29À peine le ménage s'est-il installé dans cette région,
03:31que Marie-Madeleine renouvelle ses supplications auprès de son père
03:34pour qu'il vienne la rechercher et Versilly ne peut y résister.
03:39En 1937, Versilly et sa femme s'installent donc à Lille.
03:43Marie-Madeleine, qui vient de donner le jour à un bébé,
03:46les y rejoint et vit non loin d'eux.
03:50Versilly loue dans la banlieue une grande exploitation maraîchère
03:53et sa fille va parfois l'aider dans ses travaux.
03:57Quelques mois plus tard, la rupture du ménage Versilly se précise.
04:02Versilly quitte son foyer, s'installe avec sa fille et son petit-fils
04:07dans la maison maraîchère.
04:10Sa femme déclare alors à des amis que son mari a pour Marie-Madeleine
04:13un attachement trop marqué.
04:17Le lendemain, celle-ci se montre plusieurs fois dans le village.
04:22On ne devait plus l'y revoir vivante.
04:26Sa disparition ayant été constatée, son père finit par faire la déclaration suivante.
04:32Il conservait une somme d'argent assez importante chez lui,
04:35dans un tiroir de secrétaire.
04:37Depuis quelque temps, Marie-Madeleine semblait préoccupée
04:39et refusait de s'ouvrir à son père du secret qui semblait l'oppresser.
04:44Finalement, il a constaté à la fois la disparition de ses économies,
04:48des affaires de toilettes et quelques vêtements de sa fille.
04:52Tout semble donc indiquer qu'il s'agit d'une fugue.
04:56Versilly met son petit-fils en pension
04:59et retourne s'installer seul en Belgique.
05:04Cependant, certains parents et amis de Marie-Madeleine
05:06sont étonnés que celle-ci ne donne aucune nouvelle.
05:10Leur inquiétude les amène à demander l'intervention du parquet de Lille.
05:14Certains n'hésitent pas à accuser Versilly de cette disparition.
05:18La police belge le convoque
05:21et c'est ainsi que le commissaire Lechat se trouve pour la première fois
05:25en face de Versilly.
05:29M. Versilly, depuis votre dernière déclaration,
05:32votre fille s'est-elle manifestée ?
05:34Non, M. le commissaire ?
05:36Est-ce que vous ne trouvez pas cela étrange ?
05:39Bien sûr que si, M. le commissaire.
05:41Vous savez, M. Versilly, que c'est à la demande de certains parents
05:44et amis de votre fille que nous sommes amenés à vous interroger.
05:49L'as, M. le commissaire, j'ai dit tout ce que je savais.
05:52Vous pensez bien que si je pouvais vous aider, je le ferais.
05:56Je ne comprends donc pas pourquoi vous m'avez convoqué.
06:00M. Versilly, la police française nous ayant laissé entendre
06:03que vous connaissiez les véritables raisons de la disparition de votre fille,
06:08vous voyez bien que nous ne pouvions pas faire autrement.
06:11La voix de Versilly devient glaciale.
06:14M. le commissaire,
06:14« En ce qui me concerne,
06:18je n'ai pas porté plainte pour le vol que ma fille a commis chez moi.
06:21Et si je taisais une information quelconque
06:23au sujet de sa disparition,
06:26ce ne pourrait être que dans son propre intérêt
06:28et à sa demande.
06:30Ma fille est majeure.
06:33Elle a le droit de faire ce qui lui plaît.
06:35Les personnes qui sont intervenues auprès de la police
06:37se mêlent donc de ce qui ne les regarde pas. »
06:43Elle est ennuyée et regarde fixement Versilly.
06:48« À moins que...
06:49À moins que quoi ? »
06:52Versilly se lève d'un bond.
06:54« J'ai compris, on me soupçonne.
06:57Mais c'est absurde, M. le commissaire.
07:00J'adore ma fille.
07:02Je n'admets pas ses soupçons.
07:03Je me refuse à tout interrogatoire.
07:06La police n'a pas le droit d'importuner un citoyen irréprochable,
07:10surtout en partant de simples ragots.
07:11Cet homme a raison
07:14et le commissaire est obligé de mettre l'enquête en veilleuse.
07:18Toutefois, il obtient l'autorisation de visiter sa maison
07:21et de jeter un coup d'œil sur les effets de Marie-Madeleine.
07:26C'est alors qu'une lettre de Marie-Madeleine à son père
07:28tombe entre les mains du commissaire.
07:31Cette lettre, datée de 1938,
07:33alors que Versilly n'avait pas encore quitté sa femme,
07:37comporte des expressions telles que
07:38« Je ne peux pas vivre sans toi »,
07:42« Papa, mon amour »,
07:44« Ta chère présence »,
07:46« Cette nuit, je n'ai pas pu dormir en pensant à toi »,
07:50« Les nuits loin de toi sont un supplice », etc., etc.
07:53Il est évident que ces expressions manifestent
07:57une intimité pour le moins suspecte.
08:01Aussi, dès le début de 1939,
08:03la police mobile de Lille intervient.
08:06Son chef explore toute la propriété maraîchère.
08:09Il prospecte notamment le sous-sol d'une serre de culture
08:13où, peu avant la disparition de sa fille,
08:15Versilly a défoncé le sol
08:17pour préparer une plantation de tomates
08:20qu'il a d'ailleurs réellement effectuée.
08:23Et là,
08:24à un mètre sous la terre,
08:27la police trouve un corps de femme
08:29en état de décomposition avancée.
08:31On ne tarde pas à l'identifier.
08:35C'est celui de Marie Madeleine.
08:37L'autopsie révèle la strangulation
08:39à l'aide d'une corde et des mains.
08:42Cette fois,
08:43Versilly, appréhendé par la police belge,
08:45comparait comme suspecte devant le commissaire-chef.
08:47Celui-ci l'a jaugé
08:50lors du premier entretien,
08:52et compris qu'il doit exclure de son attitude
08:55toute arrogance,
08:56toute manifestation de supériorité
08:58qui obligerait Versilly à se mettre en garde.
09:02Il va donc lui parler avec calme,
09:03pondération
09:03et objectivité.
09:07C'est l'histoire, hein ?
09:10C'est vous.
09:14Je comprends très bien maintenant
09:15que la dernière fois que nous nous sommes vus,
09:18vous n'ayez pas pu me dire
09:19tout ce que vous saviez
09:20sur la disparition de votre fille.
09:23Mais maintenant
09:24que l'on a retrouvé le cadavre,
09:27je dois vous poser
09:28quelques questions.
09:30Et le commissaire
09:31commence à poser ces questions
09:33à Versilly,
09:33qui est assis en face de lui,
09:35la figure bien éclairée,
09:37afin qu'aucune de ses hésitations,
09:39aucun de ses réflexes
09:40et de ses réactions
09:40ne lui échappe.
09:42Il évite avec soin
09:44tous les termes
09:44qui pourraient rebuter le suspect,
09:46l'inhiber ou le bloquer.
09:48Par exemple,
09:49il ne prononce pas les expressions
09:50« rapport sexuel »,
09:51« inceste »,
09:52« assassinat »,
09:53mais il use au contraire
09:54d'euphémisme.
09:56Les rapports sexuels
09:56deviennent
09:57des rapports affectifs.
09:59L'inceste devient
10:00un lien passionnel
10:02et l'assassinat,
10:04la catastrophe.
10:06De sorte qu'après avoir nié,
10:07Versilly se laisse aller
10:08à des demi-aveux.
10:10Les mots « inceste »,
10:12« rapport sexuel »
10:13et « assassinat »
10:14n'ayant jamais été prononcés,
10:16Versilly n'a pas à les réfuter,
10:17mais il admet
10:18être responsable
10:20de la mort de sa fille,
10:21échafaudant une version
10:22qui est à la fois
10:23un système de défense
10:24et d'accusation.
10:25Il s'explique
10:25d'une voix sourde,
10:27tour à tour,
10:28le visage penché en avant
10:29ou les yeux
10:30dans les yeux du commissaire.
10:32« Depuis longtemps, »
10:33dit-il,
10:34« ma femme me poussait
10:35à faire disparaître
10:36Marie-Madeleine
10:36qui par son excès
10:37d'affection envers moi
10:38et son agressivité
10:40envers elle
10:41faisaient obstacle
10:42à notre bonheur.
10:44Ma femme me conseillait
10:45tous les moyens,
10:45y compris le meurtre.
10:47Elle finit même
10:47par me l'imposer
10:48et par exiger
10:49l'enfouissement du corps
10:50de Marie-Madeleine
10:50dans la serre.
10:52Elle alla
10:52jusqu'à surveiller
10:54l'exécution de la fosse.
10:55Mais j'étais évidemment
10:56opposé au crime.
10:58J'ai fait néanmoins
10:59semblant de céder
10:59et pour donner le change,
11:01j'ai creusé le sol,
11:02mais en fait,
11:03je préparais une plantation.
11:04Je voulais soustraire
11:06ma fille
11:07à la hargne
11:08de ma femme.
11:09Je l'amenais donc
11:10à la maison maraîchère
11:11avec son jeune enfant
11:11pour la protéger
11:12et essayer
11:13de la réconcilier
11:14avec son mari.
11:16Je partis
11:16à la recherche
11:17de ce dernier,
11:18mais je ne le trouvais pas.
11:20J'insistais
11:20sans succès
11:21auprès de ma fille
11:21pour qu'elle retourne
11:22près de sa grand-mère.
11:24Au cours d'une discussion
11:25au sujet de ma femme,
11:27Marie-Madeleine
11:28me traita de lâche.
11:30Sous l'insulte,
11:32je fus la proie
11:32d'une violente colère
11:33qui éclata malgré moi.
11:35Je frappais ma fille
11:36au visage
11:36d'un coup de poing.
11:38Elle s'écroula.
11:40Elle râlait.
11:42Affolée,
11:43convaincue
11:43qu'elle se mourait,
11:45je lui serrais le cou
11:46pour abréger
11:47ses souffrances.
11:48Puis,
11:49pris de peur,
11:51je l'ai enfouie
11:52dans la serre.
11:53Les aveux de Versilly
11:54sont suffisants
11:55pour motiver
11:56une inculpation,
11:57mais dans quelle mesure
11:58a-t-il menti ?
12:00Qu'est-ce qui est vrai ?
12:01Qu'est-ce qui est faux ?
12:03Vous allez voir
12:04que pour le savoir,
12:05le commissaire va se livrer
12:06à un interrogatoire passionnant.
12:08En effet,
12:09le devoir de celui-ci
12:10est de permettre
12:10l'application de la loi.
12:12Or,
12:12la loi prévoit
12:13une peine relativement légère
12:15pour un accident,
12:16alors qu'elle prévoit
12:16les travaux forcés
12:18à perpétuité
12:18pour un crime volontaire
12:19et prémédité.
12:22On comprendra bien
12:23que le commissaire
12:24a l'impression
12:24de commettre
12:25une injustice
12:26s'il se contente
12:28de la version de Versilly,
12:29alors que tout indique
12:30qu'elle dissimule
12:31un crime bien plus grand.
12:33Enfin,
12:33Versilly fait reposer
12:35la responsabilité morale
12:36de la mort de sa fille
12:37sur sa femme.
12:38Celle-ci
12:39devrait donc,
12:40malgré ses dénégations,
12:41être poursuivie
12:42et condamnée aussi,
12:44ce qui ne peut être
12:44accepté sans preuve.
12:46Or,
12:46les seules preuves
12:47que la police belge
12:48puisse obtenir rapidement
12:49le crime s'étant passé
12:50en France,
12:51ce sont les aveux
12:52de Versilly lui-même.
12:55Le commissaire décide
12:56donc de reprendre
12:57l'interrogatoire.
13:05Les récits extraordinaires
13:06de Pierre Belmar,
13:08un podcast européen.
13:10Cette fois encore,
13:10le commissaire s'efforce
13:11d'être calme
13:12et presque respectueux
13:14de son interlocuteur.
13:16Il est bien décidé
13:16à ne pas quémander
13:17ses aveux,
13:18à ne pas insister
13:19en ayant l'air
13:20de mendier
13:20des paroles révélatrices
13:21en disant par exemple
13:22« Avouez,
13:23mais avouez donc !
13:24Allons,
13:25dites-moi la vérité ! »
13:27à ne pas le menacer
13:28surtout de l'intervention
13:29d'un chef,
13:30d'un interrogateur
13:31plus puissant,
13:31car alors Versilly
13:33se gausserait,
13:34rirait sous le cap
13:35de le voir si malheureux
13:36de ne pas réussir
13:37et mentirait avec assurance,
13:39convaincu
13:39de lui faire croire
13:40n'importe quoi.
13:42Il cherche donc
13:43une expression
13:44destinée à faire comprendre
13:45dès le départ
13:46à l'accusé
13:47qu'ils sont sur la même
13:48longueur d'onde
13:49qu'il le comprend.
13:51Tandis que Versilly,
13:52assis devant lui,
13:53immobile,
13:53se prépare
13:54à une défense
13:55pied à pied,
13:55le commissaire
13:57parcourt
13:57quelques lignes
13:58du dossier.
13:59Il lève la tête
14:00puis il dit
14:02en soupirant
14:02« Ah,
14:05les femmes ! »
14:07Versilly ne bronche pas.
14:09Mais le commissaire
14:10sait qu'en lui-même
14:10il a pensé
14:11« Tiens,
14:14le commissaire aussi
14:14doit avoir eu
14:15des problèmes
14:15avec les femmes. »
14:18« D'après ce que je comprends,
14:20dit le commissaire,
14:20votre femme
14:21n'a pas un caractère
14:23facile.
14:26J'ai même l'impression
14:27que vous n'avez pas
14:27du tout
14:28le même caractère.
14:31Ça n'a l'air de rien
14:32à ces facteurs psychologiques,
14:33poursuivre le commissaire,
14:34mais ça peut être
14:36lourd de conséquences
14:37et personne n'y peut rien.
14:40Ça finit même
14:41par rejaillir
14:42sur les plans
14:43les plus intimes.
14:44Quand on ne s'entend pas
14:46toute la journée,
14:49il n'y a pas de raison
14:50qu'on s'entende
14:50la nuit.
14:52J'ai vu ça
14:53si souvent.
14:55Au fait,
14:56ce n'est peut-être
14:56pas votre cas.
14:59Versilly
15:00a un geste désabusé
15:01qui ne signifie
15:02ni oui ni non.
15:05Donc,
15:05c'est bien son cas.
15:08Et bien entendu,
15:09répond le commissaire,
15:10pour ces dames,
15:11c'est toujours
15:12la faute de l'homme.
15:13Elles vous font
15:14des remarques désagréables.
15:16On finit par se sentir
15:17diminué.
15:18À taureau a raison.
15:20On commence
15:21à douter
15:21de sa propre virilité.
15:23On en souffre.
15:25C'est vrai,
15:26pour être heureux
15:27et équilibré,
15:27un homme a besoin
15:28d'être rassuré
15:29de ce côté-là,
15:29n'est-ce pas ?
15:32Cette fois,
15:33dans le silence
15:33du bureau,
15:34le commissaire
15:34entend nettement
15:35Versilly
15:36répondre d'une voix
15:36très basse.
15:38Oui.
15:41Alors le commissaire
15:42reprend son soliloque
15:42avec adresse,
15:44avec passion.
15:45Il est au cœur
15:46de son métier.
15:47Il parle longuement
15:48à Versilly
15:48de sa famille,
15:49de sa femme,
15:49de sa fille.
15:50Et au fur et à mesure
15:51que ses réponses
15:52d'abord hésitantes
15:53se précisent,
15:54elle renforce
15:55l'hypothèse
15:55que le commissaire
15:56s'est forgé.
15:57Il lui fait comprendre
15:58avec toutes les nuances
15:59qui conviennent
16:00à un tel sujet
16:00qu'il a deviné
16:02le mécanisme
16:03de son comportement
16:04conjugal et paternel,
16:05de son comportement
16:05sexuel surtout,
16:07avec sa femme
16:07et avec sa fille.
16:09Bientôt,
16:09Versilly admet
16:10que Marie-Madeleine,
16:12sous l'influence
16:12d'un complexe
16:13d'Édipe mal évolué,
16:14lui a manifesté
16:15une passion
16:16toute physique
16:17qu'elle s'est révélée
16:18essentiellement féminine
16:19et passive.
16:21Certes,
16:21il a longuement
16:22lutté contre
16:23cette attirance morbide,
16:24mais il reconnaît
16:25que sa répulsion naturelle
16:27a été vaincue
16:28par le besoin
16:29de jouer un rôle
16:30de mâle actif.
16:32Un jour,
16:32il a cédé
16:32et on a ressenti
16:34tout de suite
16:35une violente culpabilité.
16:38Le commissaire
16:39parle de ces choses-là
16:40comme s'il s'agissait
16:41des choses courantes
16:41de la vie
16:42et Versilly,
16:43d'abord raide
16:44dans son fauteuil,
16:45se décontracte
16:46et abandonne
16:48sa position défensive.
16:51« Vous avez dû souffrir
16:52énormément, »
16:53dit le commissaire.
16:54« Partagez entre
16:55ce besoin légitime
16:56de prouver
16:56votre virilité
16:57et un sentiment
16:59de dégoût croissant
17:01jusqu'à la nausée.
17:05D'autant que
17:05vous deviez souffrir
17:06aussi de la rupture
17:08de votre ménage,
17:10rupture dont votre fille
17:11était la cause,
17:12en fait. »
17:14Versilly
17:15ne fait pas
17:16de déclaration fracassante,
17:17il ne dit jamais
17:17totalement oui
17:18ou totalement non,
17:19mais implicitement,
17:21il adhère
17:22à la version du commissaire
17:23qui petit à petit
17:23entre dans le détail
17:25de ses états d'âme,
17:26de ses luttes intimes.
17:27Il suppose que Versilly
17:29a essayé de vaincre
17:30sa propre passion
17:31et de reprendre
17:32sa vie conjugale
17:32en éloignant
17:33Marie-Madeleine.
17:35Hélas,
17:36il n'a pas pu réussir
17:37parce que sa fille,
17:38intimement et complètement
17:39satisfaite,
17:40opposait une résistance
17:41farouche
17:42à chaque tentative
17:43de séparation.
17:45À part mesurer,
17:46le commissaire
17:46en arrive à l'essentiel.
17:47comment cette tentative
17:50désespérée
17:51de libération
17:52a pu l'amener
17:53à envisager
17:53le meurtre.
17:55Mais il ne se montre
17:56pas au trait
17:57qu'une telle pensée
17:58ait pu lui venir,
17:59ni même révolté
18:00à l'idée
18:00que le crime
18:01ait pu être commis.
18:02Il s'efforce
18:02de ne pas avoir
18:03l'air surpris
18:04par les mensonges,
18:05le sang-froid,
18:06la moralité
18:07ou le cynisme
18:08de Versilly.
18:09D'ailleurs,
18:10le commissaire
18:10ne s'intègre pas
18:11à l'action.
18:12Il veut éviter
18:13à tout prix
18:13que Versilly
18:14voit en lui
18:15un censeur moral,
18:16un père courroussé,
18:17un juge
18:18qu'il condamne.
18:19Il veut avoir l'air
18:20maintenant
18:20d'un homme
18:21qui comprend
18:22et qui ne prétend
18:23qu'à enregistrer
18:24imperturbable
18:25les déclarations
18:27de son interlocuteur
18:27sans y participer
18:28affectivement.
18:30C'est ainsi
18:31qu'il envisage
18:33l'impulsion au meurtre,
18:34le besoin
18:34de supprimer
18:35Marie-Madeleine,
18:36l'objet
18:37de la passion coupable,
18:38la recherche
18:38obsédante
18:39d'une libération,
18:40une sorte d'affolement,
18:42d'impression
18:42d'être coincé,
18:43esclave de ses sens,
18:44prisonnier,
18:45de la passion
18:45de sa fille,
18:46solution,
18:47la tuer.
18:48La seule voie
18:49qui reste ouverte
18:50pour obtenir
18:50une sorte de réhabilitation
18:52vis-à-vis de lui-même.
18:54C'est alors,
18:56c'est alors
18:57que le moment
18:58tant attendu
18:59par le commissaire
18:59survient.
19:02Le regard
19:03de Versilly,
19:03confiant et troublé
19:04tout à la fois,
19:05et son attitude
19:06tout entière
19:07l'en avertit.
19:10Brusquement,
19:10Versilly a confiance,
19:11cette confiance
19:12est déraisonnable,
19:13déraisonnable
19:14en ce sens
19:14qu'elle est étrangère
19:15à tout raisonnement
19:16et pour assise
19:17dans l'inconscient
19:18de Versilly.
19:19Versilly éprouvait déjà,
19:21venant des profondeurs
19:22de l'inconscient,
19:23un impérieux besoin
19:24d'avouer.
19:25Jusque-là,
19:26sa prudence
19:26l'en empêchait.
19:28Mais maintenant,
19:28cette confiance
19:29absurde
19:30détruit
19:31toute prudence
19:32et l'instinct
19:32de conservation,
19:33l'amour
19:34de la liberté
19:34sont subitement
19:35balayés.
19:36brusquement,
19:38Versilly déclare
19:39« Tout ce que vous dites
19:41est vrai.
19:43Si vous le savez,
19:45vous n'ignorez
19:46rien du reste
19:46et je ne peux plus
19:48vous le cacher. »
19:52Et les aveux
19:52viennent précis.
19:55L'inceste
19:55de longue date,
19:57l'homicide
19:57prémédité
19:58avec toutes ses circonstances,
20:00la mise totale
20:01de l'épouse
20:01hors de cause,
20:02etc.
20:02Mais contrairement
20:05à ce que vous pensez,
20:06chers amis,
20:06ce n'est pas
20:07la fin de l'histoire.
20:09Mais un dossier
20:09de police
20:10n'est jamais
20:10trop bien fait,
20:11trop complet.
20:12Et les autorités
20:13judiciaires belges
20:14se prennent à supposer
20:15que Marie-Madeleine
20:16aurait pu se trouver
20:17enceinte
20:18des œuvres
20:19de son père,
20:20ce qui aurait pu
20:21précipiter le drame.
20:23On estime
20:23en haut lieu
20:24que ce point
20:25doit être éclairci
20:26et le commissaire
20:27est chargé
20:28d'un nouvel
20:29interrogatoire.
20:31C'est lui-même
20:31qui nous a raconté
20:32cette quatrième
20:33et dernière rencontre
20:35en insistant particulièrement
20:36et vous allez comprendre
20:37pourquoi.
20:39Lorsqu'il va s'asseoir
20:40devant Versilly,
20:41le commissaire
20:42ne doute pas
20:43du succès.
20:44Les aveux
20:45qu'il a obtenus
20:45sont beaucoup plus graves
20:47tout compte fait
20:47que ceux
20:48qu'il espère maintenant.
20:50Versilly a confiance
20:51en lui.
20:52Il le voit bien
20:53à la façon
20:53dont il le regarde.
20:55Alors,
20:56sans s'en rendre compte,
20:57le commissaire
20:58le salue
20:58trop froidement,
20:59avec une autorité
21:00trop hautaine.
21:03Tout en parlant,
21:04le commissaire
21:04ouvre son dossier
21:05et tout en parlant aussi,
21:06il se rend compte
21:07qu'il accomplit ce geste
21:08avec une sorte
21:09de satisfaction
21:10comme heureux
21:11de revenir
21:12à ces quelques papiers
21:13qui symbolisent
21:14un triomphe personnel.
21:16Il veut se reprendre,
21:17mais déjà,
21:18il est trop tard.
21:19Un regard rapide
21:20comme l'éclair
21:20sur Versilly
21:21lui laisse voir
21:22que celui-ci
21:22a froncé les sourcils.
21:24Alors le commissaire
21:26essaie de réparer
21:27par ses propos
21:28l'impression fâcheuse
21:29que son attitude
21:30a pu créer.
21:31Mais là aussi,
21:31il est trop tard.
21:33Il est parti de l'avant,
21:33il a été trop vite,
21:34il a déjà prononcé
21:35les mots interdits,
21:37inceste,
21:37fille enceinte,
21:38soupçon de sa femme
21:39et surtout,
21:40motif du crime.
21:42Alors,
21:43rien à faire.
21:45Versilly se fige.
21:47Le commissaire,
21:47se doutant déjà
21:48qu'il va échouer,
21:49fait de son mieux.
21:51Mais,
21:52il a l'impression
21:52de quémander.
21:54Versilly qui se rédit
21:55doit sentir
21:56que le commissaire
21:57attend ses aveux
21:58pour se sortir
21:59de cette situation difficile.
22:01Et,
22:01brusquement,
22:02Versilly parle.
22:04N'assistez pas,
22:05commissaire,
22:05c'est inutile.
22:07Je sens que vous êtes
22:08du côté de ma femme.
22:11Je ne vous dirai plus rien.
22:14Et le mutisme
22:15de Versilly est définitif.
22:19Comme l'état
22:20de décomposition
22:20du cadavre
22:21ne permet pas
22:22de relever
22:22d'indices de grossesse,
22:24cette charge
22:25ne peut être retenue.
22:27Néanmoins,
22:27Versilly sera condamnée
22:28aux travaux forcés
22:29à perpétuité.
22:32Maintenant,
22:32vous comprenez,
22:33chers amis,
22:33pourquoi le commissaire
22:34a tenu à mentionner
22:35le dernier épisode.
22:36Parce que
22:37cet échec
22:38confirme bien
22:40que les vrais aveux
22:42sont le résultat
22:44d'un mécanisme
22:45purement psychologique
22:46où la raison
22:47et la brutalité
22:49n'ont
22:50aucune part.
22:51Vous venez d'écouter
23:11les récits extraordinaires
23:13de Pierre Bellemare,
23:15un podcast
23:15issu des archives
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23:17Réalisation et
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23:22Production
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