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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:07Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:12Nîmes, 1952, 27 octobre, 18h30.
00:17Les consommateurs jouent aux cartes au café de la comédie attenant au théâtre.
00:22Un agent de polycycliste faisant une ronde aperçoit une lueur.
00:26Il se rend compte que le feu s'est déclaré au théâtre et se précipite au syndicat d'initiative pour prévenir police secours.
00:35Quelques minutes plus tard, la foule silencieuse, qui se masse contenue par le service d'ordre,
00:40voit avec horreur des flammes jaillir du toit au-dessus de la scène du théâtre
00:44et monter à plus de 50 mètres de hauteur dans le ciel constellé d'escarbilles incandescentes.
00:49Le théâtre, intérieurement revêtu de bois, est désormais condamné.
00:53Et la foule, recueillie dans une immobilité poignante, peut voir les artistes rameutés pleurer
01:00tout en faisant la chaîne pour éloigner les costumes qu'un courageux pompier lance d'une fenêtre.
01:06Les pierres de la corniche commencent à tomber morceau par morceau.
01:10Le grand théâtre meurt, après une vie de deux siècles, devant la ville entière,
01:16consciente que c'est une partie de son âme qui s'échappe en flamèche.
01:23Le 28 octobre, tandis que ce qui reste du théâtre de Nîmes incendie la veille,
01:43reçoit, sous l'insolite éclat d'un soleil indifférent, l'hommage ininterrompu d'une foule consternée,
01:49l'inspecteur Bénet de la police judiciaire commence une enquête de routine.
01:54Le théâtre a flambé, certes, mais pourquoi ?
01:57Il s'agit sans doute d'un accident stupide, mais lequel ?
02:01Les artistes et les membres du personnel se sont rassemblés par force d'habitude devant l'entrée des artistes,
02:06devant ces ruines fumantes, où s'activent toujours les pompiers.
02:09C'est ainsi que l'inspecteur Bénet a connaissance des premiers témoignages
02:12qui font ressortir la soudaineté du sinistre.
02:15Maître Fichonet, chef d'orchestre, raconte.
02:18Nous étions dans nos appartements, ma femme et moi, en train de répéter, soudain.
02:22Nous avons entendu un crépitement insolite.
02:24« C'est la pluie ou la grêle ? » a demandé ma femme.
02:27Il m'en semblait que ce bruit inquiétant provenait de l'intérieur du théâtre.
02:31Par acquis de conscience, je me précipite au foyer de la danse.
02:33Et là, je comprends qu'il se passe quelque chose d'anormal dans la salle même.
02:37J'ouvre donc la lourde porte métallique qui sépare le foyer de la scène.
02:41Ouh ! Une bouffée de chaleur me saute au visage.
02:44En même temps, j'aperçois une lueur fulgurante du côté des cintres, côté jardin.
02:48Déjà, le plafond de la scène n'est plus qu'un brasier.
02:52Et le chef d'orchestre conclut.
02:53« Je n'ai que le temps de fermer précipitamment la porte et de donner l'alarme. »
02:59Derrière la façade étrangement préservée,
03:03il ne reste qu'un amoncellement de poutrelles tordues,
03:05de murs croulants, de planchers calcinés,
03:08où règne une fièvre intense.
03:10La police recueille les témoignages.
03:13Au magasin des accessoires, un sous-lieutenant de pompiers et deux sapeurs
03:16sont en train de diriger leur lance sur des amas de poutres encore fumantes
03:20lorsque le sol s'effondre.
03:23Les trois hommes font une chute d'une dizaine de mètres.
03:25Comme six autres sapeurs ont déjà été hospitalisés,
03:28le capitaine des pompiers déclare
03:29« Certes, ce n'est pas cela qui remontera notre théâtre,
03:33mais s'il y a un responsable,
03:37j'aimerais bien qu'il soit connu. »
03:40L'incendie a gravement perturbé le circuit électrique du quartier
03:43et les employés de l'EDF essaient d'y remédier,
03:45en même temps qu'ils essaient de vérifier l'hypothèse émise par la presse
03:48selon laquelle un court circuit serait à l'origine de l'incendie.
03:51Mais M. Dauby,
03:53chef électricien du théâtre qui loge sur place,
03:55n'est pas d'accord.
03:56Voici la version des faits qu'il donne à l'inspecteur Béné.
03:59Il s'entretenait avec un machiniste lorsqu'il entendit une déflagration.
04:04Il arriva sur scène pour constater
04:05que la frise supérieure de la scène était en feu sur toute sa longueur.
04:10Une déflagration ?
04:12Vous voulez dire une explosion ?
04:14Comment l'expliquez-vous ?
04:15L'explosion qui m'a alerté ?
04:17C'était sans doute l'éclatement de la verrière supérieure.
04:20C'est normal, affirme M. Dauby.
04:22Le vitrage est en effet conçu de façon à se briser
04:24dès que la température intérieure devient excessive.
04:26La fumée de l'incendie est évacuée ainsi
04:29de manière à ne pas asphyxier les spectateurs
04:31si le sinistre éclate en pleine représentation.
04:35Mais aussitôt, les flammes aspiraient par l'appel d'air
04:37qui s'est produit et ont grandi.
04:39Et ce fut le commencement de la catastrophe.
04:42Quant aux causes de l'incendie, le chef électricien est formel.
04:44Il ne peut pas s'agir d'un court-circuit
04:46depuis la fin de la représentation des pêcheurs de perles,
04:48c'est-à-dire depuis une heure du matin.
04:50Le courant avait été coupé partout,
04:52sauf dans la loge du concierge,
04:54le bureau de la direction,
04:55mon propre appartement,
04:56qui justement ait été préservé.
04:59M. Dobby ajoute,
05:00il aurait mieux valu d'ailleurs que le feu se déclare
05:02pendant que la scène est occupée.
05:03On s'en serait aperçu tout de suite.
05:05Tandis que là, je suis intervenu trop tard.
05:07Il m'a été impossible de manœuvrer
05:09la manche d'incendie intérieure,
05:10tant la température était devenue insupportable.
05:14Selon le concierge du théâtre,
05:16le feu a bien pris, ironie du sort,
05:18à cette partie des scènes qu'on appelle le grill.
05:20Il a voulu se précipiter pour ouvrir les vannes du grand secours,
05:24mais les flammes l'empêchèrent de l'atteindre.
05:26Comme tout était éteint dans le théâtre depuis la veille au soir,
05:29et que le lundi est jour de congé pour tout le personnel,
05:32il est impensable qu'un court-circuit soit à l'origine de l'incendie.
05:35Et si ce n'est pas un court-circuit, qu'est-ce que c'est ?
05:42C'est alors que la police reçoit une première lettre anonyme.
05:46Cherchez, dit cette lettre,
05:48si l'incendie ne serait pas la vengeance d'un artiste.
05:54C'est tout.
05:56Malgré sa répugnance,
05:58la police tient toujours compte des lettres anonymes.
06:00Aussi l'inspecteur rend-il visite à M. Francis Lenzy.
06:02« M. Lenzy, né à Alger, âgé de 58 ans,
06:05après une respectable carrière de ténor,
06:08a été nommé directeur de l'opéra en 1949.
06:10M. Lenzy est encore mal remis de ses émotions.
06:13Il vient de vivre une nuit de cauchemar.
06:16Croyez-vous qu'un artiste de votre troupe
06:17pourrait avoir volontairement causé l'incendie ? »
06:21demande l'inspecteur Bénet.
06:22« C'est impensable ! » répond M. Lenzy,
06:25après avoir hésité quelques secondes.
06:28Le commissaire insiste.
06:29« Avez-vous congédié quelqu'un récemment ? »
06:34« Oui, un jeune choriste.
06:37Mais ça ne peut pas être lui. »
06:40« Pouvez-vous tout de même en parler en détail ? »
06:43Alors M. Lenzy raconte
06:44que quelques semaines auparavant,
06:47il est allé à Paris pour engager les choristes.
06:49Il a notamment ramené Joës Faès,
06:52le fils adoptif d'une certaine Eva Clossé,
06:55qui est d'ailleurs venue avec lui à Nîmes.
06:57Tout de suite, M. Finet, metteur en scène,
07:00et M. Fichnet, chef d'orchestre,
07:02se sont acharnés contre le garçon.
07:03Ils le trouvent minable.
07:05Il est vrai que M. Lenzy lui a fait passer deux auditions
07:07et qu'elle n'était pas brillante.
07:09M. Aimé, le directeur financier,
07:10voulait donc qu'on le renvoie.
07:12Mais M. Lenzy, lui-même ancien ténor,
07:14et qui connaît bien la misère de son monde,
07:16a expliqué qu'il était venu de Belgique avec sa mère
07:18et qu'il faudrait peut-être attendre la saison prochaine
07:20pour décider d'un renvoi,
07:22quitte à effectuer une coupure dans son salaire.
07:24Mais M. Aimé et Finet ne veulent rien savoir.
07:27M. Lenzy a donc annoncé le renvoi de son fils
07:29à Eva Clossé à câblée.
07:32Et il lui a promis de l'engager, elle,
07:34à la saison prochaine, s'il le peut.
07:37C'était le lundi, jour de relâche, 18h,
07:39lorsque le comptable vient faire sa comptabilité.
07:42M. Lenzy lui a donné le peu d'argent
07:44qui revenait à son fils,
07:45avec une gratification.
07:47Eva Clossé a voulu ramasser les affaires de son fils
07:49dans sa loge,
07:50car le train pour Paris part à 21h30 le soir même.
07:52M. Lenzy a appelé Louis, le garçon de course,
07:55pour qu'il accompagne Mme Clossé aux loges.
07:58Il les a vus descendre tous deux,
07:59depuis, aucune nouvelle.
08:01Une enquête rapide auprès des autres artistes
08:03permet à l'inspecteur Benet
08:05de se faire rapidement une opinion
08:06sur le jeune Joës Faès.
08:09Joës, petit blondinet de 20 ans,
08:11élevé dans les jupons de sa mère adoptive,
08:13en dehors des leçons de chant qu'elle lui donne,
08:15s'amuse à découper des soldats en papier
08:17qu'il colle sur du carton.
08:19Le moins qu'on puisse dire,
08:20c'est que Joës n'est pas particulièrement doué.
08:23Son ambition est d'être un ténor
08:25comme Luis Mariano.
08:26Son air favori, c'est la belle de Cadix,
08:28qu'il massacre d'ailleurs sans vergogne
08:30et sans se soucier des voisins.
08:32L'inspecteur décide néanmoins
08:34de se rendre à l'hôtel
08:34où le jeune homme résidait avant son départ.
08:37Il est très surpris de le trouver là.
08:40Ce n'est pas un jeune homme,
08:41mais tout au plus un garçonné filiforme,
08:43sans consistance.
08:44Et le commissaire songe à abandonner cette piste.
08:46En effet, s'il était l'incendiaire,
08:48il est probable qu'il aurait pris le train
08:49dès son acte criminel accompli.
08:52Le garçon confirme à peu près le témoignage
08:54de M. Lenzy,
08:54mais ni formellement avoir mis le feu au théâtre
08:57et paraît sincère.
08:59Mais pourquoi n'êtes-vous pas parti à 21h30 ?
09:02Ma mère a remis notre départ.
09:04Le commissaire n'insiste pas,
09:05la mère et va glosser.
09:06N'étant pas là,
09:07il pense revenir la voir un peu plus tard.
09:09Mais de retour à la police judiciaire,
09:11boulevard Jean Jaurès,
09:12deux événements importants vont coup sur coup
09:15déclencher l'arrestation
09:16d'un coupable inattendu.
09:24Les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
09:27un podcast européen.
09:29Donc, je vous l'ai dit, chers amis,
09:31deux événements importants vont coup sur coup
09:32déclencher l'arrestation du coupable
09:34car il y a un coupable.
09:36Le premier événement, c'est une lettre,
09:39une lettre anonyme parmi tant d'autres lettres
09:41toutes plus farfelues les unes que les autres,
09:43qui déclare sans détail superflu
09:44l'incendiaire du théâtre,
09:49c'est Eva Closset.
09:52La lettre adressée à l'inspecteur
09:54est là depuis le matin même,
09:55mais l'inspecteur hésite.
09:56Eva Closset ne peut être coupable
09:58puisque M. Lenzy,
09:59il a vu quitter le théâtre
10:00en compagnie du garçon de course Louis.
10:01Il décide donc de convoquer ce dernier
10:04pour l'interroger.
10:04Maintenant, imaginez la scène,
10:07chers amis, car
10:08tout va se jouer en quelques minutes.
10:10Il y a là où tourne l'inspecteur Benet
10:12assis derrière son bureau,
10:13le capitaine des pompiers
10:14debout près de sa fenêtre,
10:15le représentant des compagnies d'assurance
10:16vêtu de noir malgré la chaleur
10:18et enfin un policier belge
10:19qui vient d'arriver
10:20et qui transpire à grosses gouttes.
10:22En effet, l'inspecteur a demandé
10:23des renseignements sur plusieurs artistes.
10:25Or, Joès Fahès et Eva Closset sont belges.
10:28La police belge,
10:29ayant eu à s'occuper d'eux
10:30plutôt qu'un froid
10:32et probablement incomplet rapport,
10:34a préféré
10:34envoyer ce policier.
10:36Tous écoutent ce dernier.
10:38Va-t-il leur apporter la lumière ?
10:40L'amour du théâtre lyrique
10:41est vivace à Liège,
10:42explique le brave policier,
10:44et quiconque a un peu de voix
10:45ne rêve que d'entrer un jour
10:47à l'Opéra de Paris
10:47ou à la Monnaie de Bruxelles.
10:49C'est le cas en 1906
10:50pour une jeune fille,
10:52la petite Eva Closset,
10:53qui vocalise
10:54à longueur de journée.
10:56Mais elle est fort peu douée
10:57physiquement et vocalement.
10:59Elle obtient pourtant
11:00au Théâtre Royal de Liège
11:01en 1930
11:02un petit bout de rôle.
11:03Tout ému,
11:04elle foule pour la première fois
11:05les planches.
11:06C'est le plus beau jour
11:07de sa vie.
11:08Elle se fait photographier en Mireille,
11:10assise sur un tronc d'arbre,
11:11commande des cartes de visite
11:12portant simplement
11:13Eva Closset,
11:14artiste lyrique,
11:16et devient la femme
11:16d'Henri Faès,
11:18jeune premier comique,
11:19au Théâtre Royal de Liège.
11:20C'est à cette époque
11:21qu'une sœur d'Eva,
11:22alors célibataire,
11:24a l'imprudence
11:24d'avoir un enfant.
11:26Le bébé est d'abord élevé
11:27par la grand-mère,
11:27puis, pour permettre
11:28un riche mariage
11:29à la mère de l'enfant
11:30et faire plaisir à sa femme,
11:32Henri Faès adopte le gamin
11:34qui portera désormais
11:35le nom de
11:35Henri Joës Faès.
11:38En 1934 et 1935,
11:40Eva Closset atteint
11:41le sommet de sa carrière
11:42en jouant des rôles
11:43de duègne en second.
11:45C'est ensuite,
11:46insensiblement par petites étapes,
11:48l'écroulement
11:48d'un beau rêve.
11:50Pour vivre,
11:51les cachets du Théâtre Royal
11:52devenant insuffisants,
11:53Eva Closset et son mari
11:54font de la baraque,
11:56c'est-à-dire du théâtre ambulant.
11:57Là, au moins,
11:58Eva a la possibilité
11:59de jouer des rôles
11:59dépassant ses moyens.
12:01Un grand malheur
12:02doit compromettre définitivement
12:03sa faible réussite.
12:05Elle devient asthmatique,
12:06ce qui est une catastrophe
12:07pour une chanteuse.
12:09Son unique joie,
12:10c'est son petit Joës
12:11qu'elle gâte
12:12plus qu'une mère.
12:13Le bambin,
12:14plutôt malingre,
12:15grandit dans cette ambiance
12:16de comédien
12:17perpétuellement en tournée.
12:18En 1942,
12:20Henri Fahès
12:21et Eva Closset
12:22divorcent
12:23pour incompatibilité
12:25d'humeur
12:25et elle reste seule
12:27avec son Joës
12:27espérant que plus tard,
12:29il sera
12:29un grand artiste.
12:32À ce point du récit
12:33du policier belge,
12:34l'inspecteur Bénet
12:35et le capitaine
12:36des pompiers
12:36deviennent très attentifs.
12:38Comme le portrait
12:39de la femme
12:39qui se dessine devant eux
12:41est très compatible
12:41avec celui de l'incendiaire
12:42par dépit
12:43ou par vengeance,
12:45l'inspecteur envoie
12:46immédiatement
12:46deux policiers
12:47chercher Eva Closset
12:48à son hôtel.
12:50Mais le représentant
12:51des compagnies d'assurance
12:52pour qui la culpabilité
12:53d'Eva Closset
12:54mettrait fin
12:55à tout espoir
12:55de recours
12:56rappelle
12:57qu'elle ne peut pas
12:58être l'incendiaire
12:59puisqu'elle a quitté
13:00le théâtre
13:00en compagnie
13:00d'un garçon de course.
13:02Le policier belge
13:03demande l'autorisation
13:04de tomber la veste.
13:04Assez pongeant le front
13:05avec son mouchoir
13:06compulsant ses notes
13:07il poursuit son rapport.
13:09Devant la détresse
13:10croissante
13:11d'Eva Closset
13:11et son amour
13:12du métier
13:12la direction du théâtre
13:14royale
13:14l'engage
13:14comme souffleuse.
13:15Elle retrouve ainsi
13:16l'ambiance des coulisses
13:18et de la scène
13:18hélas
13:19blottie dans le trou
13:20du souffleur
13:20les poussières
13:21lui brûlent la gorge
13:23lui provoquant
13:23des crises d'asthme
13:24intolérables.
13:25Désespérée
13:26après deux représentations
13:27seulement
13:28elle rentre
13:28dans son modeste logement
13:30pour se consacrer
13:31uniquement
13:31à l'avenir de Joës.
13:33En attendant la gloire
13:35qui doit couronner plus tard
13:36le talent de son fils adoptif
13:37elle se fait embaucher
13:38comme manœuvre
13:39à la fabrique nationale
13:40d'armes de Liège
13:41où elle fait également
13:42entrée
13:43Joës.
13:44Tous deux
13:44après un court stage
13:46doivent quitter
13:47la fabrique nationale
13:48Eva
13:48pour son asthme
13:49Joës
13:50pour incapacité
13:51notoire.
13:53Les allocations
13:53de chômage
13:54et de maladie
13:54sont désormais
13:55leur seule ressource.
13:57Toute la journée
13:58Eva
13:59entre deux cannes de tout
14:00apprend à chanter à Joës
14:01et de temps en temps
14:02fait de la baraque
14:04avec une tournée de province.
14:06Au mois de septembre 1952
14:07elle joue encore
14:08dans la porteuse de pain.
14:10Seulement
14:10comme elle est inscrite
14:11au chômage
14:12cela se sait
14:13et elle se voit réclamer
14:14comme indûment touchée
14:16la somme
14:16de 7500 francs belges
14:18ce qui motive
14:19une enquête
14:19de la police belge.
14:20C'est le coup final
14:21il faut trouver d'urgence
14:22quelque chose
14:23quitter Liège
14:24elle emprunte
14:252000 francs belges
14:26à sa soeur
14:27la mère de Joës
14:27et part pour Paris.
14:29Voilà.
14:30Voilà le rapport
14:31de la police belge
14:32il s'arrête là
14:33tous les hommes
14:34se regardent
14:35et va Closset
14:35n'est-elle pas
14:36une incendiaire possible ?
14:38Oui
14:38oui mais on l'a vu
14:39quitter le théâtre
14:40avec un garçon de course
14:41rappelle le représentant
14:42des compagnies d'assurance
14:43alors on décide
14:44d'entendre le garçon de course
14:45qui vient d'arriver
14:46mais pas du tout
14:48pas du tout
14:48dit celui-ci
14:49j'ai accompagné
14:50madame Closset
14:51jusqu'à sa loge
14:52mais pendant qu'elle ramassait
14:53les affaires de son fils
14:54on m'a appelé
14:55pour aller chercher le courrier
14:56quand je suis revenu
14:57madame Closset
14:58n'était plus là
14:58j'ai cru qu'elle avait
15:00quitté le théâtre
15:00à ce moment
15:02le téléphone sonne
15:02sur le bureau de l'inspecteur
15:03ce sont les policiers
15:04qui appellent de l'hôtel
15:05où ils sont venus chercher
15:07Eva Closset
15:07pour signaler
15:08que celle-ci s'est absentée
15:09le gosse est-il là ?
15:11oui
15:11alors ramenez-le
15:13mais l'inspecteur
15:15a tout juste le temps
15:15de raccrocher
15:16qu'on lui annonce
15:16qu'une femme
15:17vient de se présenter
15:18et qu'il demande à le voir
15:19qui est-ce ?
15:22Eva Closset
15:22faites-en entrer
15:25parle les mains
15:27légèrement tremblantes
15:28mais affichant un calme haut teint
15:30Eva Closset
15:31jette un regard
15:32sur les hommes autour d'elle
15:33puis
15:34avant même
15:35qu'ils aient le temps
15:36de se retirer
15:36elle déclare
15:37c'est moi
15:39qui ai mis le feu au théâtre
15:41et la malheureuse raconte
15:44comment
15:45elle est arrivée
15:45avec son fils adoptif
15:46à Nîmes
15:47toute pleine
15:47d'un dernier espoir
15:48comment ?
15:50le soir de la première
15:50de la juive
15:51perdue parmi les spectateurs
15:52du poulailler
15:53elle essayait de distinguer
15:53son protégé
15:54dans les seins
15:55des acteurs gesticulants
15:56minuscules
15:57en bas sur la scène
15:58Joès ignorait sa présence
16:00ce fut
16:01la seule soirée
16:03d'Eva au théâtre
16:04le dimanche soir
16:05après la troisième représentation
16:06Joès rentre la tête basse
16:09on voulait le licencier
16:11pour insuffisance
16:12c'est à ce moment là
16:14que vous avez conçu
16:15votre projet criminel
16:16demande l'inspecteur Benet
16:17non
16:18mais j'ai vivement protesté
16:21auprès de monsieur Lenzi
16:22j'ai fait remarquer
16:23qu'il était abusif
16:24de nous faire venir de Belgique
16:25mon beau-fils et moi
16:26pour nous laisser sans travail
16:28le directeur m'a finalement
16:30fait savoir
16:30qu'une répétition
16:31aurait lieu le lendemain
16:32à onze heures
16:33que mon beau-fils
16:33et trois autres choristes
16:35également congédiés
16:36auraient une chance
16:36de se repêcher
16:37l'audition eut-elle lieu ?
16:41la voix d'Eva Closset
16:42prend un accent
16:42mi-dramatique
16:43mi-vindicatif
16:44oui
16:45si on peut appeler ça
16:46une audition
16:47les trois autres choristes
16:48ont été retenus
16:49quant à mon fils
16:49monsieur Lenzi
16:50lui a dit seulement
16:50qu'il me recevrait
16:51dans son bureau
16:52vers dix-huit heures
16:52avez-vous répondu
16:55à cette convocation ?
16:56oui
16:58elle a répondu
16:58mais elle ne se faisait
17:00pas d'illusion
17:00et elle ne savait même pas
17:03comment payer l'hôtel
17:03comme c'était
17:05l'écroulement
17:06de dix ans d'espoir
17:07à la fin de toutes
17:07ses ambitions
17:08désespérée
17:08elle a été boire
17:10dans un café
17:11j'ai dû boire
17:13un peu trop
17:13dit-elle
17:14je pleurais
17:15je racontais
17:16ce qui nous était arrivé
17:17autour de moi
17:18les gens me disaient
17:20qu'il ne fallait pas
17:21que je me laisse faire
17:22je ne sais vraiment pas
17:23ce qui m'est passé
17:24par la tête
17:24je suis repassé
17:26à l'hôtel
17:27j'ai mis dans ma valise
17:28une bouteille d'alcool
17:29et des vieux chiffons
17:30je suis allé au théâtre
17:32vers dix-huit heures
17:33pour m'entendre dire
17:34que mon fils
17:35ne pouvait pas figurer
17:36dans la chorale du théâtre
17:37et qu'il me restait
17:39à passer la caisse
17:39pour toucher
17:40les huit jours de salaire
17:41qui nous étaient dus
17:42j'ai demandé
17:44que l'on me permette
17:44de prendre ma valise
17:45car je désirais
17:46m'en aller immédiatement
17:47le garçon de course
17:48du théâtre
17:48m'accompagna jusqu'à la loge
17:50comme je descendais
17:51l'escalier des artistes
17:52le garçon de course
17:52fut appelé
17:53par un autre membre
17:53du personnel
17:54il s'excusa
17:55pris congé
17:56je m'emparais alors
17:58de ma valise
17:58et après avoir traversé
18:00l'escalier des danseuses
18:01j'entrais sur la scène
18:03je sortis de ma valise
18:05la bouteille d'alcool à brûler
18:06j'en projetais le contenu
18:08sur les décors
18:08côté jardin
18:09et y mit aussitôt le feu
18:11une grande flamme
18:13s'éleva
18:13montant jusqu'au cintre
18:14la progression du feu
18:17fut-elle rapide ?
18:18très
18:18je n'eus que le temps
18:19de m'enfuir précipitamment
18:20à 100 mètres du théâtre
18:22j'entendis des gens crier
18:24au feu
18:24en me retournant
18:26je vis effectivement
18:27des flammes
18:27et d'énormes volutes de fumée
18:28qu'avez-vous fait
18:31de la bouteille vide ?
18:33je l'avais importée
18:33dans ma valise
18:34mais j'ai été prise de panique
18:36je l'ai jetée sur le sol
18:38où elle s'est fracassée
18:40les débris de la bouteille
18:42seront effectivement retrouvés
18:43au lieu indiqué
18:44par l'incendiaire
18:45Eva Closset
18:47rentre alors
18:48dans son hôtel
18:49où elle voit
18:50les petites danseuses
18:51engagées au théâtre
18:51qui pleurent
18:53parce qu'elles ne vont plus
18:54avoir du travail
18:54elle ne prend pas le train
18:57passe une nuit
18:58sans dormir
18:58et attend 8h du matin
19:00l'ouverture de l'église
19:01Saint-Paul
19:01pour se confesser
19:02le prêtre
19:04lui conseille
19:04de tout avouer
19:05mais elle n'en a pas le courage
19:07elle ne sait pas
19:08comment s'y prendre
19:09aussi rentrée chez elle
19:10elle écrit à la police
19:12la première lettre anonyme
19:13celle qui indique seulement
19:14le mobile du crime
19:15le lendemain
19:16dans une seconde lettre
19:18elle révèle au commissaire
19:19le nom de la criminelle
19:20et comme les policiers
19:22tardent à venir
19:23elle décide
19:24de se constituer prisonnière
19:26croisant sans le savoir
19:28les deux inspecteurs
19:29qui viennent l'arrêter
19:30et qui ne ramèneront
19:31que Joès
19:32vouliez-vous
19:35mettre le feu
19:36au théâtre ?
19:37non
19:38non je voulais faire peur
19:40jamais je n'aurais imaginé
19:42que l'incendie
19:43prenne de telles proportions
19:44quelques instants plus tard
19:47elle est inculpée
19:48d'incendie volontaire
19:50dans un lieu habité
19:51c'est la cour d'assises
19:53elle risque la peine de mort
19:55en sortant
19:57pour aller à la prison
19:57elle rencontre son fils adoptif
19:59dans les couloirs de la PJ
20:00elle lui dit
20:00c'est pour ton honneur
20:02mon chéri
20:03que j'ai fait cela
20:03Joès
20:06à qui le destin
20:06décidément n'accorde
20:07que des rôles lamentables
20:08se retournent
20:09tais-toi
20:10lui dit-il
20:11t'as brisé ma carrière
20:13quand il apprend la nouvelle
20:16son ex-mari
20:17Henri Faès
20:17qui fait de la baraque
20:18près de Bruxelles
20:19et qui n'a pas revu
20:20depuis dix ans
20:21son fils adoptif
20:22Joès
20:22ne veut pas
20:23qu'on lui rappelle son passé
20:25c'est une drôle d'idée
20:26d'aller mettre le feu
20:27à un théâtre
20:28je n'admets pas ça
20:30pendant ce temps
20:31Eva Closset
20:32qui fait de la prison préventive
20:34se fait aimer de tous
20:34grâce à son humilité
20:36le dimanche
20:37le prêtre
20:39qui l'a confessé
20:40à Saint Paul
20:40l'a fait chanter
20:41à la messe
20:42elle n'a pas un sou
20:43même pas une cigarette
20:44personne ne vient la voir
20:46personne ne s'occupe d'elle
20:47même pas son fils adoptif
20:49quand vient le procès
20:51le 10 juillet 1953
20:53comme Eva Closset
20:54n'a pas d'avocat
20:55c'est un ami de M. Lenzy
20:57qui se proposera gratuitement
20:58pendant le procès
21:00l'avocat pour défendre
21:01Eva Closset
21:01prétendra
21:02qu'elle fût autrefois
21:04la maîtresse de Francis Lenzy
21:06celui-ci
21:07très sincèrement
21:08peiné de la situation
21:09de la malheureuse
21:09ne protestera pas
21:11mais M. Aimé
21:13Finet et Fichnet
21:14lui en voudront à mort
21:15de ne pas charger
21:16davantage Eva Closset
21:17et de se déclarer convaincue
21:19qu'elle n'avait pas
21:20l'intention
21:21d'incendier
21:22réellement le théâtre
21:23Eva Closset
21:25est condamnée
21:26à 7 ans de prison
21:27toutefois
21:27sa conduite est telle
21:29qu'elle sera relâchée
21:30plus tôt
21:30elle deviendra
21:31paraît-il infirmière
21:33dans un asile
21:34de débiles mentaux
21:35ridiculisée
21:37par ce procès
21:37en proie à la haine
21:38sa carrière brisée
21:40Francis Lenzy
21:41le directeur du théâtre
21:43devra quitter Nîmes
21:44pour entrer
21:45comme employé
21:46le bureau
21:46aux établissements
21:47d'Yéner
21:47125 boulevard Haussmann
21:49et Joës
21:50oui
21:51Joës au fait
21:52qu'est-il devenu
21:53au moment du procès
21:56il était
21:57manutentionnaire
21:58à Nîmes
21:59mais
22:00mérite-t-il vraiment
22:02que nous cherchions
22:03à en savoir plus
22:05vous venez d'écouter
22:17les récits extraordinaires
22:19de Pierre Belmar
22:20un podcast
22:21issu des archives
22:22d'Europe 1
22:23réalisation et composition
22:25musicale
22:26Julien Tarot
22:27production
22:28Estelle Lafon
22:30patrimoine sonore
22:31Sylvaine Denis
22:32Laetitia Casanova
22:34Antoine Reclus
22:35Remerciement à Roselyne Belmar
22:38Les récits extraordinaires
22:40sont disponibles
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