Charge mentale, maladies spécifiques, rôle d’aidante… Quels sont les impacts concrets de la santé des femmes sur leur trajectoire professionnelle ? Gabrielle Fourchon (Organon), et Déborah Schouhmann-Antonio ouvrent la réflexion sur les leviers à activer dans le monde du travail en s'appuyant sur l'étude OpinionWay x Organon "La Santé des femmes au sein de la société".
Une discussion enregistrée lors de la session "Santé des Femmes & Femmes dans la Santé" du Think & Do Tank Marie Claire.
🔗 Santé des femmes au travail : quand la charge mentale freine les carrières : https://www.marieclaire.fr/sante-des-femmes-au-travail-quand-la-charge-mentale-freine-les-carrieres,1497298.asp
00:10Vous êtes directrice Affaires publiques chez Organon,
00:13un laboratoire qui dédie l'entièreté de son action à la santé des femmes.
00:16Et donc, vous êtes à l'origine de cette étude.
00:20Déborah Schuman-Antonio, on vous retrouve.
00:21Je rappelle que vous êtes thérapeute en périnatalité,
00:24spécialisée en infertilité et maternité.
00:26Gabrielle Fourchon, pourquoi avoir commandé cette étude ?
00:30Il n'y avait pas assez d'études sur la santé des femmes au travail ?
00:34Alors, bonjour à tous.
00:36Je suis ravie d'être là pour parler de santé des femmes avec vous aujourd'hui.
00:40On l'a dit, Organon, c'est un laboratoire qui dédie toute son action à la santé des femmes.
00:44Et on vient du coup apporter des solutions concrètes pour des pathologies
00:48qui les touchent de façon spécifique ou disproportionnée.
00:51Mais aujourd'hui, la santé des femmes, ce n'est pas simplement un sujet d'innovation médicale.
00:55C'est une vraie transformation sociétale qu'il faut accompagner.
00:58Et il est donc nécessaire de se connecter avec l'ensemble de l'écosystème,
01:03que ce soit évidemment les professionnels de santé, les femmes, les associations, la sphère politique,
01:08mais également les entreprises.
01:10Et comme on ne peut pas transformer ce qu'on ne mesure pas,
01:13on a souhaité collecter des données sur la santé des femmes au travail et l'intégrer dans notre étude.
01:18Qu'est-ce qui ressort de cette étude ? Qu'est-ce que vous avez appris ?
01:22Déjà, ce que je note, c'est que cette année, vous l'avez dit, il y a peu d'études sur la santé des femmes au travail,
01:29mais il y a quand même de plus en plus d'acteurs qui prennent le sujet à bras-le-corps, qui s'expriment.
01:34Donc ça, c'est à noter, c'est très positif.
01:38Moi, ce que je vois, c'est qu'on est encore sur des sujets extrêmement tabous.
01:40Il y a deux chiffres qui me marquent particulièrement, qui sont que 87% des femmes n'osent pas parler de leurs problématiques de santé.
01:4880% d'entre elles ont peur que ça affecte la perception vis-à-vis de leur crédibilité au travail.
01:55Et donc ça, on peut par extension imaginer que ça les pousse à se censurer, à se faire discrètes,
02:03à ne pas saisir des opportunités, voire à ne pas s'en créer.
02:06Et finalement, il y a un fossé entre ce que vivent les femmes et aussi ce que l'entreprise propose.
02:12Et ce fossé, il alimente la démotivation, le désengagement et la fuite des talents.
02:18Est-ce qu'il y a des pathologies qui vous ont particulièrement marquées dans cette étude, qui émanent de cette étude ?
02:24Alors, on a vu beaucoup de pathologies dans cette étude.
02:26On a fait un focus aujourd'hui.
02:27Cette étude, c'est une bonne centaine de slides.
02:32On a souhaité aujourd'hui focaliser sur la migraine.
02:35Alors, je vais dire quelques mots aussi sur l'endométrieuse.
02:38Alors, on le sait, l'endométrieuse, c'est une pathologie dont on entend énormément parler ces derniers temps.
02:43Et c'est très bien parce que ça a permis de mettre la santé des femmes au cœur des discussions.
02:48La migraine, c'est un mal qu'on connaît moins, qui est très stigmatisé, qu'on pense connaître.
02:54Mais en fait, aujourd'hui, il y a une errance diagnostique de 7 à 10 ans sur les migraines.
02:58Et pourquoi je vous en parle, c'est qu'il y a une prévalence féminine très forte, puisque les femmes sont deux à trois fois plus touchées par la migraine que les hommes.
03:0780% des migraines sévères sont féminines parce que c'est très lié à leur variation hormonale.
03:14Et donc, ça touche aussi toutes les étapes de leur vie, de la puberté à la monopause et au-delà.
03:20Et donc, il y a une perte de chance pour ces femmes-là.
03:22Et dans l'étude, on le voit, puisque 73% des migraineuses aujourd'hui déclarent des pertes de productivité.
03:29Et surtout, elles disent ne pas pouvoir en parler parce qu'elles ont peur de paraître comme fragiles ou peu fiables.
03:35Déborah, une réaction à cette étude ? Est-ce que c'est la migraine qui vous a surpris ?
03:39Oui, la migraine m'a surprise.
03:41Ce qui m'a surtout surpris, c'est le silence, en fait.
03:45Globalement, en fait, puisque j'ai eu le bonheur d'avoir l'entièreté de cette étude.
03:50C'est le silence.
03:51C'est le silence et l'image permanente que les femmes véhiculent.
03:56Et la peur, en fait, d'être stigmatisées, c'est-à-dire d'être définies uniquement par une pathologie, un mal ou une problématique.
04:04Je ne suis pas convaincue que les hommes se posent la même question, en réalité.
04:09Et là, on sent que tout pourrait être lu par ce prisme.
04:12Je dis ça parce que j'entends souvent, par exemple, en consultation, des femmes qui me disent, notamment dans les parcours de PMA,
04:18elles me disent, je dois faire plus, je dois être plus présente, je dois être encore mieux, plus performante.
04:23Pourquoi ? Parce que j'ai une défaillance par ailleurs, donc là, il ne faut pas que je sois défaillante.
04:27Il ne faudrait pas que les autres me reprochent de ne pas être au top à cause de ça.
04:31Mais c'est valable pour la PMA, c'est valable pour les migraines, c'est valable pour le SOPK, c'est valable pour toutes les pathologies, en réalité.
04:37Et ça, c'est quand même quelque chose qui est encore très puissant, en fait, dans l'esprit des femmes.
04:41C'est intéressant, Déborah, parce que vous, vous avez travaillé pendant sept ans dans des entreprises.
04:45Et vous avez lâché ce monde-là pour devenir thérapeute.
04:49Quelles étaient vos motivations ? Est-ce que, justement, l'humain est remédié à ce silence dans lequel s'enferment certaines femmes ?
04:56C'était le sujet.
04:58C'était le sujet. C'était 16 ans.
04:59J'ai fait 16 ans de la communication.
05:02Je l'ai fait très courte.
05:04Super entreprise française que je ne citerai pas.
05:08Non, je n'ai vraiment eu aucun problème, ceci dit.
05:10mes découvertes d'une infertilité et 4 ans de parcours.
05:14Et donc, j'ai fait le bon petit soldat où j'ai, exactement ce que je suis en train de raconter, copieusement caché les choses.
05:20Et j'ai performé.
05:21J'ai performé.
05:22J'ai finalement réussi à faire un enfant contre toute attente, même deux enfants contre toute attente.
05:28Et là, j'ai compris qu'en fait, il y avait un vrai problème.
05:30C'est que j'ai été punie, entre guillemets, à mon retour du premier congé maternité.
05:33C'est-à-dire qu'on m'a dit, maintenant, tu as un enfant bas âge, tu pourras appeler le performante.
05:37Et là, je me suis dit, c'est incroyable.
05:38Ça fait 4 ans que je me bats, maintenant, j'ai un bébé et en fait, on me punit.
05:41Il y a un vrai problème.
05:42Et pendant ce parcours de PMA, j'ai découvert une souffrance et un monde que je ne connaissais pas de la santé féminine.
05:48Donc, pour moi, le problème, ce n'est pas de se définir par une pathologie.
05:52Je le dis tout le temps aux gens qui sont infertiles ou aux gens qui ont une endométriose, etc.
05:55On ne peut pas, on ne doit pas se définir par ça.
05:58On ne doit pas se définir par le fait d'être une maladie, une pathologie, etc.
06:02En revanche, elle fait partie de nous complètement.
06:04Et c'est là où l'être humain, il a tout son sens.
06:08C'est que chaque humain, c'est une histoire.
06:10Ce n'est pas une pathologie.
06:11Quelqu'un qui arrive dans mon cabinet, qui me dit, bonjour, j'ai de l'endométriose.
06:14Monsieur, il a un très mauvais sperme.
06:18Ok, vous êtes qui ?
06:20Vous venez d'où ?
06:21C'est quoi votre mode familial ?
06:23C'est quoi vos aspirations et vos envies ?
06:24Ça, on l'oublie et on l'oublie dans l'entreprise.
06:27Et en effet, j'entends beaucoup cette phrase, on met ses soucis à la porte de l'entreprise.
06:32C'est vrai, on essaye, mais ils font partie intégrante de nous et on ne peut pas nous séparer
06:36comme on ne peut pas séparer notre pathologie de ce que nous sommes tellement.
06:40Donc c'est ça que les entreprises aujourd'hui ne prennent pas forcément en compte.
06:43C'est l'entièreté de l'être humain.
06:44Je vous vois réagir, mais alors quel rôle l'entreprise doit-elle jouer ?
06:47Justement, est-ce qu'aujourd'hui, en 2025, on peut se dire qu'une entreprise, elle reste hermétique
06:54à ce qui se passe dans la société, à ce que vivent ses équipes, ses collaboratrices ?
06:59Je pense que non, évidemment.
07:02L'entreprise, elle est traversée par des réalités quotidiennes.
07:07Et donc, il est temps que ce sujet de la santé des femmes intègre les politiques RH,
07:11l'exercice managerial, la culture d'entreprise.
07:14Mais je voudrais quand même insister sur un point.
07:16Ce n'est pas simplement un sujet de bien-être individuel, de performance individuelle.
07:23C'est un vrai levier, aujourd'hui, de performance économique pour les entreprises
07:27et par extension pour nos sociétés.
07:31Quelques chiffres pour alimenter.
07:34On sait aujourd'hui que des entreprises qui favorisent des mesures d'égalité,
07:38elles ont une performance qui est augmentée de 15 à 25 %.
07:42On sait qu'un salarié désengagé coûte 18 % de son salaire annuel à l'entreprise.
07:48Des chiffres comme ça, vous pouvez en trouver pour alimenter.
07:51Et donc, il est temps que la santé des femmes, elle soit complètement intégrée.
07:55Et un dernier point sur ça, la santé des femmes, ce n'est pas juste un sujet de femmes.
07:59J'ai vu quelques participants en parler.
08:01C'est une vraie mesure d'égalité parce que ce qu'on voit dans l'étude aussi,
08:04c'est que finalement, ce que demandent les femmes,
08:07flexibilité des horaires, aménagement du poste de travail,
08:10c'est des mesures de bon sens.
08:11En réalité, ce n'est rien d'extraordinaire.
08:13Ce n'est pas un privilège.
08:15Ce sont des mesures qui peuvent aussi être utiles à nos collègues masculins.
08:20Et du coup, là, on a un cercle vertueux qui se crée
08:23parce que peut-être quand un homme va enfin aller aussi
08:25peut-être chercher davantage ses enfants à l'école,
08:28mais aussi s'il lui souffre de pathologies chroniques,
08:31montrer que prendre soin de soi, ce n'est pas une faiblesse,
08:33et finalement, on crée tous ensemble un monde de l'entreprise
08:38qui est plus juste, plus égalitaire et plus performant pour toutes et tous.