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Face à l’urgence silencieuse de la santé mentale des femmes, ce débat réunit le Dr Isabelle Lonjon-Domanec (Novo Nordisk), Déborah Schouhmann-Antonio et le Pr Micheline Misrahi-Abadou.
Une discussion essentielle sur le rôle des entreprises et des pouvoirs publics pour briser les tabous et agir.

Une intervention filmée dans le cadre de la session "Santé des Femmes & Femmes dans la Santé", organisée par le Think & Do Tank Marie Claire le 24 juin 2025.

🔗 Santé mentale des femmes : briser les tabous, agir ensemble - le rôle des pouvoirs publics, le rôle des entreprises. : https://www.marieclaire.fr/sante-mentale-des-femmes-briser-les-tabous-agir-ensemble-le-role-des-pouvoirs-publics-le-role-des-entreprises,1497281.asp

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Transcription
00:00Isabelle Longeon-Domanec nous a rejoint, Débora Schuman-Antonio également, je précise que vous
00:12êtes thérapeute en périnatalité. Débora Schuman-Antonio, une réaction peut-être à cette présentation
00:19très concise. Micheline, merci beaucoup sur l'impact de la santé des femmes tout au long de leur vie.
00:27Qu'est-ce qui vous a marqué ? Merci beaucoup parce qu'on parle d'infertilité et effectivement moi je suis
00:34spécialiste en périnatalité. Alors on parle beaucoup de maternité, on parle beaucoup de la suite de la
00:40maternité, on parle moins d'infertilité. Donc en effet c'est un vrai sujet de société. C'est un sujet de
00:46société parce que je trouve qu'aujourd'hui il y a une méconnaissance et une non reconnaissance de la
00:51souffrance des gens qui sont dans des parcours de désir d'enfant. On parle de la suite évidemment mais
00:56cette reconnaissance-là elle n'existe pas puisqu'il n'y a pas d'enfant, on estime qu'il n'y a pas de
01:00douleur en réalité. C'est totalement faux et ça je pense que c'est un tabou qu'il faut absolument
01:05soulever parce qu'on parlait tout à l'heure avec la députée Prisca-Tévenot en effet de cette loi
01:10pour protéger mais il y a aussi une reconnaissance de la douleur psychologique des patientes et des
01:16patients. Et là je parle bien des deux dans les cas évidemment où les couples souhaitent faire un
01:21enfant, je parle pas uniquement des femmes seules. Et là il y a un vide. Moi j'appelle ça le syndrome
01:26de la PMA parce qu'il n'y a pas de mot en fait qui existe. Il y a des syndromes qui existent et on le
01:31définit pour les femmes enceintes ou pour le postpartum. Il n'y en a pas pour cette période de vie qui est
01:35questionnante puisque en effet ça fait partie des marqueurs de notre vie et pour beaucoup de femmes
01:41qui le désirent, il y a des femmes qui ne désirent pas d'enfant mais pour celles qui le désirent, c'est un passage
01:45important et méconnu. Donc réellement la souffrance qui est invisibilisée, on parle beaucoup de ce
01:51mot-là depuis ce matin mais c'est le mot, c'est une vraie invisibilité en effet, une vraie honte pour
01:56certaines femmes, une culpabilité profonde avec beaucoup de colère et donc j'allais vous dire dans
02:01cette salle et on en connaît tous des gens qui sont infertiles et qu'on ne peut même pas mesurer la
02:05souffrance psychique dans laquelle ils sont qui va de la jalousie à la détestation des autres, à l'isolement
02:11social, parfois aux séparations dans les couples et réellement avec une identité qui est entamée
02:18et qui est mise à mal. Donc merci d'avoir parlé de ce sujet qui me touche profondément.
02:23Hugo Botman, Déborah parlait tout à l'heure de trois moments de vie pour une femme qui sont
02:28particulièrement à risque pour la santé mentale. Est-ce que vous aussi c'est ce que vous observez ?
02:33Complètement. On est tout à fait d'accord et ce que j'entendais me faisait beaucoup de bien
02:38parce qu'en effet c'est un moment, je le disais, il y a d'abord l'infertilité, il y a les complications
02:44aussi lors de la grossesse et évidemment je parle de complications physiologiques et psychiques
02:48et la suite de la grossesse. Finalement j'ai quand même l'impression qu'on vit dans un monde où tout ça
02:54semble d'une grande évidence. Faire des enfants, ça semble d'une grande évidence. Être enceinte, ça ne peut être
02:59qu'un bonheur et la suite c'est finalement aussi qu'un bonheur. Et puis comme on est enceinte, moi j'ai énormément de
03:06patientes qui ne vivent pas du tout bien le fait d'être enceinte, ça ne veut pas dire que ce sera des
03:10mauvaises mères du tout. Ça veut juste dire que l'état physiologique dans lequel elles sont ne leur va pas
03:15mais sauf qu'on ne peut pas le dire aujourd'hui. Le dire c'est un peu, enfin tu es enceinte, tu ne peux être qu'heureuse.
03:20C'est une telle évidence. Pourquoi ? Tu as des enfants, tu les as voulus, tu devrais être heureuse.
03:25Or je pense que la confrontation, et on le voit aujourd'hui dans les consultations de plus en plus,
03:29la confrontation entre le rêve et la réalité de la vie ensuite maternelle crée un choc terrible
03:36qui fait que pour beaucoup de femmes elles se disent mais est-ce que j'ai bien fait d'en faire ?
03:40Est-ce que finalement c'est ça la vie qu'on me propose en fait ? Il y a un vrai gap entre guillemets
03:45entre ce que l'on a vendu et puis ce que l'on vit. Mais est-ce qu'on progresse sur ce gap selon vous
03:51comme la parole se libère ? On progresse sur le gap ou au contraire on l'augmente ? En effet la parole
03:57elle est beaucoup plus libre puisqu'il y a quand même des femmes qui osent dire
04:00je n'aurais finalement pas dû faire d'enfant. Je ne veux pas en faire. Je ne veux pas en faire et tant mieux.
04:05Pour autant c'est encore très stigmatisant. Moi j'entends quand même beaucoup de gens dire
04:08elles sont en minorité, vous avez qu'à réfléchir avant. Ce n'est pas un sujet qui est vraiment pris au sérieux.
04:14Moi j'ai quand même cette sensation-là. On minimise la parole des femmes.
04:17Moi j'entends quand même plein de gens, 30% aujourd'hui des femmes disent je ne veux pas d'enfant
04:22et elles ont le droit de le dire. Voilà c'est un fait établi. On parlait des causes sociétales.
04:27et tout ce qui peut se passer aujourd'hui dans notre monde. Plein de gens, j'entends encore des médecins me dire
04:32ouais enfin c'est ce qu'elles disent aujourd'hui et puis un jour elles se révéleront tard et puis elles voudront des enfants.
04:37Il y a quand même, on minimise en fait la parole des femmes. Moi je trouve que ça c'est quand même très central
04:43dans ce que j'entends moi en consultation. On la minimise et il y a toujours l'idée que oui enfin
04:47aujourd'hui vous pensez ça puis demain vous pourrez bien penser autre chose puis vous passez votre temps à vous plaindre
04:52alors qu'il y a une véritable souffrance. Mais ce chiffre Déborah, 30%, il est colossal, il n'a jamais été aussi élevé.
04:59Est-ce qu'il est inquiétant pour vous et qu'est-ce qu'il traduit au-delà du contexte géopolitique actuel ?
05:05Je pense qu'il n'est pas inquiétant, je pense que c'est une réalité, il faut la prendre en compte réellement.
05:10Il traduit une angoisse ? Il traduit principalement quand on regarde cette étude, il traduit beaucoup de peur,
05:18beaucoup de peur dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui. On en parlait tout à l'heure.
05:22Le monde est très inquiétant. Faire des enfants dans ce contexte, est-ce qu'on en a envie ? Peut-être pas.
05:27Évidemment le monde a toujours été très insécurisé mais je pense qu'il l'est particulièrement aujourd'hui.
05:32Et puis il y a une autre donnée qui est intéressante au-delà de l'écologie etc.
05:35Donc on voit des femmes qui sont impliquées, qui sont engagées.
05:39Il y a du mal aussi parfois à faire couple et il y a du mal à trouver aussi des hommes qui ont envie de s'impliquer.
05:43Moi j'aime profondément la jante masculine, je le dis, mais parfois c'est un peu compliqué, l'engagement est complexe.
05:50Puis il y a une autre partie que je trouve intéressante dans tout ça, c'est le fait que les femmes disent
05:54je n'ai peut-être plus besoin de manière obligatoire de passer par la maternité pour me sentir pleinement femme.
06:00Ça c'est très nouveau parce que moi il y a 15 ans je n'entendais pas ça dans mes consultations.
06:04Aujourd'hui on l'entend. Donc il y a plus ce besoin essentiel aujourd'hui de se dire
06:08si je suis une mère, je suis une femme à part entière.
06:10Alors autre moment de vie clé dont parlaient Micheline et Hugo Potma tout à l'heure,
06:14la ménopause évidemment, dont on va parler avec vous Isabelle Longeon-Domanec.
06:19Les sujets de surpoids et d'obésité que vous connaissez particulièrement bien,
06:23est-ce qu'ils deviennent essentiels pour la femme à ce moment-là ?
06:26Alors à ce moment-là, mais je dirais même avant, on a parlé des trois étapes clés.
06:31Ce voyage hormonal finalement de la femme, puberté, grossesse, ménopause,
06:38en fait ce sont des étapes où le poids peut varier et peut varier de façon plus ou moins importante.
06:44Bien sûr de la génétique rentre en ligne de compte, les facteurs extérieurs.
06:49Et c'est aussi, et c'était intéressant le témoignage du psychiatre,
06:53c'est aussi des moments clés de dépression.
06:57Et on voit que quand on a en plus ces conditions de surpoids ou d'obésité,
07:02on sait que chez ces patients-là, le risque de dépression, en fonction des études,
07:07il devint à 60%.
07:08Donc il est très important et il est favorisé aussi par le fait que,
07:14comme je le disais tout à l'heure, il s'agit d'une maladie chronique
07:17où il y a une inflammation et cette inflammation contribue également
07:21à ces épisodes dépressifs.
07:24Donc si on revient sur la ménopause, moi aussi, si on réfléchit bien,
07:30aujourd'hui, avec l'espérance de vie qui augmente dans nos sociétés,
07:36c'est à peu près 40% du temps qu'une femme va passer en situation de ménopause.
07:4240% de sa vie.
07:43Donc c'est quand même très important.
07:45Et il faut que cette situation-là soit vécue au mieux.
07:52Et on sait, vous l'avez évoqué, ou dans les panels précédents,
08:00un des facteurs importants, c'est la baisse des oestrogènes.
08:04Donc il y a une cause vraiment hormonale.
08:05Et cette baisse des oestrogènes fait qu'on a une répartition,
08:10notamment des graisses, qui est différente,
08:12qui va se concentrer plutôt au niveau abdominal.
08:15Et on sait que cette graisse au niveau viscéral, abdominal,
08:19peut être favorisante pour les maladies cardiovasculaires.
08:23Donc d'où une situation d'attention chez ces femmes.
08:27Comme l'a dit la députée, il faut en parler, il faut informer les femmes.
08:31Mais qu'est-ce que vous observez ?
08:32Est-ce que la prise de conscience, elle est suffisante sur le sujet, selon vous ?
08:36Alors, il me semble, alors c'est peut-être aussi parce que j'ai un biais,
08:41forcément, de s'intéresser à ce sujet-là.
08:43J'ai l'impression qu'on en parle de façon un petit peu plus fréquente,
08:48de façon, il y a des personnes qui en parlent publiquement, même à l'étranger.
08:54On avait vu Michelle Obama, par exemple,
08:56parler de la façon dont elle vivait cette période très difficile.
09:00Donc je pense que ça aide, mais on peut toujours faire mieux.
09:05Je pense qu'il faut, parce qu'il y a vraiment des choses à faire.
09:08On a parlé de l'activité physique.
09:10Je crois que c'est un élément clé.
09:13Cette activité physique, ne pas être sédentaire.
09:17Et puis, bien sûr, la nutrition qui doit s'adapter.
09:21On a un métabolisme de base au moment de la ménopause qui diminue.
09:24Donc on n'a pas besoin d'avoir les mêmes apports que 10 ans plus tôt.
09:30On est dans la partie santé mentale de cette matinée.
09:33Micheline Mizraïa-Badou, vous parliez beaucoup de la solitude
09:36quand on a préparé cet entretien.
09:38Diriez-vous que les femmes sont seules,
09:41et que ça joue sur leur santé mentale ?
09:45Oui, oui, je ne sais pas si vous m'entendez.
09:49Donc oui, les femmes sont seules.
09:51D'ailleurs, c'est ce qui a été marqué dans l'article de Marie-Claire.
09:55En ce qui concerne l'infertilité, ce qui est caractéristique,
09:58même si les causes sont autant masculines que féminines,
10:02ce sont les femmes qui subissent les traitements.
10:05Donc s'il y a un échec, les femmes se disent, c'est ma faute.
10:08Et c'est ça qui est caractéristique.
10:10D'autre part, il y a quand même effectivement des causes hormonales
10:14dont vous avez très bien parlé.
10:16Mais il y a le poids de la société.
10:18Qui veut que les femmes fassent des enfants tôt avant 30 ans ?
10:23Qui veut... Pour l'emploi, il ne faut pas avoir d'enfant.
10:27Mais quand on n'a pas d'enfant parce qu'on est ménopausé,
10:30ça ne va pas non plus pour l'employeur.
10:32Donc il y a des doubles discours qui sont très compliqués.
10:36Ce qui est très difficile avec ces discours,
10:39c'est que ça a un impact sur les femmes,
10:42mais également, par exemple, si on dit que la première cause d'infertilité,
10:45c'est le retard de l'âge de la première grossesse,
10:48eh bien on ne cherche pas les causes d'infertilité.
10:51On ne bouge pas.
10:52Et moi, ce que je dis aux journalistes, c'est qu'on ne changera pas.
10:56Les femmes vont faire des enfants autour de la trentaine
10:59parce qu'elles ont acquis des droits,
11:00parce qu'elles doivent avoir des conditions financières suffisantes,
11:04faire des études, etc.
11:05Et à quel âge les hommes veulent des enfants ?
11:08Également autour de la trentaine.
11:10Donc il y a un discours qui est très culpabilisant pour les femmes
11:14et qui retentit ensuite sur leur santé mentale
11:17et qui les isole.
11:18Pour la ménopause, alors là,
11:20elles sont complètement isolées également,
11:23puisqu'il y a cette image très négative.
11:25Et ce qui est très frappant,
11:27c'est que si la ménopause a été sélectionnée dans l'évolution,
11:30et que ça paraît vraiment une aberration
11:32de limiter la vie reproductive d'un individu,
11:35c'est parce qu'elle a apporté, au contraire,
11:38des avantages considérables pour l'espèce humaine.
11:40Donc on voit que dans les sociétés patriarcales,
11:44la vie reproductive des femmes est utilisée contre elles.
11:48Alors vous parlez de culpabilité.
11:51Est-ce que vous parleriez aussi de pression sociale accrue
11:54sur les femmes qui posent problème
11:57et qui influent sur leur santé mentale ?
11:59Oui, absolument.
12:00Par exemple, c'est ce que je viens de dire,
12:02on veut que les femmes fassent des enfants jeunes.
12:04Mais il n'y a rien.
12:05Par exemple, faire un enfant au cours de ses études,
12:08c'est très difficile, voire impossible.
12:11Une femme qui a un emploi et qui veut faire des enfants tôt,
12:14c'est pareil, il y a une discrimination au travail.
12:17Donc on voit le double discours de la société.
12:20Donc au total, il faut connaître les causes
12:22et il faut que ce soit la société qui change
12:25et non pas les femmes.
12:27Et ça, par exemple, en Suède,
12:29ce sont vraiment des modifications sociétales
12:33qui ont été prises.
12:34C'est la parentalité qui doit changer.
12:36On doit arrêter ce terme de congé maternité,
12:40utiliser un terme de congé parental
12:43et il n'y aura plus de discrimination au travail.
12:46Les femmes et les hommes seront en congé de la même façon.
12:49Donc il y a toute une série de mesures sociétales
12:52qui sont à prendre.
12:53Et moi, je pense que ceux qui disent
12:55que la fertilité s'effondre à 30 ans
12:57parce qu'ils espèrent qu'ainsi les femmes auront peur
13:01et auront des enfants plus tôt,
13:03c'est peine perdue, ça ne marchera pas.
13:06Et je voudrais dire une chose,
13:07c'est que les femmes de 30 ans qui vont dans un centre d'AMP,
13:11oui, elles sont peut-être infertiles.
13:13Et donc vous avez les statistiques des centres d'AMP.
13:15Mais la femme de 30 ans de tous les jours,
13:18elle n'est pas infertile.
13:19Et elle, elle aura des enfants normalement.
13:21Donc attention aux statistiques des centres d'AMP.
13:25Oui, je voulais juste rebondir sur, effectivement,
13:28l'entreprise par rapport aux situations de grossesse,
13:32de congé maternité.
13:34Et j'ai la chance, donc chez Novo Nordis,
13:36qui est une entreprise danoise,
13:38il y a vraiment, enfin, très récemment,
13:40a été recrutée une femme enceinte
13:44et qui est partie trois mois plus tard
13:46prendre son congé maternité.
13:47Ça, c'est un exemple.
13:49Par ailleurs, les hommes ont des congés paternité
13:51équivalents à ceux des femmes.
13:54Dans une semaine, on a une personne
13:56qui va partir en congé maternité pendant quatre mois,
13:58un homme, pour prendre aux côtés de sa femme.
14:03Et je pense que ça, c'est quelque chose
14:06qui va aider les femmes.
14:08Parce qu'on sait que maintenant,
14:10c'est pas parce qu'on va recruter un homme
14:12qu'on n'aura pas potentiellement un congé maternité.
14:15Alors qu'avant, voilà, une femme,
14:17on regardait son âge, est-ce qu'elle a des enfants ?
14:20Donc, je pense que ça, ça aide.
14:22Et je sais qu'il y a d'autres entreprises qui le font.
14:25Et si on pouvait généraliser ça,
14:26je pense que ça aiderait beaucoup les femmes.
14:29C'est un thème mental, toujours, Déborah.
14:31Certaines jeunes filles exposent publiquement
14:34sur les réseaux sociaux leurs troubles,
14:37leur traitement, elles revendiquent une démarche
14:42de vulgarisation, voire de déstigmatisation.
14:44Qu'est-ce que vous en pensez ? C'est bien ?
14:47Je suis un peu partagée, en fait.
14:49Je trouve ça... Je trouve, dans un sens,
14:51c'est extrêmement bien.
14:52Ça veut dire que c'est incarné.
14:54Soudainement, il y a des gens qui s'expriment.
14:55Et comme on le disait tout à l'heure,
14:56c'est très compliqué de s'exprimer sur la santé mentale.
14:59Donc, soudainement, elles le font, elles le disent,
15:01elles l'incarnent, et souvent,
15:02avec une très bonne volonté.
15:04Le seul souci, c'est que je crains
15:08que par moments, en fait,
15:09elles donnent des conseils
15:10qui ne soient pas les bons conseils.
15:11C'est-à-dire que ça ne remplace pas une thérapie
15:13d'aller voir un médecin
15:14et parfois d'être dans un parcours médicamenteux.
15:17Ça permet de s'identifier,
15:18mais en même temps,
15:19est-ce qu'on allait mettre vraiment
15:19les mêmes symptômes, les mêmes choses ?
15:21Pas sûr.
15:22Donc, c'est un peu troublant, parfois,
15:24pour les gens qui regardent.
15:25Puis, j'en discutais avec ma grande-fille
15:26qui a 16 ans et qui me disait
15:27le problème, c'est quand tu commences
15:28à regarder un truc comme ça sur Instagram,
15:30ensuite, l'algorithme fait que tu n'as que
15:32des situations de gens en dépression.
15:35Et donc, ça finit quand même
15:36par être un peu déprimant nous-mêmes.
15:37C'est-à-dire que des gens
15:39qui ont envie de se suicider,
15:40qui racontent des trucs horribles.
15:41Et donc, finalement, c'est contre-productif.
15:43C'est-à-dire que l'algorithme, en plus,
15:44fait que tout ça est déversé.
15:46Donc, c'est là où je suis un peu mitigée.
15:47Je trouve ça bien de mettre des mots dessus,
15:48mais je pense que ces jeunes femmes
15:50ou ces jeunes hommes qui en parlent
15:51devraient aussi dire
15:53mais je ne suis pas, en fait, une maladie.
15:56Je ne suis pas la maladie.
15:57Je ne suis qu'une partie d'eux.
15:59Je représente quelque chose de très parcellaire.
16:01Et donc, il faut quand même consulter.
16:03Donc, inviter à avoir un discours
16:04qui, derrière, va un peu ramener
16:06vers les praticiens, vers les spécialistes, etc.
16:09Donc, alerter, c'est indispensable.
16:11Puis, accompagner pour aller ensuite
16:12vers des traitements, peut-être.
16:14Mais cette utilisation accrue des réseaux sociaux
16:17vient renforcer cette notion de solitude
16:19dont parlait Micheline tout à l'heure.
16:21Est-ce que vous, c'est ce que vous observez
16:22au sein de votre cabinet ?
16:23Oui.
16:24Oui, oui.
16:24Le vrai problème aujourd'hui des réseaux sociaux,
16:26d'abord, c'est la comparaison.
16:28L'être humain adore se comparer.
16:30De toute façon, je pense qu'on est tous comme ça.
16:32On adore regarder ce qui se passe.
16:33Mais alors maintenant, on a une fenêtre ouverte
16:34pour aller directement chez les gens
16:36et voir ce qui s'y passe.
16:36Donc, c'est merveilleux.
16:38Le problème, c'est qu'on se compare
16:39à une infime partie de la réalité.
16:41Moi, je n'ai jamais vu personne
16:42sur un réseau social mettre une photo,
16:45je ne sais pas, après un accident horrible
16:47ou un moment où on a pleuré vraiment, etc.
16:49Donc, il y a beaucoup de mise en scène,
16:50mais il n'y a pas de réalité.
16:51Donc, ça, c'est très compliqué.
16:54Et puis, on est sollicité, j'allais dire,
16:55en permanence par des messages.
16:58Je parlais tout à l'heure de la pression,
16:59notamment sur les femmes, pour les enfants,
17:01mais de la difficulté des informations
17:03qui arrivent en flux continu.
17:05Et ça, pour la santé mentale,
17:07c'est un vrai risque.
17:08Très clairement, toute la journée,
17:09nous sommes sollicités par des images affreuses,
17:12des messages d'angoisse, etc.,
17:14qui augmentent.
17:15Moi, je le vois, des gens qui me disent
17:16de manière informationnelle,
17:17j'ai tout coupé.
17:18Je n'en peux plus d'être sollicité
17:19en permanence de tout ce qui se passe.
17:20Donc, c'est un véritable isolement.
17:22C'est-à-dire, je suis seule avec mon écran.
17:24Moi, j'ai quand même entendu
17:25la semaine dernière sur France Inter,
17:28qui me paraît être une radio assez correcte,
17:31que beaucoup de gens utilisaient quand même
17:33ChatGPT comme psy.
17:37Oui.
17:38Moi, je trouve ça...
17:38Non, voir comme ami.
17:40Comme ami et comme psy.
17:41Comme grand-copain.
17:42Moi, je trouve ça un peu délirant.
17:43C'est-à-dire, à quel moment,
17:45il n'y a pas d'interactivité humaine.
17:48Et là, j'allais dire, pour moi,
17:49l'humain, il a tout son rôle, tout son centre.
17:50Et on manque cruellement de connexion.
17:53Moi, je vois beaucoup de gens,
17:54on a tous les outils pour le faire,
17:56mais on ne sait plus se parler.
17:58On ne sait plus rentrer en contact avec quelqu'un,
18:01comprendre, être dans une dynamique avec quelqu'un
18:03et éventuellement se confronter.
18:04Quand je dis se confronter,
18:05ce n'est pas forcément positif.
18:06Donc, l'isolement, il est très clairement là, en fait.
18:08Ces outils qui doivent nous aider
18:09sont parfois contre-productifs.
18:12Dernière question à toutes les trois.
18:14Il y a un sociologue qui s'appelle Romain Delès
18:16qui disait récemment que la France était dans un régime
18:18d'égalité contrariée,
18:20c'est-à-dire que les femmes sont entrées
18:21dans le monde du travail traditionnellement
18:24réservées aux hommes,
18:26mais que eux, les hommes,
18:28sont restés aux portes de celui de la famille.
18:30Donc, ça crée une dissymétrie
18:31qui n'est pas en vigueur,
18:34qui n'est pas le cas dans des pays comme la Suède,
18:36qui ont des rôles parfaitement symétriques.
18:38Quel est le rôle de cette asymétrie française
18:41dans la charge mentale
18:42et dans la santé mentale des femmes, selon vous ?
18:46À la question à toutes les trois, Micheline, si vous voulez.
18:48Oui, comme ça a été évoqué,
18:50actuellement, il y a 30% des femmes
18:53en âge de procréé
18:54qui ne veulent plus d'enfants.
18:57Et quand on les interroge,
18:59d'abord, il y a des causes économiques,
19:02il faut faire des études,
19:03et puis, il y a le fait qu'elles savent très bien
19:05qu'elles vont assurer une double fonction,
19:09c'est-à-dire que c'est elles
19:10qui auront la charge de l'enfant.
19:12Donc, effectivement,
19:13il faut qu'il y ait vraiment un message
19:15qui revienne vers les hommes
19:17et que c'est tout à fait vrai ce qui a été dit,
19:19il faut que les hommes s'impliquent maintenant.
19:22D'ailleurs, ce que dit Boris Cyrulnik,
19:24qui est co-auteur avec moi d'un livre
19:26que j'ai publié chez Odile Jacob
19:28qui s'appelle Nouvelle fertilité, Nouvelle famille,
19:31c'est que l'enfant a absolument besoin de son père.
19:35On n'a pas le droit de lui enlever son père.
19:38Donc, les mille premiers jours,
19:39vous savez que c'est lui qui est à l'origine
19:40de cette notion des mille premiers jours,
19:42c'est la grossesse,
19:44et ensuite, les deux années suivantes.
19:46Pendant la grossesse,
19:47il entend la voix de son père,
19:49il a une communication évidemment avec sa mère,
19:51mais avec son père aussi,
19:52et ensuite, pendant la période périnatale
19:54et jusqu'à l'acquisition du langage,
19:57où les parents vont lui raconter
19:58l'histoire merveilleuse de sa vie
20:00et comment il est arrivé là,
20:02il a besoin de ses deux parents.
20:03C'est pour ça que pour Boris Cyrulnik,
20:05il faudrait un an de congé
20:07pour chacun des deux parents pour pouvoir...
20:10Alors là, c'est très important
20:11parce que ça va être même préventif,
20:14puisque vous savez que maintenant,
20:16il y a beaucoup d'agressions, etc.,
20:18de toute la délinquance.
20:20Donc, si on s'occupe des enfants,
20:22de leur prise en charge,
20:23on fera une prévention de la délinquance plus tard.
20:26Et donc là, il faut vraiment
20:27que les hommes se rendent compte de ça
20:29et qu'ils prennent leur place.
20:30Mais il faut que la société leur permette,
20:33leur donne un congé paternité suffisant, etc.,
20:36qui actuellement est de un mois,
20:37grâce à Boris Cyrulnik,
20:39mais c'est très, très insuffisant.
20:41Alors, c'est vrai que pour être dans une compagnie danoise,
20:44ça se fait énormément au Danemark.
20:47Cette période après la naissance de l'enfant,
20:49pendant un an,
20:50les gens sont en congé maternité.
20:54Alors, je voudrais finir quand même
20:55sur une note positive,
20:56parce que moi, j'ai vu l'évolution aussi,
20:58quand moi, j'ai été mère,
21:00et puis maintenant,
21:03j'ai une fille.
21:05Il n'y a pas de...
21:07Une femme qui veut reprendre le travail,
21:09il n'y a pas ce sentiment quand même
21:11de culpabilité,
21:12comme on peut le voir peut-être en Allemagne,
21:13où j'avais des collègues en Allemagne,
21:15où vraiment une femme qui a eu un enfant
21:16doit rester à la maison,
21:18au moins pendant un certain temps.
21:19Et on a aussi des conditions de garde
21:22pour les enfants en France
21:23qui n'existent pas, par exemple,
21:25en Allemagne pour les tout-petits.
21:27Donc, il y a des choses qui sont faites.
21:29Ce n'est pas parfait.
21:30On pourrait se rapprocher un petit peu plus
21:31des, je suis d'accord,
21:33des pays nordiques,
21:34mais je trouve que
21:35la place de la femme dans la société,
21:39dans la société professionnelle,
21:41a quand même évolué au cours des dernières années.
21:46Et encore une fois,
21:47on peut toujours faire mieux,
21:51mais je voudrais quand même rester
21:52sur une note positive,
21:53parce qu'on a dit beaucoup de choses négatives.
21:55Merci, beaucoup Isabelle.
21:56Merci.
21:58Déborah ?
21:59Petite note positive,
22:00je suis d'accord,
22:01ça a quand même beaucoup évolué.
22:03Madame Badinter disait,
22:05messieurs, encore un effort,
22:06dans son dernier livre,
22:07donc je pense qu'elle a totalement raison.
22:08Encore un effort,
22:09mais je pense qu'il faut un peu,
22:11c'est pareil du haut ce que je vais dire,
22:12mais je crois qu'il faut les aider,
22:13il faut les accompagner,
22:14parce que depuis toujours,
22:15en fait,
22:16on a l'impression que c'est les femmes
22:17qui vont tout faire
22:18pendant ces parcours-là,
22:19donc non,
22:20il faut qu'ils aient une vraie place,
22:22que les professionnels de santé,
22:23je le dis aussi,
22:24les accueillent pleinement
22:25dans les parcours d'infertilité,
22:26de maternité, etc.
22:27Donc ils ont un vrai rôle
22:28dès le départ,
22:30et puis que nous,
22:31on accepte aussi parfois
22:32de leur faire peut-être plus confiance
22:34et de lâcher un peu prise,
22:35parce que parfois,
22:36on a l'impression que nous,
22:37on sait,
22:37et du coup,
22:38on ne leur donne pas,
22:38et en plus,
22:39on se plaint parce qu'ils ne font pas.
22:40Donc il faut aussi que nous,
22:40on change notre mentalité,
22:42donc c'est un vrai travail collectif,
22:43en réalité.
22:44Je crois que quand on fait un pas,
22:45l'autre peut faire un pas,
22:46mais voilà,
22:47c'est une forme toujours de collectif,
22:49ça ne peut pas être tout seul.
22:51Merci beaucoup pour cette sagesse,
22:53Déborah Schumann-Antonio,
22:55Micheline Mizrahi-Abadou,
22:57et Isabelle Lonjon.
22:59Merci infiniment à toutes les trois,
23:00on peut vous applaudir bien fort.
23:01Merci.

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